C. UN « COÛT PLANCHER » GRÂCE AU BÉNÉVOLAT ET AUX DONS PRIVÉS

1. Le coût du sauvetage en mer en France repose principalement sur les acteurs publics et sur la SNSM

Selon le rapport au Premier ministre réalisé par la députée Chantal Guittet en 2016 sur la pérennisation du modèle de la SNSM, le coût global du sauvetage en mer en France peut être estimé à 160 millions d'euros par an environ, contre 165 millions d'euros en Espagne et 182 millions d'euros au Royaume-Uni.

Sur cette somme, 55 % des coûts sont pris en charge par l'État à travers le budget de la direction des affaires maritimes (DAM) et par la participation aux opérations de secours des moyens navals et aériens d'autres administrations telle que la Marine nationale, les douanes, les services de la sécurité civile, la gendarmerie, etc. Sont également compris dans ces 55 % les subventions des collectivités territoriales à la SNSM.

Toujours selon le rapport Guittet, 14 % des coûts du sauvetage en mer en France sont pris en charge par des moyens privés mobilisés à leur frais par les CROSS au nom de l'obligation de secours aux personnes en détresse en mer.

Les 31 % restant sont pris en charge par la SNSM à travers ses apports en nature, les dons et legs qu'elle collecte mais également par la valorisation de l'action de ses bénévoles, estimée à 44 millions d'euros.

Comme le soulignait à raison dans son rapport Chantal Guittet, « ce dispositif est très peu coûteux , du fait principalement de l'activité des bénévoles de la SNSM . Et il est particulièrement intéressant pour l'État qui, sans la SNSM, devrait abonder le budget annuel du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) dédié à l'action sauvetage en mer d'environ 40 millions d'euros , hors reprise du capital de la société ».

2. Le budget de la SNSM est financée par des dons et legs, ainsi que par des ressources publiques qui demeurent insuffisantes
a) Un budget en augmentation, une « bosse d'investissements à financer »pour renouveler la flotte de l'association

Pour mener à bien ses missions, la SNSM dispose d'un budget qui a connu une nette augmentation au cours des vingt dernières années, dans le cadre de la démarche Cap 2010 lancée en 2007 et devenue CAP 2010+ en 2011, et qui visait à moderniser les équipements des sauveteurs en mer et à développer de nouveaux outils de gestion.

Dans ce contexte, le budget de la SNSM est d'abord passé de 12 millions d'euros en 2002 à 22 millions d'euros en 2012 avant d'atteindre 28 millions d'euros en 2015. Le budget pour 2019 est de 30 millions d'euros , soit un niveau sans précédent dans l'histoire de l'association.

L'évolution du budget de la SNSM de 2002 à 2019

en millions d'euros

2002

2007 1

2012

2015

2017

2018

2019

Budget SNSM

12

20

22

28

28,5

29

30

État 2

2 (MTES)

3,5 M€ (MTES)

Avec une subvention exceptionnelle de 1 M€
du MINARM en 2017

6,4 (MTES)

Dons et legs

8,3

9,3

15,6

15

13,7

Mécénat

3,6

3,7

2,4

2,8

2,8

Collectivités 3

6

5

6,7

Source : Direction des affaires maritimes (DAM)

1 Lancement de la démarche « Cap 2010 ».

2 Subvention unique de fonctionnement de 6 M€ depuis 2018 + 0,4 M€ de produits de taxes.

3 Subvention de fonctionnement + participation aux projets d'investissement (navires, installations à terre).

La situation financière de la SNSM a été marquée par une période délicate en 2015 et en 2016, au cours de laquelle l'association a connu deux exercices déficitaires dans un contexte de stagnation des financements privés et publics. Au cours de ces deux années, la SNSM a ainsi cumulé 2,4 millions d'euros de déficits de financement de ses investissements engagés.

La situation financière de l'association s'est nettement améliorée sur la période récente (2017-2019), en raison :

- du doublement de l'aide de l'État à travers la subvention versée par le ministère de la transition écologique et solidaire (voir infra ). Les subventions publiques et taxes attribuées à la SNSM devraient atteindre 12,1 millions d'euros en 2019 ;

- de l'augmentation importante du financement privé (forte hausse des dons et legs à la suite de la déclaration du sauvetage comme grande cause nationale en 2017, permettant à la SNSM de franchir la barre des 100 000 donateurs). Les dons des particuliers, des entreprises et des mécènes devraient représenter 16,5 millions d'euros en 2019.

L'amélioration de sa situation financière permet à la SNSM de dégager une partie des excédents d'exploitation pour l'investissement tout en reconstituant ses réserves en trésorerie.

Toutefois, la trajectoire d'investissement particulièrement ambitieuse pour les années à venir, avec notamment l'enjeu du renouvellement de la flotte d'intervention , nécessite un nouvel accroissement des financements de l'association qui fait face à une véritable « bosse d'investissements ».

b) L'importance cruciale des dons et legs pour la SNSM

En 2018, 52 % des ressources de la SNSM ont été collectées auprès du public : 4,3 millions d'euros de legs et 11,8 millions d'euros provenant de la générosité du public.

D'une année à l'autre, le total des legs se caractérise par son extrême variabilité : il représentait 1,6 million d'euros en 2015 (proche de la moyenne historique de 1,4 million d'euros ) avant de s'effondrer en 2016 ( 0,6 million d'euros ) puis de quintupler en 2017 ( 3 millions d'euros ) pour atteindre 4,3 millions d'euros en 2018. Le montant attendu pour 2019 devrait être exceptionnel et représenter 7,5 millions d'euros .

A l'instar des legs, les investissements en collecte de fonds auprès des donateurs particuliers (deux campagnes de collecte sont réalisées annuellement, l'une en été et la seconde en hiver) se sont révélés plutôt positifs ces dernières années , alors que la SNSM avait connu des difficultés dans les années antérieures.

En 2016, la croissance de la collecte de fonds a ainsi été de + 15 % . En 2017, année d'attribution par le Premier ministre du label Grande cause nationale au sauvetage en mer et du 50 ème anniversaire de la SNSM , elle a été de + 30 % .

En 2018, alors que les associations françaises constataient une baisse de leurs collectes de fonds (conséquence de la perception par les donateurs de l'incidence du prélèvement à la source sur la déductibilité des dons, en particulier pendant « l'année blanche », réforme de l'ISF, crise des « gilets jaunes »,...), la SNSM a connu une croissance de 9 % des dons . Elle a notamment bénéficié du renouvellement pour trois ans de la convention de mécénat de Total pour un montant de 1,8 million d'euros par an .

Au total, en 2018, la SNSM a pu compter sur 103 558 donateurs (soit un doublement en cinq ans ), comprenant 34 181 nouveaux donateurs (1 053 organismes/mécènes, et 33 128 particuliers, dont un tiers suite à des opérations de télémarketing).

S'ils ont fortement augmenté, les résultats de collecte restent toutefois insuffisants pour assurer la pérennité du modèle économique de la SNSM .

c) Une dotation de l'État qui a triplé ces dernières années, tandis que les subventions des collectivités territoriales augmentaient légèrement

L'État verse à la SNSM une subvention , portée par l'action n° 1 « Sécurité et sûreté maritime » du programme 205 « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

Cette subvention a connu une augmentation substantielle ces dernières années.

Alors que son montant était de 2 millions d'euros par an au cours des années 2000, elle a augmenté à partir de 2015 à 3,5 millions d'euros par an et représente en 2019 et en 2020 6 millions d'euros .

Au total, la part des contributions de l'État représente aujourd'hui 20 % du budget de la SNSM , ce qui représente un effort significatif bien qu'encore insuffisant, puisque Chantal Guittet, dans son rapport au Premier ministre, estimait que cette part devrait être portée à 25 % .

En outre, la SNSM bénéficie de subventions qui lui sont versées par les collectivités territoriales. Leur montant représentait environ 5 millions d'euros en 2018 et devrait atteindre 6,7 millions d'euros en 2019.

d) La fiscalité affectée à la SNSM demeure symbolique, puisqu'elle ne devrait percevoir que 184 000 euros à ce titre en 2019

La SNSM ayant connu d'importantes difficultés financières en 2015 et en 2016 , des mesures fiscales ont été adoptées à l'occasion de la loi de finances afin de lui permettre de bénéficier d'une part du produit de plusieurs taxes en rapport avec le domaine maritime , mais une seule d'entre elles contribue pour l'heure - fort modestement - à son financement.

(1) Une faible part des recettes du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN)

La SNSM perçoit en premier lieu des recettes issues du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) , depuis une modification de l'article 224 du code des douanes réalisée par l'article 45 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Défini à l'article 223 du code des douanes, le DAFN est une taxe à laquelle sont soumis les propriétaires de navires francisés 17 ( * ) dont la longueur de coque est supérieure ou égale à 7 mètres ou dont la puissance administrative des moteurs est supérieure ou égale à 22 chevaux (CV) et les véhicules nautiques à moteur francisés dont la puissance réelle des moteurs est supérieur ou égale à 90 kilowatts (kW) 18 ( * ) .

L'article 224 du code des douanes prévoit que le produit du DAFN est affecté :

- au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres , dans la limite d'un plafond fixé à 38,5 millions d'euros pour 2019 au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;

- depuis 2018, aux organismes de secours et de sauvetage en mer, c'est-à-dire à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) , dans la limite d'un plafond fixé à 4 millions d'euros pour 2019 au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Compte tenu de la priorité donnée au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres dans l'affectation des recettes du DAFN, les montants perçus à ce titre par la SNSM demeurent bien faibles, puisque l'association n'a reçu que 184 000 euros en 2018 et en 2019.

Elle pourrait toutefois recevoir 815 000 euros en 2020, selon le tome I du rapport annexé « Évaluation des voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2020, ce qui reste pour l'heure à démontrer.

Il convient également de noter que la SNSM perçoit 103 000 euros par an au titre du droit de passeport prévu par l'article 238 du code des douanes et qui constitue une taxe additionnelle au DAFN.

Dans le cadre de la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), la loi de finances pour 2018 avait complété le DAFN en prévoyant un barème renforcé pour les navires de plaisance et de sport d'une longueur égale ou supérieure à 30 mètres et d'une puissance propulsive égale ou supérieure à 750 kW.

Le produit de cette « taxe sur les yachts », qui avait été évaluée à l'époque à 10 millions d'euros, devait bénéficier lui aussi au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et à la SNSM. Mais cette surtaxe purement symbolique n'a rapporté que 86 000 euros depuis sa création... Autant dire qu'elle ne constitue nullement une recette d'avenir pour la SNSM.

(2) La SNSM s'est vu attribuer 5 % du produit de la taxe sur les éoliennes en mer, mais celle-ci ne génère pas encore de recettes

L'article 1519 B du code général des impôts prévoit l'existence d'une taxe annuelle sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale instituée au profit des communes et des usagers de la mer.

Cette taxe sur les éoliennes maritimes est acquittée par l'exploitant de l'unité de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Assise sur le nombre de mégawatts installés dans chaque unité de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au 1 er janvier de l'année d'imposition, son tarif annuel est fixé à 16 790 € par mégawatt installé.

L'article 1519 C du CGI prévoit que 5 % du produit de cette taxe sur les éoliennes en mer sera affecté à la SNSM. Mais cette mesure ne produira ses effets qu'en 2021 au plus tôt lorsque les parcs éoliens maritimes seront mis en service et seront raccordés au réseau. Elle pourrait toutefois rapporter à terme quelque 2 millions d'euros par an à la SNSM et constituerait dans ce cas une nouvelle ressource significative.

3. La France, championne du monde du rapport qualité-prix du sauvetage en mer

Par rapport à l'Allemagne, la SNSM, avec un budget inférieur de 20 % (30 millions d'euros contre 36), couvre en France les charges de dix fois plus d'embarcations et mobilise cinq fois plus de sauveteurs.

Avec le sixième du budget de son homologue espagnol - 165 millions d'euros, qui incorporent 60 millions d'euros de charges annuelles de personnel ainsi qu'une centaine de millions d'euros consacrés aux investissements et aux amortissements - la SNSM fait fonctionner en France quatre à cinq fois plus d'embarcations et peut compter sur trois fois plus de sauveteurs mobilisables.

S'agissant de la comparaison entre le Royaume-Uni et la France : le nombre de navires est à peu près similaire mais ceux de la Royal National Lifeboat Institution ont un coût unitaire semble-t-il plus élevé ; les effectifs de bénévoles embarqués sont également du même ordre de grandeur. Cependant, le financement du dispositif britannique représente plus de sept fois celui de la SNSM avec 182 millions de livres de ressources annuelles (soit 10 % de plus en euros après conversion au cours actuel) dont 62 % de legs et 32 % de dons.

Au total, ces différentes comparaisons montrent bien que le rapport qualité-prix du sauvetage en mer est exceptionnel dans notre pays.


* 17 La francisation d'un bateau ou navire lui confère le droit de porter le pavillon de la République française avec les avantages qui s'y rattachent. Cette opération administrative est constatée par l'acte de francisation.

* 18 Les navires de commerce et les navires de pêche, quel que soit leur tonnage, sont exonérés de ce droit.

Page mise à jour le

Partager cette page