N° 74

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la quatrième partie de la session ordinaire 2019 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement

Par Mme Nicole DURANTON,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Mme Maryvonne Blondin, M. Bernard Cazeau, Mme Nicole Duranton, MM. Bernard Fournier, François Grosdidier et Claude Kern, délégués titulaires ; MM. Arnaud Bazin, André Gattolin, Guy-Dominique Kennel, Jacques Le Nay, André Reichardt et André Vallini, délégués suppléants.

La Délégation de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe était composée, en octobre 2019, de : MM. Damien Abad, Olivier Becht, M. Bertrand Bouyx, Mmes Marie-Christine Dalloz, Jennifer De Temmerman, MM. Fabien Gouttefarde, Jérôme Lambert, Mme Alexandra Louis, MM. Jacques Maire, Bertrand Sorre, Mme Nicole Trisse et M. Sylvain Waserman, en tant que membres titulaires, et Mme Sophie Auconie, Mme Yolaine de Courson, MM. Bruno Fuchs et Dimitri Houbron, Mmes Catherine Kamowski, Marietta Karamanli, Martine Leguille-Balloy et Isabelle Rauch, M. Frédéric Reiss et Mmes Laurence Trastour-Isnart, Marie-Christine Verdier-Jouclas et Martine Wonner, en tant que membres suppléants.

INTRODUCTION

Le présent rapport d'information retrace les travaux de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), en application de l'article 29 du Règlement de l'Assemblée nationale et de l'article 9 bis de celui du Sénat, à l'issue de la dernière partie de session annuelle de cet organe statutaire du Conseil de l'Europe.

La quatrième partie de session ordinaire de 2019 (dite « session d'automne »), qui s'est tenue à Strasbourg, du 30 septembre au 4 octobre, a constitué le second temps fort parlementaire du semestre de présidence française du Comité des Ministres, appelé à s'achever fin novembre.

À ce titre, elle a notamment été marquée par deux événements exceptionnels, le mardi 1 er octobre : en premier lieu, l'allocution du Président de la République, M. Emmanuel Macron, prononcée dans l'hémicycle de l'APCE ; en second lieu, les célébrations officielles du 70 ème anniversaire de la création du Conseil de l'Europe, à l'Opéra de Strasbourg. Le lendemain, la délégation française a elle-même souhaité solenniser l'importance du Conseil de l'Europe pour la France et la défense de la francophonie dans les organisations internationales, en réunissant pour un dîner officiel l'ensemble des délégations parlementaires de l'APCE issues des pays ayant le français pour langue officielle ou adhérents et associés à l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

Autre singularité de cette session d'automne, cinq membres de la délégation française ont présenté sept rapports en séance plénière et fait adopter des projets de résolutions ou de recommandations. Ainsi, outre son rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation , a notamment dressé le bilan de l'action de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB). De même, M. Sylvain Waserman (Bas-Rhin - Mouvement démocrate et apparentés) , a plaidé pour une amélioration de la protection des lanceurs d'alerte, tandis que Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a mis en exergue la nécessité de mieux protéger et soutenir les victimes du terrorisme. Enfin, Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a dénoncé les violences obstétricales et gynécologiques et évalué le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldavie, alors que Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas (Tarn - La République en Marche) a défendu l'idée de réfléchir à un statut juridique pour les personnes déplacées à cause de catastrophes environnementales.

Conformément à ses prérogatives, l'Assemblée parlementaire a également élu, au cours de cette session, une juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre du Portugal. Elle a, de même, procédé au suivi de l'action du Conseil de l'Europe, à travers une séance consacrée à l'audition de Mme Amélie de Montchalin, Secrétaire d'État chargée des Affaires européennes, sur le bilan du semestre de la présidence française du Comité des Ministres.

Les débats en plénière ont une fois de plus porté sur des sujets divers mais importants. En plus des rapports présentés par les membres de la délégation française, l'APCE a notamment discuté de la nécessité d'adopter un ensemble de normes communes pour les institutions de médiateur en Europe, de la conservation du patrimoine culturel juif, ou encore de l'émigration de travail en Europe de l'Est et de son impact sur l'évolution sociodémographique sur les pays concernés. Elle a aussi dressé le bilan du dialogue post-suivi avec la Macédoine du Nord, s'agissant de l'observation par ce pays de ses obligations en matière de droits de l'Homme et d'État de droit.

Sur la proposition du groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC) et de celui de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), enfin, l'Assemblée parlementaire a tenu un débat d'urgence sur le sauvetage de migrants en mer Méditerranée, d'une part, et un débat d'actualité sur les modalités des dernières élections au Conseil de la ville de Moscou et la répression de manifestations pacifiques qui les contestaient, d'autre part.

Le présent rapport d'information retrace la teneur de tous ces échanges, ainsi que la contribution qu'y ont apportée les membres de la délégation française. Il recense également les réunions et événements auxquels ces derniers ont participé en France et à l'étranger, dans l'intervalle des parties de session d'été et d'automne, en leur qualité de membres de l'APCE. En effet, leur implication ne se résume aucunement à leur présence aux séances plénières qui se déroulent à Strasbourg ; comme toujours, ils ont été régulièrement sollicités et ont pleinement assumé leur engagement au service du Conseil de l'Europe.

I. L'ACTUALITÉ DES MEMBRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE DEPUIS LA SESSION D'ÉTÉ

De juillet à fin septembre 2019, en dépit de la coupure estivale, les membres de la délégation française ont, à des titres divers, assisté à plusieurs réunions des commissions de l'APCE et se sont déplacés à l'étranger dans le cadre de réunions délocalisées ou de missions.

A. PLUSIEURS DÉPLACEMENTS À L'ÉTRANGER DANS LE CADRE DE MISSIONS ATTRIBUÉES PAR L'APCE

Plusieurs membres de la délégation française à l'APCE ont effectué des déplacements à l'étranger au titre de leurs missions dans différentes commissions. En effet, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, s'est rendue à Lisbonne en sa qualité de rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur la Banque de développement du Conseil de l'Europe, pour participer à la réunion conjointe des conseils de direction et d'administration de cet établissement, début juillet. Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) , quant à elle, a procédé à la fin du même mois à une visite d'information en Moldavie en sa qualité de co-rapporteure sur ce pays de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (dite « commission du suivi »). Enfin, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) , a lui aussi effectué une visite d'information pour le compte de la commission de suivi, en Géorgie pour sa part, du 16 au 18 septembre.

Initialement, MM. Bertrand Bouyx (Calvados - La République en Marche) et Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) avaient été désignés au sein d'une commission ad hoc pour participer à une mission d'observation sur le déroulement des élections législatives en Ukraine, du 18 au 22 juillet. Néanmoins, ils n'ont pu s'y rendre en raison de l'annulation de cette mission d'observation à la demande du Président de la Verkhovna Rada ukrainienne, le 2 juillet 2019, notamment en raison de la réintégration de la délégation russe au sein de l'APCE.

1. La participation de Mme Nicole Trisse à la réunion des conseils de direction et d'administration de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, à Lisbonne

Doyenne des banques multilatérales de développement européennes, la banque de développement du Conseil de l'Europe a été fondée le 16 avril 1956, sur la base d'un accord partiel, par huit États membres de l'Organisation pour apporter des solutions aux problèmes des réfugiés, ce champ d'intervention étant élargi par la suite. À présent, elle concourt à la réalisation de projets d'investissement à caractère social au travers de trois lignes d'action : la croissance durable et inclusive ; l'intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants ; l'action pour le climat, notamment à travers le développement de mesures d'atténuation et d'adaptation à l'égard des changements climatiques.

La CEB comprend aujourd'hui quarante et un États actionnaires. Tout en accordant des prêts à chacun de ceux-ci, dans le respect de son mandat, elle dispense un appui plus marqué à vingt-deux « pays cibles » d'Europe centrale, orientale et du Sud-Est 1 ( * ) .

Du 4 au 6 juillet 2019, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a participé à la réunion conjointe des conseils de direction et d'administration de la CEB, à Lisbonne, afin d'y présenter son rapport concernant cette dernière, adopté à l'unanimité par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable le 25 juin, en vue d'un débat en plénière en octobre. Ces échanges ont été l'occasion, pour Mme Nicole Trisse, de mettre plus particulièrement en avant les recommandations de son rapport à l'égard du conseil de direction de la banque, à savoir :

- continuer à rationaliser la gouvernance de l'établissement ;

- aligner plus étroitement les activités de la banque sur les objectifs de développement durable et réaliser une plus grande cohésion territoriale dans l'offre de services publics en milieu urbain et rural, notamment s'agissant de l'accès à l'éducation, aux soins médicaux, au logement et à l'emploi ;

- faciliter l'intégration à long terme des migrants et des réfugiés ;

- renforcer les financements portant sur la création de centres de jeunesse à vocation multiple ;

- envisager d'accroître le recours aux instruments de financement novateurs et approfondir les processus de sélection et d'instruction des projets en fonction des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ;

- enfin, mieux exploiter les liens avec le Conseil de l'Europe, améliorer la visibilité de la CEB et inciter de nouveaux États à y adhérer.

Lors de son déplacement, Mme Nicole Trisse a pu assister à l'intégralité des réunions du conseil d'administration puis du conseil de direction de la CEB. Elle a également pris part à une réception donnée par les Ministres portugais des Affaires étrangères et des Finances en l'honneur des quarante et un représentants des États actionnaires et des membres du conseil de direction de l'établissement. Enfin, elle a pu visiter deux projets locaux financés par la CEB : un centre de réfugiés et un projet de panneaux solaires flottants destinés à l'irrigation.

2. Deux visites d'information dans des pays d'Europe orientale, sujets récemment à des troubles politiques importants

Fréquemment, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe mandate ses membres pour effectuer des visites d'information dans les pays pour lesquels ils sont co-rapporteurs, en raison de crises locales aux conséquences potentiellement graves. Or, en juin, la Moldavie et la Géorgie ont été traversées par des tensions fortes, qui ont justifié les visites sur place des co-rapporteurs chargés de leur monitoring . Deux d'entre eux étaient membres de la délégation française.

a) La visite d'information de Mme Maryvonne Blondin en Moldavie, au coeur de l'été, en sa qualité de co-rapporteure sur ce pays

Du 21 au 23 juillet 2019, Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a effectué une visite d'information en Moldavie, en sa qualité de co-rapporteure de la commission du suivi sur ce pays. Cette visite a fait suite à la crise constitutionnelle qui a frappé le pays du 8 au 15 juin 2019.

Pour mémoire, la signature surprise, le 8 juin, dans le prolongement des dernières élections législatives de février 2019, d'un accord politique temporaire entre le parti socialiste pro-russe (PSRM) du Président de la République, M. Igor Dodon, et le bloc « ACUM » pro-européen et anti-corruption de Mme Maia Sandu, nommée Premier ministre, a conduit à la mise sur pied d'une coalition visant à exclure du pouvoir le parti démocrate (PDM) de l'oligarque Vladimir Plahotniuc, au pouvoir tout au long de la décennie antérieure.

Saisie par le PDM, la Cour constitutionnelle du pays a alors, sur des bases juridiques pour le moins contestables, interprété la date butoir de formation d'une coalition comme s'achevant la veille de l'accord temporaire et annulé, par voie de conséquence, la nomination de Mme Maia Sandu, tout en retirant tout pouvoir au Parlement élu. La plus haute juridiction moldave s'est également empressée d'enjoindre au Président de la République de dissoudre le Parlement pour organiser des élections anticipées. Or, devant le refus de M. Igor Dodon de s'exécuter, la Cour constitutionnelle l'a démis de ses fonctions et nommé le Premier ministre sortant du PDM, M. Pavel Filip, Président de la République par intérim.

Pendant plusieurs jours, la Moldavie s'est ainsi retrouvée plongée dans une crise institutionnelle voyant s'opposer deux Gouvernements se proclamant chacun détenteur du pouvoir légitime.

La communauté internationale, tout en réagissant de manière mesurée, condamna les initiatives du PDM et de la Cour constitutionnelle moldave. Le Conseil de l'Europe réagit lui aussi à travers la saisine de la Commission de Venise. Faute d'appuis internationaux, M. Pavel Filip finit par démissionner, tandis que la Cour constitutionnelle annula l'ensemble de ses décisions contestées mi-juin.

Quelques jours à peine après le dénouement pacifique de cette crise, la commission du suivi de l'APCE a mandaté ses co-rapporteurs sur le pays pour réaliser une visite d'information sur place, afin d'évaluer la situation. C'est dans ce contexte que Mme Maryvonne Blondin a, avec M. Egidijus Vareikis (Lituanie - PPE/DC), rencontré à Chisinau le Président de la République, la Première Ministre, des membres du Gouvernement (Ministres des Affaires étrangères et de l'Intégration européenne, de la Réintégration, de l'Intérieur et de la Justice), la Présidente du Parlement et les principaux responsables des partis politiques représentés au sein de ce dernier.

Les co-rapporteurs ont également tenu des réunions avec les commissions parlementaires en charge de la justice, de la lutte contre la corruption et des droits de l'Homme, ainsi qu'avec la délégation moldave auprès de l'APCE. De même, ils ont rencontré, lors de leur visite d'information, des représentants de la Cour constitutionnelle, de la Commission centrale électorale, du Centre national anti-corruption ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG).

b) La visite d'information de M. Claude Kern en Géorgie, au titre de la commission du suivi, juste avant la session d'automne

Du 16 au 18 septembre 2019, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) s'est rendu en Géorgie, au nom de la commission du monitoring , afin de faire le point, avec M. Titus Corlãþean (Roumanie - SOC), sur la résurgence des tensions anti-Russes dans le pays.

Depuis le 20 juin, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté près du bâtiment du Parlement géorgien pour protester contre l'invitation lancée à M. Sergueï Gavrilov, membre de la Douma russe, par des membres du parti au pouvoir, le Rêve géorgien, dans le cadre d'une assemblée interparlementaire des orthodoxes. Des manifestants ont même tenté de forcer l'accès au Parlement, suscitant une réaction violente de la police, qui a blessé quelque 160 personnes et procédé à 305 arrestations. Ces manifestations ont été les plus importantes depuis 2012, année où une grave crise gouvernementale secouait le pays ; elles ont même conduit le Président du Parlement géorgien, M. Irakli Kobakhidzé, à la démission.

C'est dans ce contexte de manifestations continues depuis lors et de rivalités entre le parti au pouvoir, accusé d'être trop favorable à la Russie, et l'opposition que MM. Claude Kern et Titus Corlãþean ont procédé à plusieurs entretiens à haut niveau, au siège même du Parlement géorgien. Ils ont en effet eu des échanges avec des représentants des ONG locales sur l'environnement politique et la réforme électorale, ainsi que sur le système judiciaire.

Les deux membres de l'APCE dépêchés par la commission du monitoring ont également rencontré les plus hautes autorités de l'État, à savoir la Présidente de la République, Mme Salomé Zourabichvili, le Premier ministre, des membres du Gouvernement, le Président du Parlement, plusieurs parlementaires ainsi que des représentants des différents partis politiques. Ils ont pu également avoir des échanges avec la communauté étrangère présente dans le pays.


* 1 Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Géorgie, Hongrie, Kosovo, Macédoine du Nord, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldavie, Monténégro, Pologne, République slovaque, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovénie et Turquie.

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