II. DES REPROCHES POUR PARTIE DATÉS ET INJUSTIFIÉS

C'est au regard de l'importance de la réforme entreprise et de la jeunesse du groupe qui en est issu que doivent être analysés les reproches formulés contre Action Logement et que l'on peut classer en trois catégories : ceux qui touchent à son essence et à son existence, ceux qui ont trait à la mise en oeuvre de ses engagements et, enfin, ceux qui se rapportent à la structure du groupe.

A. UNE POLITIQUE TROP COÛTEUSE DEVENUE UN HANDICAP ?

Au fondement de la campagne menée contre Action Logement, on trouve des reproches qui prennent racine dans des rapports anciens ou plus récents, notamment les rapports de la « Commission Attali pour la libération de la croissance française » d'octobre 2010 et celui du « Comité action publique 2022 » de juin 2018. C'est l'existence même d'Action Logement qui y est attaquée. Il en ressort trois idées-force . La première est que la PEEC est en réalité un prélèvement obligatoire, un impôt de production , et qu'elle doit être diminuée ou supprimée. La deuxième est que le paritarisme est inefficace et lent, moins à même que l'État ou une agence gouvernementale de mener des politiques. Il faut rationnaliser : un acteur = une politique. La troisième est que la politique du logement est trop coûteuse, qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une ressource dédiée qui ne démontrerait pas sa pertinence notamment sur le lien logement-emploi.

B. UN GROUPE INEFFICACE ? UNE CRITIQUE LARGEMENT DÉPASSÉE

À ces trois affirmations, dont la mission conteste le bien-fondé, s'ajoutent, presque comme leurs illustrations, des reproches d'ordre plus conjoncturel qui seraient liés à la mauvaise exécution de la convention quinquennale et du plan d'investissement volontaire (PIV) par Action Logement. Ils sont pour l'essentiel développés dans des rapports de la Cour des comptes, de l'ANCOLS, et surtout dans celui de l'Inspection des finances, qui ne sont pas publics et que la mission a pu se faire communiquer. Ils portent sur les années 2016 à 2018 et sont aujourd'hui pour partie dépassés . On peut regrouper les reproches formulés en cinq points :

• L'IGF propose de confier la collecte de la PEEC aux URSSAF et de l'intégrer au budget de l'État pointant un coût excessif . C'est faux. Si, en 2017 la collecte était 100 % papier, elle est depuis 2019 entièrement dématérialisée. Son coût est de 0,08 % des sommes collectées : 1,5 million d'euros par rapport à 1,9 milliard. Elle emploie 21 personnes. Aucune économie n'est donc à attendre, en revanche on perçoit bien le danger d'une budgétisation...

• Concernant les engagements qui ne seraient pas atteints :c'est là aussi largement faux. Si l'on se réfère au « jaune budgétaire », le Rapport sur la PEEC du PLF 2021 établi par le ministère du Budget, qui donne les chiffres 2019, les objectifs de la convention quinquennale 2018-2022 sont tous atteints à plus de 90 %, sauf deux : le décaissement bonifié des prêts à l'ANRU et le prêt accession aux particuliers. Concernant l'ANRU, cela s'explique par le retard du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : si les subventions sont versées chaque année et nourrissent la trésorerie, les prêts vont avec les programmes qui n'étaient pas lancés. Concernant le prêt accession, qui n'était pas assez attractif, Action Logement en a modifié les conditions et selon les dernières données disponibles, l'exécution serait maintenant de 80 %. Par ailleurs, l'objectif de doublement de la production de logements par ALI de 24 000 à 48 000 est en passe d'être atteint , avec plus de 42 000 agréments en 2020, alors que la Cour des comptes le jugeait irréaliste compte tenu de la réduction de loyer de solidarité (RLS) !

• Concernant le PIV, qui rappelons-le n'a été lancé que le 25 avril 2019 , le constat n'est pas aussi accablant qu'on veut le dire. C'est vrai que concernant l'adaptation au vieillissement des logements, notamment des douches, seuls 4 % de l'objectif sont atteints à la mi-année 2020 , mais il ne faut oublier ni les circonstances des derniers mois pour déployer une aide personnelle, ni le fait que l'État s'oppose à une modification de l'âge d'ouverture des droits actuellement fixé à 70 ans, Action Logement estimant que le bon moment serait celui de la retraite. Sur d'autres sujets, ce sont bien les entraves de l'État qu'il faut pointer ayant mis son veto à la capitalisation de filiales immobilières, qu'il s'agisse de l'Opérateur national de vente (ONV), de la transformation de bureaux en logements ou de la lutte contre l'habitat indigne.

• Bien entendu, dans ces conditions, la trésorerie 2019 , pointée comme anormalement élevée à 8,9 milliards d'euros, a été momentanément gonflée par cette incapacité à dépenser et un effet calendaire. En fin d'année, elle est à son plus haut, les décaissements intervenant en début d'exercice. Le « jaune budgétaire » le reconnaît d'ailleurs. Si l'on va plus loin dans l'analyse, on se rend compte que cette trésorerie est artificiellement globalisée en un seul ensemble alors qu'elle est divisée en plusieurs fonds dans le respect des obligations réglementaires et qu'elle est déjà largement engagée. La trésorerie d'ALI n'est pas plus excessive. Au contraire, alors qu'elle est affichée à 2,4 Mds€, la situation nette de trésorerie, hors actif réalisable et passif exigible, ne représente que 1,1 mois de loyers (453 M€), là où il serait préconisé par la fédération des ESH de disposer de 3,5 mois (1,4 Md€). Enfin, compte tenu de l'effondrement de la PEEC à prévoir en 2021 et 2022, on se félicitera certainement de ces réserves pour assurer le financement de l'ANRU ou d'Action coeur de ville (ACV) par exemple.

• Enfin, concernant la Gouvernance , l'IGF dénonce l'existence d'un « comité des confédéraux » où seraient prises certaines décisions en dehors de la présence de l'État. Est-ce si anormal dans un organe paritaire qu'il y ait un lieu d'échange informel entre syndicats ? Par ailleurs, on devrait plutôt s'étonner de l'absence d'application de la loi ELAN et notamment de réunion du comité des partenaires.

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