II. AU-DELÀ DE LA FISCALITÉ DES BIOCARBURANTS, MOBILISER TOUS LES LEVIERS D'ACTION DISPONIBLES

Outre les propositions de nature fiscale exposées précédemment, la promotion des biocarburants nécessite également des évolutions d'ordre juridique et budgétaire, dans le but de mettre en place un cadre tout à la fois intelligible sur le plan du droit et incitatif du point de vue des producteurs et des consommateurs.

A. FIXER UN CADRE STRATÉGIQUE CLAIR

1. Réviser le cadre stratégique

Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) , en cours de révision, ne comprend que des dispositions parcellaires en ce qui concerne les biocarburants.

Certes, le projet de décret fixe des objectifs d'incorporation pour les biocarburants avancés dans les filières essence et gazole (article 7 177 ( * ) ).

Par ailleurs, le projet de PPE comporte quelques orientations sur les biocarburants, et notamment sur leur utilisation dans le secteur des transports routier et aérien 178 ( * ) .

Pour autant, ces recommandations sont rédigées de manière trop générale 179 ( * ) pour présenter une applicabilité immédiate.

Les indications portant sur les biocarburants de première génération sont rédigées de surcroît de façon essentiellement négative 180 ( * ) : cela se comprend s'agissant des biocarburants présentant un risque élevé en termes de changement d'affectation des sols, mais non pour tous les autres.

Dans ce contexte, et face à la nécessité indiquée par bon nombre de professionnels de bénéficier de davantage de visibilité, le rapporteur juge indispensable d'inscrire dans la PPE un véritable cadre stratégique relatif aux biocarburants, qui pourrait comprendre - outre les niveaux d'incorporation déjà présents - des objectifs en termes de déploiement de véhicules ou de technologies de conversion 181 ( * ) ainsi que d'infrastructures de recharge 182 ( * ) .

Recommandation n° 2 : Définir un cadre stratégique complet en matière de biocarburants dès la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

2. Identifier les appels à projets

Les biocarburants ont fait l'objet d'un effort de recherche important de la part des pouvoirs publics : selon les éléments recueillis par le rapporteur, ce sont ainsi 63 projets de recherche, pour un montant de 160,45 M€, qui ont été soutenus, notamment par l'Agence nationale de la recherche (ANR) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Pour autant, si cet effort de recherche existe, et présente un grand intérêt, il demeure entravé par plusieurs freins.

En premier lieu, les montants mobilisés pour la recherche en faveur des biocarburants avancés apparaissent encore modestes , puisqu'ils s'établissent à quelque 160 M€ selon les éléments recueillis alors que les dépenses globales de R&D en matière d'énergie représentaient en France 0,4 % du PIB en 2017 183 ( * ) .

Une autre difficulté tient au déficit de visibilité du soutien apporté aux biocarburants.

D'une part, le soutien apporté par l'ANR et l'Ademe aux biocarburants n'est pas identifié comme tel mais fait l'objet d'appels à projets plus larges (sur la bio-chimie ou la bio-économie notamment).

D'autre part, on constate une multiplication des acteurs 184 ( * ) mais aussi des outils de planification 185 ( * ) , ce qui témoigne d'une mobilisation bienvenue des industriels et des chercheurs mais n'est pas des plus compréhensibles pour les porteurs de projets.

Corrélativement, un autre frein réside dans le déficit de soumissionnaires constaté à l'occasion de certains appels à projets ; ainsi, selon l'Ademe, seuls trois projets étaient véritablement recevables pour l'appel à projet de 2011 et 1 pour ceux de 2015 et 2018.

Enfin, un dernier enjeu tient à la difficulté de transférer les nouvelles technologies du stade de la recherche à celui de l'industrialisation et de la commercialisation , d'autant que les filières sur lesquelles ils portent - bien souvent les transports routiers et aériens - font eux aussi face à d'importants défis.

Dans ce contexte, le rapporteur estime utile que l'État renforce le soutien apporté en matière de recherche sur les biocarburants.

Pour ce faire, il juge prioritaire d'introduire une plus grande visibilité dans cette politique de soutien à l'effort de recherche :

- en définissant des objectifs nationaux en faveur de la recherche sur les biocarburants, par exemple à l'occasion de la prochaine loi de programmation de la recherche ;

- en identifiant spécifiquement les appels à projets afférents aux biocarburants qui pourraient être lancés par les opérateurs de l'État.

Ce cadre ainsi clarifié doit permettre d'impulser, au sein des filières et des entreprises, une dynamique positive pour l'investissement en faveur des biocarburants ; complémentairement, il est susceptible de favoriser l'accès aux dispositifs de soutien, à commencer pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Recommandation n° 3 : Clarifier le soutien public apporté à la recherche sur les biocarburants, en fixant des objectifs nationaux dans la future loi de programmation de la recherche et en identifiant spécifiquement les appels à projets lancés par les opérateurs de l'État.


* 177 Le projet de décret est consultable ici .

* 178 Le projet de PPE 2019-2023 et 2024-2028 est consultable ici .

* 179 Telles que les recommandations visant à « poursuivre le soutien national au développement des biocarburants via une incitation à l'incorporation pour les opérateurs qui mettent à la consommation les biocarburants » ou « accompagner la mise en place de chaînes de distribution de biocarburants aéronautiques intégrées à la logistique massifiée du carburant d'aviation » (Projet de programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2023 et 2024-2028, p. 85 et 323).

* 180 À l'image du commentaire suivant : « L'objectif d'incorporation de biocarburants de 1 ère génération est de maintenir un niveau de 7 % sans le dépasser, aux horizons 2023 et 2028. La croissance de la part bio-sourcée dans les carburants se fait donc de façon exclusive par le développement des biocarburants avancés » (Ibid., p. 84).

* 181 Comme c'est le cas pour l'électromobilité (article 6 du projet de décret relatif à la programmation de l'énergie).

* 182 À l'instar de ce qui existe pour l'électricité, le GPL, le GNV, le GNL ou l'hydrogène (article 6 du projet de décret relatif à la programmation de l'énergie).

* 183 Agence internationale de l'énergie (AIE), Energy Technology R&D Budgets : Overview, 2019, p. 5.

* 184 Ademe, ANR, IFPEN, CORAC, ANCRE notamment.

* 185 « Feuille de route sur les biocarburants avancés » de l'Ademe de 2011, « Feuille de route technologique pour la recherche aéronautique civile nationale » du CORAC de 2008, « Feuille de route pour le développement des biocarburants aéronautiques en France » de l'ANCRE de 2018.

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