EXAMEN EN DÉLÉGATION

La Délégation aux entreprises s'est réunie le jeudi 18 juin 2020 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le débat suivant s'est engagé :

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Votre travail est très fouillé. J'espère que ces recommandations seront suivies, car elles correspondent à ce qui était attendu sur la question des métiers. Le Printemps des métiers me semble une excellente initiative, car il est absolument nécessaire de communiquer auprès des jeunes et des familles.

Je retiens également votre première recommandation, sur la nécessité d'une immersion en entreprise pour les enseignants. Avez-vous également préconisé une obligation d'immersion dans le cadre de l'enseignement des maîtres ?

Mme Pascale Gruny . - J'ai retenu notamment que des financements devaient être apportés, en particulier par l'État et les régions, pour reprendre les contrats d'apprentissage et d'alternance dans l'après-crise. Je suis élue d'un département particulièrement pauvre. Nous aurons le plus grand mal à assurer nos missions liées au revenu de solidarité active (RSA) avec des financements toujours à la baisse.

Par ailleurs, la mise en oeuvre de la clause de dédit-formation oblige à demander de l'argent à l'apprenti, ce qui est toujours délicat, car leurs salaires sont souvent peu élevés même quand ils sont ensuite embauchés en CDI. Elle n'est donc jamais utilisée. Un engagement moral sur cinq ans du signataire, ce qui existe parfois entre de jeunes fonctionnaires et l'État, ne serait-il pas plus aisé à mettre en place ?

M. Fabien Gay . - Je souhaiterais revenir sur la question de l'apprentissage et de l'alternance. Celle-ci était déjà importante avant la crise sanitaire, et est appelée à devenir encore plus essentielle dans les mois à venir. De nombreux chefs d'entreprise soulignent leur difficulté à trouver des compétences. Or il existe entre 4 et 6 millions de chômeurs, selon les chiffrages. Aller chercher les compétences apparaît donc comme un enjeu essentiel, de même que la formation. À ce titre, la revalorisation de l'apprentissage est fondamentale. Néanmoins, dans l'après-crise sanitaire, un certain nombre d'entreprises feront face à de grandes difficultés, notamment pour recruter. Toutes les propositions que nous pourrons formuler pour que l'apprentissage ne baisse pas iront donc dans le bon sens. Une part importante de l'emploi des jeunes passe par là.

Mme Élisabeth Lamure . - Nous devons en effet conduire un véritable travail collectif dans ce domaine, et plus particulièrement pour le premier emploi des jeunes.

M. Guy-Dominique Kennel . - Nous souhaitons qu'au cours de la première année d'exercice du métier d'enseignant soit prévue une semaine de présence au sein des entreprises. Cela sera néanmoins difficile dans la formation initiale, avant même que l'enseignant ne se retrouve face à des élèves. Nous avons échangé avec les écoles supérieures, et une part trop importante de la formation initiale des enseignants me semble aujourd'hui consacrée à la formation disciplinaire. Lorsqu'un étudiant intègre une école supérieure après un master d'anglais, d'allemand, ou d'une autre discipline, par définition, il devrait la maîtriser. Aussi, dans la formation initiale, un temps devrait être dégagé pour un contact avec les entreprises. Je ressens néanmoins encore beaucoup de réticence de la part de l'Éducation nationale, et notamment des formateurs en charge de la formation initiale, car ce type de personnel est plus à l'aise dans une formation pédagogique ou disciplinaire. Nous y arriverons cependant, à force d'insister.

Nous sommes conscients qu'une reprise par l'État ou les régions des contrats d'apprentissage exige un cofinancement. Nous n'avons pas évoqué les départements, mais la question demeure en suspens. Il serait préférable que les jeunes, plutôt que d'être au RSA, soient pris en charge et qu'ils continuent à bénéficier du statut d'apprenti. Cela doit être encore affiné et nous n'avons pas d'engagement de la part des collectivités. Il me semble que le coût de cette recommandation ne s'avérera pas trop important, puisque ces jeunes représenteront de toute façon une charge, pour les départements avec le RSA, ou autre.

Fabien Gay soulignait la nécessité de revaloriser l'apprentissage, et nous en sommes conscients. En tant qu'ancien directeur de centre de formation d'apprentis, et inspecteur en charge de l'apprentissage, je partage ce point de vue. Donner à une entreprise 5 000 ou 8 000 euros, qui couvrent une année, ne serait pas réellement un encouragement. Il serait au contraire préférable de rendre attractif le métier, pour favoriser l'épanouissement du jeune.

M. Michel Canévet . - Nous avons formulé trois types de mesures en ce qui concerne l'apprentissage. Une mesure conjoncturelle, dans la situation de crise, vise à ce que les apprentis ne perdent pas leur contrat de travail. Deux recommandations portent sur la sensibilisation des jeunes aux filières professionnelles, de manière à ce que leur choix soit conforté avant qu'ils ne s'engagent dans une formation. Enfin, nous proposons une mesure relative à l'aide financière aux jeunes pour les dépenses de mobilité et de restauration, qui sont souvent pénalisantes.

La clause de dédit-formation a été essentiellement construite par la jurisprudence. Nous pensons qu'il faut l'affirmer de façon plus ferme et aussi plus adaptée à un nouveau contexte où les entreprises auraient davantage recours à la formation pour leurs salariés, comme nous le recommandons. Une réflexion de fond avec les branches professionnelles apparaît nécessaire, afin de mieux déterminer les obligations de chacun, par secteur ou par métier, en fonction des évolutions en compétences nécessaires. Le cas échéant, il faudra préciser le cadre légal. Il convient de mieux définir cette clause, pour que les entreprises puissent y recourir plus facilement, notamment les TPE et les PME.

Mme Élisabeth Lamure . - Je note qu'il convient encore d'oeuvrer, notamment vis-à-vis des formateurs des formations initiales des enseignants.

Je vous remercie pour ce travail, qui n'est pas terminé. La presse le relaiera. Nous aurons par ailleurs un débat en séance publique jeudi 25 juin sur ces questions.

M. Guy-Dominique Kennel . - Je souhaite vous remercier, Madame la présidente, ainsi que l'ensemble des personnels qui ont facilité notre travail. Notre public cible était les jeunes ; la crise risque de les pénaliser en priorité, qu'il s'agisse de ceux qui désirent entrer en formation, ou des étudiants. Les stages et les emplois d'été seront difficiles à trouver. Or, de nombreux jeunes en ont besoin pour payer leurs études. Nous nourrissons ainsi quelques inquiétudes sur le nombre d'étudiants qui ne pourront les reprendre à la rentrée.

Nous souhaitons par ailleurs optimiser les différents parcours, pour favoriser l'épanouissement, et faciliter l'adéquation des formations aux besoins des entreprises. Notre principal espoir est que notre travail soit suivi d'effets.

Mme Élisabeth Lamure . - J'espère qu'une grande part de vos recommandations seront reprises, car elles sont ciblées et pragmatiques. Nous devrons les porter au plus haut niveau.

Je vous remercie et je soumets donc votre rapport à l'approbation de nos collègues.

La Délégation autorise la publication du rapport.

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