LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL

I. LA CONDUITE DES PROJETS EST SOUVENT INEFFICACE ET MÈNE PARFOIS À L'ÉCHEC

En utilisant le compte général de l'État, la Cour des comptes estime la valeur comptable des projets de développement de logiciels ou d'applications ayant abouti à une mise en service à 2,9 milliards d'euros pour l'État et 3,2 milliards d'euros pour ses opérateurs, y compris les caisses nationales de sécurité sociale.

Les projets les plus importants actuellement en service sont Chorus (292,7 millions d'euros), outil de gestion des dépenses et des recettes non fiscales des services de l'État, et Sirhen (188,1 millions d'euros), le système d'information de gestion des ressources humaines et des moyens de l'État. Le flux annuel d'investissement serait de 380 millions d'euros, soit 3 % environ des investissements totaux de l'État.

S'agissant des projets en cours de réalisation , les grands projets numériques de l'État concernent principalement les ministères de l'intérieur, de l'économie et des finances, des armées et de l'éducation nationale.

Cette répartition peut toutefois varier au rythme du démarrage et de l'achèvement des projets les plus importants, un seul projet pouvant représenter jusqu'à plusieurs centaines de millions d'euros à lui seul. On constate ainsi que la répartition des grands projets entre les ministères varie de manière importante d'une année à l'autre .

Coût total des grands projets informatiques de l'État par ministère

(en millions d'euros)

Source : Sénat, à partir des panoramas des grands projets informatiques de l'État 3 ( * )

A. LES MINISTÈRES RENCONTRENT DES DIFFICULTÉS POUR PILOTER LEURS GRANDS PROJETS NUMÉRIQUES

Le directeur interministériel du numérique a fait valoir, lors de l'audition « pour suite à donner » devant la commission des finances, que le taux de retard des projets numériques de l'État était dû principalement au stock de projets en cours.

Si cette indication est de bon augure, elle nécessitera d'être vérifiée au cours des années à venir : une analyse factorielle réalisée par la Cour des comptes sur les grands projets mentionnés dans les projets annuels de performances pour 2019 aboutit plutôt à la conclusion que les dérives en coût sont similaires pour les projets anciens et pour les projets plus récents 4 ( * ) .

La Cour identifie de nombreuses difficultés dans la conduite des projets : les administrations tardent à se doter de compétence en interne et confient donc trop de missions aux prestataires extérieurs (voir infra ), elles ne savent pas arrêter des projets en échec, ni réduire l'ambition de ceux dont les budgets ou les délais sont dépassés.

Elle souligne donc la nécessité de renforcer le pilotage et d'accélérer la prise de décision en désignant un responsable unique ayant autorité sur l'ensemble de la chaîne du projet (conception, développement, tests, déploiement...).

Il est également nécessaire de diminuer la taille des projets en les allotissant, de manière à permettre des mises en service successives. Un projet divisé en tranches permet d'apporter plus rapidement une valeur ajoutée pour les utilisateurs, ce qui renforce sa visibilité et donc l'adhésion des utilisateurs. La mise en service progressive permet aussi d'apporter les améliorations fonctionnelles nécessaires à une évolution du contexte ou des missions du ministère.

Ces recommandations soulignent une difficulté qui caractérise souvent les projets de réforme de l'action publique : malgré la réduction des moyens qui résulte d'une logique budgétaire, l'administration continue à tenter de garder le contrôle d'actions et de compétences qui devraient sans doute être abandonnées ou transférées, avec les moyens nécessaires, à d'autres acteurs plus à même de les réaliser, tels que les opérateurs, les collectivités territoriales ou des délégataires de service public selon le cas.

Ainsi l'administration ne semble-t-elle pas avoir la volonté ou la capacité d'interrompre des projets mal engagés pour gagner du temps et de l'argent, même lorsqu'il apparaît qu'elle ne dispose pas des moyens en interne pour assurer une conduite de projets suffisante. Le directeur interministériel du numérique a fait remarquer que, même lorsque la décision d'arrêt est prise, l'arrêt effectif se concrétise parfois uniquement deux ans après.


* 3 Le panorama des grands projets informatiques de l'État, publié à intervalles réguliers par la Dinum (https://numerique.gouv.fr/publications/panorama-grands-projets-si/), ne recense pas la totalité des projets informatiques, mais ceux qui « requièrent une vigilance et un suivi particuliers en raison de leurs impacts, de leur degré de complexité ou de leurs enjeux financiers », notamment tous ceux dont le coût dépasse 9 millions d'euros.

* 4 Annexe n° 6 de l'enquête de la Cour des comptes.

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