II. ENCLENCHER UN NÉCESSAIRE MAIS COMPLEXE REDÉMARRAGE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

A. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE MEURTRIE NÉCESSITANT UN SOUTIEN PUBLIC

1. Des dispositifs économiques de soutien immédiat aux entreprises

Face à une catastrophe naturelle majeure, le maintien du tissu économique dans les mois qui suivent est difficile à assurer. En effet, les entreprises doivent faire face, d'une part, aux dommages matériels qu'elles ont elles-mêmes subis et, d'autre part, à une baisse importante de leur activité. Si les entreprises liées à la reconstruction - du BTP notamment - ont dans de telles situations une augmentation de leurs commandes, parfois impossibles à satisfaire, d'autres secteurs d'activité peuvent eux être très largement handicapés.

Dans le cas des Îles du Nord, différents dispositifs ont été mis en oeuvre dans les mois qui ont suivi.

a) L'activité partielle

L'activité partielle a été un des dispositifs dont les entreprises se sont saisies. La préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin indique que, depuis le passage de l'ouragan Irma, l'activité partielle a bénéficié à 1 637 entreprises et 1 953 salariés, soit un total de 1 966 millions d'heures indemnisées. L'enveloppe allouée aux entreprises s'est élevée à 16,8 millions d'euros 13 ( * ) .

Après un recours important en 2018, ce dispositif a continué d'être mobilisé en 2019, mais dans des proportions très inférieures. Ainsi, si le ministère des outre-mer 14 ( * ) précise que le renouvellement des demandes d'activité partielle a bénéficié, entre janvier et juin 2019, à 52 entreprises (50 sur Saint-Martin et 2 sur Saint-Barthélemy) pour plus de 296 salariés 15 ( * ) , seulement 5 % des entreprises ont demandé le renouvellement par rapport à la même période en 2018. Les secteurs les plus demandeurs sont ceux de l'hébergement, de la restauration, et du commerce.

Le ministère explique cependant que la baisse relative est due à la fermeture d'une partie des entreprises, menant au licenciement des salariés dont la procédure a été allégée et adaptée à la situation du territoire. Cet allègement a fait suite au vote de la mesure de l'exonération du coût des contrats de sécurisation professionnelle annoncée par le ministère du travail.

b) Aide au redémarrage des entreprises sinistrées

Un dispositif d' aide exceptionnelle au redémarrage de l'activité a été mise en place par l'État, sur la base de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle 16 ( * ) .

Ce dispositif concerne les entreprises sinistrées à la suite des intempéries du 5 au 7 septembre 2017 dans les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il a permis de déployer, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excédait pas un million d'euros et dont l'activité n'avait pas encore repris au 16 septembre 2017, une indemnisation s'étalant de 1 000 à 10 000 euros selon la nature du préjudice subi par l'entreprise et selon que celle-ci avait garanti un maintien dans l'emploi de ses salariés grâce au dispositif d'activité partielle et attesté d'être à jour de ses cotisations fiscales et sociales.

2. Des mesures fiscales et sociales d'accompagnement des entreprises
a) Un guichet unique

Un guichet unique social et fiscal des entreprises (GUE) a été mis en place. Dispositif porté par la caisse générale de sécurité sociale, celui-ci permet aux employeurs et travailleurs indépendants en difficulté la possibilité de bénéficier d'une suspension des poursuites et d'un moratoire. La demande du cotisant ou contribuable est adressée au guichet de Saint-Martin, chargé de l'interface avec les autres partenaires , ces derniers adressant les éléments de réponse au guichet qui centralise et prend en charge la réponse à adresser au cotisant. Le guichet unique des entreprises compte à ce jour 209 entreprises inscrites dans le cadre d'un moratoire.

b) Un dispositif d'exonérations sociales patronales

Les Îles du Nord ne sont pas concernées par la réforme apportée au dispositif d'exonération de charges patronales spécifiques aux outre-mer par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Le dispositif actuel des exonérations issues de la loi pour le développement en outre-mer (exonération de cotisations dite LODEOM) a donc été maintenu, les entreprises n'étant pas éligibles au crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

Une modification à la marge a été faite avec deux barèmes possibles pour tenir compte de la baisse du taux de cotisations sociales maladie de 6 points, conformément à l'article 8 de la loi de finances pour la sécurité sociale pour 2019, complété par le décret n° 2019-199 du 15 mars 2019 et l'instruction ministérielle du 22 mai 2019. Le texte est rétroactif au 1 er janvier et l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a prévu un accompagnement des entreprises.

c) Un abandon de créances

La loi a également permis un abandon de créances relatif aux cotisations et contributions sociales pour des employeurs du régime général et du régime agricole . L'article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit ainsi que, pour les employeurs du régime général et du régime agricole et les travailleurs indépendants et exploitants agricoles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin qui justifient d'une baisse de leur chiffre d'affaires majeure et durable, imputable directement aux événements climatiques exceptionnels survenus entre le 5 septembre et le 7 septembre 2017, au titre de leur activité réalisée sur ces deux territoires, la possibilité de conclure un plan d'apurement qui peut comporter un abandon de cotisations à certaines conditions. L'arrêté prévu pour la mise en oeuvre de cette mesure a été publié le 26 avril 2019.

3. Des mesures de relance ciblée pour des secteurs économiques majeurs

La relance économique post-catastrophe naturelle s'appuie également sur le soutien à des secteurs clés de l'économie locale . Dans les territoires ultramarins, le secteur du tourisme est un pilier économique. Après le passage de l'ouragan Irma, les entreprises liées au tourisme ont pu faire l'objet de soutiens spécifiques.

État du tourisme post-Irma

À Saint-Martin

Aujourd'hui, selon le président de l'association des hôteliers de l'île de Saint-Martin, « plus ou moins 40 ou 50 % de la reconstruction » serait effective dans le domaine du tourisme. L'office de tourisme et les hôteliers estiment ainsi que pour la haute saison, 43,5 % du parc sera opérationnel. Le taux de remplissage prévisionnel pour la prochaine saison touristique est toutefois de 25 %, contre 60 % en période normale.

La situation de reconstruction générale des établissements est en cours. Le groupement des hôteliers prévoit une offre partiellement opérationnelle en 2020 et totale en 2022. L'appel à projets lancé par la préfecture sur les fonds FEDER pour la reconstruction (6 millions d'euros) a reçu 19 dossiers.

Données capacitaires au 15 janvier 2019 selon l'association
des Hôteliers de Saint-Martin

Total de chambres disponibles en décembre 2018 : 534

Total de villas et meublés disponibles en décembre 2018 : environ 300 unités d'hébergement

Total de chambres disponibles en 2019 : 534 + 474 = 1 008

dont 474 chambres prévisionnelles supplémentaires 2019

À Saint-Barthélemy

À Saint-Barthélemy, la collectivité estime que la capacité d'accueil était de 25 % en décembre 2017. En 2019, celle-ci serait revenue à 100 % sur les villas et 70 % pour les hôtels.

Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs et déplacement de la délégation du 23 au 27 avril 2019

a) Une aide dédiée aux TPE

Une aide au redémarrage des très petites entreprises (TPE) de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dont l'activité principale s'exerce dans le secteur du tourisme et dont le chiffre d'affaires « ne dépasse pas 500 000 euros » a été mise en place par l'État, comme le souligne le ministère des outre-mer. Ces TPE doivent présenter un projet de reprise d'activité ayant nécessité des investissements spécifiques. Le montant de l'aide est fixé à 1 000 euros sous réserve que l'entreprise justifie d'une dépense éligible d'un montant au moins équivalent.

La deuxième édition de ce dispositif d'aide est close depuis le 15 mars 2019. Le montant de l'aide disponible s'élevait au total à 200 000 euros pour un maximum de 200 entreprises bénéficiaires. Le ministère indique que seuls 6 dossiers ont été reçus.

b) Une redéfinition de la stratégie touristique

Une mission d'assistance a également été déployée pour un montant de 100 000 euros au profit de la collectivité, afin d'établir la stratégie marketing de relance de Saint-Martin 2020-2022. Cette action, portée par Atout France vise à analyser l'attractivité de la destination Saint-Martin par rapport aux destinations concurrentes, à préparer la création de la marque touristique de Saint-Martin et, enfin, à élaborer un plan d'actions opérationnel et chiffré par marché émetteur (France, États-Unis, Canada et Brésil).

c) Des appels à projets sur fonds européens

La préfecture rappelle également que, dans le cadre de la mobilisation du fonds de solidarité de l'Union européenne, deux appels à projet ont été lancés en 2018 et 2019 pour aider le secteur hôtelier à reconstruire ses bâtiments et réaliser une montée en gamme. Cela représente un total alloué de 7 millions d'euros dans le cadre du programme européen 2014-2020 dédié à Saint-Martin.


* 13 Réponses de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.

* 14 Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs.

* 15 Cela représente respectivement 232 103 heures indemnisées pour un montant prévisionnel de 1,7 million d'euros pour Saint-Martin et 1 800 heures pour 13 932 euros pour Saint-Barthélemy.

* 16 Circulaire du 31 octobre 2017.

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