B. UNE VOLONTÉ DE L'ÉTAT DE FAIRE TRAVAILLER ENSEMBLE LES DIFFÉRENTES PARTIES PRENANTES

1. Les cellules départementales d'accompagnement créées en 2017 : une initiative bienvenue, qui structure des formats souvent préexistants
a) Un dispositif devant pallier les lacunes constatées du précédent système
(1) Depuis 2009, des « structures de concertation » censées identifier les agriculteurs en difficultés

L'action de l'État en matière de soutien aux agriculteurs en difficultés ne débute pas en 2017 : une circulaire de juin 2009 88 ( * ) prévoit en effet déjà la mise en place dans chaque département d'un dispositif intitulé « agriculteurs en difficultés », devenu Agri'diff par la suite (cf. infra ). Ce soutien prend alors la forme d'une aide au diagnostic de l'exploitation, d'une aide au redressement lorsque les difficultés identifiées sont surmontables ainsi qu'un suivi technico-économique, à destination des agriculteurs qui en font la demande.

En amont, une « structure de concertation » est prévue pour l'identification des exploitations en difficultés et l'examen de ces dernières, ce recensement se réalisant conjointement avec les créanciers (banques, MSA, coopératives, etc.). Elle associe la chambre d'agriculture, le(s) centre(s) de gestion, l'organisme départemental pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ODASEA, intégré depuis dans l'Agence de services et de paiement) ainsi qu'une ou des association(s).

La circulaire de 2009 prévoit par ailleurs que cette structure peut être soit la section spécialisée de la commission départementale d'orientation agricole (CDOA, qui regroupe les acteurs agricoles départementaux et concourt à l'élaboration des politiques publiques en faveur de l'agriculture, de l'agro-industrie et du monde rural 89 ( * ) ), soit un comité d'experts.

À la suite d'un pré-diagnostic de l'exploitation réalisé par un expert d'une des organisations précitées, l'agriculteur peut se voir proposer, entre autres, de déposer un dossier de demande Agri'diff.

(2) Plusieurs limites de ces structures ont rendu nécessaire leur évolution

Il a en effet été fait le constat de fortes difficultés à repérer suffisamment en amont les agriculteurs en difficultés, c'est-à-dire avant qu'ils soient en cessation de paiement. En outre, il est apparu que les acteurs intervenant dans le monde agricole méconnaissaient une grande partie des dispositifs d'accompagnement, notamment sociaux.

Plus fondamentalement, le rattachement de ces structures d'identification à la CDOA, composée entre autres des syndicats agricoles, a pu représenter un frein à leur saisine par les agriculteurs en difficultés. La présence de pairs a pu en effet laisser craindre un manque de confidentialité, alors que l'efficacité de la démarche repose bien entendu sur un climat de confiance.

b) Le fonctionnement de ces cellules requiert l'implication d'un grand nombre de parties prenantes en contact avec le monde agricole

Par instruction technique 90 ( * ) en date du 27 décembre 2017, il a donc été demandé à chaque préfet de département d'instaurer une « cellule d'accompagnement » composée uniquement de représentants techniques et administratifs (c'est-à-dire, dans les faits, des membres de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) ou de la direction de la protection des populations).

En fonction de leur implication, d'autres structures pouvaient toutefois être associées : la chambre d'agriculture, la caisse de MSA, les coopératives, les banques, les centres de gestion, la direction départementale des finances publique (DDFiP) et le conseil départemental . Dans les faits, les deux premières le sont presque systématiquement ; il a été indiqué aux rapporteurs, qui le déplorent, que la présence du réseau bancaire, en revanche, était plus rare.

En revanche, l'instruction précise qu'« aucun représentant professionnel ne doit être membre de cette cellule, ni même assister en tant qu'expert ». Une charte de confidentialité doit par ailleurs être signée par chaque membre.

Concrètement, après que le cas d'un agriculteur en difficultés a été signalé auprès de la cellule par téléphone ou courriel, la cellule analyse la situation financière, économique et sociale de l'exploitant sur la base des informations qui lui ont été transmises et désigne parmi les partenaires précités un interlocuteur à même d'établir un contact avec l'agriculteur.

Ensuite , si l'agriculteur donne son accord, le référent réunit la cellule d'accompagnement afin d'étudier plus en détails sa situation et d'orienter l'agriculteur vers le ou les dispositifs qui lui semblent les plus appropriés (audit d'exploitation, aide à la relance des exploitations agricoles (AREA, ex-Agri'diff), ouverture d'une procédure collective, aide à la reconversion professionnelle, etc. ).

L'agriculteur peut également saisir de lui-même la cellule, en appelant un numéro (ou en envoyant un courriel) renvoyant à un interlocuteur indépendant de la sphère syndicale agricole, qui complète une fiche de notification transmise à ladite cellule.

Schéma du fonctionnement de la cellule départementale d'accompagnement

Source : Commission des affaires économiques, à partir de l'instruction du 27 décembre 2017.

c) Des cellules départementales qui consacrent bien souvent des structures préexistantes

Il ressort de la consultation par les rapporteurs de l'ensemble des préfectures départementales du territoire métropolitain que des structures d'identification et d'accompagnement réunissant à peu près les mêmes parties prenantes existaient souvent, au préalable, sur le terrain, selon des modalités d'organisation et de fonctionnement différentes d'une circonscription à une autre.

Dans ces situations, il n'a pas été nécessaire de créer de nouvelle cellule départementale : ces structures préexistantes ont en effet été considérées comme satisfaisant les critères de l'instruction de 2017. Les différentes cellules portent donc des noms différents selon les départements (Réagir dans la Marne, Entr'Agri en Bretagne, Agri Accompagnement en Haute-Vienne, etc.).

C'est par exemple le cas dans l'Ain, où la cellule d'identification et d'accompagnement « Rebonds 01 » réunit en fait depuis 2011 les principaux acteurs du monde agricole, aux mêmes fins que celles ayant conduit à l'édiction de l'instruction ministérielle. Le schéma ci-dessous détaille les parties prenantes au niveau du comité de pilotage et du comité technique de la cellule 91 ( * ) .

Schéma de fonctionnement de la cellule départementale (Ain)
« Rebonds » (Ain)

Source : Commission des affaires économiques, à partir des données de la préfecture de l'Ain.

Lecture : MSA : Mutualité sociale agricole ; FDSEA : fédération départementale des syndicats d'exploitants agricole ; CFCA : Cabinet Francis Cazaban Associés ; DDT : direction départementale des territoires ; DDPP : direction départementale de la protection des populations ; FD Cuma : fédération départementale de coopérative d'utilisation de matériel agricole ; GDS : groupement de défense sanitaire ; IPG/EDE : identification animale/identification bovine.

A contrario , dans certains cas, l'instruction de 2017 a conduit à la mise en place de telles cellules, inexistantes jusqu'alors : ainsi de l'Aisne, où la cellule a été mise en place par arrêté préfectoral le 22 octobre 2018, de l'Ariège (octobre 2018), du Jura (25 avril 2019), de la Manche (Agri'collectif, 2018), de la Seine-Maritime (juin 2019). Dans un nombre limité de départements, enfin, aucune structure de la sorte n'existait à la date de janvier 2021 (Val d'Oise, Ardèche, ...).

Les modes d'organisation et de fonctionnement de ces cellules varient selon les départements :

• le pilotage de ces cellules est fréquemment confié à la chambre d'agriculture locale, mais pas toujours (également à l'association de développement, d'aménagement et de services en environnement et en agriculture (ADASEA), comme dans le cas de la cellule Réagir dans la Marne) ;

• les cellules se réunissent rarement plus d'une fois par trimestre 92 ( * ) , et parfois seulement deux fois ou une fois (Var) par an. Celle de la Mayenne ne s'est, par exemple, pas réunie depuis juin 2019. Il convient de préciser que l'activité des cellules dépend, bien entendu, des besoins du terrain : or tous les départements ne présentent pas la même proportion d'exploitations en difficultés ;

• le type de représentant des organismes (centres de gestion, coopératives, chambre d'agriculture, MSA, etc.) qui participent aux réunions est variable : il s'agit parfois uniquement de personnels techniques ou administratifs, et parfois d'élus ;

• la composition des cellules varie selon les préférences locales : ainsi de la Mayenne, où le nombre de participants est passé de dix à cinq en 2019 93 ( * ) ;

• l'implication financière du conseil départemental dans la cellule est variable.

En Outre-mer, un schéma d'identification et d'accompagnement
qui diffère de la métropole

S'il n'existe pas de statistique officielle de mortalité par suicide en agriculture qui soit déclinée au niveau départemental, les informations des préfectures transmises au groupe de travail permettent toutefois quelques estimations.

- à La Réunion, en 2020, « il y a eu 2 suicides ayant touché des agriculteurs ; il s'agissait d'hommes de plus de cinquante ans qui avaient des problèmes personnels a priori non directement liés à leur activité professionnelle » 94 ( * ) ; la préfecture relève toutefois leur haut niveau d'endettement ;

- en Guadeloupe, aucun cas de suicide n'a été recensé depuis plus de dix ans et ce sujet « est considéré comme peu préoccupant » 95 ( * ) ;

- en Guyane, « le suicide des agriculteurs n'est pas un sujet affectant les exploitants » 96 ( * ) . La préfecture souligne ainsi que l'isolement dont souffrent les agriculteurs en métropole n'est pas vécu de la même façon en Guyane, que les taux d'endettement ne sont pas comparables, que les difficultés de reprise des exploitations sont rares, et que l'agribashing y est totalement absent.

En conséquence, les dispositifs d'identification et d'accompagnement mis en oeuvre au niveau local diffèrent de façon significative de ceux présents en métropole.

À La Réunion, où la MSA est remplacée par une Caisse générale de sécurité sociale (CGSS), aucun numéro d'Agri'écoute n'est par exemple mis en place. En outre, le fonctionnement de la cellule départementale est spécifique à la collectivité, puisqu'il est articulé avec la cellule de restructuration des exploitations agricoles (CREA) de la chambre d'agriculture : celle-ci repère les exploitants en difficultés, effectue un pré-diagnostic, résout elle-même les difficultés quand elle le peut (négociation amiable avec les créanciers, prêt de court-terme), et transmet les dossiers à la cellule départementale en cas de difficultés plus lourdes.

En Guadeloupe, il n'existe ni aide au répit ( cf. infra ), ni cellule départementale d'identification et d'accompagnement. Selon la préfecture, « le premier sujet est de celui de la professionnalisation [des] petits agriculteurs pour qu'ils puissent s'insérer dans le cadre administratif existant ».

Idem en Guyane, aucune mesure particulière d'identification et d'accompagnement des agriculteurs en difficultés n'a été édictée.

Recommandation n° 15 : instaurer des dispositifs de type Agri'écoute adaptés aux besoins des territoires d'outre-mer.

d) La cellule départementale doit réellement devenir la clef de voûte de l'identification et de l'accompagnement des agriculteurs en détresse

Les rapporteurs saluent la volonté de réunir toutes les parties prenantes autour de la table, sous l'égide de la préfecture et, généralement, de la chambre d'agriculture . Ces cellules représentent en effet une avancée importante pour identifier le plus en amont possible les agriculteurs en difficultés.

En l'état toutefois, ces structures restent insuffisamment connues et traitent essentiellement des symptômes économiques . Plusieurs axes d'amélioration existent pour en faire les pivots de l'accompagnement des agriculteurs en détresse.

(1) Élargir la compétence des cellules départementales aux symptômes sociaux et psychologiques pour en faire un « guichet unique multi-compétences »

Les difficultés économiques et financières reviennent dans la quasi-intégralité des cas d'agriculteurs en détresse, mais elles ne sont pas les seules ( cf. supra ) et, surtout, elles peuvent parfois être dissimulées (lorsque l'agriculteur fait tout pour parvenir à régler ses cotisations sociales, au détriment de sa sphère familiale, amicale, intime).

Or ces cellules d'identification et d'accompagnement traitent essentiellement de ces problématiques financières, à l'exclusion des autres symptômes exprimant pourtant un niveau de détresse élevé . Leurs réunions consistent principalement à analyser la viabilité économique des exploitations qui leur sont signalées, afin de déterminer l'aide nécessaire (audit, aide à la relance, procédure collective, etc.). La fiche type de notification confidentielle comporte ainsi quasi uniquement des questions sur le niveau de remboursements bancaires, les retards de paiement, le montant de trésorerie et de l'EBE (excédent brut d'exploitation).

Il a par ailleurs été confirmé aux rapporteurs que les difficultés familiales, sociales, psychologiques, relèvent de la MSA, ce qui soulève à nouveau les difficultés précitées, comme le refus pour un agriculteur de se confier à un organisme administratif rarement vu comme un confident naturel.

En outre, se pose la question de l'articulation des travaux des deux cellules, faisant courir le risque de situations passant entre les mailles du filet du dispositif global.

Il a ainsi été confirmé aux rapporteurs par la MSA lors de son audition qu'il n'y avait à ce stade aucun lien avec les cellules pluridisciplinaires de prévention de la MSA et les services préfectoraux. Des réunions peuvent être organisées dans certaines caisses mais la pratique est plutôt rare.

Recommandation n° 24 : renforcer l'articulation entre la cellule préfectorale et la cellule MSA en :

• concentrant les alertes par les sentinelles des cas « d'urgence » auprès d'un référent unique, s'occupant du secrétariat de la cellule préfectorale et de la cellule MSA ;

• priorisant une action des travailleurs sociaux de la MSA dans les cas les plus urgents, sans attendre la prochaine réunion de la cellule préfectorale ;

• prévoyant l'examen intégral des cas détectés au sein de la cellule de la MSA lors de la réunion régulière de la cellule départementale.

Dans ce rôle global de pilotage de la détection qui serait confié à la cellule départementale, il convient d'élargir les types de difficultés qui peuvent être signalées à ces cellules et de renforcer la formation de ses membres à la détection des « signaux faibles » de détresse. Il importe en effet de capitaliser sur le grand nombre de parties prenantes réunies dans ces cellules pour en faire autant de « sentinelles » pouvant transmettre de précieux signalements, très en amont. L'objectif est de faire de ces cellules des « guichets uniques multi-compétences », afin de lutter contre l'actuel effet d'éclatement des offres de services, qui brouille le message et peut contribuer à désorienter les personnes requérant de l'aide .

La recommandation n° 18 ( cf. supra ) visait déjà à permettre aux agents d'Agri'écoute, lorsque le témoignage d'un tiers leur paraît concerner une situation d'urgence, de transmettre immédiatement à ces cellules ledit témoignage. Dans le sillage de cette recommandation, les rapporteurs appellent à faire véritablement de ces cellules la clef de voûte des dispositifs d'identification et d'accompagnement des agriculteurs en détresse.

Recommandation n° 25 : faire des cellules départementales d'identification et d'accompagnement la clef de voûte du soutien aux agriculteurs en détresse, en :

• renforçant la formation de leurs membres à la détection des symptômes de détresse, et notamment ceux d'ordre non financier (familial, social, psychologique, etc.) ;

• élargissant le champ de compétences de ces cellules pour qu'elles puissent traiter des signalements concernant tous les types de problématiques (sociale, psychologique, familiale, etc.) et non uniquement celles de nature économique ou financière.

L'identification et l'accompagnement des agriculteurs en détresse est un travail de long terme, qui nécessite confiance et stabilité (des interlocuteurs en charge des dossiers). Les rapporteurs ont ainsi pu constater que dans les départements où une personne en particulier était clairement identifiée comme la référente « agriculteurs en difficultés », la parole de ces derniers se libérait davantage. Il est en effet difficile et décourageant, pour un individu franchissant le cap de demander de l'aide, d'être confronté à une multitude d'interlocuteurs et d'organismes. De même, les signalements sont plus facilement transmis lorsque le destinataire est une personne humaine bien identifiée, plutôt qu'une adresse mail générique ou une structure paraissant abstraite.

Il pourrait donc utilement être mis en place un référent départemental principal, bien identifié et bénéficiant d'une bonne connaissance des dispositifs existants, qui pourrait être rapidement contacté soit par un agriculteur souhaitant obtenir de l'aide, soit par un tiers constatant une situation inquiétante. Ce référent, naturellement membre de la cellule départementale, porterait à la connaissance de cette dernière les différents signalements reçus lorsqu'il le juge nécessaire, ou orienterait l'agriculteur (ou le tiers) vers d'autres dispositifs s'ils lui paraissent plus pertinents. La possibilité de contacter directement la cellule (par téléphone ou courriel), que l'on soit l'agriculteur concerné ou la personne tierce, serait bien entendu conservée. Dans l'hypothèse où un autre membre de la cellule paraîtrait plus à même d'entrer efficacement en contact avec l'agriculteur à la suite d'un signalement, ce dernier continuerait d'être désigné comme référent sur tel ou tel dossier.

Ces problématiques relevant d'une « matière humaine », il importe qu'un nom ou un visage puisse être apposé sur l'ensemble des dispositifs de soutien, à tout le moins comme « porte d'entrée » ; l'accès à ces derniers en serait ainsi grandement simplifié.

Ce référent pourrait être un membre de la chambre d'agriculture, où une section « agriculteurs en difficultés » existe bien souvent déjà, ou un membre des services préfectoraux.

Recommandation n° 26 : ériger l'un des membres de la cellule comme référent départemental « agriculteurs en difficultés » et le rendre clairement identifiable comme tel, afin de personnifier l'ensemble des procédures parfois abstraites, multiples et complexes.

Dès lors que la cellule départementale devient la clef de voûte de l'ensemble des dispositifs de soutien, et n'est plus uniquement en charge de l'analyse des difficultés économiques des exploitations, il semble nécessaire qu'elle se réunisse plus régulièrement, de façon proactive et non en fonction du nombre de signalements ou de demandes d'aide qu'elle a reçus.

Au cours de ces réunions plus régulières pourraient ainsi être discutées les situations « hybrides », c'est-à-dire celles n'ayant pas fait l'objet d'un signalement officiel mais suffisamment inquiétantes ou anormales pour que leur soit portée une attention réelle.

Ces formats plus informels permettraient de mettre sur la table des sujets et des cas qui, sinon, resteraient inaperçus.

Recommandation n° 27 : réunir les cellules d'identification et d'accompagnement plus régulièrement, sans attendre qu'un certain nombre de dossiers d'aide soient à instruire, afin d'en faire des instruments de détection plus précoce en discutant des situations « anormales » observées qui n'ont pas fait l'objet d'un signalement formel à la cellule.

Si le nombre important de parties prenantes réunies par ces cellules représente un atout majeur, il importe également qu'une bonne coordination soit assurée dans la mise en oeuvre des différentes mesures de soutien. Il en va de même concernant l'information entre ces acteurs, dont la fluidité pourrait être renforcée. Les cellules pourraient par exemple utilement être informées par la MSA, qui en est membre, lorsque cette dernière accorde des échéanciers de paiement importants à un agriculteur, ou lorsque ses courriers et appels n'obtiennent plus de réponse de sa part.

Recommandation n° 28 : renforcer la coordination et la fluidité des échanges d'information entre les différents acteurs de l'identification et de l'accompagnement des agriculteurs en difficultés.

(2) Accroître significativement la notoriété de ces cellules

L'ensemble des préfectures métropolitaines ainsi que les différents acteurs agricoles rencontrés par les rapporteurs notent que la communication autour des cellules départementales gagnerait à être renforcée.

De nombreux canaux existent : la presse, la télévision et la radio locales pour toucher le grand public, la presse agricole locale pour sensibiliser les acteurs de ce secteur, les médecins de famille et les élus locaux, qui rencontrent un nombre important d'interlocuteurs agricoles et qui bénéficient d'une forte cote de confiance, les courriels aux exploitants, les courriers et autres relevés qui leur sont envoyés, les syndicats agricoles, les pharmacies rurales, etc. Un site internet dédié pourrait également être mis en place.

En tout état de cause, une attention particulière devra être portée à l'articulation et à la régularité de ces moyens de communication : une juxtaposition des canaux durant une période, suivie d'une absence de communication durant une autre serait contreproductif.

Recommandation n° 29 : renforcer la communication autour des cellules départementales d'identification et d'accompagnement, notamment :

• en prévoyant une campagne de communication au sein de la presse, des chaînes de télévision et de la radio locales ainsi que de la presse locale agricole ;

• en informant les exploitants agricoles de son existence par courriel et dans les courriers et relevés des organismes professionnels (MSA, banque 97 ( * ) , etc.) ;

• en sensibilisant les élus locaux et les médecins de famille.

e) Un dispositif de sentinelles et d'alertes à élargir et mieux coordonner

Le réseau de sentinelles pourrait être utilement renforcé en accroissant sa notoriété auprès du grand public. En effet, il gagnerait à attirer l'ensemble des citoyens désireux d'apporter leur aide en cas de difficultés. Si aujourd'hui, le réseau est déjà accessible à tout volontaire, sous réserve du suivi de formations au repérage des symptômes de détresse, force est de constater qu'il se limite encore essentiellement aux professionnels en activité du monde agricole.

Pour les rapporteurs, le réseau des sentinelles doit être le plus large possible, afin de comporter l'ensemble des acteurs en contact direct avec les exploitants en raison de leur action dans le monde agricole au sens large comme les élus syndicaux, les chambres d'agriculture, la MSA, la DGFIP, les services compétents de l'État, les coopératives, les CUMA, les conseillers techniques, le négoce, les contrôleurs laitiers, les inséminateurs, les centres de gestion et experts comptables, les SAFER et les services notariaux, les vétérinaires, les banques, les assurances ainsi que les acteurs en contact plus indirect avec les exploitants et salariés agricoles, mais qui n'en demeurent pas moins des acteurs essentiels comme les foyers ruraux, les pompiers, les élus locaux, l'ensemble du tissu associatif, le voisinage...

En outre, certaines professions en lien avec le monde agricole manquent aujourd'hui de formations au repérage des symptômes, ce lien étant considéré comme plus indirect. C'est notamment le cas des facteurs ou des gendarmes, qui peuvent être amenés à détecter des situations de détresse à l'occasion de leurs tournées ou rondes, mais qui sont encore insuffisamment formés en la matière. C'est également le cas de certains personnels administratifs des services déconcentrés de l'État (notamment les agents des directions départementales des territoires, DDT), qui reçoivent parfois des appels inquiétants d'agriculteurs lors de la campagne de constitution des dossiers PAC.

De même, les vétérinaires ou les contrôleurs laitiers jouent, selon de nombreux témoignages, un rôle essentiel dans la mesure où, bien souvent, l'état de santé des animaux et la bonne tenue des élevages sont des révélateurs assez fiables de la bonne santé des éleveurs.

Par ailleurs, alors que les dirigeants et administrateurs des caisses MSA sont dans l'ensemble issus du monde agricole, ils ne sont pas tous formés à la détection des symptômes de détresse, ainsi que certains de ces élus l'ont confirmé aux rapporteurs. La formation repose en effet sur le volontariat, alors que leurs contacts quotidiens avec l'ensemble des acteurs agricoles en font des sentinelles naturelles, capables de repérer certains symptômes et de sensibiliser leurs interlocuteurs. Il convient donc de les intégrer au réseau de sentinelles, et de prévoir un ensemble de formations obligatoires liées au repérage des signaux d'alerte.

Recommandation n° 30 : renforcer la détection des agriculteurs en détresse par un élargissement du réseau des sentinelles en :

• y intégrant des professionnels fréquemment en contact avec le monde agricole mais non encore formés à la détection des symptômes de détresse comme les gendarmes, les facteurs, les personnels administratifs des services déconcentrés (DDT) ;

• communiquant davantage sur l'existence, le fonctionnement et l'utilité du réseau de sentinelles auprès du grand public afin d'accroître le nombre de volontaires.

De même, l'ensemble des membres de la MSA et des acteurs institutionnels interrogés ont indiqué aux rapporteurs qu'une part importante de la formation des sentinelles devrait être dédiée à la connaissance et à la maîtrise des différents dispositifs de soutien existants (y compris bien entendu ceux qui ne relèvent pas de la caisse MSA), afin de pouvoir les relayer auprès des agriculteurs en difficultés. Ces dispositifs sont en effet nombreux et mêlent différents acteurs, ce qui peut entraîner confusion et découragement pour l'agriculteur en recherche d'aide.

Recommandation n° 31 : renforcer la formation des sentinelles aux dispositifs de soutien existants et prévoir une formation obligatoire au repérage des situations de détresse pour les élus des caisses MSA et des chambres d'agriculture.


* 88 Circulaire DGPAAT/SDEA/C2009-3062 du 03 juin 2009 du ministre de l'agriculture et de la pêche.

* 89 Art. R. 313-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 90 Instruction technique DGPE/SDC/2017-1039 du 27 décembre 2017.

* 91 La présence d'un double comité relève de choix organisationnels effectués par les acteurs locaux.

* 92 À l'exception notable de la Corrèze, où la cellule en format réduit se réunit mensuellement.

* 93 Chambre d'agriculture, DDT, conseil départemental, MSA, CER France. Auparavant assistaient aux réunions également la DDFiP, la DDCSPP, la MSA, le conseil régional, la banque de France, les fournisseurs, les banques.

* 94 Contribution écrite de la préfecture de La Réunion transmise au groupe de travail.

* 95 Contribution écrite de la préfecture de Guadeloupe transmise au groupe de travail.

* 96 Contribution écrite de la préfecture de Guyane transmise au groupe de travail.

* 97 II s'agit majoritairement du Crédit agricole.

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