AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de développer l'agriculture biologique, pour s'incarner aujourd'hui dans le « programme Ambition bio 2022 » présenté en juin 2018, remonte déjà à quelques décennies.

Initialement portée par des producteurs pionniers , l'agriculture biologique a été élevée au rang de priorité des politiques publiques agricoles et environnementales à partir de 2008 dans le cadre de la démarche du Grenelle de l'environnement.

On a considéré alors que les apports de l'agriculture biologique, tant au regard de l'alimentation que de l'environnement, justifiaient de faire de son développement un objectif à part entière d'une politique publique appelée à mobiliser plusieurs instruments spécifiques.

Cette double matrice agricole et environnementale tend souvent à être négligée aujourd'hui puisqu'aussi bien la promotion de l'agriculture biologique passe principalement par la voie consumériste , celle qui souligne les qualités supposées supérieures pour les consommateurs des produits, essentiellement alimentaires, issus de l'agriculture biologique.

La polarisation de la justification de la politique de développement de l'agriculture biologique autour des bénéfices qu'elle apporterait au consommateur trouve un écho dans la contribution majeure que celui-ci apporte , de son côté, aux équilibres économiques qui constituent le contexte du développement de l'agriculture biologique.

Jusqu'à présent, le développement de l'agriculture biologique, même si il a mobilisé de plus en plus de concours publics, a reposé sur des dynamiques de marché qui ont permis, du fait de modifications significatives des comportements de demande et d'offre d'internaliser les externalités positives d'un mode de production que le marché valorisait spontanément peu jusqu'à une période récente.

Les évolutions de marché ont été jusqu'à permettre de compenser, plus ou moins complètement, les impasses de financement public apparues au cours de la programmation budgétaire pluriannuelle en vigueur dont les impacts défavorables sur les opérateurs quoique condamnables, ont été de ce fait jusqu'à présent limités.

En bref , la politique publique de développement de l'agriculture biologique a, jusqu'à présent, pu être conduite à « petits coûts budgétaires » car à « grands prix de marché ».

Il s'agit là d'une situation paradoxale dans la mesure où la consécration d'une politique publique pour l'agriculture biologique a pu être fondée, comme c'est toujours le cas, sur le constat d'imperfections de marché.

On pourrait se féliciter que l'organisation de la visibilité et de la désirabilité des productions de l'agriculture biologique ait permis d'en favoriser le décollage à moindres coûts collectifs.

Pour autant, cette dernière situation mérite un examen approfondi afin de préciser la portée de l'essor, largement publicisé mais trop souvent peu analysé, de l'agriculture biologique.

À l'examen, les capacités de production biologique malgré leur renforcement, demeurent affectées de très grandes fragilités. L'échec annoncé de l'ambition du projet « Ambition bio 2022 » de convertir 15 % de la surface agricole française en bio (et celui correspondant de livrer 20 % des repas de la restauration collective hors domicile en produits issus de l'agriculture biologique sauf à recourir massivement à des importations) devrait inviter à une révision des leviers mobilisés. Il faudrait également aboutir à une définition plus satisfaisante de la fonction d'objectif de l'essor de l'agriculture biologique, tout en conservant à celle-ci une pleine intégrité.

En outre, le cadre de l'expansion de l'agriculture biologique doit susciter certaines inquiétudes et, a minima, un débat .

Le modèle économique sur lequel a reposé le décollage de l'agriculture biologique pose des problèmes que résume le rôle ambivalent des surprix attachés aux produits issus de l'agriculture biologique du point de vue de l'objectif de promotion de l'agriculture biologique, rôle dont la durabilité doit, à bien des égards, être questionnée. Plus fondamentalement, le modèle d'un développement des externalités positives résultant de l'agriculture biologique basé sur les prix payés par les consommateurs peut soulever des questions d'efficacité mais aussi de principe.

Quant aux instruments propres à la politique publique de développement de l'agriculture biologique (les aides directes aux exploitants agricoles, les missions d'accompagnement du bio, sa sécurisation évidemment essentielle à la préservation de la crédibilité du projet), ils doivent être au plus tôt mis à niveau.

La politique en faveur du bio doit ainsi être mise en adéquation avec ses promesses.

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