Rapport d'information n° 251 (2019-2020) de MM. Bernard DELCROS , Jean-François HUSSON , Franck MONTAUGÉ et Raymond VALL , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 16 janvier 2020

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N° 251

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 janvier 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) par le groupe de travail sur les collectivités territoriales ,
leviers de développement des territoires ruraux (2),

Par MM. Bernard DELCROS, Jean-François HUSSON,
Franck MONTAUGÉ et Raymond VALL,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; MM. Mathieu Darnaud, Daniel Chasseing, Mme Josiane Costes, MM. Marc Daunis, François Grosdidier, Charles Guené, Antoine Lefèvre, MM. Alain Richard et Pascal Savoldelli, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Bernard Delcros et Christian Manable, secrétaires ; MM. François Calvet, Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mmes Frédérique Espagnac, Corinne Féret, Françoise Gatel, M. Hervé Gillé, Bruno Gilles, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean-François Husson, Éric Kerrouche, Dominique de Legge, Jean-Claude Luche, MM. Jean Louis Masson, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Rémy Pointereau, Mmes Sonia de la Provôté, Patricia Schillinger, Catherine Troendlé, MM. Raymond Vall et Jean-Pierre Vial.

(2) Ce groupe de travail est composé de : M. Jean-Marie Bockel, président ; MM. Bernard Delcros, Jean-François Husson, Franck Montaugé, Raymond Vall, rapporteurs ; Mme Françoise Gatel, MM. Charles Guené, Jean-Claude Luche, Christian Manable et Rémy Pointereau.

SYNTHÈSE

Les ruralités souffrent d'un puissant sentiment d'iniquité, fondé sur la perception d'une prise en compte insuffisante de leurs difficultés, mais aussi de leurs atouts , de la part des pouvoirs publics comme, plus largement, des observateurs. Trop souvent braqué sur les métropoles, les banlieues et la vie urbaine, le regard des media et des institutions minimise l'importance de la ruralité. Le langage employé est trop souvent dépréciatif et ne valorise que rarement les apports des ruralités à la société. La statistique a longtemps fait de la ruralité un résidu univoque de l'urbanisation, et a choisi des modes d'appréhension qui ont fortement réduit la perception de sa dimension, conduisant à négliger le fait qu'elle concerne, en réalité, plus des deux tiers du territoire et un tiers de la population . Une première étape dans la prise en considération de la réalité rurale est de la mesurer correctement en tenant compte, non seulement de sa démographie mais aussi de ses aménités, à savoir de tous les éléments qu'elle apporte à la communauté nationale, des paysages à l'agriculture, en passant par la production d'énergie décarbonée ou les ressources en eau, etc. ( Recommandations 1 à 4 ).

Loin d`une image de déclin, trop souvent véhiculée, la ruralité, au-delà de ses fragilités, est travaillée par de nombreuses dynamiques de développement économique, social ou culturel. Les collectivités locales sont pleinement engagées pour favoriser et encourager ces élans créatifs. Cependant, dans un pays comme le nôtre, marqué par la forte prégnance de l'État et de ses politiques publiques, de très fortes disparités entre collectivités et leur faiblesse globale, notamment budgétaire, en particulier si on la compare à certains pays, pour jouer à plein leur rôle d'incitation, les collectivités, leurs groupements et l'État doivent pouvoir construire un partenariat solide . Cela suppose que l'État central entende davantage les territoires ruraux en matière de conception générale de la politique d'aménagement du territoire, mais aussi en ce qui concerne la définition des instruments concrets de cette politique, au premier chef par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ( Recommandations 5 à 12 ).

De son côté, l'État territorial doit s'organiser pour être davantage « facilitateur ». Or, cet État territorial a été singulièrement fragilisé, depuis des années, par une série de réorganisations dont la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), par des réductions drastiques et une véritable fuite de ses compétences. Pourtant, les élus et les territoires ruraux ont besoin d'un accompagnement des services déconcentrés de l'État. De nombreuses collectivités rurales éprouvent en effet un quadruple besoin : un besoin de dialogue stratégique organisé, un besoin de concertation simplifiée sur les projets, un besoin de financements adaptés et stables et un besoin de compétences d'ingénierie.

Par ailleurs, pour certains territoires, aucun développement de long terme n'est possible sans une aide de l'État qui vienne compenser certains handicaps, dont le principal est l'enclavement , qui empêche un territoire de communiquer correctement avec les autres, d'accueillir des innovations et de faire valoir ses atouts. Dans ce cadre, l'État doit mettre en place une politique d'implantation cohérente de ses services sur les territoires et, d'autre part, mettre à disposition des territoires le socle minimal de services leur permettant de se développer ( Recommandations 13 à 19 ).

Au-delà de ce partenariat, les institutions locales jouent un rôle considérable en accueillant les projets utiles à leurs territoires et en les aidant à s'épanouir. Le territoire national fourmille de bonnes pratiques en la matière qui s'appuient généralement sur le quadriptyque suivant : inscrire la ruralité dans un projet de territoire cohérent ; nouer des alliances et articuler les territoires ; repenser et adapter l'offre de services aux habitants ; organiser l'ingénierie territoriale. L'élaboration de projets de territoire est un gage de cohérence de l'action publique locale, c'est aussi un outil puissant pour créer une dynamique locale. Évidente dans les territoires de projet (PETR, SCoT, PNR...), elle est tout aussi importante dans les intercommunalités.

Un autre gage de réussite pour les territoires ruraux et leurs collectivités réside dans leur capacité à nouer des alliances et à assurer des formes d'interterritorialité. Il s'agit d'obtenir une taille critique en termes de moyens, d'éviter des phénomènes de concurrence territoriale et d'interconnecter les territoires pour permettre plus de solidarité et créer des dynamiques communes. Collectivités et intercommunalités rurales ne peuvent se substituer aux entreprises ou à l'État mais elles peuvent contribuer, par leurs investissements, à créer les conditions favorables pour atteindre un objectif essentiel à leur développement : stabiliser, voire accroître leur population.

Par ailleurs, si l'amélioration de l'offre de services est cruciale pour les habitants, il ne s'agit pas pour les collectivités de refuser des évolutions et une modernisation desdits services .

La modernisation des services est une triple source de développement pour les territoires. Elle permet de stabiliser la population en l'encourageant à rester sur place. Elle constitue un soutien aux entreprises qui contribuent à mettre en place ces services. Elle permet à des entreprises de s'implanter dans les territoires ruraux grâce à la qualité des connexions de toute nature dont elles pourront bénéficier. Les principaux services dans lesquels les collectivités s'investissent pour redonner du souffle à leurs territoires sont ceux qui permettent de structurer et d'ouvrir ces territoires (transports, numérique...) et ceux qui permettent à la population de demeurer sur place ou de s'installer (enseignement, santé, commerces...). Toutefois, à la base de tout projet de développement local figurent les capacités d'ingénierie territoriale. Celles-ci, souvent fragiles et mal réparties, doivent être renforcées et davantage coordonnées. ( Recommandations 20 à 33 ).

AVANT-PROPOS

Après plusieurs années d'indifférence, les pouvoirs publics, les media, l'opinion se penchent désormais sur la ruralité. C'était nécessaire. Avec la fragilisation de l'agriculture et la réduction de ses emplois, avec la montée en puissance des villes de grande taille et l'accent mis sur les métropoles, concomitant à la dévitalisation de nombreuses villes moyennes et bourgs ruraux, la « ruralité » a semblé perdre pied et ne plus être en capacité d'offrir des voies d'avenir à ses habitants. Sans doute ce panorama est-il trop univoque : la ruralité est diverse et, comme le démontre ce rapport, souvent très dynamique.

Elle est surtout très méconnue, et l'un des objectifs du travail mené par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a été d'y remédier au moins partiellement. Elle a désigné à cet effet un groupe de travail, présidé par Jean-Marie Bockel. Outre ses quatre rapporteurs, il était composé de Françoise Gatel, Charles Guené, Jean-Claude Luche, Christian Manable et Rémy Pointereau. Compte tenu des attributions de la délégation, mais aussi des très nombreux rapports déjà publiés, notamment par les différentes instances du Sénat (rapports sur les zones de revitalisation rurale, les contrats de ruralité, les nouvelles mobilités au service de tous les territoires, la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, etc.), il n'était pas question d'examiner ici l'ensemble des politiques publiques relatives aux territoires ruraux.

En revanche, une fois la situation de la ruralité mieux perçue, il s'est agi d'examiner dans quelle mesure les collectivités territoriales étaient en capacité d'accompagner les ruralités dans leurs efforts de développement. Il est très vite apparu que, dans le système territorial qui est le nôtre, avec les moyens dont disposent les collectivités et les intercommunalités rurales en France, cette contribution ne pouvait s'apprécier justement sans examiner, au préalable, le soutien que l'État 1 ( * ) pouvait fournir.

Ce point éclairci, les rapporteurs et les membres du groupe de travail ont eu à coeur de mettre en valeur, dans ce rapport et lors du colloque qui l'a précédé, le 7 novembre 2019, les nombreuses initiatives et bonnes pratiques découvertes au cours des auditions et tables rondes et lors des déplacements (Cantal, Ardennes, Gers et Haute-Garonne). Ils se sont par ailleurs rendus en Autriche, pays qui a engagé depuis plusieurs années une ambitieuse politique en faveur de ses territoires ruraux.

D'ores et déjà, nombreuses sont les collectivités et leurs groupements en pointe pour être des leviers de développement des territoires ruraux. Reste à partager les innovations, les idées audacieuses et aussi la fierté. La ruralité n'est pas un monde qui se meurt, mais une part essentielle de la nation. Elle fait face, se réinvente et ouvre des chemins d'espérance pour nos concitoyens qui y vivent.

RECOMMANDATIONS

Recommandation 1 : Veiller dans les communications des institutions publiques à mettre en relief les atouts et les apports à la société des territoires ruraux et, à l'inverse, ne pas utiliser systématiquement des termes dévalorisants pour les caractériser.

Recommandation 2 : Encourager la statistique publique à produire des statistiques fines sur les bassins de vie ruraux, et à davantage prendre en compte la grille de densité des communes.

Recommandation 3 : Engager une réflexion avec l'Insee pour la définition d'un bouquet d'aménités rurales qui puisse être utilisé dans la décision publique, par exemple pour la fixation de niveaux de dotations.

Recommandation 4 : Engager des campagnes de communication institutionnelle, en lien avec les territoires, permettant de mieux faire connaître la ruralité dans sa diversité comme dans ses atouts, ses initiatives et ses apports à la société.

Recommandation 5 : Renforcer la dimension interministérielle de la politique en faveur des territoires ruraux.

Recommandation 6 : Assurer une stabilité des politiques publiques destinées aux territoires ruraux par une programmation réaliste de moyen et long terme.

Recommandation 7 : Désigner, auprès de chaque ministre, un haut fonctionnaire aux ruralités, en capacité de porter les préoccupations relatives aux territoires ruraux, et en lien avec les autres ministères au sein d'un réseau de partage animé par la DGCL.

Recommandation 8 : Dans la définition et l'évaluation des politiques publiques, privilégier des critères fondés, d'une part, sur les besoins des territoires et, d'autre part, sur leurs aménités, plutôt que celui du seul niveau de population.

Recommandation 9 : Mettre en place un observatoire des territoires ruraux, à l'image de l'observatoire national de la politique de la ville, dont le support serait assuré par l'ANCT et qui présenterait les besoins spécifiques de ces territoires ainsi que les aménités qu'ils offrent.

Recommandation 10 : Mettre en place dans les programmes de formation des écoles du service public des modules obligatoires de formation-évaluation sur les ruralités ainsi qu'un stage obligatoire en territoire rural pour validation d'études.

Recommandation 11 : Conditionner la promotion de hauts fonctionnaires de l'État à l'exercice de leur activité pendant au moins trois ans en territoire rural.

Recommandation 12 : Assurer la représentation des territoires ruraux au sein du conseil d'administration de l'ANCT et flécher une part significative des moyens de l'agence selon les types de territoires concernés.

Recommandation 13 : Lancer rapidement des expérimentations « référent unique » concernant les besoins des collectivités territoriales, notamment rurales, en lien avec ces collectivités. S'assurer que ces expérimentations aboutissent bien à l'institution de référents véritablement uniques et interministériels en capacité de faire le lien entre les différentes administrations.

Recommandation 14 : Constituer, dans chaque région, des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie, formées de membres des corps de contrôle de l'État, et pouvant être saisies par les collectivités territoriales ou par l'ANCT.

Recommandation 15 : Pour des missions ponctuelles, mettre en place des référents territoriaux dans chaque corps de contrôle, en capacité d'intervenir au bénéfice des territoires ruraux, et mobilisables par les préfectures concernées.

Recommandation 16 : Préserver prioritairement les moyens du réseau préfectoral et des directions départementales interministérielles dans les départements ruraux fragilisés et fixer un seuil minimal global d'ETP par département pour ces services.

Recommandation 17 : Donner aux schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public un caractère d'engagement de l'État plus affirmé qu'aujourd'hui en assurant une cohérence entre les engagements pris au nom de l'État au niveau départemental et les politiques nationales d'implantations de chaque ministère.

Recommandation 18 : Associer davantage les élus locaux à l'élaboration et à l'actualisation du cahier des charges applicable au déploiement des maisons France Services et éviter que leur déploiement et leur processus de labellisation ne conduisent à des charges croissantes de financement pour les collectivités. À cet effet, mettre le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et le fonds inter-opérateurs (FIO) en capacité d'assumer leur mission de financement.

Recommandation 19 : Mesurer finement les écarts de taux d'administration entre les différentes catégories de territoires et renforcer la politique de redistribution des services de l'État en dehors des territoires métropolitains par des relocalisations significatives et rééquilibrer les emplois publics sur le long terme par une politique volontariste permettant de mieux doter les territoires ruraux en utilisant des indicateurs stables et partagés tenant compte des dynamiques locales et des aménités rurales.

Recommandation 20 : Lors de la conception des appels à projets en matière d'aménagement du territoire, veiller à la mise en place d'un accompagnement spécifique en ingénierie pour les collectivités fragiles qui leur permette de candidater et, d'autre part, à ne pas exclure d'emblée certains territoires.

Recommandation 21 : Encourager les collectivités et intercommunalités qui n'en disposent pas à se doter d'un projet de territoire en leur offrant un soutien à son élaboration, à son animation et à son suivi, en particulier dans le cadre des CPER 2021-2027.

Recommandation 22 : Engager une réflexion approfondie sur la possibilité d'association des entreprises et associations plus étroite à la gouvernance des PETR, notamment par l'ouverture de leurs instances à ces acteurs privés.

Recommandation 23 : Relancer la mise en oeuvre du Pacte État-métropoles et de son volet « Contrat de coopération métropolitaine » et faire connaître les atouts des contrats de réciprocité et des coopérations territoriales.

Recommandation 24 : Évaluer les contrats de coopération métropolitaine et les contrats de réciprocité pour mesurer leur impact sur les territoires ruraux et urbains concernés. En tirer une méthodologie pour l'avenir.

Recommandation 25 : Envisager un encouragement financier aux projets des collectivités engagées dans des coopérations territoriales, par exemple lors de la conclusion des contrats de ruralité ou à l'occasion de la négociation des CPER pour 2021-2027.

Recommandation 26 : Mettre au coeur de l'exercice des compétences décentralisées des régions et des départements, qui sont associées à des financements, les principes de solidarité à l'égard des territoires ruraux.

Recommandation 27 : Identifier au sein des grandes collectivités et de leurs groupements des points d'entrée et de contact avec les élus et avec les services administratifs aisément mobilisables par les acteurs des territoires ruraux.

Recommandation 28 : Lever les contraintes pour le recrutement de personnels de haut niveau dans les communes de moins de 40 000 habitants, les PETR et, plus généralement, les établissements publics locaux.

Recommandation 29 : Sensibiliser les préfets à la possibilité de prendre en charge sur la DETR des dépenses de fonctionnement non récurrentes en particulier des études préalables et d'ingénierie.

Recommandation 30 : Faire évoluer la DETR pour permettre la prise en compte des besoins en ingénierie d'animation non directement rattachables à un projet d'investissement, le cas échéant en l'associant à une évaluation d'efficacité et d'efficience.

Recommandation 31 : Garantir aux territoires ruraux se dotant d'une stratégie de développement, notamment via un contrat de ruralité, des financements contractualisés stables qui prennent en compte les besoins en ingénierie d'animation non directement rattachables à un projet d'investissement.

Recommandation 32 : Encourager la mise en réseau et/ou la mutualisation des capacités locales d'ingénierie, associée à une animation pérenne qui permette d'en faire ressortir la plus-value.

Recommandation 33 : Prévoir, lors de la négociation des CPER 2021-2027, la mise en place de crédits permettant de soutenir l'ingénierie dont ont besoin les collectivités et leurs groupements pour réaliser les projets prévus à destination des territoires ruraux.

L'ENJEU DE LA SYMBOLIQUE ET DE LA STATISTIQUE : RECONNAÎTRE L'EXISTENCE DES TERRITOIRES RURAUX

Vouloir résumer la politique de l'aménagement du territoire consacrée aux ruralités à une question institutionnelle, budgétaire ou administrative serait extrêmement réducteur.

Il s'agit en effet, avant toute chose, d'une question ontologique. Car, avant les crédits, avant les investissements ou les effectifs d'agents publics, c'est de reconnaissance dont les acteurs ruraux ont besoin en premier lieu.

Cette demande est d'autant plus vive que le langage de trop nombreux commentateurs, tout comme le vocabulaire récent de la statistique tendent à dévaloriser, voire à effacer la ruralité. Alors même qu'elle est bien vivante, et le plus souvent dynamique, et qu'elle constitue une part essentielle de la nation.

I. UNE FORTE DEMANDE DE RECONNAISSANCE

Cette exigence de reconnaissance, naturelle, en particulier dans un pays dont la culture et l'histoire ont été très largement fondées sur la ruralité, recouvre d'abord une simple demande de reconnaissance de l'existence et de la place des territoires ruraux dans la nation. Elle porte par ailleurs une demande d'équité par rapport à l'ensemble des territoires français. La stigmatisation symbolique et statistique univoque dont souffrent les territoires ruraux est d'autant plus inacceptable que ceux-ci sont divers et le plus souvent très dynamiques.

1. Une demande d'existence

De nombreux observateurs ont pu noter, avant ou pendant la « crise des gilets jaunes », une forme d'amertume des populations installées dans les territoires ruraux et périurbains, caractérisée par le sentiment de n'être ni compris ni entendus. Christophe Guilluy a ainsi insisté sur la prégnance des grandes villes dans le débat politique et dans la conception des politiques publiques : « Ce qui fait le discours des partis politiques aujourd'hui, ce sont les discours métropolitains, ceux des grandes villes » 2 ( * ) .

À l'importance que revêt la ville, tant dans les imaginaires que dans les agendas politiques, correspond un effacement des territoires ruraux, dont la représentation ne permet plus une existence suffisante sur les plans politique et médiatique.

À la question « Quel pourrait être le cadre politique global permettant de valoriser les atouts des territoires ruraux ? », Christophe Guilluy répond : « Ça nécessite un point essentiel : c'est du pouvoir politique. Et justement, ce cadre politique n'existe pas, la France périphérique que je décris actuellement ne pèse rien » 3 ( * ) .

Entendu par le groupe de travail et la délégation, le représentant de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), Dominique Dhumeaux, président de l'Association des maires ruraux de la Sarthe, a illustré ce sentiment en évoquant une mention portée sur le cahier de doléances d'un village du département : « Le TGV passe à plus de 300 km/h dans notre village. Il est fait pour les urbains qui vont du centre de Paris jusqu'au centre des métropoles. Il a été dessiné par ceux qui l'empruntent (députés, élus de grosses métropoles, chefs d'entreprise...) et qui, souvent, ne paient pas de leur poche les frais de représentation. Nous les ruraux, nous regardons passer ces trains qui nous cassent les oreilles, déprécient nos maisons et gâchent notre quiétude. Des gens ont le droit d'aller à 300 km/h mais nous, on nous dit de rouler à 80. Voilà le plus bel exemple de la France à deux vitesses. »

Ce sentiment d'abandon parmi les ruraux n'est pas limité à une frange réduite d'observateurs ou de manifestants, mais est malheureusement partagé par un grand nombre de nos concitoyens : d'après une récente étude réalisée par l'Ifop pour Familles Rurales 4 ( * ) , 51% des ruraux... et 62% des Français estiment que le monde rural est « abandonné ». De même, 67% des Français et 47% des ruraux placent la « France des campagnes » en tête des territoires délaissés, devant la « France des banlieues » ou la « France périurbaine ».

2. Une demande d'équité

Le sentiment d'abandon est fortement généré par ce qui est vécu comme une injustice ou une iniquité, à savoir le fait que les habitants des territoires ruraux ne disposent pas des services équivalents à ceux des villes et ne bénéficieraient pas de la même attention des pouvoirs publics que les habitants d'autres territoires.

L'étude de l'Ifop montre ainsi que 57% des ruraux estiment que leur commune ne bénéficie pas de l'action des pouvoirs publics, contre une moyenne de 36% pour les Français pris dans leur ensemble.

Ils jugent aussi que la situation se dégrade depuis ces dernières années :

- à 57% pour l'accès à la santé ;

- à 58% pour les services ;

- à 59% pour les commerces de proximité, l'état des routes et la possibilité pour les jeunes de rester en milieu rural ;

- à 60% pour l'emploi.

Seuls l'accès à internet et aux communications, ainsi que l'aide à domicile des personnes âgées, se seraient améliorés, ce qui est peut-être vrai pour la moyenne des territoires ruraux, mais paraît bien plus discutable pour certains territoires, en particulier ceux de l'hyper-ruralité.

Contrairement au dernier rapport de la Cour des comptes, qui semblait se satisfaire de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, les enquêtes montrent qu'il y a bien « un "effet territoire" sur l'accès aux services, effet qui n'est pas compensé par les ressources économiques ou culturelles individuelles » 5 ( * ) . Selon le Baromètre des territoires 2019 d'ELABE, intitulé « La France en morceaux », de 15 à 25% 6 ( * ) des répondants des communes rurales estiment bénéficier d'un accès facile et rapide à une série de huit services : formation, culture, divertissement, soins, transports, information, courses alimentaires et démarches administratives. Ces pourcentages montent respectivement à 42 et 56% dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Enfin, les élus ruraux peuvent à bon droit relever que, face à une politique de la ville très médiatisée et très institutionnalisée, les politiques publiques en direction des territoires ruraux paraissent plus discrètes, manquent de constance et mobilisent de moindres financements.

II. LE LANGAGE ET LA STATISTIQUE GOMMENT ET DÉVALORISENT LA RURALITÉ

L'un des aspects de l'effacement relatif et progressif de la ruralité, y compris pour les pouvoirs publics, tient à une image, parfois véhiculée par certains acteurs de la ruralité eux-mêmes, qui met davantage l'accent sur les problèmes que sur les remèdes, sur les échecs que sur les réussites, sur les handicaps que sur les atouts. Cette dévalorisation symbolique de la ruralité emprunte deux voies complémentaires que sont le langage et la statistique.

Or, les territoires ruraux attendent la reconnaissance non pas seulement de leur existence, qui est un fait, mais de leur rôle, de leur dynamique dans l'équilibre du pays, notamment dans le soutien au développement et à la soutenabilité des territoires urbains.

1. Le langage

Dans une société donnée, les termes utilisés pour décrire une situation jouent un rôle important dans l'appréciation même de cette situation et de la réalité. Ces termes peuvent être mélioratifs ou dépréciatifs.

S'agissant de la ruralité, les termes officiels, véhiculés par nombre de chercheurs, d'acteurs politiques ou médiatiques, voire d'institutions, et repris par de trop nombreux commentateurs sont souvent très dépréciatifs.

En effet, la ruralité est très généralement associée aux difficultés, au déclin, à la faiblesse, voire à une déconnexion du monde et de la modernité.

Si l'on prend l'exemple du Rapport d'étude sur la Typologie des espaces ruraux et des espaces à enjeux spécifiques (littoral et montagne) réalisé à la demande de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) en novembre 2011 par un groupement de laboratoires de recherche 7 ( * ) , il en ressort une typologie générale des campagnes métropolitaines françaises qui distingue trois groupes de campagnes.

L'un de ces groupes n'est ni plus ni moins que celui des « campagnes vieillies à très faible densité ». Quant aux deux autres catégories, elles sont caractérisées par leur plus ou moins grande dépendance aux... zones urbaines. Il est révélateur que ce soit cette typologie qui donne forme à la carte présentée, aujourd'hui encore, par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) sur son site internet pour illustrer la situation des campagnes de France.

Les dénominations des zones, mais aussi les codes couleurs choisis, - déclinaison de verts pour les zones sous influence de la ville, déclinaison d'orange et de rouges pour les « campagnes vieillies à très faible densité » -, tout symbolise le progrès urbain et la régression rurale.

La typologie des campagnes françaises sur le site du CGET

Plus généralement, pour qualifier les territoires ruraux, abondent les adjectifs de type « désertifiés », « fragiles », « en décroissance », « isolés », « déclassés »... Il est remarquable que cette évolution dépréciative ressemble fort à celle qui avait cours dans les années 60, au moment où « l'idéologie de la "désertification" des campagnes et des "seuils de densité via bles" est à son apogée » 8 ( * ) . Elle avait pourtant tendu à s'effacer, dans les années 90, du fait d'une nouvelle image du rural, liée à la nature et à l'espace, opposée à l'artificialité et à la promiscuité des villes. De ce point de vue, nous avons vécu une véritable régression dans les années 2000.

Samuel Depraz, Maître de conférences à l'Université de Lyon (Jean Moulin - Lyon III), relève que les typologies qui ont cours « (...) sont restées en partie tributaires d'un jugement normatif sur le "déclin" ou les "difficultés" des campagnes au filtre de l'économie et du référentiel urbain. On remarque, en particulier chez Hilal et al. , la catégorie des campagnes dites "vieillies à très faible densité", avec de "faibles revenus". Cela fait encore écho à d'autres entrées dépréciatives constatées dans les appellations de l'Insee (« rural profond », dans le RGP 9 ( * ) 1982) ou de la DATAR (« espaces désertifiés », dans Territoires 2040 : Barthe & Milian, 2011). »

Pourtant, rien n'empêcherait d'user de termes plus valorisants qui tiennent compte des nombreux atouts des espaces ruraux en organisant leur description autour des notions de paysage, de préservation, de faible densité, d'espace libre, d'absence de congestion, de pollution réduite, de lien social, de solidarités collectives, etc.

Ce renouveau de la vision des territoires ruraux est d'autant plus important que les chiffres montrent qu'ils sont globalement redevenus attractifs. L'un des paradoxes de la situation actuelle tient à ce que l'image dégradée des territoires ruraux renvoie à une réalité qui n'est plus la leur.

Si l'on saisit le critère fondamental du dynamisme démographique, on constate que ce sont aujourd'hui les territoires peu denses qui progressent le plus. Dans la plupart des régions de France, le phénomène de « l'exode rural », qui structure encore trop souvent l'imaginaire collectif, n'existe plus et a, le plus souvent, été remplacé par un véritable mouvement de « repeuplement ».

Cette évolution doit aujourd'hui trouver une traduction dans le langage utilisé par les institutions publiques dans leur communication.


Source : Laurent Rieutort, « La ruralité en France : des potentiels oubliés ? » , Population & Avenir 2017/1 (n° 731), p. 4-7.

Recommandation 1 : Veiller dans les communications des institutions publiques à mettre en relief les atouts et les apports à la société des territoires ruraux et, à l'inverse, ne pas utiliser systématiquement des termes dévalorisants pour les caractériser.

2. Quand la statistique réduit puis efface l'espace rural

La construction des statistiques a peu à peu réduit la place du rural jusqu'à pratiquement l'effacer. Depuis quelques années, de nouvelles méthodes permettent néanmoins d'en avoir une vue plus proche de la réalité 10 ( * ) .

a) 1846-1954 : le critère démographique assure la distinction rural/urbain

La distinction statistique entre les communes rurales et urbaines débute en 1846 autour d'un seuil de 2 000 habitants. Avec le recensement de 1954 apparaît la notion d'agglomération urbaine multicommunale, ce qui peut conférer le statut urbain à des communes de moins de 2 000 habitants (ce sera le cas de 230 communes). Ces agglomérations vont voir leurs contours évoluer, l'Insee étendant progressivement leur périmètre, et donc le nombre de communes reconnues comme urbaines.

b) 1954-2010 : l'approche morphologique de « l'unité urbaine »

« L'unité urbaine » est une commune ou un ensemble de communes qui comporte sur son territoire une zone bâtie d'au moins 2 000 habitants où aucune habitation n'est séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. En outre, chaque commune concernée possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie. Si l'unité urbaine s'étend sur plusieurs communes, l'ensemble de ces communes forme une agglomération multicommunale ou agglomération urbaine.

Les communes qui n'entrent pas dans la constitution d'une unité urbaine constituent, par différence, le territoire rural. Cette catégorie recouvre donc les communes sans zone de bâti continu de 2 000 habitants, et celles dont moins de la moitié de la population municipale est dans une zone de bâti continu.

Les unités urbaines sont redéfinies périodiquement. Une première délimitation des villes et agglomérations a été réalisée à l'occasion du recensement de 1954. De nouvelles unités urbaines ont ensuite été constituées lors des recensements de 1962, 1968, 1975, 1982, 1990 et 1999.

Cette méthode, qui inclut en fait des communes partiellement rurales dans des agglomérations dites urbaines, conduit, par construction, à surestimer le territoire et la population urbains. Par ailleurs, fondée sur une approche binaire urbain/rural, elle ne permet pas d'apprécier des degrés d'urbanisation différents.

c) 1964-1996 : l'émergence de la notion de « zone de peuplement industriel ou urbain » réduit la part de l'espace rural

En 1964, pour tenir compte du développement de communes rurales en discontinuité des agglomérations existantes, autrement dit de l'explosion des zones dites « périurbaines », l'Insee fait émerger la notion de « zone de peuplement industriel ou urbain » (ZPIU). En intégrant notamment les migrations domicile-travail parmi d'autres critères, cette notion a pour ambition de faire apparaître les communes « sous influence » des villes.

Une ZPIU était caractérisée par quatre critères :

- le nombre de salariés travaillant dans des établissements de plus de 20 salariés ;

- la proportion des actifs résidant dans la commune et travaillant en dehors de la commune ;

- la proportion de la population vivant de l'agriculture ;

- le taux d'accroissement de la population entre 1954 et 1962.

Ce concept conduisant à intégrer dans les zones urbaines des communes rurales mais en relation avec des villes était très englobant : pour le recensement général de la population de 1990, date à laquelle il a été employé pour la dernière fois, les ZPIU étaient au nombre de 604 et regroupaient alors 78% des communes et... 96,3% de la population nationale. Il en résultait l'impression que moins de 4% de la population vivait en zone rurale.

d) Depuis 1996, l'aire urbaine aboutit à effacer l'espace rural du champ statistique

La ZPIU a été abandonnée par l'Insee au profit de « l'aire urbaine », qui apparaît en 1996.

Une « aire urbaine » ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Le zonage en aires urbaines (ZAU) était décliné en 4 aires distinctes :

- des pôles urbains ;

- des aires urbaines ;

- des espaces périurbains ;

- des zones à dominante rurale.

Les « pôles urbains » n'étaient pas identifiés sur la base de leur population mais constitués des unités urbaines regroupant plus de 5 000 emplois sur leur territoire. Les aires d'influence de ces pôles sont appréhendées à travers un critère unique : la proportion des actifs migrants alternant vers des communes de l'aire urbaine (le pôle et sa couronne). En font partie des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Ce zonage a été actualisé en 2010. Si cette actualisation a affiné la notion de pôle urbain en distinguant les pôles « grands » (plus de 10 000 emplois), « moyens » (entre 5 000 et 10 000 emplois), et « petits » (entre 1 500 et 5 000 emplois), elle a surtout conduit à la disparition complète, du point de vue statistique, des espaces à dominante rurale. En effet, le « reliquat » de communes non urbaines est désormais identifié comme... « communes isolées hors influence des pôles urbains ».

En tout état de cause, l'un des résultats, fort discuté, du nouveau zonage est de donner à voir l'espace français comme principalement urbain et, surtout, la population française comme presque exclusivement urbaine. En présentant ce zonage, l'Insee titre ainsi en 2011 : « 95% de la population vit sous l'influence des villes ». Ainsi, il ne reste plus que « 5% de la population dans 7 400 communes rurales ou petites villes hors influence des villes ». Et cela permet à l'observatoire des territoires du CGET d'affirmer : « Près de 83% de la population française vit aujourd'hui dans une grande aire urbaine, au sens du zonage défini par l'Insee en 2010. » 11 ( * )

Le zonage en aires urbaines de 2010 : la méthode selon l'Insee

L'objectif du nouveau zonage en aires urbaines de 2010 est d'obtenir une vision des aires d'influence des villes (au sens d'unités urbaines) sur le territoire. Ce nouveau zonage est basé sur les données du recensement de la population de 2008, et plus particulièrement sur celles relatives à l'emploi et aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

Défini une première fois à partir du recensement de la population de 1990, il avait été actualisé lors du recensement de 1999. La méthode consiste dans un premier temps à localiser les unités urbaines de plus de 1 500 emplois, qui sont qualifiées de pôles.

Au sein des pôles urbains, on différencie les grands pôles (unités urbaines de plus de 10 000 emplois), les moyens pôles (unités urbaines de 5 000 à moins de 10 000 emplois) et les petits pôles (unités urbaines de 1 500 à moins de 5 000 emplois).

La seconde étape consiste à délimiter les couronnes des pôles, c'est-à-dire les communes ou unités urbaines dont au moins 40% des actifs résidents travaillent dans le pôle ou dans les communes attirées par celui-ci selon un processus itératif.

Les aires sont définies en adjoignant à chaque pôle sa couronne.

En fonction de la taille des pôles, on distingue les grandes aires urbaines associées aux grands pôles urbains, les moyennes aires et les petites aires associées respectivement aux moyens et petits pôles.

Enfin, parmi les communes non présentes dans les aires, certaines sont attirées par plusieurs aires, de sorte que 40% au moins des actifs résidents travaillent dans des aires sans atteindre ce seuil avec une seule d'entre elles. Au sein de ces communes, dites multipolarisées, on distingue les communes multipolarisées des grandes aires urbaines, dont 40% au moins des actifs résidents travaillent dans plusieurs grandes aires urbaines, et les autres communes multipolarisées.

Les communes restantes sont les communes isolées hors influence des pôles.

Au final, les communes sont regroupées en quatre types d'espaces : espace des grandes aires urbaines ; espace des autres aires ; autres communes multipolarisées ; communes isolées hors influence des pôles.

Le zonage en aires urbaines 2010 selon l'Insee (« Les aires d'influence des aires urbaines »)

Source : Insee Première, « Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 », n° 1374 - octobre 2011

Non seulement, depuis 1964, le rural était perçu par la statistique principalement dans sa relation de dépendance à la ville, mais, désormais, il ne constituait plus une notion à partir de laquelle se représenter l'espace et donc concevoir des politiques publiques ciblées.

Plusieurs géographes se sont émus de cette évolution, qui aboutit à priver de visibilité statistique les territoires ruraux. Gérard-François Dumont, professeur à l'Université de Paris IV-Sorbonne, note ainsi devant la délégation : « (...) L a définition de la ruralité paraît banale mais elle revêt une importance capitale. La mauvaise définition de la ruralité par l'Insee explique plusieurs politiques territoriales inadéquates. Selon le concept d'unité urbaine, deux critères (200 mètres et 2 000 habitants agglomérés au chef-lieu) induisent que la quasi-totalité des communes ayant à peine plus d'habitants, qui se considèrent comme vivant dans un territoire à nature morphologique rurale, est considérée comme « urbaine ». Ainsi, l'Insee considère aujourd'hui que 22% de la population est rurale. Ce chiffre a en outre été maintenu car l'Insee ne souhaitait pas que le taux d'urbanisation en France s'affiche en baisse. Une idéologie de l'urbain réside ainsi derrière ce raisonnement. En outre, le concept d'aire urbaine fait disparaître le terme « rural ». L'un de mes éditoriaux était à cet égard intitulé « Meurtre géographique ». Dans cette classification, les 5% de ruraux restants sont dénommés comme « habitant dans des communes isolées en dehors des pôles ». Heureusement, à la suite de plusieurs démarches, Eurostat a amélioré ses méthodes et a proposé pour l'ensemble des pays de l'Union européenne une méthode fondée sur les densités afin de préciser l'importance de la ruralité en France. Le niveau maximum d'Eurostat atteint 58% de ruralité, tandis que le niveau intermédiaire représente 35% de la population vivant en milieu rural. Ce chiffre, comprenant 22 millions d'habitants, s'inscrit en miroir aux 35% d'habitants considérés comme urbains. Les critères utilisés sont valables puisqu'ils correspondent à une réalité géographique. Ces concepts d'unité et d'aires urbaines ont laissé penser que tous les Français allaient devenir urbains (...) ».

De son côté, Samuel Depraz relève que : « La typologie née du zonage en aires urbaines (ZAU) de l'Insee, depuis 1999 et jusqu'à sa dernière version de 2010, a été particulièrement néfaste à une bonne prise en compte des ruralités françaises. D'abord, par l'effet de seuil qu'elle a instauré, en établissant une influence des pôles d'emploi urbains sur les campagnes environnantes à raison de 40% des actifs d'une commune. Ce seuil minoritaire interroge toujours - pourquoi pas 50% ? - y compris au sein de l'Insee (2015) 12 ( * ) ; toujours est-il qu'il donne l'impression d'un territoire entièrement dominé par l'influence urbaine, puisque 95% de la population française « vit sous l'influence des villes » (Brutel, 2011) 13 ( * ) . Or ce mode de calcul devient vide de sens - on avait abandonné sur le même principe les ZPIU en 1990, puisqu'au-delà de 95%, on ne discrimine plus grand-chose. Plus encore, il est abusif : si l'on se base sur 40% d'actifs, cela signifie que l'on peut laisser de côté jusqu'à 60% d'actifs qui ne travaillent pas vers un pôle urbain, mais aussi les 56% de la population qui sont inactifs (personnes au foyer) ou pas en âge de travailler (enfants, personnes âgées). Autrement dit, les notions de « périurbain » et d' « aire urbaine » recouvrent certaines communes rurales dont jusqu'à 80% de la population ne dépend pas de la ville.

Dernière incongruité, il avait été envisagé, avant 2010, un "espace à dominante rurale" qui incluait les "petits pôles d'emploi" (unités urbaines de 1 500 à 4 999 emplois) dans le rural, démontrant ainsi le rôle moteur des bourgs sur l'espace rural. L'idée était excellente, en ce qu'elle permettait de rappeler qu'il existe des villes dans le rural, tout comme on inclut des campagnes dans l'urbain.

Cette notion a pourtant été supprimée en 2010, pour inclure ces petits pôles dans l'urbain. Toute mention du "rural" a alors été supprimée du ZAU... mais pas la mention de l'urbain. Il demeure donc du "périurbain", des "grands pôles urbains" et des "aires urbaines". Or on ne peut s'affranchir de toute référence au rural si l'on maintient en même temps son contraire, l'urbain : il faut éliminer les deux termes à la fois dans les statistiques. »

e) L'approche par bassins de vie et par la grille de densité, plus respectueux de la réalité de la ruralité

D'autres modes de calcul, tels que ceux fondés sur la densité de population et sur les bassins de vie, aboutissent à des chiffres qui réévaluent très sensiblement la part rurale de la population nationale , laquelle atteint alors plus de 30% de cette population.

C'est ainsi que l'Insee a proposé de retenir la notion de « bassin de vie » pour mieux décrire la structuration de l'espace français, notamment de sa composante rurale. Le bassin de vie constitue le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements ou services courants et à l'emploi. Il s'agit donc de l'unité territoriale proche où la population peut accomplir la majorité des actes de la vie courante.

Pour dessiner les bassins de vie, l'Insee identifie tout d'abord des « pôles de services », c'est-à-dire des communes ou unités urbaines disposant d'au moins 16 des 31 équipements intermédiaires les plus discriminants en termes d'accès aux services par la population (police et gendarmerie, supermarché, librairie, collège, laboratoire d'analyses médicales, ambulance, bassin de natation, etc.). Les zones d'influence de chaque pôle de services sont ensuite délimitées en regroupant les communes les plus proches, la proximité se mesurant en temps de trajet, par la route en heures creuses. Comme le souligne l'Insee, « Par rapport au zonage en aires urbaines qui mesure l'influence des villes sur la base des déplacements entre domicile et travail, le zonage en bassins de vie apporte un complément à travers l'analyse de la répartition des équipements et de leur accès. Son principal intérêt est de décrire les espaces non fortement peuplés, c'est-à-dire les bassins de vie construits sur des unités urbaines de moins de 50 000 habitants. » .

Dans ce cadre, la distinction entre urbain et rural est basée sur la classification désormais utilisée par la Commission européenne. À partir de carreaux de 200 mètres de côté, on forme des mailles urbaines caractérisées par une densité d'au moins 300 habitants par km² et un minimum de 5 000 habitants. Les autres mailles sont considérées comme rurales. Sur le fondement de cette méthode, l'Insee identifie, en 2012, 1 287 bassins de vie ruraux sur un total de 1 666 bassins. Ces zones rurales représentent 78% du territoire et 31% de la population.

Une autre méthode, connexe, est inspirée des travaux d'Eurostat et consiste à constituer une grille de densité des communes. L'Insee a ainsi utilisé la nouvelle typologie européenne dite « degré d'urbanisation », conçue en 2011 par la Commission européenne. Elle est fondée sur des calculs de densité et de population selon un principe d'agrégation de carreaux d'un kilomètre de côté.

À partir de ces carreaux d'un kilomètre de côté, on forme des mailles urbaines, agrégations de carreaux contigus qui remplissent deux conditions : une densité de population au carreau d'au moins 300 habitants par km² et un minimum de 5 000 habitants. Dans une démarche identique, et pour définir l'urbain dense, on forme ensuite des mailles urbaines denses qui remplissent deux conditions : une densité de population au carreau d'au moins 1 500 habitants par km² et un minimum de 50 000 habitants 14 ( * ) .

Pour bien identifier les territoires ruraux, les zones moins denses sont ensuite ciblées. En définitive, la méthode permet de distinguer quatre catégories de communes :

1- Communes densément peuplées ;

2- Communes de densité intermédiaire ;

3- Communes peu denses ;

4- Communes très peu denses.

Sur cette base, les communes peu ou très peu denses couvrent plus des neuf dixièmes de la France métropolitaine et rassemblent en leur sein 35,4% de la population et plus de 35% des actifs employés.

Source : Laurent Rieutort, « La ruralité en France : des potentiels oubliés ? », Population & Avenir 2017/1 (n° 731), p. 4-7.

On le voit, selon la méthode employée, les territoires ruraux n'ont pas le même poids. Cet enjeu de l'identification de la population comme rurale ou urbaine est évidemment essentiel puisque de lui dépend largement l'intérêt que vont porter les media, les institutions politiques ou les autorités administratives sur les différents espaces. Au sein d'une démocratie représentative, en effet, le critère démographique est essentiel.

Pour autant, ce seul critère ne saurait résumer des territoires qui sont aussi caractérisés par une histoire, une culture, des paysages, un patrimoine... C'est d'ailleurs l'une des vocations du Sénat de permettre aux institutions républicaines de représenter davantage que l'agglomérat des individus-citoyens formant le corps électoral un certain dimanche tous les cinq ans.

Comme le note Samuel Depraz : « Il est (...) souhaitable d'encourager fortement et d'accélérer une nouvelle production de données statistiques par l'Insee selon la grille des "bassins de vie ruraux", les publications en restant pour l'instant à une approche trop générale à l'échelle de tous les bassins de vie confondus. Cette unité de mesure permet de restaurer une France rurale à près d'un tiers de sa population.

De même, le travail de déconstruction des catégories Insee doit être mené à son terme. Il semble urgent d'abandonner définitivement le ZAU ou, à défaut, de renommer cet outil pour ce qu'il est réellement, soit un "zonage en aires d'emploi" avec des "couronnes d'emploi" et des "aires d'emploi" autour de "pôles d'emploi" » 15 ( * ) .

L'enjeu est de sortir d'une présentation et d'une représentation des territoires ruraux fondée sur des critères qui ne les définissent qu'en creux ou de manière incomplète, voire négative, et, en particulier, qui ne mettent l'accent sur que la population et la dépendance aux villes. Le groupe de travail rejoint donc la proposition du rapport de la mission pour l'Agenda rural intitulée « Travailler avec l'Insee à une nouvelle définition des espaces ruraux (...) qui ne soit pas en négatif de la définition de l'urbain, qui combine les critères de densité et ceux de nature fonctionnelle ». L'Insee prévoit du reste de lancer une réflexion en ce sens, avec ses partenaires, parallèlement à la refonte de ses zonages d'études qui devrait aboutir début 2020.

f) Reconnaître les apports des territoires ruraux à la société et aux territoires urbains

Un second enjeu est de mieux reconnaître dans la statistique publique les apports des ruralités à la société, ce que l'on recouvre le plus souvent sous les termes d'« aménités rurales ». La notion d'aménité a retrouvé une actualité avec l'approfondissement des réflexions sur le développement des zones rurales et dans le contexte des débats sur la réforme de la Politique agricole commune. L'OCDE s'est penchée sur le sujet à partir des années 90 et définit ainsi ces aménités en 1999 : « Attributs naturels ou façonnés par l'homme, liés à un espace ou à un territoire et qui le différencient des autres territoires qui en sont dépourvus » 16 ( * ) . Parmi ces aménités, de natures diverses, certaines sont objectives et d'autres plus subjectives (la beauté, le charme, l'ampleur d'un paysage). En ce sens, ces aménités peuvent être comparées à un stock de ressources 17 ( * ) .

Plusieurs approches peuvent être mobilisées pour définir le contenu de ce « stock » utile à l'ensemble de la société. L'approche écologique permet ainsi d'identifier des hectares de terres libres qui peuvent être qualifiés, selon les types de sols et de couverts, de prairies, forêts,... Eu égard à la problématique de la rareté mondiale des terres arables et aux tensions sur la ressource en eau, les terres agricoles comme les zones aquatiques sont un capital particulier à prendre en compte de façon spécifique. De même, sont à valoriser les zones déjà cultivées, les aires résidentielles qui accueillent des populations travaillant dans des aires urbaines, la qualité de l'air ou le patrimoine historique et culturel... Il en va de même des productions ou des capacités de ces territoires, cruciales pour notre avenir, en particulier en matière d'autonomie et de diversité alimentaire ou de transition énergétique. La production d'énergie « décarbonée », par exemple, est très largement le fait des espaces ruraux. Même les aménités plus subjectives peuvent faire l'objet d'une tentative de mesure. L'approche dite cognitive a ainsi proposé deux méthodologies pour apprécier la perception d'un paysage : le « photolangage » et l'« oculométrie » 18 ( * ) .

Au-delà donc de la stricte statistique fondée sur le niveau de population qui, par nature, biaise les représentations au détriment des territoires ruraux, le groupe de travail recommande d'engager une réflexion avec l'Insee pour la définition d'un bouquet d'aménités qui puisse être utilisé dans la décision publique, par exemple pour la fixation de niveaux de dotations . Ce bouquet pourrait en particulier servir lors de la négociation sur la nouvelle génération des contrats de plan État-régions (CPER) 2021-2027, qui débute et s'étendra tout au long du premier semestre 2020.

Recommandation 2 : Encourager la statistique publique à produire des statistiques fines sur les bassins de vie ruraux, et à davantage prendre en compte la grille de densité des communes.

Recommandation 3 : Engager une réflexion avec l'Insee pour la définition d'un bouquet d'aménités rurales qui puisse être utilisé dans la décision publique, par exemple pour la fixation de niveaux de dotations.

3. Une ruralité aussi prégnante et diverse que l'urbain

On l'a vu, il n'est pas aisé d'appréhender la réalité statistique du « rural ». Il est clair, cependant, que la ruralité est une composante essentielle du territoire national et de sa population et qu'elle recouvre des situations très diverses.

a) La ruralité, composante essentielle du territoire national

Les chiffres que nous avons examinés montrent que la ruralité ne peut être balayée d'un revers de main comme si elle n'était qu'une composante résiduelle de la nation vouée à disparaître. La France fut une grande nation paysanne pendant les siècles de sa formation et elle l'est restée jusqu'au XX e siècle 19 ( * ) . Aujourd'hui encore, l'agriculture est un élément fort de son économie, même si elle a été fragilisée au cours des dernières années 20 ( * ) . Elle est aussi une composante essentielle de la politique environnementale de notre pays.

Mais la France, au-delà des considérations de politiques publiques, est et restera une grande nation rurale du fait de son histoire et de sa géographie ; l'oublier serait négliger une part fondamentale de sa culture et de sa personnalité.

Plus prosaïquement, aujourd'hui, non seulement la ruralité recouvre globalement une large majorité des territoires, mais elle rassemble un nombre tout à fait conséquent de nos concitoyens.

Plus encore, ce sont aujourd'hui les bassins de vie ruraux qui se développent le plus rapidement du point de vue démographique, comme l'illustre le tableau suivant.

Évolution de la population (1999-2009) selon les bassins de vie

Type
de bassin de vie

Nombre de bassins de vie

Nombre de communes

Population en 2009

Augmentation moyenne
de population entre 1999 et 2009 (en %)

Surface
(en km²)

Nombre d'habitants au km²

Urbain

379

10 214

44 175 780

0,6

140 310

315

Rural

1 287

26 468

20 128 720

0,9

492 425

41

Ensemble

1  666

36 682

64 304 500

0,7

632 735

102

Champ : métropole et DOM

Source : Insee, recensement de la population 2009.

Comme le soulignent tant les études publiées sur le sujet que les géographes entendus par la délégation, le temps de l'exode rural est pratiquement terminé dans la plupart des territoires. En revanche, nombreuses sont les aires qui connaissent un renouveau démographique. Laurent Rieutort, professeur de géographie à l'Université Clermont-Auvergne et directeur de l'Institut d'Auvergne du Développement des Territoires, note ainsi : « Des gains démographiques et d'emploi supérieurs à ceux observés en milieux urbain et périurbain sont observés, y compris dans des zones peu denses, avec l'exception de la super-ruralité, où les évolutions sont plus fragiles. »

Samuel Depraz précise de son côté : « Dans ce territoire rural de faible densité, les dernières observations statistiques montrent une renaissance rurale par l'émigration ou encore l'émergence d'une économie résidentielle, fondée essentiellement sur l'arrivée de capitaux privés du fait des résidences secondaires ainsi que de l'arrivée de jeunes retraités et de résidents étrangers. Cette reprise démographique ne se traduit pas forcément en termes d'activités économiques ou de rajeunissement. Ces dynamiques sont néanmoins bien réelles. »

Claire Delfosse, professeur de géographie à l'Université de Lyon II et directrice du Laboratoire d'études rurales, nuance cependant le caractère positif des évolutions récentes, faisant valoir que « Depuis le milieu des années 80 puis au cours des années 90, un nouveau discours sur l'évolution démographique des campagnes a émergé, bien qu'il soit parfois analysé comme un phénomène uniquement lié à l'étalement urbain. Ainsi, le caractère positif de cette évolution démographique n'est jamais souligné puisqu'il traduit la négativité de l'évolution de la ville. »

b) La diversité rurale

En tout état de cause, si des évolutions globales sont décelables pour l'urbain comme pour le rural, ces deux catégories sont si larges qu'elles cachent bien des situations, parfois contradictoires. Entre le rural proche de la ville, dont certaines parties peuvent être dites « périurbaines » et les territoires très éloignés des zones urbaines, un fossé peut exister. Entre les aires géographiques diverses de la France, il existe aussi des différences notables. Or, les pouvoirs publics doivent se pencher sur la situation de tous les territoires, et notamment des plus fragiles.

Le « rural » s'est considérablement diversifié, tant en matière sociologique qu'économique. De nouvelles populations se sont installées, pour certaines plus jeunes, en quête de terrain et de logement moins chers, d'une meilleure qualité de vie, en rupture parfois avec les modes de vie urbains. Des habitants plus âgés aussi, qui, la retraite arrivant, retournent sur les terres d'origine familiale ou choisissent une terre d'adoption.

Pour décrire la diversité des communes rurales, l'Insee a d'ailleurs adopté une méthodologie spécifique. Pour chaque commune, sont croisées les différentes approches possibles de la ruralité :

- approche morphologique : sont considérées comme rurales les communes qui n'entrent pas dans la constitution d'une unité urbaine ;

- approche fonctionnelle : sont considérées comme rurales les communes isolées hors de l'influence d'un pôle ;

- approche suivant la grille de densité : sont considérées comme rurales les communes de la catégorie « très peu denses » de la grille de densité ;

- approche suivant les travaux du CGET (Brigitte Baccaïni) : sont considérées comme rurales les communes les moins denses et avec un lien fonctionnel à la ville plus faible.

L'arborescence suivante illustre la méthode :

Source : Insee analyses Auvergne-Rhône-Alpes , n° 77, février 2019

Ce croisement donne, in fine , cinq catégories de territoires ruraux : « éloigné », « très peu dense », « bourg », « couronne éloignée » et « périphérique ».

Si l'on applique ces critères, par exemple à la région Auvergne-Rhône-Alpes, la répartition entre ces cinq catégories est la suivante :

Les différentes catégories de « rural »
dans la région Auvergne-Rhône-Alpes

Source : Insee analyses Auvergne-Rhône-Alpes , n° 77, février 2019

Bien évidemment, chacune de ces catégories correspond à des caractéristiques particulières. Si, en général, les territoires ruraux sont peu denses, relativement éloignés des services et tournés vers l'agriculture, de fortes différences peuvent néanmoins les distinguer. Par exemple, le « rural éloigné » rassemble une proportion non négligeable d'agriculteurs : 8,1% contre 2,4% pour l'ensemble du rural dans la région. Il s'agit d'un espace aux vastes étendues (27% de la superficie de la région), très peu peuplé (1,6% de la population). Très présent dans le Cantal, il concerne aussi - toutefois dans une moindre mesure - les départements du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire. Il est moins présent dans les autres départements qui, cependant, conservent tous des aires rurales. Le « rural très peu dense » est lui aussi peu peuplé mais comporte une moindre proportion d'agriculteurs (4,6%), etc.

La diversité de la ruralité en Auvergne-Rhône-Alpes selon l'Insee

Source : Insee analyses Auvergne-Rhône-Alpes , n° 77, février 2019

La démographie, dont on a vu qu'elle se révèle aujourd'hui globalement favorable aux territoires ruraux, est néanmoins une ligne de démarcation forte entre ces territoires, car certains tirent mieux leur épingle du jeu. En Auvergne-Rhône-Alpes, le « rural très peu dense » a progressé de 14,3% entre 1999 et 2014, en revanche, le « rural éloigné » a reculé de 1,9%.

Si l'on prend cette fois l'exemple de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les communes rurales gagnent aussi de nombreux habitants depuis 1975, avec un doublement de population. Elles progressent même plus vite que les communes urbaines (+ un tiers). Cette évolution est certes due au mouvement de périurbanisation, mais elle touche aussi les petites communes rurales isolées qui, contrairement au reste du pays, progressent aussi grâce à un fort solde migratoire. Dans cette région, on constate même une accélération du repeuplement rural depuis 2000.

Tous ces éléments relatifs à la diversité de la ruralité, à son dynamisme et à son histoire sont aujourd'hui trop souvent méconnus. Les institutions publiques, l'État au premier chef, mais aussi les collectivités locales, en particulier les régions et les départements, pourraient davantage valoriser les territoires ruraux, par exemple en lançant des campagnes de communication ciblées. Ceci aurait, en outre, pour conséquence utile d'accompagner les territoires ruraux qui créent de la richesse et doivent pouvoir en espérer un retour. Encore faut-il bien connaître les territoires ruraux... C'est ainsi que les rapporteurs du groupe de travail plaident pour la création d'un observatoire national qui leur serait consacré ( cf. infra ).

Recommandation 4 : Engager des campagnes de communication institutionnelle, en lien avec les territoires, permettant de mieux faire connaître la ruralité dans sa diversité comme dans ses atouts, ses initiatives et ses apports à la société.

LE NÉCESSAIRE PARTENARIAT AVEC LES SERVICES DE L'ÉTAT

Le développement des territoires est avant tout le fruit d'aventures humaines : des acteurs dynamiques et innovants mobilisent les énergies au service d'un projet. C'est particulièrement vrai dans les territoires ruraux dont les collectivités souffrent de fragilités spécifiques. De leur côté, les collectivités peuvent et doivent favoriser la mise en oeuvre de ces projets, encourager leur conception et leur réalisation dans les territoires ruraux. Il serait illusoire, en revanche, de penser que ces collectivités ou l'État ont la capacité de se substituer aux initiatives de la société civile.

L'expérience montre cependant que l'environnement, qu'ils contribuent à créer, ainsi que le climat qu'ils font émerger sont essentiels à l'épanouissement de ces initiatives et peuvent jouer un rôle déterminant dans le choix d'un territoire par leurs porteurs. Cependant, pour jouer à plein leur rôle d'incitation, les collectivités, leurs groupements et l'État doivent pouvoir construire un partenariat solide.

Les rapporteurs se sont rendus en Autriche et, parmi leurs constatations, figure l'extrême force des institutions locales, qui peuvent déployer des politiques d'aménagement très volontaristes. Cette capacité d'action est largement liée à la structure fédérale de l'État, fondée sur le principe de subsidiarité. Les neuf länder autrichiens mobilisent ainsi plus de 34 milliards d'euros de budget pour une population de 8,7 millions d'habitants. En France, toutes les régions, y compris l'outre-mer et la Corse, représentent un budget de 32 milliards d'euros pour 63 millions d'habitants. Les moyens de l'échelon local sont donc infiniment plus élevés dans un pays comme l'Autriche. La contrepartie est que l'État central y intervient moins. La France est dans une situation différente : les moyens des collectivités, beaucoup plus restreints, ne leur permettent pas de tout faire. L'État doit les aider et faire jouer la solidarité nationale en leur faveur.

I. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES NE PEUVENT PAS TOUT FAIRE

1. Les fragilités des collectivités rurales

Nombre de collectivités, notamment dans les territoires ruraux, sont aujourd'hui trop fragiles. Certes, leurs élus peuvent mener des actions de sociabilité, d'assistance et d'accompagnement humain très importantes, mais ils ne disposent pas pour autant des capacités de concevoir, puis de développer des projets structurants pour leurs territoires.

Les petites communes, en particulier, ne disposent fréquemment pas de la surface financière, ni des compétences en ingénierie nécessaires à des stratégies ambitieuses. Mais c'est aussi vrai dans de nombreuses intercommunalités, en dépit des fusions récentes.

Certains départements eux-mêmes sont fragiles et ne disposent que de faibles marges de manoeuvre pour investir, comme le montrent leurs soldes de gestion. Par exemple, les Ardennes, le Cantal, les Côtes-d'Armor, la Creuse, le Gers, la Nièvre ont tous une épargne nette négative. Le conseil département du Cantal, où les rapporteurs se sont rendus, dispose d'un budget d'investissement d'environ 50 millions d'euros par an. À titre de comparaison, un kilomètre d'autoroute revient en moyenne à 6,2 millions d'euros et une route nationale de 2 à 5 millions d'euros/km.

2. Le maquis des normes entrave l'action des collectivités rurales

Il faut ajouter à cette situation l'extraordinaire inflation normative, qui rend extrêmement complexe le montage de projets dans notre pays et qui nécessite de disposer de solides compétences, notamment juridiques, dont les structures locales ne disposent pas toujours.

Rappelons que sont adoptées, chaque année, environ 50 à 60 lois, hors traités et conventions. Entre 1 600 et 1 800 décrets et plus de 8 000 arrêtés ministériels sont pris, auxquels il faut ajouter la publication de 1 300 à 1 400 circulaires. Quant au stock de textes, il a été estimé début 2018 à 80 267 articles législatifs et 240 191 articles réglementaires en vigueur 21 ( * ) . De plus, ces chiffres ne prennent pas en compte les très nombreuses normes techniques qui s'imposent, par exemple dans le domaine de la construction. En février 2014, le groupe de travail animé par Nadia Bouyer pour le ministère du Logement avait ainsi estimé que plus de 4 000 normes existaient dans ce secteur 22 ( * ) .

Les élus locaux et leurs fonctionnaires territoriaux sont trop souvent submergés par ces normes, qui conduisent à ralentir et à surenchérir les projets. Au surplus, elles imposent une relation parfois complexe et souvent mal vécue par les élus avec les services de l'État chargés de les faire respecter. Dans ces circonstances, l'État est trop souvent positionné en empêcheur plutôt qu'en accompagnateur ou facilitateur.

Face à cette situation, le Sénat a chargé sa délégation aux collectivités territoriales d'une mission de simplification des normes applicables aux collectivités. Dans ce cadre, elle a notamment fait adopter, à l'unanimité par le Sénat, une proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l'urbanisme. Une large partie de son contenu est désormais mise en oeuvre, par exemple en matière d'accélération du contentieux ou de simplification des opérations des zones d'aménagement concerté. Une consultation nationale, par internet, des élus de France avait en effet montré que leurs difficultés principales en matière d'application du droit concernaient ce domaine.

Dans le même ordre d'idées, la délégation a recommandé l'extension à l'ensemble du territoire national et le renforcement de l'expérimentation confiant aux préfets de certains départements la faculté de déroger à certaines normes 23 ( * ) . La proposition de résolution en ce sens a été adoptée le 24 octobre 2019 24 ( * ) .

Toutefois, la simplification des normes ne va pas assez vite. Du reste, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur les finances locales 25 ( * ) , est très critique sur le dispositif d'évaluation des normes applicables aux collectivités et recommande une « amélioration d'ensemble » .

II. L'ÉTAT DOIT AIDER LES TERRITOIRES RURAUX

L'État affiche un fort volontarisme en matière d'aide et de soutien aux territoires de la République. L'article 1 er de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dispose ainsi que l'État est responsable de la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire et que celle-ci « concourt à l'unité de la Nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations ».

La loi est ambitieuse puisqu'elle affirme : « Au sein d'un ensemble européen cohérent et solidaire, la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire permet un développement équilibré de l'ensemble du territoire national alliant le progrès social, l'efficacité économique et la protection de l'environnement. Elle tend à créer les conditions favorables au développement de l'emploi et de la richesse nationale, notamment en renforçant la solidarité des entreprises avec leur territoire d'implantation, et à réduire les inégalités territoriales tout en préservant pour les générations futures les ressources disponibles ainsi que la qualité et la diversité des milieux naturels.

Elle assure l'égalité des chances entre les citoyens en garantissant en particulier à chacun d'entre eux un égal accès au savoir et aux services publics sur l'ensemble du territoire et réduit les écarts de richesses entre les collectivités territoriales par une péréquation de leurs ressources en fonction de leurs charges et par une modulation des aides publiques. »

Pour autant, au fil de ses travaux, la délégation a souvent constaté le désarroi des élus qui se sentent abandonnés, ou confrontés à des services tatillons ou inefficaces. Dans leur rapport publié en décembre 2016 26 ( * ) , Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont avaient relevé l'existence de trois obstacles persistants à l'efficacité des administrations déconcentrées dans leurs relations avec les collectivités : l'insuffisante cohérence de l'État déconcentré, générateur de complexité administrative ; « la contradiction entre l'affaiblissement progressif des services déconcentrés et la propension intacte de l'État à toucher à tout » ; l'éloignement-désengagement de l'État, traduit notamment par la fermeture de services publics et des transferts aux collectivités de missions de proximité.

De leurs investigations, les rapporteurs du groupe de travail tirent la conviction que la situation décrite en 2016 s'est aggravée et que l'État central doit entendre davantage les territoires ruraux dans la définition de ses politiques et de leurs instruments de mise en oeuvre. Par ailleurs, l'État doit accomplir sa mue et devenir plus facilitateur que contrôleur, en particulier pour ce qui concerne les services déconcentrés. Enfin, rien ne sera possible pour de nombreux territoires si l'État n'assume pas son rôle en leur garantissant un socle minimal de services pour se développer. Le soutien aux territoires ruraux est une composante de la solidarité nationale qui doit permettre de renforcer l'investissement et, plus globalement, de moderniser ces territoires.

1. L'État central doit entendre davantage les territoires ruraux

Nombreux sont les élus locaux qui constatent, généralement pour le déplorer, la disparition d'une politique d'aménagement du territoire ambitieuse, autrefois portée par la DATAR 27 ( * ) .

Il ne saurait être question de ressusciter ladite DATAR, tant les circonstances ont changé. Du reste, l'extrême volontarisme de l'État à l'époque, le centralisme décisionnel qui prévalait, une vision très orientée vers la théorie d'un développement « en cascade » inspirée des analyses de François Perroux sur la nécessité de disposer de forts pôles de croissance, n'est pas sans avoir conduit à des décisions que l'on peut aujourd'hui parfois regretter.

Par ailleurs, le fait majeur intervenu depuis la « grande époque » de la politique d'aménagement du territoire est la décentralisation, qui a progressivement doté les collectivités, et au premier chef les régions, de compétences fortes en matière d'encadrement et d'encouragement des dynamiques économiques et sociales. À cet égard, Sophie Duval-Huwart, directrice du Développement des capacités des territoires au CGET, a sans doute raison de relever que : « Plus personne n'accepterait (...) que l'État se comporte dans les territoires comme la DATAR par le passé. Il n'y a ainsi plus de politique d'aménagement du territoire comme il y a quelques dizaines d'années. (...) L'État ne peut plus décider seul de l'implantation des grands équipements. »

Cela étant, l'État ne peut se désintéresser des dynamiques nationales de développement, qui échappent aux collectivités, fussent-elles de niveau régional. C'est le rôle de l'État de faciliter, voire d'impulser le développement ou le renforcement des secteurs stratégiques. C'est encore son rôle de veiller à l'égalité des chances des citoyens sur le territoire. C'est enfin son rôle de garantir le respect par les différents échelons de collectivités que les besoins de leurs composantes sont bien pris en compte.

Les rapporteurs du groupe de travail considèrent que l'État central doit davantage prendre en compte les besoins des territoires ruraux, en particulier en matière de conception générale de la politique d'aménagement du territoire, mais aussi en ce qui concerne la définition des instruments concrets de cette politique, au premier chef par la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

a) La conception de la politique d'aménagement du territoire

• Garantir la dimension interministérielle de la politique destinée aux territoires ruraux

La conception de ce qui reste de la politique d'aménagement du territoire relevait jusqu'à il y a peu du Commissariat général à l'égalité des territoires 28 ( * ) . Elle revient, à compter du 1 er janvier 2020, à la Direction générale des collectivités locales (DGCL), à laquelle sont affectés les personnels chargés de cette conception.

Le commissariat général n'a pas été sans susciter un certain nombre de critiques. Certaines sont générales et visent une institution jugée très parisienne, plus centrée sur les études que sur l'action. Alors commissaire général, Serge Morvan notait lui-même devant la délégation : « Nous avons au CGET - et demain à l'ANCT - des publications qui sont de qualité, même si elles se focalisent surtout sur les connaissances. Le CGET s'est, en quelque sorte, transformé en CNRS ! » .

Par ailleurs, le CGET a souffert de devoir exercer de trop nombreuses missions et d'appréhender tous les types de territoires. Or, chaque type de territoire mérite une attention spécifique. De même, le CGET, administration centrale, était sans doute à la fois trop éloigné des territoires ruraux et de leurs élus, mais aussi du Premier ministre et de l'interministérialité. Service par nature interministériel, il n'est pourtant plus rattaché au Premier ministre depuis décembre 2017 29 ( * ) , contrairement aux préconisations du rapport portant sur sa création 30 ( * ) . Placé à partir de cette date auprès du ministre du ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, il n'a pu qu'éprouver davantage de difficultés à s'imposer dans la machinerie gouvernementale.

Son ancien commissaire général résume ainsi la situation : « Je ne critique certes pas les personnes qui travaillent au sein du CGET et qui remplissent leur mission, mais force est de constater qu'elles ne parviennent pas bien à la remplir. Si elles n'y arrivent pas, c'est parce que des missions se sont ajoutées les unes aux autres. Le CGET rencontre notamment des difficultés à coordonner le travail effectué par les opérateurs de l'État. Ces derniers travaillent certainement bien, mais leur travail demeure très insuffisamment coordonné avec celui du CGET. Ils ne se coordonnent d'ailleurs même pas bien entre eux. ».

Il est trop tôt pour savoir comment la Direction générale des collectivités locales va s'acquitter des missions autrefois dévolues au CGET. On peut sans doute attendre de son rattachement au ministère de l'Intérieur une plus grande proximité du terrain et du réseau préfectoral. Cette nouvelle organisation va-t-elle se traduire par une forme de recentralisation, la DGCL assurant la tutelle de l'ANCT ? Ou de prééminence des questions institutionnelles et financières, coutumières de la DGCL, et par un effacement des préoccupations plus sociologiques et économiques, prisées par le CGET ?

Quoi qu'il en soit, on peut relever, sur le plan des symboles, que les missions d'aménagement du territoire, évoquées autrefois par un décret 31 ( * ) , sont désormais traitées par un simple arrêté 32 ( * ) . Relevant autrefois des différentes directions du CGET, elles sont désormais de la responsabilité d'une simple sous-direction de la cohésion et de l'aménagement du territoire au sein de la DGCL.

• Assurer la stabilité de la politique destinée aux territoires ruraux

L'instabilité des rares dispositifs consacrés aux territoires ruraux est aussi fréquemment dénoncée. Le cas des pôles d'excellence rurale est significatif. Le Gouvernement a lancé un premier appel à candidatures fin 2005 et a, dans ce cadre, attribué 379 labels en 2006. Il a engagé une seconde campagne en 2009, au terme de laquelle 263 projets ont reçu le label. Ce programme a montré son intérêt 33 ( * ) , ce que le Gouvernement reconnaît lui-même en indiquant : « La politique des PER a incontestablement renforcé les dynamismes des territoires ruraux et contribué à fédérer les acteurs. Son mode de gestion s'est révélé efficace » 34 ( * ) . Il a pourtant été arrêté sans préavis.

Les acteurs locaux, qu'ils soient publics ou privés, doivent bénéficier d'une stabilité des politiques qui leur sont destinées, sans quoi ils ne peuvent disposer de base sûres pour monter et réaliser leurs projets. Comme l'a souligné Rachel Paillard, vice-présidente de l'AMF, rapporteur de la commission des communes et territoires ruraux de l'AMF, maire de Bouzy : « Nous constatons dans les lois ANRU et dans les déterminations des ZRR des évolutions souvent préjudiciables à la lisibilité de l'organisation territoriale. Cette instabilité permanente des règles a des conséquences, au niveau de l'élu comme des habitants. J'entendais hier un chef d'entreprise qui s'était rapproché de la grande ville parce qu'il ne percevait plus d'avantages fiscaux en raison d'un changement de zone. Ses salariés font maintenant 50 kilomètres par jour pour se rendre au travail. Des mesures prises pour des raisons d'équilibre budgétaire entraînent quelquefois des désastres au niveau local » .

Les politiques publiques destinées aux territoires ruraux doivent donc faire l'objet d'une programmation pluriannuelle de moyen et long terme. Bien sûr, dans un contexte de très fortes contraintes budgétaires, cette programmation, pour avoir un sens et se traduire dans les autorisations budgétaires annuelles, doit être réaliste et ne pas être utilisée comme simple outil de communication. Dans ce cadre, on peut s'interroger sur l'opportunité de disposer d'une visibilité budgétaire globale des crédits destinés aux territoires ruraux, à l'instar de ce qui existe pour la politique de la ville, par le truchement d'un programme budgétaire spécifique au sein de la mission « cohésion des territoires ». Dans le même esprit, la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi d'orientation budgétaire pour les territoires ruraux dans lequel s'inscriraient les budgets annuels pourrait être une avancée pertinente.

Recommandation 5 : Renforcer la dimension interministérielle de la politique en faveur des territoires ruraux.

Recommandation 6 : Assurer une stabilité des politiques publiques destinées aux territoires ruraux par une programmation globale réaliste de moyen et long terme.

• Mieux prendre en compte les territoires ruraux dans les politiques publiques

Au-delà de ces éléments de « machinerie gouvernementale », la situation des ruralités doit aujourd'hui être davantage prise en compte dans la définition des politiques publiques par tous les ministères. Depuis Paris, les territoires ruraux paraissent éloignés et semblent parfois invisibles. Il est donc crucial qu'ils bénéficient, au sein même des administrations compétentes, d'un positionnement adéquat. Or, ce n'est pas vraiment le cas. Ainsi le CGET ne comporte-t-il aucune direction spécifiquement consacrée aux ruralités, alors qu'il comptait une direction de la ville et de la cohésion urbaine. Il supportait le Conseil national des villes (CNV), instance historique de la politique de la ville placée auprès du Premier ministre, qui concourt à la conception, à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de la ville, alors que les territoires ruraux ne sont représentés par aucune instance de ce type au sein des instances ministérielles.

D'un point de vue symbolique, les ruralités n'interviennent qu'au quatrième rang à la rubrique « territoires » du site internet du commissariat, après les régions, les quartiers de la politique de la ville et les métropoles. Encore trois des quatre volets évoqués sur le site, à propos de la ruralité, sont-ils aujourd'hui plus ou moins remis en cause : les zones de revitalisation rurale (ZRR), dont les périmètres ont évolué, excluant un grand nombre de communes et pour lesquelles un rapport de l'Assemblée nationale a demandé l'extinction 35 ( * ) , les pôles d'excellence rurale, dont le programme a été mis en sommeil après la deuxième vague de labellisation lancée en 2011, et les contrats de ruralité, qui ne disposent plus de crédits spécifiques.

D'une manière plus générale, la prise en compte des questions relatives aux ruralités ne doit pas rester confinée à un seul ministère ni à un seul organe administratif, pour la simple raison qu'elles sont transversales .

À cet égard, pourquoi ne pas désigner auprès de chaque ministre un haut fonctionnaire aux ruralités, à l'instar des hauts fonctionnaires à l'égalité ou au développement durable... ?

Leur mission serait de veiller aux conditions de conception et de mise en oeuvre des politiques publiques de chaque ministère en direction des territoires ruraux. À cet effet, ils seraient chargés de prendre en compte les spécificités de ces territoires dans la préparation de la programmation budgétaire des textes législatifs et réglementaires. Organisés au sein d'un réseau animé par la DGCL, qui a repris les compétences du commissariat relatives à la définition de la politique d'aménagement du territoire, ils pourraient être associés à la conception de la stratégie gouvernementale relative aux ruralités, coordonner l'élaboration des plans d'actions correspondants et en suivre l'application. Ils pourraient imaginer et mettre en place des indicateurs pertinents puis en examiner l'évolution. Enfin, en lien avec les services déconcentrés des ministères et les préfectures, ils seraient à même de faire remonter à l'échelon central les difficultés de mise en oeuvre de certaines des politiques menées dans les territoires ruraux ou leur inadaptation à ces territoires. L'un d'entre eux au moins pourrait être associé aux réunions du conseil d'administration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Évidemment, leur rôle serait directement proportionnel à leur autorité personnelle et à leur bon positionnement au sein des ministères.

Recommandation 7 : Désigner, auprès de chaque ministre, un haut fonctionnaire aux ruralités, en capacité de porter les préoccupations relatives aux territoires ruraux, et en lien avec les autres ministères au sein d'un réseau de partage animé par la DGCL.

• Une meilleure prise en compte des territoires ruraux exige par ailleurs que l'État sache s'extraire du critère de population lorsqu'il envisage une politique publique en direction de ces territoires

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a affirmé, à rebours des perceptions de terrain, que la présence des services publics dans les ruralités était « restée dense », s'appuyant sur quelques exemples pour s'en féliciter. Elle notait ainsi que, pour la gendarmerie nationale, l'allocation des effectifs de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) reposait sur un indicateur lié à la population couverte, soit 1 militaire pour 1 000 habitants, pouvant être modulé, notamment dans les zones péri-urbaines (1 militaire pour 800 habitants) ou encore dans les ZSP (5 militaires supplémentaires sur les effectifs globaux). La Cour des comptes relevait aussi que dans les départements ruraux étudiés, le ratio de couverture de la population était « d'une manière générale, bien plus favorable que le ratio moyen de 1 pour 1 000 affiché par la DGGN » . De même, s'agissant de l'école, elle se félicitait de ce que les taux d'encadrement dans les départements ruraux « restent très favorables » .

Cette analyse fait fi du fait que le niveau de population n'est généralement pas le critère pertinent dans les territoires ruraux. La faiblesse de population est en soi une fragilité pour les territoires concernés qui éprouvent plus de difficulté en termes de dynamisme économique, de recrutement de personnels, par exemple. Elle est fréquemment liée à des circonstances géographiques qui sont des contraintes pour les habitants : régions de montagne, longue distance pour atteindre un service... Enfin, les politiques s'appuyant sur le seul critère du niveau de population ne peuvent, face à la dépression démographique des plus fragiles de ces territoires, qu'entretenir et renforcer une spirale négative de réduction des moyens. Il faut donc « changer de logiciel » et introduire des critères fondés sur les besoins des territoires comme la densité de population, l'évolution démographique, le revenu par habitant, la distance aux services, l'âge moyen des habitants et son évolution, les conditions d'autonomie des personnes âgées, les poursuites d'études, notamment dans l'enseignement supérieur long 36 ( * ) ....et, comme nous l'avons vu, sur les aménités des territoires,.

Recommandation 8 : Dans la définition et l'évaluation des politiques publiques, privilégier des critères fondés, d'une part, sur les besoins des territoires et, d'autre part, sur leurs aménités, plutôt que celui du seul niveau de population.

• Mieux connaître la situation des territoires ruraux

Pour mener des politiques publiques pertinentes et efficaces, il est nécessaire de bien apprécier la situation de leurs bénéficiaires potentiels, puis d'évaluer leurs impacts. En la matière, il serait temps que les ruralités disposent d'un observatoire national , à l'image de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), qui a succédé à l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS).

Cet observatoire devrait être, comme l'ONPV, en capacité d'analyser la situation des territoires ruraux, de mesurer l'évolution des inégalités et des écarts de développement entre eux, de fournir aux autorités décisionnelles toutes les statistiques pertinentes, y compris sur des sujets de plus en plus importants mais parfois négligés, comme les flux monétaires et, en particulier, le poids des pensions et retraites dans l'économie des territoires ruraux ou celui des prestations sociales, qui peut être un indicateur aigu des fragilités d'un territoire 37 ( * ) . Parmi ces statistiques, devraient figurer celles relatives aux besoins spécifiques de ces territoires ainsi que les aménités qu'ils offrent ( cf. supra ).

Il existe bien, au sein du CGET, un observatoire des territoires qui réalise des publications et propose un site internet très intéressants, mais celui-ci ne différencie pas clairement les territoires ruraux. Du reste, une rapide recherche sur son site internet montre que ressortent très peu de documents relatifs aux ruralités, documents de surcroît généralement anciens.

Recommandation 9 : Mettre en place un observatoire des territoires ruraux, à l'image de l'observatoire national de la politique de la ville, dont le support serait assuré par l'ANCT et qui présenterait les besoins spécifiques de ces territoires ainsi que les aménités qu'ils offrent.

La connaissance des fragilités et des atouts des territoires ruraux doit aussi infuser au niveau des fonctionnaires amenés à concevoir puis à mettre en oeuvre les politiques publiques. Cette connaissance doit leur permettre de ne pas « oublier » leur situation au cours d'une carrière qui, très souvent, les mènera à exercer à Paris, en région parisienne ou dans d'autres grandes villes.

En la matière, une triple démarche apparaît pertinente :

- au cours de leur formation théorique, les élèves fonctionnaires devraient être confrontés aux enjeux de la ruralité. Cela suppose que, sous une forme ou une autre, les écoles du service public - au premier chef, l'ENA et l'INET - dispensent des modules obligatoires de formation sur les ruralités , associés à des évaluations. Par contrecoup, le développement de ces formations pourrait au surplus avoir comme conséquence de renforcer les études rurales dans les universités ;

- dans le cadre de leur formation pratique, ces élèves devraient accomplir un stage obligatoire en territoire rural pour la validation de leurs études ;

- enfin, au cours de leur carrière, les fonctionnaires, en particulier les hauts fonctionnaires, qui seront conduits à contribuer à la définition et à l'exécution des politiques de l'État, devraient exercer, pendant une durée minimale, par exemple trois ans, dans un territoire rural. À ce passage serait conditionnée leur promotion ultérieure. Il s'agirait d'un complément à l'obligation de mobilité statutaire prévue depuis 1964 pour les fonctionnaires des corps recrutés par la voie de l'ENA, mobilité dont la réalisation est un prérequis pour l'accès aux emplois supérieurs de direction de l'État en administration centrale ou en services déconcentrés. Cette mobilité statutaire impose actuellement un changement de ministère, de corps ou de service, mais pas d'évolution en termes de périmètre géographique d'exercice des fonctions. La mobilité territoriale proposée comblerait cette lacune. Son impact serait important mais supportable pour l'administration dans la mesure où, d'ores et déjà, de facto , un certain nombre de mobilités statutaires se traduisent par une mobilité vers un territoire rural (par exemple, lorsqu'un administrateur civil effectue sa mobilité comme sous-préfet dans un arrondissement rural).

Recommandation 10 : Mettre en place dans les programmes de formation des écoles du service public des modules obligatoires de formation-évaluation sur les ruralités ainsi qu'un stage obligatoire en territoire rural pour validation d'études.

Recommandation 11 : Conditionner la promotion de hauts fonctionnaires de l'État à l'exercice de leur activité pendant au moins trois ans en territoire rural.

• Associer les territoires ruraux à la conception de la politique gouvernementale les concernant

Au-delà, on peut s'interroger sur les possibilités de mieux associer les élus des territoires ruraux aux politiques gouvernementales qui les concernent.

Comme on l'a vu, les zones urbaines disposent du Conseil national des villes pour les représenter au sein même de l'appareil gouvernemental. Créé en 1988, ce conseil est une instance consultative placée auprès du Premier ministre, qui a pour mission de conseiller le Gouvernement sur l'élaboration de la politique de la ville. Il est aujourd'hui composé de quatre collèges, représentant respectivement les titulaires de mandats nationaux ou locaux, les acteurs économiques et sociaux impliqués dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des personnalités qualifiées.

On peut s'étonner qu'il n'existe pas, au sein des instances gouvernementales, sur le même modèle, un Conseil national des territoires ruraux. Celui-ci pourrait notamment être consulté sur les projets de textes comportant des dispositions qui concernent directement les ruralités et pourrait aussi émettre des propositions sur la politique mise en oeuvre à destination des ruralités.

b) La création de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires

La création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires visait à remédier à certaines difficultés éprouvées par le CGET. Il s'agissait de bâtir une organisation proche des élus, qui seraient associés à sa gouvernance, structurée de manière déconcentrée et en capacité de coordonner l'ensemble de l'action des services de l'État, mais aussi des opérateurs, comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou encore l'Agence du Numérique.

Devant la délégation, le commissaire général à l'égalité des territoires et préfigurateur de l'agence notait ainsi : « Pour coordonner ce travail et permettre aux élus de disposer d'interlocuteurs de poids, il semble toujours préférable de créer une structure ad hoc . C'est le choix qui a donc été fait : instituer une agence nationale. Beaucoup d'opérateurs sont des opérateurs nationaux (ANRU, ANAH, ADEME, Agence du Numérique, etc.). Il était nécessaire de coordonner leur action. C'est ce que nous avons fait au travers de cette agence nationale, qui vise à mobiliser des projets portés par ces territoires, qu'ils soient régionaux ou départementaux. Il s'agit donc de se mettre autour de la table à partir d'un projet de territoire pour en définir les besoins et les attentes. Il est nécessaire d'aller vite et d'agir efficacement. Cette agence est nationale, mais elle est déconcentrée et relève localement de l'autorité des préfets, car ce sont les représentants de l'État au sein des départements. Les relations entre les élus locaux et les préfets, voire les sous-préfets, me semblent toujours meilleures que celles qu'ils peuvent tenter d'entretenir avec des directeurs d'administrations centrales les recevant dans leur bureau au 6 e étage du 20 avenue de Ségur. Ces derniers, quoi qu'ils en disent, connaissent beaucoup moins les territoires et les populations qui y vivent. »

La participation des élus à la gouvernance de l'agence était l'un des points d'attention cruciaux du Sénat. Dans son rapport, s'agissant de la gouvernance à l'échelon national, le préfigurateur de l'agence avait déjà fait valoir : « La présence des représentants des élus locaux dans les instances de France Territoires est une condition de réussite de la mobilisation générale en faveur des territoires.

Elle peut s'envisager selon deux scénarios :

• scénario 1 : leur participation au conseil d'administration selon une proportion à définir ;

• scénario 2 : la création d'un conseil stratégique dans lequel ils seraient majoritaires et donneraient un avis préalable à l'examen des délibérations stratégiques du conseil d'administration (pour illustration : budget annuel, détermination des programmes globaux d'intervention, etc.). Le fonctionnement et la composition précise de ces instances feront l'objet d'un décret à prendre immédiatement après l'adoption des dispositions législatives créant l'agence.

Quel que soit le scénario retenu, il est proposé que siègent au conseil d'administration les présidents des commissions de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat. » 38 ( * ) .

L'agence devra faire ses preuves avec le temps et il est évidemment trop tôt pour porter un jugement sur une institution en gestation. Néanmoins, on peut d'ores et déjà regretter la tournure des débats parlementaires qui ont vu le Gouvernement s'arc-bouter sur la maîtrise de cet instrument par les services de l'État, comme s'il y avait lieu de se méfier des élus. En particulier, contrairement à la lettre et à l'esprit de la proposition de loi d'origine, son conseil d'administration ne comprendra qu'une minorité d'élus. C'est d'autant plus dommage que l'État dispose déjà, avec le comité national de coordination de l'agence, d'une instance totalement à sa main 39 ( * ) .

De même, on peut regretter que l'association des élus locaux à la gouvernance territoriale de l'agence ait été largement amodiée. Le Sénat avait souhaité la création d'un comité de cohésion territoriale dans chaque département dans le but d'instaurer, autour d'une coprésidence entre le délégué territorial de l'agence, c'est-à-dire le préfet et un élu, une instance consultative et de suivi de l'exécution des projets soutenus par l'agence. Le Gouvernement a obtenu que l'Assemblée nationale édulcore sensiblement le texte sénatorial en écartant la co-présidence et en faisant du comité un organe à la main du préfet. Lors des débats 40 ( * ) , la ministre chargée de la cohésion des territoires a cependant pris trois engagements, consistant à demander aux préfets :

- de réunir les comités territoriaux à échéance régulière ;

- de « consulter les grands élus de leurs départements (parlementaires, président de conseil régional, président de conseil départemental, maires des grandes villes, associations d'élus, maires ruraux et non ruraux, maires des communes de montagne, etc.) pour définir au plan local la composition du comité la plus adaptée » ;

- de prévoir la présence des services de l'État aux réunions du comité, notamment la Direction départementale des territoires (DDT), la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), les Architectes des bâtiments de France (ABF) ou encore les Agences de l'eau.

Plus globalement, il y a lieu de craindre que l'agence ne souffre de la même difficulté que le CGET, celle de devoir se pencher sur le cas de tous les types de territoires, sans être particulièrement orientée sur les territoires ruraux. De fait, son champ de compétences tel qu'adopté est très large, peut-être trop large.

Les missions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires
telles que fixées par l'article 2 de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019
portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires

Sans préjudice des compétences dévolues aux collectivités territoriales et à leurs groupements et en articulation avec ces collectivités et groupements, l'Agence nationale de la cohésion des territoires a pour mission, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire, de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements mentionnés à l'article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets , notamment en faveur de l'accès aux services publics , de l'accès aux soins dans le respect des articles L. 1431-1 et L. 1431-2 du code de la santé publique, du logement , des mobilités , de la mobilisation pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers urbains en difficulté, de la revitalisation , notamment commerciale et artisanale, des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique , du développement économique ou du développement des usages numériques . À ce titre, elle facilite l'accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d'ingénierie juridique, financière et technique, qu'elle recense. Elle apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Elle favorise la coopération entre les territoires et la mise à disposition de compétences de collectivités territoriales et de leurs groupements au bénéfice d'autres collectivités territoriales et groupements. Elle centralise, met à disposition et partage les informations relatives aux projets en matière d'aménagement et de cohésion des territoires dont elle a connaissance. Elle soutient les réseaux associatifs dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées.

L'agence assure une mission de veille et d'alerte afin de sensibiliser et d'informer les administrations ainsi que les opérateurs publics et privés sur les impacts territoriaux de leurs décisions en matière de cohésion et d'équité territoriales.

L'agence informe et oriente, le cas échéant, les porteurs de projets dans leur demande de subvention au titre des fonds européens structurels et d'investissement auprès des autorités de gestion compétentes.

L'agence coordonne l'utilisation des fonds européens structurels et d'investissement et assiste le ministre chargé de l'aménagement du territoire dans sa mission de définition, de mise en oeuvre et de suivi des politiques nationales et européennes de cohésion économique, sociale et territoriale.

Pour éviter une « dilution » des ruralités dans les autres territoires et, en particulier, que la politique de la ville n'assèche littéralement les moyens mobilisés, il est important, d'une part, que les représentants des collectivités territoriales au conseil d'administration de l'agence soient bien représentatifs de l'ensemble des territoires, et notamment des territoires ruraux et, d'autre part, qu'une proportion significative des moyens de l'agence ne soit pas fongible mais puisse être fléchée et stabilisée selon les catégories de territoires auxquelles ils sont destinés. Il est important que la ruralité puisse ainsi disposer, sur une base pluriannuelle, d'un socle d'appui via l'agence.

Recommandation 12 : Assurer la représentation des territoires ruraux au sein du conseil d'administration de l'ANCT et flécher une part significative des moyens de l'agence selon les types de territoires concernés.

Bien évidemment, au-delà de ces questions d'équilibre dans la direction de l'agence, le problème de fond reste celui des moyens dont elle disposera, en particulier en matière d'ingénierie. À cet égard, le groupe de travail relève que l'Agence ne sera pas en mesure de satisfaire les besoins du terrain si elle ne peut mobiliser des moyens humains ou financiers nouveaux.

2. L'État territorial doit s'organiser pour être « facilitateur »

Les élus et les territoires ruraux ont besoin d'un accompagnement des services déconcentrés de l'État. Selon la catégorie de collectivité ou d'intercommunalité, les besoins seront bien sûr différents. Par ailleurs, on peut attendre du récent mouvement de fusions d'EPCI que certaines intercommunalités puissent disposer de la taille critique pour se doter de moyens propres d'ingénierie. D'importantes structures administratives pourront être davantage autonomes que les petites. Cependant, les territoires ruraux sont généralement caractérisés par l'existence de multiples petites communes et d'intercommunalités qui, pour regrouper de nombreuses communes, peuvent ne disposer que de services et de moyens somme toute limités. Certains départements, nous l'avons vu, sont aussi dans cette situation.

Par ailleurs, la décentralisation se traduit, par construction, par des besoins croissants de compétences au niveau local. De même, l'inflation normative implique une montée en gamme des compétences des élus et des fonctionnaires territoriaux.

Parallèlement, depuis plusieurs années, et en particulier depuis le lancement du processus de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), les services déconcentrés de l'État ont vu leurs effectifs fondre et ont connu une véritable fuite de leurs compétences. Notre collègue Michèle André notait : « Entre 2009 et 2012, 2 582 emplois équivalents temps plein (ETP) ont donc été supprimés sur le programme "Administration territoriale" » 41 ( * ) . De son côté, la Cour des comptes 42 ( * ) a montré que de 2010 à 2015, c'est-à-dire sur une période très courte, les effectifs des services placés sous l'autorité des préfets avaient perdu près de 10 000 emplois, soit un recul proche de 11%. À elles seules, les directions départementales des territoires sont passées, durant cette période, de 23 387 à 17 050 agents, soit - 27,10% ! En 2019 encore, les suppressions d'emplois touchent principalement l'échelon départemental : - 383 emplois contre - 47 pour l'échelon régional 43 ( * ) .

Dans ce contexte général, il apparaît que de nombreuses collectivités rurales éprouvent un quadruple besoin : un dialogue stratégique organisé, une concertation simplifiée sur les projets, des compétences d'ingénierie, et des financements adaptés et stables.

a) Un besoin de dialogue stratégique organisé

Les collectivités et leurs groupements doivent, aujourd'hui plus que jamais, être associés aux décisions de l'État dans le département. C'est une nécessité pour qu'elles puissent inscrire leurs projets dans les grandes orientations de l'État, construire une concertation-coopération avec les autres collectivités du département, mais aussi pour que l'État puisse mettre en oeuvre de manière efficace ses politiques publiques.

À cet égard, l'initiative prise par la préfète de l'Ariège, de créer un « G9 », c'est-à-dire une réunion semestrielle entre les services de l'État présidés par la préfète et les présidents des huit EPCI du département semble très intéressante. Ces réunions sont l'occasion de recueillir les interrogations et les difficultés rencontrées par les collectivités et de porter des messages de simplification et d'explication sur les enjeux importants. Elles illustrent ce que peut être « l'État incitateur ».

L'enjeu est d'identifier les projets le plus en amont possible, afin que les services, en particulier la DDT, en lien avec le préfet, assurent une cohérence d'ensemble. Bien sûr, ce type de réunion gagnerait à associer les services de l'État structurés régionalement, au premier chef la DREAL.

b) Un besoin de concertation simplifiée sur les projets

Dans certains cas, les collectivités peuvent avoir besoin d'une concertation rapide et simple sur des projets importants pour elles. Bien sûr, l'élément essentiel ici est la disponibilité et la réactivité des services de l'État et du corps préfectoral.

Mais au-delà, pour aider les petites collectivités ou les groupements de taille modeste et leur permettre d'être confrontés à un « dire » unifié et cohérent de l'État, une organisation spécifique peut être nécessaire. C'est dans cet esprit que, dans leur rapport de juin 2016 intitulé « Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier 44 ( * ) », les rapporteurs de la délégation, François Calvet et Marc Daunis, proposaient, d'une part, de créer une conférence d'accompagnement des projets locaux en lieu et place de l'actuelle commission départementale de conciliation des documents d'urbanisme, aujourd'hui pratiquement en sommeil et, d'autre part, de mettre en place dans chaque département un « référent juridique unique ». Ce référent, nommé par le représentant de l'État dans le département, aurait eu pour mission d'apporter conseil et information pour les dossiers dont l'instruction concerne les services de l'État, en particulier dans les domaines de l'urbanisme, de l'aménagement et de l'environnement.

Si la conférence d'accompagnement des projets locaux n'a pas encore vu le jour, en dépit des efforts du Sénat, notamment à l'occasion de l'examen de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN 45 ( * ) , la philosophie et le principe du référent unique ont, en revanche, été repris par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance. Ainsi, l'article 29 de la loi lance une expérimentation consistant à permettre aux administrations, établissements publics de l'État et organismes de sécurité sociale, ainsi qu'aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux qui en font la demande d'instituer, pour des procédures et des dispositifs déterminés, un référent unique à même de faire instruire des demandes qui lui sont adressées pour l'ensemble des services concernés.

L'expérimentation est en principe menée au sein des services de l'État pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret n° 2018-1352 du 28 décembre 2018 relatif à l'expérimentation du référent unique, soit le 30 décembre 2018. Elle doit faire l'objet d'une évaluation, notamment quant à son impact sur les délais de traitement des demandes, dont les résultats seront transmis au Parlement.

Expérimentations de référent unique envisagées par l'étude d'impact
du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (extraits)

L'étude d'impact du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance évoquait plusieurs cas d'expérimentations du référent unique :

- en matière d'indemnisation des militaires blessés en service et des familles des militaires tués en service, le ministère des Armées prévoit de faire des cellules d'aide aux blessés les « référentes » uniques des victimes et des familles, à charge pour ces cellules de faire le lien avec les différents services instructeurs concernés ;

- le ministère de l'Agriculture envisage de mettre en place un référent unique au sein de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Hauts-de-France et dans les directions départementales des territoires du Puy-de-Dôme et de la Saône-et-Loire ;

- des pôles d'action économique implantés dans chaque région douanière pourraient être les référents uniques des entreprises afin de les orienter dans leurs demandes d'assistance réglementaire, de les conseiller à l'exportation et de les aider dans l'identification du service douanier le plus proche ;

- le référent unique fera l'objet d'une expérimentation au sein des directions régionales de l'action culturelle afin de délivrer des conseils aux pétitionnaires ;

- le ministère de l'Éducation nationale compte expérimenter, dans le ressort de l'académie de Clermont-Ferrand, la mise en place d'un référent unique, lequel, en complément des équipes pédagogiques et administratives des établissements scolaires et des dispositifs de saisine par voie électronique déjà existants, sera à même de prendre en charge les demandes des usagers et d'en assurer le suivi. Ce référent assurera notamment le lien entre l'usager et le service compétent pour répondre à sa demande, dans l'ensemble du champ de l'Éducation nationale (démarches liées à la scolarisation en école, collège, lycée, en établissement spécialisé ou à distance, demande de bourse, etc.) ;

- en matière sociale, le « rendez-vous des droits », en cours de déploiement dans les Caisses d'allocations familiales (CAF), pourra être conforté, afin d'en faire un véritable référent unique dans l'accès aux droits sociaux ; dans le cadre de l'expérimentation, l'entretien « rendez-vous des droits » permettra à la caisse d'instruire les droits des intéressés aux prestations sociales servies par les CAF, mais aussi de leur apporter son concours dans leurs autres demandes de droits, en particulier en matière de santé et d'emploi ; la CAF sera alors habilitée, avec l'accord des demandeurs, à transmettre la demande et les documents correspondants à l'organisme compétent, en vue d'un examen simultané de leurs droits et prestations ; de même, il est envisagé de généraliser le « référent parcours », actuellement expérimenté dans quatre départements, qui permet de coordonner les interventions sociales concernant une personne.

On peut regretter qu'il ne s'agisse que d'une expérimentation. On peut davantage encore regretter que, six mois après son lancement, et près d'un an après le vote de la loi, cette expérimentation, purement facultative il est vrai, n'ait pour l'instant rencontré qu'un succès limité, en dépit des effets d'annonce du Gouvernement qui prévoyait « de nombreuses expérimentions ».

Il importe, en tout état de cause, que le référent unique en soit vraiment un et que les collectivités territoriales puissent être bénéficiaires de cette innovation. Or, le seul cas les concernant éventuellement, pour l'instant, semble être celui du projet de référent unique au sein de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Hauts-de-France et dans les directions départementales des territoires du Puy-de-Dôme et de la Saône-et-Loire. Or, la présentation de cette expérience, qui prévoit un référent unique pour les seules questions entrant dans le champ des politiques du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, reproduit le travail en silo des administrations centrales, réduit singulièrement la portée de l'expérimentation, la prive de son volet de mise en concordance des services des différents ministères et, de fait, va à l'encontre même du caractère interministériel des directions départementales des territoires.

Il y a donc lieu, d'une part, de lancer des expérimentations « référent unique » concernant les besoins des collectivités territoriales, notamment rurales, en lien avec ces collectivités, et, d'autre part, de s'assurer que ces expérimentations aboutissent bien à l'institution de référents véritablement uniques et interministériels en capacité de faire le lien entre les différentes administrations.

Recommandation 13 : Lancer rapidement des expérimentations « référent unique » concernant les besoins des collectivités territoriales, notamment rurales, en lien avec ces collectivités. S'assurer que ces expérimentations aboutissent bien à l'institution de référents véritablement uniques et interministériels en capacité de faire le lien entre les différentes administrations.

c) Un besoin de compétences d'ingénierie

La question du manque d'ingénierie dont souffrent de nombreuses collectivités a été au coeur des entretiens entre les membres du groupe de travail et leurs interlocuteurs.

Tous déplorent par ailleurs la fragilisation de l'ingénierie de l'État qui ne dispose plus de moyens suffisants pour accompagner les collectivités qui en ont le plus besoin. Celle-ci a été accrue par la suppression de l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), décidée en 2014. Cette suppression a été présentée comme la conclusion logique d'un affaiblissement de ces missions sur le long terme, lui-même justifié par la décentralisation et par une volonté nette de réduction des effectifs des ministères. L'ingénierie de l'État a aussi souffert de l'effacement progressif de la filière dite « application du droit des sols » (ADS). Mais la fragilisation de l'ingénierie de l'État s'est aussi traduite par une réduction drastique des effectifs des services déconcentrés, en particulier dans les préfectures et les directions départementales interministérielles (DDI).

C'est particulièrement dramatique dans les aires rurales où les collectivités, comme les intercommunalités, généralement de taille moyenne ou petite, n'ont pas la possibilité ou n'ont pas eu le temps de se constituer une force d'ingénierie à l'échelle de leurs ambitions. Or, sans ingénierie, une collectivité est pratiquement dans l'impossibilité de concevoir et de réaliser des projets. Il peut d'ailleurs arriver que des programmes lancés pour aider les collectivités ne puissent être fructueux faute d'ingénierie. À titre d'exemple, plusieurs projets de revitalisation prévus dans le cadre du programme « Action Coeur de ville », dont la mise en oeuvre exige au niveau local une ingénierie de projet importante, n'ont pu voir le jour 46 ( * ) .

Les gouvernements successifs semblent avoir pris conscience de la situation, ont imaginé des dispositifs expérimentaux, mais tardent à en tirer les conséquences structurelles.

Dans un premier temps, à l'issue du comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, le Gouvernement avait lancé une expérimentation : le dispositif expérimental d'Appui interministériel au développement et à l'expertise en espace rural (AIDER).

Ce dispositif permettait à des élus volontaires de s'appuyer sur l'expertise de membres de corps d'inspection ou de contrôle de l'État, mobilisés à leurs côtés, pour des missions de soutien et d'accompagnement à un projet de territoire et/ou à la résolution de difficultés particulières liées à des projets complexes. Cet appui, temporaire et gratuit, résulte d'un constat de carence en matière de capacité à porter ou à gérer la problématique en question à l'échelle locale. Il vient alors accompagner et renforcer les interventions et personnels des collectivités et des services déconcentrés de l'État.

Le dispositif expérimental d'Appui interministériel au développement et à l'expertise en espace rural (AIDER)

Ce dispositif consiste à mettre à la disposition d'élus volontaires des hauts fonctionnaires des corps de contrôle de l'État. Le Premier ministre en a confié la responsabilité de la coordination interministérielle, de l'animation et de l'évaluation au CGET, en lien avec les chefs des corps de contrôle concernés : le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) au ministère de l'environnement, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) au ministère de l'Agriculture et le contrôle général économique et financier (CGefi) pour les ministères financiers, avec l'appui de l'Inspection générale de l'Administration (IGA) au ministère de l'Intérieur pour l'évaluation.

À ce jour, six missions ont été réalisées. Une première vague de l'expérimentation, menée sur les années 2015-2016, a concerné trois territoires :

• l'Ariège, à travers une mission « multisites », concernant les communautés de communes des Pays d'Olmes et de Mirepoix. Deux axes à orientation économique ont été travaillés : l'affirmation d'une politique touristique autour de la destination Pyrénées Cathares, et l'impulsion d'une politique d'aménagement et de développement des bourgs ;

• la Lozère, avec deux volets : une mission sur le pôle de centralité de Florac qui a permis un appui méthodologique au maire et président d'EPCI pour bâtir la stratégie de mise en oeuvre des projets à dix ans ; un appui global à la structuration d'une stratégie et quatre types d'interventions particulières liées au projet de territoire des élus : le développement d'une filière bois-énergie locale ; un audit global en matière de mobilité, de circulation et de stationnement ; une réflexion sur des montages innovants en matière d'hébergement touristique ; un diagnostic sur le bâti ancien ;

• la Nièvre, avec une mission structurée autour de quatre types d'interventions : la structuration de la filière bois et la mise en place d'une filière sur la chimie du bois, la valorisation de démarches innovantes en agriculture, l'élaboration d'une stratégie économique du Val Ligérien et l'évaluation de la structuration et de l'impact territorial du pôle automobile de Magny-Cours.

Suite à l'accueil positif réservé à ce dispositif, trois nouvelles missions AIDER ont été déployées en 2016 sur des stations touristiques situées en zone de massifs (Jura, Massif Central et Alpes) : Hauteville-Lompnes dans l'Ain, les Orres dans les Hautes-Alpes et le lac de Vassivière dans les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne. Lancées dans le cadre de la feuille de route du Gouvernement pour la montagne, ces missions visant à la réhabilitation de leur parc immobilier touristique en l'inscrivant dans un projet plus global de redynamisation de leur territoire, sont en phase de finalisation.

Le bilan de l'expérimentation a été présenté comme mitigé. Le CGET a ainsi fait valoir que les interventions des inspecteurs étaient parfois en décalage avec les attentes très opérationnelles des collectivités. Par ailleurs, l'objectif de la mission, à savoir renforcer la capacité d'ingénierie locale, ne semble pas avoir été perçu avec clarté par certaines collectivités en attendant davantage, par exemple une implication dans l'obtention de crédits d'investissements. De même, certaines collectivités ont pu avoir besoin d'une ingénierie très technique que le dispositif AIDER, par nature, n'était pas en mesure de fournir. La sélection de missions AIDER très diverses a enfin pu éloigner l'expérimentation de son objectif de reproductibilité, sur d'autres territoires, des démarches engagées.

Pourtant, toutes ces limites, ne semblent pas, à elles seules, invalider le principe même d'une mise à disposition d'ingénierie d'État au profit des collectivités. L'impression est plutôt que les contours de l'expérimentation n'ont pas été définis et exposés avec suffisamment de précision et que ce dispositif s'est heurté à des habitudes centralisatrices bien ancrées. Du reste, dans son rapport très détaillé sur le dispositif, l'Inspection générale de l'Administration 47 ( * ) se montrait largement positive, sous réserve de quelques ajustements : « On aurait (...) pu craindre que (...) le dispositif AIDER aurait quelque difficulté à trouver sa place. Il n'en a rien été, et ce dispositif, qui aurait pu apparaître comme redondant avec d'autres formes d'ingénierie territoriale disponibles, s'est avéré correspondre à un besoin réel de certains territoires (...) . [Il] couvre pour l'essentiel un autre besoin : celui de l'ingénierie de projet de territoire, peu voire non pris en charge par les conseils départementaux ou l'ingénierie privée, et pour laquelle les communes ou les intercommunalités des territoires très ruraux ne disposent pas en interne des compétences nécessaires, en raison du faible taux de cadre A dans ces structures. (...) [La] plasticité d'AIDER, qui en constitue un des traits les plus innovants, et qui répond à un besoin difficilement couvert par les autres dispositifs. (...) Au total, les équipes AIDER ont permis de dynamiser les projets des territoires sur lesquels elles interviennent, de par la capacité de vision transversale qu'elles apportent, leur regard extérieur et leur recul par rapport au jeu d'acteurs dans ces territoires, leur facilité de mobiliser des expertises complémentaires, le travail en mode projet qu'elles impulsent. AIDER est ainsi bien résumé par une définition donnée par un préfet rencontré par la mission : "AIDER est une dynamique, une expertise et un carnet d'adresses" ».

Aujourd'hui, les différents corps de contrôles, en particulier ceux qui ont été mobilisés pour l'expérimentation, constituent une considérable force de travail et de réflexion de haute qualité. Si l'on prend les exemples du CGEDD et du CGAEER, ce sont respectivement 294 agents (ETP), dont 214 A+, et 157 agents, dont 139 de catégorie A. Le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGE) regroupe, lui, environ 70 personnes, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 158 personnes, dont 133 membres « inspectant », et l'Inspection générale de l'Administration (IGA), 99 membres. L'Inspection générale des finances compte, quant à elle, 79 membres en activité au sein du service, auxquels il faut ajouter ses nombreux fonctionnaires en position extérieure.

Dans un contexte de fragilisation des services déconcentrés, de volonté gouvernementale affichée de renforcement de l'échelon départemental et des « compétences d'ingénierie territoriale au plus près des territoires » 48 ( * ) , il pourrait être pertinent de territorialiser davantage ces corps de contrôle , à l'image des Missions d'inspection générale territoriales (MIGT) du CGEDD. À cet effet, il pourrait être envisagé, par exemple, de constituer dans chaque région des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie. Formées d'inspecteurs généraux et d'inspecteurs de différents corps de contrôle, qui offriraient ainsi toute une gamme de compétences, ces plateformes pourraient être saisies, directement ou via le préfet, par les collectivités territoriales ou l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Cet ancrage territorial serait le gage d'une connaissance fine et actualisée du contexte local pour le soutien aux collectivités. Ces plateformes pourraient notamment être saisies pour des missions de moyen ou long terme, en association avec des moyens plus techniques, portés par les collectivités ou financés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Ces capacités nouvelles d'ingénierie seraient particulièrement pertinentes pour aider les collectivités à mûrir leurs projets et à établir une méthodologie d'action.

Une autre possibilité, non exclusive de la première, pourrait être de mettre en place des référents territoriaux dans chaque corps de contrôle , qui serait notamment en capacité d'intervenir au bénéfice des territoires ruraux et mobilisables par les préfets concernés pour des missions ponctuelles.

Recommandation 14 : Constituer, dans chaque région, des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie, formées de membres des corps de contrôle de l'État, et pouvant être saisies par les collectivités territoriales ou par l'ANCT.

Recommandation 15 : Pour des missions ponctuelles, mettre en place des référents territoriaux dans chaque corps de contrôle, en capacité d'intervenir au bénéfice des territoires ruraux, et mobilisables par les préfectures concernées.

Le gouvernement issu des élections de 2017 a, de son côté, souligné la nécessité de renforcer le rôle de l'État en matière d'ingénierie territoriale 49 ( * ) , et notamment de renforcer l'échelon départemental des services de l'État, allant ainsi à rebours des évolutions précédentes qui privilégiaient l'échelon régional.

Préserver le réseau des préfectures, sous-préfectures et DDI est en effet une priorité si l'on veut permettre, d'une part, au préfet d'assurer son rôle de délégué territorial de l'ANCT et, d'autre part, aux services de l'État d'assumer les missions qui leurs sont dévolues en matière d'accompagnement des collectivités, et que rappelle la directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et sous-préfectures 2016-2018. Certes, comme l'a rappelé Laurent Buchaillat, sous-directeur de l'administration territoriale à la Direction de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) au ministère de l'Intérieur, « Un "bouclier" est (...) prévu pour protéger les moyens d'action des départements de taille moins importante, dans un contexte où le réseau des préfectures et sous-préfectures participe chaque année de manière significative à l'assainissement des finances publiques et rend des emplois plus qu'il n'en crée. Nous appliquons ainsi une règle prévoyant qu'aucune préfecture (incluant ses sous-préfectures) ne compte moins de 95 ETP. » Il est cependant clair que certaines préfectures ne sont d'ores et déjà plus en capacité d'exercer de manière satisfaisante une partie de leurs missions dans des départements fragilisés et que nombre d'entre elles ne sont plus en mesure d'être « le niveau privilégié de mise en oeuvre d'une ingénierie territoriale au service des porteurs de projet dans une dynamique de développement local », comme le prévoit la directive. Au moins faudrait-il que soit fixé un seuil global, incluant les directions départementales interministérielles, qui sont nécessaires à l'action du préfet, en deçà duquel il ne puisse être question de descendre lors des arbitrages budgétaires.

Recommandation 16 : Préserver prioritairement les moyens du réseau préfectoral et des directions départementales interministérielles dans les départements ruraux fragilisés et fixer un seuil minimal global d'ETP par département pour ces services.

d) Un besoin de financements adaptés et stables, prenant en compte les spécificités rurales et adossés à un dialogue État-territoires

Dans un certain nombre de cas, les collectivités ont besoin de moyens et de soutiens spécifiques leur permettant de mener à bien des projets structurants et de mettre en place des dynamiques positives.

Les principaux outils d'intervention de l'État véritablement spécifiques aux territoires ruraux sont les zones de revitalisation rurale (ZRR), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la prime à l'aménagement du territoire (PAT) et les contrats de ruralité. Bien sûr, ces moyens, très différents, sont les bienvenus pour soutenir les collectivités dans leurs projets. Pourtant, ils souffrent de plusieurs défauts.

Les ZRR sont aujourd'hui sur la sellette, notamment après un rapport de l'Assemblée nationale de 2018. La contestation de ce dispositif est d'autant plus étonnante qu'en 2015 un rapport d'évaluation complet 50 ( * ) avait clairement souhaité son maintien. Rappelons la conclusion des évaluateurs : « Toute évolution de ces dispositifs doit être appréciée à l'aune des enjeux des territoires ruraux dans un contexte à venir de réorganisation institutionnelle profonde.

Aussi, la mission considère utile de préserver ce qui ne peut être remplacé par d'autres dispositifs offrant des avantages similaires. (...) Un parallèle avec les dernières évolutions de la politique de la ville trouve rapidement ses limites : la taille des 1 300 quartiers maintenus et les caractéristiques des populations qui y résident et y travaillent n'ont rien à voir avec celles des territoires ruraux ; il restera au demeurant une géographie prioritaire urbaine avec des mécanismes d'exception fiscale et des interventions budgétaires contractualisées, et surtout ces territoires urbains dégradés font déjà et continueront de faire l'objet d'interventions budgétaires massives à travers les moyens de l'Agence nationale de rénovation urbaine.

Pour toutes ces raisons, les auteurs de ce rapport concluent sans ambiguïté au maintien d'une discrimination territoriale dédiée aux territoires ruraux, en organisant ce zonage autour des communautés de communes, à partir de critères de densité et de potentiel fiscal et en ramenant à un ordre de grandeur de 10 000 le nombre de communes regroupées. » .

Dans tous les cas, ce qui importe est d'assurer à ce type de dispositif une pérennité et une stabilité telles qu'il en résulte une véritable visibilité pour les porteurs de projets. En la matière, le rapport du Sénat sur les ZRR 51 ( * ) demande, d'une part, « dès l'examen du projet de loi de finances pour 2020, de proroger jusqu'au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et améliorer le ciblage ainsi que l'efficience des dispositifs associés au zonage. Ce préalable permettrait d'associer dans de bonnes conditions les rapporteurs au travail de révision du zonage annoncé par le Premier ministre lors de la présentation de l'agenda rural du Gouvernement. » et, d'autre part, « D'ici au 31 décembre 2021, de préparer une réforme des ZRR à partir des leviers identifiés dans le présent rapport d'information. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux ». Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le Sénat a souhaité proroger jusqu'à fin 2021 le dispositif ZRR pour les communes qui, d'ores et déjà, ne remplissent pas les critères, mais aussi pour toutes celles pour qui les dispositifs fiscaux arriveront à échéance fin 2020. Il s'agissait de donner un peu de temps à la réflexion, pour une réforme d'ensemble du dispositif, et de préserver la visibilité des élus et acteurs des territoires ruraux. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne l'ont pas suivi.

La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , héritière de la Dotation globale d'équipement (DGE) des communes et de la Dotation de développement rural (DDR) 52 ( * ) , est moins contestée dans son principe. Toutefois, ses modalités d'attribution ne sont pas sans susciter de nombreuses critiques.

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2019 53 ( * ) , notre collègue Loïc Hervé a parfaitement exposé la situation en soulignant que cette dotation était, dans un cadre assez étroitement fixé par la loi en ce qui concerne la liste des communes et groupements éligibles ou les objectifs auxquels doivent répondre les projets, largement soumise au pouvoir discrétionnaire du préfet. Il note ainsi : « Les décisions du préfet sont, par ailleurs, guidées par des directives ministérielles (...) . Ces directives, qui ne peuvent légalement avoir pour objet que d'expliciter et, le cas échéant, de préciser les règles et objectifs fixés par le législateur, s'en écartent pourtant quelquefois. C'est ainsi que l'instruction du 9 mars 2018 fixe, au niveau national, une liste d'opérations prioritaires pour la répartition de la DETR, sans égard pour le fait que les catégories prioritaires sont normalement définies annuellement dans chaque département par la "commission DETR", et sans que l'ensemble des priorités énumérées par cette instruction puissent aisément se rattacher aux objectifs fixés par le législateur à l'article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales. »

Les collectivités sont en outre peu informées des décisions des préfets 54 ( * ) . Enfin, le rôle de la commission DETR, composée d'élus, est souvent assez limité 55 ( * ) : elle fixe chaque année les catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, les taux minimaux et maximaux de subvention applicables à chacune d'elles, mais ses autres attributions sont consultatives. Du reste, comme le relève Loïc Hervé : « N'ayant pas connaissance de l'ensemble des demandes de subvention adressées à la préfecture, elle n'a pas les moyens d'exercer un véritable contrôle sur les choix d'opportunité du préfet. »

La prime à l'aménagement du territoire (PAT) est une aide directe à l'investissement destinée à soutenir l'implantation et le développement d'entreprises dans les zones éligibles aux aides à finalité régionale (zones AFR) autorisées par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Encadré par la réglementation européenne, le régime applicable à la PAT 2014-2020 est fixé par le décret n°2014-1056 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services et concentre le dispositif sur le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME). Son montant peut aller jusqu'à 15 000 euros de subventions par emploi créé. Son attribution, qui relève du ministre chargé de l'Aménagement du territoire, doit notamment tenir compte de la situation socio-économique du bassin d'emploi et du caractère incitatif de l'aide. Ce dispositif, simple mais efficace, a connu une forte régression depuis plusieurs années, passant de 2011 à 2020 de 38 à 6 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 32 à 18 millions d'euros de crédits de paiement. Aujourd'hui, c'est la pérennité de ce dispositif qui est en jeu.

Les contrats de ruralité ont, à juste titre, suscité, un fort engouement. Créés en 2016 dans le cadre des Comités interministériels pour les ruralités de Laon (mars 2015), Vesoul (septembre 2015) et Privas (mai 2016), ils constituaient pour l'État une méthode innovante de soutien aux territoires ruraux.

Conclus pour quatre ans entre les territoires de projet, principalement les PETR ou les EPCI, et l'État, ces contrats sont destinés à soutenir les projets locaux stratégiques portés par les acteurs locaux qui s'inscrivent dans les grandes priorités de l'État. L'un de leurs mérites était de rompre avec la logique des appels à projet qui mettent trop souvent en concurrence les territoires.

Ils présentaient aussi l'avantage de donner aux co-contractants une visibilité sur les projets à mener et les moyens mobilisables. Plus de 480 contrats ont été signés pour la période 2016-2020 56 ( * ) .

Aucune évaluation d'ensemble n'en a été réalisée par l'exécutif, mais l'Union nationale des acteurs et des structures du développement local (UNADEL) 57 ( * ) , d'une part, et l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP) et l'Assemblée des communautés de France (AdCF) 58 ( * ) , d'autre part, se sont penchées sur leur situation et leurs apports.

L'UNADEL a reçu mission du CGET d'accompagner six territoires dans la démarche de mise en oeuvre d'un contrat de ruralité 59 ( * ) . Sur le plan symbolique, elle notait que « le contrat de ruralité peut donner un signe d'inversion de tendance significatif » d'un regain d'intérêt des pouvoirs publics pour la ruralité. Sur un plan plus pratique, tout en regrettant la précipitation avec laquelle il a fallu « monter » les premiers dossiers, avec tous les risques afférents consistant à financer des projets déjà « dans les cartons » et en attente de crédits plutôt que de créer une nouvelle dynamique locale, l'association porte un regard plutôt positif sur ce dispositif : « Le contrat de ruralité, avec toutes ses imperfections liées notamment à une mise en oeuvre dans des délais contraints, peut vraisemblablement être retenu comme un outil au service de la ruralité et de ses différentes composantes parce qu'il n'y a pas de territoire sans devenir. À condition de considérer l'outil comme un moyen et un support d'une dynamique de projet et de renforcement du lien entre les acteurs locaux et leurs élus. » Toutefois, elle a d'emblée été amenée à souligner les risques que faisait planer sur les acteurs locaux et leurs projets l'incertitude en matière de pérennité des crédits.

De son côté, l'analyse de l'AdCF et de l'ANPP valide le principe et la philosophie des contrats. Tout en notant, comme l'UNADEL, l'importance pour les élus locaux de disposer de davantage de temps pour préparer les contrats et les projets adossés, elle souligne la nécessité d'une contractualisation globale et cohérente dans chaque territoire, qui permette de créer de véritables dynamiques de moyen et long terme, ce qui va à l'encontre de pratiques encore répandues consistant à contractualiser de manière précipitée sur des montants faibles et au profit de projets peu structurants.

Surtout, elle fait valoir que l'efficacité de ces contrats est conditionnée par la visibilité et la prévisibilité de leurs financements. De ce point de vue, la réduction, mi-2017, de l'enveloppe prévue pour les contrats ainsi que la disparition du fléchage des crédits ne sont pas sans soulever des interrogations. En effet, l'une des idées en vogue est de fusionner tous les dispositifs de soutien destinés aux territoires en une seule catégorie de « contrats de cohésion des territoires ». L'idée est séduisante mais n'aboutira à aucun progrès si elle n'est pas adossée à un effort budgétaire suffisant.

Le récent rapport du Sénat sur les contrats de ruralité en confirme l'intérêt et appelle à les pérenniser et à les renforcer 60 ( * ) alors que, de son côté, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement n'hésite pas à évoquer un dispositif « en extinction » .

3. L'État est responsable du socle de services minimal permettant aux territoires de se développer

Plus de trente ans après le début de la décentralisation, il revient aux collectivités et à leurs groupements de prendre leur destin en main et de dessiner les contours de leur avenir en mettant sur pied des stratégies de développement efficace.

Toutefois, pour certains territoires, aucun développement de long terme n'est possible sans une aide de l'État qui vienne compenser certains handicaps. Les moyens des collectivités françaises sont en effet sans commune mesure avec ceux des autorités locales de certains pays de l'Union européenne beaucoup plus autonomes, par exemple l'Autriche.

Le principal handicap est l'enclavement, qui empêche tout simplement un territoire de communiquer correctement avec les autres, d'accueillir des innovations et de faire valoir ses atouts. Il n'est pas question ici de faire la liste exhaustive des services et appuis que des territoires fragiles devraient pouvoir attendre de l'État. En revanche, il importe de rappeler, d'une part, que l'État doit mettre en place une politique d'implantation cohérente de ses services sur les territoires et, d'autre part, qu'il est responsable du socle de services minimal permettant aux territoires de se développer

a) Pour une politique d'implantation cohérente des services de l'État sur les territoires

Sans un maillage dense et bien réparti, les services de l'État ne peuvent matériellement jouer leur rôle d'appui aux collectivités.

À cet égard, il y a lieu d'évoquer la déception de nombreux élus vis-à-vis des Schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public (SDAASP). Leur réalisation obligatoire a été prescrite par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. À partir du 1 er janvier 2016, les préfets et les présidents de conseils départementaux ont travaillé à la rédaction de ces schémas. La vision de départ était fort ambitieuse, telle qu'elle a été décrite le 3 août 2016 par la circulaire du Premier ministre, à l'époque Manuel Valls.

En fait, ce texte organisait, en complément de la mise en place des SDAASP, une politique unique et coordonnée en matière d'implantation des services de l'État, au moyen d'une organisation administrative contraignante :

- chaque année, chaque secrétaire général de ministère devait adresser à chaque préfet de département les évolutions des implantations de ses services et de ceux des opérateurs sous sa tutelle, envisagées pour l'année suivante. Parallèlement, le CGET était chargé de cartographier ces éléments par département, « afin d'aider le préfet à avoir une vision globale des évolutions proposées et des territoires particulièrement concernés par des risques de réduction ou de fermetures des services publics des différents ministères ou de leurs opérateurs. »

- dès réception de ces informations des différents ministères, le préfet de département devait organiser une réunion du comité des directeurs des services départementaux, élargie en tant que de besoin aux éventuels directeurs territorialisés des opérateurs, afin de partager ses analyses, de faire part de ses questions et d'identifier, le cas échéant, les ajustements locaux envisageables.

- dans le cas où un ou plusieurs ministères prévoyaient des fermetures sur une même localité sans envisager de mutualisations de services ou d'alternatives adaptées, le préfet de département devait organiser une réunion avec les responsables départementaux concernés pour trouver un compromis utile et pouvait, en l'absence de solution, et en accord avec le préfet de région, alerter le Premier ministre et solliciter de manière suspensive son arbitrage.

Cette construction, qui aurait pu être le gage du succès des SDAASP, eût nécessité une volonté politique durable au plus haut niveau. Elle a achoppé sur l'inertie des ministères et leur propension à travailler en silo. Il n'en est resté que les schémas départementaux. Or, si le bilan quantitatif de ces schémas peut être jugé satisfaisant, il faut davantage s'interroger sur leur apport qualitatif.

En effet, selon les chiffres du CGET, 75 schémas ont été conclus et seuls trois départements ne se sont pas véritablement engagés dans ce dispositif, les autres étant situés à diverses phases du processus d'approbation.

Cependant, le point nodal du dispositif de la circulaire Valls du 3 août 2016, à savoir le chaînage entre les besoins de l'échelon départemental et les décisions de l'échelon central, conjugué au droit d'alerte du préfet de département au Premier ministre a disparu . Il en résulte que les schémas risquent, dans de nombreux cas, de se transformer en une « expression de besoins » sans doute intéressante, mais sans capacité de modifier les situations réelles ou d'infléchir des évolutions décidées à un niveau supra-départemental. Le diagnostic sur les services départementaux et la concertation permettant d'aboutir à une vision partagée des enjeux et des priorités en matière de services resteront utiles, en tout état de cause, mais le non-respect des schémas, qui sera probablement constaté, pourrait induire localement une forte frustration.

Dans sa circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, le Premier ministre semble avoir décidé de reprendre le dossier en privilégiant une coordination au niveau non plus national mais régional. Ainsi demande-t-il la création, dans chaque région, d'un comité interministériel des transformations des services publics, présidé par le préfet de région et dont sont membres les préfets de département, les directeurs des services régionaux de l'État, les recteurs de régions académiques, les directeurs généraux des agences régionales de santé et les directeurs régionaux des établissements publics de l'État.

Ce comité aurait la charge d'examiner, de valider et de suivre les principales réorganisations des services publics dans la région.

Le droit d'alerte dévolu au préfet de département semble transféré au préfet de région, puisque la circulaire précise : « Dans les cas où les projets de réorganisation ne feraient pas l'objet d'un consensus parmi les membres du comité interministériel régional des transformations des services publics, le préfet de région m'adressera un rapport aux fins de décision. »

Le Premier ministre demande par ailleurs à chaque ministre « d'adresser à ses services territoriaux les instructions les plus claires pour que chacun s'inscrive dans ces actions de coordination auprès du préfet de région, garant de la cohérence de l'action de l'État ».

Pour concrétiser ces orientations, une modification règlementaire est annoncée qui devrait imposer une obligation d'informer le préfet de département et le collège des chefs de service « de toute réorganisation prévue dans les services et les établissements publics de l'État, quels que soient leur statut ou leur autorité de rattachement, dès lors qu'ils sont implantés dans le département, le préfet étant chargé de veiller à la coordination territoriale des réorganisations envisagées ».

Si la réaffirmation de l'autorité interministérielle du préfet sur les services et les établissements publics de l'État constitue une avancée, le nouveau mécanisme ne règle pas la question de l'articulation entre le niveau national et régional et, a fortiori , départemental. Comment le préfet de département pourra-t-il assurer « la coordination territoriale des réorganisations envisagées » si des administrations centrales ne jouent pas le jeu et font cavalier seul, même sous une forme vertueuse, comme c'est le cas de la DGFiP sur la question du resserrement de son réseau ?

Sans doute serait-il pertinent de prévoir une évaluation de l'efficacité opérationnelle des schémas mis en oeuvre du point de vue des populations concernées soit par un organisme tiers indépendant, soit conjointement par les collectivités et l'État. Les référents territoriaux des corps de contrôle évoqués précédemment pourraient avoir pour mission de suivre et de contribuer à l'évaluation de ces schémas.

Au-delà, une solution pourrait consister à donner aux schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public - qui ne sont pas cités par la circulaire du 12 juin 2019 et ne semblent pas pris en compte par les projets de réorganisation de la DGFiP - un caractère d'engagement de l'État qui soit plus affirmé qu'aujourd'hui. Certes, aux termes de la loi, « La mise en oeuvre des actions inscrites dans le schéma donne lieu à une convention conclue entre le représentant de l'État dans le département, le département, les communes et groupements intéressés ainsi que les organismes publics et privés concernés et les associations d'usagers des services au public dans le département. Les parties à la convention s'engagent à mettre en oeuvre, chacune dans la limite de ses compétences, les actions programmées ». Toutefois, soit les axes du schéma restent assez généraux et la notion d'engagement perd de son sens, soit ils sont précis et risquent de se heurter au fait que le préfet de département n'est pas, aujourd'hui, en capacité de s'assurer du respect de ces engagements par les administrations centrales.

Pour éviter cette impasse, une première solution serait d'opter pour une validation régionale des évolutions d'implantations, ce que semble dessiner la circulaire du 12 juin 2019, mais qui risque d'avoir peu d'effet si un chaînage n'est pas assuré avec les décisions des administrations centrales. Une seconde solution, plus contraignante, serait d'assurer l'articulation entre les engagements pris au nom de l'État au niveau départemental et les politiques d'implantations de chaque ministère, ce qui suppose, à un moment où un autre, une collation-centralisation des engagements pris dans les schémas. C'est aujourd'hui cette articulation qui fait défaut.

Recommandation 17 : Donner aux schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public un caractère d'engagement de l'État plus affirmé qu'aujourd'hui en assurant une cohérence entre les engagements pris au nom de l'État au niveau départemental et les politiques nationales d'implantations de chaque ministère.

b) La question des maisons de services au public

Au nombre de plus de 1 300, ces maisons, qui regroupent en un même lieu un ou plusieurs agents dont la mission est d'accompagner les habitants dans leurs démarches administratives avec les services publics (emploi, retraite, logement, famille, social, etc.), visent à pallier l'insuffisante présence desdits services, en particulier dans les territoires ruraux.

La Cour des comptes en a dressé un bilan sévère 61 ( * ) : offre de services hétérogène et mal connue, niveau d'activité et qualité de service souvent trop faibles, mise en réseau inexistante, professionnalisation insuffisante des agents...

Le Président de la République, lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019, avait annoncé le renforcement du dispositif avec au moins une maison par canton et un objectif total de 2 000 maisons d'ici la fin du quinquennat. Lors de son discours de politique générale du 12 juin, puis dans sa circulaire du 1 er juillet dernier, le Premier ministre a précisé les contours des nouvelles « maisons France Services ». L'augmentation du nombre de maisons doit en principe se conjuguer à une montée en gamme de leur qualité de service, qui sera concrétisée par une labellisation.

On peut regretter que cette montée en gamme, comme la définition du cahier des charges et la grille d'évaluation n'associent pas davantage les élus locaux, qui connaissent les besoins des territoires. Par ailleurs, rappelons que, pour l'essentiel, le fonctionnement de ces maisons (hors maisons postales) repose sur les collectivités territoriales qui, non seulement mettent à disposition des personnels, mais supportent la plus large part de leur budget de fonctionnement. Comme le souligne Jean-Pierre Vial, le recrutement représente pour une maison de services au public (MSAP) un budget incompressible de 120 à 150 000 € par an. Les MSAP portées par des collectivités ou des groupements de collectivités (communes, EPCI, départements), ou des associations bénéficient d'un financement de 25% de leur budget annuel de fonctionnement par le budget de l'État via le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), dans la limite d'un plafond de 15 000 € et de 25 autres %, eux aussi plafonnés, par le fonds inter-opérateurs (FIO). Le budget restant, soit au moins 50%, est à la charge des porteurs de MSAP. Pour les nouvelles maisons France Services, le Premier ministre a annoncé un financement forfaitaire de 30 000 € par maison, pour les projets portés par les collectivités et les associations. C'est plus que les 25 000 € de financements moyens actuels, mais encore faudra-t-il mettre le FNADT et le FIO en capacité d'assurer leur mission, alors même qu'ils peinent d'ores et déjà. Par ailleurs, le reste à charge des collectivités est important. Dans bien des cas, les collectivités paient, parfois depuis très longtemps, dans le cadre d'un véritable « chantage à l'implantation », les coûts immobiliers à la place de l'opérateur. Dès lors, les maisons que les collectivités pourront financer fonctionneront très bien, mais ce sera beaucoup plus difficile pour celles qui sont en milieu rural. Par ailleurs, le processus, utile en lui-même, de montée en gamme des MSAP pour les transformer en maisons France Services, qui passe par une labellisation, pourrait se révéler être un mécanisme conduisant à exiger des collectivités l'engagement de moyens toujours plus importants pour obtenir cette labellisation. Un enjeu pour l'avenir consiste donc à éviter qu'une charge croissante de financement ne pèse sur des collectivités déjà fragilisées et sur-sollicitées. À cet égard, il serait intéressant de faire le bilan financier des coûts nets pour les collectivités représentés par les MSAP/MFS et des coûts évités par l'État.

Recommandation 18 : Associer davantage les élus locaux à l'élaboration et à l'actualisation du cahier des charges applicable au déploiement des maisons France Services et éviter que leur déploiement et leur processus de labellisation ne conduisent à des charges croissantes de financement pour les collectivités. À cet effet, mettre le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et le fonds inter-opérateurs (FIO) en capacité d'assumer leur mission de financement.

c) Pour une politique ambitieuse de répartition de l'emploi public

Les débats sur l'équité de la répartition de l'emploi public selon les territoires sont récurrents. Les calculs restent difficiles à mener et, dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'avertissement de Benjamin Disraeli demeure d'actualité : « Il existe trois sortes de mensonges : les mensonges, les fieffés mensonges et les statistiques ».

Néanmoins, une récente étude de Clément Dherbécourt et Flore Deschard pour France stratégie a le mérite de remettre d'aplomb un certain nombre d'idées 62 ( * ) . Selon cette méthode, déjà retenue par certaines administrations, comme le ministère de l'Éducation nationale, pour mesurer le niveau moyen de service rendu sur un territoire par les emplois publics, les auteurs calculent un indicateur de « taux d'administration » qui rapporte le nombre d'agents publics au nombre d'habitants (ou d'usagers, le cas échéant).

Ils distinguent par ailleurs l'emploi « local » et « non local ». Le premier regroupe les emplois relatifs à un service uniquement ou très majoritairement en direction des usagers de sa zone d'emploi. Les auteurs expliquent à titre d'exemple : « au sein du ministère de l'Économie et des Finances, les emplois des centres des impôts seront classés comme "locaux" alors que les emplois de l'Insee sont "non locaux", qu'ils soient ou non situés en Île-de-France. Les services non locaux sont en premier lieu des emplois nationaux (une base militaire, un ministère, un service technique national), mais ils peuvent être aussi régionaux (une direction régionale des services de l'État, une université), voire départementaux (une préfecture, un établissement pénitentiaire, par exemple). Pour les collectivités territoriales, on considère que les emplois produisent des services locaux, à l'exception des sièges de département et de région. Les services de la fonction hospitalière sont principalement locaux, mais il n'a pas été possible de procéder à une classification fine (...) . »

Synthétiquement, leurs conclusions sont les suivantes :

- les taux d'administration, à savoir le nombre total d'emplois publics pour 100 habitants, sont significativement plus élevés dans les zones urbaines, et en particulier dans les métropoles, que dans les zones d'emploi dites rurales : 9,9 emplois publics pour 100 habitants pour l'Île-de-France, 9,8 pour les grandes métropoles, 8 pour les zones urbaines centrées autour d'unités urbaines de 50 à 100 000 habitants, contre 7 dans les zones rurales. Ainsi, « Les zones rurales ont un taux d'administration moyen inférieur de 30% à celui des grandes métropoles... » ;

- cette disparité s'explique avant tout par des différences liées aux implantations d'emplois « non locaux », en particulier de l'État ou des collectivités régionales ou départementales. Ainsi, alors que les zones dites rurales n'accueillent que... 0,5 emploi public non local pour 100 habitants, ce taux monte à 1,4 pour les zones urbaines centrées autour d'unités urbaines de 50 à 100 000 habitants, à 2,8 pour les grandes métropoles et, sans surprise, à 4,1 pour Paris. La part de l'emploi non local dans l'emploi total n'est que de 1,7% dans les zones rurales, alors qu'elle atteint plus de 7% dans les grandes métropoles ;

- cette disparité globale cache elle-même une très grande hétérogénéité au sein de chaque grande catégorie de zone d'emplois. Si l'inverse est plus souvent vrai, certaines zones d'emplois rurales peuvent ainsi bénéficier d'un taux supérieur à celui des métropoles.

Par ailleurs, le seul « taux d'administration » nombre d'agents publics / nombre d'habitants n'est pas un indicateur suffisant, dans la mesure où il ne tient absolument pas compte de la situation locale, des besoins des populations, etc. Ainsi, France stratégie note que, pour l'Éducation nationale pré-bac, les zones rurales et celles comprenant une agglomération de moins de 50 000 habitants ont significativement plus de postes en moyenne, rapporté aux habitants de moins de seize ans. Or, le rapport Territoires et réussite , dit « Azéma-Mathiot », remis au ministre de l'Éducation nationale le 5 novembre dernier, relève clairement que : « les parcours scolaires post-collège et post-baccalauréat d'une partie des jeunes résidant dans les territoires ruraux sont marqués par des écarts à la moyenne, voire des difficultés, selon une ampleur comparable à ceux qui caractérisent les élèves de l'éducation prioritaire ; certains territoires ruraux, particulièrement en zone isolée ou subissant une crise industrielle ou post-industrielle, voient se cumuler des difficultés sociales qui peuvent avoir des effets scolaires . » 63 ( * )

Ces différents éléments doivent nous pousser collectivement à réfléchir à une véritable politique de répartition de l'emploi public, qui peut notamment reposer sur la réallocation des emplois dits non locaux, ceux de l'État au premier chef, mais aussi ceux des régions, des départements, voire de certaines métropoles. Une telle politique pourrait comporter au moins deux volets :

- 1 er volet : dans l'immédiat, redistribuer certains services publics, comme le Gouvernement a commencé à le faire. Dans sa circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, le Premier ministre a rappelé son souhait que « certaines fonctions ou missions puissent être intégralement délocalisées en région. » À cet effet, il a été demandé à chaque ministre d'identifier au moins deux propositions de délocalisations de services, agences, opérateurs, écoles de formation ou directions supports dont les missions pourraient être exercées en région sans nuire à leur qualité. Ces propositions doivent être chiffrées et documentées pour être instruites par le cabinet du Premier ministre.

- 2 ème volet : au long cours, rééquilibrer les emplois publics. Il s'agit là d'une méthode progressive qui devrait consister à arrêter pour les territoires, définis par une maille fine, des objectifs en termes de taux généraux d'administration et de taux par grandes missions (éducation primaire,...) qui permettent de fixer davantage d'emplois dans les zones rurales ou urbaines de taille moyenne. Cela suppose de réexaminer et de reformater les modèles d'allocation des emplois par ressorts et par services.

Si l'on prend par exemple le cas des emplois en DDI issus du ministère de l'Agriculture, leur répartition par direction départementale est actuellement fondée sur une batterie d'indicateurs « métier », censés permettre de mesurer la charge de travail attendue dans les services (nombre de dossiers PAC traités dans un département, volume d'animaux abattus dans un abattoir, nombre de demandes d'aides à la desserte forestière instruites dans un département, etc.). Par nature, ces indicateurs, comme les thématiques traitées par les services du ministère de l'Agriculture en département, peuvent favoriser les directions situées dans des départements à dominante rurale par rapport à celles situées dans les départements à dominante urbaine. Toutefois, ce « plus » n'est à ce jour pas clairement mesuré. Par ailleurs, les indicateurs en question ne prennent pas en compte, à proprement parler, la notion de « zone rurale », qui n'intervient donc pas dans l'allocation des moyens. Il en résulte qu'ils peuvent favoriser certaines ruralités au détriment d'autres et que le différentiel d'allocation des moyens urbain-rural n'est pas nécessairement proportionné aux besoins réels des territoires. Au surplus, les indicateurs liés au volume d'activités peuvent avoir pour effet de renforcer les évolutions négatives dans un département en difficulté et ne prennent pas en compte, par construction, la nécessité de relancer des dynamiques locales fragiles. Le bouquet d'aménités évoqué précédemment, couplé aux besoins concrets des territoires pourrait être utilisé pour mieux évaluer le taux d'administration à prévoir territoire par territoire. En tout état de cause, des seuils de taux d'administration qui ne pourraient être franchis à la baisse devrait être fixés.

Recommandation 19 : Mesurer finement les écarts de taux d'administration entre les différentes catégories de territoires et renforcer la politique de redistribution des services de l'État en dehors des territoires métropolitains par des relocalisations significatives et rééquilibrer les emplois publics sur le long terme par une politique volontariste permettant de mieux doter les territoires ruraux en utilisant des indicateurs stables et partagés tenant compte des dynamiques locales et des aménités rurales.

d) Trois domaines où l'égalité du territoire doit conduire à mobiliser des moyens de l'État

Ces trois domaines sont ceux qui constituent le socle de la mobilité physique et intellectuelle : la formation, le numérique et les transports.

• La formation :

La formation est à la fois un gage pour l'avenir mais aussi un puissant élément d'enracinement. Un premier volet est bien sûr celui des écoles rurales, qu'il importe de ne pas apprécier par le seul nombre de leurs élèves. Si des regroupements sont compréhensibles pour des raisons de coût et d'efficacité pédagogique, ils ne peuvent constituer une solution unique calquée à tous les territoires. Ce qui signifie que l'ouverture, le maintien et la fermeture de classes - puisque désormais les écoles elles-mêmes sont « protégées » par le moratoire des fermetures annoncé par le Chef de l'État - doivent être examinés chaque fois dans le cadre plus large de la dynamique des territoires.

En 1994 déjà, répondant à la demande pressante de très nombreux élus nationaux et locaux, de toutes tendances, préoccupés des projets de suppression, dans plusieurs secteurs, d'implantations locales du service public, le Gouvernement décidait d'un moratoire qui bloquait tout projet de fermeture, notamment en milieu rural ou dans certains secteurs difficiles de banlieues de villes, dès lors qu'il s'agissait du dernier point de service public de la commune ou du quartier et, s'agissant plus particulièrement des écoles, de la dernière classe existant dans la commune - unique ou en regroupement pédagogique.

La chose n'est donc pas nouvelle. L'important est que l'État accompagne les collectivités qui font montre d'un projet dynamique pour leur territoire, adossé à une programmation sérieuse et réaliste, en le dotant des capacités indispensables pour conserver, voire attirer des habitants.

• Le numérique :

Le numérique n'est évidemment plus une option, mais bien une nécessité absolue pour bénéficier des nouvelles opportunités de marchés, d'innovations, etc. Il faut reconnaître qu'un réel effort a été consenti en la matière avec le plan Très haut débit (THD) et les récentes négociations avec les opérateurs, à savoir le « New deal mobile » .

Pour autant, toutes les questions ne sont pas réglées, loin s'en faut, nonobstant les généreuses statistiques délivrées par l'ARCEP. S'agissant de la téléphonie mobile, des zones blanches demeurent, en particulier en montagne et dans le centre de la France. Surtout, les zones de réception de mauvaise qualité sont nombreuses, y compris dans des territoires qui ne font pas partie de l'hyper-rural. Par ailleurs, trop souvent les territoires ruraux ne bénéficient des nouveautés techniques (2G, 3G, 4G...) qu'avec retard. Cet effet retard du déploiement de la modernité des télécommunications contribue à créer un écart entre les aménités du rural et celle de l'urbain.

Ainsi, dans son récent rapport réalisé au nom de la délégation aux entreprises 64 ( * ) , notre collègue Pascale Gruny a relevé que la fracture numérique territoriale demeurait largement et qu'elle pouvait handicaper les PME qui forment une part essentielle du tissu économique des territoires ruraux.

• La mobilité :

Votre délégation a déjà eu l'occasion de s'exprimer 65 ( * ) sur l'impérieuse nécessité de concentrer les financements attribués aux projets nouveaux sur le désenclavement des territoires isolés, et sur l'égal accès aux infrastructures modernes. Lors de l'examen du projet de loi relatif aux mobilités (LOM) le Sénat a clairement marqué sa volonté en faveur d'un meilleur accompagnement des territoires, notamment au plan financier, pour faire face à des coûts extrêmement élevés.

COLLECTIVITÉS : DES OUTILS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Encore une fois, les collectivités et leurs groupements ne peuvent, à elles seules, créer une dynamique territoriale. Les porteurs de projets sont au coeur de cette dynamique : sans eux, rien n'est possible. Mais les institutions locales peuvent jouer un rôle considérable en accueillant ces projets et en les aidant à s'épanouir.

Le territoire national fourmille de bonnes pratiques en la matière qui s'appuient généralement sur le quadriptyque suivant : inscrire la ruralité dans un projet de territoire cohérent ; nouer des alliances et articuler les territoires ; repenser et adapter l'offre de services aux habitants ; organiser l'ingénierie territoriale.

Si les efforts consentis dans ce cadre par les collectivités territoriales sont considérables, il ne faut pas oublier, par ailleurs, l'importance de la contribution financière fournie par les collectivités rurales pour accompagner les différentes politiques publiques sur leurs territoires, alors même que ce sont souvent les plus fragiles. Elles sont en effet aujourd'hui, et de manière croissante, sollicitées pour participer à un nombre considérable de dépenses qui, en réalité, devraient relever de la solidarité nationale : couverture numérique, réseau ferré (voir en annexe 1), etc.

I. INSCRIRE LA RURALITÉ DANS UN PROJET DE TERRITOIRE

L'histoire de la construction territoriale des cinquante dernières années s'articule largement autour de la nécessité de donner aux collectivités les moyens de bâtir leur avenir. Mais cette recherche a emprunté deux voies différentes que l'on a parfois été tenté d'opposer.

La première est celle que l'on nomme aujourd'hui « l'intercommunalité de projet ». La seconde est celle de « l'intercommunalité de gestion ». Sans doute est-il désormais exagéré de scinder rigoureusement ces deux mouvements - car ils tendent à se rapprocher - mais au début de la V e République, ils sont à la fois complémentaires et concurrents, le premier visant notamment à pallier les fragilités du second. En tout état de cause, l'expérience montre que les collectivités et leurs groupements ont tout à gagner à développer un projet de territoire construit pour renforcer le développement de leurs territoires en valorisant leurs atouts.

C'est la voie suivie en Autriche, où la politique de développement locale peut se révéler extrêmement ambitieuse. Chaque land est ainsi en capacité de se doter d'un programme de développement rural. À titre d'exemple, le Burgenland a décidé de développer sa capacité d'attractivité touristique en s'appuyant sur la proximité de Vienne, le réseau autoroutier et la présence du lac de Neusiedl, à l'extrême est du pays. Au-delà du tourisme, il a souhaité faire une force de son ancienne fragilité, à savoir son caractère frontalier avec les pays du bloc de l'Est, en devenant un carrefour pour l'Europe centrale.

Le land a ainsi créé en 1994 la société EcoBurgenland , dont il est propriétaire. La holding emploie 30 personnes et gère deux fonds de capital-risque. La société a créé 6 centres technologiques et 4 centres d'activités. Les premiers, qui totalisent 51 000 m 2 , emploient plus de 1 700 personnes dans le domaine des hautes technologies (environnement, optoélectronique...). Les seconds comportent le quatrième outlet du monde avec 6,4 millions de clients par an, 2 600 emplois et 1 million de m 2 dont 90% sont loués, ainsi que plusieurs centres de santé et de bien-être, conçus comme des pôles d'impulsion touristiques. Celui de Bad Tatzmannsdorf , par exemple, représente 58 millions d'euros d'investissement, subventionnés à hauteur de 13 millions, et plus de 20 000 nuitées par an. Sa construction visait à suppléer les acteurs privés qui rechignaient à investir dans une station thermale en dépit de généreuses subventions. Autre exemple : le centre de Lutzmannsburg , qui a nécessité un investissement de 86 millions d'euros, subventionné à hauteur de 25 millions, et qui représente aujourd'hui 450 000 nuitées par an. En France, les projets sont généralement plus modestes, mais une dynamique est cependant repérable.

1. Le développement des territoires de projet
a) Les divers instruments actuels et passés

La coordination de l'action des communes autour de territoires de projet s'est concrétisée au travers de nombreux instruments successifs, le plus souvent inventés par l'État :

- les secteurs pilotes d'aménagement rural (SPAR) sont créés par circulaire à partir de 1960, à l'initiative conjointe des ministères de l'Équipement, de l'Intérieur et de l'Agriculture. Ils ne prospéreront guère sous cette forme dans la mesure où aucun moyen spécifique ne leur est adossé et où leurs animateurs se trouvent rapidement seuls et dépourvus pour coordonner collectivités et administrations ;

- les plans d'aménagement rural (PAR) sont mis en place entre 1970 et 1983 par le ministère de l'Agriculture. Plus de 250 plans d'aménagement rural sont ainsi installés. Leur intérêt est de permettre, sur un périmètre spécifique, une concertation entre élus, administrations et acteurs professionnels et économiques sur des programmes de développement multisectoriels de façon à coordonner les interventions publiques au service d'un aménagement cohérent. Leur atout sera de permettre l'émergence, dans nombre de territoires, de diagnostics locaux fondés sur un dialogue entre les partenaires institutionnels et les acteurs locaux.

Mais les plans d'aménagement rural souffrent d'au moins trois fragilités. Il s'agit d'abord de cadres de réflexion initiés par l'État dans une démarche descendante qui laisse peu de liberté aux acteurs locaux : leur réalisation est décidée par le préfet de région sur proposition du préfet de département, leur mise en place est très encadrée par le ministère de l'Agriculture, et ses directions départementales (DDA) et leur mise en oeuvre implique très fortement les différents services de l'État. Par ailleurs, comme les SPAR, ils ne disposent pas de financements adossés, notamment pour financer de l'ingénierie pérenne. Enfin, leur ambition est extrêmement diverse puisqu'ils regroupent de 5 à 193 communes et de 852 à 107 861 habitants.

- les contrats de Pays sont instaurés en 1975 par la DATAR. Leur première nouveauté est d'offrir des moyens financiers, sur la base d'un document de programmation pluriannuel. Près de la moitié des PAR seront suivis de tels contrats qui, comme leur nom l'indique, inaugurent la démarche partenariale entre l'État et des territoires. C'est la deuxième nouveauté des contrats, qui illustre la reconnaissance par l'État du rôle joué par les acteurs locaux, en particulier par les élus : si le contrat est signé par le Premier ministre ou le ministre de l'Intérieur, il doit au préalable être approuvé à l'échelon local. Leur ressort est enfin plus large et plus normé (une petite ville de 5 à 15 000 habitants avec une aire d'influence étendue sur un ou plusieurs cantons et obligatoirement une structure d'association des communes). Ils remportent un franc succès puisque plus de 600 contrats sont signés.

- les chartes intercommunales d'aménagement et de développement se substituent aux PAR après les lois de décentralisation. Instaurées par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, elles relèvent de l'initiative de l'échelon local, et en particulier des communes, en collaboration avec le conseil général et le conseil régional, même si, dans un très grand nombre de cas, les élus ont demandé aux services de l'État d'assurer le secrétariat et l'animation de la procédure. Le périmètre est arrêté par le préfet de département. De nombreuses chartes ont débouché sur des programmes d'investissement ou d'action nécessitant des financements extérieurs car aucun financement n'est systématiquement lié à l'existence d'une charte intercommunale. L'intérêt de ces chartes est d'offrir la possibilité d'organiser un partenariat en dehors des formes plus institutionnalisées de coopération intercommunale tout en ayant l'opportunité de recevoir des subventions de l'État ou des collectivités territoriales. Elles constituent donc des instruments souples de planification et de mise en oeuvre de politiques locales, traduisant la volonté de l'État d'inciter les acteurs locaux à s'inscrire dans une démarche de projet. C'est en effet sur la base d'un projet de développement local que les aides étatiques, régionales ou départementales pouvaient être accordées.

Les chartes existent toujours 66 ( * ) mais elles ont perdu de leur importance avec la mise en place de l'intercommunalité de gestion, à partir de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui crée les communautés de communes et les communautés de villes et les dote de compétences obligatoires et d'une fiscalité propre. Elles ont notamment eu le mérite de poser les bases de l'intercommunalité en conduisant les communes à réfléchir ensemble à leur situation et à leur avenir commun. Cependant, « Près de 300 chartes seront élaborées, mais la participation des partenaires socio-économiques n'est pas vraiment au rendez-vous, les projets restent assez classiques et très peu d'entre eux iront jusqu'à l'approbation par les conseils municipaux. 67 ( * ) »

- le nouveau Pays est progressivement mis en place, au travers des alternances, avec la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT), puis la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT). L'accent est alors mis sur une stratégie de développement à long terme, fondée sur une charte de territoire élaborée à partir d'un diagnostic partagé. Apparaît un conseil de développement « librement organisé », composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. Il est associé à l'élaboration de la charte de Pays et peut être consulté sur toute question relative à l'aménagement et au développement du pays. À partir de 2000 et jusqu'en 2007, les programmes des pays sont articulés avec le volet territorial des contrats de plan État-région ;

- les Parcs naturels régionaux (PNR), instaurés en 1967, sont des territoires de projet spécifiques qui peuvent aussi contribuer au développement d'une dynamique rurale. Comme le rappelle Michaël Weber, président de la fédération des parcs naturels régionaux et du parc naturel régional des Vosges du Nord : « Créés en 1967, ils ont été conçus par le Général de Gaulle comme la réponse à des interrogations qui émergeaient déjà sur la ruralité, avec pour principe de constituer des territoires de projet autour d'une charte. Celle-ci constitue l'acte par lequel l'ensemble des acteurs d'un territoire s'interrogent quant à leur capacité à se regrouper (régions, départements, intercommunalités, communes, et parfois d'autres acteurs, sans oublier l'État) dans la constitution de ce projet de territoire et le financement de ses actions.

Les parcs naturels régionaux ont cinquante ans d'existence. Leur nombre est aujourd'hui de 53 en France. Ils couvrent 16% du territoire français. Une dizaine ou une quinzaine de nouveaux projets souhaiteront entrer dans notre réseau au cours des années à venir, ce qui soulève d'ailleurs des interrogations. L'histoire des parcs, leur attractivité, la volonté de ces territoires de s'organiser au travers de cet outil rendent celui-ci toujours très attractif. » ;

- les Pôles d'excellence rurale , lancés en décembre 2005, ne visaient pas à promouvoir un secteur d'activité particulier « choisi d'en haut », mais à encourager les territoires, par la voie d'un appel à projets, à adopter des modes innovants de gouvernance pour accroître l'efficacité du programme. Comme le soulignait notre collègue et membre du groupe de travail Rémy Pointereau : « Les PER ont ainsi participé à un renversement de la politique d'aménagement du territoire marqué, dans le contexte de la décentralisation, par une confiance plus grande donnée aux collectivités locales. Ils ont été l'occasion d'une forte mobilisation des acteurs locaux. » 68 ( * ) Notons que ces pôles, conçus avant tout comme des projets de développement économique, ont permis la mise en place de véritables projets de territoires, qui souvent fonctionnent encore, plus de dix ans après.

- les Pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a eu pour effet d'abroger le support législatif des Pays. Sur l'initiative du Sénat, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) a corrigé ce problème. Elle a créé un nouvel outil : le Pôle d'équilibre territorial et rural. Celui-ci doit regrouper au moins deux EPCI à fiscalité propre, un EPCI ne pouvant appartenir à plus d'un Pôle. Le Pôle est créé par délibérations concordantes des EPCI, et sa création est approuvée par le préfet du département de son siège. Les pays portés par des syndicats mixtes constitués exclusivement d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre avant l'entrée en vigueur de la loi sont ipso facto transformés en Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux par arrêté du préfet de département. Les pays portés par des EPCI peuvent, eux, de manière facultative et par délibérations concordantes desdits, constituer un PETR. La délégation a eu l'occasion de publier un rapport sur les PETR 69 ( * ) mettant en valeur leurs atouts.

- les Schémas de cohérence territoriale (SCoT). Créés par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, le SCoT est un document d'aménagement stratégique de moyen et long terme, héritier des schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) 70 ( * ) . À partir d'un angle de vue d'aménagement et d'urbanisme, il vise à dessiner l'avenir d'une aire infradépartementale mais qui englobe, le plus souvent, plusieurs EPCI.

Michel Heinrich, maire d'Épinal, président de la Fédération nationale des SCoT, déclare : « Il existe 469 SCoT sur le territoire. Ils couvrent 93% de la population, 80% des communes et 70% du territoire. 67% de ces SCoT sont portés par des syndicats mixtes, 26% par des PETR (au nombre de 60). Il existe aussi 57 SCoT portés par des Pays et 4 SCoT portés par des Pôles métropolitains. »

b) Les atouts des territoires de projet : souplesse et coopération interterritoriale

Si les territoires de projet se sont développés, c'est bien parce qu'ils présentent un certain nombre d'atouts. Un territoire de projet est, comme le définissait Pierre Calame, « la conjonction d'analyses, de désirs et de savoir-faire collectifs qui permet de polariser l'action de chacun autour d'une ambition commune, de résister aux forces centrifuges, de surmonter les contradictions internes d'intérêts, de saisir les opportunités qui se présentent d'exploiter les marges de manoeuvre, de replacer l'action de chacun improvisée en fonction d'événements aléatoires dans une perspective à long terme » 71 ( * ) . Les territoires de projet permettent en effet d'exploiter les forces endogènes des ruralités .

Selon la dernière actualisation du panorama des pôles territoriaux et des pays, réalisé par l'ANPP, 262 territoires de projet structurent aujourd'hui le territoire national. Ils couvrent 70% du territoire métropolitain et concernent 45% de la population. En outre, ces statistiques n'intègrent pas des structures telles que les parcs naturels régionaux (PNR) ou les schémas de cohérence territoriale (SCoT), qui s'organisent également autour d'un projet de territoire et dont les périmètres se recoupent fréquemment avec ceux de certains territoires de projet, comme les pays ou les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR).

Le nombre de ces territoires de projet est toutefois en baisse, puisqu'ils étaient 365 deux ans auparavant. Cela peut s'expliquer notamment par certaines limitations législatives récentes , comme l'article 51 de la loi de réforme des collectivités territoriales 72 ( * ) qui exclut désormais la possibilité de créer de nouveaux pays. Les territoires de projet constituent cependant toujours un outil attractif pour les territoires ruraux. Néanmoins, comme le soulignait votre délégation dans un précédent rapport, ces territoires ne doivent pas être perçus « comme une instance administrative supplémentaire, mais comme une structure porteuse d'un projet que nulle autre administration existante ne peut porter. » 73 ( * )

• La souplesse des territoires de projet

Devant la délégation, Corinne Casanova, vice-présidente de l'AdCF, insistait : « Je souhaite (...) plaider pour une grande souplesse, tant les réalités territoriales sont diverses ». Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des SCoT, renchérissait : « Donnons [aux territoires de projet] beaucoup de liberté dans cette organisation ». Une grande majorité des personnes entendues par la délégation lors de l'audition du 7 février 2019 consacrée aux territoires de projet ont insisté sur la nécessité d'une grande souplesse dans la création et le développement des territoires de projet. Cela tient à leur nature ; c'est le projet qui détermine le territoire . Chaque projet a donc ses particularités et chaque territoire de projet devra, par conséquent, en fonction du projet, trouver le modèle idoine pour se structurer, le territoire idéal - et aux frontières non figées - pour prospérer, et les acteurs pour l'animer.

Le caractère particulièrement disparate des ruralités a déjà été mis en lumière. Les territoires de projet illustrent cette problématique. Corinne Casanova rappelait : « Vouloir plaquer des outils sur des réalités hétérogènes nous expose très vite au risque de commettre des erreurs », alertant aussi par ailleurs sur le risque de « calquer un modèle qui serait défini pour conduire l'ensemble de ces projets ».

Deux logiques différentes peuvent présider à l'émergence d'un territoire de projet. Dans une logique descendante , c'est l'État qui fixe un cadre et des critères et demande aux collectivités de s'y conformer en échange d'avantages variables. L'un des outils privilégiés de cette approche est l'appel à projets . Il a été par exemple utilisé dans le cadre du programme « Action coeur de ville ». La technique de l'appel à projets a aussi été mobilisée pour la mise en place des pôles d'excellence rurale (PER).

L'appel à projets a le mérite d'exister et de permettre à certains territoires de faire respectivement valoir leurs avantages comparatifs et de leur apporter des ressources complémentaires.

Il n'est néanmoins pas sans défaut. À titre d'exemple, s'agissant des PER, si nombre d'entre eux ont été des succès sans conteste, la méthode retenue a toutefois fait l'objet de critiques. La candidature à cet appel à projets exigeait des candidats qu'ils soient dotés en amont d'une ingénierie très importante et qu'ils respectent un calendrier particulièrement contraint. Notre collègue Rémy Pointereau estimait dès 2009 que : « dans un souci de souplesse et de diversité, l'appel à projets devrait rester ouvert aux propositions locales et accepter, dans certains cas, de labelliser des pôles présentant des mérites particuliers, même s'ils n'entrent pas strictement dans les thématiques prédéfinies. ».

De leur côté, les rapporteurs de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur la préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires ont souligné les biais introduits par cette méthode : « L'appel à projets incite les acteurs locaux à adapter leurs initiatives au cadre de celui-ci : ce n'est donc pas l'ingénierie qui se fonde sur le projet, mais le projet qui s'insère dans le cadre imposé par l'ingénierie » 74 ( * ) .

La méthode d'appel à projets, outre qu'elle impose un cadre prédéfini, peut apparaître comme un moyen de réduire les budgets étatiques dédiés aux territoires, avec pour effet d'exacerber la concurrence entre eux. Cette volonté, ou cet effet, de mise en concurrence se retrouve dans la sémantique associée à certains projets (pôles « de compétitivité » ou encore « d'excellence »), qui traduit une logique concurrentielle visant à financer uniquement les projets les plus performants à l'aune des critères définis par le financeur principal qu'est l'État.

Par nature, sauf accompagnement spécifique, les appels à projet, dont les procédures sont parfois particulièrement lourdes, sont souvent remportés par les territoires les mieux dotés, notamment financièrement, et sont donc susceptibles de creuser les inégalités entre les territoires. C'est une des raisons pour lesquels Serge Morvan, alors commissaire général à l'égalité des territoires, entendu par la délégation, avait marqué sa volonté de faire évoluer cette méthode : « Les appels à projets sont parfaits pour ceux qui ont les moyens de les mettre en oeuvre. Le débat doit être celui de la facilitation sur les territoires. (...) Quant aux appels à projets, j'y suis fermement opposé, du moins dans leur forme actuelle. (...) Ces appels à projets servent souvent à projeter la politique de l'État sur les territoires car pour les remporter, il convient d'être conforme à la politique que l'État entend mener. Cela n'est pas très décentralisateur . »

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs du groupe de travail souhaitent non pas l'élimination de la méthode des appels à projets, mais son accompagnement par un renforcement significatif de l'aide en ingénierie de l'État pour que des territoires au départ peu dotés puissent candidater avec des chances d'être retenus. Ce pourrait être l'une des missions de l'ANCT de mettre en place cette ingénierie « de compensation ».

Par ailleurs, tout en reconnaissant l'intérêt de programmes tels que « territoires d'industrie », on peut s'interroger sur la méthodologie d'identification des territoires bénéficiaires. Le choix de ces territoires, certes « sur la base de critères relevant principalement des caractéristiques locales liées à l'identité du territoire, au tissu économique et à l'écosystème industriels, à la mobilisation des acteurs, aux capacités de rebond et à l'ambition affichée de participer au développement de l'industrie », mais en amont par l'État et les régions, conduit à sélectionner a priori des territoires localisés sans, de facto , laisser à d'autres la possibilité d'être candidats.

Recommandation 20 : Lors de la conception des appels à projets en matière d'aménagement du territoire, veiller, d'une part, à la mise en place d'un accompagnement spécifique en ingénierie pour les collectivités fragiles qui leur permette de candidater et, d'autre part, à ne pas exclure d'emblée certains territoires.

La souplesse de la structure qu'adopte le territoire de projet tient naturellement à l'organisation administrative choisie, mais se joue également lors du choix du cadre juridique. Comme le rappelle une étude de l'AdCF 75 ( * ) , « il n'existe pas d'impératif légal à l'élaboration d'un projet de territoire. Sa démarche de construction demeure entièrement volontaire. » La diversité des choix effectués témoigne de la grande marge de manoeuvre en la matière. En 2018, selon l'ANPP, 43% territoires de projet adoptaient la forme d'un pôle territorial ou d'un PETR, 16% la forme d'un syndicat mixte fermé, 15% la forme d'un syndicat mixte ouvert, 16% la forme d'une association, 2% la forme d'un groupement d'intérêt public et enfin 8% une forme autre, plus informelle, par le biais d'un conventionnement.

Parmi ces options, avec le PETR, le syndicat mixte ouvert reste celle qui offre la plus grande latitude. Notre collègue Sonia de la Provôté relevait ainsi lors de l'audition du 7 février 2019, « le syndicat mixte ouvert a constitué une grande avancée récente, sur le plan législatif. Il s'agit d'une structure souple de coopération entre les élus, qui n'a pas la prétention d'être une collectivité. Il peut traiter de tous les sujets, y compris des enjeux d'aménagement du territoire en termes de santé. Il permet un dialogue à géométrie variable . » Les syndicats mixtes fermés sont en effet restreints à l'association de communes et d'EPCI (ils peuvent même, le cas échéant, être uniquement constitués d'EPCI).

Si les collectivités territoriales - et donc les élus locaux - sont au coeur de tout territoire de projet, d'autres acteurs jouent nécessairement un rôle fondamental. Les entreprises et l'ensemble des agents économiques doivent être associés, soit directement, soit par l'intermédiaire des chambres consulaires (chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat et chambres d'agriculture). Les territoires ruraux ont depuis longtemps saisi l'importance des entreprises dans la co-construction de leurs territoires de projet. Lors de leur déplacement dans le Cantal le 20 mai dernier, les rapporteurs du groupe de travail ont pu constater l'implication dans la mise en place de plusieurs projets locaux, notamment d'un incubateur d'entreprises nommé « Catapulte ».

Les associations locales, et en premier lieu les associations rurales, constituent également des acteurs essentiels du territoire de projet. Claude Grivel, président de l'UNADEL, estimait devant les rapporteurs du groupe de travail que les collectivités pouvaient toujours être des territoires de projet, « à condition de ne pas internaliser l'ensemble des services et d'accepter une animation transversale portée par le secteur associatif ».

Enfin, les citoyens doivent être impliqués le plus possible dans l'élaboration du territoire de projet . Au cours de la table ronde du 7 février 2019, Thierry Verdavaine, président du PETR du Pays de Thiérache, avait alerté la délégation sur le mécontentement des citoyens, qui s'étaient jugés insuffisamment associés au démarrage du PETR local.

Une des principales innovations des territoires de projet réside dans la ductilité de leurs frontières. « Le territoire de projet est donc un territoire-construit à géométrie endogène, qui varie selon le problème productif et le projet en question. Il se distingue du territoire-donné qui correspond aux frontières politico-administratives stables. Ce territoire-construit correspond à un lieu institué ou en cours d'institutionnalisation et en perpétuelle redéfinition, correspondant à un processus d'auto-organisation . » 76 ( * )

Dès sa naissance, le territoire de projet s'affranchit donc par nature des frontières administratives . Il doit ensuite pouvoir évoluer pour s'adapter au mieux aux besoins du projet . La délimitation du périmètre des territoires est modulable en fonction de l'efficacité et de la soutenabilité des diverses actions induites par le projet.

Cette évolution du périmètre peut également prendre la forme d'une fusion de plusieurs projets en un projet unique, lorsque les territoires concernés se retrouvent autour de problématiques communes. Or, une telle évolution rend inéluctable une coopération soutenue entre les différents acteurs.

• La nécessité de coordonner les efforts dans un cadre cohérent

La coopération est primordiale pour les territoires de projet, en particulier, pour les territoires ruraux. En effet, elle leur permet d'atteindre la taille adéquate pour dialoguer avec les collectivités urbaines et les métropoles et éviter d'entrer dans un processus de satellisation.

Cette nécessaire coordination s'effectue au sein des territoires de projet et entre eux. La coopération infraterritoriale est à la base même de la création du territoire de projet. Elle s'est cependant parfois traduite par une mutualisation à contrecoeur. Or, comme le notait Thierry Verdavaine, « on peut travailler en mutualisant les moyens des communautés de communes adhérant au pays mais cet exercice trouve ses limites . »

La coopération est également cruciale entre les différents territoires de projet. Yannick Fleury, directeur du PETR du Pays d'Épernay, a exposé à votre délégation qu'il était partenaire d'autres territoires « afin d'atteindre une taille structurante, de façon à mettre sur pied des projets importants et dynamisants pour le territoire ».

La coopération est d'ailleurs une alternative fructueuse à des fusions souvent mal comprises. Le géographe Martin Vanier insiste ainsi sur la nécessité « d'arrêter de fusionner des territoires dans un ensemble au gouvernement naissant et alternatif de ceux qui le composent, mais au contraire de partager des stratégies, des responsabilités et des efforts d'action, tout en continuant à les exercer par soi-même » 77 ( * ) .

• L'avenir des territoires de projet

Les territoires de projet constituent donc des outils primordiaux pour l'essor des territoires ruraux. Faut-il en modifier les contours juridiques ?

« Fusionnons et aboutissons à de vrais pôles territoriaux ruraux uniques, avec des syndicats mixtes assez forts. Faisons entrer le public et le privé dans ces dispositifs. Nos élus doivent un peu devenir des "Business Angels" » souhaitait Jean-François Cesarini, député du Vaucluse, rapporteur de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur la préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires, et vice-président de l'ANPP, lors de son audition par la délégation, le 7 février 2019.

Sans doute la priorité n'est-elle pas aujourd'hui de modifier le statut juridique des PETR ou des pôles métropolitains. En revanche, ces structures doivent pouvoir s'appuyer pleinement sur les acteurs privés dont les moyens financiers, d'ingénierie et la vision peuvent constituer des atouts importants ( cf. infra ).

Verbatim des acteurs sur les vertus du projet de territoire

1. Légitimer et renforcer la structure communautaire, notamment vis-à-vis de son environnement

« Prouver notre capacité à nous organiser face à la communauté d'agglomération de Reims (amie mais concurrente sur le plan économique) qui souhaiterait récupérer certaines communes de notre communauté » ;

« Légitimer l'action et le rôle de la communauté après l'adoption ou le transfert de nouvelles compétences » .

2. Faire connaître l'institution et la rendre plus visible aux citoyens

« Outil de promotion du territoire » ;

« Co-élaborer le projet de territoire avec les habitants pour une meilleure appropriation des enjeux et apporter des réponses en adéquation avec les besoins » ;

« Apporter de la visibilité auprès du grand public » ;

« Assurer une information structurée à la population ».

3. Faire travailler ensemble et fédérer les communes membres de la communauté, valoriser la cohésion territoriale

« Renforcer l'identité communautaire » ;

« Développer, lors de son élaboration, la conscience d'appartenir à un territoire et les notions comme la solidarité, les charges de centralité, la complémentarité ou l'équilibre dans l'aménagement du territoire »

« Amener tous les élus à travailler sur un projet commun » ;

« Disposer d'un document à vocation politique et stratégique qui fédère » ;

« Permettre aux élus des 28 communes de partager sans contrainte, d'envisager telles ou telles opérations, en un mot de prendre du recul en commun » ;

« Redonner un sens à l'action collective ».

4. Formaliser une stratégie de développement et déterminer des enjeux prioritaires

« Mise en place d'une réflexion préalable autour d'axes stratégiques » ;

« Fixer les choix stratégiques du territoire et prioriser son action publique » ;

« Cerner l'essentiel et l'accessoire en matière d'action publique » ;

« Organiser de manière concertée les actions et les priorités » ;

« Mener une action globale et cohérente pour l'ensemble du territoire avec, pour finalité, le développement du territoire dans toutes ses composantes et définir des priorités ».

5. Donner une direction aux services, coordonner les politiques publiques

« Donner un sens aux actions communautaires (vis-à-vis des agents, de la population et des acteurs) » ;

« Cadre de référence politique qui permet de canaliser les initiatives » ;

« Un fil rouge entre les élus et les directions ».

6. Déclencher de nouvelles logiques d'organisation plus performantes et s'appuyer sur le projet de territoire pour des documents de programmation ou de planification

« Pouvoir décliner le projet de territoire en plan pluriannuel d'actions » ;

« Permettre, par le biais d'un pacte financier et fiscal qui le complète, d'avoir une meilleure optimisation de l'usage des ressources financières sur le territoire » ;

« Le projet de territoire a été à la base de la révision de notre Scot » ;

« Un projet de territoire incite les élus à définir des choix financiers et à s'engager dans un pacte fiscal » ;

« Nous allons pouvoir élaborer en parallèle un plan pluriannuel d'investissement et le schéma de mutualisation des services » ;

« Il s'agit d'assurer les meilleurs choix possibles pour l'évolution des compétences dans le cadre d'un pacte financier ».

7. Appuyer les différents dispositifs de contractualisation des communautés avec d'autres collectivités

« Il nous a permis de signer un contrat avec le département pour cofinancer certains de nos projets » ;

« Permettre de contractualiser avec la région et le département sur un volume de financement pour plusieurs années » ;

« Indispensable pour pouvoir contractualiser avec les partenaires financiers, il nous a permis de bénéficier de financements » ;

« Disposer d'un socle dans les relations partenariales avec les autres institutions (en vue d'une contractualisation) » ;

« Légitimité à l'égard des partenaires institutionnels ».

8. Faire le bilan de ce qui a été réalisé afin de faire avancer l'action communautaire et identifier de nouveaux chantiers

« Permettre de faire un diagnostic du territoire et de mesurer l'évolution régulièrement » ;

« Le suivi du projet constitue un outil d'évaluation de la mise en oeuvre des politiques publiques choisies » ;

« Mettre en place l'évaluation des politiques publiques menées » ;

« Un moyen d'évaluation de la politique locale ».

2. La montée en puissance de l'intercommunalité dite de gestion

Parallèlement à cette « intercommunalité de projet », s'est développée l'intercommunalité dite de gestion. L'idée n'est pas récente puisque, dès la loi du 5 mars 1884, sont mises en place des conférences intercommunales, qu'en 1880 sont créés les syndicats intercommunaux à vocation unique, en 1955 les syndicats mixtes, en 1959, les SIVOM et les districts urbains, en 1966 les communautés urbaines (alors Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg), en 1983 les syndicats d'agglomération nouvelle, etc.

Mais, il est vrai que ce sont les lois de 1992 et 1999 qui ont donné leur véritable élan à cette intercommunalité, à la fois plus institutionnelle et plus gestionnaire puisque construite sur la base des communes et pour prendre en charge des compétences opérationnelles spécifiques.

La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République crée les communautés de communes et les communautés de villes et les dote de compétences obligatoires et d'une fiscalité propre. La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale conforte le mouvement et organise les regroupements de trois types de structures : communautés de communes, communautés d'agglomération et communautés urbaines.

a) Intégrer la dimension projet aux intercommunalités

Si de nombreuses intercommunalités se sont dotées de projets de territoire, dans bien des cas, l'intercommunalité s'est à l'origine davantage construite autour d'une mise en commun obligée de compétences techniques que d'un projet territorial réellement partagé. Il est vrai que définir un projet commun sous la contrainte n'est pas chose aisée.

La mise en place initiale d'un territoire de projet, par exemple sous la forme d'un pays, a pu dans de nombreux cas fournir une base solide de dialogue et de coopération pour ensuite passer à une intercommunalité bien vécue et très intégrée, comme c'est le cas dans la Communauté de communes du Pays rethelois , issue de la fusion de trois communautés de communes auparavant fédérées dans un pays.

Encore aujourd'hui, nombreux sont les EPCI qui n'affichent pas un projet de territoire global. Néanmoins, cette situation évolue. L'AdCF a pu montrer, sur la base d'un questionnaire électronique 78 ( * ) , que 49% des EPCI répondants disposaient d'un projet et que 24% prévoyaient d'en élaborer un. Toutefois, les EPCI à dominante rurale étaient moins engagés dans cette démarche puisque 46% seulement avaient déjà un projet de territoire et 22% affirmaient leur intention de s'en doter. La faiblesse des moyens techniques mobilisables, la volonté d'inscrire l'action dans le cadre d'un périmètre plus large (PNR, par exemple) ou tout simplement la méconnaissance de l'utilité d'un tel projet pouvaient expliquer cette différence.

Si l'on opère un rapide sondage sur les sites internet de communautés à composante rurale, il est encore très fréquent qu'aucune mention ne soit faite à un quelconque projet de territoire. Soit il n'existe pas, soit la communauté ne communique pas sur le sujet, ce qui la prive d'une partie de son potentiel mobilisateur. Dans d'autres cas, les informations délivrées existent mais sont succinctes, se contentant de formuler des objectifs très généraux.

À l'inverse, certaines intercommunalités rurales disposent désormais d'un projet très construit dont elles valorisent le contenu. C'est le cas, par exemple du projet de territoire de la « Vallée de Kaysersberg », dans les Vosges. Ce document, approuvé par le conseil communautaire, présente d'abord l'utilité même d'un projet de territoire, les modalités de sa construction et notamment de la concertation avec les agents des collectivités, les habitants et les représentants socio-professionnels et un diagnostic prospectif sur le territoire avant de proposer de grandes orientations pour l'avenir et des pistes de développement.

Autre exemple : celui du projet de « Porte de Drômardèche 2020 », élaboré comme la feuille de route des cinq années du mandat communautaire. De son côté, le projet de territoire de la communauté de communes Aunis Atlantique, en Charente-Maritime, a été conçu comme un véritable projet de développement pour le territoire, avec des orientations à court, moyen et long termes.

De même, les élus de la communauté de communes du Pays rethelois , visitée par la mission, ont insisté sur l'importance qu'avait revêtue pour leur territoire l'élaboration d'un véritable projet de territoire formalisé, construit à partir des souhaits des élus communautaires et des maires de la communauté. Il a notamment permis à leurs yeux de mettre l'intercommunalité en ordre de marche pour être le levier de développement de ses territoires ruraux. Ce projet de territoire a par ailleurs été complété par deux documents-cadres non moins importants, en particulier pour une intercommunalité très intégrée 79 ( * ) , un pacte financier et fiscal et un « chemin de mutualisation » des services 80 ( * ) .

Bâtir un véritable projet de territoire est une oeuvre complexe et délicate qui peut être longue, mais présente de nombreux intérêts. Il s'agit d'abord d'une feuille de route qui clarifie les objectifs du territoire et donne un sens à l'action publique. C'est aussi un vecteur de communication fort qui peut permettre d'affirmer l'identité de la communauté, surtout après des fusions qui ont pu éloigner les citoyens et rendre plus complexe leur compréhension. Comme le souligne le président de la communauté de communes du Pays rethelois, sa construction est l'opportunité, au-delà des débats et antagonismes de personnes, de permettre aux acteurs locaux, en particulier les élus de la communauté, de mieux se connaître, de partager et de construire une vision commune de l'intercommunalité en vue d'atteindre l'un des objets principaux, à savoir se fédérer. Cette vision commune, construite dans le débat et l'écoute, peut constituer le fondement de l'équilibre nécessaire à trouver entre les différents territoires de l'intercommunalité.

Une fois le projet élaboré, il présente l'avantage, d'une part, de montrer la détermination et le volontarisme du territoire et, d'autre part, de pouvoir constituer un levier de négociation avec les partenaires extérieurs, État, région, département... En ce sens, comme le note l'étude de l'AdCF « Disposer d'un projet de territoire, c'est gagner en "légitimité vis-à-vis des acteurs institutionnels", notamment pour s'engager dans une contractualisation. Le projet permet aussi l'affirmation de son territoire vis-à-vis de l'agglomération voisine. »

Enfin, vis-à-vis des élus, mais aussi du personnel, le projet de territoire est un outil de mobilisation et de pilotage stratégique, politique et managérial. À ces conditions, le projet de territoire peut permettre à l'intercommunalité de devenir un véritable levier de développement de ses territoires ruraux.

Si l'on reprend l'exemple du Pays rethelois, la mise en commun des moyens financiers et humains a permis de donner une « force de frappe » au territoire 81 ( * ) , sans commune mesure avec les capacités des communes prises isolément, mais dans le respect de ces communes et de leurs habitants. Dans le domaine éducatif, l'action de l'intercommunalité a ainsi permis de constituer 17 sites éducatifs, au lieu des 45 écoles qui existaient en 2000, dont la spécificité est d'être récents, avec une pédagogie adaptée et permettant une articulation entre les temps scolaires et périscolaires.

Le projet de territoire des EPCI présente un dernier intérêt : il n'est pas normé par la loi, ce qui laisse toute latitude aux territoires pour l'imaginer sans formalisme excessif.

Une difficulté est de faire en sorte qu'il représente véritablement les souhaits des élus des territoires et dégage une volonté commune, véritablement ancrée dans les réalités locales et qui ne soit pas artificielle. Un gage pour atteindre cet objectif est l'implication des élus, car elle suppose une impulsion par le président et les vice-présidents de l'intercommunalité ainsi qu'une animation active via les commissions ou des groupes de travail ad hoc . Pour éviter les copier-coller trop fréquents, certaines communautés ont souhaité, comme à Rethel, internaliser l'ensemble du processus, grâce à l'appui des services et donc sans faire appel à un bureau d'études extérieur.

Les contrats de ruralité, « construits sur le fondement d'un plan d'actions décliné autour d'opérations inscrites dans des volets thématiques répondant aux enjeux du territoire considéré » 82 ( * ) ont été de puissants outils encourageant l'élaboration de projets de territoires. En effet, « Le projet de territoire constitue la "clé de voûte" du contrat de ruralité : il permet aux porteurs du contrat de poser une vision partagée des besoins du territoire, de définir une stratégie territoriale afin de prévoir les investissements nécessaires pour y répondre. En outre, le contrat de ruralité offre l'opportunité d'adopter une approche intercommunale du projet de territoire, tout en favorisant la mise en cohérence des projets à cette échelle. (...) La conclusion de contrats de ruralité a également favorisé l'émergence de projets de territoires au sein des nouvelles intercommunalités, constituées simultanément au déploiement du dispositif. » 83 ( * )

Pour poursuivre sur ce chemin, les collectivités et intercommunalités qui ne disposent pas encore de projet de territoire élaboré, souvent faute de moyens, devraient être encouragées à s'en doter par les différents acteurs de la politique d'aménagement du territoire, l'État, les régions et les départements.

Au-delà d'un accompagnement ponctuel lors de l'élaboration d'un projet, la capacité de ce dernier à contribuer à la structuration et au développement du territoire dépendra de son animation, de son suivi et de son actualisation . Cela suppose un soutien à la mise en place, en la matière, de capacités internes des collectivités, EPCI et PETR concernés. Ici encore, l'intégration de cette dimension dans la négociation des CPER 2021-2027 pourrait être opportune, d'autant que la charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, qui fixe le cadre méthodologique de conception de ces contrats, fait du projet de territoire le premier élément et le « fondement de tout contrat territorial passé entre une ou plusieurs collectivités territoriales et l'État. »

Recommandation 21 : Encourager les collectivités et intercommunalités qui n'en disposent pas à se doter d'un projet de territoire en leur offrant un soutien à son élaboration, à son animation et à son suivi, en particulier dans le cadre des CPER 2021-2027.

b) Départements, projets de territoire et ruralité

Les intercommunalités et les communes ne sont pas les seules collectivités engagées pour le développement rural. De très nombreux départements ont adopté des politiques en direction des territoires ruraux. Dans ce cadre, par exemple, le conseil départemental d'Ille-et-Vilaine a adopté en juin 2016 un projet départemental définissant les priorités des politiques publiques mises en oeuvre jusqu'en 2021 autour de 10 engagements et dont l'une des priorités concerne « les solidarités territoriales pour le développement équilibré et durable de l'Ille-et-Vilaine ». Au coeur de cette priorité, plusieurs actions relatives à la ruralité, comme le soutien au renforcement du dynamisme des centres-bourgs, l'accompagnement des politiques en faveur d'une agriculture durable et performante, notamment par les politiques foncières, le développement de l'accès au numérique... Le département d'Ille-et-Vilaine a pu s'appuyer sur une longue expérience en la matière 84 ( * ) . Après avoir mis en place des aides thématiques ciblées (conventions des villes de plus de 10 000 habitants, conventions cantons « prioritaires », contrats de Pays, contrats eau-paysage-environnement), le conseil général a développé un projet de territoire s'appuyant, à partir de 2006, sur l'instrument des contrats de territoires destinés à soutenir les intercommunalités.

De son côté, le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a adopté le 6 juillet 2015 le Projet départemental Meurthe-et-Moselle 2015-2021, intitulé « La reconquête républicaine des territoires », et comportant une action en direction des territoires ruraux, à savoir une aide à l'ingénierie.

Dans le Maine-et-Loire, le conseil départemental a élaboré le projet « Anjou 2021, Réinventons l'avenir », adopté le 11 janvier 2016, et dont les territoires ruraux sont comme un fil rouge, notamment au travers du soutien à l'activité économique de la politique touristique, centrée sur la valorisation des richesses naturelles et patrimoniales de l'Anjou, de la mise à disposition, via ses compétences et ses services, d'ingénierie territoriale, au service des communes, ou encore de l'accessibilité des services au public.

Départements et politique rurale : quelques exemples

De très nombreux départements sont engagés dans la défense des territoires ruraux. À ce titre, les présidents des départements de l'Allier, du Cher, de la Creuse et de la Nièvre ont même publié un « Manifeste pour les nouvelles ruralités », ayant pour objectif de valoriser les atouts des territoires ruraux, de défendre un modèle de développement équilibré des territoires ruraux complémentaires à l'urbanité, de revendiquer l'équité territoriale et le principe de solidarité nationale et de lutter contre les fractures territoriales.

Les actions des départements en faveur de leurs territoires ruraux sont variées. La grande majorité d'entre eux ont opté pour une politique de contractualisation en faveur de ces territoires, à travers notamment des contrats de territoires ou des contrats de ruralité. Cependant, d'autres initiatives, globales ou précises, existent également : aide à l'investissement, accès au service public, accès au numérique, soutien aux offres de soin, etc.

• Cas d'un département rural ou comportant des zones rurales proche d'une métropole

Le département du Gers, en étroite coopération avec la région Midi-Pyrénées puis Occitanie, a misé sur les festivals, avec souvent des retombées économiques et sociales considérables : musique, par exemple avec « Jazz in Marciac » (200 000 spectateurs/visiteurs), culture traditionnelle occitane, scientifique - astronomie (Fleurance), cinéma (Ciné 32, plus de 200 000 spectateurs par an avec, au surplus, un festival de 25 000 entrées), cirque contemporain (CIRCA, 35 000 entrées).

Il met aussi l'accent sur le tourisme comme levier de développement en y incluant les projets de valorisation de l'histoire, du patrimoine, de la biodiversité et des paysages.

Enfin, l'économie sociale et solidaire a pris une place très importante sur ses territoires ruraux (énergie, déchets, déplacement, habitat ...).

L'Essonne, département de la grande couronne parisienne, comporte d'importantes zones rurales et/ou périurbaines, où les conditions de vie sont « liées aux dynamismes des métropoles et des villes environnantes ».

Les espaces ruraux s'y sont développés sous l'effet du desserrement résidentiel de l'agglomération parisienne. Ainsi, le département considère que les deux tiers de son territoire sont des zones rurales.

L'Essonne a développé un plan d'action dédié à la politique de la ruralité. Ce plan s'organise autour de 4 axes, déclinés en 22 actions, parmi lesquelles :

- Accompagner les habitants tout au long de leur vie, à travers notamment un volet santé par lequel le département souhaite lutter contre la désertification médicale :

§ aides financières aux professionnels de santé souhaitant s'installer en zone rurale,

§ soutien à la création de maisons de santé par les communes et les EPCI,

§ penser à une offre itinérante de santé sociale.

- Améliorer le cadre de vie des habitants, en améliorant la mobilité ainsi qu'en diversifiant les offres de logements :

§ développement d'aires de covoiturage,

§ soutien à un projet de plateforme multiservices de mobilité,

§ mise en oeuvre d'une politique départementale du logement et de l'habitat.

- Encourager un développement local dynamique, en favorisant le maintien et la sauvegarde du commerce de proximité et en offrant un aménagement numérique :

§ favoriser le maintien et la sauvegarde du commerce de proximité,

§ s'engager dans les contrats de ruralité,

§ favoriser le développement de la culture et des loisirs,

§ soutenir les collectivités locales dans leurs investissements culturels,

§ garantir aux habitants ruraux l'accès à des bibliothèques fonctionnelles et performantes.

Chacune des actions du plan fait l'objet d'un calendrier et de modalités de mise en oeuvre.

Parallèlement à ce Plan d'action dédié à la politique de la ruralité, le département de l'Essonne, en partenariat avec la région Ile-de-France, soutient les communes de moins de 2 000 habitants et leurs groupements par les contrats ruraux. Depuis dix ans, 70 collectivités de l'Essonne ont sollicité un contrat rural.

Le département a soutenu par ce biais plus de 200 projets.

En 2015, le département a également mis en oeuvre un plan de relance d'aide à l'investissement, ouvrant un fonds spécial de 22 millions d'euros auquel les collectivités pouvaient souscrire. Plus de 180 communes bénéficient de ce plan, et 350 projets ont été financés.

En 2012, le département de l'Essonne avait également mis en place pour cinq ans un contrat de territoire, avec pour objectif d'améliorer la qualité de vie des habitants : accompagnement tout au long de la vie, amélioration de la prévention sanitaire, sécurité routière, etc. Ce contrat de territoire, doté d'une enveloppe de 86 millions d'euros, a financé environ 400 projets.

• Cas d'un département de moyenne montagne

Le département de l'Allier a mis en place plusieurs actions au profit des territoires ruraux. Des contrats de territoires ont été conclus avec les EPCI pour une durée de quatre ans, permettant aux intercommunalités de mener des projets structurants de développement sur leur territoire. Le conseil départemental souhaite ainsi, par son appui aux projets locaux, jouer un rôle déterminant dans l'aménagement et le développement du territoire. Il pourra également accompagner des projets de proximité d'intérêt supra-communal. Le département a consacré 22 millions d'euros pour ces contrats.

À titre d'exemple, le conseil départemental de l'Allier a signé un contrat de territoire avec la communauté de communes Le Grand Charolais (44 communes, 40 400 habitants). Le département a octroyé 226 000 € pour soutenir deux projets de la communauté de communes : la construction d'un complexe cinématographique et l'aménagement d'une Zone d'aménagement concerté (ZAC).

D'autre part, constatant la perte d'attractivité des centres des communes rurales mais aussi des villes moyennes, le département de l'Allier a lancé fin 2017 un programme expérimental de reconquête des centres-bourgs. Ce programme repose sur un appel à candidatures, par lequel 23 communes ont été sélectionnées. Parmi ces communes :

- 11 vont bénéficier d'un accompagnement pour la réalisation d'un diagnostic territorial sur l'habitat, les services, la mobilité, les espaces, les équipements publics, le patrimoine et la cohésion sociale,

- 3 bénéficient d'un accompagnement pour une démarche « pré-opérationnelle de leur reconquête », afin de mettre en cohérence les études déjà effectuées et d'arrêter le programme de revitalisation,

- 9 bénéficient d'un accompagnement opérationnel de la reconquête de leur centre-ville ou centre-bourg.

• Cas d'un département à forte composante rurale et littorale mais comprenant une métropole

Le département du Finistère a mis en place des contrats de territoire en faveur des territoires ruraux. Ces contrats, d'une durée de six ans, sont établis dans une logique de mutualisation des actions à l'échelle intercommunale. Ces contrats « mettent en oeuvre les politiques départementales en tenant compte des spécificités et des besoins des territoires. Ils veillent à réduire les inégalités d'équipements et simplifient l'accès aux services pour les habitants ». Ces contrats, conclus pour la période 2015-2020, ont été revus en 2017. Ils se déclinent en plusieurs volets :

- la cohésion sociale, qui a pour objectif d'accompagner l'EPCI afin qu'il contribue aux partenariats locaux, voire développe des actions telles que la prévention auprès des différents publics ou des thématiques transversales,

- la mise en oeuvre de la solidarité territoriale,

- la fin des dotations mais dans le respect des engagements pris dans les contrats de 2015,

- l'inscription de projets en fonction de la fragilité du territoire, le conseil départemental ayant retenu des priorités pour l'ensemble des EPCI.

Un contrat de territoire a par exemple été conclu entre le conseil départemental et la communauté de communes du Pays Léonard. L'un des objectifs est de « développer le territoire à la fois rural et littoral dans une optique durable et de maîtrise des ressources » et de parvenir à un « développement harmonieux entre pôles urbains, pôles d'équilibre et communes rurales ».

• Cas d'un département à dominante rurale comportant une grande ville et des villes moyennes

Le département de la Vienne a quant à lui prévu plusieurs dispositifs de soutien des communes et des territoires pour l'investissement, à travers 5 volets « ACTIV ». Le volet 2 du projet « ACTIV » repose sur la contractualisation, avec les communautés de communes et les communautés d'agglomération, de projets d'investissements communaux et intercommunaux à vocation communale et d'intérêt départemental. En 2016, une enveloppe a été attribuée pour chaque territoire, calculée sur la base d'une dotation par habitant et pondérée en fonction des écarts de richesse. Une conférence des territoires permet de définir le contrat et de fixer les priorités d'inscription.

Le troisième volet de cette initiative a pour objectif de soutenir les projets d'initiative locale et de proximité à travers une dotation annuelle. Il propose notamment un mécanisme de financement souple pour les communes de moins de 3 500 habitants. Ce volet ne concerne pas les grandes communes du département (Poitiers et Châtellerault).

Dans le cadre de ce dispositif a par exemple été soutenue la création d'une quinzaine de maisons de santé pluridisciplinaires depuis 2010, à travers des contrats d'engagement entre les porteurs du projet (collectivité territoriale, groupement public) et le département.

• Cas d'un département « hyper rural »

Le département de la Corrèze s'est fait le garant de l'aménagement et du développement équilibré des territoires, en développant des programmes pour le réseau routier, l'attractivité, le tourisme, le numérique. Pour ce faire, le département s'est doté d'un dispositif contractuel pour la période 2018-2020, mobilisant une enveloppe de 40 millions d'euros pour les aides aux communes et aux EPCI. Ce programme se traduit par deux types de contrats :

- le contrat de solidarité communale, qui permet une contractualisation entre le département et chaque collectivité qui le souhaite. Il existe, par exemple, un contrat de solidarité communale entre la ville de Brive et le département de la Corrèze pour la période 2018-2020, d'un montant total de 1 468 000 €. Les projets accompagnés par le département sont prédéfinis au cours de la délibération prévoyant le contrat de solidarité communal,

- le contrat de cohésion des territoires (en direction des EPCI et associations). Il peut être sollicité pour des projets variés : équipements communaux, aménagement de bourgs, équipements sportifs, voirie, etc.

Le département dispose aussi d'une agence départementale d'ingénierie, sous la forme d'un établissement public administratif. Cette agence est mise à la disposition des élus de communes et d'intercommunalités, pour les assister dans la maîtrise d'ouvrage pour le lancement et la réalisation des projets, ainsi que dans la réalisation finale du projet en tant que maître d'oeuvre, pour les opérations non soumises à permis de construire.

De nombreux départements sont fortement engagés en faveur de leurs ruralités. Une difficulté fréquemment rencontrée est celle de la fragilité financière des départements qui, parfois, ne sont plus en capacité d'insuffler une dynamique de soutien suffisante aux territoires ruraux, voire de respecter leurs engagements contractuels.

c) Régions et projets de développement rural

• L'expérience des contrats de plan État-région (CPER)

Les régions ne sont pas en reste. Les contrats de plan État-région (CPER) les ont accoutumées à la démarche de diagnostic et de réflexion prospective. La loi leur impose par ailleurs d'élaborer plusieurs schémas régionaux, dont le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) 85 ( * ) et le schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).

Si l'on prend l'exemple du Contrat de plan État-Région 2015-2020 de l'ancienne région Champagne-Ardenne, il comprend de nombreuses mesures relatives aux territoires ruraux dans son volet territorial dont le titre est d'ailleurs : « Un volet territorial pour agir sur l'attractivité du territoire, les fonctions de centralité, les espaces ruraux dévitalisés ». Le CPER affichait l'ambition d'accompagner les stratégies locales de développement, fondée sur « l'existence d'un projet local de développement, pluriannuel, élaboré en concertation avec les acteurs locaux », projet considéré comme « un élément essentiel de recevabilité des projets » . Deux enjeux principaux étaient annoncés :

- le renforcement du maillage urbain et des fonctions de centralité des villes et petites villes, dans une région qui ne comptait que deux villes de plus de 50 000 habitants (Reims et Troyes) et 14 villes de plus de 10 000 habitants, mais dont 90% des communes en comptent moins de 1 000 ;

- l'amélioration de l'attractivité de ces villes et petites villes.

Dans ce cadre, l'accent était mis sur :

Ø le soutien de la région à l'ingénierie pour la définition, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques intercommunales , soutien consistant notamment dans des aides au recrutement de « chargés de mission pour élaborer, mettre en oeuvre, animer, évaluer les stratégies locales de développement des territoires (hors agglomérations) » ; à la réalisation des études et schémas locaux nécessaires à la préparation et à la mise en oeuvre des projets de territoire intercommunaux, à la gestion des contrats de développement territorial jusqu'à leur terme ; en l'appui technique nécessaire pour répondre aux appels à projets mis en place par la région (y compris pour les fonds européens), etc. ;

Ø la reconquête des centres-villes et des centres-bourgs par l'appui aux projets touchant aux services à la population, et à la réhabilitation de l'habitat selon les règlements prévus au titre des politiques territoriales ;

Ø l'appui à la redynamisation du commerce et de l'artisanat et au développement économique des territoires , via le soutien à la redynamisation économique des territoires ruraux, dans le cadre des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce (ORAC), qu'elles soient conjointes ou non avec la mise en oeuvre du FISAC. Les initiatives publiques des communes et intercommunalités pour aménager des locaux d'accueil de petites entreprises devaient également être soutenues.

• Des politiques régionales de soutien aux ruralités

Mais, au-delà des CPER, certaines régions se sont engagées dans de véritables politiques de soutien aux ruralités. Certes, la notion de ruralité prise en compte est très variable d'une région à l'autre et ne s'appuie généralement sur aucune définition. Par ailleurs, les schémas et documents régionaux ne précisent que rarement les modalités de mise en oeuvre des politiques globales envisagées.

Il n'en reste pas moins que la volonté de soutien de certaines régions aux ruralités est notable. Selon les cas, la politique régionale est plutôt une politique globale d'aménagement du territoire mise en oeuvre au profit des territoires ruraux et urbains, ou relève davantage d'une vision ciblée sur les ruralités.

Ø Des politiques d'appui générales conçues autour de thématiques multiples :

Dans de nombreux cas, la ruralité est évoquée dans le cadre de politiques globales d'aménagement du territoire, applicables aussi bien aux milieux urbains que ruraux.

Transports : toutes les régions évoquent l'importance des enjeux liés à la mobilité et aux transports. Les plans régionaux d'aménagement du territoire soulignent généralement la nécessité d'améliorer le réseau de transports en commun en zone rurale. Dans certains cas, de nouvelles solutions de mobilité tendent à être déployées. Le SRDEII Nouvelle-Aquitaine souhaite ainsi tester un service de voitures autonomes à la demande. La promotion du covoiturage est également faite.

Numérique : tant les SRDEII que les CPER soulèvent la question du numérique en zone rurale, notamment le problème des zones blanches. Ils souhaitent assurer une couverture téléphonique mobile satisfaisante dans les territoires ruraux, ainsi que le déploiement des réseaux à très haut débit.

Le recours au numérique pour lutter contre la désertification du territoire est également évoqué. Certains contrats de Plan État-Région, comme en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Provence-Alpes-Côte d'Azur, préconisent des solutions numériques pour la télémédecine ou les services publics.

Économie : les SRDEII prennent souvent en compte la « métropolisation » au détriment des zones rurales. Nombre d'entre eux préconisent un soutien à l'économie territoriale rurale. Il s'agit alors d' » encourager toute forme d'entreprenariat créatrice d'activité et d'emploi », tels le commerce et l'artisanat en milieu rural (SRDEII Nouvelle-Aquitaine), ou encore de « favoriser la reprise d'entreprise en milieu rural », en « abondant les fonds de prêts d'honneur locaux, en garantissant les emprunts bancaires et en finançant le rachat de fonds de commerce ou de parts sociales » (SRDEII Occitanie).

Le développement économique des territoires ruraux doit faire l'objet d'une attention particulière lorsqu'est prévue l'aide aux entreprises d'économie sociale et solidaire, ou le soutien à la création de tiers lieux dédiés à la rencontre, au « co-working » ou à l'appui à des entreprises naissantes (SRDEII Hauts-de-France). La revitalisation des centres-bourgs apparait également régulièrement dans les SRDEII ainsi que dans les CPER, avec l'insistance mise sur l'économie de proximité et la volonté d'assurer la qualité et la pérennité des activités et de l'emploi en zone rurale, afin de « lutter contre le phénomène de désertification rurale » (SRDEII Provence-Alpes-Côte d'Azur).

Services publics : la majorité des SRDEII, ainsi que les CPER, prévoient l'ouverture de « maisons de service public » ou des espaces mutualisés de services publics dans les zones où ils sont rares ou absents. Ils évoquent également la création de maisons de santé pluri-professionnelles, d'initiative publique, afin de lutter contre la désertification médicale.

Culture et patrimoine : la culture apparaît dans plusieurs documents comme un vecteur à prendre en compte pour réduire les inégalités en termes d'aménagement du territoire. Le CPER Bourgogne prévoit, par exemple, un soutien particulier aux petites communes rurales sur lesquelles se situent les sites culturels majeurs. La région Hauts-de-France prévoit, quant à elle, des aides pour sauvegarder le patrimoine rural, protégé et non protégé, en subventionnant sa restauration et sa valorisation du patrimoine rural dans les communes de moins de 2 000 habitants.

Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires peut être l'un des documents-cadres portant les thématiques en question.

Le SRADDET de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) : la région est l'une des premières à avoir adopté son SRADDET. On y retrouve les grands thèmes précédemment évoqués. Le SRADDET cherche à préserver la qualité des espaces ruraux et naturels en réduisant le rythme de consommation de l'espace. Cela passe également par la protection des identités paysagères et la préservation du potentiel de production agricole régional. Il insiste également sur la volonté de créer les conditions d'un dynamisme entrepreneurial au sein des espaces ruraux en maintenant les activités existantes et en développant les commerces dans les villages.

Dans son projet de SRADDET de décembre 2017, la région Normandie fait apparaître les mêmes thèmes : liaison routière pour désenclaver les zones rurales, accompagnement de la mutation des espaces ruraux (évolution des pratiques agricoles, préservation des enjeux environnementaux, adaptation de l'habitat, etc.). Le projet de SRADDET de la région Nouvelle-Aquitaine met, quant à lui, en avant la « pérennisation des activités humaines en milieu rural en favorisant l'installation en agriculture et la transmission des exploitations agricoles ».

Ø Des politiques régionales spécifiques ciblées sur les ruralités :

Dans d'autres cas, les ruralités sont explicitement mentionnées comme constituant un axe fort de la politique régionale.

Au terme d'une concertation impliquant un millier d'élus ainsi que les chambres consulaires et les associations et structures représentatives, et après consultation via un « questionnaire citoyen » ayant recueilli 1 500 contributions, la région Pays-de-la-Loire a adopté, en juin 2016, un ambitieux « Pacte régional pour la ruralité ».

La concertation engagée a permis d'identifier 4 défis prioritaires :

• le maintien des commerces de proximité,

• l'amélioration des conditions de mobilité et de transport,

• le développement des infrastructures numériques,

• l'offre de santé.

Pour y faire face, le pacte est construit autour des 8 enjeux suivants :

• améliorer l'accès aux réseaux de communication,

• renforcer l'accès aux réseaux de transport,

• protéger et développer les emplois de l'économie rurale,

• développer les services dans l'espace rural,

• garantir l'accès à la formation des jeunes en milieu rural,

• une ruralité préservée en protégeant et valorisant son environnement, son patrimoine, son urbanisme,

• une ruralité affirmée en renforçant ses solidarités, en valorisant et en soutenant celles et ceux qui s'engagent,

• une ruralité respectée en écoutant et en accompagnant davantage les élus ruraux,

Ces enjeux se déclinent eux-mêmes en 37 mesures :

Les 37 mesures du Pacte régional pour la ruralité des Pays-de-la-Loire

Renforcer l'accès aux réseaux de communication :

1. Accompagner davantage le déploiement du numérique dans les départements

2. Proposer à tous les lycées de la région l'accès anticipé à la fibre numérique

3. Mettre en place un soutien exceptionnel pour le raccordement final de 200 sites structurants de tourisme rural situés en secteur isolé

4. Renforcer avec les départements le nombre de sites prioritaires à déployer et soutenir les technologies alternatives lorsqu'elles s'avèrent plus adaptées

5. Assurer la couverture en téléphonie mobile des territoires ruraux

• Renforcer l'accès aux réseaux de transport :

6. Garantir qu'à la fin du mandat, toutes les communes des Pays-de-la-Loire bénéficient d'une offre de transport en commun

7. Contribuer au désenclavement des territoires ruraux en finançant de nouvelles infrastructures routières d'intérêt régional : 100 M€ engagés à l'échelle du mandat

8. Expérimenter la création, sur les plateformes « E-lyco », d'un système de covoiturage permettant de faciliter les conditions de mobilité des jeunes, notamment en milieu rural

9. Travailler avec les acteurs de la mobilité au développement de la pratique du covoiturage, en particulier dans les zones rurales

10. Soutenir les solutions alternatives permettant de favoriser la mobilité en milieu rural

11. Rendre les gares et haltes ferroviaires rurales plus attractives et innovantes

• Protéger et développer les emplois de l'économie rurale :

12. Apporter une réponse nouvelle aux enjeux de transmission des PME et TPE en milieu rural : mieux accompagner et identifier les futurs repreneurs et les cédants, créer un fonds régional de la transmission d'entreprise

13. Traduire en actes, avec les 3 chambres consulaires régionales, les conclusions de leur « livre blanc » sur l'économie de proximité

14. Soutenir davantage les commerces en milieu rural en facilitant leur accès au crédit bancaire, mais aussi en intervenant directement pour les commerces situés dans des territoires en situation de fragilité commerciale

15. Renforcer l'usage des outils numériques pour les commerçants et artisans en milieu rural et soutenir financièrement leur développement

16. Accompagner les circuits de proximité en favorisant le « manger local » et en soutenant les Projets alimentaires territoriaux (PAT)

• Développer les services dans l'espace rural :

17. Proposer à l'automne un plan d'action global autour des enjeux de la santé et particulièrement en milieu rural

18. Identifier et accompagner les territoires susceptibles d'être confrontés à des difficultés d'accès aux soins pour permettre aux acteurs locaux d'anticiper ces situations

19. Proposer une aide aux territoires contraints d'investir rapidement pour maintenir la présence de professionnels de santé

20. Accompagner les porteurs d'un projet de santé territorial en zone rurale (maison de santé pluridisciplinaire, projet de regroupement de professionnels...) en soutenant les frais d'ingénierie nécessaires au montage du projet

21. Accompagner l'innovation et l'expérimentation pour développer l'accès aux soins de proximité

22. Proposer d'expérimenter, en lien avec le groupe La Poste, les services nouveaux qui pourraient être apportés demain aux habitants des territoires ruraux

• Garantir l'accès à la formation des jeunes en milieu rural :

23. Faciliter l'accès à l'enseignement supérieur des jeunes des zones rurales en expérimentant de nouvelles actions entre lycées et établissements d'enseignement supérieur

24. Prioriser, dans le prolongement du Plan de relance pour l'apprentissage en Pays-de-la-Loire, certaines actions en faveur des apprentis des zones rurales

25. Développer l'accès à la formation dans les territoires ruraux avec la digitalisation de formations

26. Accompagner les territoires qui s'engagent en faveur de la reconstruction ou de la rénovation de leurs écoles

• Une ruralité respectée en protégeant et valorisant son environnement, son patrimoine, son urbanisme :

27. Soutenir chaque année, avec les associations de sauvegarde du patrimoine, le financement participatif de projets de restauration du patrimoine local

28. Ouvrir davantage l'offre culturelle régionale aux territoires ruraux et leur proposer dès cette année un programme dédié

29. Soutenir les communes rurales jouant un rôle de centralité lorsqu'elles s'engagent dans une réflexion autour de la reconquête de leur centre-bourg

30. Soutenir les communes rurales qui ouvrent leur patrimoine communal au logement

31. Mobiliser des crédits européens pour favoriser la rénovation énergétique des logements sociaux en milieu rural

32. Placer les zones rurales au coeur de la réflexion engagée autour de la transition énergétique

• Une ruralité respectée en renforçant ses solidarités, en valorisant et en soutenant celles et ceux qui s'engagent :

33. Soutenir, par une aide au permis de conduire ou à l'obtention du Brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur en accueils collectifs de mineurs (BAFA), les jeunes qui s'engagent à donner de leur temps pour aider, dans les petites communes, à l'appréhension de l'outil numérique

34. Mettre en valeur les réussites et l'innovation dans les zones rurales : la création des « Trophées des territoires »

• Une ruralité respectée en écoutant et en accompagnant davantage les élus ruraux :

35. L'affirmation d'un « outil » spécifique : le Fonds régional de développement des communes (FRDC) et la garantie d'un budget annuel minimum de 5 M€

36. Nommer un « référent territorial unique » pour les élus locaux et rapprocher l'Europe des territoires

37. Prolonger l'impulsion du Pacte à l'échelle du mandat

La région Grand Est s'est également dotée d'un « Pacte pour la ruralité en actions ». Partant du constat que 90% des communes de la région sont considérées comme rurales, il prévoit un panel de 80 dispositifs régionaux dans les secteurs du numérique, des transports, de l'économie et du commerce, de l'agriculture, etc. Citons, à titre d'exemples :

Les mobilités : connexion au très haut débit via la fibre optique à 100% (1,8 milliard d'euros) ; maintien de la desserte du territoire en transports collectifs, notamment en préservant certaines lignes ferroviaires des villes moyennes et des secteurs ruraux ; soutien au déploiement de mobilités innovantes (covoiturage de proximité, déploiement de flottes de véhicules électriques dans les collectivités en autopartage pour les particuliers, etc.), accompagnement des collectivités rurales dans leurs projets d'aménagement des gares et pôles d'échanges multimodaux (programme « DIRIGE » : dispositif intégré en faveur des gares et de l'intermodalité) ;

L'agriculture : aide à l'installation des jeunes agriculteurs (10 M€ par an) ; soutien aux innovations et expérimentations sur les changements de systèmes de production et de pratiques agricoles (6 M€) ; promotion des productions régionales et développement des filières locales (10 M€) ;

Le tourisme : mise en place d'un schéma régional de développement du tourisme autour de 6 « thématiques signatures » : tourisme de mémoire, itinérance, tourisme patrimonial et culturel, oenotourisme et gastronomie, tourisme de nature, thermalisme (plus de 100 projets soutenus de 2016 à 2018) ; mise en valeur des sites patrimoniaux et développement des infrastructures d'accueil (7 M€) ;

La transition énergétique : soutien aux énergies renouvelables, en partenariat avec l'ADEME, dans le cadre du programme « Climaxion » (méthanisation, bois-énergie, photovoltaïque, géothermie, solaire thermique, petite hydroélectricité) et aux projets de rénovation énergétique de bâtiments publics et associatifs (4 M€ d'aides depuis 2016) ;

Les services au public : soutien aux communes et intercommunalités rurales, bonifié pour les zones rurales fragiles ; accompagnement renforcé de 132 bourgs-centres structurants, via des aides aux investissements en matière de logements, de commerces et d'équipements ;

La santé : aide à la création de 33 Maisons de santé pluri-professionnelles ; accompagnement de 344 internes en médecine générale dans la réalisation de leur stage obligatoire en zone prioritaire, pour favoriser l'installation de jeunes médecins en zone rurale ;

La culture et les sports : soutien aux clubs sportifs et à la construction de lieux de pratique dans des zones dépourvues, ainsi qu'aux musées, cinémas indépendants et initiatives artistiques et culturelles locales ;

L'environnement : soutien aux 6 parcs naturels régionaux et aide à l'action des communes, en particulier avec les appels à projets « Eaux et territoires », « Trame verte et bleue », etc. ;

L'innovation : création d'un Fonds d'innovations rurales, doté d'1 M€, pour soutenir les expérimentations et projets innovants, par exemple des tiers-lieux ;

De manière assez remarquable, et pour assurer une meilleure proximité entre la région, ses services et ses politiques, le conseil régional a créé 12 maisons de région réparties sur son territoire, chaque département en comptant au moins une.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a mis en place un plan en faveur de la ruralité, intitulé « Bonus Ruralité 2 e génération ARA ». Ce plan s'adresse aux communes de moins de 2 000 habitants situées en dehors des métropoles de la région, pour les projets d'investissement dans les domaines de l'aménagement du territoire (service à la population, espaces publics, rénovation thermique des bâtiments publics, valorisation du patrimoine bâti). Pour ces projets, la région propose des subventions au taux maximum de 50%, pour un montant de dépenses subventionnables allant de 3 000 à 150 000 € HT.

Contrairement à une idée reçue, l'Île-de-France compte aussi de nombreux territoires ruraux. En 2016, elle a élaboré un Pacte rural proposant une aide aux commerces de proximité en milieu rural, pour les commerces voulant maintenir ou implanter leur activité dans des communes de moins de 10 000 habitants situées en dehors de la métropole du Grand Paris. Cette aide, prioritairement allouée aux commerçants des communes de moins de 5 000 habitants, s'applique aux projets de mise aux normes, aménagement, extension ou modernisation de locaux, études et prestation d'ingénierie, etc.

Une centaine de communes ont été soutenues par les contrats ruraux (2016-2018) conclus par la région Île-de-France. Ces contrats, d'une durée de trois ans, sont conclus entre la région et les communes de moins de 2 000 habitants, ou entre la région et les syndicats de communes de moins de 3 000 habitants en grande couronne. Ils ont pour but de permettre la participation financière de la région et du département aux projets de construction, de rénovation ou d'aménagement des communes (lieux dédiés à la petite enfance, espaces culturels ou de loisir, équipement municipaux ou aménagement urbain...).

La région Nouvelle-Aquitaine a mis en place un « Cluster ruralité » en juin 2018. Il s'agit d'un centre de recherche public-privé, tourné vers les communes de moins de 2 000 habitants. Il a pour but de générer des projets expérimentaux innovants sur les territoires ruraux. Il étudie les espaces ruraux, leurs potentialités d'innovation et leurs faiblesses sociales et économiques. Il cherche à développer les capacités de mise en réseau et d'interdépendance des acteurs des territoires ruraux entre eux, et à créer une synergie avec les territoires urbains, en s'appuyant sur des outils de coopération interterritoriale.

Des contrats de territoire peuvent également être conclus par la région depuis mars 2018. Ils ont notamment pour objectif de mieux appréhender la ruralité afin de mieux répondre aux enjeux de développement et d'attractivité en favorisant une ruralité « vivante, ouverte et vertueuse ».

Plusieurs contrats ont d'ores et déjà été conclus :

- contrat de dynamisation et de cohésion des Vals de Saintonge (Charente-Maritime), territoire très rural mais proche de plusieurs bassins économiques et de vie importants. Il s'appuie sur deux enjeux : renforcer la compétitivité du territoire et bien vivre la ruralité en renforçant les centralités urbaines pour un maillage et des services équilibrés (développement des services de proximité en milieu rural, revitalisation des bourgs, etc.) ;

- contrat de dynamisation et de cohésion de Vézère Auvézère (Corrèze) : territoire rural de 43 communes. Il a pour but de développer les coopérations, d'attirer et d'ancrer de nouvelles populations, par exemple en développant l'agriculture de proximité ou en structurant l'offre touristique.

À la mi-2018, 9 contrats avaient été conclus entre la région et les territoires.

Afin de favoriser le développement des communes rurales, la région Occitanie soutient la création d'équipements et de services ainsi que la rénovation du patrimoine. Un budget de 2,3 millions d'euros est accordé à une petite centaine de projets, tels que la création de salles socio-culturelles ou la restauration de l'ancien Hôpital Château des Comtes d'Armagnac.

La région Occitanie a aussi défini 4 programmes afin d'harmoniser l'accompagnement en faveur des territoires agri-ruraux :

- aménagement agri-rural, pour le maintien et le développement de l'agriculture ;

- chasse-pêche, pour aider ces secteurs à devenir des facteurs d'attractivité touristique ;

- foncier agricole, afin de maîtriser le prix des terrains pour favoriser l'installation d'exploitations ;

- pastoralisme, pour aider les éleveurs à s'installer sur des environnements en déprise.

Ces exemples démontrent le volontarisme et le dynamisme des régions en matière de ruralité. Toutefois, et au-delà des chiffres, des difficultés peuvent survenir pour les régions dans la mise en oeuvre de leurs politiques.

II. NOUER DES ALLIANCES ET ARTICULER LES TERRITOIRES

Un autre gage de réussite pour les territoires ruraux et leurs collectivités réside dans leur capacité à nouer des alliances et à assurer des formes d'interterritorialité. Il s'agit d'obtenir une taille critique en termes de moyens, d'éviter des phénomènes de concurrence territoriale en interconnectant les territoires pour instaurer plus de solidarité et créer des dynamiques communes.

1. Atteindre une taille critique en matière de moyens et de logique territoriale

Même si les fusions d'intercommunalités ont pu réduire le problème de l'insuffisante taille des anciens EPCI pour porter des projets structurants, de nombreuses collectivités et communautés restent en France d'une dimension et d'une capacité financière et opérationnelle qui ne leur permettent pas de développer seules des projets à l'échelle de leurs besoins. Dans bien des cas, les marges budgétaires et l'ingénierie manquent pour lancer une politique de développement. Comme nous l'avons vu, plusieurs projets de revitalisation imaginés dans le cadre du programme « Action coeur de ville » n'ont pu voir le jour faute de moyens suffisants, en particulier en matière d'ingénierie. Par ailleurs, au-delà de la superficie et du nombre de communes regroupées, se pose la question de la cohérence des ensembles constitués ; dans certains cas, ils ne correspondent pas aux bassins de vie des populations, ce qui peut entraver les tentatives de mener des actions communes d'ampleur.

Des solutions existent pour renforcer des territoires manquant de moyens. Dans certains cas, la constitution de communes nouvelles peut être une piste. Dans leur rapport de 2016 86 ( * ) , nos collègues Christian Manable et Françoise Gatel ont souligné les atouts de cette formule : un accompagnement budgétaire et financier, grâce notamment à une exonération de la baisse de la dotation forfaitaire durant trois ans pour les communes de moins de 10 000 habitants et, en plus, pour les communes nouvelles dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants, une majoration de 5% de leur dotation forfaitaire au cours des trois premières années suivant leur création ; une identité confortée grâce à la possibilité de conserver des communes déléguées ; le renforcement des communes associées au sein d'intercommunalités renouvelées.

D'autres solutions sont constituées par les territoires de projet , PETR, SCoT, PNR, etc. dont il a précédemment été question. Notre délégation a par ailleurs étudié, avec Sciences Po, lors du colloque commun du 15 mars 2018, de nombreuses autres modalités de rapprochement et de coopération, telles que le transfert de compétences, la délégation de compétences, la mutualisation de services ou la contractualisation 87 ( * ) , etc.

Nouer des alliances, c'est aussi assurer une étroite coopération entre les territoires et leur tissu économique . Alors que la notion de responsabilité territoriale des entreprises (RTE) prend corps 88 ( * ) , leur association croissante à la construction de l'avenir des territoires se justifie.

Depuis la loi NOTRe, dans les PETR et dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, la création d'un conseil de développement, qui peut être commun à plusieurs EPCI, était obligatoire. Ce conseil est composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs, et a un rôle consultatif. Il est obligatoirement consulté, pour les EPCI, sur l'élaboration du projet de territoire et sur la conception et l'évaluation des politiques locales de promotion du développement durable, et, pour les PETR, sur les principales orientations du comité syndical du pôle pour toute question d'intérêt territorial dont il est saisi. Dans les deux cas, le conseil de développement établit un rapport annuel d'activité qui donne lieu à un débat au sein de l'organe délibérant du pôle ou de l'EPCI.

Le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique avait proposé, à des fins de simplification, de supprimer l'obligation pesant sur les EPCI de plus de 20 000 habitants de créer un conseil de développement. En première lecture, le Sénat a étendu cette suppression aux conseils de développement des PETR. In fine , l'obligation de création d'un conseil n'a été supprimée que pour les EPCI de moins de 50 000 habitants. Les conseils de développement des PETR ont été maintenus, un PETR pouvant même désormais être chargé de la mise en place d'un conseil de développement commun aux EPCI du pôle. Par ailleurs, pour assurer un meilleur lien entre l'organe délibérant de l'EPCI, la population et le conseil de développement, il est désormais obligatoire, après chaque renouvellement des conseils municipaux, d'inscrire à l'ordre du jour de l'organe délibérant « un débat et une délibération sur les conditions et modalités de consultation du conseil de développement ».

S'il est vrai que les conseils de développement ne fonctionnent pas partout de manière idéale et que, trop souvent, la consultation obligatoire est assez formelle et n'apporte pas autant de plus-value qu'espéré, il est non moins vrai que l'association des acteurs non institutionnels, en particulier des acteurs économiques à la stratégie et aux décisions des structures territoriales doit être un objectif. Faut-il, pour cela, concevoir de nouvelles méthodes d'animation des conseils de développement et d'articulation avec les conseils communautaires ou les comités syndicaux de pôles ? Sans doute.

Une autre piste, plus audacieuse, serait d'associer ces acteurs économiques et associatifs au pilotage même des instances des territoires de projet, en particulier des PETR.

Cela suppose néanmoins de créer un nouveau statut pour les PETR, pouvant être optionnel, dans lequel des personnes de droit privé pourraient participer au comité syndical. Il serait bien sûr nécessaire de veiller à éviter les conflits d'intérêts dans lesquels des entreprises ou des associations participant au pôle risqueraient d'être impliquées. Faudrait-il, par exemple, concentrer leur action sur les choix stratégiques du pôle et les exclure du vote pour certaines délibérations ? Une telle évolution de la gouvernance des PETR mérite, quoi qu'il en soit, une analyse approfondie.

L'association des acteurs privés peut aussi prendre la forme d'une participation financière à des projets d'intérêt commun. Dans son rapport de préfiguration de l'ANCT, le préfet Morvan avait suggéré : « des fonds privés, au titre de la responsabilité territoriale des entreprises, devront être mobilisés sur les projets locaux, par la création de fondations régionales ou inter-régionales pour la cohésion des territoires » 89 ( * ) .

Recommandation 22 : Engager une réflexion approfondie sur la possibilité d'association plus étroite des entreprises et associations à la gouvernance des PETR, notamment par l'ouverture de leurs instances à ces acteurs privés.

2. Éviter la concurrence territoriale

Un point désormais essentiel est d'éviter les phénomènes qui ont pu exister de concurrence de territoires. Ils sont consommateurs d'énergie et de moyens financiers, humains et logistiques. De plus, dans un contexte de stagnation budgétaire globale, ils réduisent fatalement les capacités de certains territoires par rapport à d'autres et sont, par nature, défavorables aux territoires les plus fragiles.

Le caractère « dommageable » de la concurrence entre collectivités locales a été souligné à la fois par l'État et par les élus locaux. Déjà, en mars 1995, cinq présidents de conseils régionaux du « Grand Est » avaient signé une clause de non-concurrence destinée à « éviter toutes délocalisations d'entreprises d'une région vers l'autre » . Dans la foulée, en octobre 1995, une circulaire du ministère de l'Intérieur aux préfets relevait que ces pratiques s'inscrivaient « dans une logique financière à court terme qui méconnaît les réalités sociales, que leur impact sur l'emploi est nul et leur coût pour les finances publiques élevé, enfin qu'elles affaiblissent la crédibilité de l'action publique pour l'aménagement du territoire ».

Plus récemment, la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable du Sénat a souligné qu'il appartenait « aujourd'hui aux régions, compétentes en matière de développement économique, d'organiser la gestion des aides publiques pour éviter une concurrence excessive entre les territoires. Une vision d'ensemble est nécessaire pour structurer le tissu productif sur l'ensemble du territoire régional, en fléchant les aides et subventions dans le cadre d'une contractualisation région/EPCI » 90 ( * ) .

La structuration des territoires, par exemple dans le cadre des PETR ou des SCoT, voire des interSCoT, est un moyen d'éviter en partie cette concurrence. Du côté de l'État, comme on l'a vu, cela suppose d'envisager les appels à projet avec une volonté d'accompagner les collectivités les plus fragiles. L'ANCT, pour mener à bien sa mission, devra imaginer des dispositifs de ce type permettant aux territoires de faire valoir leurs atouts sans fragiliser les autres.

3. Interconnecter les territoires

Aller à l'encontre des concurrences territoriales suppose, de la part des institutions nationales et locales, de préférer et de favoriser les logiques de coopération territoriale. Sur ce point, deux instruments au moins méritent d'être cités : les contrats de réciprocité et les contrats de territoires.

a) Territoires ruraux et métropoles

• Les contrats de réciprocité

Après avoir été proposés lors des Assises de la ruralité en 2014, les contrats de réciprocité sont apparus à la suite du Comité interministériel à la ruralité, tenu à Laon en mars 2015. Le Premier ministre y annonçait : « Le Gouvernement encourage les coopérations et aussi les échanges entre territoires urbains et ruraux. Nous avons décidé d'expérimenter un nouveau dispositif, les "contrats de réciprocité ville/campagne", avec des communes et des intercommunalités volontaires, pour identifier les chantiers communs. Cela peut être un CHU en ville qui se met en réseau avec une maison de santé rurale, des cantines qui coopèrent avec des agriculteurs locaux... C'est une idée qu'Alain Calmette, député du Cantal, a portée, et nous avons souhaité que quatre contrats soient lancés dès cette année. »

L'idée était la construction d'accords stratégiques entre territoires urbains et ruraux qui seraient des éléments d'équilibre et de cohésion entre territoires, et un facteur d'efficacité des politiques publiques. Le coeur en était la réciprocité des échanges, c'est-à-dire en évitant que ces accords ne servent exclusivement les intérêts des centres. Le principe de ces contrats était donc une logique « gagnant-gagnant » autour de projets fédérateurs. Ils pouvaient être globaux ou centrés sur des domaines tels que l'alimentation, la protection de l'environnement, les filières d'excellence agricoles et industrielles, les usages numériques, le tourisme ou encore la culture, propices à activer des démarches de coopération territoriale. Il en est résulté la mesure 44 du comité interministériel.

Comité interministériel à la ruralité, Laon, 13 mars 2015 (extraits)

Mesure 44 - Expérimenter les premiers contrats de réciprocité « Ville-campagne » entre des communes et des intercommunalités volontaires

Cette expérimentation sera pilotée par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) avec les territoires suivants, volontaires dans le cadre du volet territorial des contrats de plan État-région (CPER), afin que l'État et les conseils régionaux concernés puissent accompagner la démarche :

- métropole de Lyon et Aurillac ;

- métropole de Brest et Centre-ouest Bretagne ;

- métropole de Toulouse et Massif des Pyrénées ;

- communauté urbaine de Le Creusot-Montceau-les-Mines et PNR du Morvan.

Une extension de ces contrats à d'autres territoires volontaires sera ensuite proposée, dans le cadre de la clause de revoyure des CPER fin 2016.

Sur les quatre binômes tests, deux seulement ont survécu, dont un au prix du changement de l'un des partenaires. Cette formule de « contractualisation » de la coopération ville-campagne n'a donc pas connu, pour l'instant et quantitativement, le succès escompté.

Le président du groupe de travail et ses rapporteurs ont rencontré les acteurs des deux contrats de réciprocité les plus « avancés », ceux qui lient, d'une part, Brest et le Pays Centre-Ouest Bretagne et, d'autre part, Toulouse et le Pays Portes de Gascogne.

Le contrat breton entre la métropole de Brest (8 communes, 212 000 habitants) et le Pays Centre-Ouest Bretagne (79 communes des départements du Finistère, du Morbihan et des Côtes-d'Armor, 97 000 habitants) a perduré. Ce contrat est né d'une sollicitation du préfet de région qui a en fait permis de cristalliser et de formaliser des coopérations déjà anciennes.

Brest est en effet engagée dans une dynamique de coopération liée à sa géographie, marquée par l'enclavement et l'excentrage. Avec les territoires urbains et périurbains proches, elle a monté un Pays devenu Pôle métropolitain du Pays de Brest. Avec les pôles urbains de Quimper, Morlaix et Lannion Trégor, elle a mis en place une entente intercommunale. Avec les agglomérations d'Angers, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire, elle a participé au Pôle métropolitain Loire-Bretagne. Enfin, avec les territoires ruraux non limitrophes du Pays Centre-Ouest Bretagne, elle a signé un contrat de réciprocité.

Ce contrat est orienté autour de trois axes : le développement économique, l'énergie-environnement et la santé. Ce dernier thème est celui qui a historiquement permis le rapprochement des deux territoires lorsqu'il s'est agi de préserver l'hôpital de Carhaix, menacé de fermeture. Une première coopération a ainsi permis la fusion de cet établissement avec le CHRU de Brest. Dans ce domaine, on peut noter que le travail commun des deux territoires dans le cadre du contrat de réciprocité a permis la mise en place d'un institut de formation des aides-soignants (IFAS) ou encore l'implantation d'un IRM à Carhaix.

La réciprocité s'exerce non par flux financiers directs, mais par le partage d'informations et d'ingénierie. C'est ainsi que les services brestois ont pu proposer au Pays de COB de participer à un programme INTERREG énergie, avec 800 000€ de subventions à la clé, à l'appel à projets « 100% inclusion », porté par les DIRRECTE, avec 1,6 million d'euros de subventions.

L'intérêt du dispositif, selon ses initiateurs, est d'abord d'avoir permis aux élus concernés de se connaître et de découvrir les potentialités de leurs collectivités et de leurs deux territoires. Son deuxième avantage est d'avoir mis en oeuvre un échange d'informations fructueux pour les deux partenaires.

Sa réussite, comme souvent, tient, d'une part, à la géographie et, d'autre part, aux acteurs impliqués. Brest, ne pouvant se développer vers l'ouest, se doit d'être ouverte sur ses territoires à l'est. La proximité des territoires est un gage de succès dans la mesure où elle doit permettre l'interconnaissance et la coopération au quotidien entre les acteurs locaux. Quant aux acteurs, ils collaborent dans une écoute mutuelle, sans hiérarchie ou agressivité.

Un deuxième contrat de réciprocité a été signé, en juillet 2017, entre la métropole de Toulouse (37 communes et 750 000 habitants) et le PETR du Pays Portes de Gascogne (160 communes et 71 100 habitants, dans le Gers). Le président et les rapporteurs du groupe de travail ont pu apprécier sur place l'importance et l'impact de ce dispositif.

Ce contrat recouvre 7 thématiques : développement économique, agriculture, tourisme, développement culturel, culture scientifique, mobilité et transition écologique.

Parmi ces axes, on peut citer les actions suivantes :

- développement économique : avec l'appui de la métropole, le pays a engagé une étude d'opportunité et de faisabilité du soutien à des tiers lieux et à des espaces de télétravail. L'objectif poursuivi par cette initiative fondatrice est triple : remédier à la saturation des transports pour rejoindre la métropole, désengorger la rocade toulousaine, attirer de nouveaux habitants dans le Gers. D'un coût de 30 000 €, elle est cofinancée à 50% via le FNADT et devrait être disponible courant 2020. Une trentaine de « positions télétravail » sont en cours de déploiement. Un travail plus systématique est en cours avec les grands employeurs métropolitains, en particulier ceux de la filière aéronautique (nombre de salariés « airbusiens » vivent sur les coteaux gersois).

- agriculture : le pays a été, par exemple, associé à la redynamisation du marché d'intérêt national (MIN) de Toulouse avec l'installation d'un « cash fermier » regroupant, au sein du MIN, une trentaine de producteurs gersois issus du Pays des Portes de Gascogne. Est aussi lancée la définition et la mise en oeuvre commune d'un Projet alimentaire territorial partagé, lauréat du programme national pour l'alimentation en 2018. Il se traduit actuellement par des liens étroits entre la cuisine centrale de Toulouse (35 000 repas par jour) et les producteurs locaux des Portes de Gascogne, avec des marchés en cours (notamment avec la filière « veau sous la mère »).

- tourisme : 2 500 « guides du routard » ont été diffusés par le pays à destination des agents de la métropole et des Toulousains.

- mobilité : le pays a engagé une étude destinée à matérialiser un itinéraire cyclable entre Toulouse et le Pays Portes de Gascogne puis jusqu'à Auch. Par ailleurs, à l'occasion de la candidature de Toulouse métropole à l'appel à projet du programme d'investissement d'avenir « TIGA », le pays s'est positionné comme partenaire du projet VILAGIL.

- transition écologique : une rencontre entre le pays, la métropole et ENEDIS a permis d'engager une réflexion sur le rôle que le Pays et son territoire pourraient jouer en matière d'énergies renouvelables exploitables, notamment par la métropole.

Comme pour le contrat Brest-COB, la réciprocité s'exerce par le partage d'informations et d'ingénierie plutôt que par des flux financiers. Ainsi que le souligne la métropole : « Au titre des moyens financiers, (...) le parti pris a été de ne pas annexer de tableau financier au contrat de réciprocité. L'idée est de ne surtout pas positionner ces contrats de réciprocité comme un « énième » contrat territorial et de voir la métropole comme une nouvelle institution « subventionnant » le développement territorial ; les contrats et les institutions sont déjà très nombreux : Europe, État, régions, départements... » . L'apport de la métropole est donc avant tout constitué par des moyens d'animation, avec un cadre au sein de la direction générale des services chargée d'animer ces nouveaux partenariats interterritoriaux et de mobiliser les ressources métropolitaines, ainsi que par de la « valeur en termes d'ingénierie (mécénat de compétences), ou en termes de transactions. À titre d'exemple, la métropole porte une commande publique de 300 000 € par an de la cuisine municipale vers la filière "veau label rouge" des Portes de Gascogne » .

Une exception en matière d'absence de flux financiers directs : Toulouse Métropole a fléché 500 000€ sur ces politiques au titre de la dotation amenée par l'État dans le cadre du pacte État-Toulouse Métropole.

Un troisième contrat, signé en janvier 2018, lie la communauté de communes Monts de Lacaune et Montpellier-Méditerranée Métropole , concentré, à ce stade, sur la filière bois.

Un quatrième contrat de réciprocité a été conclu en avril 2019 entre Nantes Métropole (24 communes et 650 000 habitants) et le Pays de Retz (4 EPCI, 38 communes et 154 000 habitants). Quatre premiers thèmes de travail ont été identifiés : les mobilités, l'alimentation, le développement économique et le tourisme. Comme le souligne le maire de la commune de Sainte-Pazanne et président du Pays de Retz, Bernard Morilleau, le Pays de Retz, en Loire-Atlantique, a connu une trajectoire spectaculaire. « Territoire rural sous influence » de la métropole nantaise, il connaît un très fort développement, alors qu'il était dans la « diagonale du vide » il y a vingt ans. Le territoire a voulu faire de sa relative proximité avec une métropole un atout, dans le cadre d'un contrat de réciprocité. Soulignant, lors du colloque organisé par la délégation 7 novembre dernier, la complémentarité des territoires, il a fait valoir que le contrat s'accompagnait d'un projet alimentaire territorial : « On produit quatre fois plus que ce que l'on consomme et la métropole est dans la situation inverse, on est dans un rapport 80/20 ».

Des expériences réussies, mais aussi des échecs patents, tel celui du contrat entre la métropole de Lyon et Aurillac, on peut d'abord tirer l'importance d'un projet de territoire porté politiquement, capable de fédérer et de dynamiser les acteurs locaux dans leur dialogue avec la métropole . En effet, entre une très grosse collectivité majoritairement urbaine et un groupement de nombreuses petites communes et intercommunalités de taille moyenne, le déséquilibre structurel ne peut se résorber que si l'ensemble rural est en capacité de constituer une force de proposition.

Cette capacité à avancer des initiatives innovantes et utiles à la métropole, qui suppose un minimum d'ingénierie, est le deuxième gage de succès ; chaque partenaire doit trouver avantage à coopérer, en dehors de toute contrainte.

La proximité géographique et l'existence de relations fonctionnelles, parce qu'elles permettent la coopération concrète, sont des atouts essentiels. Lorsque ces éléments sont réunis, le contrat constitue un plus en ce sens qu'il institutionnalise les relations et facilite les contacts, formalise la coopération et offre un vecteur pour porter une ambition partagée.

À l'inverse, il est illusoire de vouloir lier par contrat deux territoires qui ne sont pas en interaction, comme ce fut le cas, à l'issue du comité interministériel à la ruralité de mars 2015, entre Toulouse Métropole et « les Pyrénées ».

Les contrats de réciprocité constituent des outils utiles non seulement de solidarité mais de coopération fructueuse. Il convient de relancer leur dynamique en exposant les conditions de réussite constatées et en encourageant (par des incitations financières ?) de nouvelles collectivités à s'engager dans la démarche.

• Le Pacte État-métropoles

Le 6 juillet 2016 a été signé le Pacte État-métropoles. Ce texte est à la fois un prolongement et une contrepartie aux lois Maptam et NOTRe, qui ont significativement renforcé les métropoles : prolongement car il s'agit de conforter la dynamique de croissance des métropoles avec un apport de l'État de 150 M€ de financements 91 ( * ) ; contrepartie car, pour la première fois, est admis le principe que les métropoles ont des responsabilités vis-à-vis des territoires proches.

Déclinaisons du Pacte État-métropoles, des pactes métropolitains d'innovation sont conclus entre l'État et chaque métropole. Chacun de ces pactes comprend, en principe, un volet dit « Contrat de coopération métropolitaine » (CCM), inspiré des contrats de réciprocité. Chaque métropole s'est en effet engagée : « en tenant compte de l'état des coopérations interterritoriales existantes (notamment à travers les pôles métropolitains), chaque métropole établira un ou plusieurs Contrats de coopération territoriale avec les territoires environnants, sur une thématique liée ou non à la thématique de la démarche d'innovation choisie ». L'espoir résidait donc dans la généralisation de la démarche des contrats de réciprocité. Il est cependant pour l'instant difficile de percevoir à sa juste mesure l'impact de ces contrats de coopération métropolitaine. Sans doute est-il temps, plus de trois ans après la conclusion du Pacte État-métropoles, de procéder à son évaluation , notamment pour le volet « Contrat de coopération métropolitaine » et d'en tirer une méthodologie pour l'avenir.

Par ailleurs, on peut regretter que l'État n'épaule pas davantage, y compris avec les moyens budgétaires de droit commun, les collectivités qui s'engagent sur la voie de ce type de coopération territoriale. À cet égard, on pourrait imaginer que la négociation de la nouvelle génération de contrats de plan État-régions pour 2021-2027 qui débute intègre ce soutien, par exemple via une enveloppe contractualisée, abondée par une partie des crédits DSIL affectés au niveau régional et/ou par un taux de soutien majoré pour les projets issus de coopérations interterritoriales. Ce serait d'autant plus pertinent que la charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales prévoit obligatoirement , pour les métropoles, un volet du CPER relatif à la coopération avec les territoires avec lesquelles elles interagissent.

Élément à venir, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) envisage de conditionner ses aides à l'ingénierie des métropoles à l'exercice, par celles-ci, d'une solidarité territoriale . La caisse avait établi des conventions avec les métropoles issues de la loi MAPTAM afin de les accompagner en ingénierie (cofinancement à 50% de leurs études). Ces conventions vont arriver à échéance.

La direction de la caisse a adressé, en juin 2019, des directives à ses directeurs régionaux afin que la nouvelle génération des conventions à venir avec les métropoles réponde à des enjeux d'équilibre territorial, social et environnemental. Les enveloppes financières mobilisées via ces conventions devront être consacrées à l'accompagnement d'enjeux de coopération, le déploiement de politiques interterritoriales et l'organisation de réciprocités.

Les projets éligibles dans le cadre de ces conventions seront désormais exclusivement :

- des projets favorisant la solidarité entre territoires au sein de la métropole ou de coopération territoriale avec des territoires hors métropole ;

- des projets et expérimentations favorisant l'innovation ;

-des projets favorisant la mise en oeuvre du volet territorial du Grand Plan d'Investissement (GPI).

Dans ce cadre, la caisse accordera des cofinancements d'études à 50%, dans la limite de 50 000 euros par an.

Recommandation 23 : Relancer la mise en oeuvre du Pacte État-métropoles et de son volet « Contrat de coopération métropolitaine » et faire connaître les atouts des contrats de réciprocité et des coopérations territoriales.

Recommandation 24 : Évaluer les contrats de coopération métropolitaine et les contrats de réciprocité pour mesurer leur impact sur les territoires ruraux et urbains concernés. En tirer une méthodologie pour l'avenir.

Recommandation 25 : Envisager un encouragement financier aux projets des collectivités engagées dans des coopérations territoriales, par exemple lors de la conclusion des contrats de ruralité ou à l'occasion de la négociation des CPER pour 2021-2027.

b) Les contrats de territoires

Les contrats de territoires lient généralement les départements, mais aussi les régions, aux communes et/ou à leurs groupements. Ils s'inscrivent dans le cadre de l'expansion du triptyque « un projet, un contrat, un territoire » , proposé dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire depuis plusieurs années. Cette contractualisation avec les collectivités infrarégionales ou infradépartementales s'est généralisée et a souvent consisté en une aide aux territoires les plus fragiles, en particulier dans les ruralités.

Sous des formes variées, les conseils régionaux et départementaux se sont lancés dans une contractualisation territoriale à partir de la moitié des années 80 92 ( * ) .

S'agissant des régions, si l'on prend l'exemple de la Bourgogne-Franche-Comté, sa nouvelle politique contractuelle avec les territoires existant dans son ressort pour la période 2018-2020 prévoit l'existence d'une enveloppe spécifique « réservée aux actions des territoires ruraux, périurbains et autres pôles, à savoir les territoires hors territoires urbains et petites villes. ».

S'agissant des départements, la Mayenne, dont les contrats de territoire à destination des EPCI mobilisent 100 millions d'euros sur la période 2016-2021, constitue un exemple intéressant. Cette somme est répartie en différentes enveloppes :

- 1 ère enveloppe budgétaire : 1 million d'euros par an pour les communes de moins de 10 000 habitants pour accompagner les travaux locaux d'investissement. À ce jour, deux tiers des projets communaux financés par le département portent sur des équipements et aménagements de proximité tels que des logements communaux, la création ou la rénovation d'écoles, de bibliothèques, de city stades, de pistes cyclables, etc. Le département participe à hauteur de 50%, dans la limite de la dotation attribuée à la commune ;

- 2 ème enveloppe budgétaire : 16,8 millions d'euros par an, répartis entre les intercommunalités et articulés autour de trois axes principaux : financement de projets structurants (équipements culturels, sportifs, aménagement urbain, pôles de santé, etc.) ; soutien aux politiques locales (habitat, personnes âgées et dépendantes, numérique et déploiement du très haut débit) ; culture, environnement et écodéveloppement, aménagement routier.

La montée en puissance des contrats de territoires a présenté l'intérêt de rompre avec une logique de guichet trop répandue, d'assurer un dialogue entre cocontractants, de conférer une prévisibilité et une clarté à l'action locale, de pousser collectivités et intercommunalités à se fixer des objectifs et d'encourager une cohérence entre les politiques publiques des différents niveaux de structures locales. Il convient néanmoins de veiller à ce que cette contractualisation s'appuie sur une véritable co-construction, respectueuse des besoins locaux, et qu'elle permette d'aider les territoires ruraux, fussent-ils dans une position de négociation plus fragile avec le département en l'absence de villes importantes sur leur ressort.

c) Pour une prise en compte renouvelée des territoires fragiles

L'un des enjeux de la réussite des programmes consacrés à la ruralité consiste à assurer une bonne articulation entre les actions des différents échelons territoriaux. Cette articulation dépend notamment de deux éléments : en amont, une bonne prise en compte des besoins locaux au moment de la conception des projets et programmes régionaux ; en aval, une capacité de dialogue et d'ajustement entre la région et le territoire concerné pour une mise en oeuvre efficace et efficiente. Ces éléments peuvent d'autant plus se muer en difficultés que les régions ont, dans de nombreux cas, connu une extension notable de leurs superficies et voient parfois leurs services très éloignés des territoires, services qui ont pu avoir tendance à s'étoffer et à sa bureaucratiser.

En la matière, tous les types d'expériences existent, et parfois dans une même région. Le président de la communauté de communes du Pays rethelois se félicite ainsi du soutien proactif de la région Grand Est, qu'il estime paradoxalement plus présente que l'ancienne région Lorraine.

Dans d'autres cas, des communes ou des EPCI ont pu regretter que les priorités régionales ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités locales, voire s'y opposer, par exemple, lors de l'élaboration du SRADDET. C'est parfois le conseil départemental qui est jugé trop lointain ou trop absent, faute de projet de territoire... ou par manque de moyens. En tout état de cause, il est essentiel que, dans la définition de leurs projets, programmes ou schémas, les régions et les départements prennent en compte les besoins des territoires ruraux. En effet, grâce à la décentralisation, la région est désormais dotée de larges attributions en matière d'aménagement du territoire, via l'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales et via le SRADDET (article L. 4251-1 du même code). De son côté, le département a compétence pour « promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental » (article L. 3211-1). L'État, dans l'exercice de ces compétences nationales d'aménagement du territoire, doit mettre en oeuvre, lorsque c'est nécessaire, la solidarité nationale au profit des territoires ruraux.

De même, dès lors qu'ils sont investis de compétences décentralisées en matière d'aménagement du territoire, par ailleurs adossées à des financements, régions et départements doivent mettre en oeuvre des politiques d'aménagement de leurs territoires fondées sur le principe de solidarité avec les territoires ruraux.

Recommandation 26 : Mettre au coeur de l'exercice des compétences décentralisées des régions et des départements, qui sont associées à des financements, les principes de solidarité à l'égard des territoires ruraux.

Les témoignages des élus rencontrés et notamment des acteurs impliqués dans les contrats de réciprocité, aussi bien entre le Pays Centre Ouest Bretagne et Brest qu'entre le Pays Portes de Gascogne et Toulouse, soulignent tous l'importance pour les territoires ruraux de disposer de portes d'entrée concrètes pour accéder aisément aux instances politiques et aux services des grandes collectivités. C'est particulièrement utile pour aborder certaines questions juridiques, techniques, financières ou les procédures de contractualisation.

Constatant la difficulté à maintenir le contact avec les territoires et leurs élus, en particulier dans le contexte de grandes régions, les institutions régionales ont imaginé plusieurs dispositifs pour réduire la distance entre leurs services et les territoires. Dans certains cas, il s'est agi pour la région de désigner au sein du conseil régional des élus référents territoriaux chargés de suivre et d'accompagner les collectivités et EPCI du périmètre qui leur est assigné (ancienne région Centre). Dans d'autres cas, la région a choisi de désigner un agent pour être l'interlocuteur de « premier niveau » des collectivités, avec pour mission de les renseigner, de les informer ou de les mettre en lien avec les services régionaux. Cet agent a aussi vocation à assurer un lien étroit avec les élus régionaux des territoires (région Pays-de-la-Loire). Une autre solution a pu être la mise en place de maisons de la région (région Grand Est). L'important est de ne pas laisser isolés les élus des territoires les plus fragiles, sans capacité de prise et de dialogue avec l'échelon régional.

Certains départements se sont engagés dans la même voie. À titre d'exemple, le conseil départemental de Vendée a mis en place un réseau de 5  « Référents de Territoire » au sein d'un service « Contrats et Relations aux Territoires », interlocuteurs des communes et EPCI vendéens pour toute question concernant le département. Chaque référent est chargé du suivi d'un ensemble d'intercommunalités et est en capacité de mobiliser les services départementaux pour apporter réponses et solutions aux acteurs locaux. Par ailleurs, il a pour mission de développer une relation de travail durable avec les acteurs locaux, élus et techniciens, afin de jouer le rôle de « facilitateur » dans la relation entre la commune ou l'EPCI et le département. Il est également chargé de porter la politique départementale de contractualisation : animation des contrats de territoire, à l'aide d'outils de suivi, afin de rendre compte de l'avancée des contrats ; suivi technique des projets financés au titre des contrats de territoire ; élaboration des documents contractuels (contrat de territoire, avenants au contrat), etc.

Recommandation 27 : Identifier au sein des grandes collectivités et de leurs groupements des points d'entrée et de contact avec les élus et avec les services administratifs aisément mobilisables par les acteurs des territoires ruraux.

Évidemment, l'enjeu d'interconnexion concerne les échelons départementaux et régionaux, mais aussi les communes et communautés. À cet égard, on relèvera la mise en place, dans les Ardennes, sous l'égide de l'association départementale des maires, d'un G8 rassemblant les présidents des huit communautés du département, le secrétariat étant assuré, successivement et par rotation, par les directeurs généraux des services et directeurs de cabinet des différents EPCI. Une piste pour l'avenir serait d'y associer le président du conseil départemental.

III. REPENSER ET ADAPTER L'OFFRE DE SERVICES AUX HABITANTS

Collectivités et intercommunalités rurales ne peuvent se substituer aux entreprises ou à l'État mais elles peuvent contribuer, par leurs investissements, à créer des conditions favorables pour atteindre un objectif essentiel à leur développement : stabiliser, voire accroître leur population. Par ailleurs, si l'amélioration de l'offre de services est cruciale pour les habitants, il ne s'agit pas pour les collectivités de refuser des évolutions et une modernisation desdits services.

L'exemple de l'Autriche, où se sont rendus le président du groupe de travail et les rapporteurs, est à cet égard éclairant. Les États fédérés, les länder , et les communes sont engagés dans de très ambitieuses politiques locales d'aménagement du territoire visant à pallier les difficultés des territoires ou à valoriser les atouts. Si le second point sera présenté dans la partie relative aux projets de territoire ( cf. infra ), le premier peut être illustré par l'action menée en Basse-Autriche. Pour renforcer le maillage de ses villages et villes moyennes, le land a ainsi prévu, dans le cadre de son plan-cadre de développement rural une délocalisation d'emplois du centre du land vers les communes plus éloignées, grâce au télétravail. Pour faciliter ces délocalisations et l'installation d'entreprises, toutes les habitations sont reliées à la fibre. L'attractivité des zones rurales est renforcée par la mise en place par le land d'une action destinée à assurer une présence médicale dans les villages en accordant une subvention de 50 000€ par cabinet médical. De même, le programme de développement rural du land assure un soutien fort aux jardins d'enfants, en fonction des besoins locaux et de l'isolement des communes, avec 56 millions d'euros d'investissement et des frais de fonctionnement cofinancés par le land . Il garantit aussi une aide conséquente en matière de transition énergétique en encourageant le passage aux énergies renouvelables. Le land assure par ailleurs le soutien des petites communes en difficulté financière, ce qui est le cas d'environ 120 d'entre elles sur 573.

Le Burgenland a lui aussi fait du renforcement des infrastructures locales une priorité, grâce au renforcement du réseau autoroutier, au soutien aux petits hôpitaux, via des aides à l'installation et l'octroi de bourses à des étudiants en contrepartie de leur implantation locale. Il s'efforce de conserver aux petites communes des structures scolaires, en considérant qu'elles sont une composante de leur identité, le cas échéant en prenant à sa charge des enseignants surnuméraires par rapport à ceux qui sont payés par l'État fédéral. Dans les districts les plus pauvres du sud du land , la politique du land consiste à préserver au maximum classes et écoles en garantissant à chaque commune son jardin d'enfants et en ne fermant de classe que si son effectif est inférieur à dix élèves ou d'école que si le nombre total d'élèves descend en deçà de quatre-vingt-dix. Il y a lieu cependant de relever que la politique des länder autrichiens, extrêmement protectrice à l'égard de leurs communes, s'exerce dans un contexte où ces communes sont sensiblement plus importantes que les communes françaises : il n'y a que 2 097 communes en Autriche avec une population moyenne de 3 300 habitants contre 1 879 habitants en France.

La modernisation des services est une triple source de développement pour les territoires. Elle permet de stabiliser la population en l'encourageant à rester sur place. Elle constitue un soutien aux entreprises qui contribue à mettre en place ces services. Elle permet à des entreprises de s'installer sur des territoires ruraux grâce à la qualité des connexions de toute nature dont elles pourront bénéficier.

Non seulement les collectivités et intercommunalités rurales agissent pour renforcer ces services, mais elles fournissent une forte contribution à la mise en oeuvre de politiques publiques qui relèvent, en principe, de l'État (voir annexe 2 l'exemple d'un EPCI rural de la région Occitanie).

Lors du colloque du 7 novembre dernier au Sénat « Les collectivités territoriales, leviers de développement des territoires ruraux », Jocelyne Guérin, maire de Luzy, dans la Nièvre, a exposé sa stratégie « tous azimuts » pour valoriser le territoire de sa commune. Partant d'une volonté de « jouer sur le collectif et l'esprit d'ouverture », elle a insisté sur l'importance d'un projet de territoire « qui embarque tout le monde » car co-construit avec les habitants. Son principe est de redonner au centre-bourg son rôle de centralité pour un bassin de vie 8 000 habitants.

Il s'agit de « faire l'inverse de ce qui s'est pratiqué depuis trente ans : ramener de la vie au coeur de nos villes » en s'appuyant sur les quatre piliers suivants :

ü l'habitat : habiter mieux, nouvelles énergies... ;

ü l'économie : nouveau commerce, filière, ville connectée... ;

ü les services publics : de réels centres de ressources, des fabriques de territoire ;

ü l'âme/l'identité : vie sociale et culturelle, patrimoine, communication.

Les résultats sont éloquents : des habitants « ambassadeurs » de leur village ; 80 nouvelles familles qui s'installent chaque année par choix de vie ; tous les projets prévus sont réalisés ou en cours ; chaque projet est financé à 80% grâce à des subventions.

Les principaux services dans lesquels les collectivités s'investissent pour redonner du souffle à leurs territoires sont ceux qui permettent de structurer et d'ouvrir ces territoires (transports, numérique...) et ceux qui permettent à la population de demeurer ou de s'installer sur place (enseignement, santé, commerces...).

1. Structurer : transports, numérique

• Numérique

S'agissant du très haut débit, on peut, à titre d'exemple, relever l'effort consenti par la région Grand Est pour déployer le très haut débit dans toutes les communes le plus rapidement possible. À partir de l'expérience acquise grâce au projet « THD Rosace », en région Alsace, la région Grand Est a ainsi lancé le projet « THD Losange », qui fédère les projets de sept départements (Ardennes, Aube, Marne, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Vosges). Elle apporte aussi son soutien financier au projet FttH, porté par le syndicat mixte Moselle Fibre, qui regroupe le département de la Moselle et quatorze EPCI de ce département.

À l'horizon 2023, ce seront 5 132 communes qui seront raccordées au THD. La région préfinance l'intégralité de la contribution publique attendue par l'attributaire de la concession et se charge de recouvrir l'ensemble des aides publiques nécessaires au financement de la part publique de ce projet, auprès de l'Europe (Programmes opérationnels FEDER Champagne-Ardenne et Lorraine) ; l'État (au titre du Plan France très haut débit) ; les conseils départementaux concernés ; les EPCI ou des communes titulaires de la compétence numérique. Pour les collectivités et leurs groupements, le financement est prévu sur la base d'un montant forfaitaire de 100 € par prise numérique, ce qui conduit à « une péréquation entre des secteurs où la réalisation de prises est abordable et des secteurs où ces prises seront très onéreuses . »

• Transports

Dans le domaine des transports, les réalisations de collectivités et d'associations soutenues par les collectivités sont nombreuses. À titre d'exemples, on peut citer la plateforme mobilités Puy-de-Dôme, aidée par le conseil départemental, qui favorise les déplacements à la demande pour des personnes en recherche d'emploi, bénéficiaires du RSA, jeunes suivis par une mission locale, demandeurs d'emploi, salariés de structures de l'insertion par l'activité économique, intérimaires, etc. Sur prescription du référent socio-professionnel du bénéficiaire, un véhicule avec chauffeur récupère les personnes au plus près de leur domicile et les conduit sur le lieu voulu, le retour étant assuré de la même manière.

En Normandie, un projet comparable, IFAIR, a été déployé avec le soutien de la région, du département de l'Eure, de la ville d'Évreux et de la communauté d'agglomération Seine-Eure.

L'agglomération de Mulhouse expérimente, avec la société Cityway, le « Compte mobilité », qui a obtenu le label « OR » du « Forum des interconnectés 2017 », pour utiliser tous les services de transport avec un seul compte pour l'usager.

La région Bourgogne-Franche-Comté, de son côté, a lancé un projet visant, via un calculateur d'itinéraire, à informer en temps réel les voyageurs de tous les services de mobilité disponibles et à mettre à leur disposition des solutions digitales facilitant leur utilisation.

2. Enraciner : enseignement, santé, commerces

• Santé

Les maisons de santé portées par les collectivités sont probablement une des innovations phares de ces dernières années, en permettant le maintien sur place de personnes âgées, mais aussi d'actifs, et l'arrivée de familles avec enfants. Les rapporteurs du groupe de travail ont pu visiter, dans le Cantal, la maison de santé d'Ytrac (4 184 habitants) qui, pour un coût total d'environ 1 million d'euros, a permis de regrouper une douzaine de professionnels de santé (pour des vacations temporaires ou partielles parfois), dont deux médecins généralistes, un chirurgien-dentiste, des masseurs kinésithérapeutes... Ce projet a été porté et financé par la commune, notamment avec l'aide de la DETR pour 216 000 €, de la région pour 200 000 €, du département pour 133 000 €, du FEDER pour 31 000 €. La montée en puissance des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la loi du 26 janvier 2016 et renforcées par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019, ainsi que l'augmentation des aides octroyées par l'Assurance Maladie (35,6 millions d'euros en 2017) doivent encourager les collectivités en la matière.

Le dispositif des six mois de stage en dernière année de médecine générale en pratique ambulatoire dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, introduit par le Sénat dans la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, peut par ailleurs constituer un bol d'air pour les territoires ruraux, qui peuvent trouver l'occasion de se rendre les plus attractifs possibles pour retenir pu faire revenir des médecins. Encore faut-il que les directeurs généraux des agences régionales de santé, responsables de la détermination des territoires concernés, soient très réactifs, notamment en prenant en compte et en actualisant leurs décisions en fonction des évolutions constatées sur les territoires (départ inopiné d'un généraliste, par exemple).

• Enseignement

Enjeu essentiel pour l'avenir et l'identité des territoires, les établissements d'enseignement primaire font l'objet, depuis plusieurs années, de regroupements dans les territoires ruraux. Ces regroupements peuvent être l'occasion de mettre en place des sites scolaires rénovés et de haute qualité.

C'est le choix effectué par la communauté de communes du Pays rethelois, qui est passé de 45 écoles en 2000 à 17 sites en 2019. Les nouveaux sites sont particulièrement équipés, par exemple en matière numérique, et conçus pour faciliter l'organisation de services extra-scolaires - avec mise en place d'un accueil pour enfants handicapés dans l'un des pôles scolaires -, grâce à quoi ils peuvent cumuler une proportion importante d'aides. Surtout, ils sont désormais plus attractifs pour les parents, qui confient bien plus volontiers leurs enfants.

L'enseignement supérieur est un autre enjeu fort sur lequel misent de nombreuses collectivités. C'est ainsi que, dans le Cantal, la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac (CABA), le conseil départemental et le conseil régional soutiennent l'IUT d'Aurillac dans son développement. Dernier élément en date de cette action : la création d'un troisième département à l'IUT, intitulé « STatistique et Informatique Décisionnelle » (STID), qui propose depuis la rentrée 2019 un DUT Option Cybersécurité. L'IUT d'Aurillac accueille aujourd'hui plus de 1 400 étudiants, dont plus de 66 % ne sont pas originaires du Cantal, et 43 % ne sont pas issus de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce qui illustre l'attractivité de l'établissement.

• Commerces

Au cours des dernières années, bien souvent, les bourgs et villages qui structuraient l'espace rural et constituaient, de fait, des plateformes physiques de services pour leurs habitants et ceux des hameaux isolés ont été profondément déstabilisés. Chacun peut relever la dégradation de la situation économique, commerciale et sociale de ces communes qui formaient l'ossature de la France rurale, avec toutes les conséquences en termes de détresse sociale. L'un des éléments déterminants de cette évolution a été le dépérissement des petits commerces « qui faisaient la vie des villages [et] se sont réduits comme peau de chagrin » 93 ( * ) . Constatant la gravité de la situation, marquée par le dépérissement de trop nombreux centres, fragilisés notamment par la décroissance et/ou la paupérisation de leur population, les difficultés pratiques d'installation, ou encore la concurrence des grandes surfaces en périphérie, la délégation aux collectivités territoriales, en lien avec la délégation aux entreprises, a décidé, dès février 2017, de se saisir du sujet. Après avoir établi le constat de la situation 94 ( * ) , les rapporteurs ont élaboré une ambitieuse proposition de loi portant Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs 95 ( * ) , adoptée à l'unanimité par le Sénat en juin 2018.

De son côté, prenant la mesure de la situation, le Gouvernement a lancé, en mars 2018, le plan « Action coeur de ville » en faveur des 222 villes sélectionnées par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Le Parlement, à l'initiative du Sénat, a par ailleurs inséré dans le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) certaines des dispositions du Pacte sénatorial pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. La discussion parlementaire a permis de considérablement améliorer ce projet de loi en le complétant par de nombreuses mesures du pacte. Les maires disposent désormais d'une batterie d'instruments dont ils peuvent se saisir pour protéger les petits commerces de leurs communes :

Les nouvelles mesures prévues par le Sénat
pour aider les collectivités à préserver leurs centres-villes

- l'amélioration de la prise en compte des réalités territoriales par le remaniement de la composition des Commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) (article L. 751-2 du code de commerce). Pour aider les élus locaux à lutter contre les implantations de grandes surfaces, les commissions accueillent désormais des représentants du tissu économique et commercial (chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat et chambres d'agriculture).

- la modification du fonctionnement des CDAC, dans le même but (articles L. 751-2 et L. 752-6 du code de commerce). Les CDAC pourront auditionner les managers du commerce de la commune d'implantation et des communes limitrophes. Elles seront dans l'obligation d'informer les maires des communes limitrophes des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale. Surtout, elles devront davantage tenir compte de la situation des centres et, en particulier, examiner la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune et des communes limitrophes. Elles devront aussi se pencher sur les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d'infrastructures et de transports...

Avancée considérable, la loi crée l'obligation pour le demandeur de surfaces commerciales de produire une analyse d'impact du projet commercial. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le préfet, cette analyse devra évaluer les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune, des communes limitrophes et de l'EPCI, ainsi que sur l'emploi. Enfin, le demandeur de surfaces commerciales devra démontrer que son projet ne peut pas s'implanter sur une friche commerciale existante, d'abord en centre-ville puis en dehors.

- le renforcement du pouvoir des maires de contrôle des implantations commerciales pour pallier les insuffisances du contrôle de l'État (article L. 752-23 du code de commerce). Le maire disposera désormais, un mois avant la date d'ouverture au public, et comme le préfet, d'un certificat de l'exploitant d'une nouvelle grande surface attestant du respect des dispositions du code de commerce, et notamment de la superficie bâtie. En l'absence de délivrance de ce certificat dans les délais, l'exploitation des surfaces concernées est réputée illicite. Dans le même sens, la possibilité de constater les infractions au code du commerce est étendue aux agents habilités par la commune ou par l'EPCI. Destinataire d'un rapport d'infraction par ces agents locaux, le préfet a désormais compétence liée pour mettre en demeure les établissements en situation irrégulière et, à défaut, pour prendre un arrêté ordonnant la fermeture au public, jusqu'à régularisation.

- l'intensification de la lutte contre les friches commerciales (article L. 752-1 du code de commerce). Désormais, le préfet est tenu de s'assurer des dispositions prévues par les propriétaires du site pour mettre en oeuvre les opérations de remise en état des terrains. En cas d'insuffisance de ces dispositions, il pourra obliger les propriétaires à consigner entre les mains d'un comptable public une somme du montant des travaux à réaliser, somme restituée au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites. C'est une arme puissante confiée aux services de l'État, qui transpose aux friches commerciales le régime existant en matière de démantèlement des installations classées pour la protection de l'environnement. Si les maires n'ont pas la main en la matière, ils peuvent solliciter le préfet, lui rappeler ses obligations légales, voire engager un contentieux.

- le renforcement de la capacité des collectivités à établir une stratégie de développement commercial est renforcée (articles L. 141-17 et L. 151-6 du code de l'urbanisme). Non seulement le Document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) devient obligatoire dans un SCoT, mais il déterminera obligatoirement les conditions d'implantation des équipements commerciaux importants, le type d'activité et la surface de vente maximale des équipements commerciaux par secteurs. En l'absence de SCoT, ce sera au PLUi de fixer ces éléments.

- la création d'un droit à l'information des élus locaux sur les transferts de services publics hors des centres-villes (article L. 2255-1 du code général des collectivités territoriales). La loi reprend ici une proposition phare du Sénat, particulièrement importante dans le contexte actuel de resserrement des services de l'État.

Dans les communes signataires d'une convention ORT, l'autorité responsable d'un projet de fermeture ou de déplacement hors du périmètre de l'ORT d'un service public (service de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un EPCI ou d'un organisme chargé d'une mission de service public) devra obligatoirement communiquer au maire de la commune et au président de l'EPCI, au moins six mois à l'avance, toutes les informations justifiant cette évolution. L'autorité responsable devra aussi indiquer les mesures envisagées pour permettre localement le maintien de ce service sous une autre forme.

- la simplification pour les maires du régime de l'abandon manifeste d'une partie d'immeuble vacant (article L. 2243-1-1 du code général des collectivités territoriales). Dans un périmètre d'ORT, l'abandon manifeste d'une partie d'immeuble est constaté automatiquement dès lors que des travaux ont condamné l'accès à cette partie. Cette mesure vise à encourager la remise sur le marché des logements en centre-ville situés au-dessus de commerces et trop souvent inhabités.

- l'encadrement du principe d'exonération de CDAC dans les centres-villes dans les périmètres d'opération de revitalisation de territoire (article L. 752-1-1 du code de commerce). Le Gouvernement, poussé par le Conseil national des centres commerciaux, souhaitait cette exonération totale, mais, en définitive, la loi permet que la convention ORT puisse prévoir un seuil haut à cette exonération (5 000 m² ou 2 500 m² pour les magasins alimentaires). Ce garde-fou permet d'éviter que les élus locaux ne perdent un droit de regard sur toutes les implantations commerciales en centres-villes.

- la possibilité pour les collectivités de solliciter un moratoire sur les implantations de grandes surfaces (article L. 752-1-2 du code de commerce). Après avis ou à la demande de l'EPCI à fiscalité propre et des communes signataires d'une convention d'opération de revitalisation de territoire, le préfet peut suspendre, pour une durée maximale de trois ans, prorogeable un an, l'enregistrement et l'examen en CDAC des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale dont l'implantation est prévue sur le territoire d'une ou plusieurs communes signataires de la convention mais hors des secteurs d'intervention de l'opération. Ce moratoire peut être étendu aux demandes relatives à des projets situés dans des communes non signataires de la convention ORT mais membres d'un EPCI signataire ou d'un EPCI limitrophe d'un EPCI signataire.

IV. ORGANISER ET SOUTENIR L'INGÉNIERIE TERRITORIALE

Si un sujet a été abordé sans discontinuer pendant les investigations du groupe de travail, c'est bien celui de l'ingénierie territoriale ou, plutôt, de ses carences. En effet, sans ingénierie, les collectivités ne peuvent contribuer au développement de leurs territoires.

1. Pas de projet sans ingénierie

L'ingénierie est d'abord primordiale pour accompagner la conception d'une stratégie de territoire informée et cohérente ( ingénierie stratégique ). Elle l'est aussi pour imaginer les projets et actions concrets inscrits dans cette stratégie ( ingénierie de projet ). Elle est encore nécessaire pour mettre en oeuvre ces projets et assurer le bon fonctionnement de ceux qui ont déjà été réalisés ( ingénierie technique ).

Enfin, l'ingénierie est aussi essentielle pour capter et utiliser à bon escient les multiples participations permettant d'abonder un budget communal ou communautaire ( ingénierie financière ). Il en est trop rarement question, alors qu'il s'agit d'un volet fondamental. Il est vrai, cependant, qu'il peut rarement être détaché des autres volets et, en particulier, de l'ingénierie stratégique et de projet, car les financements vont aussi là où sont les bons projets. Par ailleurs, en la matière, il n'est pas sûr que notre pays soit le mieux placé, notamment pour se voir attribuer les aides des fonds européens, ainsi que semblent le montrer les difficultés de la gestion du programme Leader 96 ( * ) . En tout état de cause, les sommes concernées peuvent être considérables.

À titre d'exemple, le tableau suivant montre les dispositifs contractuels territoriaux mobilisés par la communauté de communes du Pays rethelois. En obtenant ces financements complémentaires, ce qui est en soi une action forte portée personnellement par la présidence de la communauté, le Pays rethelois a pu lancer et mener des projets extrêmement ambitieux, tels que la construction d'une médiathèque-musée ou encore d'un centre aquatique prisés.

Un exemple de mobilisation des dispositifs contractuels territoriaux :
le cas de la communauté de communes du Pays rethelois

• Les dispositifs européens

- Programme Feder Axe 5

Volume financier : 4 400 000 € de subventions

Durée : programme 2014-2020 (2023 pour paiements)

Objet : renouvellement urbain durable -lien quartier prioritaire de la ville

- Programme Leader

Volume financier : fonds FEADER pour un montant de 1 427 300 €

Durée : programme 2014-2020 (prorogation 2022)

Objet : accompagner le développement local des territoires ruraux

• Les dispositifs nationaux

- Programme Anru

Volume financier : 3 796 000 € de subventions (dont 40% CC/ville) + 989 730 € de prêts

Durée : prise d'effet le 12 avril 2019 -jusqu'en 2027 + 4 ans pour solder

Objet : renouvellement urbain quartier prioritaire de la ville

- Contrat de ville

Volume financier : environ 400 000 € du CGET à l'issue du contrat (évolutif)

Durée : programme 2015-2020 (prorogation 2022 avec protocole d'engagements)

Objet : cohésion sociale, économie locale et amélioration du cadre de vie dans le QPV

- Programme de ruralité

Volume financier : programmation annuelle DSIL (200 000 €/250 000 € an)

Durée: 2017-2020 -4 exercices budgétaires

Objet: attractivité et dynamisme des territoires ruraux

- Programme d'intérêt général - dispositif Habiter mieux

Volume financier : 438 350 €/an sur la CC x 3 ans

Durée : 2018 -2021

Objet : aides à l'amélioration de l'habitat privé

• Les dispositifs locaux (région/département/autres)

- Opérations de Restructuration de l'Artisanat et du Commerce (ORAC)

Volume financier : 303 676 €

Durée : 2017 -2020

Objet : revitalisation de l'artisanat et du commerce

- Poce - Pacte offensive croissance emploi (région Grand Est)

Volume financier : mobilisation en fonction des projets

Durée : 2018 -2021

Objet : harmonisation région/CC du soutien au développement économique

- Contrat de territoire (département des Ardennes)

Volume financier : 2 136 784 €

Durée : 2017-2019 (solde jusqu'en 2025)

Objet : développement territorial (investissements : économie et infrastructures)

- Contrat enfance jeunesse Caf

Volume financier : 800 000 € à 900 000 € sur 4 ans

Durée : 2019-2022 (préparation)

Objet : soutien aux actions en faveur de l'enfance et de la jeunesse

• Les dispositifs « indirects » (bénéficiaires et/ou signataires)

- Pacte pour la ruralité (région Grand Est)

Volume financier : bonification des taux sur les aides du droit commun de la région

Durée : N.C.

Objet : dispositif régional pour le soutien des territoires ruraux fragiles

- Pacte Ardennes (État et...)

Volume financier : selon fiches-actions retenues

Durée : vision 10 à 15 ans

Objet : soutien à la redynamisation économique et démographique des Ardennes

• Les dispositifs « indirects » (bénéficiaires et/ou signataires)

- Convention de partenariat avec la Caisse des dépôts

• Projets et pistes de contractualisation

- Opération de revitalisation du territoire (ORT) de la loi ELAN

Objet : actions combinées de revitalisation de centres villes / centres-bourgs

- Pacte villes moyennes

Objet : partenariat région/CC sur Rethel : ingénierie partagée ; mobilisation du droit commun (à construire) -en continuité du réseau « villes moyennes »

- Contrat de canal

Objet : valorisation et attractivité du canal des Ardennes

Si le rôle essentiel de l'ingénierie est régulièrement évoqué, de nombreux acteurs locaux en relèvent les carences. Thierry Verdavaine, président du PETR du Pays de Thiérache, notait ainsi devant le groupe de travail : « L'ingénierie est essentielle. Nous ne pouvons nous démultiplier et des moyens d'ingénierie sont indispensables pour nous aider dans ces différentes tâches. La Thiérache dispose de sept agents, là où le parc naturel régional de l'Avesnois (...) en compte quarante à cinquante. On peut travailler en mutualisant les moyens des communautés de communes adhérant au pays mais cet exercice trouve ses limites. Un effort de soutien à l'ingénierie est aujourd'hui indispensable. Les communautés de communes apportent la majeure partie des financements nécessaires au fonctionnement du pays mais c'est insuffisant. Un accompagnement par l'État serait souhaitable. (...) Sept agents, pour faire de l'ingénierie de projet, c'est peu à cette échelle. À cela s'ajoute le fait que les communautés de communes s'inscrivent dans des activités de gestion du quotidien (assainissement, eau). Celles qui comptent plus de 20 000 habitants sont obligées de définir un projet de territoire. Nous en avons défini un à l'échelle de la Thiérache, ce qui conduit à l'imbrication de deux projets de territoire. Nous allons bien sûr réfléchir ensemble à l'échelle de la Thiérache, mais ce n'est pas simple. »

Des projets ambitieux ne peuvent être mis en place que lorsque le territoire dispose d'une ingénierie suffisante pour les mener à bien. Au-delà de la reconstitution d'une ingénierie à l'échelle nationale, Jean-François Husson, rapporteur du groupe de travail, plaidait pour « une ingénierie partagée, qui ne doit être ni uniforme ni unitaire. Là où existent des ressources en ingénierie, des points de vue se dégagent en fonction de l'identité des structures, de leur histoire, de leur manière de fonctionner . »

Ce constat est particulièrement avéré pour les PNR et pour certains PETR. Éric Brua, directeur de la Fédération des PNR, expliquait ainsi devant votre délégation le 7 février 2019 : « un élément auquel nous tenons nous "protège" en quelque sorte : nous demandons un minimum d'ingénierie pour créer un parc naturel régional. Si nous n'avons pas au minimum une équipe de 20 ou 25 agences, le parc naturel régional ne voit pas le jour. Il n'y a aucune raison que les PETR ne réussissent pas demain, dès lors qu'un minimum d'ingénierie leur est affecté. Certains PETR comptent aujourd'hui deux ou trois agents. N'attendez pas d'eux qu'ils changent la face du monde. »

Par ailleurs, et comme le soulignait le rapport de l'Assemblée nationale sur la préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires 97 ( * ) , relevons que : « tout ne tient cependant pas à la taille des intercommunalités : des intercommunalités plus grosses ne sont pas forcément plus puissantes et les problématiques d'ingénierie ne seront pas résolues par le simple rapprochement d'intercommunalités. D'ailleurs, ce n'est pas seulement la taille qui compte pour la capacité d'une collectivité à monter un projet de territoire, mais également son identité propre . »

En matière de constitution d'une force d'ingénierie on soulignera l'initiative originale exposée par Nicolas Soret, président de la communauté de communes du Jovinien et maire-adjoint de Joigny dans l'Yonne, lors du colloque précité du 7 novembre dernier. Dans cette « ville martyre de la RGPP », qui a notamment connu la fermeture d'une caserne, et où, faute de moyens financiers, la municipalité a sollicité le concours des habitants pour mettre en place une « ingénierie participative » destinée à développer le haut débit en créant une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC).

2. Alléger les contraintes en matière de constitution et de soutien à l'ingénierie des collectivités et de leurs groupements

Dans un contexte où il faut encourager les structures locales à se doter de capacités d'ingénierie pour monter leurs projets, on peut s'interroger sur la pertinence de certaines normes législatives ou règlementaires qui encadrent très strictement les niveaux de recrutement et de rémunération des personnels territoriaux.

À titre d'exemple, est-il encore justifié, plus de trente ans après la décentralisation, que les agents détenteurs des grades les plus élevés de la fonction publique territoriale, à l'instar des administrateurs territoriaux et des ingénieurs en chef, ne puissent être recrutés que par les communes de plus de 40 000 habitants, les départements, les régions ainsi que les établissements publics assimilés à ces collectivités ? Les villes moyennes ne peuvent donc recruter de tels profils, pourtant nécessaires.

De leur côté, les PETR ne le peuvent davantage, car ils entrent rarement dans le cadre du décret n° 2000-954 du 22 septembre 2000 relatif aux règles d'assimilation des établissements publics locaux aux collectivités territoriales pour la création de certains grades de fonctionnaires territoriaux. Ce décret prévoit que l'assimilation des établissements publics locaux à des communes se fait « au regard de leurs compétences, de l'importance de leur budget et du nombre et de la qualification des agents à encadrer » , ces trois facteurs étant cumulatifs. Du fait de leur taille souvent limitée, les PETR ne peuvent généralement être assimilés à des communes de plus de 40 000 habitants.

À l'heure où il est souhaité que les collectivités et les structures locales développent leur autonomie de projet et participent du dynamisme de leurs territoires, il est temps de faire confiance aux capacités de décision et de gestion des élus en matière de recrutement pour assurer le développement de leurs territoires.

Recommandation 28 : Lever les contraintes pour le recrutement de personnels de haut niveau dans les communes de moins de 40 000 habitants, les PETR et, plus généralement, les établissements publics locaux.

Notons par ailleurs que tous les acteurs locaux entendus par le groupe de travail déplorent la quasi-impossibilité de prendre en charge des dépenses d'ingénierie via la DETR. Il convient pourtant de rappeler que l'article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales, s'il exclut du champ de la DETR la prise en charge de « tout ou partie des dépenses de fonctionnement courant regroupant principalement les frais de rémunération des personnels, les dépenses d'entretien et de fourniture et les frais de fonctionnement divers correspondant aux compétences de la collectivité » autorise celles de ces dépenses qui sont « accordées au titre d'une aide initiale et non renouvelable lors de la réalisation d'une opération ». Cette disposition, qui permet donc de financer une ingénierie ponctuelle adossée à un projet d'investissement concret, est aujourd'hui insuffisamment mobilisée par les préfets.

Au-delà, la réussite du développement territorial comme des contractualisations locales exigent que les collectivités, EPCI et PETR concernés puissent disposer de moyens d'animation, de suivi et d'évaluation pérennes des projets locaux qui, très souvent, ne requièrent pas d'investissement. Mettre en réseau des compétences, des services, animer l'élaboration d'un projet de développement et le faire vivre demande du temps, des compétences et un engagement spécifique. Les règles de la DETR devraient évoluer pour aider les structures locales à les prendre en charge. Si l'État craint la multiplication de dépenses récurrentes peu pertinentes, ces nouvelles règles pourraient associer systématiquement à un tel financement une enveloppe pour l'évaluation sérieuse de leur efficacité et de leur efficience.

Recommandation 29 : Sensibiliser les préfets à la possibilité de prendre en charge sur la DETR des dépenses de fonctionnement non récurrentes en particulier des études préalables et d'ingénierie.

Recommandation 30 : Faire évoluer la DETR pour permettre la prise en compte des besoins en ingénierie d'animation non directement rattachables à un projet d'investissement, le cas échéant en l'associant à une évaluation d'efficacité et d'efficience.

Cette proposition est valable pour les contrats de ruralité financés via la DSIL, qui ne prend pas en charge l'ingénierie d'animation, pourtant essentielle à l'émergence et au suivi des projets dans les territoires ruraux. Un récent rapport du Sénat sur les contrats de ruralité appelle d'ailleurs à « conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre, et d'assurer le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État dans le cadre du financement prévu pour les contrats de ruralité. » 98 ( * )

Recommandation 31 : Garantir aux territoires ruraux se dotant d'une stratégie de développement, notamment via un contrat de ruralité, des financements contractualisés stables qui prennent en compte les besoins en ingénierie d'animation non directement rattachables à un projet d'investissement.

3. Mettre en réseau et/ou mutualiser l'ingénierie

La constitution d'intercommunalités de taille significative est une occasion forte de constituer des équipes projet autour de l'ingénierie, pouvant constituer un atout pour les communes membres. Dans d'autres cas, les territoires de projet pertinents (PNR, PETR, SCoT...) peuvent venir en support à ces équipes. Encore faut-il qu'ils disposent de suffisamment de moyens.

Certes, cela vient d'être dit, il convient de lever certains obstacles juridiques à la constitution d'équipes d'ingénierie de haut niveau, mais un autre enjeu est d'éviter une multiplication incontrôlée de telles équipes, ce qui se traduirait par des doublons, des concurrences inutiles et des dépenses supplémentaires.

Pour éviter la dispersion, il y a donc lieu de veiller à mettre en réseau et/ou à mutualiser les équipes d'ingénierie en fonction des capacités, de la structure et des besoins des territoires.

À titre d'exemple, Corinne Casanova, vice-présidente de l'AdCF, vice-présidente de la communauté Grand-Lac (Savoie), relève : « Les syndicats mixtes prolongent très naturellement l'action des intercommunalités et présentent l'avantage de nous permettre de mutualiser les ingénieries et de coopérer aux échéances les plus larges que constituent les bassins de vie, lesquels sont parfois à géométrie variable ».

Dans certains cas, en particulier dans les territoires ruraux, le département, au titre de sa compétence de solidarité territoriale, pourra être le chef de file de l'ingénierie et prendre en charge une part de cette mutualisation. En revanche, dans d'autres territoires, il pourra être préférable de mettre en place une ingénierie partagée en réseau, qui s'appuie sur des coopérations entre territoires, qui ne soit ni uniforme ni unitaire et qui permette de tirer pleinement parti de la richesse et de la complémentarité des points de vue. Elle peut se faire, comme dans le cadre des contrats de réciprocité évoqués, par prêts de main d'oeuvre, d'ingénierie, dons de compétences ou d'expériences.

Au-delà de l'organisation-structuration de l'ingénierie territoriale, qui fera prochainement l'objet d'un rapport de la délégation, la question se pose du renforcement global de cette ingénierie pour répondre aux besoins des territoires. Les contrats de plan État-régions pour 2021-2027 sont probablement un bon instrument pour prévoir des crédits complémentaires d'ingénierie pour les territoires ruraux.

Recommandation 32 : Encourager la mise en réseau et/ou la mutualisation des capacités locales d'ingénierie, associée à une animation pérenne qui permette d'en faire ressortir la plus-value.

Recommandation 33 : Prévoir, lors de la négociation des CPER 2021-2027, la mise en place de crédits permettant de soutenir l'ingénierie dont ont besoin les collectivités et leurs groupements pour réaliser les projets prévus à destination des territoires ruraux.

On relèvera, s'agissant des moyens, l'importance des aides à l'ingénierie déployées par la Caisse des dépôts via la Banque des territoires, aides parfois méconnues des collectivités . Le service territoires conseils fournit ainsi un appui méthodologique et juridique ponctuel aux communes de moins de 10 000 habitants et aux EPCI (sans limite de seuil), sous la forme d'un service de renseignement téléphonique, de la diffusion des bonnes pratiques territoriales et de la mise en relation des porteurs de projets concernés, de séquences d'information thématiques (journées consacrées à un sujet, téléconférences...), de la publication de guides pratiques, ou par l'accompagnement d'experts pour des missions courtes (gouvernance, finances...).

Les directions régionales de la caisse proposent aussi une aide à l'ingénierie par l'appui d'experts, internes ou externes à la caisse, et le cofinancement d'études. En 2018, cet appui a représenté une enveloppe de 9 millions d'euros.

Dans le cadre du programme « Action coeur de ville », la CDC a prévu une enveloppe de 100 millions d'euros sur la durée du programme (en plus des 900 millions d'euros d'aides à l'investissement). À ce stade, seuls 13 millions d'euros auraient été engagés. Il est à noter que s'il n'est pas possible, dans ce cadre, de financer un chef de projet, en revanche, la prise en charge d'une assistance à management de projet peut être envisagée. Pour le programme « Petites Villes de demain », qui devrait débuter après les élections municipales de 2020, une enveloppe de 200 millions d'euros serait mobilisable sur cinq ans, le financement partiel de chefs de projet étant, en l'occurrence, envisageable cette fois-ci.

ANNEXE 1 :
EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION EN DÉLÉGATION

Compte rendu de la réunion de la délégation aux collectivités territoriales, jeudi 16 janvier 2020 : examen du rapport d'information de MM. Bernard Delcros, Jean-François Husson, Franck Montaugé et Raymond Vall « Les collectivités locales, engagées au service de nos ruralités ».

M. Mathieu Darnaud, président . - Notre délégation a créé un groupe de travail, présidé par le président Bockel, dont les quatre rapporteurs sont Bernard Delcros, Jean-François Husson, Franck Montaugé et Raymond Vall. Le groupe comportait cinq autres membres : Françoise Gatel, Charles Guené, Jean-Claude Luche, Christian Manable et Rémy Pointereau.

Une douzaine d'auditions et de tables rondes ont été organisées, ainsi que cinq déplacements - dans le Cantal, les Ardennes, le Gers et en Haute-Garonne ainsi qu'en Autriche. Un colloque, organisé le 7 novembre dernier, a permis à de nombreux élus locaux de terrain d'exposer leurs expériences.

Jean-Marie Bockel et les rapporteurs ont choisi de ne pas se complaire dans une vision négative et décliniste de la ruralité mais, au contraire, d'en montrer les atouts et le dynamisme. Ils ont également souhaité faire des propositions réalistes, notamment du point de vue budgétaire, ce qui n'empêche pas le rapport de fourmiller d'ambitieuses recommandations.

Enfin, tout en considérant que le développement des territoires ruraux ne pouvait faire l'impasse sur le partenariat entre l'État et les collectivités, ils se sont attachés à valoriser les bonnes pratiques mises en oeuvre par ces dernières en faveur de leurs territoires.

M. Franck Montaugé, rapporteur . - Je tiens tout d'abord à remercier notre président Jean-Marie Bockel pour la conduite de nos travaux.

Premier constat : la politique consacrée aux ruralités ne se résume pas à des questions institutionnelles, budgétaires ou administratives. Les acteurs ruraux ont besoin de considération et de reconnaissance. Cette exigence de reconnaissance se conjugue à une demande d'équité par rapport à l'ensemble des territoires français. La stigmatisation symbolique et statistique dont souffrent les territoires ruraux est d'autant plus inacceptable que ceux-ci sont très divers et le plus souvent dynamiques.

Qu'on le veuille ou non, le sentiment d'abandon est vif parmi les Français qui vivent dans ces territoires ruraux. D'après une récente étude de l'Institut français d'opinion publique (IFOP), 51 % des ruraux et 62 % des Français estiment que le monde rural est abandonné ; deux tiers des Français et près de la moitié des ruraux placent la « France des campagnes » en tête des territoires délaissés, devant la « France des banlieues » ou la « France périurbaine ».

Le langage dévalorise fréquemment les ruralités, et les statistiques ont peu à peu réduit la place du rural, qui n'est plus appréhendé que par le prisme de l'urbain. C'est ainsi qu'avec le zonage en aires urbaines, depuis 2010 les communes non urbaines sont désormais identifiées comme « communes isolées hors influence des pôles urbains ». L'Insee titrait en 2011 : « 95 % de la population vit sous l'influence des villes » ; et le CGET d'affirmer : « Près de 83 % de la population française vit aujourd'hui dans une grande aire urbaine. »

Or, d'autres modes de calcul, fondés sur la densité de population et sur les bassins de vie, aboutissent à des chiffres qui réévaluent très sensiblement la part rurale de la population nationale, qui atteint alors plus de 30 % de la population. Cet enjeu est essentiel, puisque de lui dépend largement l'intérêt que vont porter les médias, les institutions politiques, les autorités administratives ou les entreprises à ce monde rural. J'ai lu récemment que le Gouvernement s'engageait à développer la 5G prioritairement dans les territoires d'industrie : cela ne va pas du tout dans le bon sens !

Le groupe de travail rejoint les propositions du rapport de la mission pour l'Agenda rural relatives au développement d'autres indicateurs statistiques. L'Insee va lancer une réflexion en ce sens. L'enjeu est de mieux reconnaître les apports des ruralités à la société, ce que l'on appelle les aménités - ou les externalités positives - rurales. Certaines de ces aménités sont subjectives - beauté, charme, ampleur du paysage - ; d'autres sont plus objectives et peuvent être considérées comme un stock de ressources : zones aquatiques, aires résidentielles, qualité de l'air, patrimoine historique et culturel, etc.

Notre groupe de travail recommande d'engager une réflexion avec l'INSEE pour définir bouquet d'aménités qui serait utilisé dans la décision publique, par exemple pour fixer le niveau des dotations.

M. Jean-François Husson, rapporteur . - Pour jouer à plein leur rôle d'incitation, les collectivités et leurs groupements doivent pouvoir s'appuyer sur un partenariat effectif et solide avec l'État.

Nous nous sommes rendus en Autriche : le budget des neuf Länder autrichiens dépasse les 34 milliards d'euros pour une population de seulement 8,7 millions d'habitants, alors que le budget français des régions n'est que de 32 milliards d'euros pour 63 millions d'habitants. Les moyens des collectivités françaises ne leur permettant pas de tout faire, l'État doit les aider et faire jouer, en leur faveur, la solidarité nationale.

Dans un rapport de 2016, nos collègues Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont avaient relevé trois obstacles à l'efficacité des administrations déconcentrées dans leurs relations avec les collectivités : l'insuffisante cohérence de l'État déconcentré ; la contradiction entre l'affaiblissement progressif des services déconcentrés et la propension intacte de l'État à toucher à tout ; ainsi que l'éloignement et le désengagement de l'État, avec notamment la fermeture de services publics.

La situation décrite en 2016 s'est aggravée et l'État central doit mieux prendre en compte les territoires ruraux dans la définition de ses politiques - la parenthèse non refermée des « gilets jaunes » nous l'a rappelé. L'État doit devenir plus facilitateur que contrôleur. Enfin, l'État doit garantir un socle minimal de services dans les territoires. Le soutien aux territoires ruraux est une composante de la solidarité nationale, qui doit permettre de renforcer l'investissement et de moderniser ces territoires.

Il nous paraît d'abord indispensable de garantir une vision intégrée et interministérielle du soutien et de l'accompagnement des territoires ruraux : nous proposons de désigner, auprès de chaque ministre, un haut fonctionnaire aux ruralités.

Ces territoires ont aussi besoin d'une programmation pluriannuelle de moyen et long terme, par exemple via un programme budgétaire spécifique au sein de la mission « Cohésion des territoires » et, éventuellement, la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi d'orientation budgétaire pour les territoires ruraux.

Pour établir cette programmation, nous avons besoin d'une meilleure connaissance de la situation des territoires ruraux et de leurs apports à la société ; il nous manque un observatoire des territoires ruraux, qui nous permettrait aussi d'observer les interactions entre territoires ruraux et urbains.

Nous suggérons la mise en place, dans les programmes des écoles du service public, de modules obligatoires sur les ruralités ainsi qu'un stage obligatoire en territoire rural.

Nous sommes convaincus que l'ANCT, à elle-seule, ne sera pas en mesure de faire évoluer les choses en matière d'ingénierie territoriale. Nous avançons donc deux propositions concrètes : pour les missions ponctuelles d'ingénierie, des référents territoriaux seraient choisis dans chaque corps d'inspection et de contrôle de l'État, afin d'intervenir au bénéfice des territoires ruraux ; pour des missions d'ingénierie plus lourdes, seraient constituées, dans chaque région, des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie, formées de membres des corps de contrôle de l'État et pouvant être saisies par les collectivités territoriales ou par l'ANCT.

M. Raymond Vall, rapporteur . - Je remercie à mon tour notre président Jean-Marie Bockel.

Les moyens des collectivités sont aujourd'hui très fragiles. Une des pistes pour garantir leur développement équilibré est leur regroupement, autour d'un projet. Comme l'a écrit Antoine de Saint-Exupéry : « pour réunir des hommes et des femmes, il faut leur donner un projet ».

L'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP), que je préside, regroupe 280 territoires. Or 50 % d'entre eux reconnaissent ne pas avoir de projet et, parmi ceux qui en sont dotés, 25 % estiment que leur projet est dépassé.

Ces territoires de projet doivent exploiter les forces endogènes et ouvrir leur démarche à la société civile afin de construire une dynamique. Nous disposons de plusieurs outils : l'intercommunalité - dès lors qu'elle a une dimension suffisante -, les agglomérations et les PETR. La moyenne de population des PETR se situe entre 50 000 et 80 000 habitants. Ils peuvent désormais être dotés d'un conseil de développement, sur le modèle du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) placé auprès de la région. Ne faudrait-il pas revoir la loi NOTRe pour ouvrir le conseil syndical des PETR à la société civile ? Nous devons trouver une solution pour faire participer l'ensemble des acteurs du territoire à un projet qui les concerne au premier chef.

L'idée de projets de territoire n'est pas nouvelle : la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite loi Pasqua, a créé les pays. Aujourd'hui plus que jamais, c'est une idée qui nous semble nécessaire. Le projet de territoire, c'est aussi une forme de solidarité et d'union des intercommunalités sur un territoire.

Le projet constitue également un levier de négociation avec les partenaires extérieurs : État, région, département, etc., pour s'engager dans une contractualisation. C'est d'autant plus important à l'heure des grandes régions, avec des interlocuteurs plus éloignés. Les régions, qui ont fusionné, cherchent d'ailleurs aussi des partenaires structurés pour dialoguer et identifier les dynamiques locales tout en évitant les phénomènes de concurrence territoriale. Les PETR permettent d'atteindre une taille critique en termes de moyens et d'interconnecter les territoires pour plus de solidarité. C'est pourquoi ils doivent recouvrir un territoire et un bassin de population d'une certaine importance - 40 000 ou 50 000 habitants au moins, comme c'est déjà le cas dans certaines régions, ce qui dépasse la dimension des intercommunalités en milieu rural.

Enfin, vis-à-vis des élus mais aussi du personnel, le projet de territoire constitue un outil de mobilisation et de pilotage stratégique, politique et managérial. Nous souhaitons donc que toutes les collectivités et intercommunalités soient encouragées à se doter d'un projet de territoire en leur offrant un soutien à son élaboration, à son animation et à son suivi, en particulier dans le cadre des CPER 2021-2027.

Un autre gage de réussite pour les territoires ruraux et leurs collectivités réside dans leur capacité à nouer des alliances et à constituer des formes d'interterritorialité, au-delà des départements dont le cadre départemental n'est pas souvent compatible avec la dynamique économique. Le PETR y contribue.

Notre question était de savoir comment mieux répartir la richesse entre les métropoles et les territoires ruraux, et renforcer la relation entre eux ? Nous avons réalisé plusieurs déplacements et faisons plusieurs propositions.

Tout d'abord, nous voulons relancer la mise en oeuvre du pacte État-métropoles, signé en 2016, et de son volet « Contrat de coopération métropolitaine », qui avait été doté d'une enveloppe de 10 à 15 millions d'euros pour faciliter l'établissement de relations entre les métropoles et les territoires. À ma connaissance, seules quatre métropoles ont signé des contrats de coopération métropolitaine - c'est trop peu.

Nous voulons faire connaître les atouts des coopérations territoriales, notamment des contrats de réciprocité. Cinq contrats de réciprocité ont été signés. Nous étudions à cet égard les résultats de deux d'entre eux : le contrat Brest Métropole-Pays du Centre Ouest Bretagne et le contrat Toulouse Métropole-Pays Portes de Gascogne. Les deux cas sont très différents : le premier est né initialement d'un projet autour de la santé. J'ai eu de la peine en constatant que ses initiateurs ont été battus aux élections, mais l'ingratitude est le lot commun en politique... S'agissant de la région toulousaine, le plus important me semble être la relation humaine qui s'est instaurée. La rencontre entre les élus d'un territoire rural, organisé en PETR, et les élus du conseil métropolitain a été essentielle. Les cadres et directeurs de la métropole ont visité le territoire couvert par le contrat de coopération et sont venus voir ce qui se passait sur le terrain dans leurs domaines de compétence. Ces hauts fonctionnaires ont ensuite été en capacité de faire des propositions à leur collectivité pour enrichir le contrat.

Il importe aussi d'apporter un encouragement financier aux projets des collectivités engagées dans des coopérations territoriales, par exemple lors de la conclusion des contrats de ruralité ou à l'occasion de la négociation des CPER 2021-2027. Cette coopération est indispensable. N'oublions pas que des difficultés d'accès aux services publics, aux soins ou aux transports ont été à l'origine du mouvement des « gilets jaunes » ; or, les problèmes demeurent.

M. Bernard Delcros, rapporteur . - Nous souhaitons aussi faciliter le soutien à l'ingénierie des collectivités et de leurs groupements. Ici encore, il n'est pas question d'être exhaustif, mais de vous présenter les propositions les plus emblématiques. Nos collègues Charles Guené et Josiane Costes seront amenés à approfondir le sujet dans leur rapport sur l'ingénierie territoriale.

Chacun s'accorde à dire que le développement de l'ingénierie est un sujet crucial, mais, cela étant dit, chacun ne vise pas la même chose. Les représentants de l'État, parfois un peu éloignés des territoires, ont tendance à considérer que la création de l'ANCT règle le problème de l'ingénierie. Mais lorsqu'une collectivité aura un projet, elle devra se tourner vers le préfet, qui organisera une table ronde avec les financeurs pour trouver les crédits nécessaires. C'est important, certes, mais cela ne suffit pas à répondre aux attentes. Il est vrai qu'une enveloppe de 10 millions d'euros supplémentaires a été mise sur la table pour l'ingénierie, mais on ne sait pas encore comment ces crédits seront fléchés. Certains départements ont aussi mis en place des plateformes d'ingénierie. Elles permettent d'aider une commune à réaliser des opérations ponctuelles. C'est utile, mais cela ne suffit pas à assurer le développement rural. D'autres disent que les capacités en ingénierie existent mais qu'elles sont trop dispersées. Il suffirait de les mutualiser et de les mettre en réseau. C'est vrai aussi. On entend aussi que beaucoup de financements existent déjà pour réaliser des études, etc. C'est juste, mais tout cela n'est pas suffisant. Si nous voulons réussir le développement territorial, donner toutes les chances aux territoires ruraux de réussir leurs projets, il faut doter les territoires d'une ingénierie en interne, donc leur permettre de monter en compétence pour acquérir les ressources humaines capables d'accompagner les élus tout au long de l'année pour élaborer des stratégies, les mettre en oeuvre, monter les dossiers, en assurer le suivi, connaître les bonnes pratiques, trouver des financements, etc. Bref, on a besoin d'une ingénierie de suivi, d'animation au quotidien. Ainsi, pour aider les collectivités en ce sens, nous envisageons de modifier certaines dispositions réglementaires et de trouver des moyens financiers, pas nécessairement nouveaux d'ailleurs puisque l'on pourrait aménager les dispositifs existants.

Pour monter en compétence, les collectivités doivent pouvoir attirer les talents. Nous nous sommes interrogés sur la pertinence de certaines normes législatives ou réglementaires qui encadrent les niveaux de recrutement et de rémunération des personnels territoriaux. À titre d'exemple, est-il encore justifié que des administrateurs territoriaux et des ingénieurs en chef ne puissent être recrutés que par les communes de moins de 40 000 habitants ou les PETR ? Il est temps de faire confiance aux capacités de décision et de gestion des élus en matière de recrutement pour assurer le développement de leurs territoires.

Nous proposons aussi de faire évoluer certains dispositifs financiers, telles que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), pour faciliter le financement de l'ingénierie interne. Alors qu'une deuxième génération de contrats de ruralité est en préparation, il faut que ces contrats, financés via la DSIL, aient une part réservée à l'ingénierie interne, car actuellement ils ne prennent pas en charge l'ingénierie d'animation. Dans mon rapport sur les contrats de ruralité, j'appelais à conditionner la signature d'un contrat de ruralité à « la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre, en assurant le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État, dans le cadre du financement prévu pour les contrats de ruralité ». Il faut aussi prévoir des crédits consacrés à l'ingénierie interne dans les CPER.

M. François Calvet . - Je félicite nos rapporteurs pour le travail extraordinaire qu'ils ont réalisé. La question de la matière grise est centrale. J'ai vu peu à peu mourir les cantons autour de Font-Romeu parce que les services de l'État sont partis. A-t-on bien fait de supprimer les subdivisions ? Des professionnels venaient dans les communes pour réaliser différents travaux, installer les réseaux, etc. Les communes disposaient ainsi du soutien de l'État. L'État s'est réorganisé. On a supprimé des fonctionnaires au niveau local et on les a concentrés au niveau central.

M. Mathieu Darnaud, président . - C'est pour cela que nous proposons des redéploiements !

M. François Calvet . - Je suis tout à fait d'accord avec cette proposition. Les communes n'ont pas les moyens de payer ces fonctionnaires. Lors des travaux sur la route départementale entre Perpignan et Bourg-Madame, la déclaration d'utilité publique a été annulée. L'État a décidé de réaliser des déviations ; faute d'accord dans un village, j'ai proposé aux 15 ingénieurs de l'État de réaliser les travaux d'aménagement urbain préalables dans le village, car il n'a pas les moyens de les réaliser. Il m'a été répondu, très froidement, que ce n'était pas la compétence de l'État ! J'ai écrit au préfet, il ne m'a pas répondu...

L'État ne nous aide plus. Les fonctionnaires ne se déplacent plus sur le terrain et préfèrent consulter Google Maps pour délivrer les permis : un permis a ainsi été refusé à une commune à cause de la présence alléguée d'un talus, qui n'existe pas sur le terrain... Il est donc important qu'une partie des dotations de l'État soit consacrée à l'ingénierie. On ne peut pas faire un PETR sans les personnes capables de l'élaborer. La communauté urbaine de Perpignan Méditerranée peut le faire, mais ce n'est pas possible partout. On pourrait aussi s'appuyer sur les fonds européens. En tout cas, les territoires sont à bout de force et il faut les aider à développer une ingénierie d'animation.

M. Charles Guené . - Ce rapport nourrira la réflexion que nous menons avec Josiane Costes sur l'ingénierie territoriale. Les sujets sont imbriqués. Se lamenter sur l'abandon des territoires ne sert à rien, il faut passer à une phase offensive. Il faut ainsi s'emparer de la question des maisons de services au public, dont les problèmes sont connus : masse critique de population, polyvalence des personnels, culture de service, etc. On manque surtout d'ingénierie de projet : il faut une taille critique de population pour pouvoir la mettre en place. Les agglomérations peuvent la posséder, mais les intercommunalités sont souvent trop petites. En l'absence de PETR, les départements devraient constituer des pôles pour atteindre la masse critique. J'espère que nos propositions permettront de faire avancer le débat.

Mme Josiane Costes . - J'avais placé beaucoup d'espoirs dans l'ANCT, qui était une proposition de notre groupe, mais, alors que nous demandions 150 millions d'euros, nous n'en avons eu que 50 et le mécanisme reste à la main des préfets. Donc on voit bien que l'ANCT, telle qu'elle a été configurée, ne pourra malheureusement pas régler tous les problèmes.

Avec 54 000 habitants, l'agglomération d'Aurillac a les moyens de mener certains projets en interne, mais ce n'est pas le cas des petites communautés de communes, qu'il faut donc aider. Le problème de la matière grise est central. Les fonctionnaires sont partis. On l'a vu dans le Cantal, il ne reste qu'une poignée de fonctionnaires chargés des affaires courantes à la sous-préfecture de Mauriac.

M. Mathieu Darnaud, président . - Un mot sur l'ANCT, dont la création avait été proposée par Jacques Mézard. Le Sénat avait voulu confier sa gouvernance aux élus et aux territoires, non aux représentants de l'État... Il faudra continuer à se battre sur ce sujet. Et je n'évoque pas les financements : 10 millions d'euros d'argent frais, c'est presque du mépris pour les territoires et leurs besoins !

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation approuve le rapport et en autorise la publication.

M. Mathieu Darnaud, président . - Je vous propose d'autoriser aussi la publication des actes du colloque Les collectivités territoriales, leviers de développement des ruralités , que nous avions organisé le 7 novembre dernier.

Il en est ainsi décidé.

ANNEXE 2 :
LES PÔLES D'EXCELLENCE RURALE, À L'ORIGINE DE PROJETS DE TERRITOIRES, L'EXEMPLE DU GERS

PER Cirque contemporain : a débouché sur un pôle national de cirque contemporain et un festival du même type « CIRCA » qui accueille 35 000 spectateurs par an.

PER Viande bovine : a permis de sauver et de développer l'abattoir d'Auch qui était promis à la fermeture, grâce à une solution originale consistant à faire porter le foncier et l'immobilier par l'agglomération et l'exploitation par une société par action regroupant les éleveurs locaux, la société d'abattage, la chambre d'agriculture... Cet abattoir contribue notamment au développement des filières courtes locales.

PER Aéronautique : réfection piste et création taxiway puis installation d'entreprises sur la plateforme (+ 300 emplois) et transformation de l'aérodrome en aéroport.

PER Filière gras et volailles festives : création écosystème de valorisation des productions traditionnelles locales dans un contacte agricole de polyculture-élevage.

PER Télémédecine : télésanté permettant la transmission de données numériques d'analyses et de clichés entre cabinets ruraux, CH d'Auch et CHU Toulouse.

ANNEXE 3 :
LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS RURALES
AUX DIFFÉRENTES POLITIQUES PUBLIQUES RELEVANT DE L'ÉTAT, QUELQUES EXEMPLES RELATIFS À UN EPCI
DE LA RÉGION OCCITANIE

(EPCI de 43 communes, 21 000 habitants, densité de 14 habitants au km², 14% de la population est non imposable à l'impôt sur le revenu)

Numérique : les dépenses d'investissement sont de 145 000 euros par an (sur vingt ans) pour la contribution au numérique haut débit, soit 2 900 000 euros pour la période.

Transport : l'EPCI contribue à hauteur de 250 000 euros pour l'aménagement d'une liaison ferroviaire fret et contribue à hauteur de 36 000 euros pour l'étude d'une ligne à grande vitesse.

Santé : l'EPCI contribue à hauteur de 500 000 euros d'investissements pour la création de deux maisons de santé. Il finance aussi un régime d'aide à l'installation de médecin (convention avec un étudiant) à hauteur de 25 000 euros par implantation.

ANNEXE 4 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

« QUEL AVENIR POUR LES SERVICES PUBLICS DANS LES TERRITOIRES ?
LES PROPOSITIONS DU RAPPORT DU COMITÉ ACTION PUBLIQUE 2022 (CAP 2022) RELATIVES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À L'ACTION PUBLIQUE LOCALE »
TABLE RONDE DU 22 NOVEMBRE 2018

• Comité Action Publique 2022

Véronique BÉDAGUE-HAMILIUS, Co-présidente

Michèle KIRRY, Responsable du Groupe « Nouvelle action publique territoriale » et préfète de la région Bretagne

« ÉTAT DES LIEUX DES RURALITÉS AVEC DES EXPERTS »
TABLE RONDE DU 13 DÉCEMBRE 2018

• Université Clermont-Auvergne

Laurent RIEUTORT, Professeur de géographie et Directeur de l'institut d'Auvergne du développement des territoires

• Université Lumière-Lyon-II

Claire DELFOSSE, Professeur de géographie et Directrice du laboratoire d'études rurales

• Université Jean-Moulin-Lyon-III

Samuel DEPRAZ, Maître de conférences

• Université Paris-Sorbonne

Gérard-François DUMONT, Professeur à l'Institut de géographie

« LE REGARD DES ASSOCIATIONS D'ÉLUS LOCAUX SUR L'ÉTAT DES LIEUX ACTUEL
DES RURALITÉS ET LES POLITIQUES PUBLIQUES LES CONCERNANT »
TABLE RONDE DU 23 JANVIER 2019

• Assemblée des départements de France (ADF )

Loïc HERVÉ, Sénateur de la Haute-Savoie

• Association des maires de France (AMF )

Rachel PAILLARD, Vice-présidente, Rapporteure de la commission des communes et territoires ruraux, Maire de Bouzy

« L'ÉTAT ET LES TERRITOIRES RURAUX »
TABLE RONDE DU 31 JANVIER 2019

• Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET )

Juliette BISARD, Coordinatrice des politiques de développement rural à la Direction du développement des capacités des territoires

Sophie DUVAL-HUWART, Directrice du développement des capacités des territoires

• Direction de la modernisation et de l'action territoriale du ministère de l'Intérieur

Laurent BUCHAILLAT, Sous-directeur de l'administration territoriale

• Direction départementale des territoires de l'Ariège

Patricia BRUCHET, Directrice adjointe

• Sous-direction du pilotage des services déconcentrés services du premier ministre

Christine FLAMANT, Adjointe à la Sous-directrice

« LES TERRITOIRES DE PROJETS »
TABLE RONDE DU 7 FÉVRIER 2019

• Assemblée des communautés de France (AdCF )

Corinne CASANOVA, Vice-présidente à l'urbanisme et au foncier

Maxime GOUDEZEUNE, Conseiller santé et ruralité

• Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP)

Jean-François CESARINI, Vice-président et Député du Vaucluse

Michaël RESTIER, Directeur

Raymond VALL, Président et Sénateur du Gers

• Fédération des Parcs naturels régionaux

Éric BRUA, Directeur

Michaël WEBER, Président

• Fédération nationale des SCoT

Stella GASS, Directrice

Michel HEINRICH, Président

• Pôle d'équilibre territorial et rural du Pays d'Épernay

Yannick FLEURY, Directeur

• Pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Thiérache

Thierry VERDAVAINE, Président

« LES GRANDS OPÉRATEURS ET LES RURALITÉS »
TABLE RONDE DU 14 FÉVRIER 2019

• Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Guy FABRE, Directeur exécutif adjoint à l'action territoriale

• Caisse des dépôts et des consignations

Gisèle ROSSAT-MIGNOD, Directrice du réseau de la Banque des territoires

Philippe BLANCHOT, Directeur des relations institutionnelles

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des Solidarités et de la Santé

Éric GINESY, Chef de service au Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales

David SOUBRIÉ, Sous-directeur des professions sociales, de l'emploi et des territoires

• Groupe La Poste

Yannick IMBERT, Responsable des territoires

Smara LUNGU, Déléguée aux affaires territoriales et institutionnelles

• Orange

Claire CHALVIDANT, Directrice des relations institutionnelles

Laurentino LAVEZZI, Directeur des affaires publiques

• SNCF

Gilles BALLERAT, Directeur des opérations et des services Gares & Connexions

Laurence NION, Conseillère parlementaire

« DIRECTION INTERMINISTÉRIELLE À LA TRANSFORMATION DE L'ACTION PUBLIQUE »
AUDITION DU 15 MAI 2019

• Direction interministérielle à la transformation de l'action publique

Thomas CAZENAVE, Délégué interministériel à la transformation de l'action publique

« LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, LEVIERS DE DÉVELOPPEMENT
POUR LES TERRITOIRES RURAUX
? »
TABLE RONDE DU 23 MAI 2019

• Université Paris Nanterre, laboratoire d'économie

Nadine LEVRATTO, Directeur de recherche

• Science Po Rennes, chaire « Territoires et mutations de l'action publique »

Romain PASQUIER, Directeur de recherche

« LES ASS OCIATIONS RURALES »
TABLE RONDE DU 29 MAI 2019

• Fédération nationale Familles rurales

Jean-Baptiste BAUD, Responsable des relations institutionnelles

• Mouvement rural de la jeunesse chrétienne

Sonia BASSET, Présidente

• Union nationale des acteurs et des structures de développement local

Claude GRIVEL, Président

« LE CONTRAT DE RÉCIPROCITÉ BRESTOIS »
AUDITION DU 25 SEPTEMBRE 2019

• Brest Métropole

Jean-Pierre CAROFF, ancien Vice-président

• Conseil de développement du Pays Centre-Ouest Bretagne

Daniel CAILLAREC, Délégué général du conseil de développement

DÉPLACEMENT DANS LE CANTAL
20 MAI 2019

• Assemblée des départements de France (ADF)

Bruno FAURE, Président du département du Cantal

• Assemblée nationale

Jean-Yves BONY, Député du Cantal

Vincent DESCOEUR, Député du Cantal

• Communauté d'agglomération du Bassin d'Aurillac

Michel ROUSSY, Président

• Commune d'Aurillac

Pierre MATHONIER, Maire

• Commune de Bassignac

Marc MAISONNEUVE, Maire

• Commune de Ladinhac

Clément ROUET, Maire

• Commune de Le Vigean

Jean-Pierre SOULIER, Maire

• Commune de Madic

Mireille LEYMONIE, Première adjointe

• Commune de Neuvéglise-sur-Truyère

Sébastien PISSAVY, Maire

• Commune d'Ytrac

Roland CORNET, Maire et Conseiller départemental et Président de l'AMF du Cantal

• Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Cantal

Bernard VILLARET, Président

• Préfecture du Cantal

Isabelle SIMA, Préfet

• Sénat

Josiane COSTES, Sénatrice du Cantal

DÉPLACEMENT À VIENNE (AUTRICHE)
DU 3 AU 5 JUILLET 2019

• Association des agriculteurs autrichiens

Georg STRASSER, Président

Norbert TOTSCHNIG, Directeur

• Chambre agricole d'Autriche

Karl BAUER, Responsable du développement de la politique agricole et régionale

Ferdinand LEMBACHER, Directeur

• Commune de Rust am Neusiedlersee

Gerold STAGL, Maire

• Ministère de la gestion durable et du tourisme d'Autriche

Julian GSCHNELL, Responsable du département innovation, développement local et coordination

Markus HOPFNER, Responsable du bureau du ministère du développement durable et du tourisme

Markus STADLER, Coordinateur des fonds du développement rural et de la pêche

Lukas WEBER-HAJSZAN, Responsable de l'environnement agraire, de l'agriculture biologique et de la gestion des zones défavorisées et de montagne

• Région de la Basse-Autriche

Gottfried ANGERLER, Responsable du développement de l'agriculture

Margit GÖLL, Députée du Parlement

Johannes KALTEIS, Responsable économie, tourisme et technologie

Eduard KÖCK, Membre du Bundesrat

Christine TROST-SCHRAML, Responsable écoles et jardins d'enfants

• Région du Burgenland

Hans Peter DOSKOZIL, Gouverneur

Manfred CADILEK, Responsable du développement durable

Harald HORVATH, Directeur de la gestion régionale

Harald ZAGICZEK, Directeur de Wirtschaft Burgenland

DÉPLACEMENT À RETHEL
17 JUILLET 2019

• Communauté de communes du Pays Rethelois

Renaud AVERLY, Président et membre du conseil d'orientation de l'AdCF

Alexa DURU, Directrice de cabinet du Président

Sébastien FORGET, Directeur général des services

André SARRAZIN, Vice-président

DÉPLACEMENT À TOULOUSE ET DANS LE GERS
26 SEPTEMBRE 2019

• Communauté de communes de la Gascogne Toulousaine

Francis IDRAC, Président

• Communauté de communes de la Lomagne gersoise

Jean-Louis CASTELL, Président

• Communauté de communes du Savès

Hervé LEFEBVRE, Président

• Pays Portes de Gascogne

Guy MANTOVANI, Président et Président de la communauté de communes Bastides de Lomagne

• Sénat

Alain CHATILLON, Sénateur de la Haute-Garonne

Brigitte MICOULEAU, Sénatrice de la Haute-Garonne

• Toulouse Métropole

Jean-Luc MOUDENC, Président et maire de Toulouse


* 1 Cf. rapport Sénat n° 219 : Actes du Colloque « Les collectivités territoriales, leviers de développement des territoires ruraux », Sénat, 7 novembre 2019, session 2019-2020.

* 2 Entretien paru dans NM, le Magazine de la Nièvre, n° 4, mai 2014.

* 3 Entretien paru dans NM, le Magazine de la Nièvre, n° 4, mai 2014.

* 4 Ifop, Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie , étude réalisée pour Familles Rurales, avec le soutien de la MSA, de RTE et de l'ADEME, octobre 2018.

* 5 ELABE, La France en morceaux , Baromètre des Territoires 2019.

* 6 15% pour les répondants dont le niveau de vie est inférieur à 1 000 € par mois et 25% pour les répondants dont le niveau de vie est supérieur à 2 000 € par mois.

* 7 UMR CESAER (Inra / AgroSup Dijon) ; UMR ThéMA (Université de Franche-Comté / CNRS) ; UR DTM (Cemagref) et UMR METAFORT (AgroParisTech / Cemagref / Inra / VetAgroSup).

* 8 Nicole Mathieu, « La notion de rural et les rapports ville-campagne en France - Les années quatre-vingt-dix », Économie rurale, n° 247, 1998. pp. 11-20.

* 9 Recensement général de la population.

* 10 Pour une présentation globale des zonages Insee, voir « Les zonages d'étude de l'Insee, Une histoire des zonages supracommunaux définis à des fins statistiques », Insee Méthodes, n° 129, mars 2015.

* 11 Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), « Les dynamiques de population », Fiche d'analyse En Détail , juin 2017.

* 12 Insee, « Les zonages d'étude de l'Insee », Insee Méthodes, n° 129, 2015.

* 13 Chantal Brutel, « Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 : 95% de la population vit sous l'influence des villes », Insee Première, n° 1374, 2011.

* 14 Insee Première, « Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012 », n° 1 425, décembre 2012.

* 15 Communication écrite transmise au groupe de travail.

* 16 Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Cultiver les aménités rurales : une perspective de développement économique , 1999.

* 17 Voir notamment Amédée Mollard, Christophe Boschet, Jean-Christophe Dissart, Anne Lacroix, Mbolatiana Rambonilaza et Dominique Vollet, « Les aménités environnementales : quelle contribution au développement des territoires ruraux ? », VertigO - La revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-série 20, décembre 2014.

* 18 Photolangage : « À partir d'échantillons de photos représentatives des écosystèmes d'un territoire donné, on enregistre les commentaires de ces usagers sur leur visualisation des aménités. Il est ainsi possible d'observer la construction des représentations et la perception cognitive des aménités environnementales sous-tendues par l'intention d'action ou au contraire de repos ».

Oculométrie : « On observe les traces du regard des usagers induits par l'observation des aménités (enregistrement des mouvements oculaires) avec pour objectif de confronter les résultats du photolangage à une projection objective du regard enregistrée pendant l'observation de "photos" d'aménités liées à la typologie écologique des systèmes d'aménités prédéfinis ». Ibid ., p. 8.

* 19 En 1901, la part de la population nationale vivant de l'agriculture est estimée à 42%. Elle est encore de 25% en 1946...

* 20 Voir, par exemple, le débat au Sénat du 1 er octobre 2019 sur « la régression de la place de l'agriculture française sur les marchés internationaux ».

* 21 Conseil d'État, « Mesurer l'inflation normative », Étude présentée en assemblée générale, 3 mai 2018.

* 22 Ministère de l'Égalité des territoires et du Logement, Objectifs 500 000, Rapport du groupe de travail 1 : Simplifier la réglementation et l'élaboration des normes de construction et de rénovation , février 2014.

* 23 Sénat, Réduire le poids des normes en aval de leur production : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes , Rapport d'information n° 560 (2018-2019) de Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, juin 2019.

* 24 Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la consolidation du pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets, n° 15 (2019-2020) adoptée par le Sénat le 24 octobre 2019.

* 25 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2019 , fascicule 2, septembre 2019.

* 26 Sénat, Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités , Rapport d'information n° 181 (2016-2017) d'Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, décembre 2016.

* 27 Créée le 14 février 1963, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) a pris le nom de Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) de 2005 à 2009. Redevenue DATAR en 2009, mais pour Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, elle a été remplacée en 2014 par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) qui reprend ses missions, mais aussi celle du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SGCIV) et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Le CGET disparaît le 1 er janvier 2020, ses attributions étant réparties entre l'Agence nationale de la cohésion des territoires et la Direction générale des collectivités locales.

* 28 Le décret créant le CGET a été abrogé, à compter du 1 er janvier 2020, par le décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 29 Décret n°2017-1860 du 30 décembre 2017 modifiant le décret n°2014-394 du 31 mars 2014 portant création du Commissariat général à l'égalité des territoires.

* 30 Thierry Wahl, Rapport de la commission pour la création d'un Commissariat général à l'égalité des territoires , ministère de l'Égalité des territoires et du logement, février 2013.

* 31 Décret n°2014-394 du 31 mars 2014 modifié portant création du Commissariat général à l'égalité des territoires.

* 32 Arrêté du 20 décembre 2019 relatif à l'organisation de la direction générale des collectivités locales. Le décret n° 2019-1416 du 20 décembre 2019 portant modification du décret n°2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer se contente, lui, d'ajouter parmi les missions de la DGCL « la détermination des politiques de cohésion, d'aménagement du territoire et de la politique de la ville ».

* 33 Sénat, Les pôles d'excellence rurale : un accélérateur des projets issus des territoires , Rapport d'information n° 622 (2008-2009) de Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l'Économie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, septembre 2009.

* 34 Réponse du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales à la question écrite d'Alain Fouché, n° 878, JO du Sénat du 7 mars 2019.

* 35 Assemblée nationale, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, « Mission flash sur l'efficacité du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) à l'aune de la politique européenne », par Anne Blanc et Véronique Louwagie, novembre 2018.

* 36 Inspection générale de l'éducation nationale et Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Mission ruralité, Adapter l'organisation et le pilotage du système éducatif aux évolutions et défis des territoires ruraux , Rapport d'étape n° 2, par Marie-Blanche Mauhourat et Ariane Azéma, juillet 2018.

* 37 Voir Laurent Davezies et Philippe Estèbe, Les nouveaux territoires de la croissance : vers un retournement historique de la géographie économique ? , Rapport d'étude pour le compte de l'Institut Caisse des Dépôts pour la Recherche et du PUCA, L'Observatoire de l'Économie et des Institutions Locales-L'OEil, novembre 2014.

* 38 Serge Morvan « Rapport de préfiguration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, France Territoires », juin 2018.

* 39 Le comité comprend des représentants de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, de l'Agence nationale de l'habitat, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, de la Caisse des dépôts et consignations.

* 40 Assemblée nationale, deuxième séance du mardi 12 mars 2019.

* 41 Sénat, Les préfectures à l'heure de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) , Rapport d'information n° 77 (2013-2014) de Michèle André, fait au nom de la commission des Finances, octobre 2013.

* 42 Cour des comptes, « Les services déconcentrés de l'État, Clarifier leurs missions, adapter leur organisation, leur faire confiance », Rapport public thématique, décembre 2017.

* 43 Sénat, Projet de loi de finances pour 2019 : Administration générale et territoriale de l'État , Rapport général n° 147 (2018-2019) de Jacques Genest, fait au nom de la commission des Finances, novembre 2018.

* 44 Sénat, Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier , rapport d'information n° 720 (2015-2016) de François Calvet et Marc Daunis, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, déposé le 23 juin 2016.

* 45 Le Sénat avait inséré dans le projet de loi ELAN un article 24 ter créant une conférence de conciliation et d'accompagnement des projets locaux au niveau départemental. Cette disposition a été supprimée en commission mixte paritaire.

* 46 Hugo Soutra, « Le plan "Action coeur de ville" sera-t-il à la hauteur pour dissiper le blues des élus locaux ? », Le Courrier des maires, 9 avril 2018.

* 47 Inspection générale de l'Administration, « Rapport d'évaluation de l'expérimentation d'appui interministériel au développement et à l'expertise en milieu rural (AIDER) », avril 2016.

* 48 Circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État.

* 49 Circulaire du Premier ministre du 24 juillet 2018 sur l'organisation territoriale des services publics et circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État.

* 50 Inspection générale de l'administration, Conseil général de l'environnement et du développement durable, Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, Inspection générale des affaires sociales, Évaluation du dispositif de revitalisation rurale (ZRR), ministère de l'Intérieur, ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, ministère des Affaires sociales et de la Santé, janvier 2015.

* 51 Sénat, Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020 , Rapport d'information n° 41 (2019-2020) de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable et de la commission des Finances, octobre 2019.

* 52 La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), créée par l'article 179 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 et résultant de la fusion de la Dotation globale d'équipement (DGE) des communes et de la Dotation de développement rural (DDR), a été modifiée par l'article 32 de la loi n° 2011-900 de finances rectificative pour 2011.

* 53 Sénat, Projet de loi de finances pour 2019 : Relations avec les collectivités territoriales , Avis n° 153 (2018-2019) de Loïc Hervé, fait au nom de la commission des Lois, novembre 2018.

* 54 Le préfet de département, après avoir arrêté la liste des opérations à subventionner et le montant de la subvention qui leur est attribuée, doit seulement la communiquer à la commission d'élus. En revanche, il n'a pas à la rendre publique. Toutefois, pour la première fois en 2018, quelques préfectures ont publié sur leur site Internet la liste des opérations subventionnées.

* 55 Ses moyens d'information ont été légèrement améliorés par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, qui impose au préfet de département d'adresser aux membres de la commission, cinq jours francs avant toute réunion, une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l'ordre du jour.

* 56 485 contrats de ruralité ont été signés au 1 er janvier 2019.

* 57 UNADEL, Mise en oeuvre des contrats de ruralité. Accompagnement par l'UNADEL de cinq territoires ruraux, éléments de synthèse , décembre 2016 - juillet 2017.

* 58 ADCT, ANPP, Vers la deuxième génération des contrats de ruralité. Les propositions des porteurs de contrats 2016-2020 , mars 2019.

* 59 Communautés de communes Val-Eyrieux et Lamastre en Ardèche ; communauté de communes du Bocage en Bourbonnais dans l'Allier ; PETR du Pays d'Auch dans le Gers ; communauté de communes Sausseron Impressionnistes dans le Val-d'Oise ; communauté de communes Alpes-Provence-Verdon-Source de Lumière dans les Alpes-de-Haute-Provence.

* 60 Sénat, Le contrat : un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural , Rapport d'information n° 673 (2018-2019) de Bernard Delcros, fait au nom de la commission des Finances, juillet 2019.

* 61 Cour des comptes, « L'accès aux services publics dans les territoires ruraux » mars 2019.

* 62 Clément Dherbécourt et Flore Deschard, La répartition territoriale des emplois publics , France stratégie, juin 2019.

* 63 Ariane Azéma, Pierre Mathiot, Mission territoires et réussite , Rapport remis le 5 novembre 2019.

* 64 Sénat, Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ? , Rapport d'information n° 635 (2018-2019) de Pascale Gruny, fait au nom de la délégation aux Entreprises, juillet 2019.

* 65 Sénat, Les collectivités territoriales et les infrastructures de transport , Rapport d'information n° 617 (2012-2013) de Jacques Mézard et Rémy Pointereau, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, mai 2013.

* 66 Articles L. 5223-1 à L. 5223-3 du code général des collectivités territoriales.

* 67 Jean-Claude Bontron, « Territoires de projet et intercommunalités de gestion, la double inconstance », Pour, 2011/2 n° 209-210, p. 187.

* 68 Sénat, Les pôles d'excellence rurale : un accélérateur des projets issus des territoires, op. cité.

* 69 Sénat, Nouveaux territoires de projet : les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et les pôles métropolitains , Rapport d'information n° 588 (2016-2017) de Jean-Marie Bockel et Charles Guené, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, juin 2017.

* 70 Eux-mêmes créés par la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière.

* 71 Pierre Calame, « Projets de ville, projets de vie, esquisse d'une théorie de l'action collective », Actes, n° 5, octobre 1991.

* 72 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

* 73 Sénat, « Nouveaux territoires de projet : les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et les pôles métropolitains », Rapport d'information n° 588 (2016-2017) de Jean-Marie Bockel et Charles Guené, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, 23 juin 2017.

* 74 Assemblée nationale, La préparation d'une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires , Rapport d'information n° 1015 (2017-2018) d'Arnaud Viala, président, Jean-François Cesarini et Guillaume Vuilletet, rapporteurs, mai 2018.

* 75 AdCF et Caisse des dépôts et consignations, Les projets de territoire des communautés : Enjeux et pratiques observées , étude, mars 2015.

* 76 Marielle Berriet-Solliec et Aurélie Trouvé, « Développement des territoires de projet. Quels enjeux pour les politiques rurales ? », Économie rurale, 335, 2013, 7-19.

* 77 Benoît Antheaume et Frédéric Giraut, « L'interterritorialité, des pistes pour hâter l'émancipation spatiale », in Le territoire est mort, vive les territoires !, 2005.

* 78 AdCF, Les projets de territoire des communautés, enjeux et pratiques observées , 2014.

* 79 Avec un coefficient d'intégration fiscal d'environ 70%.

* 80 Les services sont mutualisés, en particulier avec ceux de la ville de Rethel, qui conserve 25 emplois pour un total de 350 emplois communautaires.

* 81 Le Pays rethelois regroupe 65 communes dont une seule petite ville, Rethel, qui compte 8 500 habitants.

* 82 Instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) 2017.

* 83 Sénat, Le contrat : un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural , Rapport d'information n° 673 (2018-2019) de Bernard Delcros, fait au nom de la commission des Finances, juillet 2019.

* 84 Thomas Frinault, « Du guide des aides aux contrats de territoire : un triple repositionnement départemental », Politiques et management public, Vol 30/2, 2013.

* 85 Qui intègre : SRCE : Schéma régional de cohérence écologique, SRCAE : Schéma régional climat air énergie ; SRIT : Schéma régional des infrastructures et des transports, SRI : Schéma régional d'intermodalité ; et PRPGD : Plan régional de prévention et de gestion des déchets.

* 86 Sénat, Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse : raisons et conditions d'une réussite , Rapport d'information de Christian Manable et Françoise Gatel, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, n° 563 (2015-2016), avril 2016.

* 87 Sénat, L'adaptation locale de l'organisation territoriale, les rapports juridiques des collectivités territoriales entre elles et avec leurs groupements : actes du colloque du 15 mars 2018 , Rapport d'information n° 579 (2017-2018) de Jean-Marie Bockel, Françoise Gatel, Éric Kerrouche et Philippe Mouiller, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, juin 2018, et Sciences Po ; Les rapports des collectivités territoriales entre elles et avec leurs groupements, L'adaptation locale de l'organisation territoriale , rapport préparatoire de Jean-Bernard Auby et Estelle Bomberger-Pivot, mai 2018.

* 88 France stratégie, Plateforme RSE, Vers une responsabilité territoriale des entreprises , juillet 2018. Voir aussi Medef et Le Rameau, Construire ensemble l'engagement territorial des entreprises , octobre 2018.

* 89 Serge Morvan, Rapport de préfiguration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires , France Territoires, juin 2018.

* 90 Sénat, Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité , Rapport d'information n° 565 (2016-2017) de Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable, mai 2017.

* 91 Principalement par l'intermédiaire du Fonds de soutien à l'investissement public local.

* 92 Gwénaël Doré, « La contractualisation territoriale des conseils régionaux », Revue d'Économie Régionale & Urbaine, vol. août, n o 1, 2014, pp. 157-172.

* 93 Niels Planel, « La fracture territoriale », Le Débat, 2019/4 n° 206.

* 94 Sénat, Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : rapport d'étape , Rapport d'information de Martial Bourquin et Rémy Pointereau, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales et de la délégation aux Entreprises, n° 676 (2016-2017), juillet 2017.

* 95 Sénat, Proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs , n° 460 (2017-2018), enregistrée à la Présidence du Sénat le 20 avril 2018.

* 96 Sénat, Sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France , rapport d'information n° 745 (2018-2019) de Colette Mélot, fait au nom de la mission d'information Sous-utilisation des fonds européens, 25 septembre 2019.

* 97 Assemblée nationale, Une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires , Rapport d'information n° 1015 (2017-2018) d'Arnaud Viala, Jean-François Cesarini et Guillaume Vuilletet, mai 2018.

* 98 Sénat, Le contrat : un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural , Rapport d'information n° 673 (2018-2019) de Bernard Delcros, fait au nom de la commission des Finances, juillet 2019.

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