C. DES OBJECTIFS DE PERFORMANCE NON ATTEINTS ?

La réforme a coïncidé avec une diminution du nombre d'interventions par agent, passé de 161 en 2007 à 131 en 2018 (91 en 2015). Dans le même temps, on constate à l'inverse une augmentation du nombre d'interventions - 272 730 en 2018 contre 220 800 en 2014 - et une évolution irrégulière des sanctions.

Interventions et nombre d'agents de contrôle 2016-2018

2016

2017

2018

Total des interventions

252 131

260 522

272 730

Nombre d'agents de contrôle

2 251

2 016

2 137

Source : Direction générale du travail

1. Un changement d'indicateurs

Plus largement, il convient de s'interroger sur l'atteinte des objectifs nationaux définis par le ministère du travail dans le projet annuel de performance (programme 111). Au terme de ceux-ci, 35 % des contrôles doivent s'inscrire dans les priorités nationales définies par le ministère. Ce chiffre n'a plus été atteint depuis 2011, avant de subitement augmenter en 2018 pour le dépasser. Le changement de logiciel de saisie des interventions des agents de contrôle (cf infra. ) est, sans doute, une des raisons de cette progression.

Objectif n°1 : Orienter l'activité des services de l'inspection du travail (en % de la totalité des activités de contrôle)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Objectif affiché

35

35

35

35

35

35

Réalisé

21

23

24,1

29,8

48

-

La Cour des comptes notait, en outre, que les indicateurs utilisés ne permettaient pas une mesure des résultats de l'action de l'inspection du travail.

Elle insistait notamment sur les indicateurs mesurant les contrôles donnant lieu à procès-verbal en matière de prestation de service internationale (PSI ou détachement des travailleurs). Ceux-ci permettent de chiffrer le nombre d'interventions mais ne visent pas les résultats de ces procédures.

Nombre de procès-verbaux et de sanctions administratives visant la prestation de service internationale

2016

2017

2017

Nombre de procès-verbaux

163

166

166

Nombre de sanctions administratives

850

850

840

Source : Rapport annuel de performances Travail et emploi 2018

L'indicateur a évolué en 2018. Il distingue, désormais, le nombre d'interventions par rapport à l'activité totale de l'inspection du travail et ensuite le nombre de sanctions administratives et/ou de procès-verbaux par rapport au nombre total d'interventions en matière de détachement. Un raisonnement semblable a été adopté pour la lutte contre le travail illégal (LTI).

Part des interventions de l'inspection du travail en matière de lutte contre le travail illégal (en pourcentage)

Prévision 2018

Prévision 2019

Cible 2020

Part des interventions PSI sur l'ensemble des interventions

5

5,5

6

Part des sanctions et/ou procès-verbaux sur l'ensemble des interventions PSI

1,5

2

2,5

Part des interventions de l'inspection du travail en matière de lutte contre les fraudes au détachement (en pourcentage)

Prévision 2018

Prévision 2019

Cible 2020

Part des interventions PSI sur l'ensemble des interventions

3

4

5

Part des sanctions et/ou procès-verbaux sur l'ensemble des interventions PSI

1

1,5

2

Source : Projet annuel de performances 2018 Travail et emploi

Reste que ces indicateurs n'ont finalement pas été renseignés dans le rapport annuel de performances 2018.

Recommandation n ° 12 : Supprimer les indicateurs de performances dès lors qu'ils ne sont pas renseignés et utiliser les objectifs fixés annuellement comme indicateurs de performances.

Au-delà des indicateurs, l'amélioration constatée du nombre d'interventions - + 38 % entre 2015 et 2018 - ou du nombre de suites aux interventions - + 44 % entre 2015 et 2018 - ne saurait constituer une réponse totalement satisfaisante aux interrogations sur l'impact de la nouvelle organisation de l'inspection du travail sur son action. La direction générale du travail relève elle-même que cette progression est pour partie liée à une meilleure appropriation des outils informatiques par les agents de contrôle. Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'il existe encore un mouvement de refus de saisie au sein du logiciel Wiki'T, soutenu par plusieurs organisations syndicales.

L'augmentation statistique ne saurait occulter un écueil qualitatif : censée favoriser le travail en équipe autour d'objectifs déterminés au niveau national et décliné à l'échelon local, la réforme « Ministère fort » n'a, semble-t-il, pas débouché sur l'élaboration d'une méthode en la matière. La DGT n'a exigé la mise en place de plans d'actions locaux chiffrés que depuis 2017. Cette démarche tardive peine à trouver ses marques dans un système d'inspection du travail où la pratique du contrôle, relève, d'après plusieurs observateurs, davantage de la réaction que de l'anticipation.

Recommandation n° 13 : Mettre en place une véritable méthode de travail au plan local pour atteindre les objectifs fixés, en veillant à ce que l'activité de contrôle repose davantage sur l'anticipation que sur la réaction.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent, en outre, sur l'effet cumulatif des réformes sur l'activité de contrôle : la réorganisation des services, les redécoupages territoriaux, les vacances de poste et l'immobilisation d'une partie des effectifs dans le cadre du plan de transformation d'emploi des contrôleurs ne sont pas sans conséquences sur l'action de l'inspection du travail, dans un contexte marqué par des révisions régulières du code du travail.

2. La mise en place de nouveaux instruments de pilotage

La mise en place en 2017, par le département du pilotage du système d'inspection du travail de la DGT, d'un tableau de bord trimestriel doit permettre de suivre sur un plan strictement quantitatif l'action des services en termes d'interventions ou d'action sur les priorités nationales. Cette démarche vient directement répondre aux réserves exprimées par la Cour des comptes sur une insuffisante prise en compte des objectifs nationaux faute d'approche stratégique, notamment au niveau local.

Les DIRECCTE ont également dû se doter d'outils de programmation et de pilotage afin d'assurer tout à la fois un niveau d'activité cohérent sur l'ensemble de leurs territoires et d'analyser, le cas échéant, les écarts observés. Ceux-ci peuvent, en effet, révéler des formes émergentes de fraude ou, à l'inverse, une difficulté dans l'application de la norme. La DGT organise également des audioconférences bimestrielles de pilotage avec les DIRECCTE. Ces rendez-vous permettent un suivi de l'activité, la mise en place d'un échange de bonnes pratiques et la mise en lumière des difficultés constatées.

La direction générale du travail a également indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'une démarche d'évaluation et de valorisation des effets de l'action du système de l'inspection du travail était actuellement en cours. Ce faisant, la DGT souhaite interroger et adapter les pratiques et moyens d'action des services pour atteindre les objectifs poursuivis. Un Guide pour l'intégration de l'évaluation dans la conduite des actions collectives est ainsi paru en décembre 2018. Il s'appuie, notamment, sur l'expérience de l'unité départementale du Finistère qui a élaboré des grilles de contrôle harmonisées dans le cadre de ses travaux sur la prévention des risques liés à l'amiante.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent, en outre, que l'exploitation statistique des interventions ne doit pas se faire au détriment d'un travail de prévention, forcément moins visible. L'inspection du travail ne doit pas s'éloigner de sa triple mission d'écoute, de conseil et d'accompagnement que ne peuvent qu'imparfaitement refléter les indicateurs de performance. Cette ambition doit notamment guider l'action de l'inspection du travail à l'égard des TPE. Interrogée par vos rapporteurs spéciaux, l'Union des entreprises de proximité (U2P) insiste ainsi sur le nécessaire appui de l'inspection du travail pour aider ses adhérents à mieux s'adapter aux règles en matière de santé et de sécurité au travail. Le MEDEF a également insisté auprès de vos rapporteurs spéciaux sur la mission de conseil que pouvait accomplir l'inspection du travail auprès des entreprises sur les évolutions récentes en matière de droit du travail.

Recommandation n° 7 : Valoriser l'activité de conseil de l'inspection du travail auprès des entreprises.

Interventions dans les domaines prioritaires 2016-2018

2016

2017

2018

Travail illégal

16 873

19 973

33 600

Détachement

14 873

11 579

20 322

Chutes de hauteur

12 702

16 965

26 652

Amiante

7 837

8 643

11 500

Égalité professionnelle

1 604

1 773

4 491

TPE/PME

2 325

3 857

9 433

Transport routier

-

1 787

3 008

Total

56 214

64 577

109 006

Total interventions inspection du travail

252 131

260 522

272 730

% des interventions dans les domaines prioritaires

22,30 %

24,79 %

39,97 %

Source : direction générale du travail

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