B. LES EXIGENCES DE CONTRÔLE DEVRAIENT TOUTEFOIS TENIR COMPTE DE LA QUALITÉ DE L'ADMINISTRATION

A la faveur des élargissements successifs de l'Union européenne, les États membres, et en particulier les États contributeurs nets au budget européen, ont souhaité instaurer des exigences de contrôles plus élevées , afin de prévenir les carences des administrations nationales de certains nouveaux États membres.

Or, les règles de contrôle de la régularité de l'utilisation des fonds européens s'appliquent uniformément à l'ensemble des États membres. Par conséquent, certains acteurs en charge de la gestion des fonds européens ont regretté, lors de leurs auditions, la mise en oeuvre de contrôles qu'ils jugent excessifs au regard de la qualité de l'administration française .

Il est vrai que la France, à certains égards, fait partie des « bons élèves » en matière de lutte contre la fraude. Ainsi, elle a adopté une stratégie nationale antifraude et l'a transmise à la Commission européenne, contrairement à 18 États membres qui n'ont pas encore entrepris une telle démarche 41 ( * ) .

En France, le plan national de coordination de la lutte contre la fraude aux finances publiques a été arrêté en 2016 par le comité national de lutte contre la fraude (CNLF), après avoir été élaboré par la délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF). Il constitue une feuille de route interministérielle visant à lutter contre la fraude relative à tous financements publics, nationaux ou européens, intégrant ainsi la question de la fraude aux fonds européens au sein d'une stratégie globale nationale. Ce plan devrait faire l'objet d'une actualisation à la fin de l'année 2019.

Dans le cadre de la prochaine programmation financière, la Commission européenne propose de développer une approche proportionnée des contrôles en fonction du risque pour le budget de l'Union européenne 42 ( * ) , se traduisant par :

- l'extension du principe de l'audit unique , c'est-à-dire le fait pour les autorités d'audit nationales d'éviter de demander des justificatifs plusieurs fois aux bénéficiaires, et d'éviter, dans la mesure du possible, que la Commission européenne contrôle des bénéficiaires qui ont déjà fait l'objet de contrôle par les autorités d'audit ;

- la réduction du nombre de contrôles ;

- pour les programmes avec un faible taux d'erreur, de proportionner les contrôles aux garanties présentées par le système national d'audit et de lutte contre la fraude . À ce titre, la proposition de la Commission européenne estime que la participation d'un État membre à la coopération renforcée relative au Parquet européen constitue une garantie de fiabilité.

La Cour des comptes européenne a toutefois émis des réserves sur cette approche proportionnée et sur la pratique de l'audit unique, en estimant qu'il existe « un risque que des pressions indues soient exercées sur les autorités d'audit afin que celles-ci ne remettent pas trop en question les travaux des autorités de gestion », et en rappelant qu'il est « essentiel que les autorités d'audit aient la faculté de réaliser les audits conformément aux normes internationales en la matière et que la Commission doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour qu'il en soit ainsi » 43 ( * ) .

Votre rapporteur spécial estime que cette approche proportionnée est légitime et que la pratique de l'audit unique doit être développée, permettant ainsi de limiter le coût des vérifications et la charge administrative supportée par le bénéficiaire final.

Recommandation n° 3 : étendre la pratique de l'audit unique par la Commission européenne et développer une approche proportionnée des contrôles afin de réduire la charge administrative supportée par le bénéficiaire final.

Par ailleurs, si votre rapporteur spécial considère qu'un contrôle étroit de l'utilisation des fonds européens est justifié, il rappelle que les États membres ne sont pas les seuls responsables de la gestion des fonds européens . En effet, dans le cadre de la gestion directe, les services de la Commission européenne sont également soumis à des obligations de détection et de prévention de la fraude.

Alors que l'application de standards de contrôles élevés se justifie historiquement par le risque que constituent certaines administrations nationales lacunaires, la Commission européenne n'est pas non plus exempte de critiques en la matière . À titre d'exemple, pour l'exercice 2017, la Cour des comptes européenne a détecté des erreurs pour 8 % des opérations auditées relatives aux dépenses en matière d'action extérieure de l'Union européenne 44 ( * ) .


* 41 D'après le rapport « PIF » de 2017, seuls dix États membres avaient adopté une stratégie nationale antifraude : la Bulgarie, Croatie, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Malte, République Tchèque, Slovaquie.

* 42 Article 74 de la proposition de règlement du parlement européen et du conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds « Asile et migration », au Fonds pour la sécurité intérieure et à l'instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas.

* 43 Avis de la Cour des comptes européenne n° 6/2018 sur la proposition de règlement du parlement européen et du conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds « Asile et migration », au Fonds pour la sécurité intérieure et à l'instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas, §103.

* 44 Rapport annuel de la Cour des comptes sur l'exécution du budget relatif à l'exercice 2017, cf. remarques sur la régularité des opérations de la rubrique « Europe dans le monde ». Pour rappel, les paiements effectués dans le cadre de cette rubrique se sont élevés à 9,8 milliards d'euros en 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page