C. UNE ÉVOLUTION DES POLITIQUES TERRITORIALES DU SPORT CONDITIONNÉE PAR UNE NOUVELLE ORGANISATION

1. L'impossible remise en cause de la compétence partagée

Rares sont les collectivités à appeler de leurs voeux une évolution de la clause de compétence partagée même si certaines reconnaissent les difficultés rencontrées. Pour le département de la Manche par exemple : « un certain manque de lisibilité (« qui finance quoi ? ») peut être constaté. L'intervention des différents échelons se fait, parfois, sans réelle concertation (exemple : subvention de fonctionnement des associations sportives, soutien aux manifestations sportives). Une clarification entre collectivités permettrait une meilleure allocation des ressources, d'apporter de la cohérence et de la complémentarité » . Pour le département du Val d'Oise « une répartition plus claire des rôles éviterait très certainement certains « doublons » voire certains « enchevêtrements » de financements » .

La région Normandie considère difficile d'engager des discussions sur la structuration et la répartition des actions de chacun. Elle estime que « seule une loi de décentralisation avec répartition de compétences permettrait d'avancer significativement dans la structuration des politiques publiques du sport » . Pour l'avenir, elle demande à ce que la région soit positionnée comme « l'animatrice des politiques sportives sur les territoires » .

La région Bretagne demande également « de mettre la région comme chef de file à l'instar de ce qui a été mis en place au niveau de la jeunesse » .

Cette « clarification » ne constitue cependant pas une demande majoritaire en particulier du côté des départements. Ces collectivités sont soit partagées soit franchement hostiles à une telle évolution .

Le département du Finistère par exemple ne soutient pas les revendications de la région Bretagne. Il considère que « l'action publique en matière de sport présente un caractère très transversal. Préciser davantage la répartition des rôles peut amener à cloisonner encore davantage les pratiques, alors que les politiques publiques départementales sont pensées de manière globale et inclusive » .

Le département du Lot-et-Garonne se montre plutôt ouvert sur une évolution de la clause de compétence partagée afin de « financer le sport de manière plus efficace, en définissant des domaines d'intervention propres à chaque échelon territorial » mais il rappelle aussi qu'il y a lieu de « rester prudent sur une définition ».

Le président du département de la Haute-Saône, notre ancien collègue Yves Krattinger, est davantage opposé à une évolution : « une répartition des rôles ne me paraît pas adaptée, surtout si elle est rigide entre les différents financeurs, celle-ci bloquerait les capacités à financer certains projets » . Le département du Haut-Rhin met en valeur également que « la clause de compétence partagée est de nature à favoriser l'implication de toutes les strates de collectivités ». Le département de l'Aube indique de la même façon qu' « il est souhaitable de maintenir une possibilité d'intervention et d'initiative au même niveau pour chaque catégorie de collectivités, ce afin de pouvoir s'adapter à des réalités locales et aux spécificités de chacune des disciplines ». De même, le département de Meurthe-et-Moselle met en garde sur une répartition plus précise des rôles : « attention à ne pas trop figer les attributions de chaque collectivité. Les clubs sont heureux de bénéficier de différentes aides. Leur budget est plus facile à gérer surtout en cas de défaillance de l'une des collectivités ». Le département de la Somme est plus définitif encore dans son appréciation lorsqu'il indique que « l'exemple des travaux CTAP/CTEC démontre que cette répartition est assez peu souhaitée, et quoi qu'il en soit difficile à définir tant les disparités éloignent les objectifs des uns et des autres ».

Pour le département du Vaucluse : « il semble très compliqué de désigner des collectivités compétentes sur les domaines porteurs et obliger les autres à prendre en charge des actions moins valorisantes ». Dans le même registre, le département de Vendée considère qu' « une répartition des rôles très « administrative » reviendrait à cloisonner l'intervention des collectivités à tout niveau. D'ailleurs la nomination d'un chef de file s'imposerait pour coordonner le dispositif et entrainerait sûrement une démotivation chez les autres partenaires plus « passifs », ce qui à moyen terme serait négatif pour les objectifs attendus en terme d'animation et de développement des territoires ».

Pour le département de Saône-et-Loire : « trop de précision risquerait de laisser des domaines sans aucune aide. Attention à ne pas trop figer les règles d'un monde sportif qui est en constante évolution ».

De la même façon, le département des Hauts-de-Seine considère qu' « une répartition plus précise, si elle était mise en oeuvre, induirait une forme d'obligation pour avoir un sens et une certaine efficacité, alors même que les dépenses obligatoires pèsent déjà fortement sur les dépenses des collectivités ».

Le département du Bas-Rhin s'interroge aussi sur la possibilité de répartir les compétences en prenant l'exemple des sports de nature qui constituent une compétence des départements selon la loi 19 ( * ) . Il remarque en effet que « d'autres collectivités se saisissent de cette thématique par des entrées aussi variées que le sport de haut niveau, le tourisme, l'économie et finissent ainsi par brouiller la lisibilité et le statut de chef de file accordé aux départements » .

Cette difficulté à répartir la compétence partagée est également évoquée par le département de la Creuse qui mentionne que « les spécificités territoriales, les politiques menées et les moyens mobilisables peuvent rendre difficilement réalistes les hypothèses de répartition et spécialisation de chaque échelon territorial au niveau national ».

2. Les limites des mécanismes habituels de coopération

La coopération avec le bloc communal apparaît développée dans certains départements. Le département de l'Aveyron a ainsi créé « une agence départementale d'ingénierie dont l'objet est d'accompagner communes et groupements de communes dans l'exercice de leurs compétences et la réalisation de leurs projets » . Le département du Bas-Rhin propose également une ingénierie aux associations sportives et favorise la contractualisation avec les comités départementaux sportifs et des clubs autour de projets d'actions en lien avec les axes de sa politique sportive. L'ingénierie auprès des communes et des EPCI est aussi proposée par le département de la Creuse pour « mettre en oeuvre techniquement des projets d'équipements sportifs, de création de circuits de randonnée, VTT ou vélo-route ». De la même façon, le département de l'Hérault intervient « en expertise auprès des porteurs de projets. Cette fonction tend à se développer avec l'outil Hérault Ingénierie, dans le cadre de la mise en oeuvre de la compétence solidarité territoriale dont les départements ont la charge ».

Le département du Haut-Rhin évoque quant à lui des coopérations avec les communautés d'agglomération et les villes sur des sujets ponctuels ainsi que sur des projets de construction ou de réhabilitation d'équipements sportifs.

Le département de la Manche développe des coopérations avec l'ensemble des autres collectivités. Au niveau supra départemental, il conduit « un travail collaboratif avec la région Normandie et les autres départements normands sur plusieurs dispositifs d'aide à l'investissement (acquisition de matériel et de véhicules collectifs) afin de permettre un véritable effet de levier pour les clubs » . Au niveau infra départemental, « au titre de la politique contractuelle, le département accompagne financièrement les projets des communes et des intercommunalités (fonds d'investissement rural, contrat de territoire et contrat de pôle de services) permettant la rénovation et/ou la construction d'équipements sportifs et donc un maillage optimal/optimisé » .

Depuis 2017, le département de Vendée « a mis en place des contrats de territoires avec les 19 communautés de communes et la commune de l'Ile d'Yeu pour la période 2017-2020 ». À noter également que « parallèlement un travail partenarial a été mené avec la région des Pays-de-Loire pour mettre en place une plateforme mutualisée de dépôt des dossiers de demande de subvention au titre des contrats de territoire. Cet outil partenarial, offrant la possibilité de solliciter deux financeurs dans le cadre d'une demande unique, est une première en France ».

Les coopérations peuvent également être difficiles à mettre en oeuvre. Le Loir-et-Cher par exemple participe depuis octobre 2017 à une Conférence régionale du sport. Mais celle-ci ne s'est réunie qu'une fois en décembre 2018.

Toutefois, la coopération n'est pas généralisée puisque le département du Lot-et-Garonne déclare qu' « il n'y a pas de coopération ou de mutualisation spécifique entre les collectivités lot-et-garonnaises en matière de sport » . Il en est de même pour le département du Puy-de-Dôme pour qui « il n'y a pas de coopération ni de mutualisation avec les autres collectivités » .

Certaines collectivités évoquent des recherches de mutualisations qui n'ont pu aboutir. Le département de la Somme par exemple indique que « des travaux ont été entrepris en 2017-2018 avec la région Hauts-de-France et les 4 autres départements dans le cadre de la préparation d'éventuelles Conventions territoriales d'exercice concerté (CTEC). Ils n'ont pas abouti, et ont plutôt démontré les grandes disparités entre les différentes orientations des politiques sportives menées par les acteurs » .

Même lorsque les coopérations sont nombreuses, elles ne s'inscrivent pas nécessairement dans des démarches de contractualisation. En Corse, par exemple, « s'il n'existe pas de contractualisation formelle systématique, la clé de répartition des financements entre la collectivité de Corse, les EPCI et/ou les communes font l'objet de discussions bilatérales » .

La loi NOTRe proposait de développer l'outil des CTAP pour favoriser la concertation. Alors que la loi a été adoptée en 2015, le département de Haute-Saône indique qu' « un travail est lancé dans le cadre de la CTAP dédiée au sport au niveau de la région Bourgogne-France-Comté » . Quatre années après le vote de la loi, on peut donc estimer que l'outil de la CTAP n'est pas encore opérationnel.

La région Bretagne indique qu'elle a mis en place en 2005 une instance de dialogue avec le mouvement sportif et les autres collectivités exerçant cette compétence facultative. Cette instance joue le rôle de CTAP. Dans ces conditions : « la loi du 7 août 2015 n'a pas apporté de changements majeurs à l'application de la compétence sport pour la région Bretagne » . Ce retour de la région Bretagne indique l'absence de changement suite à l'adoption de la loi NOTRe. Les collectivités qui avaient institué des mécanismes de concertation ont poursuivi leur démarche tandis que les autres n'ont pas nécessairement avancé.

On peut également mentionner l'expérience de la région Pays-de-la-Loire rapportée par le département de la Sarthe : « La région Pays de la Loire a mis en place depuis quelques années une Commission consultative régionale du sport dans laquelle tous les niveaux de collectivités sont conviés. Cette commission régionale se réunit une fois par an mais différents groupes de travail ont été constitués en fonction de thématiques permettant de réfléchir sur les orientations des politiques sportives à l'échelle du territoire régional » . Cette commission consultative présente quelques similitudes avec la future conférence régionale du sport sachant que cette dernière aura une composition plus large puisqu'elle accueillera également des représentants de l'État, du mouvement sportif et du monde économique.


* 19 Par exception au principe de compétence partagée et facultative, l'article L. 311-3 du code du sport prévoit que : « Le département favorise le développement maîtrisé des sports de nature. À cette fin, il élabore un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature. Ce plan inclut le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée prévu à l'article L. 361-1. du code de l'environnement. Il est mis en oeuvre dans les conditions prévues aux articles L. 113-6 et L. 113-7 du code de l'urbanisme. »

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