N° 626

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur la situation des îles métropolitaines et leurs besoins en matière de différenciation territoriale ,

Par M. Jean-Marie BOCKEL,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. Jean-Marie Bockel , président ; MM. Mathieu Darnaud, Daniel Chasseing, Mme Josiane Costes, MM. Marc Daunis, François Grosdidier, Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Alain Richard, Pascal Savoldelli , vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Bernard Delcros, Christian Manable , secrétaires ; MM. François Calvet, Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mmes Frédérique Espagnac, Corinne Féret, Françoise Gatel, M. Hervé Gillé, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean François Husson, Dominique de Legge, Jean-Claude Luche, Jean Louis Masson, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Philippe Pemezec, Rémy Pointereau, Mmes Sonia de la Provôté, Patricia Schillinger, Catherine Troendlé, MM. Raymond Vall, Jean-Pierre Vial .

AVANT-PROPOS

Dans le cadre des travaux du Sénat relatif à l'approfondissement de la décentralisation et de la déconcentration, le président Larcher a souhaité que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation se penche sur la situation des îles métropolitaines. En effet, pour connaître des spécificités nombreuses qui les distinguent du continent, elles n'en sont pas moins, le plus souvent, soumises aux mêmes règles que les territoires non iliens.

La délégation a donc organisé, le 9 juillet 2020, une table ronde accueillant différents représentants et élus de ces territoires situés sur les façades atlantique et méditerranéenne.

Le premier sentiment exprimé par les représentants des îles métropolitaines est que ces territoires sont un « angle mort » des politiques publiques françaises, ces derniers ne pouvant être assimilées ni aux collectivités territoriales d'Outre-Mer ni au territoire métropolitain.

Or, ces territoires sont confrontés à plusieurs enjeux cruciaux liés à leur condition insulaire : difficile maintien des services essentiels à la population, fragilisation de leur équilibre démographique avec une montée en puissance de l'habitat secondaire, rareté du foncier ou encore risques liés à l'insularité hydrique et énergétique.

Le législateur a déjà pu oeuvrer en faveur de ces territoires et leur consentir certaines mesures spécifiques. Ainsi, les îles monocommunales sont exemptées de l'obligation d'être rattachées à une intercommunalité et, pour se constituer, les établissements publics de coopération intercommunale insulaires peuvent, après la loi NOTRe, ne pas être soumis au seuil démographique de droit commun de 15 000 habitants.

Autre exemple, la loi de finances pour 2017 a institué la dotation communale d'insularité pour les communes insulaires non reliées au continent par une infrastructure routière, qui a pour but de compenser les charges induites par cette situation. La répartition entre les communes de ladite dotation s'effectue au prorata de leur population.

Bien que non négligeables, ces évolutions sont-elles pour autant suffisantes pour tenir compte des particularités des îles métropolitaines, assurer une égalité de développement et de traitement entre ces territoires insulaires et le continent et une égalité des chances entre les habitants des uns et de l'autre ?

Il y a d'abord lieu de relever que le dialogue État-collectivités à propos des îles n'est pas toujours aisé et fluide, alors même qu'il s'agit de territoires de petite taille. Les élus ont ainsi pu souligner les contradictions des services de l'État qui, de fait, bloquent les projets... pourtant jugés prioritaires par le même État, par exemple en matière de transition écologique. Le lien entre les îles et les EPCI auxquels elles appartiennent parfois, tout comme la capacité institutionnelle des îles à peser sur des sujets essentiels pour leur avenir sont aussi des sujets sensibles. Dès lors, la prise en compte des besoins insulaires peut en être altérée.

Au-delà, la question se pose de savoir si la situation particulière des îles métropolitaines n'exigerait pas de reconnaître un principe général d'adaptation législative dans différents domaines. Dans le domaine de l'éducation tout d'abord, où la préservation des établissements scolaires, gage essentiel de maintien des populations, suppose la mise en place ou la sanctuarisation d'un principe de souplesse permettant, par exemple, une déconnection entre l'existence de classes et les effectifs des élèves ou encore l'existence d'établissements à cheval entre deux départements.

Dans le domaine du logement, les îles font face à la fois à l'augmentation du nombre des résidences secondaires mais également à une non adéquation des critères d'accession au logement social qui ne prennent pas en compte le surcoût de la vie sur place.

S'agissant de la fiscalité, il est difficilement compréhensible que les îles soient dans l'impossibilité d'être classées en zone de revitalisation rurale (ZRR) du fait des critères d'accès à ce dispositif. D'une part, Lle critère démographique, qui exige une densité de population inférieure à 63 habitants au kilomètre carré, ne correspond pas à la réalité des îles, marquée par l'exiguïté des terres. D'autre part, le critère du salaire médian ne prend pas en compte les surcoûts de la vie insulaire.

Mais c'est sans doute dans le domaine de l'urbanisme que les besoins en adaptation des normes nationales sont les plus évidents. La notion d'espaces proches du rivage, la nouvelle définition des hameaux ouvrant droit à une extension de l'urbanisation en continuité et l'interdiction de construire sur la bande littorale de cent mètres sont très restrictives et parfois peu adaptées pour des îles à la superficie limitée et ne comportant pratiquement pas d'arrière-pays.

Dans le domaine des ressources nécessaires à la vie sur les îles, les élus ont fait part de leur difficulté émanant de l'insularité hydrique de certaines d'entre elles. Si celle-ci a pu être palliée par des procédés de réutilisation des ressources locales - tels que des bassins et citernes de récupération d'eau de pluie -, la loi interdit leur utilisation pour les établissements recevant du public.

Autant de sujets qui démontrent qu'une remise à plat par l'exécutif et le législateur de la situation des îles métropolitaines doit désormais être entreprise dans l'esprit d'une différenciation territoriale intelligente.

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