CONTRIBUTION DE M. GUILLAUME GONTARD AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN, CITOYEN ET ÉCOLOGISTE (CRCE)

Le groupe CRCE salue l'initiative du groupe socialiste et républicain d'avoir demandé et conduit au nom du Sénat une mission d'information sur les risques climatiques et plus précisément sur l'indemnisation de ces risques. Avec le récent rapport sénatorial sur l'adaptation de la France au changement climatique 226 ( * ) , le Sénat remplit pleinement son rôle de chambre haute, capable de s'extraire des urgences du temps présent pour anticiper les bouleversements futurs auxquels nos sociétés doivent faire face.

Le dérèglement climatique compte parmi les plus grands défis que l'humanité a eu et aura à affronter et mérite à ce titre que nous concentrions nos forces vives pour tenter d'en limiter les effets et pour se préparer à ses conséquences. L'excellent rapport de mes collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart que vous tenez entre les mains, s'inscrit dans cette démarche et apporte des solutions pour réformer notre système assurantiel mis à mal par la multiplication des aléas climatiques. Je les remercie au passage d'avoir intégré dans leurs conclusions un certain nombre de mes remarques et propositions.

Ce rapport décrit avec une grande précision le fonctionnement actuel des régimes « catastrophes naturelles » (CatNat), et « calamités agricoles », système assurantiel hybride à la fois privé et public permettant de faire face aux aléas climatiques d'ampleur exceptionnelle en s'appuyant sur la solidarité nationale pour ne pas faire exploser le prix des assurances privées. Il prend ensuite acte de la multiplication des aléas climatiques (tempêtes, inondations, orages de grêle, sécheresses...) induite par le dérèglement climatique, aléas dont chacun constate la recrudescence et la violence accrue. On a désormais du mal à compter les maisons fissurées par le retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, les villages dévastés par les inondations et les coulées de boue ou les exploitations agricoles ravagées par les orages de grêle. Les exemples se multiplient à un rythme qui devient difficilement soutenable pour la pérennité du régime actuel pourtant indispensable pour éviter à tant de nos concitoyens de perdre les fruits d'une vie de travail. La multiplication des risques ne manquera pas de poser, à terme, la question du financement des régimes de « CatNat » et de « calamité agricole » que le rapport commence d'ailleurs à évoquer.

Ce rapport souligne aussi les manques, les ambiguïtés et les insuffisances des régimes d'indemnisation et propose à chaque fois des pistes d'amélioration judicieuses. On pense en premier lieu à la nécessité d'améliorer la transparence du régime dont les critères ne sont pas toujours clairs et dont le fonctionnement de la commission décisionnaire n'est pas toujours compris. On pense aussi à la nécessité d'accompagner les élus locaux qui sont en première ligne et sont souvent démunis face à la détresse de leurs administrés et la complexité de la procédure administrative. Même le ministre de l'Agriculture s'est emmêlé les pinceaux après les récents orages alpins (juin 2019), ajoutant de la confusion et de la frustration au désespoir des sinistrés...

Le rapport préconise également de renforcer le régime « calamités agricoles » en améliorant les garanties pour les agriculteurs et abaissant les seuils de déclenchement du régime. Nous saluons la proposition d'ouvrir l'indemnisation dès que l'un des deux critères (préalablement nécessaires) est rempli (perte de rendement ou perte de produit brut).

Le rapport se conclut par un chapitre entier sur l'indispensable effort de prévention qu'il faut engager face à la multiplication des risques naturels complétant ainsi efficacement la cinquantaine de préconisations formulées.

Ce travail très riche ne pouvait pas être exhaustif et les récents orages dans les Alpes sont venus souligner d'autres fragilités de notre système assurantiel qui n'ont pas pu, à ce stade, être intégrées à la réflexion globale mais qui méritent que l'on s'y arrête quelques instants pour envisager de futurs travaux au Sénat ou ailleurs.

Le cas de la grêle est à ce titre emblématique. Aujourd'hui uniquement couvert par le régime assurantiel privé (la garantie multirisque dite TGN pour Tempête Grêle Neige) et par des contrats grêles spécifiques pour les agriculteurs, le risque de grêle devient de plus en plus important avec des orages redoublant d'intensité et dont les ravages vont même jusqu'à emporter des vies humaines.

La multiplication de ces orages de grêle entraîne un renchérissement du coût des assurances privées jusqu'à des montants qui deviennent prohibitifs pour certains de nos concitoyens, en particulier pour les agriculteurs, les plus exposés à ce risque, et qui ne sont que 60 % à être en mesure de s'assurer. A titre d'exemple, pour un petit arboriculteur, le coût de l'assurance grêle peut représenter jusqu'à la moitié de son bénéfice annuel...

Aussi, comme c'est le cas pour le risque tempête, assuré par le privé mais qui entre dans le régime de la « CatNat » quand les épisodes venteux dépassent 145 km/h, il nous faut réfléchir à la possibilité, d'intégrer le risque grêle au régime « CatNat » et au régime des calamités agricoles quand les orages dépassent un certain seuil.

Pour mesurer ces seuils, des classements existent comme le « grêlimètre » proposé par l'Association Nationale d'Etude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques (ANELFA) 227 ( * ) . En tout état de cause, il conviendrait que Météo-France mette en oeuvre un classement similaire dont les usages seraient multiples.

L'inscription de la grêle comme catastrophe naturelle et surtout en « calamités agricoles » nous paraît indispensable. En effet, ce risque devient chaque année de plus en plus prégnant et de plus en plus dévastateur. Il touche en premier lieu les agriculteurs qui n'ont aucune manière de le prévenir et qui peuvent parfois tout perdre et mettre la clé sous la porte. Si le système assurantiel privé n'est pas en mesure de faire face et il faut lui donner la possibilité de s'adosser à la puissance publique. Il nous parait légitime de faire jouer la solidarité nationale pour protéger davantage nos agriculteurs des aléas climatiques et notamment de la grêle.

Plus largement, et le propos du ministre de l'Agriculture à l'issue des orages alpins sont venus l'étayer, c'est tout le système assurantiel agricole qu'il convient de remettre à plat. Il n'est plus acceptable que les agriculteurs n'aient pas les moyens de s'assurer contre les risques climatiques alors que c'est leur travail qui est directement exposé. Il n'est pas acceptable non plus qu'ils aient à choisir entre assurer leurs cultures ou assurer leurs bâtiments et leurs engins, faute de moyens suffisants. Enfin, il n'est pas acceptable que ce soient les petites fermes qui soient le plus exposées.

Si le système privé n'est pas en mesure de faire face et de protéger efficacement nos agriculteurs et donc nos moyens de subsistance, il est indispensable que la puissance publique prenne le relais en imaginant un système hybride inspiré du régime « CatNat ». Avec le groupe CRCE, pour prolonger cet excellent travail, nous invitons le législateur à poursuivre sa réflexion et ses travaux en ce sens.


* 226 Rapport d'information n° 511 (2018-2019) « Adapter la France aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050 : Urgence déclarée » de MM. Ronan Dantec et Jean-Yves Roux, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective.

* 227 http://www.anelfa.asso.fr/L-Echelle.html .

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