III. DES INITIATIVES DONT LA COHÉRENCE D'ENSEMBLE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE

Lors de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pris conscience du dynamisme des coopérations bilatérales et plurilatérales (dites aussi « minilatérales ») existant en Europe dans le domaine de la défense. Ce dynamisme est très positif mais il pose la question de l'articulation des initiatives et de la cohérence d'ensemble de la défense européenne.

A. UNE MULTITUDE D'INITIATIVES QUI TÉMOIGNENT DU DYNAMISME DE L'IDÉE DE DÉFENSE EUROPÉENNE

Même après six mois de travail et sept déplacements en Europe, il serait illusoire de vouloir donner une vision exhaustive de toutes les coopérations existantes sur le continent... tant celles-ci sont nombreuses . Le présent rapport mentionnera donc quelques exemples illustrant le dynamisme de ces initiatives, sans prétendre à l'exhaustivité.

1. Des sous-groupes régionaux multiples

Le schéma ci-dessous illustre la complexité de l'architecture de la défense européenne, dont l'OTAN et l'UE sont les principaux piliers mais qui comporte des enceintes multiples.

La défense européenne : une architecture complexe

Source : Audition de Mme Alice Guitton et M. Nicolas Roche

a) Des coopérations entre pays voisins : l'exemple de la Roumanie

Nous avons déjà mentionné plusieurs exemples de coopérations entre pays voisins : les coopérations bilatérales de la France avec ses partenaires européens, ou encore les coopérations belgo-néerlandaise et germano-néerlandaise.

Il en existe de nombreux autres exemples.

Vos rapporteurs se sont rendus à Bucarest à l'occasion de la Conférence interparlementaire de la PESC/PSDC organisée par la présidence roumaine de l'Union européenne.

La Roumanie considère l'OTAN, qu'elle a rejointe en 2004, comme la clé de voûte de sa politique de défense. Elle héberge, depuis 2015, le commandement de la division multinationale Sud-Est de l'Alliance et une « unités d'intégration des forces » OTAN (NFIU), ainsi que, depuis 2016, un dispositif de défense antimissile balistique. Le Sommet de l'OTAN de 2016 a décidé la mise en place d'une « présence avancée adaptée » en Europe du Sud-est, avec notamment une brigade multinationale à Craiova regroupant des détachements de dix États contributeurs. La Roumanie consacre 2 % de son PIB à son budget de défense depuis 2017.

Les Roumains sont très inquiets des agissements de la Russie dans leur voisinage. Étant riverains de la mer Noire, dont certains d'entre eux pensent que la Russie veut faire une mer intérieure, ils s'estiment directement frontaliers de ce pays et nous ont mis en garde, dans ce contexte contre toute conception de l'autonomie stratégique qui conduirait à un « isolement stratégique » .

L'autonomie stratégique doit, selon eux, être un moyen non pas d'isoler l'Europe mais de renforcer sa contribution à l'OTAN.

La Roumanie met en oeuvre des coopérations multiples avec les armées de ses voisins :

- Un bataillon mixte roumano-hongrois de maintien de la paix , créé en 1999 : s'inspirant de la brigade franco-allemande (BFA, voir ci-après), la création de ce bataillon mixte a pour but de promouvoir la confiance et le rapprochement entre les deux armées, tout en développant la compatibilité de leurs matériels et leur interopérabilité.

- Un bataillon multinational du génie « TISA » , créé en 2002 avec la Slovaquie, l'Ukraine et la Hongrie.

- La force multinationale de paix du sud-est de l'Europe (MPFSEE) et sa composante opérationnelle, la Brigade du sud-est de l'Europe (SEEBRIG) : créée en 1998, elle regroupe l'Albanie, la Bulgarie, la Grèce, l'Italie, la Macédoine du nord, la Roumanie et la Turquie. Sa mission est de mener des opérations de maintien de la paix sous la conduite de l'OTAN ou de l'UE et sous mandat de l'ONU ou de l'OSCE.

b) Une mosaïque d'initiatives

En dehors de l'UE et de l'OTAN, il existe une mosaïque d'initiatives plurilatérales de portées très diverses , à géométries variables. Beaucoup relèvent de ce que l'on appelle le « minilatéralisme » c'est-à-dire des « coopérations engageant entre deux et une dizaine d'États, dont la logique fondamentale est de ne compter qu'un petit nombre de participants, et qui ne nécessitent pas d'institutions permanentes dédiées » 74 ( * ) , ou qui ne nécessitent que des institutions légères, non bureaucratiques. Il s'agit d'éviter les blocages associés au fonctionnement du multilatéralisme qui, de façon générale, est de plus en plus contesté.

Le minilatéralisme associe souvent des États voisins, ayant une même perception de la menace et des cultures stratégiques similaires.

L'Europe compte ainsi plusieurs groupes sous-régionaux, dont voici quelques exemples :

- Northern Group : Initié par le Royaume-Uni en 2010, ce groupe informel comprend des États riverains de la mer du Nord et de la mer Baltique : États du nord de l'Europe (dont la Suède et la Finlande, non membres de l'OTAN), États Baltes, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Allemagne.

- NORDEFCO ( Nordic defense cooperation ) : créé en 2009, NORDEFCO réunit les 5 États du nord de l'Europe membres du Conseil nordique (Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède). Il comprend un volet de coopération politique et un volet de coopération militaire. C'est là aussi un modèle de coopération « à la carte ».

- Coopération militaire des pays du groupe de Visegrad dit V4 (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), qui dispose d'un groupement tactique (GTUE) ; les pays d'Europe centrale coopèrent par ailleurs au travers de l'Initiative de défense de l'Europe centrale 75 ( * ) .

Les groupements tactiques de l'UE constituent une tentative de fédérer des initiatives foisonnantes. Ils ont au moins ce mérite, même s'ils n'ont jamais été déployés à ce jour, et sont généralement considérés comme un échec de l'UE.

2. Quelle force de réaction rapide pour l'Europe ?
a) Des tentatives multiples

Parmi les multiples initiatives multinationales en Europe, beaucoup ont le même objectif, à ce jour inabouti : la création d'une force de réaction rapide , susceptible d'intervenir en urgence pour le maintien ou le rétablissement de la paix en cas de crise à l'extérieur du territoire de l'UE, en lieu et place des coalitions ad hoc qui jouent généralement ce rôle.

L'Europe tâtonne en quête d'une réactivité collective , dont on voit bien qu'elle serait un succès décisif sur la voie d'une défense européenne .

Parmi ces tentatives, la création des groupements tactiques de l'UE (GTUE), déjà mentionnés dans le présent rapport, est emblématique des difficultés rencontrées. Ils n'ont jamais été déployés à ce jour faute d'accord politique mais ont permis des rapprochements multinationaux dont l'avenir dira s'ils peuvent être fructueux.

Il faut signaler aussi l'existence de la NRF ( NATO Response force ) de l'OTAN , force multinationale interarmées créée en 2002, que les pays de l'OTAN ont décidé de renforcer en 2014 en créant, en son sein, une « force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » (VJTF), dont le commandement relève du commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR). GTUE et NRF fonctionnent à partir d'unités identifiées dans les armées des pays participants, qui tournent par rotation tous les six mois pour assurer la permanence de l'alerte. L'OTAN met par ailleurs en oeuvre une nouvelle « initiative de réactivité » (NRI), à laquelle la France participera de façon substantielle, qui vise à ce que les alliés puissent disposer en 2020 de 30 bataillons mécanisés, 30 escadrons aériens et 30 navires de combat, mobilisables dans un délai maximum de 30 jours (initiative dite 4x30).

Il faut bien sûr mentionner ici l'existence de l'Eurocorps, qui est historiquement l'une des premières tentatives de disposer d'un corps de réaction rapide européen puisqu'il a été créé en 1992, à l'initiative de la France et de l'Allemagne. Regroupant 5 États membres (France, Allemagne, Espagne, Belgique, Luxembourg), l'Eurocorps est un état-major de niveau corps d'armée, basé à Strasbourg qui a vocation à commander des forces dans des opérations de l'UE ou de l'OTAN. Il peut commander jusqu'à 60 000 hommes et participe aux permanences par rotation tant des GTUE que de la NRF. Le Corps européen a été engagé dans des opérations de l'OTAN en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et dans le cadre de missions de l'UE au Mali et en Centrafrique.

Plusieurs forces multinationales ont par ailleurs été constituées, dans le but de permettre de réagir rapidement à une crise :

- La Joint expeditionary force (JEF) : Créée en 2014 sous impulsion du Royaume-Uni, elle regroupe des pays du nord de l'Europe : Royaume-Uni, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Pays-Bas et les trois États baltes. Elle a été déclarée pleinement opérationnelle en 2018 et mène cette année des exercices dans la mer Baltique ( Baltic protector ).

- La Combined joint expeditionary force (CJEF) : Corps franco-britannique de 5000 personnels, créé dans le cadre des accords de Lancaster House (voir précédemment), la CJEF présente l'intérêt d'impliquer les deux plus grandes puissances militaires européennes, dotés de cultures stratégiques proches. Elle doit être déclarée pleinement opérationnelle en 2020.

- La Brigade franco-allemande (BFA) : créée en 1989, la BFA est une unité binationale composée de 5 600 soldats, dont 40 % de Français et 60 % d'Allemands, répartis de part et d'autre du Rhin en un état-major, six régiments et bataillons et une compagnie autonome. La BFA est intervenue dans le cadre de la Force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (SFOR), en Afghanistan (ISAF) et au Kosovo (KFOR). En 2018, la BFA a été déployée au Mali : les Français, au sein de l'opération Barkhane et les Allemands, au sein de la Minusma et de l'EUTM-Mali, illustrant ainsi les difficultés de mise en oeuvre d'une force multinationale sans unification des cultures et règles d'engagement, c'est-à-dire, en définitive, sans unification politique.

C'est à cette question de fond que tente de répondre l'Initiative européenne d'intervention (IEI), créée pour rapprocher les cultures stratégiques.

b) L'Initiative européenne d'intervention

Annoncée par le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 et lancée officiellement le 25 juin 2018, l'Initiative européenne d'intervention (IEI) est une illustration récente de l'esprit du minilatéralisme.

Elle vise à favoriser l'émergence d'une culture stratégique européenne pour renforcer la capacité des États participants, au nombre de 10 76 ( * ) , à agir ensemble dans le cadre d'engagements coordonnés et préparés conjointement sur tout le spectre des crises.

Cette instance est volontairement informelle, avec des rencontres régulières à plusieurs niveaux mais sans institutionnalisation. Bien qu'indépendante de ces deux institutions, elle a néanmoins pour objectif de renforcer l'OTAN et l'UE , d'une part en améliorant la capacité de ses membres à agir militairement ensemble et, d'autre part, en donnant lieu à des projets concrets, notamment dans le cadre de la Coopération structurée permanente. L'IEI est également bienvenue en ce qu'elle permet d'associer le Royaume-Uni malgré le Brexit, ainsi que le Danemark (malgré son opt-out de la PSDC).

Vos rapporteurs estiment qu'il est important de conduire ce travail de rapprochement des cultures stratégiques, y compris au niveau parlementaire, en multipliant les contacts avec tous nos partenaires européens. C'est cette démarche qu'ils se sont efforcés d'initier dans le cadre du présent rapport. Donner une dimension parlementaire à l'IEI , dans un cadre non rigide et non formalisé, pourrait être le moyen de rendre cette démarche plus systématique - tous les pays participants seraient conviés - et plus régulière.

Pour inclure davantage de pays, notamment l'Italie, la Pologne et d'autres pays du Nord et de l'Est de l'Europe, non membres de l'IEI, ce dialogue des parlements nationaux sur les questions militaires et stratégiques pourrait également se tenir dans le cadre d'une Université d'été de la défense européenne .

3. Deux exemples de mutualisation des moyens

Deux  exemples réussis de mutualisation des moyens (« pooling and sharing ») doivent être mentionnés : l'EATC et Helios / Musis . Il s'agit de coopérations opérationnelles, engagées dans un souci d'efficacité pour rationaliser l'usage des actifs européens dans les domaines, d'une part, du transport aérien militaire et, d'autre part, de l'observation spatiale.

a) Le partage de moyens de transport aérien

Le Centre européen de commandement du transport aérien EATC ( European Air Transport Command ), qui vise à optimiser l'emploi des moyens de transport aérien militaire, pour produire des synergies en termes de coûts, constitue un exemple réussi de mutualisation des moyens . Regrouper les capacités de plusieurs pays procure de multiples avantages, en dehors de synergies évidentes. Cela permet par exemple de choisir l'avion le plus adéquat pour obtenir les autorisations de survol nécessaire à la mission, en fonction des relations privilégiées pouvant exister entre pays.

Créé en 2010, basé à Eindhoven (Pays-Bas), l'EATC est une organisation unique en son genre, qui réunit 7 pays (Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas depuis l'origine, Luxembourg depuis 2012, Espagne et Italie depuis 2014). Les sept pays membres gèrent leurs moyens de transport aérien militaire sous un commandement unique. La flotte est composée de plus de 170 appareils situés dans 13 bases aériennes nationales, représentant 60 % des capacités aériennes de transport militaire en Europe. L'EATC exerce également des missions dans les domaines du ravitaillement en vol et de l'évacuation sanitaire. Les États sont libres de ne pas partager l'ensemble de leurs capacités.

L'EATC gèrera notamment les 8 appareils A330 MRTT du projet MMF ( Multinational Multi-Role Tanker Transport Fleet ) qui réunit 5 pays (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège). Ces appareils seront exploités par l'unité multinationale MRTT (MMU) et colocalisés sur les bases aériennes d'Eindhoven et de Cologne. Le portefeuille de capacités de l'EATC sera ainsi alimenté par une force multinationale, le projet MMF étant lui-même un modèle de coopération en Europe . La souplesse du dispositif permet à un Etat non membre de l'EATC (la Norvège) de participer néanmoins au dispositif, grâce au soutien d'un pays participant.

L'échange de droits au sein de l'EATC se fait selon les principes de l'arrangement ATARES 77 ( * ) . Cet échange est basé sur la notion d'EFH ( Equivalent Flying Hour ) de l'actif national. La référence est le prix de revient d'une heure de vol de C130 ou C160 (EFH = 1). Un pays participant est censé fournir à la communauté ATARES autant d'EFH qu'il en reçoit. Ainsi, par exemple, ATARES offre la possibilité qu'un C130 français vole pour l'Allemagne (2,4 heures) pendant qu'un C160 allemand vole pour la Belgique (2,4 heures), un A330 belge pour les Pays-Bas (1 heure), lesquels mettent à disposition un Gulfstream IV à la France (3,1 heure). Ces durées respectives sur chaque appareil représentent des droits équivalents.

Source : EATC

Grâce au renouvellement des flottes de transport européennes (A400M, A330 MRTT), l'EATC sera amené à jouer un rôle clef dans le sens d'une Europe plus autonome et plus réactive en matière de transport aérien militaire.

L'EATC est un exemple réussi de coopération directement opérationnelle, en dehors des cadres institutionnels multilatéraux. Son succès réside dans sa souplesse, chaque Etat demeurant souverain et susceptible de retirer ses actifs partagés. C'est un exemple trop peu connu des succès de la défense européenne, qui mériterait d'être reproduit dans d'autres domaines, par exemple la mise en commun d'hélicoptères, ou de soutien médical.

b) Le partage de renseignement satellitaire

Le partage de renseignement satellitaire est à l'évidence dans l'intérêt de tous les partenaires européens. Il doit permettre d'éviter des duplications de capacités.

Avec Helios, Pléiades et bientôt Musis-CSO (composante spatiale optique), la France dispose de moyens de renseignements spatiaux optiques sans équivalents en Europe. Des accords signés avec l'Italie (2001) et l'Allemagne (2002) permettent des échanges de droits de programmation entre Helios 2 et les systèmes radar COSMO-Skymed (Italie) et SAR-Lupe (Allemagne).

Le programme Hélios compte aujourd'hui cinq partenaires : la France, la Belgique, l'Espagne, la Grèce et l'Italie.

Le Général Michel Friedling, commandant du Commandement interarmées de l'Espace, a fait le point sur cette question lors d'une audition devant votre commission le 13 février 2019 :

« Nous avons aujourd'hui en service dans le domaine de l'observation, les satellites HELIOS 2, la constellation duale PLEÏADE et l'accès aux services radar SAR-LUPE allemand et COSMO-SkyMed italien. Dans le domaine de l'écoute, la constellation expérimentale en orbite basse ELISA fournit une première capacité et dans le domaine des communications, les satellites SYRACUSE 3 constituent notre coeur souverain, complété par le satellite franco-italien ATHENA-FIDUS, célèbre pour avoir été « butiné » par un satellite russe en 2017, ainsi que les services offerts par le satellite gouvernemental italien SICRAL 2 et par le contrat commercial ASTEL-S. L'espace n'a en aucun cas été oublié dans la LPM puisque celle-ci consacre 3,6 milliards d'euros au renouvellement intégral des capacités militaires spatiales sur les sept prochaines années : HELIOS 2 devrait être ainsi remplacé par le programme MUSIS-CSO, dont le premier satellite a été lancé en décembre dernier. »

On peut néanmoins regretter que la coopération européenne dans le domaine satellitaire soit remise en cause par la volonté allemande de réaliser ses propres satellites d'observation optique , une commande au constructeur allemand OHB ayant été passée en 2017 à cette fin.

Par ailleurs, le centre satellitaire de l'Union européenne (CSUE) , basé à Torrejon de Ardoz en Espagne, fournit un appui important à la PSDC. Il fournit des produits et des services reposant sur l'exploitation de moyens spatiaux et de données collatérales, notamment l'imagerie satellitaire et aérienne, ainsi que des services connexes.


* 74 Le « minilatéralisme » : une nouvelle forme de coopération de défense, Alice Pannier, Politique étrangère 1:2015.

* 75 Autriche, Croatie, République tchèque, Hongrie, Slovaquie et Slovénie.

* 76 Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, France, Finlande, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni.

* 77 Air Transport & Air to air Refueling and other Exchange of Services

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