Rapport d'information n° 601 (2019-2020) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE , rapporteur général, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 8 juillet 2020

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N° 601

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1)
de la commission des affaires sociales (2) sur la
loi organique
relative aux
lois de financement de la sécurité sociale ,

Par M. Jean-Marie VANLERENBERGHE,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. Jean-Noël Cardoux, président ; Mme Michelle Meunier, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; M. Michel Amiel, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Daniel Chasseing, Mme Véronique Guillotin, secrétaires ; MM. Bernard Bonne, Yves Daudigny, Gérard Dériot, Mmes Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Corinne Féret, Pascale Gruny, MM. Alain Milon, René-Paul Savary.

(2) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing, vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, M. Bernard Bonne, Mme Muriel Cabaret, M. Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Michelle Gréaume, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, M. Xavier Iacovelli, Mme Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

LES PROPOSITIONS
DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
POUR AMÉLIORER LE CADRE ORGANIQUE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (LFSS)

Objectif n° 1
Élargir le périmètre des LFSS
afin de le faire coïncider avec celui des administrations de sécurité sociale (ASSO)

Proposition n° 1 : Inclure l'assurance chômage dans le périmètre des LFSS . Les recettes, dépenses et solde du régime feraient ainsi l'objet d'un article à part (distinct des branches des ROBSS et du FSV) et le Parlement pourrait voter en LFSS des mesures ayant une incidence financière sur le régime d'assurance chômage.

Proposition n° 2 : Intégrer les régimes de retraite complémentaire au sein des LFSS, selon des modalités propres à maintenir leur autonomie de gestion . À cette fin, créer une annexe informative au PLFSS qui détaille la situation financière de chaque régime ainsi que les comptes annuels globalisés des régimes. Et inclure dans le domaine facultatif de ces lois des mesures ayant une incidence financière sur ces régimes .

Proposition n° 3 : Créer une nouvelle annexe au PLFSS qui détaille la situation financière des établissements de santé .

Objectif n° 2
Renforcer la clarté et améliorer la normativité
des lois de financement de la sécurité sociale

Proposition n° 4 : Revoir la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) , qui devrait être exprimé en euros , inclure toutes les dépenses d'assurance maladie et uniquement ces dépenses et ne plus faire l'objet de manoeuvres telles que des contractions de dépenses.

Proposition n° 5 : Conférer un caractère limitatif aux dépenses des organismes de sécurité sociale ne correspondant pas au versement d'assurances sociales ou de prestations légales . Ces dépenses devraient être, comme les dépenses de l'État, justifiées au premier euro et nécessiter une nouvelle autorisation du Parlement en cas de dépassement.

Objectif n° 3
Améliorer le contrôle du Parlement
sur les lois de financement de la sécurité sociale

Proposition n° 6 : Remplacer l'actuelle première partie des LFSS par une véritable « loi de règlement » qui serait examinée par le Parlement à la fin du mois de juin.

Proposition n° 7 : Prévoir au sein du code des juridictions financières que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale établi par la Cour des comptes soit publié au moment du dépôt du projet de loi de règlement des comptes de l'année précédente .

Proposition n° 8 : Prévoir que les travaux demandés à la Cour des comptes par les commissions chargées de l'examen au fond des PLFSS leur soient remis dans un délai de huit mois .

Objectif n° 4
Assurer à moyen terme l'équilibre des comptes de la sécurité sociale

Proposition n° 9 : Encadrer les LFSS par une « règle d'or » imposant que la somme des soldes consolidés des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) des années N à N+4 soit toujours positif ou nul à compter du PLFSS pour 2025.

Aux termes du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, créé par la loi constitutionnelle du 22 février 1996, « le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ».

Le cadre organique a été assez sensiblement modifié par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). En quelques mots, cette réforme a notamment placé la gestion des finances sociales dans un cadre pluriannuel, avec la création d'une annexe (annexe B) qui fournit des projections quadriennales d'évolution des dépenses, des recettes et du solde de la sécurité sociale. Cette loi organique a également esquissé un rapprochement avec la démarche de performance qui se mettait à ce moment en place pour l'État en « mode LOLF » 1 ( * ) , avec l'instauration des programmes de qualité et d'efficience (PQE) des organismes de sécurité sociale, qui sont en quelque sorte l'équivalent des programmes et des rapports annuels de performance des différentes missions de l'État.

Une quinzaine d'années après cette dernière réforme d'ampleur, il est temps d'en dresser un bilan et de proposer des pistes d'évolution.

Les pouvoirs publics ont d'ailleurs entamé une telle réflexion, de manière partielle, ces dernières années.

Tout d'abord, à l'occasion de l'examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace 2 ( * ) . Dès son dépôt, ce projet de loi contenait un article 7 permettant un examen conjoint de tout ou partie des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et des lois de finances, selon des modalités à définir en loi organique ne figurant d'ailleurs pas dans le projet de loi organique déposé en même temps par le Gouvernement. Lors de l'examen en première lecture, l'Assemblée nationale avait en outre adopté, à l'initiative d'Olivier Véran, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, un amendement rebaptisant les LFSS « lois de financement de la protection sociale » afin de marquer sa volonté d'en élargir le périmètre.

Plus récemment, la création d'une branche « Autonomie » au sein de la sécurité sociale et les modalités de présentation de ses recettes et dépenses dans les LFSS ont été proposées par le Gouvernement dans le cadre des projets de loi organique et « ordinaire » relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, en cours de navette.

Par ailleurs, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), à la demande du Premier ministre, a mené des travaux au cours de l'année 2019 sur le cadre organique régissant les LFSS et a remis son rapport 3 ( * ) en novembre de la même année qui, à ce stade, n'a pas donné lieu à des suites.

Tel est également le sens de la mission que le rapporteur général a conduite, à l'initiative de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de son président, Jean-Noël Cardoux. En tant que membre du HCFiPS, il a participé aux travaux de cette instance, dont il partage l'essentiel des analyses. Pour autant, il lui a semblé nécessaire de publier ce présent rapport. D'une part, parce que son expérience de « praticien » parlementaire des LFSS a pu l'amener à s'écarter sur quelques points des conclusions du HCFiPS. D'autre part, parce que ses travaux pourront déboucher sur le dépôt d'une proposition de loi organique et servir de base à une future évolution de la LOLFSS à l'initiative du Parlement.

I. MIEUX DÉFINIR L'OBJET DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Après un quart de siècle d'existence, les LFSS restent des objets juridiques assez mal connus de nombreux parlementaires, en dehors des commissions des affaires sociales. En particulier, leur périmètre et leur degré de normativité sont parfois difficiles à appréhender en dehors des cercles initiés, ce qu'illustre notamment la forte proportion d'amendements déclarés irrecevables 4 ( * ) lors de l'examen des PLFSS.

Or, si l'objet des LFSS est le fruit de l'histoire de la sécurité sociale ou du caractère assurantiel de ses dépenses, il mériterait toutefois d'évoluer sur plusieurs aspects importants.

A. UN PÉRIMÈTRE À COMPLÉTER

1. Un périmètre incomplet pour des raisons historiques et de plus en plus inconfortable

Symboles forts de l'arrivée du débat parlementaire et de la loi dans l'encadrement d'une sécurité sociale originellement conçue comme le domaine réservé des partenaires sociaux (et du Gouvernement), les lois de financement de la sécurité sociale ont été dotés d'un périmètre restreint. Il s'agissait d'assurer, en quelque sorte, que le Parlement ne puisse déborder de son rôle, que la Constitution limitait jusque-là en son article 34 à la détermination des « principes fondamentaux » de la sécurité sociale.

Ainsi, en dehors des divers articles récapitulatifs devant obligatoirement figurer dans toute LFSS, l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale définit de la façon suivante le périmètre de ces lois :

« Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l'année comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, [...] les dispositions :

« 1° Ayant un effet sur les recettes de l'année des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement , à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, ou relatives, sous réserve des dispositions de l'article 36 de la loi organique [relative aux lois de finances] , à l'affectation de ces recettes ;

« 2° Ayant un effet sur les recettes de l'année ou des années ultérieures des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, ou relatives, sous réserve des dispositions de l'article 36 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 précitée, à l'affectation de ces recettes, à la condition qu'elles présentent un caractère permanent ;

« 3° Relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement , à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

« 4° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement , à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

« 5° Relatives au transfert, à l'amortissement et aux conditions de financement de l'amortissement de la dette des régimes obligatoires de base, et relatives à la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et à l'utilisation de ces réserves, à la condition que ces dernières opérations aient une incidence sur les recettes de l'année ou, si elles ont également une incidence sur les recettes des années ultérieures, que ces opérations présentent un caractère permanent.

« Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir, outre celles prévues au D du I, les dispositions :

« 1° Ayant un effet sur les dépenses de l'année des régimes obligatoires de base ou sur les dépenses de l'année des organismes concourant à leur financement qui affectent directement l'équilibre financier de ces régimes ;

« 2° Ayant un effet sur les dépenses de l'année ou des années ultérieures des régimes obligatoires de base ou sur les dépenses des organismes concourant à leur financement qui affectent directement l'équilibre financier de ces régimes, à la condition qu'elles présentent un caractère permanent ;

« 3° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d'organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

« 4° Améliorant l'information et le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale .

« D.-Peuvent également figurer dans la loi de financement, [...] les dispositions relatives aux organismes qui financent et gèrent des dépenses relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie . »

Concrètement, les dispositions d'une LFSS doivent donc avoir un effet financier sur :

- les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS), qu'il s'agisse du régime général ou d'un régime spécial - ce qui concerne plus particulièrement la branche vieillesse ;

- le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), établissement public dont la mission est de prendre en charge les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale ;

- la dette sociale et la caisse chargée de son amortissement (Cades).

En revanche, le domaine des lois de financement exclut :

- toutes les dépenses assurées par des organismes privés, comme les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) ;

- mais aussi les prestations versées par certaines administrations de sécurité sociale (ASSO) au sens de la comptabilité nationale, comme l'assurance chômage, les organismes gérant des régimes complémentaires de retraite ou encore les dépenses des établissements publics de santé.

Les trois schémas ci-après résument à grand trait cette répartition et les masses financières en jeu.

Les LFSS au sein de la protection sociale française

Périmètre financier des LFSS

Les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du FSV s'élevaient à 499,8 milliards d'euros en 2018.

Périmètre des ASSO

En 2018, les ASSO représentent 594 milliards d'euros de dépenses.

Périmètre de la protection sociale

L'ensemble des dépenses publiques et privées de la sphère de la protection sociale représentait en 2018 790 milliards d'euros.

Source : Commission des affaires sociales, d'après LFSS et DRESS

Néanmoins, au fil du temps, les flux financiers entre les différentes cercles de la sphère sociale sont devenus de plus en plus imbriqués. Cela a rendu de plus en plus vaine la limitation du périmètre des LFSS, au sein desquelles des mesures parfois lourdes concernant le financement de l'assurance chômage ou la dette hospitalière ont déjà été adoptées, en tordant un peu la lettre de la loi organique. Cette même limitation a pu se révéler nuisible lorsque d'autres mesures ont été censurées par le Conseil constitutionnel, voire n'ont pu être débattues dans ce cadre dès lors qu'elles se situaient clairement en dehors du domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Plus fondamentalement, ce périmètre réduit entraîne une distorsion entre le champ des LFSS et celui des « administrations de sécurité sociale » (ASSO) utilisé dans le cadre des lois de programmation des finances publiques (LPFP) 5 ( * ) ainsi que dans celui du système de coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres de l'Union européenne dit « semestre européen ». Pour l'illustrer, sont reprises ci-dessous, d'une part, les dispositions de programmation adoptées dans le cadre de la dernière LPFP et d'autre part, l'article d'équilibre et le tableau de programmation adoptés par le Parlement dans la LFSS pour 2020.

Programmation figurant au 2° de l'article 3 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018
de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

« L'évolution du solde public effectif, décliné par sous-secteur des administrations publiques, s'établit comme suit :

(en points de produit intérieur brut)

Extraits de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019
de financement de la sécurité sociale pour 2020

Article 27

« Pour l'année 2020, sont approuvés les prévisions de recettes, réparties par catégories dans l'état figurant en annexe C à la présente loi, et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(en milliards d'euros)

Annexe B (extrait)

Recettes, dépenses et soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d'euros)

Comme cela apparaît clairement dans les extraits ci-dessus, ni le périmètre ni l'unité de compte de ces deux types de lois ne coïncident. De ce fait, les lois annuelles que sont les LFSS ne permettent donc pas par elles-mêmes de suivre, au moment du rendez-vous budgétaire solennel de l'automne, le respect de la trajectoire définie ou des engagements pris par la France dans le cadre du semestre européen.

Pour l'ensemble de ces raisons, le périmètre des LFSS, défini par la loi organique, mérite d'être revu .

2. Les élargissements souhaitables du périmètre des LFSS
a) Une évolution possible à cadre constitutionnel constant

En premier lieu, il convient de préciser que l'évolution du périmètre des LFSS semble pouvoir se faire à cadre constitutionnel constant. Telle était l'analyse du Conseil d'État dans l'avis qu'il a rendu préalablement au dépôt du projet de loi organique relatif au système universel de retraites, repris dans l'encadré ci-après.

Avis du Conseil d'État sur le projet de loi organique
relatif au système universel de retraites (extrait)

« Le projet de loi soulève la question de savoir si le législateur organique peut élargir ainsi le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Le Conseil d'État rappelle que le 17 e alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale, recouvre par ces termes l'ensemble des systèmes de protection sociale, quelles que soient leurs modalités de gestion administrative ou financière et, notamment, sans distinguer suivant que la protection est aménagée au moyen de mécanismes d'assurance ou d'assistance (CE, 23 octobre 2003, n°248237). Le Conseil d'État estime que cet alinéa définit le périmètre au sein duquel le législateur organique peut déterminer le domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale prévues par le 19 e alinéa de l'article 34 et l'article 47-1 de la Constitution. Il constate que les régimes de retraite complémentaire obligatoires constituent des systèmes de protection sociale. Par conséquent, le Conseil d'État considère que le législateur organique peut prévoir que, à compter de la loi de financement pour 2025, le Parlement approuve, chaque année, un tableau d'équilibre financier intégrant les prévisions de recettes ainsi que les objectifs de dépenses et de solde des régimes de retraite obligatoires, incluant les régimes de retraite complémentaire. »

Dès lors, une « simple » évolution du périmètre défini à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale permettrait de parvenir au but recherché sans qu'il soit nécessaire de modifier préalablement l'article 34 ou l'article 47-2 de la Constitution. Au vu de la lourdeur de la procédure de révision de la Constitution, ce constat rend cette perspective plus réaliste.

Pour les raisons exposées précédemment, le rapporteur général considère que le plus cohérent serait d'élargir le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale de façon à ce qu'il coïncide avec celui des administrations de sécurité sociale 6 ( * ) .

Néanmoins, au regard de la situation différente des organismes, établissements et administrations concernés, les modalités d'une telle intégration devraient être différentes pour les catégories d'éléments qu'il conviendrait d'intégrer à cette fin .

b) Les dépenses relatives à la dépendance

Le volet relatif à la dépendance est à la fois simple et complexe.

Simple en ce que de nombreuses dépenses relatives à la préservation de l'autonomie, liées au grand âge comme au handicap, figurent déjà dans la LFSS et font l'objet de deux sous-objectifs dédiés au sein de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Simple également parce que le choix politique de création d'une cinquième branche baptisée « Autonomie » figure déjà expressément dans le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie en cours d'examen par le Parlement et devrait se concrétiser au sein du PLFSS pour 2021.

Mais, comme la commission l'a souligné 7 ( * ) , cette création ne suffira pas en elle-même à faire face aux enjeux multiples de la préservation de l'autonomie ni même à rendre compte de l'ensemble de l'effort financier de la Nation pour y faire face.

En particulier, le rôle exact de la CNSA en tant que structure de tête de la nouvelle branche n'apparaît pas clairement. En outre, sauf réforme structurelle non envisagée à ce jour, les dépenses liées à la préservation de l'autonomie devraient rester éclatées avec, en particulier, un poids des départements qui restera très fort, en dehors de l'univers de la sécurité sociale et donc du PLFSS.

Dans un premier temps, il sera en tout cas nécessaire de sortir de l'Ondam les deux sous-objectifs relatifs à la préservation de l'autonomie, dans un évident objectif de clarté .

Et, au-delà de l'architecture institutionnelle et budgétaire, le principal enjeu de la dépendance restera celui des moyens que la France est prête à y consacrer dans un contexte de forte progression démographique du grand âge, ce qu'ont souligné le rapport remis au Gouvernement par Dominique Libault 8 ( * ) mais aussi le récent rapport de nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier 9 ( * ) .

c) L'assurance chômage

S'agissant de l'assurance chômage , champ traditionnel de gestion autonome par les partenaires sociaux, la situation a beaucoup évolué ces dernières années .

D'une part, en termes de gestion . En effet, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a fortement atténué son pilotage par les partenaires sociaux au profit du Gouvernement . Ainsi, si théoriquement, le régime d'assurance chômage fait toujours l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés 10 ( * ) , la loi a fortement encadré ces accords au travers des dispositions du nouvel article L. 5422-20-1 du code du travail. Désormais, préalablement à la négociation des partenaires sociaux, le Premier ministre transmet aux organisations un « document de cadrage » qui « précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage ». Il détaille également « les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde la trajectoire financière, ainsi que le montant prévisionnel, pour les trois exercices à venir, du produit des impositions de toute nature » affectées à l'assurance chômage.

Outre l'absence d'accord entre partenaires sociaux, le non-respect de la lettre de cadrage peut conduire le Gouvernement à ne pas agréer un accord et à réformer lui-même par décret l'assurance chômage . En outre, la lettre de cadrage peut se révéler tellement contraignante qu'elle laisse peu de place à la négociation et crée les conditions d'une absence d'accord. C'est d'ailleurs un tel processus qui a conduit le Gouvernement à prendre unilatéralement le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.

Dans ces conditions, l'assurance chômage se trouve « entre deux eaux », sans réel pilotage des partenaires sociaux ni contrôle du Parlement mais, en réalité, sous le contrôle quasi direct du seul Gouvernement .

D'autre part, en termes de financement , depuis le remplacement des contributions salariales d'assurance chômage par une fraction de CSG et la compensation des allègements généraux sur les contributions des employeurs, plus d'un tiers des ressources de l'Unedic proviennent désormais d'impositions de toute nature . On est donc largement sorti de la logique de « tout contributif » qui prévalait jusqu'alors. De plus, la situation financière de l'Unedic , très fortement exposée à la dégradation de la conjoncture (en recettes mais aussi en dépenses), posera à plus ou moins long terme la question de l'apurement de sa dette . Comme cela a été vu précédemment, c'est le même processus qui a abouti à la création des LFSS pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale.

Pour l'ensemble de ces raisons, le rapporteur général considère qu'il est temps de proposer l'inclusion de l'assurance chômage dans le périmètre des LFSS . Les recettes, dépenses et solde du régime feraient ainsi l'objet d'un article à part (distinct des branches des ROBSS et du FSV) et le Parlement pourrait voter en LFSS des mesures ayant une incidence financière sur le régime d'assurance chômage.

d) Les retraites complémentaires obligatoires

Le raisonnement qui précède ne peut être que partiellement repris pour ce qui concerne les régimes complémentaires de retraites , dont le plus important est l'Agirc-Arrco pour les salariés du secteur privé.

En premier lieu, parce que la gestion paritaire (ou professionnelle) de ces régimes est effectivement la règle , sans que le Gouvernement n'y détienne un fort pouvoir d'influence qui échapperait au Parlement.

En second lieu, parce que la plupart de ces régimes disposent de réserves qu'ils ont su accumuler au fil du temps et qui leur permettent de faire face à des difficultés conjoncturelles sans soutien financier de la puissance publique.

Néanmoins, outre le sujet de la coïncidence des périmètres des LFSS et des ASSO évoquée supra , il est à souligner qu'une partie des ressources de l'Agirc-Arrco (de l'ordre de 7 %) a désormais une origine fiscale au travers de la compensation au régime de son intégration dans les allègements généraux de cotisations et contributions sociales sur les rémunérations inférieures à 1,6 SMIC.

Cela rend donc légitime l'intégration des régimes de retraite complémentaire au sein des PLFSS, selon des modalités propres à maintenir leur autonomie de gestion .

Ainsi, le périmètre des LFSS défini par la loi organique pourrait évoluer afin :

- qu'une annexe informative au PLFSS détaille la situation financière de chaque régime ainsi que les comptes annuels globalisés des régimes ;

- et que le domaine facultatif de ces lois inclue des mesures ayant une incidence financière sur ces régimes . Ainsi, contrairement à la situation actuelle, une telle mesure qui figurerait au sein d'un PLFSS ne serait à l'avenir plus considérée comme un « cavalier social ».

e) La situation financière des établissements de santé

Enfin, s'agissant des établissements publics de santé , qui n'appartiennent pas à la sécurité sociale et ne sont pas gérés par elle, il serait préférable d'en rester à un niveau purement informatif .

À cette fin, la loi organique pourrait créer une nouvelle annexe au PLFSS, dont le contenu reprendrait celui du rapport prévu à l'article 26 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022 , jamais appliqué depuis lors.

Pour mémoire, aux termes de cet article, le Gouvernement devait remettre chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport sur la situation financière des établissements publics de santé pour le dernier exercice clos. Ce rapport est censé faire état de l'évolution des charges et des produits par titre, de l'endettement et des dépenses d'investissement.

Outre une vision consolidée des ASSO, cette annexe permettrait de mieux informer le Parlement sur la situation financière des hôpitaux au moment où il vote la LFSS de l'année. Le législateur pourrait ainsi juger en temps utile des conséquences du niveau de l'Ondam qu'il est appelé à approuver sur les comptes des établissements de santé.

B. UNE NORMATIVITÉ À RENFORCER

Malgré d'évidentes similitudes, les LFSS ne sont pas à proprement parler les « lois de finances de la sécurité sociale » : à l'inverse de ces dernières, elles n'autorisent pas la perception des ressources, les cotisations n'étant pas dues au titre d'une autorisation annuelle et l'autorisation de perception des ressources fiscales résultant de la loi de finances ; elles n'autorisent pas davantage les dépenses et n'imposent pas de plafond de dépenses, la plupart des charges de la sécurité sociale étant de nature assurantielle ou étant le versement de prestations légalement dues par les organismes.

Sans modifier fondamentalement cet état de fait, le rapporteur général considère que la normativité des LFSS mérite d'être renforcée sur quelques aspects.

1. Mieux définir l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam)

Tout d'abord, même s'il n'est pas un plafond de dépenses, l'Ondam est l'un des objectifs les plus mis en avant lors de l'examen des PLFSS alors même que sa construction n'est pas satisfaisante, comme l'ont souligné Catherine Deroche et René-Paul Savary dans leur récent rapport d'information 11 ( * ) sur ce sujet.

Pour mémoire, l'Ondam de l'année à venir fait partie des éléments devant obligatoirement figurer dans une LFSS : aux termes de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la LFSS doit fixer « l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs. La définition des composantes des sous-objectifs est d'initiative gouvernementale. Les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale sont consultées sur la liste des sous-objectifs et la définition des composantes de ces sous-objectifs. Le nombre de sous-objectifs ne peut être inférieur à trois » 12 ( * ) .

L'Ondam est donc un objectif de dépenses, fixé en euros : 205,6 milliards pour l'année 2020 selon l'article 89 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, même s'il est clair que ce chiffre va être largement dépassé du fait de la crise sanitaire engendrée par l'épidémie de covid-19.

Pour autant, tout se passe , s'agissant de l'Ondam, dans la communication du Gouvernement et dans le débat politique comme s'il était un taux de progression des dépenses d'une année sur l'autre. Et même, plus précisément, comme s'il s'agissait d'un taux réduit obtenu en réalisant des « économies » à partir d'un taux de progression « tendanciel » dont la construction n'est jamais explicitée. Il est ainsi devenu commun de considérer qu'une progression de 2 % de l'Ondam serait une « baisse de l'Ondam » si, par hypothèse, cette même progression avait été de 2,5 % l'année précédente ; alors que, dans les faits, une progression de 2 % de l'Ondam correspond à une augmentation de plus de 4 milliards d'euros des dépenses qu'il recouvre.

Ces biais sont à l'origine d'une grande partie du manque de clarté de l'objectif .

Ce manque de clarté concerne le contenu de l'objectif qui, contrairement à ce que son nom indique, n'inclut pas l'ensemble des dépenses d'assurance maladie ni ne se limite à des dépenses d'assurance maladie. Le schéma suivant, tiré du rapport précité de Catherine Deroche et René-Paul Savary, l'illustre d'ailleurs très bien.

Les dépenses dans le champ de l'Ondam (pour 2019)

Source : Rapport d'information Sénat n° 40 (2019-2020)

Ce manque de clarté résulte également de pratiques du Gouvernement, qui bafouent parfois délibérément, pour des raisons d'affichage, des principes élémentaires de bonne gestion des finances publiques . Pour reprendre les constats de Catherine Deroche et René-Paul Savary, figurent dans l'Ondam « des mesures de portée diverse, pour lesquelles la qualification d'économie est parfois trompeuse ». Nos collègues l'ont illustré par le cas de mesures consistant à reporter des dépenses sur d'autres financeurs (par exemple pour 2018 le relèvement du forfait journalier hospitalier à la charge des organismes complémentaires d'assurance maladie, et, pour 2019, le relèvement de la participation des organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) au financement de la convention médicale ou encore la réduction de la contribution au financement des établissements médico-sociaux en raison d'un prélèvement sur les réserves de la CNSA). Pire encore, sont également comptabilisées comme économies sur l'Ondam des mesures consistant en des contractions de dépenses mais également de recettes (par exemple la modification du taux de cotisation des professionnels de santé comptabilisée comme une mesure d'économie en 2016, 2017 et 2018).

Il importe donc de remettre à plat l'Ondam , qui gagnerait, comme son nom l'indique à :

- être exprimé en euros ;

- inclure toutes les dépenses d'assurance maladie et uniquement ces dépenses ;

- et, évidemment, ne pas faire l'objet des manoeuvres décrites ci-dessus.

2. Introduire la notion de crédits limitatifs pour les dépenses non assurantielles

Si la notion d'objectifs à caractère non limitatif a tout son sens pour l'essentiel des dépenses de la sécurité sociale, les dépenses non assurantielles présentent quant à elles un caractère arbitrable pour lesquelles l'absence de limitation ne se justifie pas .

L'année 2020 illustre jusqu'à la caricature l'écart de normativité de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale . Ainsi, alors que le Gouvernement a déjà déposé, en milieu d'année, trois collectifs budgétaires pour adapter les recettes et les dépenses de l'État, il n'a pas jugé utile de déposer de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale alors même que toutes les hypothèses sur lesquelles reposait la LFSS pour 2020 se sont effondrées, qu'il s'agisse :

- du niveau des recettes , fortement affectées par la crise économique et sociale et par plusieurs mesures de soutien aux entreprises ;

- du niveau des dépenses , par exemple le budget de l'Agence nationale de santé publique (ANSP, dite Santé publique France), passé de 150 millions d'euros à près de 5 milliards d'euros en vertu d'un simple arrêté ministériel 13 ( * ) ;

- du plafond de découvert de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), passé par deux décrets successifs 14 ( * ) de 39 milliards d'euros à 95 milliards d'euros.

La commission des affaires sociales du Sénat a exprimé à plusieurs reprises son trouble face à cette évidente distorsion et à la légèreté avec laquelle le Gouvernement traite la question des finances sociales (ce que lui permet actuellement la lettre de la loi organique).

S'agissant des dépenses , il est à souligner que cette opacité et ces apparentes facilités de gestion s'étendent bien au-delà des circonstances exceptionnelles liées à la crise du covid-19 .

Ainsi, parmi d'autres exemples, on relèvera que l'article 46 de la LFSS pour 2019 a supprimé le financement de l'École des hautes études en santé publique et du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière par les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux relevant de la fonction publique hospitalière. Ces opérateurs seront désormais financés directement par l'assurance maladie, le montant étant fixé par arrêté.

Dans l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement à l'origine de cette réforme, il était précisé que ce dispositif entraînerait « une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie de 6,2 millions d'euros à compter de 2020, (...) en partie atténuée par les gains d'efficience qui seront réalisés au sein des établissements du fait de cette mesure de simplification ». Or dès 2019, l'assurance maladie a été appelée à verser 8,6 M€ à l'EHESP en application d'un arrêté du 26 décembre 2019 et en 2020 cette quote-part a explosé, passant à 42,2 millions d'euros en vertu d'un arrêté du 17 mars 2020, sans explication au Parlement (et encore moins d'autorisation).

Tout se passe en somme comme si le transfert d'un opérateur (ou plus généralement de dépenses) à la sécurité sociale le faisait entrer dans une sorte de « boîte noire » au sein de laquelle le Gouvernement pourrait agir à sa guise.

Un tel fonctionnement, qui serait évidemment proscrit si ces opérateurs étaient toujours financés par l'État, est anormal du point de vue de la bonne gestion des finances sociales, et plus généralement des finances publiques .

C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir au sein des dispositions organiques encadrant les LFSS que les dépenses des organismes de sécurité sociale ne correspondant pas au versement d'assurances sociales ou de prestations légales présentent un caractère limitatif . Elles devraient être, comme les dépenses de l'État, justifiées au premier euro et nécessiter une nouvelle autorisation du Parlement en cas de dépassement.

L'architecture précise de ces dépenses, qui pourrait s'inspirer des missions de la loi de finances, serait à déterminer avant l'entrée en vigueur d'une telle réforme, qui pourrait intervenir d'ici cinq ans - tout comme la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en son temps.

3. Soumettre les augmentations d'autorisations de découvert à un avis des commissions parlementaires compétentes

Pour ce qui concerne les autorisations de découvert de l'Acoss et des autres caisses, une autorisation parlementaire systématique pourrait constituer un frein en cas d'urgence , comme cela a pu être le cas au moment du premier confinement du printemps 2020.

Néanmoins, un renforcement du rôle du Parlement pourrait être envisagé au travers d'un mécanisme proche de celui mis en place pour les décrets d'avance en application de l'article 13 de la LOLF.

Ainsi, en cas d'urgence, le Gouvernement devrait saisir les commissions des affaires sociales des deux assemblées, qui disposeraient d'une semaine pour adresser leur avis au Premier ministre . Ce n'est qu'après réception de ces avis ou, à défaut, à l'expiration du délai d'une semaine que le Gouvernement pourrait prendre le décret.

II. AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT

La normativité moins forte des LFSS par rapport aux lois de finances rend la question du contrôle de l'application de ces lois d'autant plus importante. Or, comme cela sera développé ci-après, le contrôle parlementaire reste un maillon faible des lois de financement de la sécurité sociale , ce qui n'est plus acceptable. Les modalités d'exercice de ce contrôle doivent évoluer, essentiellement au travers de la création de l'équivalent des « lois de règlement » des lois de financement.

A. CRÉER DES « LOIS DE RÈGLEMENT » DES LFSS

Dans le domaine des finances de l'État, l'article 37 de la LOLF prévoit un rendez-vous spécifique lors duquel le Parlement approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées : la loi de règlement, débattue à la fin du printemps ou au début de l'été.

L'examen de ce texte donne lieu à des travaux de contrôle des rapporteurs spéciaux et, le cas échéant, à l'audition de ministres ou de responsables de programme par les commissions des finances des deux assemblées.

Rien de tel n'existe pour les LFSS puisque le A du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que les dispositions relatives au dernier exercice clos constituent la première partie de la LFSS de l'année .

Si les LFSS constituent ainsi un ensemble intellectuellement séduisant, avec une pluriannualité affirmée qui part du dernier exercice clos jusqu'à l'exercice à venir en passant par une partie rectificative de l'année en cours, il faut dire clairement que de telles modalités d'examen sont incompatibles avec l'exercice d'un réel contrôle du Parlement sur l'exercice écoulé .

C'est vrai au Sénat, où le vote de la première partie intervient en général en quelques secondes sans aucun débat, à un moment où tous les esprits sont tournés vers les mesures relatives à l'année à venir. C'est sans doute encore plus vrai à l'Assemblée nationale où une semaine sépare en général le dépôt du PLFSS de son examen en commission, ce qui ne laisse pas du tout le temps de se pencher sur l'exercice passé.

Il est particulièrement dommage que les annexes informatives du PLFSS, en particulier les programmes de qualité et d'efficience (PQE) soient ainsi trop peu exploitées, faute de temps. Il n'est surtout pas sain, du point de vue de la gestion des finances publiques, qu'un rendez-vous spécifique ne permette pas au Parlement d'exercer la plénitude de son contrôle sur la gestion de la sécurité sociale lors de l'exercice écoulé et de manifester son jugement au travers d'un vote pleinement éclairé.

Ces raisons pratiques doivent donc conduire à créer des « lois de règlement » des LFSS , qui pourraient être dénommées lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale, dont l'examen pourrait se faire au printemps, à une date proche de l'examen des lois de règlement du budget de l'État.

Le Parlement disposerait alors de suffisamment de temps pour procéder à un réel examen de la gestion des caisses, organismes et administrations responsables sur la base de PQE qui deviendraient l'équivalent des « rapports annuels de performance » annexés au projet de loi de règlement et, le cas échéant, à des auditions que les commissions des affaires sociales jugeraient utiles. Le contrôle démocratique en serait significativement renforcé .

Les lois de règlement, moment privilégié pour un regard d'ensemble
sur l'orientation des finances publiques ?

Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace incluait un article 7 disposant, de manière un peu sybilline, que « les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances peuvent être examinés conjointement, en tout ou partie, dans les conditions fixées par la loi organique. »

Même si l'examen de ce texte a été supendu, l'idée d'instaurer un « moment » au cours duquel le Parlement peut débattre de l'ensemble des finances publiques est restée dans le débat public. Or si cette idée présente un aspect séduisant d'un point de vue conceptuel, son caractère novateur et véritablement opérationnel mérite, hélas, d'être nuancé .

En effet, un tel moment existe déjà puisqu'en application de l'article 48 de la LOLF, le Sénat tient chaque année un débat d'orientation des finances publiques (DOFP), organisé en général au moment de l'examen du projet de loi de règlement du budget de l'État.

Et, sans doute sous l'effet d'une culture administrative très solidement ancrée, ce débat prend en fait généralement la forme d'un débat sur l'orientation des seules finances de l'État (et, dans une bien moindre mesure, des collectivités territoriales) lors duquel le rapporteur général de la commission des affaires sociales est souvent bien seul à évoquer les finances sociales, qui représentent pourtant environ la moitié des finances publiques.

À titre d'illustration, lors du dernier débat de ce type 15 ( * ) , le ministre de l'action et des comptes publics n'a évoqué, dans son propos introductif, la sécurité sociale, qu'en trois phrases. Deux pour exprimer que « le redressement des comptes de la sécurité sociale s'est consolidé malgré le ralentissement conjoncturel du second semestre 2018 qui a pesé sur les recettes du régime général. Cela démontre qu'il est possible de tenir les comptes sociaux, désormais proches de l'équilibre - situation que la sécurité sociale n'a pas connue depuis 2001 -, tout en finançant les mesures de pouvoir d'achat en faveur des actifs » et une pour indiquer que « pour la sécurité sociale, [le Gouvernement tiendra] la maîtrise des dépenses sous Ondam », ce qui est assez léger.

De plus, aucune réponse ministérielle n'a été apportée, dans la suite du même débat, aux différentes questions et observations formulées par la commission des affaires sociales.

Sur le fondement de cette expérience concrète, il est donc à craindre que l'organisation d'un débat soi-disant conjoint des finances publiques se traduise, dans les faits, par un examen parlementaire bien moins approfondi sur les finances sociales qu'il ne l'est à l'heure actuelle grâce à l'examen séparé du PLFSS , au détriment de l'ensemble des finances publiques.

Néanmoins, l'instauration d'une « loi de règlement » de la sécurité sociale serait sans doute de nature à améliorer le regard commun sur le contrôle et l'orientation des finances publiques. Le DOFP, qui pourrait être couplé à la discussion générale des deux projets de « loi de règlement », pourrait alors donner lieu à des débats étayés menés par les deux commissions financières des assemblées et serait conclu par deux votes portant sur l'ensemble des finances publiques.

B. PRÉCISER LES RELATIONS ENTRE LA COUR DES COMPTES ET LES COMMISSIONS DES AFFAIRES SOCIALES DES DEUX ASSEMBLÉES

Par ailleurs, les relations des commissions des affaires sociales des deux assemblées avec la Cour des comptes pourraient être adaptées.

Celles-ci sont régies par la section 3 du chapitre II du titre III du livre I er du code des juridictions financières.

Même si la commission des affaires sociales du Sénat ne peut que se féliciter de la qualité de ses relations avec la Cour des comptes, en particulier sa sixième chambre, et de la qualité des travaux de la Cour, il serait logique d'aligner les conditions de remise des travaux avec ce que prévoit le 2° de l'article 58 de la LOLF pour les travaux effectués à la demande des commissions des finances.

Le principe d'un délai de huit mois pour la remise des conclusions de la Cour des comptes aux travaux demandés par les commissions chargées de l'examen au fond des LFSS pourrait ainsi être introduit à l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

De plus, par cohérence avec la partie précédente, il conviendrait de prévoir que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale établi par la Cour des comptes en application de l'article L.O. 132-3 du même code soit publié au moment du dépôt du projet de loi de règlement des comptes de l'année précédente .

III. DOTER LA SÉCURITÉ SOCIALE D'UNE RÈGLE D'OR POUR COUPER LE ROBINET DE LA DETTE SOCIALE APRÈS 2023

Les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, en cours d'examen par le Parlement, devraient se traduire par de nouveaux transferts massifs de déficits cumulés des différents organismes de sécurité sociale à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

En vertu de ces mêmes textes, la durée de vie de cette caisse devrait être prolongée jusqu'au 31 décembre 2033.

Ainsi, comme lors de la création de la Cades, il y a près d'un quart de siècle afin de ne pas transmettre aux générations suivantes le poids de la dette sociale, l'horizon d'amortissement de cette dette est aujourd'hui de treize ans, à supposer que la situation des comptes sociaux ne se dégrade pas plus qu'actuellement envisagé.

Ainsi revenus en quelque sorte au point de départ, les pouvoirs publics doivent regarder lucidement l'échec que constitue la tentative d'amortissement de la dette, à laquelle sont consacrés chaque année environ 17 milliards d'euros d'impositions de toute nature 16 ( * ) .

Il n'est plus temps de rester entre deux eaux. Il convient au contraire d'effectuer un choix clair entre :

- le remboursement complet de cette dette en intérêts et en capital en assurant son financement sans plus constamment éloigner l'horizon du remboursement. Tel a été le choix de la commission des affaires sociales lors de l'examen du projet de loi organique ;

- le constat de l'échec collectif à apurer cette dette , ce qui devrait se traduire par le transfert de la dette sociale à l'État et l'emploi à d'autres fins des recettes actuellement consacrées au remboursement du capital de la dette sociale.

Dans un cas comme dans l'autre, il est impératif de « couper le robinet » de la dette en dotant les LFSS d'une règle d'or de niveau organique qui interdira l'accumulation de nouveaux déficits .

En effet, il revient à chaque génération d'assurer le financement de sa propre protection sociale sauf à miner le pacte générationnel et la confiance des jeunes générations envers l'ensemble du système (singulièrement dans le système de retraite, dont les bénéfices sont pour elles très lointains).

Telle est la proposition qu'a formulée la commission des affaires sociales dans le cadre de l'examen du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie, au travers de l'insertion d'un article 1 er bis . Si, comme cela est probable, cet article ne devait pas figurer dans la loi organique qui sera promulguée cet été, il conviendrait d'en reprendre le principe dans le cadre d'une future réforme de la loi organique. Le présent rapport rappelle donc les principes de la règle d'or adoptée par la commission puis par le Sénat. Mais davantage que les modalités précises d'une telle règle, c'est bien son existence qui doit être promue.

Dans le système proposé par la commission des affaires sociales, qui s'inspire de ce que prévoyait le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, la règle d'or s'appuierait sur les éléments de pluriannualité qui existent déjà dans les PLFSS puisque ceux-ci comportent déjà une annexe faisant apparaître les prévisions de recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du FSV sur cinq ans, pour les années N à N+4.

Sur cette base, il faudrait que le cumul des soldes consolidés des ROBSS et du FSV des années N à N+4 soit toujours positif ou nul à compter du PLFSS pour 2025. La trajectoire concernerait alors les exercices 2024 à 2028.

Comme cela a été souligné dans le rapport de la commission sur ledit projet de loi organique 17 ( * ) , une telle règle serait à la fois contraignante et souple.

Contraignante, parce que le législateur ne s'est jusqu'à présent jamais doté d'un tel encadrement et que celui-ci imposerait, à l'avenir, de faire de véritables choix en matière sociale - sans plus céder à la tentation de vouloir offrir davantage de prestations sans en assumer le coût.

Souple parce qu'à l'inverse de la pratique d'un pays comme l'Allemagne en matière d'assurance maladie, les déficits ponctuels resteraient permis, l'équilibre étant constamment apprécié sur un moyen terme - celui d'un cycle économique. De plus, en cas de survenance de circonstances exceptionnelles , au sens de l'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) du 3 mars 2012 (comme par exemple la crise financière de 2008 ou la crise actuelle), l'échéance pour retrouver un équilibre global pourrait être étendue jusqu'à dix ans. Une telle souplesse rendrait d'autant plus nécessaire le contrôle du caractère réaliste de la trajectoire proposée, par le Parlement, le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil constitutionnel.

Concrètement, l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale serait complété afin qu'y figure la règle selon laquelle, dans le rapport annexé aux PLFSS à compter de 2024, la prévision de solde cumulé de l'ensemble des ROBSS et des organismes concourant au financement de ces régimes (c'est-à-dire du FSV) pour la période allant de l'année en cours aux quatre exercices à venir est positive ou nulle . Le rapport présenterait les moyens et modalités permettant de parvenir à ce résultat afin d'en assurer la sincérité.

Comme indiqué ci-dessus, une dérogation serait prévue à ce principe en cas de « circonstances exceptionnelles » au sens du traité européen, dûment constatées dans les conditions prévues à l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Dans ce cas, le rapport annexé au PLFSS préciserait celui des dix prochains exercices à l'issue duquel le solde cumulé de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes concourant au financement de ces régimes pour la période allant de l'année en cours audit exercice redeviendrait positif ou nul ainsi que les moyens et modalités permettant de parvenir à ce résultat.

En outre, la rédaction des articles 14 et 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précitée serait modifiée de façon à :

- d'une part, permettre au Haut Conseil des finances publiques de se prononcer sur le caractère réaliste de la trajectoire quinquennale présentée dans le PLFSS ;

- d'autre part, prévoir, le cas échéant, la déclaration de « circonstances exceptionnelles » dans le rapport annexé au PLFSS.

On relèvera que l'instauration d'un tel mécanisme devrait sécuriser à long terme les ressources de la sécurité sociale, au travers d'une compensation systématique des mesures de baisses de recettes par des moyens simples et robustes.

Le respect du principe d'équilibre financier de l'assurance maladie obligatoire
en Allemagne pendant la crise de la covid-19

L'Allemagne a instauré, dans une loi du 26 mars 2007 entrée en vigueur en 2009 , une règle de stabilité financière de l'assurance maladie légalement obligatoire ( gesetzliche Krankenversicherung - GKV) 18 ( * ) .

Depuis lors, le financement de l'assurance maladie est assuré par un « Fonds de santé » qui reçoit l'ensemble des contributions des employeurs et des salariés ainsi que la participation de l'État fédéral, fixée en principe à 14,5 milliards d'euros par an. Ce fonds réaffecte ensuite les recettes revenant à chaque caisse. Si les besoins de financement d'une caisse d'assurance maladie ne peuvent pas être couverts par les virements reçus du Fonds de santé, celle-ci doit exiger de ses membres une contribution supplémentaire.

Pendant l'actuelle crise provoquée par l'épidémie de covid-19, la règle de l'équilibre financier demeure stricto sensu inchangée. Toutefois la participation financière de l'État fédéral a été rehaussée à titre exceptionnel en 2020 (à hauteur de 3,5 milliards d'euros) et devrait l'être de nouveau en 2021, dans des proportions à préciser. Un prélèvement dans les réserves des caisses d'assurance maladie (estimées mi-2020 à 20,6 milliards d'euros, soit cinq fois le niveau minimal de réserves prévu par la loi) est également envisagé. En toute hypothèse, le gouvernement fédéral a exclu une hausse de la contribution additionnelle des assurés afin de respecter l'engagement de la coalition à ce que le niveau des cotisations sociales ne dépasse pas 40 % des salaires et rémunérations.

Source : Division de la législation comparée du Sénat

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 8 juillet 2020, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport d'information de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - C'est en décembre 2018, il y a donc un an et demi, que la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) m'a confié la charge de mener une réflexion sur le cadre constitutionnel et organique des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

Le contexte était alors celui de la possible reprise de l'examen d'un projet de loi constitutionnel qui prévoyait la possibilité d'organiser un « examen conjoint » des textes financiers de l'automne ; et, de manière générale, celui d'un bilan des LFSS une quinzaine d'années après la dernière réforme d'envergure de leur cadre organique. Il a alors paru important au président Cardoux que la MECSS et plus largement notre commission, dispose d'une analyse propre et puisse être une force de propositions pour de possibles évolutions du cadre organique des LFSS.

Le Gouvernement avait d'ailleurs confié une mission similaire au Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), qui a rendu ses conclusions en novembre dernier. Je vous précise avoir participé aux travaux du Haut conseil et avoir été auditionné dans ce cadre l'année dernière. Si je partage un grand nombre des constats et préconisations du HCFiPS, j'ai aussi quelques nuances, notamment liées à ma pratique concrète des travaux parlementaires, que j'aurai l'occasion de vous préciser.

Par ailleurs, il va de soi de la crise extraordinaire que nous vivons apporte son propre lot d'enseignements. À cet égard, nous y reviendrons, j'ai partagé l'étonnement et la déception que plusieurs d'entre nous ont exprimés quant à l'absence de projet de loi de financement rectificative cette année alors même que toutes les hypothèses sur laquelle se fonde la LFSS pour 2020 sont désormais caduques.

Mes travaux et réflexions ont porté sur quatre grands thèmes : le périmètre des LFSS ; la normativité des dispositions adoptées dans les lois de financement ; le contrôle du Parlement et l'équilibre des finances sociales.

Je commencerai par évoquer le périmètre. De quoi doit-on parler dans le cadre des LFSS ?

Vous vous souvenez sans doute que, lors de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie, plus représentative, responsable et efficace, Olivier Véran, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, avait suscité un certain émoi en déposant un amendement rebaptisant les LFSS « lois de financement de la protection sociale ».

Au-delà du caractère symbolique très fort des mots « sécurité sociale », le fond de la question posée par cet amendement était bien celui du périmètre des lois de financement.

J'estime également que ce périmètre mérite d'être revu. Mais que cela peut se faire en modifiant uniquement le cadre organique, sans modifier la Constitution - ni, a fortiori, modifier le nom des LFSS au risque de polariser le débat sur ce symbole. En effet, dans son avis sur le projet de loi organique relatif au système universel de retraites, le Conseil d'État a considéré :

- d'une part, que le 17 e alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale, recouvre par ces termes « l'ensemble des systèmes de protection sociale, quelles que soient leurs modalités de gestion administrative ou financière et, notamment, sans distinguer suivant que la protection est aménagée au moyen de mécanismes d'assurance ou d'assistance » ;

- d'autre part, que cet alinéa définit le périmètre au sein duquel le législateur organique peut déterminer le domaine d'intervention des lois de financement de la sécurité sociale prévues par le 19 e alinéa de l'article 34 et l'article 47-1 de la Constitution.

En droit, nous pouvons donc aller très loin dans l'extension du périmètre des lois de financement.

Dès lors, qu'inclure dans les LFSS ?

La question de la dépendance est particulière. En effet, elle est traitée par les projets de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie en cours de navette. Nous avons déjà eu ces débats lors de l'examen de ces textes en première lecture. Je n'y reviendrai donc pas.

Il n'en va pas de même pour l'assurance chômage. Historiquement, celle-ci s'est construite en dehors de la sécurité sociale et elle a conservé, jusqu'à une période très récente, un fonctionnement fondé sur un paritarisme puissant et sur une logique presque purement assurantielle. Toutefois, ces équilibres historiques ont sensiblement évolué ces dernières années.

En matière de gouvernance, depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Premier ministre fait parvenir un « document de cadrage » aux partenaires sociaux avant l'ouverture des négociations sur le régime d'assurance chômage. Ainsi, même en cas d'accord, le Gouvernement peut, sur cette base, rejeter un éventuel accord et établir lui-même les règles par décret. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en 2019. Le Gouvernement apparaît donc comme particulièrement prééminent, entre des partenaires sociaux dont il peut ne pas tenir compte et un Parlement absent du processus.

En matière de financement, depuis le remplacement des contributions salariales d'assurance chômage par une fraction de CSG et la compensation des allègements généraux sur les contributions des employeurs, plus d'un tiers des ressources de l'Unedic proviennent désormais d'impositions de toute nature. On est donc largement sorti de la logique de « tout contributif » qui prévalait jusqu'alors.

Enfin, la situation financière de l'Unédic, très fortement exposée à la dégradation de la conjoncture (en recettes mais aussi en dépenses), posera à plus ou moins long terme la question de l'apurement de sa dette. Ce jour-là, beaucoup penseront sans doute à la Cades - et d'éventuels transferts pourraient d'ailleurs paraître plus « légitime » que celui du financement de la dette hospitalière.

Pour l'ensemble de ces raisons, il me semble temps désormais de proposer l'inclusion de l'assurance chômage dans le périmètre des LFSS. Les recettes, dépenses et solde du régime feraient ainsi l'objet d'un article à part (distinct des branches des ROBSS et du FSV) et nous pourrions voter en LFSS des mesures ayant une incidence financière sur le régime d'assurance chômage.

Le raisonnement peut être en partie repris pour ce qui concerne les régimes complémentaires de retraite, même si tout n'est pas transposable : le paritarisme reste prédominant et la grande majorité des régimes dispose de réserves financières, gage d'un pilotage financier plus autonome.

Bien sûr, les termes du débat ne seront pas les mêmes selon qu'un régime universel de retraite, qui intégrerait les actuels régimes complémentaires, sera ou non instauré.

Mais en tout état de cause, le resserrement des liens financiers entre les régimes complémentaires et la sécurité sociale, en particulier au travers de la compensation des allègements généraux de contributions patronales, plaide pour l'intégration (plus légère) de ces régimes dans le périmètre de la LFSS.

Je proposerai ainsi :

- qu'une annexe informative détaille la situation financière de chaque régime ;

- et que le domaine facultatif des LFSS inclue des mesures ayant une incidence financière sur ces régimes. Ce qui signifie qu'une telle mesure qui figurerait au sein d'un PLFSS ne serait désormais plus considérée comme un « cavalier social ».

Enfin, s'agissant des établissements publics de santé, je propose d'en rester à un niveau purement informatif. Il s'agirait d'imposer, par la voie organique, au moyen d'une nouvelle annexe au PLFSS, les dispositions prévues par l'article 26 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022, jamais appliquées depuis lors. Je rappelle que cet article prévoit que le Gouvernement remette chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport sur la situation financière des établissements publics de santé pour le dernier exercice clos. Ce rapport devrait faire état de l'évolution des charges et des produits par titre, de l'endettement et des dépenses d'investissement.

Une telle information est nécessaire, à la fois pour disposer d'une vision financière globale du système de santé (notamment des effets de l'Ondam sur les comptes des hôpitaux) et parce qu'avec le probable financement d'une partie de la dette hospitalière par la Cades, l'imbrication des établissements de santé avec la sécurité sociale sera encore plus nette.

J'en arrive à la normativité des dispositions que le Parlement adopte dans le cadre des LFSS.

Vous le savez, les lois de financement sont des textes hybrides, qui mêlent des dispositions tout à fait normatives, sur lesquelles je ne reviendrai pas, et des montants de recettes, de dépenses, de soldes, d'objectifs de dépenses qui présentent, en fait, un caractère évaluatif. Comme la crise actuelle le montre bien, il n'est pas nécessaire juridiquement de repasser devant le Parlement même lorsque toutes les hypothèses sur lesquelles repose la LFSS deviennent caduques - à l'inverse de ce qui se passe en loi de finances pour les comptes de l'État.

Cela s'explique par le poids des prestations légales dans les dépenses de la sécurité sociale - près de 94 % des dépenses du régime général et du FSV en 2018. Et, bien entendu, il n'est pas question d'arrêter le versement de ces prestations même si l'enveloppe votée par le Parlement était dépassée.

Cependant, les autres dépenses, correspondant soit à des dépenses de fonctionnement soit à des dépenses d'intervention arbitrables par les différents régimes représentent, de ce fait, une « boîte noire » difficilement contrôlable (voire incontrôlable) par le Parlement. Or leur montant, de l'ordre d'une vingtaine de milliards d'euros, rend cet état de fait peu acceptable.

La crise actuelle l'a parfaitement illustré : alors que le Gouvernement a dû faire voter par le Parlement en loi de finances rectificative les dépenses supplémentaires incombant à l'État, c'est par un simple arrêté ministériel qu'il a doté Santé publique France de 4 milliards d'euros supplémentaires au titre de la constitution de stocks stratégiques. De même, les primes des personnels soignants seront supportées par l'assurance maladie sans consultation du Parlement. En outre, un simple décret a pu faire passer l'autorisation de découvert de l'Acoss de 39 à... 95 milliards d'euros, sans consultation du Parlement.

Bien sûr, l'urgence constitue toujours un excellent motif pour se passer du législateur. Mais la différence de traitement entre l'État et la Sécurité sociale me semble anormale. C'est pourquoi il me semble nécessaire de vous proposer des clarifications.

Ainsi, l'Ondam et les objectifs à caractère évaluatif des branches ne devraient-ils plus regrouper à l'avenir que des dépenses correspondant à des assurances sociales ou à d'autres prestations légales.

Mais à côté de ces objectifs, pour les dépenses ne correspondant pas au versement de prestations légales, je proposerai que le Parlement accorde à chaque branche des crédits à caractère limitatif, dont le Gouvernement devra justifier le montant au premier euro. Et pour lesquels, en cas de dépassement, il faudra demander une nouvelle autorisation au Parlement. Ainsi, pour reprendre l'exemple des stocks stratégiques, le Gouvernement devrait demain demander l'autorisation d'augmenter de 4 milliards d'euros le budget de Santé publique France dans le cadre d'une LFSS rectificative.

Pour ce qui concerne les autorisations de découvert de l'Acoss et des autres caisses, je proposerai une voie intermédiaire, qui s'inspire de la pratique des décrets d'avance prévus à l'article 13 de la LOLF. En cas d'urgence, le Gouvernement devrait saisir les commissions des affaires sociales des deux assemblées, qui disposeraient d'une semaine pour adresser leur avis au Premier ministre. Ce n'est qu'après réception de ces avis ou, à défaut, à l'expiration du délai d'une semaine que le Gouvernement pourrait prendre le décret.

J'en arrive à présent au contrôle du Parlement sur les LFSS.

Je considère qu'il est insatisfaisant, bien que nous puissions organiser librement nos travaux et que nous disposions de réels pouvoirs à cet effet.

En effet, du fait de la prédominance des crédits évaluatifs (même dans le schéma que je vous propose), l'art des LFSS réside dans l'exécution, plus encore que les lois de finances, au caractère normatif plus affirmé.

Or il n'existe pas de moment où l'on contrôle vraiment l'exécution de la loi de financement. Plus exactement, le moment où l'on approuve les comptes de l'année passée n'est pas vraiment un « moment ». Il s'agit de l'article 1 er de chaque LFSS, toujours expédié en quelques secondes, alors que tout le monde a déjà l'esprit tourné vers les mesures relatives à l'exercice suivant.

Nous essayons de le pallier, certes, notamment avec le rapport que je viens de vous présenter. De leur côté, nos collègues députés ont lancé le « printemps de l'évaluation » pendant lequel ils auditionnent divers responsables de l'administration et des organismes de sécurité sociale sur leur gestion.

Mais je pense que le meilleur moyen de rendre le contrôle plus solennel et plus efficace serait de mettre en place une véritable « loi de règlement » de la sécurité sociale, qui serait débattue en juin, à peu près en même temps que la loi de règlement du budget de l'État.

Cette loi de règlement remplacerait, bien sûr, la première partie des actuelles LFSS, consacrées aux comptes de l'année précédente. Certaines annexes du PLFSS, en particulier les programmes de qualité et d'efficience, deviendraient des annexes de ces lois, permettant de justifier l'utiliser des fonds et l'atteinte des objectifs assignés par le Parlement.

Je vous précise, en toute transparence, que la création de cette catégorie de loi constitue ma principale divergence avec les conclusions du HCFiPS. Le Haut conseil, dans lequel la « vraie vie » du Parlement est un peu moins connue, a manifesté un certain attachement au fait de préserver la « pureté » des actuelles LFSS, au sein desquelles s'enchaînent des articles relatifs à l'exercice précédent, à l'exercice en cours et à l'exercice à venir.

Accessoirement, je proposerai un toilettage du code des juridictions financières pour poser le principe d'une réponse de la Cour des comptes dans un délai de huit mois à nos demandes d'enquêtes, par parallélisme avec ce qui existe à l'article 58-2° de la LOLF pour la commission des finances. A minima, cela devrait améliorer la capacité de négociation de notre président avec le Premier président de la Cour des comptes pour fixer le moment de la remise de ces travaux.

Enfin, s'agissant de l'équilibre des comptes sociaux, je ne m'étendrai guère, nos débats de ces deux dernières semaines en commission puis en séance publique nous ayant déjà permis d'aborder cette question au fond.

Mais je vous confirme mon intention de proposer la « règle d'or » que nous avons insérée dans le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie en cours d'examen si cette initiative ne devait pas aller à son terme.

À cet égard, je redirai simplement qu'il est de notre devoir à l'égard des générations futures, qui auront déjà de nombreux poids sur leurs épaules, de faire cesser une bonne fois pour toutes, dès que la situation économique le permettra, le flux incessant des déficits et des transferts à la Cades (ou, pire encore, des découverts qui s'accumulent au sein de l'Acoss). C'est la meilleure garantie pour nos enfants et petits-enfants bénéficient, eux aussi, de notre système de protection sociale.

Et je soulignerai, comme plusieurs d'entre vous l'ont déjà fait, qu'il y a beaucoup de façons d'atteindre l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, en matière de recettes comme en matière de dépenses. Il faudra simplement assumer l'adéquation entre recettes et dépenses : on ne rase pas gratis en matière d'assurances sociales. Incidemment, avec un tel cadre normatif, il ne devrait plus y avoir beaucoup de baisses de recettes non compensées.

Voilà, mes chers collègues, les principales pistes d'évolution des LFSS que je compte vous proposer. Je suis évidemment ouvert à vos réflexions et observations.

L'ouvrage n'est sans doute pas complet. Il ne s'intéresse pas, par exemple, à la question du calendrier d'examen des LFSS. Mais celui-ci concerne les députés encore plus que nous et il me paraîtrait logique qu'une initiative en la matière provienne plutôt de l'Assemblée nationale.

M. René-Paul Savary . - Je désirerais l'opinion du rapporteur général sur deux points : la position particulière du FSV et le traitement des réserves des régimes de retraites complémentaires en cas d'intégration au périmètre de la sécurité sociale. En effet, comment ne pas être interpellé par le sort réservé au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), géré par la CNAV pour garantir les pensions de base du régime général, qui s'est vu largement amputé par le projet de loi en cours d'examen sur la dette sociale et l'autonomie, au point que ses réserves soient passées de près de 30 milliards d'euros à près de 6 milliards d'euros ?

Il me paraît par ailleurs particulièrement périlleux de discuter du statut organique de la sécurité sociale alors qu'on ne s'est toujours pas accordé sur l'avenir d'une cinquième branche. Comment prendre en compte les financements assurés par les mutuelles en matière de couverture santé - pour près de 35 milliards d'euros ?

Sur l'intégration de l'Unédic au sein des comptes sociaux, j'y suis au fond assez favorable, étant donné l'épuisement de fait du paritarisme qui fonde sa gestion.

Mme Michelle Meunier . - Le périmètre de la cinquième branche demeure au coeur de mes préoccupations. Où place-t-on le handicap ?

Je suis particulièrement sensible au renforcement du rôle du Parlement que vous proposez. N'y aurait-il pas quelques améliorations à apporter à la MECSS, et donc à notre propre fonctionnement, pour aiguiser notre fonction de contrôle en la matière ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Il y a un tiers des financements de l'Unédic qui proviennent de sources non assurantielles. Cet organisme n'est pas maître de son propre équilibre financier et devrait à ce titre être incorporé à la sécurité sociale. Toute autre est la situation des retraites complémentaires, dont l'autonomie de gestion a permis la constitution de réserves.

Vous avez évoqué la cinquième branche. Je me permets de vous rappeler que près de 22 milliards d'euros sont déjà attribués au titre de l'Ondam au financement de la perte d'autonomie et du handicap. L'ambition de la cinquième branche semble être d'y ajouter le reste des dépenses publiques qui y sont consacrées - près de 44 milliards d'euros. Certains arbitrages doivent encore être rendus afin que le périmètre en soit enfin clarifié.

La MECSS mène un travail de clarification nécessaire, compliqué par le rythme de nos renouvellements, qui appelle une formation des nouveaux parlementaires aux méandres des finances sociales.

Mme Élisabeth Doineau . - Je souhaiterais recueillir votre avis sur la position d'Olivier Véran sur le nom à venir des LFSS.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Cette référence aux futures « lois de financement de protection sociale » avait en effet suscité un certain émoi. À mon sens, ce débat n'a pas vocation à être relancé, mais il me semble préférable de conserver la référence historique à la Sécurité sociale.

La commission autorise la publication du rapport d'information.


* 1 En référence à la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, n° 911, déposé à l'Assemblée nationale le mercredi 9 mai 2018. Depuis lors, ce texte, dont l'Assemblée nationale n'avait pas achevé la première lecture, a été retiré par le Gouvernement, le 29 août 2019.

* 3 Les lois de financement de la sécurité sociale - Bilan et perspectives, 6 novembre 2019

* 4 À titre d'illustration, lors de l'examen de la LFSS pour 2020 en première lecture au Sénat, quelque 128 amendements sur un total 946 déposés ont été déclarés irrecevables pour non-respect du périmètre des LFSS. De plus, d'autres amendements, déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, auraient pu subir le même sort. En tout, 318 amendements ont ainsi été déclarés irrecevables, soit plus d'un tiers des amendements déposés.

* 5 Cette catégorie de lois a été créée et est régie par les dispositions de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 6 Une telle coïncidence impliquerait que les pensions des agents civils et militaires de l'État entrent dans le champ des ASSO en comptabilité nationale, ce qui gagnerait d'ailleurs à être fait pour des raisons de clarté et de cohérence.

* 7 Rapport Sénat n° 556 (2019-2020) et compte rendu intégral des débats du Sénat du 1 er juillet 2020.

* 8 Rapport de la concertation Grand âge et autonomie, « 175 propositions pour une politique nouvelle et forte du grand âge en France », mars 2019.

* 9 Rapport d'information Sénat n° 428 (2018-2019).

* 10 Article L. 5422-20 du code du travail.

* 11 Rapport d'information n° 40 (2019-2020).

* 12 Dans la version de cet article devant résulter du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

* 13 Arrêté du 8 juin 2020 fixant le montant pour l'exercice 2020 du financement de l'Agence nationale de santé publique.

* 14 Le dernier décret en date est le décret n° 2020-603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond du recours aux ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

* 15 Compte rendu intégral des débats du Sénat du 11 juillet 2019.

* 16 Soit la totalité du produit de la CRDS, créée à cette fin et une partie du produit de la CSG.

* 17 Rapport Sénat n° 556 (2019-2020).

* 18 Pour plus de détails sur l'organisation et le financement de la médecine de ville en Allemagne, voir le rapport d'information Sénat n° 867 (2015-2016) de Jean-Marie Vanlerenberghe et Yves Daudigny.

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