B. UN ATTACHEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À LA CLAUSE DE COMPÉTENCE PARTAGÉE TOUJOURS D'ACTUALITÉ

1. L'impossibilité de « répartir » la compétence partagée dans le domaine du sport

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n'a pas permis de réformer les politiques territoriales du sport alors même qu'un débat existait déjà sur leurs objectifs et leurs modalités d'organisation. L'ensemble des associations d'élus ont en effet défendu, lors du débat, le maintien de cette clause, en expliquant qu'il n'était pas souhaitable de confier la compétence sport à une seule catégorie de collectivité compte tenu de l'importance de la politique du sport dans le développement territorial et de son utilité dans la mise oeuvre de politiques sociales inclusives.

Les associations d'élus ont également décliné toute évolution vers une compétence « répartie » qui aurait vu chaque niveau de collectivité se voir attribuer un aspect de la politique du sport (haute performance pour la région, sport nature pour le département, équipements pour les intercommunalités et les communes etc...) au motif qu'il n'est pas possible de tracer une frontière entre les compétences. Il est vrai que le département intervient dans le handisport et que la région est aussi compétente pour le sport scolaire à travers les lycées. Les différents niveaux de collectivités sont très attachés à pouvoir mettre en oeuvre des actions transversales dans le domaine du sport afin de répondre au mieux aux spécificités territoriales 8 ( * ) .

Le maintien de la clause de compétence partagée a eu pour conséquence de ne pas pouvoir répondre aux problèmes qu'elle engendre , qu'il s'agisse du saupoudrage des subventions, de l'absence de vision globale sur le territoire ou des difficultés que rencontrent les plus petits clubs pour financer leurs projets.

En définitive, la capacité d'action de chaque acteur a été préservée sans que de véritables progrès n'aient été opérés en termes de coopération malgré l'ouverture de la possibilité de recourir à un « guichet unique ». Le rôle du CNDS n'a pas véritablement évolué, ce qui a sans doute précipité sa disparition à l'occasion de la création de l'Agence nationale du sport.

Faute d'avoir pu rénover la politique territoriale du sport à l'occasion d'une loi portant sur l'administration territoriale, celle-ci a été profondément remaniée à l'initiative du Gouvernement et à l'issue d'une concertation menée avec le mouvement sportif et les associations d'élus dans le cadre de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le Parlement intervenant ex post et in extremis afin de préciser dans la loi le détail de l'organisation territoriale de cette nouvelle politique.

Le CNDS appelé à se fondre dans l'ANS

Le Gouvernement a annoncé en 2018 la suppression du CNDS et son intégration dans l'Agence nationale du sport. Cette annonce a créé des interrogations sur la période transitoire en attendant que l'Agence nationale du sport devienne véritablement opérationnelle 9 ( * ) .

Selon Mathilde Gouget, alors secrétaire générale du CNDS 10 ( * ) , les engagements du CNDS qui s'élèvent à 217 M€ seront repris par l'ANS ainsi que le personnel. Le siège de l'Agence sera établi au CNDS avant un déménagement en fin d'année afin de pouvoir accueillir 60 agents au total.

Afin d'assurer une transition harmonieuse, le conseil d'administration de février 2019 du CNDS a engagé les crédits relatifs aux parts territoriale et d'équipement afin d'assurer la continuité des projets en 2019. Les commissions territoriales ont par ailleurs été maintenues en 2019 dans l'attente de la mise en place d'un « véhicule » pour 2020. Dès le printemps dernier, il était aussi apparu qu'il serait nécessaire de préciser dans la loi les modalités de fonctionnement de l'ANS au niveau territorial, un GIE ne pouvant mobiliser les services de l'État.

Sur le plan financier, il convient de rappeler que la loi de finances pour 2019 a prévu de transférer les recettes affectées du CNDS (146 M€) à l'Agence nationale du sport. La trésorerie du CNDS a, par ailleurs, basculé vers l'agence dès sa création en mai 2019. Une subvention issue des crédits du programme 2019 doit également permettre de financer les conventions d'objectifs avec les fédérations.

Une expérimentation a, par ailleurs, été engagée afin de favoriser l'autonomie des fédérations sportives à travers les projets sportifs fédéraux. Une trentaine de fédérations ont ainsi obtenu la possibilité d'instruire elles-mêmes les demandes de subvention en lieu et place des commissions territoriales. L'objectif est de permettre à l'ensemble des fédérations de gérer cette part territoriale d'ici 2020. Toutefois, 80 M€ sur les 112 M€ qui représentent la part territoriale devraient en 2019 être toujours affectés par le biais des commissions territoriales.

Selon Mathilde Gouget, secrétaire générale du CNDS : « on constate que les fédérations n'ont pas des objectifs très différents. L'augmentation de la pratique les amène également à développer la pratique féminine et à cibler les territoires carencés ».

2. Vers une gouvernance « coordonnée » de la compétence sport ?

Les difficultés rencontrées pour organiser les actions de chaque niveau de collectivité en partant du terrain ont permis à une réflexion plus globale sur la gouvernance de la politique du sport de prendre corps. Initiée par l'État, une concertation a été conduite associant tous les acteurs : ministère du sport, mouvement sportif, monde économique et représentants des collectivités territoriales. Cette réflexion a bénéficié du contexte créé par l'attribution à la ville de Paris des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Un sentiment d'urgence à réformer notre modèle sportif hérité des années 1960 a permis en quelques mois d'aboutir au projet de créer une Agence nationale du sport en charge tant de la haute performance que du sport pour tous.

Autant la haute performance constitue l'apanage de l'État, du mouvement sportif et, dans une moindre mesure, des régions depuis la décentralisation des CREPS, autant le sport pour tous est d'abord l'affaire des collectivités territoriales et au premier chef du bloc communal . Or, comme l'a rappelé le directeur général de l'ANS, Frédéric Sanaur, lors de son audition par vos rapporteurs, l'objectif recherché avec la création de l'agence tient d'abord dans l'effet de levier. Le financement public apporté par l'agence viendra le plus souvent boucler un tour de table. L'efficacité de l'agence tiendra donc moins dans le volume des crédits accordés que dans la sélectivité des projets.

Selon Frédéric Sanaur qui s'appuie sur les méthodes mises en place pour examiner les 600 dossiers relatifs à des projets d'équipement, les instances de l'agence analysent chaque dossier au regard de sa plus-value sportive et de sa solidité financière. L'objectif est d'aboutir à une décision consensuelle entre les différents partenaires pour identifier les projets les plus prometteurs et les plus fédérateurs. La même logique sera recherchée pour décider du soutien à apporter aux projets territoriaux dans le cadre des conférences des financeurs. Cette démarche d'évaluation de la qualité des projets nécessite de mettre en place une ingénierie pour permettre l'enregistrement des dossiers, leur analyse et la prise de décisions. Si le Sénat a inscrit dans la loi du 1 er août 2019 les principes fondamentaux relatifs aux conférences des financeurs du sport, les modalités pratiques de leur fonctionnement devront être précisées dans le décret d'application qui devrait être adopté début 2020 selon les responsables de l'ANS.

Les travaux préparatoires à la rédaction de ce décret visent donc à organiser la compétence partagée des collectivités territoriales afin que celles-ci puissent intervenir aux côtés du mouvement sportif, du monde économique et de l'État afin de choisir les projets les plus prometteurs.

Concernant l'organisation de cette gouvernance territoriale du sport, le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia, a estimé que la part de l'État dans la répartition des votes au sein des conférences des financeurs du sport pourrait baisser afin de réserver une part plus importante aux collectivités territoriales, de l'ordre de 40 %, les autres partenaires se partageant les 60 % restants.


* 8 Les réponses au questionnaire adressé aux régions et aux départements présentés dans le II confirment cet attachement à la clause de compétence partagée.

* 9 L'organisation territoriale de l'ANS ne devrait pas être effective avant début 2020.

* 10 Mme Mathilde Gouget a été auditionnée par vos rapporteurs le 26 mars 2019.

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