B. DES SYNERGIES RENFORCÉES

Au cours de cette période triennale, la délégation a conforté son positionnement par rapport au travail parlementaire et aux autres instances sénatoriales.

1. Un principe initial : la non-immixtion par rapport aux commissions législatives

Dès sa création, la délégation, qui ne dispose pas de pouvoir législatif propre, a opté pour un fonctionnement respectant strictement les compétences propres des commissions et évitant toute interférence dans le processus législatif qui est leur apanage.

Eu égard à la complexité inhérente aux questions concernant les outre-mer, la délégation estime en outre nécessaire d'éviter les risques de contradiction et de confusion : plutôt que des saisines pour avis sur les projets et propositions de loi en cours d'examen et l'acceptation corrélative d'un temps législatif qui ne permet généralement pas d'évaluer concrètement la pertinence des dispositifs en les confrontant à une réalité ultramarine plurielle, la délégation préfère mener des études de plus long terme destinées à éclairer et à inspirer les travaux législatifs futurs.

Ses analyses et recommandations peuvent ainsi être reprises utilement par les sénateurs, comme par le Gouvernement, à l'occasion des débats législatifs. Cette possibilité a d'ailleurs été largement utilisée au cours de la présente période triennale.

Elle s'est toujours attachée à éclairer le processus législatif, apanage des commissions, sans s'y immiscer.

2. Un partenariat fructueux avec la Délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Comme précédemment, tout en réalisant des travaux de fond en amont du processus législatif et permettant d'éclairer, le moment venu, la décision, la délégation s'attache à choisir des sujets d'étude de portée transversale , c'est-à-dire concernant généralement plusieurs territoires et chevauchant le domaine de compétences de plusieurs commissions permanentes.

Depuis 2017, un travail remarquable a en outre été effectué avec la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont quatre membres sont aussi membres de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.

D'une part, un colloque dédié au rôle et à la place des femmes dans la vie économique et entrepreneuriale des outre-mer a été organisé conjointement le 20 février 2019.

Au cours de ce colloque, une vingtaine d'intervenantes venues de l'ensemble des territoires ultramarins ont pu témoigner de leurs expériences, dans le cadre de trois tables rondes thématiques relatives aux enjeux d'une gouvernance entrepreneuriale féminisée, à l'engagement des femmes dans l'agriculture (ce colloque a eu lieu quelques jours avant l'ouverture du Salon de l'agriculture ; cette séquence faisait par ailleurs écho à un rapport publié par la délégation aux droits des femmes sur les agricultrices, en 2017) et au rôle des femmes dans l'innovation économique.

Cette initiative commune aux deux délégations, qui était une première, a mis en lumière l'importance de l'entrepreneuriat féminin dans les territoires ultramarins en tant que levier de développement, de croissance et d'innovation, mais aussi comme source d'émancipation.

Les talents qui se sont exprimés au cours des trois tables rondes, en provenance de tous les océans, sont autant de témoignages de la vitalité de ces territoires. Les actes de ce colloque constituent par ailleurs « un document inédit, visitant l'ensemble des territoires sur un sujet qui a jusqu'à présent suscité peu de travaux de recherche » 5 ( * ) .

D'autre part, un rapport sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans les outre-mer a été réalisé en commun, précédé d'un cycle d'auditions sur une période de deux ans.

Pendant la session 2017-2018, une audition a permis d'entendre les auteurs du rapport du CESE Combattre les violences faites aux femmes dans les outre-mer et a marqué le début d'un cheminement commun aux deux délégations.

En 2018-2019, le rapport sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer a donné lieu, le 4 juillet 2019, à l'audition des responsables de l'enquête Virage dans les outre-mer ou Virage Dom, conduite dans le cadre de l'Institut national d'études démographiques (INED). Les deux délégations ont pu prendre connaissance des premiers résultats de l'étude Virage Dom à La Réunion.

Pendant la session 2019-2020, les travaux sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer se sont poursuivis avec deux auditions communes (le 3 octobre 2019 : audition de la haute fonctionnaire à l'égalité du ministère des outre-mer, Mme Michaela Rusnac, organisée dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences conjugales ; le 12 décembre 2019 : audition sur l'enquête Virage Dom en Guadeloupe et Martinique).

En mars 2020, ce cheminement conjoint sur les violences dans les outre-mer a abouti à l'adoption d'un rapport commun aux deux délégations, cosigné par leurs deux présidents, intitulé La lutte contre les violences faites aux femmes dans les outre-mer : un enjeu d'égalité 6 ( * ) . Cette démarche sans précédent mérite d'être soulignée.

Le cérémonie des Prix 2020 de la Délégation aux droits des femmes qui a vocation, chaque année, à marquer la considération de l'institution pour des acteurs et actrices de la lutte pour l'égalité s'est tenue, le 15 septembre, en présence du président de la Délégation aux outre-mer, car parmi les quatre lauréats figurait Mme Gisèle Bourquin, présidente de l'association Femmes au-delà des mers .

Comme l'a souligné sa présidente, Mme Annick Billon, la Délégation aux droits des femmes a souhaité saluer à travers cette lauréate l'implication, depuis le renouvellement sénatorial de 2017, de ses quatre membres ultramarins - Nassimah Dindar, Victoire Jasmin, Viviane Malet et Guillaume Arnell - dans les activités de la délégation et le remarquable travail de cette association qui a organisé au Sénat, en décembre 2019, une manifestation sur le « matrimoine des outre-mer », à l'occasion ses dix ans d'existence.

3. Une dimension européenne confortée

L'importance que revêt la dimension européenne pour les outre-mer, économies aux marchés étroits et éloignées du continent européen, a conduit depuis l'origine la délégation à exercer une grande vigilance sur l'impact des politiques communautaires, en particulier la politique commerciale.

À cet effet, il est crucial qu'une proportion suffisante de membres de la délégation soient également membres de la commission des affaires européennes 7 ( * ) et que la répartition des membres de la délégation entre les commissions permanentes soit harmonieuse.

Sans viser un équilibre parfait quasi-impossible dans la pratique - qui supposerait six membres de la délégation dans chacune des commissions permanentes -, le président de la délégation a eu l'occasion de souligner combien il importait que des commissions dont les domaines de compétence impactent aussi éminemment les territoires ultramarins que la commission des affaires économiques ou la commission des finances intègrent davantage de représentants de la délégation dans leurs effectifs .

Le dernier renouvellement a permis de se rapprocher de cet objectif dont l'impact a été très positif sur les travaux de la délégation.

Répartition des membres de la délégation entre les sept commissions permanentes

ECO

ETRD

SOC

CULT

ATDD

FIN

LOIS

Membres de droit (outre-mer)

2

3

6

3

1

3

3

Membres nommés (hors outre-mer)

4

2

2

2

3

4*

4

Total

6

5

8

5

4

7

7

ECO : commission des affaires économiques ; ETRD : commission des affaires étrangères et de la défense ; SOC : commission des affaires sociales ; CULT : commission des affaires culturelles ; ATDD : commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ; FIN : commission des finances ; LOIS : commission des lois.

* Fin du mandat sénatorial de M. Jacques Genest le 27 juin 2020.

On notera néanmoins que la concomitance des horaires de certaines réunions le jeudi matin, comme celles de la commission des affaires européennes, reste un obstacle notable à cet objectif d'équilibre.

Lors du prochain renouvellement, la nécessité d'une représentation proportionnée des différentes commissions reste un objectif à atteindre à la fois pour une bonne coordination et d'un développement des travaux conjoints avec les commissions et pour une meilleure prise en compte des problématiques ultramarines et de leurs réalités spécifiques.

Un suivi assidu des enjeux européens

1. Le « code génétique » européen de la délégation

Depuis sa création, la délégation a exercé une vigilance étroite sur les dossiers européens ayant un impact sur les économies et le développement des régions ultrapériphériques (RUP). On peut même dire que les prises de position sur les questions européennes affectant les RUP font partie du code génétique de la délégation puisqu'une première résolution européenne avait été examinée en séance publique et adoptée avant même qu'elle ne soit formellement créée, à l'initiative conjointe du président et du rapporteur de la mission commune d'information de 2009 sur la situation des départements et régions d'outre-mer, devenus président et rapporteur du comité de suivi des conclusions de cette mission avant sa transformation en structure permanente. Cette résolution tendait à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne et a été adoptée en séance publique le 3 mai 2011 par un vote à l'unanimité des présents.

Depuis lors, on rappellera que cinq autres résolutions européennes ont été adoptées par le Sénat à l'initiative de la délégation.

La première est intervenue à l'occasion de la finalisation des négociations de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Vietnam pour sonner l'alarme et empêcher que les stipulations relatives au commerce du sucre dans cet accord ne mettent à mal la filière canne-sucre-rhum dans les départements français producteurs, en particulier La Réunion et la Guadeloupe ( Résolution n° 68 (2015-2016) du 26 janvier 2016).

Une résolution européenne en date du 22 novembre 2016 initiée par la délégation a été adoptée en séance publique. Elle invitait à réorienter la politique commerciale européenne et à prendre en compte les spécificités ultramarines pour l'élaboration des normes agricoles afin de sauvegarder les filières de la canne et de la banane mais aussi les filières de diversification végétale et animale face à la concurrence des pays tiers. Sur sollicitation de la Commission européenne et comme indiqué précédemment, le président de la délégation a pu en présenter la teneur devant les représentants des régions ultrapériphériques le 30 mars 2017 réunis à Bruxelles.

La délégation s'est également fortement mobilisée contre la baisse annoncée par la Commission européenne des fonds alloués au Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) dans le cadre financier pluriannuel 2021?2027. Après avoir entendu les représentants des filières agricoles et agro?alimentaires des régions ultrapériphériques (RUP) françaises. Ce sujet a fait l'objet d'une résolution de la commission des affaires européennes, datée du 16 avril 2018, en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte.

3. Les enjeux financiers et fiscaux européens de l'année 2020

En octobre 2019, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a décidé de mener une étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020. En effet, les multiples défis à relever au cours de cette année cruciale - finaliser la négociation du cadre financier pluriannuel ; négocier l'accord avec le Royaume-Uni ; éviter la remise en cause de certains dispositifs fiscaux spécifiques - rendaient nécessaires une forte mobilisation pour défendre les intérêts français.

Alors que les États peinaient à trouver un terrain d'accord pour ces dossiers, la crise du Covid-19 et ses conséquences économiques sont venues complexifier encore davantage des négociations déjà difficiles, notamment avec les nouvelles orientations proposées par la Commission européenne. La recherche d'un cadre financier pluriannuel renforcé et d'un instrument de relance adapté a ouvert un nouveau champ de discussions et de fractures entre les États membres. Par ailleurs, le financement de l'instrument de relance met l'Union européenne et les États membres face à des choix difficiles.

Pour cerner ces enjeux multiples pour les six régions ultrapériphériques (RUP) et les six pays et territoires d'outre-mer (PTOM) français, la délégation a organisé une dizaine de réunions plénières, trois visioconférences et un déplacement à Bruxelles, ce qui lui a permis d'entendre une quarantaine de personnalités et de recueillir leurs points de vigilance concernant la situation des outre-mer.

De ces travaux est issu un rapport d'information n° 651 (2019-2020) 8 ( * ) assorti de trente propositions qui s'articulent autour de trois axes : défendre un équilibre budgétaire plus favorable aux RUP et PTOM dans le cadre du prochain cadre financier 2021-2027 et du plan de relance économique de l'Union européenne ; lever les incertitudes sur la pérennisation des dispositifs fiscaux propres aux outre-mer avant la fin 2020 ; mieux faire entendre la voix des outre-mer auprès des institutions françaises et européennes.


* 5 Rapport d'information n° 348 (2018-2019) « L'engagement des femmes outre-mer : un levier clé du dynamisme économique » par Mme Annick Billon et M. Michel Magras.

* 6 Rapport d'information n° 362 (2019-2020) « La lutte contre les violences faites aux femmes dans les outre-mer : un enjeu d'égalité » par Mme Annick Billon et M. Michel Magras.

* 7 Seuls trois membres de la délégation sur 42 sont également membres de la commission des affaires européennes.

* 8 Rapport d'information n° 651 (2019-2020) « Les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020 » par Mme Vivette Lopez, MM. Gilbert Roger et Dominique Théophile.

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