N° 560

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juin 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l'Afrique face au coronavirus ,

Par M. Jean-Pierre VIAL et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

L'ESSENTIEL

Le constat : le Covid-19, des ravages plus économiques que sanitaires à ce stade sur le continent africain

À la mi-juin 2020, l'épidémie de coronavirus en Afrique n'avait pas connu de flambée comparable à celle survenue sur les autres continents : avec environ 250 000 cas et 6 800 morts, l'Afrique ne comptait que 3,2 % des cas recensés dans le monde. Toutefois, l'épidémie était toujours en phase d'accélération .

Pour le moment, les conséquences sanitaires sont beaucoup moins sévères pour l'Afrique que les conséquences économiques et sociales, en raison de la vulnérabilité particulière de l'économie informelle aux mesures de restrictions de liberté qui ont dû être adoptées afin de limiter la propagation du virus, ainsi que de la baisse des transferts financiers à destination du continent, notamment les transferts privés qui pourraient chuter d'un quart.

Si la communauté internationale , les banques et les organisations d'aide publique au développement se sont mobilisées pour aider l'Afrique à traverser cette crise , les financements annoncés ont été en grande partie prélevés sur des programmes existants. En outre, le moratoire d'un an sur la dette des pays les plus endettés, décidé par le G20, pourrait ne pas être suffisant pour redonner des marges de manoeuvre à des pays souvent déjà asphyxiés par la charge du remboursement.

Dans ce contexte, parallèlement aux efforts visant à soutenir les pays africains dans la crise sanitaire, notamment en les aidant à se procurer les produits indispensables (réactifs, futurs vaccins...) et en soutenant davantage les ONG et les autres acteurs de terrain, il apparaît nécessaire de remettre au premier plan le renforcement des systèmes de santé (par l'investissement des États et par l'implication des banques de développement), de poursuivre la lutte contre les maladies à l'origine de centaines de milliers de morts chaque année (SIDA, tuberculose, paludisme), enfin de développer un nouveau cadre de financement public/privé soutenable à long terme , faisant moins appel à l'endettement.

Les préconisations de la commission des affaires étrangères et de la défense : s'appuyer sur les communautés, renforcer les systèmes de santé, garantir l'accès au vaccin.

- Le rapport montre qu' il est impératif de prendre en compte les spécificités africaines pour apporter une réponse à la crise du COVID : il est notamment essentiel de développer les réseaux de surveillance épidémiologiques à base communautaire, qui complètent bien les systèmes de santé faibles .

- Les banques de développement, parmi lesquelles l'AFD, doivent continuer à contribuer à la résilience des pays, notamment par le biais du renforcement des systèmes de santé , qu'il faut continuer à soutenir financièrement, et par un apport d'expertise, en étroite coopération avec les laboratoires locaux ;

- Il est nécessaire de s'appuyer encore davantage sur les acteurs de terrain et les ONG locaux , capables d'intervenir au plus près du terrain dans les situations de crise : l'augmentation des dons au sein de l'APD doit être ainsi portée pour une large part par des ONG, notamment françaises ;

- Dans la crise actuelle, il est impératif de maintenir la prise en charge des autres pathologies majeures en Afrique (Tuberculose, VIH, Sida). Le relâchement dans cette lutte contre les grandes maladies est l'un des principaux dangers pour l'Afrique dans la crise actuelle.

- Il est nécessaire de redéfinir un cadre de financement public/privé soutenable pour l'Afrique . Il est nécessaire d'impliquer les acteurs privés dans la résolution de la crise actuelle ;

- L'AFD doit profiter de la crise pour continuer à améliorer ses méthodes d'intervention en les rendant plus agiles, en lien étroit avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des finances, et sous le contrôle régulier des commissions compétentes des deux assemblées ;

- La coordination des aides apportées à l'Afrique par l'ensemble des organisations internationales est toujours une difficulté majeure .

- L'accès universel aux vaccins et aux traitements est une question extrêmement importante pour l'Afrique. À cette fin, il apparaît essentiel que des fonds africains public-privé soient mis en oeuvre pour financer la recherche biomédicale sur le continent .

I. UNE CATASTROPHE ANNONCÉE, DES PERSPECTIVES SANITAIRES FINALEMENT INCERTAINES

Dès les premiers cas en Afrique en février 2020, les prédictions les plus sombres ont été faites sur la catastrophe sanitaire à venir sur le continent, en raison d'un certain nombre de caractéristiques supposées favoriser la propagation et la gravité de l'épidémie en Afrique : grandes concentrations humaines au sein des métropoles surpeuplées, prévalence importante de maladies respiratoires, de la tuberculose et du SIDA qui affaiblissent les défenses immunitaires des populations, conditions socio-économiques défavorables, etc.

Pourtant, l'Afrique bénéficiait à l'inverse de plusieurs circonstances susceptibles de réduire la gravité de la pandémie , notamment la jeunesse de sa population et l'expérience récente d'épidémies combattues avec succès comme celle du virus Ebola. Amadou Sall, directeur de l'Institut Pasteur de Dakar, a ainsi souligné lors de son audition par la commission que les centres d'urgence sanitaire au Sénégal, bras opérationnel du ministère de la santé, avaient été créés à la suite de cette épidémie. En revanche, l'Institut Pasteur a démenti lors de son audition par la commission la thèse parfois défendue d'un effet positif rémanent des traitements antipaludéen à la Chloroquine.

Parmi les prédictions très inquiétantes, la Commission des Nations unies pour l'Afrique (CEA) a estimé le 17 avril 2020 que la pandémie pourrait tuer jusqu'à 300 000 personnes sur le continent et pousser 29 millions d'Africains dans l'extrême pauvreté. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a, quant à elle, averti que l'Afrique pourrait compter jusqu'à 10 millions de cas de Covid-19 d'ici à six mois.

Le 16 juin 2020, selon le CDC Africa, 251 866 cas de COVID-19 et 6,769 morts avaient été signalés dans 54 pays Africains, soit seulement 3.2 % de tous les cas dans le monde. Par région, la repartition est la suivante : Afrique australe 42 % (23 481), Région Nord 24 % (13 354), Région Ouest 18 % (9 749), Région Est 8 % (4 613), and région centrale 8 % (4 415). 5 pays comptent 63 % des nouveaux cas depuis la semaine précédente : Cameroun (3%), Égypte (16 %), Ghana (4 %), Nigeria (6 %), et Afrique du Sud (34 %). Djibouti (456), Sao Tome and Principe (302), le Gabon (181), Cabo Verde (137) and l'Afrique (124) sont le scinq pays qui rapportent le plus de cas pour 100 000 habitants. UN total de 7 pays dépasse le taux de mortalité de 5,5 % constaté au niveau mondial : Liberia (6.6 %), Tchad (8.6 %), Algérie (7.0 %), Niger (6.7 %), Burkina Faso (5.9 %), Soudan (6.3) et Mali (5.6).

Source : Jeune Afrique

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