PREMIÈRE PARTIE - LES FEUX DE FORÊTS : UNE MENACE D'ENVERGURE PERSISTANTE, MOBILISANT DE MULTIPLES ACTEURS DANS LA POLITIQUE DE PRÉVENTION

I. MALGRÉ UNE RÉDUCTION DE SON AMPLEUR, UN RISQUE QUI TOUCHE ENCORE UN TIERS DES FORÊTS FRANÇAISES

A. UNE EXPANSION FORESTIÈRE COÏNCIDANT AVEC UNE DIMINUTION DES SURFACES INCENDIÉES

1. Un tiers des 16,9 millions d'hectares de forêts françaises classé sensible au risque d'incendies

Contrairement aux idées reçues, la surface forestière ne cesse de croître en France. D'après l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), la superficie forestière (forêts de production, autres forêts et bosquets) a progressé de 0,7 % chaque année, depuis 1980 .

Au début du XX e siècle, 10 millions d'hectares étaient recouverts par les forêts. La France compte désormais 16,9 millions d'hectares de forêts, soit près du tiers du territoire métropolitain. En termes de superficie, elle est ainsi le quatrième pays le plus boisé de l'Union européenne, derrière la Suède, la Finlande et l'Espagne 3 ( * ) .

Taux d'accroissement annuel moyen de la surface forestière
entre 1985 et 2015, par département

Source : IGN

Les incendies de forêts et de végétations représentent un risque naturel majeur et universel : l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) indique que 3 à 4 millions d'hectares sont brulés chaque année dans le monde, représentant 3 % de la végétation existante 4 ( * ) .

En France, un tiers de la forêt métropolitaine est concerné par la probabilité d'incendies , d'après une étude conjointe de 2010 réalisée par Météo-France, l'Office national des forêts (ONF) et l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Une liste de départements présumés à risque élevé est ainsi fixée par le code forestier (article L. 133-1 du code forestier (nouveau) : « Sont réputés particulièrement exposés au risque d'incendie les bois et forêts situés dans les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans les départements de l'Ardèche et de la Drôme [...] ».

L'inventaire des surfaces brûlées ces dernières années rend effectivement compte d'une concentration des feux dans les forêts de l'arc méditerranéen, de la Corse et du bassin aquitain .

Répartition des incendies sur le territoire français de 2008 à 2017

Source : base de données sur les incendies de forêts en France

Le ministère de l'intérieur considère que la notion de feux de forêts s'applique lorsqu'un « incendie démarre et/ou se propage au moins partiellement à la forêt ou d'autres terres boisées » . Le recensement des hectares de forêts brûlées en France est cependant délicat à établir, d'autant qu'il s'effectue à partir de l'agrégation de plusieurs sources. Une base de données nationale, la base de données sur les incendies de forêt en France (BDIFF), consolide les données remontées sur l'ensemble du territoire, tandis qu'une base de données européenne, le Système européen d'information sur les incendies de forêt (EFFIS - European Forest Fire Information System ) recense en temps réel les hectares parcourus par les flammes dans les États membres de l'UE ainsi que dans certains pays d'Afrique du Nord. Les statistiques relevées par EFFIS en France divergent néanmoins de celles présentées par la BDIFF en raison d'une différence dans la méthode de comptabilisation, EFFIS s'appuyant sur un recensement satellitaire des feux sans distinguer s'il s'agit d'incendies de forêts ou de brûlage dirigé.

Les bases de données sur les incendies de forêts en France

Dès 1973, les départements de la zone de défense et de sécurité Sud ainsi que l'Ardèche et la Drôme ont mis en place la base de données « Prométhée » , tandis que le groupement d'intérêt public Aménagement du territoire et gestion des risques (GIP ATGeRi) tenait à jour un inventaire des surfaces brûlées dans le bassin aquitain.

Il faut attendre 1992 pour la mise en place d'une base de données couvrant l'ensemble du territoire métropolitain. C'est ainsi que l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) centralise désormais les données au niveau national au sein de la base de données sur les incendies de forêt en France (BDIFF) .

La BDIFF agrège ainsi les informations de Prométhée et du GIP ATGeRi ainsi que les données remontées directement par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), les directions départementales des territoires (DDT) ou l'Office national des forêts (ONF) dans les départements hors des zones méditerranéenne et aquitaine. Elle est destinée, à terme, à rassembler également les données concernant les feux de forêts survenant dans les départements d'outre-mer.

Source : commission des finances, d'après les informations de la mission interministérielle de 2016

Cependant, comme le rappellent les rapports des dernières missions interministérielles (2010 et 2016) 5 ( * ) la fiabilité de la BDIFF est à relativiser pour deux raisons : d'une part, la remontée des données se faisant par voie déclarative, elle peut se heurter à des difficultés de saisies dans les classifications correspondantes . À cet égard, un projet de modernisation de la base lancé par le ministère de l'intérieur en partenariat avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est en cours.

D'autre part, les critères de recensement des forêts brûlés diffèrent entre la zone Prométhée et les autres zones suivies . La première circonscrit le recensement aux feux de forêts alors que les secondes, notamment en Aquitaine, prennent également en compte les feux de végétations.

2. Une résorption de la surface brûlée qui ne saurait occulter l'acuité du risque
a) Une surface incendiée divisée par deux entre les années 1990-2010 et les années 2010-2019

L'extension de la surface forestière ces trente dernières années ne s'accompagne pas pour autant d'une même évolution de la surface brûlée . Au cours de la dernière décennie, on enregistre une moyenne annuelle de 11 805 hectares parcourus par les feux, tandis qu'au cours des deux décennies précédentes, la moyenne annuelle s'approchait de 22 500 hectares.

Pour la seule zone Sud, couverte par la base Prométhée, la moyenne annuelle des surfaces brûlées a été divisée par deux entre la période 1973-1990 (32 000 hectares) et la période 1990-2000 (16 000 hectares).

Évolution de la surface forestière brûlée en hectare en France

(en hectares)

Source : commission des finances, d'après les données de la DGSCGC

La situation s'améliore donc en France, malgré des saisons de feux de plus forte intensité ces dernières années, comme en 2016, 2017 et 2019.

b) Une « exception française » dans la forêt européenne brûlée ?

Cette tendance ne s'observe pas nécessairement dans les autres pays européens. En effet, avec une moyenne de 8 752 hectares brûlés entre 2008 et 2018, selon EFFIS, la France se situe bien en-dessous de la moyenne sur les 24 pays européens suivis par EFFIS , qui s'élève à 12 099 hectares parcourus par les feux.

Situation de la France par rapport aux autres pays de l'Union européenne
en matière d'incendies de forêts

Pays

Forêts brulées entre 2008 et 2018, moyenne annuelle en hectares

Surface forestière totale, en hectares, en 2015

Nombre de feux d'au moins 25 hectares recensés entre 2008 et 2018

Part de la surface forestière brûlée

Portugal

113 583

3 182 100

228

3,57 %

Grèce

22 714

3 903 000

43

0,58 %

Malte

2

350

0

0,57 %

Croatie

12 704

2 491 000

28

0,51 %

Irlande

3 824

754 020

10

0,51 %

Italie

39 463

9 297 000

201

0,42 %

Espagne

60 899

18 417 870

170

0,33 %

Chypre

1 155

386 190

4

0,30 %

Royaume-Uni

6 545

3 144 000

25

0,21 %

Roumanie

10 371

6 861 000

31

0,15 %

Bulgarie

5 407

3 823 000

16

0,14 %

France

8 752

16 989 000

50

0,05 %

Belgique

232

683 400

1

0,03 %

Pays-Bas

64

376 000

0

0,02 %

Hongrie

319

2 069 130

1

0,02 %

Suède

3 271

28 073 000

9

0,01 %

Danemark

58

612 230

0

0,01 %

Lettonie

224

3 356 000

0

0,01 %

Slovénie

66

1 248 000

0

0,01 %

Allemagne

514

11 419 000

4

0,00 %

Estonie

40

2 231 950

0

0,00 %

Pologne

99

9 435 000

1

0,00 %

République tchèque

14

2 667 410

0

0,00 %

Finlande

57

22 218 000

1

0,00 %

Total

290 377

153 637 650

823

0,19 %

Moyenne

12 099

6 401 569

34

0,19 %

Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat et d'EFFIS

Sur la période 2008-2018, les forêts françaises ont également été moins touchées que celles des autres pays méditerranéens . La comparaison avec ces pays doit cependant être relativisée tant les caractéristiques des forêts peuvent différer : le bilan sévère du Portugal s'explique notamment par le fait que l'ensemble des forêts portugaises sont sensibles au risque d'incendies, contrairement à la France, et qu'elles concentrent une forte proportion d'essences très combustibles.

Situation de la France par rapport aux pays
d'Europe du Sud

(nombre d'hectares de forêts brûlées)

Source : commission des finances, d'après les données d'EFFIS

Ces « bons » résultats relevés en France ne peuvent laisser hâtivement croire que le risque est maîtrisé . La menace reste encore grande, les surfaces brulées ont augmenté continuellement, entre leur minimum atteint en 2013 (3 232 hectares) et 2017 avec 24 500 hectares, le bilan le plus sévère depuis 15 ans.

Par ailleurs, cette tendance nationale n'est pas observable dans tous les massifs, comme le relève le rapport précité de la mission interministérielle de 2016 : en Aquitaine, les surfaces brûlées (en moyennes annuelles) se sont maintenues : 1 300 hectares sur la période 1973-1990, 1 900 hectares sur la période 1990-2000 et 1 400 hectares sur la période 2000-2014.


* 3 Inventaire de l'IGN : https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/181127_memento_2018_v4.pdf

* 4 Thomas Curt, unité de recherche d'Aix-en-Provence de l'IRSTEA, note sur les conséquences du réchauffement climatique sur le risque incendie de forêts, septembre 2017.

* 5 Voir le rapport de la mission interministérielle d'évaluation relative à la défense de la forêt contre l'incendie, avril 2016, et le rapport de la mission interministérielle, « Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts », juillet 2010.

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