III. DOUZE PRÉCONISATIONS POUR ASSURER LA RÉUSSITE DE LA NOUVELLE GOUVERNANCE TERRITORIALE DU SPORT

Alors que la mise en place de l'Agence nationale du sport reste encore suspendue à l'adoption des décrets d'application de la loi du 1 er août 2019, les auditions conduites par vos rapporteurs comme les réponses au questionnaire envoyé aux départements et aux régions permettent d'identifier clairement les attentes des élus locaux en matière de politique territoriale du sport.

Afin de répondre à ces attentes, les douze préconisations proposées par vos rapporteurs permettent à la fois :

- de préserver la capacité d'action de toutes les collectivités territoriales en matière de sport ;

- de mieux les associer au fonctionnement des CREPS ;

- d'envisager des modalités de fonctionnement véritablement partenariales de l'Agence nationale du sport au niveau territorial ;

- et de demander à l'État d'assumer dans la durée ses responsabilités en matière de développement de la pratique sportive dans les territoires carencés .

A. PERMETTRE À TOUTES LES COLLECTIVITÉS DE S'INVESTIR DANS LE DÉVELOPPEMENT DU SPORT

1. Maintenir la clause de compétence partagée pour le sport

La présente mission d'information a été créée afin d'examiner l'application des dispositions consacrées au sport dans la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (la loi « NOTRe ») et tout particulièrement la mise en oeuvre de la clause de compétence partagée.

Les auditions menées comme les réponses au questionnaire envoyé à certaines collectivités territoriales ont permis de conclure à un très fort attachement à la clause de compétence partagée.

Vos rapporteurs se sont interrogés lors de leurs premières auditions sur les conséquences que pouvait avoir la mise en place d'une nouvelle gouvernance des politiques sportives territoriales sur le rôle de chaque niveau de collectivité. N'était-il pas temps de préserver la compétence de chaque niveau de collectivité dans le sport mais de mieux spécialiser son champ d'intervention pour plus de lisibilité et d'efficacité ?

Les échanges approfondis menés avec les différentes associations d'élus ont permis d'établir que non seulement les élus étaient très attachés à ce principe de liberté mais que la diversité des situations et des actions menées rendrait très incertaine toute tentative de répartition de la compétence sport entre niveaux de collectivités.

Pour France Urbaine par exemple, il faut rappeler que « le bloc local -au premier chef les grandes communautés, métropoles et grandes villes - finance plus de 80 % des équipements sportifs » , ce qui lui permet de « concevoir le sport en transversalité, en cohérence avec les politiques publiques mises en oeuvre dans les territoires : santé, mobilité et accès aux équipements, vivre-ensemble et cohésion sociale, développement durable » .

Les départements 21 ( * ) ne souhaitent pas davantage voir leur marge de manoeuvre contrainte et insistent sur le caractère transversal de leur approche du sport qui fait obstacle à une quelconque spécialisation.

Les régions ne demandent pas non plus de revenir sur la clause de compétence partagée. Pour Jean-Paul Omeyer, « il faut développer des politiques d'équilibre dans les territoires à côté des pôles d'excellence sportive » .

Pour Frédéric Sanaur, le directeur général de l'ANS, la mise en place de l'agence avec sa gouvernance territoriale revient à instaurer une « compétence partagée coordonnée » .

Dans ces conditions, et c'est sans doute une des principales conclusions des travaux de la mission d'information, vos rapporteurs préconisent de maintenir la clause de compétence partagée pour le sport telle qu'elle figure aujourd'hui à l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales.

Préconisation n° 1 : maintenir le principe de la compétence partagée dans le domaine du sport pour les différentes collectivités territoriales (art. L. 1111-4 du CGCT) dans le cadre d'une coordination territoriale étroite.

2. Mettre en oeuvre le principe d'un minimum d'un CREPS par région

La décentralisation des CREPS engagée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (la loi « NOTRe ») a constitué une réussite. Les moyens ont été garantis et transférés aux régions et celles-ci ont, pour la plupart, joué le jeu en développant des projets de haut niveau en lien souvent avec la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Pour le président du CNOSF : « sans cette réforme les CREPS seraient aujourd'hui en difficulté » .

Cette dynamique initiée par la décentralisation des CREPS met en évidence l'inégalité qui perdure dans la répartition de ces structures sur le territoire. Alors que certaines régions possèdent plusieurs CREPS suite à la réforme de la carte de régions, trois régions en sont dépourvues, il s'agit de la Bretagne, de la Corse et de la Normandie.

Le réseau incomplet des CREPS

(extrait de l'avis de la CCEC sur le projet de loi NOTRe)

« Il existe aujourd'hui dix-sept CREPS, dont quinze métropolitains et deux en outre-mer, celui d'Antilles-Guyane et celui de la Réunion. Or, la carte des quinze CREPS métropolitains ne correspond pas à celle des treize nouvelles régions. La grande région Est devrait ainsi comporter trois CREPS (Lorraine, Reims et Strasbourg) tandis que la grande Aquitaine en comprendrait deux (Bordeaux-Aquitaine et Poitou-Charentes) tout comme la grande région rassemblant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon (Toulouse et Montpellier) et la grande région composée de Rhône-Alpes et de l'Auvergne (Rhône-Alpes et Vichy-Auvergne). A contrario ni la Bretagne, ni la Normandie, ni la Corse ne comporteraient de CREPS.

Si cette répartition est d'abord le fruit d'une histoire, elle tient aussi à des choix opérés ces dernières années qui ont vu, à partir de 2008, par exemple la fermeture du CREPS d'Houlgate en Basse-Normandie, celui de Dinard-Bretagne et celui de Corse. »

Source : avis n° 150 (2014-2015) de Mme Morin-Desailly

On peut rappeler que l'article 28 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République avait été enrichi lors de son examen au Sénat afin de préciser dans l'article L. 114-1 du code du sport que les CREPS sont créés ou fermés par arrêté du ministre chargé des sports sur proposition de la région, « chaque région ayant vocation à accueillir au moins un de ces établissements sur son territoire » .

Or, depuis 2015 aucun progrès n'a véritablement été réalisé afin de rétablir les trois CREPS « manquants » dans leurs prérogatives et leur statut alors même que les collectivités concernées regrettent aujourd'hui d'être tenues à l'écart du développement de la haute performance en régions.

Interrogés par vos rapporteurs, les représentants du ministère des sports et de l'ANS ont indiqué vouloir mettre en place un maillage territorial afin de pouvoir mieux identifier les athlètes mais ils n'ont pas indiqué avoir à ce jour prévu de compléter la carte des CREPS en métropole comme en Outre-Mer.

L'ANS a toutefois adopté le 8 octobre 2019 une délibération relative à un appel à projets de financement de structures de haut niveau. Une enveloppe de 500 K€ a ainsi été mobilisée à destination des territoires ultramarins, de la Corse, de la Bretagne et de la Normandie pour compenser les charges supplémentaires générées par l'absence de CREPS.

Si vos rapporteurs ne peuvent que saluer cet effort, ils observent que cette compensation partielle et temporaire ne saurait remplacer la création de CREPS afin de rétablir une véritable équité territoriale.

Préconisation n° 2 : assurer la présence d'au moins un CREPS par région métropolitaine et veiller à intégrer les territoires ultramarins au maillage de la haute performance selon des modalités adaptées (modification de l'article L. 114-1 du code du sport).

3. Représenter davantage les départements et les communes dans la gouvernance des CREPS

L'implication du bloc communal et des départements dans les CREPS semble assez faible et relever avant tout de circonstances locales . Le département de la Vienne a ainsi tissé des liens avec le CREPS de Poitiers sur la base d'« envies communes » selon sa vice-présidente Pascale Guittet, auditionné par vos rapporteurs, mais les coopérations seraient moindres avec celui de Talence 22 ( * ) . L'AMF souligne que les CREPS sont souvent situés au sein d'une métropole ou d'une agglomération et que des relations se développent afin de faciliter leur fonctionnement. L'association reconnaît toutefois que le sport de haut niveau demeure un champ d'action privilégié de l'État et des régions même si les départements sont le principal partenaire du handisport par exemple.

Sur le plan juridique, l'article L. 114-10 du code du sport prévoit déjà la présence au conseil d'administration de « six ou sept représentants de la région et d'autres collectivités territoriales, désignés par les organes délibérants des collectivités concernées » . Le décret n° 2016-152 du 11 février 2016 précise que cette répartition comprend le président du conseil départemental du siège du CREPS (ou son représentant) ainsi que le président de l'intercommunalité ou le maire de la commune d'implantation (ou son représentant). Par ailleurs, le décret ouvre la possibilité qu'une partie des postes réservés à des conseillers régionaux puisse échoir à des représentants d'autres collectivités territoriales que celles où se situe le siège du centre.

L'« ouverture » du conseil d'administration des CREPS sur les autres niveaux de collectivités ne semble toutefois pas être la règle si l'on en croit les compositions de certains conseils d'administration . Le CREPS d'Aquitaine 23 ( * ) comprend par exemple 6 élus locaux dont 4 sont issus de la région et le maire de Talence et le président du conseil départemental. Le CREPS d'Ile-de-France 24 ( * ) a pour sa part une composition plus équilibrée puisqu'il comprend 2 représentants de la région, 2 représentants des départements et 2 représentants des communes. Cette représentation plus équitable gagnerait à être généralisée par exemple en prévoyant que 50 % des membres du conseil d'administration représentant les collectivités territoriales sont composés d'élus régionaux et que 50 % sont choisis parmi les autres collectivités.

Préconisation n° 3 : renforcer la représentation des départements, des métropoles et des communes dans la gouvernance des CREPS afin de développer un maillage territorial favorable au développement du haut niveau (modification de l'article L. 114-10 du code du sport).

4. Instaurer une relation étroite entre les CREPS et les émanations territoriales de l'Agence nationale du sport

L'Agence nationale du sport a, du fait de son objet même, vocation à entretenir des relations étroites avec les CREPS qui sont eux-mêmes en charge de la haute performance. Selon les responsables de l'ANS, les CREPS ont vocation à prendre toute leur place dans le maillage territorial à mettre en place afin d'identifier et accompagner les athlètes d'avenir. Les CREPS sont ainsi appelés à devenir des « vigies territoriales ».

Le succès de la régionalisation des CREPS exclue a priori de faire évoluer le statut des CREPS pour les rattacher directement à l'ANS. Toutefois, une articulation doit être trouvée afin d'assurer une relation permanente et fluide. Vos rapporteurs proposent ainsi de modifier le décret n° 2016-152 du 11 février 2016 afin de prévoir la présence de droit du président de la conférence régionale du sport au conseil d'administration des CREPS établis sur le territoire régional.

Préconisation n° 4 : prévoir la présence de droit au conseil d'administration des CREPS du président de la conférence régionale du sport ou de son représentant (modification du décret du 11 février 2016).

Par ailleurs, il apparaît également indispensable que l'ANS soit associée à la définition des relations qui existent entre l'État et les CREPS et qui sont définies dans des conventions. L'article R. 114-1 du code du sport prévoit ainsi que « les centres peuvent passer avec les services déconcentrés de l'État compétents dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire des conventions destinées à mobiliser des moyens propres à ces services sous l'appellation de structures associées de formation ».

Le même article prévoit également que des conventions signées avec le ministère des sports déterminent les modalités de fonctionnement et de financement des pôles nationaux de ressources et d'expertise portant sur des thématiques particulières dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire dont les CREPS assurent le fonctionnement.

Il apparaît nécessaire que l'ANS soit associée à la préparation et à la mise en oeuvre de ces conventions.

Préconisation n° 5 : modifier le code du sport afin de prévoir d' associer l'ANS à la préparation et à la mise en oeuvre des conventions prévues entre les CREPS et l'État (modification de l'article R 114-1 du code du sport).


* 21 Voir en particulier le II du présent rapport.

* 22 L'exploitation des réponses au questionnaire dans le II a montré l'absence de relations entre les départements et les CREPS.

* 23 http://www.creps-aquitaine.fr/IMG/pdf/composition_ca.pdf

* 24 https://www.creps-idf.fr/creps.equipe

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