III. QUELS LEVIERS ACTIONNER POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ALIMENTAIRE DU XXIE SIÈCLE ?

Dès lors que l'on a identifié les contours d'une alimentation bonne pour la santé et l'environnement et en même temps susceptible de s'accorder avec notre culture alimentaire, la question se pose de savoir comment réaliser la transition vers cette nouvelle alimentation.

A. LA TRANSITION ALIMENTAIRE SERA TIRÉE PAR LA DEMANDE

Des signes montrent que ce processus est déjà engagé dans notre pays, comme en témoignent depuis plusieurs années la baisse de la consommation de produits animaux, l'essor rapide de secteur bio, la méfiance croissante à l'égard des pratiques d'ultra transformation industrielle ou encore l'existence d'une population de « déviants positifs », qui réconcilient santé et environnement dans une alimentation plus sobre et plus végétale.

Ces mutations de la demande alimentaire sont capables d'exercer un puissant effet d'entraînement sur l'ensemble du système alimentaire. Au fur et à mesure que se transforment les goûts, les exigences et les pratiques des consommateurs, les entreprises du secteur alimentaire, des agriculteurs aux distributeurs en passant par les transformateurs, sont en effet elles-mêmes fortement incitées à adapter leur offre. Leur capacité d'innovation et d'adaptation n'est plus à prouver. Depuis une dizaine d'années, on observe ainsi de nombreuses innovations, comme l'arrivée en masse de produits végétaux dans les rayons ou le développement accéléré des produits bio.

Les pouvoirs publics, État et collectivités locales, n'ont donc pas à créer un mouvement. Ils doivent plutôt prendre appui sur la dynamique sociétale émergente en s'attachant à identifier et à lever les freins qui pourraient empêcher son plein déploiement 106 ( * ) .

En premier lieu, les pouvoirs publics doivent réaliser un portage politique plus ambitieux de la transition alimentaire. Cette dernière doit explicitement devenir l'une des priorités stratégiques de l'État, car elle est la condition de l'atteinte de ses objectifs de santé publique et du succès des politiques environnementales. En s'engageant à soutenir dans la durée les transformations du système alimentaire pour aller vers plus de sobriété et de végétal, vers moins d'impacts écologiques et sanitaires, l'État fixerait un cap propice à la réalisation des investissements nécessaires par les acteurs économiques. C'est vrai notamment pour le secteur agricole.

En deuxième lieu, dans le schéma d'une transition alimentaire tirée par la demande, la réussite de la transition dépend avant tout de la diffusion dans l'ensemble de la population des pratiques alimentaires les plus durables. Plus nombreux seront les consommateurs à se tourner vers des régimes alimentaires vertueux, plus puissant sera l'effet d'entrainement sur le secteur de l'offre. Or, les régimes sains sont aujourd'hui socialement très cloisonnés. Ils font leur chemin principalement parmi les classes sociales urbaines aisées et diplômées. Pour que la transition alimentaire ne reste pas enfermée dans un ghetto « bobo », l'État doit donc faire de la lutte contre les inégalités alimentaires le coeur de son action en faveur de la transition alimentaire.

La troisième priorité de l'État doit être de lever les verrous situés au niveau de l'offre alimentaire. Des situations de verrouillage de filières peuvent en effet exister. Le présent rapport se concentre sur l'un d'eux, encore trop méconnu : il concerne la filière des légumineuses.


* 106 Comme l'a souligné Christophe de Margerie lors de son audition par la délégation : « il faut garder à l'esprit que la société court souvent plus vite que le législateur ».

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