II. UN IMPACT SIGNIFICATIF SUR LES LOGEMENTS NEUFS, AVEC UNE HAUSSE DE LEUR COÛT ET UNE BAISSE DE LEUR NOMBRE

Si la RE2020 aura des conséquences sur le secteur de l'énergie , ce sera également le cas pour celui de la construction.

En premier lieu, cette règlementation va conduire à une hausse des coûts de construction des bâtiments neufs, résidentiels comme tertiaires.

Même si les prix de l'immobilier dépendent de paramètres exogènes, tels que le coût du foncier ou l'offre et la demande de logements, on peut en effet craindre que la RE2020 ne renchérisse les coûts des matériaux de construction et des systèmes de chauffage , qui se répercuteraient en définitive sur les prix de l'immobilier et l'accès à la propriété.

Dans son évaluation préalable de la RE2020, le Gouvernement reconnaît lui-même des surcoûts entre 3 et 5 % en 2021, 5 et 8 % de 2024 à 2030, et 7,5 et 15 % à compter de 2030 . En valeur, les surcoûts atteignent 1,93 Md d'euros par an de 2022 à 2023 , 3,54 Mds d'euros de 2023 à 2027 et de 6,04 Mds d'euros à compter de 2030 .

Le rapporteur fait observer que ces montants sont très élevés au regard, par exemple, des crédits consacrés à la rénovation énergétique dans le cadre du Plan de relance : 3,7 Mds d'euros pour les bâtiments publics, 2 Mds d'euros pour Ma Prime Rénov, 500 M d'euros pour les logements sociaux ou 95 M d'euros pour les PME-TPE pour 2021 et 2022.

Ce différentiel signifie que l'effort privé exigé des ménages et des professionnels pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de GES des logements neufs excède de très loin l'effort public consenti par l'État pour rénover le parc de logement existant : avec la RE2020, le secteur privé est le premier financeur de la décarbonation du secteur des logements !

À l'occasion de leur audition, les professionnels de la construction ont indiqué anticiper une hausse à court terme jusqu'à 10 % 112 ( * ) des coûts de construction.

Pour la Fédération française du bâtiment (FFB), le surcoût se situe plus précisément entre 7 et 13 %, dans les logements individuels, et entre 3 et 10 %, dans les logements collectifs ; à cela s'ajoutent « des ruptures fortes dans les modes constructifs à l'horizon 2027 / 2030 qui ont des conséquences sociales et économiques difficiles à appréhender ».

Cette analyse est globalement partagée par les bailleurs privés et sociaux 113 ( * ) , qui s'inquiètent, pour le logement collectif, d'une hausse du prix d'acquisition jusqu'à 15 800 euros pour les petits ensembles et 3 600 euros pour les grands ensembles dès 2021 ; les hausses sont estimées respectivement à 23 600 et 12 300 euros en 2024.

Le tableau ci-dessous présente les surcoûts induits , selon ces derniers, par les dispositions de la RE2020 sur les logements collectifs :

Disposition de la RE2020

Surcoût maximal

Indicateur Bbio en « petit et grand collectifs »

2,02 %

Seuil d'émissions de GES en « petit et grand collectifs »

2,01 %

Seuil de consommation d'énergie primaire en « petit et grand collectifs »

5,48 % et 1,2 %

ACV « dynamique » en « petit et grand collectifs »

13,09 % et 7,9 %

Confort d'été en « petit collectif » et selon la zone géographique

3,65 %

L'étude commandée par le Sénat confirme les surcoûts liés aux différentes mesures de la RE2020 qui vont affecter le prix de la construction de bâtiments neufs ; ils proviennent de l'augmentation :

- du coût des matériaux de construction , évaluée à 3,4, 4,2 et 2,7 % du prix de construction dans les bâtiments individuels, collectifs et tertiaires en 2024 ;

- du coût du système de chauffage , le seuil d'émissions de GES lié au gaz entraînant des renchérissements de 1,9, 2,5 et 1,0 % de ces prix de construction cette même année.

En outre, cette étude évalue l'impact en 2024 :

- de l'indicateur Bbio , à 2 642 euros par logement ;

- du recours aux matériaux bio-sourcés , à 11 euros par m 2 .

Au total, l'étude estime que l'impact de l'indicateur Bbio sera de 1 % sur le prix de construction des logements , quelle que soit leur nature.

Si elle rappelle que les prix d'achat des matériaux bio-sourcés sont 2 à 3 fois plus élevés que ceux d'origine minérale 114 ( * ) , l'étude considère que l'impact de l'ACV « dynamique » sera limité à 0,5 % dans le logement individuel, 0,6 % dans le logement collectif et 0,8 % dans le secteur tertiaire en 2024.

Cette impact « minime » en 2024 s'explique, là encore, par le fait que l'ACV « dynamique » sera pleinement effective après 2030, l'étude précisant « qu'une analyse sur une période plus longue [...] aboutirait probablement à des conclusions différentes ».

Hormis cet effet sur les prix, la RE2020 va également conduire à une baisse du nombre de logements neufs.

Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), la RE2020 entraînera ainsi une chute annuelle de 300 000 logements mis en chantier.

De son côté, l'étude commandée par le Sénat confirme un ralentissement de la croissance du nombre de logements neufs, avec des évolutions de - 2,8 %, + 1,2 % et - 3,6 % d'ici 2024 pour ceux individuels, collectifs et tertiaires ; sans la RE2020, ces évolutions auraient été de - 1,2, + 2,8 et - 2,2 %.

Le rapporteur observe que la RE2020 a , en définitive, des répercussions très sensibles sur les coûts et la demande de logements ; dans ce contexte , il invite le Gouvernement à répercuter ces surcoûts sur la fiscalité perçue par l'État sur les logements neufs.

À titre d'exemple , il suggère d'alléger la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pesant sur le secteur de la construction.

18. Alléger la fiscalité sur les logements neufs perçue par l'État à proportion des surcoûts induits par la RE2020, à commencer par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).


* 112 La Fédération française du bâtiment (FFB) anticipe un surcoût de 9 % et la Confédération de l'artisanat et des professionnels du bâtiment (CAPEB) un surcoût de 7 à 10 %.

* 113 Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et Union sociale pour l'habitat (USH).

* 114115 Et leur prix d'utilisation supérieur de 51 à 76 €/m 2 .

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