EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 mars 2021, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet sur l'impact économique de la règlementation environnementale 2020 (RE2020).

Mme Sophie Primas . - Je vais passer la parole à notre collègue Daniel Gremillet, qui va nous présenter les conclusions de la mission flash que notre commission lui a confiée.

M. Daniel Gremillet . - Madame la Présidente, mes chers collègues,

Le 20 janvier dernier, notre commission m'a confié une mission flash sur l'impact économique de la RE2020, c'est-à-dire des nouvelles normes de performance énergétique des bâtiments neufs, individuels et collectifs, à usage d'habitation.

J'ai rencontré 60 intervenants lors de 25 auditions : professionnels de la construction ; bailleurs privés et sociaux ; grands énergéticiens ; filières du gaz, de l'électricité, du fioul, de la chaleur, du bois et des énergies renouvelables ; administrations de l'énergie et de la construction.

Observant l'insuffisance de l'évaluation préalable réalisée par le Gouvernement, la commission a commandé une étude d'impact indépendante.

Parce que les émissions de gaz à effet de serre (GES) des secteurs tertiaire et résidentiel représentent 19 % de nos émissions nationales, la diminution de la consommation d'énergie des bâtiments est une nécessité pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050, que nous avons voté.

Si aucun professionnel n'est opposé à la RE2020 en tant que telle - bien au contraire - la plupart demandent l'adaptation de cette réglementation aux réalités locales et à la conjoncture économique.

Sur la méthode, les professionnels regrettent le manque d'association, et même d'information, dans lequel intervient cette réforme. Nous l'avons hélas constaté également.

En outre, ils estiment que l'étude d'impact du Gouvernement, réalisée selon une méthode « en silo » , ne permet pas d'apprécier l'impact global de la réglementation.

Sur le fond, dans sa version initiale, la RE2020 bouleversera la compétitivité des différentes filières, dans les secteurs de l'énergie comme de la construction.

Tout d'abord, cette réglementation est défavorable au gaz.

D'une part, elle conduit à l'exclusion de facto des chaudières à gaz des logements neufs. Or, 100 000 chaudières à gaz sont installées chaque année, dont 60 000 en logements collectifs et 40 000 en logements individuels. En outre, on dénombre environ 36 usines intervenant dans leur fabrication et 15 000 entreprises dans leur installation.

L'étude commandée par le Sénat identifie une perte de 2,95 milliards d'euros de chiffre d'affaires et de 8 280 équivalents temps plein (ETP) pour cette filière d'ici 2024.

D'autre part, il n'est pas tenu compte du biogaz. Il est regrettable que cette énergie renouvelable, porteuse d'externalités positives pour nos territoires ruraux, ne soit pas promue dans ce cadre !

Plus encore, la RE2020 a un impact sur les réseaux de chaleur.

En effet, les deux tiers de ces réseaux nécessitent des travaux de décarbonation, lourds et coûteux, pour se conformer à cette nouvelle réglementation, que les gestionnaires des réseaux et les collectivités territoriales concédantes auront du mal à réaliser.

Enfin, la RE2020 entraîne l'extinction des chaudières au fioul ou des chaudières au charbon dans les logements, neufs comme existants.

Voilà pour les filières qui y perdent !

Toutefois, il faut reconnaître que cette réglementation constitue une opportunité pour l'électricité, nucléaire comme renouvelable.

L'étude commandée par le Sénat évalue un gain de 2,95 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour les pompes à chaleur (PAC), de 504 millions d'euros pour l'électricité décentralisée et de 145 millions d'euros pour la biomasse d'ici 2024 ; 6 014 ETP seront nécessaires pour les PAC et 313 ETP pour la biomasse.

Si la RE2020 bouscule le secteur de l'énergie, il en est de même pour celui de la construction - que je ne mentionnerai que brièvement, car ce n'est pas le coeur de la mission qui m'a été confiée.

Les professionnels craignent en effet que la réglementation ne pénalise les matériaux de construction traditionnels, compte tenu du critère de l'analyse selon le cycle de vie (ACV) dit « dynamique » : en l'espèce, les filières du béton, de l'aluminium, des tuiles, des briques et des laines minérales.

À l'inverse, ils estiment que les modes de construction moins émissifs, tels que le bois-construction, les matériaux bio-sourcés ou le béton « bas-carbone », peuvent en tirer profit.

À l'évidence, la RE2020 fera évoluer le recours aux différents équipements de chauffage dans les bâtiments neufs.

L'étude commandée par le Sénat estime que la proportion de chaudières à gaz passera de 29 % à un taux nul dans les logements individuels, de 69 % à 10 %, dans les logements collectifs, et de 31 % à un taux nul, dans le secteur tertiaire. A contrario , les PAC croîtront fortement.

Cette réglementation aura des répercussions sur le pouvoir d'achat des ménages, à travers le prix des équipements de chauffage, mais aussi de la consommation d'énergie.

L'étude commandée par le Sénat estime que le prix annuel du chauffage au gaz est de 669 euros, en logements collectifs, et de 1 231 euros, en logements individuels, contre respectivement 304 et 560 euros pour la PAC. Si le coût d'acquisition d'une chaudière à gaz est équivalent à celui d'une PAC aérothermique, il est deux à trois fois moins élevé que celui d'une PAC géothermique.

Selon cette étude, la RE2020 pourrait donc se traduire par :

- un prix d'acquisition comparable et un prix de chauffage divisé par deux en cas de remplacement d'une chaudière à gaz par une PAC aérothermique ;

- un prix d'acquisition deux à trois fois supérieur et un prix de chauffage divisé par deux en cas de remplacement d'une chaudière à gaz par une PAC géothermique.

Les éléments transmis par les professionnels sont encore plus inquiétants. Les professionnels du gaz anticipent ainsi des surcoûts compris entre 3 000 et 6 000 euros pour les logements individuels ou collectifs. En effet, il n'est pas possible d'installer des PAC partout.

Quant aux promoteurs immobiliers et aux bailleurs sociaux, ils sont très préoccupés par l'extinction des chaudières à gaz dans les logements collectifs : c'est un « tournant majeur », car elles y représentent les trois quarts du marché !

Au total, la RE2020 augmentera les coûts des bâtiments neufs, résidentiels comme tertiaires.

En effet, la hausse des coûts des matériaux et des systèmes de chauffage, générée par cette réglementation, renchérira les coûts de construction des logements neufs, qui se répercuteront à leur tour sur les prix de l'immobilier et l'accès à la propriété.

Dans son évaluation préalable à la RE2020, le Gouvernement reconnaît lui-même des surcoûts jusqu'à 5 % en 2021, 8 % en 2030 et 15 % après 2030.

De leur côté, les professionnels du bâtiment évaluent une hausse à court terme jusqu'à 10 % des coûts de construction.

L'étude commandée par le Sénat prévoit une hausse des prix de construction de 3,4 % pour les logements individuels, de 4,2 % pour les logements collectifs et de 2,7 % pour le secteur tertiaire d'ici 2024. À elle seule, la réglementation liée au gaz explique la moitié de cette croissance.

Si les logements neufs seront donc plus chers, ils seront aussi moins nombreux !

Les professionnels du bâtiment craignent en effet l'arrêt de 300 000 mises en chantier par an.

L'étude commandée par le Sénat prévoit quant à elle un ralentissement de la croissance du nombre de logements neufs, de plus de 1,5 point, tous secteurs confondus.

Il convient également d'évaluer le calendrier de la réforme, car la construction de logements prend du temps et un temps court soulève des problèmes pour certains projets - et peut même les stopper.

Enfin, la RE2020 fera évoluer la consommation d'énergie et les émissions de GES du secteur du bâtiment.

Dans son évaluation préalable à la RE2020, le Gouvernement a prévu une baisse de 7,4 TWh du gaz et une hausse de 1,5 TWh de l'électricité d'ici 2030, les émissions de GES diminuant de 1,6 mégatonne de dioxyde de carbone.

L'étude commandée par le Sénat prévoit une diminution de 1,2 % de la consommation de gaz ainsi qu'une hausse de 0,4 % pour l'électricité et de 1,1 % pour le bois d'ici 2024. Les émissions de GES diminueront quant à elles de 0,2 %.

Si cette évolution est utile et nécessaire, elle a une portée limitée.

En effet, il faut rappeler plusieurs points :

- la RE2020 s'applique à 1 % par an du parc immobilier, contre 37 millions de logements existants ;

- la diminution porte sur 7,4 TWh de gaz d'ici 2030, contre une consommation totale de 427 TWh, soit 1,6 % ;

- la baisse de GES porte sur 1,6 mégatonne de dioxyde de carbone d'ici 2030, contre des émissions totales de 48,3 mégatonnes pour le secteur résidentiel, soit 3,3 %.

En somme, les véritables enjeux en matière de réduction de la consommation d'énergie et des émissions de GES des logements résident sans doute moins dans leur production que dans leur rénovation.

Dans ce contexte, j'ai formulé 20 propositions, réunies en cinq axes : elles visent à donner aux ménages et aux professionnels les moyens de décarboner les bâtiments neufs.

Le premier axe tend à introduire un cadre réglementaire adapté et proportionné, gage de sa bonne application.

Pour ce faire, je suggère de prévoir une clause de revoyure dans la RE2020 et un « groupe de suivi » sur son application.

De plus, je préconise de consolider l'étude d'impact de la RE2020 en lui adjoignant une évaluation globale - portant sur les coûts complet et cumulé de ces normes - et en actualisant ses hypothèses macroéconomiques - à l'aune de la crise économique.

Dans le même esprit, il est crucial d'identifier les besoins en termes d'emplois, de compétences et de formations. Concrètement, un installateur de chaudières à gaz n'est pas nécessairement en capacité d'installer des PAC.

L'axe II tend à amortir le « choc de compétitivité » dans le secteur de l'énergie.

Il est nécessaire d'introduire de la progressivité dans l'application des normes, en particulier pour les chaudières à gaz et les réseaux de chaleur, afin de préserver la pluralité des énergies de chauffage.

Pour accompagner les mutations de la filière du gaz, je suggère d'instituer un plan d'urgence pour les 36 usines fabriquant des chaudières à gaz et un plan de formation pour les 15 000 entreprises les installant. Je souligne que ces usines et ces entreprises se trouvent en France.

Il est aussi indispensable de reconnaître les spécificités du biogaz et de favoriser le recours au bio-fioul dans le cadre de la RE2020.

En parallèle, la structuration d'une filière française des PAC et de la chaleur renouvelable est attendue, tant sur le plan de leur fabrication que de leur installation. Nous devons accompagner cette transition. Pour l'heure, nous fabriquons moins de PAC que de chaudières à gaz. Il ne faudrait pas que ces évolutions conduisent à importer des produits venant d'autres pays.

L'axe III entend prévenir tout « risque de rupture » dans le secteur de la construction.

À cette fin, je préconise d'achever le travail de normalisation de l'ACV « dynamique » avant de se prononcer sur sa généralisation, afin de ne pas déstabiliser les filières de construction de matériaux traditionnels.

Complémentairement, la structuration de la filière bois-construction est indispensable pour répondre à la demande croissante d'ossatures et de matériaux de second rang en bois générée par la RE2020.

L'axe IV vise à compenser, pour les ménages et les professionnels, les surcoûts induits par la RE2020.

Une réévaluation du montant du chèque énergie, telle que la commission des affaires économiques l'a déjà soutenue dans le débat budgétaire, et un allègement de la fiscalité sur les logements neufs, comme la TVA, y contribueraient.

Le dernier axe propose d'évaluer les répercussions de la RE2020 sur la sécurité et la consommation énergétiques.

À cette fin, je souhaite confier :

- à Réseau de transport d'électricité (RTE) une étude sur l'impact de la RE2020 sur la sécurité d'approvisionnement à l'horizon 2050 ;

- au Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) et au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) une évaluation portant sur l'efficacité, du point de vue des entreprises, et la soutenabilité, du point de vue des ménages, de la politique engagée par le Gouvernement en direction de la rénovation énergétique du parc immobilier existant.

Voilà en substance les conclusions de mes travaux !

J'espère que le Gouvernement tiendra compte de ces recommandations dans la publication des décrets et arrêtés à venir. Je vous remercie de votre confiance. La notion de soutenabilité pour les familles nous paraît cruciale.

Mme Sophie Primas . - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail. Nous voyons bien qu'il y a la question du temps court, politique, et la question du faire. Nous parlons de 0,2 % des GES, mais nous oublions les efforts qui ont été faits par les constructeurs de la filière des chaudières à gaz. Ces efforts représentent probablement une amélioration du même ordre de grandeur.

M. Laurent Duplomb . - Je tiens à féliciter et à remercier Daniel pour la qualité de cette mission flash , qui met en évidence ce que nous pouvions craindre. Une fois de plus, nous sommes dans l'idéologie, à travers un décret qui ne passe pas par une étude d'impact argumentée. Cela soulève de nombreuses questions pour tous les corps intermédiaires.

Cette question est la problématique principale des zones rurales, dont certaines ont investi dans un réseau et des travaux de gaz urbain, qui était loué comme étant une solution d'avenir il y a encore quelques années. Les jeunes couples n'auront pas les moyens de dépenser 30 000 à 40 000 euros de plus pour construire des maisons qui sont de plus en plus chères en raison des réglementations et des normes.

Nous sommes déjà incapables d'apporter des réponses en termes de logement, comme nous l'avons vu ce matin et nous limitons encore plus l'accès à la primo-propriété. Nous ferons tomber ces personnes dans la catégorie de celles qui ne seront plus capables d'acheter une maison et qui resteront sur le marché de la location. C'est encore l'exemple d'une politique qui se tire une balle dans le pied.

Nous avions un secteur efficient technologiquement avec la filière des chaudières gaz en France et nous estimons qu'il faut l'affaiblir pour créer autre chose. Nous ouvrirons encore plus la porte à l'électricité allemande venant des centrales thermiques au charbon, car nous ne serons pas en capacité de produire toute l'électricité induite par cette réglementation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je suis très inquiète de cette réglementation. Pendant des années, on nous a expliqué qu'il fallait arrêter le chauffage électrique. Or il faudrait maintenant arrêter totalement le chauffage au gaz. La mixité des accès au chauffage me paraît toutefois déterminante.

L'association négaWatt a régulièrement fait des simulations sur l'atteinte de nos objectifs en termes de GES. Elle préconise le développement du gaz dans ses scénarios, en particulier lorsqu'il s'agit d'introduire du gaz « vert ». Par conséquent, le basculement vers le tout électrique me paraît dangereux.

En outre, je partage ce que dit Daniel sur les coûts et l'impact de la RE2020 sur l'accessibilité pour les familles. Je voudrais insister sur un point complémentaire, à savoir la constitution de filières françaises sur les pompes à chaleur et les matériaux.

S'agissant des matériaux, il faudrait introduire la notion de bilan carbone total, en prenant en compte les transports, et notamment les intrants. En effet, les bilans carbone survalorisent les économies de carbone faites en France, mais les importations ne sont pas comptabilisées. Or il est fondamental de penser que nous faisons venir du granit de Chine, par exemple.

Il faut donc intégrer les critères d'intrants et de proximité. Cela devrait consolider nos filières et les mutations locales qui sont possibles dans certains domaines.

M. Franck Montaugé . - Je remercie tout d'abord notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail de qualité.

J'aimerais revenir sur notre premier objectif, qui est d'atteindre 100 % de décarbonation du parc immobilier. Nous avons eu ce matin une communication sur une étude du Building Performance Institute Europe (BPIE) à propos de huit stratégies de rénovation à long terme développées dans plusieurs pays européens, dont la France. Aucune des stratégies examinées ne vise 100 % de décarbonation du parc immobilier.

En outre, la mission flash traite des bâtiments neufs et des bâtiments publics, mais non des bâtiments existants. Je pense donc que nous sommes loin du compte. Le rapport que je cite dit que nous avons peu de chance d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, y compris les objectifs intermédiaires.

Par ailleurs, sur la forme, j'ai compris qu'une étude avait été commandée par le Sénat pour alimenter cette mission flash , mais je n'en ai pas eu connaissance. Il serait tout de même intéressant que les membres de la commission puissent bénéficier de l'étude en amont de la présentation du rapport.

Enfin, il serait également intéressant de travailler collectivement sur les missions flash . Il est regrettable que nous ne puissions pas travailler de manière consensuelle sur des travaux aussi importants que celui-ci. Le groupe socialiste s'abstiendra, pour toutes ces raisons.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail éclairant. Pour rebondir sur ce que vient de dire notre collègue Franck Montaugé, la RE2020 concerne tous les logements neufs, dans le public comme dans le privé. En effet, la réhabilitation de l'existant n'est pas prise en compte.

Je voulais aussi souligner quelques éléments concernant les matériaux. Aujourd'hui, nous sommes à 6 % d'utilisation de bois dans la construction alors que nos voisins allemands sont aux alentours de 40 %. Notre objectif est d'arriver à 25 % de matériaux bio-sourcés d'ici à 2030. Il y aura des changements, mais cette évolution est douce dans le temps et accessible pour la France. Je rappelle qu'en France, nous n'utilisons pas l'accroissement annuel des forêts. Il y a donc une marge de manoeuvre importante.

En termes de transformation du bois, il y a effectivement des efforts à faire. Nous avons ciblé des investissements qui pourraient être fléchés dans le Programme d'investissements d'avenir (PIA) afin que les industries de transformation soient en capacité de répondre à la demande. En effet, il convient de ne pas augmenter les importations.

Je salue l'initiative de notre collègue Daniel Gremillet de proposer un suivi sur la sécurité énergétique et sur l'évolution des coûts pour nos concitoyens.

En outre, il me semble que la ministre Emmanuelle Wargon a finalement ouvert des possibilités par rapport au gaz. Elle a dit qu'il ne s'agissait pas de remettre en cause les efforts qui ont été faits, notamment autour du biogaz. Qu'en est-il réellement ?

M. Jean-Claude Tissot . - Certes, il y a un coût supplémentaire pour la sur-isolation, mais j'aimerais savoir si le gain de fonctionnement a été pris en compte. Il s'agit d'un gain important si nous l'étalons sur 20 ans, par exemple. De plus, il faut savoir si nous intégrons la question de la dette climatique dans nos calculs.

Nous pourrions aussi imaginer qu'il y ait une mise en place de la RE2020 dans un premier temps dans les territoires très denses afin de permettre aux territoires ruraux d'amortir les montants astronomiques qu'ils ont investis il y a quatre ou cinq ans.

M. Joël Labbé . - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour la qualité de son travail qui nous éclaire bien. Nous sommes dans une situation d'urgence faute d'anticipation.

Parmi les matériaux bio-sourcés, nous avons évoqué les importations forcées, mais cela ne semble ni vertueux ni durable. Pour avoir rencontré les acteurs de la production du chanvre, j'aimerais dire que le chanvre est un matériau extraordinaire pour l'isolation. Il permet d'arriver à la construction de bâtiments passifs. Il y a donc toute une filière à soutenir, autant en agriculture qu'en alimentaire et dans les différents usages. De plus, la culture du chanvre ne nécessite pas d'intrant et peut entrer dans les rotations de cultures agricoles.

Mme Martine Berthet . - J'aimerais évoquer le sujet du chauffage urbain et des réseaux de chaleur qui ont été construits ces dernières années par de nombreuses communes. Ces réseaux combinent souvent des chaufferies bois et des compléments en chaufferie gaz. Il a été difficile de mettre en oeuvre ce chauffage urbain en gardant des coûts faibles pour les utilisateurs. Les amortissements seront remis en cause s'il faut à nouveau intervenir sur la source de chauffage.

M. Patrick Chaize . - Je voudrais savoir si nous avons réfléchi à ces réseaux qui ont été mis en place par les collectivités, notamment dans les communes rurales. Des contrats avec des opérateurs ont été conclus pour la distribution du gaz. Or le fait de remettre en cause le principe de l'utilisation du gaz fera en sorte que l'équilibre financier de ces contrats sera perturbé. Comment pourrons-nous gérer cela ? La collectivité pourrait être appelée à compenser le déséquilibre pour les opérateurs privés.

M. Franck Montaugé . - Je m'interroge sur le fait que nous consacrions des dépenses du Sénat à une évaluation ex ante de règlement. Cela relève plutôt des prérogatives du Gouvernement. Le rôle du Sénat est davantage de faire des évaluations ex post .

Mme Sophie Primas . - Notre rôle est de contrôler l'action du Gouvernement. La RE2020 entrera en vigueur sans que le Parlement ait pu en débattre, ce qui est problématique.

Je laisse notre collègue Daniel Gremillet répondre à vos questions.

M. Daniel Gremillet . - Tout d'abord, notre collègue Laurent Duplomb a raison dans ses propos. En effet, nous avons constaté dès le début qu'il y avait peu d'informations sur ce sujet. La décision est intervenue à la fin de l'année sans discussions et sans étude d'impact. Nous ne connaissons pas l'ensemble des conséquences pour la filière et pour nos concitoyens. Je vous rappelle que c'est le Sénat qui a introduit la notion de bilan carbone pour les matériaux. Ce point prendra de l'importance à l'avenir, sur les matériaux, mais aussi de manière générale. Il s'agit d'une notion stratégique. De plus, le coût a été un élément très révélateur pour nous.

Pour répondre aux propos de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, je me rappelle que nous avons aussi entendu des discours contradictoires sur le diesel, par exemple.

En outre, je suis surpris par les propos de notre collègue Franck Montaugé. En effet, je rappelle que toutes les auditions étaient ouvertes. Plusieurs membres de la commission y ont d'ailleurs participé. Il était tout à fait possible d'y assister.

De plus, l'étude n'a été commandée qu'à la fin du processus. Nous avons auditionné 60 personnes et l'étude a été faite pour confirmer et préciser les données sur les coûts, dont nous ne disposions pas. La présentation d'aujourd'hui n'a été organisée que lorsque nous avons eu les résultats de l'étude, qui vous sera restituée dans sa totalité. Tous les documents seront disponibles.

Nous savons que l'habitat a un rôle majeur à jouer. Cela dépasse notre périmètre, mais nous voyons que de nouvelles opportunités peuvent également émerger. Il n'y a pas que des éléments négatifs. Nous devons vraiment faire en sorte que les nouvelles installations soient fabriquées chez nous.

Par ailleurs, le ministère s'est montré très intéressé, mais aussi inquiet, quand il a appris que nous faisions une mission flash . Il a souhaité avoir accès au compte rendu de la mission en amont, mais aucune information n'est sortie avant aujourd'hui.

Concernant le biogaz, il existe une vraie contradiction entre le texte que nous avons voté il y a un an et demi et le verdissement effectif du gaz dans nos territoires. Nous avons déjà gagné six mois. Il y a aussi eu des exceptions sur certains permis de construire, car il n'est pas possible de faire de la géothermie partout. C'est un vrai sujet.

Enfin, la plupart des réseaux de chaleur qui ont un chauffage bois ont aussi une chaudière gaz. Ce point fait donc partie de nos recommandations sur les réseaux de chaleur.

Mme Sophie Primas . - Je remercie à nouveau notre collègue Daniel Gremillet.

Je rappelle le principe de la mission flash . Il s'agit d'une mission de très courte durée - un ou deux mois - sur un sujet très précis. Nous en avons réalisé quatre à ce jour. L'imminence de la sortie de la RE2020 soulevait de nombreuses questions sur le gaz. Ces missions sont attribuées à un rapporteur pour des raisons d'agilité, mais l'ensemble des auditions sont ouvertes à tous les membres de la commission.

Je signale également que le rapport réalisé par le cabinet qui a mené l'étude dont parle notre collègue Daniel Gremillet sera évidemment accessible. Je peux aussi témoigner que la pression du ministère a été assez forte pour connaître les résultats de la mission. Je me félicite donc des travaux qui ont été menés.

M. Fabien Gay . - Je remercie notre collègue Daniel Gremillet pour son travail. Je suis preneur d'une discussion spécifique en Bureau sur le rôle des groupes minoritaires dans le fonctionnement de la commission. Cela serait intéressant, notamment dans le cadre de la réforme du Sénat.

Mme Sophie Primas . - Il est dans mon rôle de présidente d'appliquer les règles en cours au Sénat y compris celle relative au fait majoritaire tout en incluant la majorité d'entre vous dans les réflexions qui sont les nôtres. J'essaie d'appliquer les règles et d'impliquer tout le monde dans les travaux.

M. Laurent Duplomb . - Je voudrais redire que nous avons la chance que notre présidente Sophie Primas ait de l'empathie et essaie de fluidifier le fonctionnement de la commission.

Mme Sophie Primas . - J'ai bien noté les remarques sur le fonctionnement de la commission.

Le rapport est adopté.

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