B. OBSERVATIONS DU SÉNAT FRANÇAIS

1. Une coopération sécuritaire qui peut encore être développée

En matière de sécurité, des coopérations préexistaient à la dégradation de nos relations et s'étaient maintenues malgré les difficultés, notamment en matière de lutte contre le terrorisme , à travers des échanges d'expérience dans des domaines comme la sécurité aérienne et l'utilisation d'équipes cynophiles. La communication opérationnelle entre les services de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme s'était aussi maintenue.

La volonté française de relance de dialogue donne une nouvelle impulsion à cette coopération sécuritaire ancienne , à travers notamment la réactivation d'un groupe de travail créé en 2003, qui pourrait s'intéresser plus particulièrement au sujet des combattants terroristes étrangers (CTE). Il est également envisagé de développer les échanges de bonnes pratiques en matière de sécurisation des grands événements, notamment sportifs (Jeux olympiques, Coupe du monde de football) pour lesquels nos deux pays ont une expérience particulière.

Enfin, nous avons un intérêt mutuel à développer notre dialogue bilatéral et à mettre en place des canaux de désescalade en matière de cybersécurité . Depuis peu, un dialogue de haut niveau a été mis en place entre le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) et son homologue russe, afin de permettre l'évocation directe, discrète et franche des incidents ou cyberattaques soupçonnés d'émaner de Russie contre des intérêts français. Contrairement à certains de ses partenaires, la France, en effet, fait le choix de ne pas pratiquer l'attribution publique en cas de cyberattaques, mais ce sujet, évoqué au plus haut niveau des exécutifs, reste une pierre d'achoppement de nos relations . Pour le Sénat, de telles pratiques nuisent à la restauration de la confiance entre nos deux pays et placent la France dans une situation difficile quand elle défend auprès de ses partenaires sa démarche de rapprochement avec la Russie. Il souhaite qu'un terme soit mis à ces agissements.

Parallèlement, d'autres volets de ce dialogue sont susceptibles d'être développés, par exemple autour du thème de l'émergence d'un écosystème de cybersécurité privé , qui est l'une des missions dévolues en France à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Un autre axe est l'intensification des relations entre les centres de sécurité opérationnels («Computer emergency response team» ou CERT) français et russe en vue d'échanges d'informations plus fructueux en matière de cybercriminalité.

2. Une coopération de défense à réactiver

Dans le domaine de la défense, les contacts entre nos deux pays avaient diminué significativement avec la dégradation des relations diplomatiques, au point de mettre en danger nos forces armées, qui sont au contact dans tous les milieux sur plusieurs théâtres. Il est donc nécessaire de rétablir des canaux de communication permettant de garantir un certain niveau d'échanges d'informations et de prévenir les malentendus et les risques d'escalade involontaire pouvant en découler.

Il est tout à fait essentiel de réitérer les réunions des ministres de la défense et des affaires étrangères en format « 2+2 » , sur le modèle de celle qui s'est tenue en septembre 2019.

Il est également indispensable d'intensifier le dialogue entre les états-majors et de mettre en place des mécanismes de déconfliction efficaces, semblables à ceux qui existent entre les forces armées russe et américaine, notamment en Syrie.

Par ailleurs, il faut développer les occasions de contacts et d'échanges , par exemple à travers la reprise d'escales dans les ports (par exemple Vladivostok pour la Marine française). Côté français, il existe également un intérêt pour des échanges d'informations concernant l'Arctique et les routes maritimes du Nord, désormais plus empruntées. Il peut aussi s'agir de participer ensemble à des événements commémoratifs permettant d'entretenir le souvenir de coopérations passées (comme celui de l'escadron Normandie-Niemen) et de moments historiques partagés . A cet égard, la France est particulièrement honorée de l'invitation faite à l'armée française de participer au défilé militaire sur la place Rouge à Moscou le 9 mai pour célébrer les 75 ans de la victoire contre le nazisme.

Enfin, la partie française souhaite une amélioration de la situation sur le terrain en Afrique , particulièrement en République centrafricaine (RCA), où les militaires français ont rencontré des difficultés avec les milices privées Wagner et sont fragilisés par des manoeuvres de désinformation ciblant la présence française. Dans cette région du monde qui connaît tant de défis, nous devrions plutôt coopérer en faveur de la paix.

En outre, si une approche plus coopérative a prévalu lors du renouvellement de l'embargo sur les armes à destination de la RCA en septembre 2019, des crispations sur ce sujet sont réapparues en janvier dernier. L'institutionnalisation de la présence russe en Afrique, à travers sa participation à la MINUSCA et le déploiement d'une mission militaire russe, pourrait signifier une certaine détente. Les signes de bonne volonté doivent encore être confirmés.

3. Des coopérations stratégiques au potentiel intéressant

La France et la Russie entretiennent des coopérations anciennes dans les secteurs dits stratégiques (énergie dont nucléaire, espace, aéronautique et transports), marqués par une emprise importante de l'Etat. En témoignent leur partenariat sur l'avion Sukhoï Superjet 100 ou la participation de Total aux projets de gaz naturel liquéfié (GNL) Yamal et Artic LNG II dans l'Arctique.

Ces coopérations, auxquelles nos deux pays ont intérêt d'un point de vue technologique (du fait de leurs compétences et de leur expertise reconnue dans ces domaines) et économique (dans un souci de diversification de leurs approvisionnements et de leurs partenariats), doivent pourtant trouver un second souffle .

Des pistes existent, qui méritent d'être approfondies. Par exemple, il pourrait être dans notre intérêt de développer une réflexion commune sur les prochaines étapes du développement spatial , en l'axant sur les futurs moyens d'accès à l'espace, afin de ne pas laisser ce champ aux Etats-Unis et à la Chine. De même, dans le domaine du nucléaire, il existe un potentiel de coopération avec la Russie en ce qui concerne des partenariats industriels bilatéraux dans le cadre de projets russes dans des pays tiers. Le ministère de l'Economie et des Finances et l'industriel Rosatom échangent régulièrement sur les conditions d'un soutien à de telles coopérations en cas de participation d'industriels français.

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