III. AMÉLIORER : POUR RENFORCER LES OBLIGATIONS ET LA PERCEPTION DE LA POSTE EN MATIÈRE DE QUALITÉ DE SERVICE

A. RENFORCER LES EXIGENCES DE QUALITÉ DU SERVICE UNIVERSEL POSTAL

1. La compensation par l'État du déficit du service universel postal devrait également être conditionnée à un renforcement des objectifs de qualité de service et du pouvoir de sanction de l'Arcep

Premièrement, les rapporteurs souhaitent rappeler qu'une compensation par l'État du déficit du service universel postal doit être assortie de résultats, en particulier d'une amélioration de la qualité de service pour les usagers .

La Poste doit respecter des objectifs de qualité de service au titre du service universel postal, ces objectifs étant fixés au niveau réglementaire par un arrêté du ministre chargé des postes , conformément à l'article R.1-1-8 du CPCE. L'arrêté du 12 septembre 2018 relatif à la qualité du service universel pour la période 2018-2020 fixe les objectifs de qualité tels que présentés dans le tableau ci-après. Pour les usagers, ces objectifs visent à garantir une distribution rapide du courrier et des colis et à limiter au maximum les retards de livraison.

Tableau 8 : objectifs de qualité de service au titre de l'offre du service universel postal pour les années 2018, 2019 et 2020.

Source : arrêté du 12 septembre 2018

Le contrôle du respect de ces objectifs réglementaires de qualité relève de la compétence de l'Arcep . Ce contrôle s'effectue à l'aide de plusieurs dispositifs permettant à l'Arcep d'obtenir des informations :

- le tableau de bord du service universel postal mis en place depuis 2006 et publié chaque année, en principe à la mi-avril, par La Poste. Les indicateurs de qualité de service utilisés dans le tableau de bord sont mentionnés dans l'arrêté du 12 septembre 2018 ;

- des restitutions annuelles plus informelles dans le cadre desquelles La Poste fournit chaque année des informations sur la qualité du service universel.

Selon les dernières données disponibles, la grande majorité des objectifs de qualité sont respectés par La Poste, avec toutefois une dégradation en 2019 , qui peut aussi s'expliquer par les manifestations sociales qui ont marqué l'année. Les données relatives à l'année 2020 n'ont pas encore été publiées par La Poste, sachant que des interruptions ont eu lieu dans la collecte des données en raison de la crise sanitaire.

Tableau 9 : respect des objectifs réglementaires de qualité du service universel postal pour 2019.

Lettre prioritaire

Résultats

Taux de distribution en J + 1

83,9 %

Délais excessifs (au-delà de J + 4)

1,2 %

Lettre verte

Taux de distribution en J + 2

94,5 %

Délais excessifs (au-delà de J + 4)

1,6 %

Lettre recommandée

Taux de distribution en J + 2

94,5 %

Délais excessifs (au-delà de J + 4)

1,1 %

Colissimo

Taux de distribution en J + 2

90,9 %

Délais excessifs (distribution au-delà de J + 4)

0,9 %

Contrats de réexpédition

Taux de mise en oeuvre des contrats de réexpédition dans les délais demandés par les clients

98,7 %

Source : Arcep

Depuis le début de l'année 2021, aucun nouvel arrêté du ministre chargé des postes n'a été édicté afin de fixer de nouveaux objectifs de qualité du service universel postal . Or, le sentiment d'une dégradation de la qualité de service de La Poste s'est récemment accentué, notamment en raison d'une diminution de l'offre de service public en 2020, en particulier pendant le premier confinement.

Afin de répondre aux exigences renforcées des usagers en matière de qualité de service, et en contrepartie d'une compensation du déficit du service universel postal, une trajectoire à la hausse des objectifs de qualité du service universel postal devrait être prévue pour la période 2021-2026.

Recommandation n° 15 : fixer rapidement, dans un nouvel arrêté du ministre chargé des postes, des objectifs de qualité du service universel postal pour la période 2021-2023, puis pour la période 2024-2026, en prévoyant une trajectoire à la hausse de ces objectifs.

Dans la perspective d'une actualisation du catalogue du service universel postal, le nouvel arrêté fixant des objectifs de qualité du service universel postal devra prendre en compte les éventuelles modifications législatives effectuées :

- en retirant la mention d'une offre de distribution du courrier à J+1 ;

- en remplaçant la mention d'une offre de distribution du courrier à J+4 par une offre de distribution à J+3, La Poste étant prête à s'engager, dans un premier temps, à respecter un taux de distribution de 95 % pour une distribution en trois jours.

Produits

Indicateurs

Arrêté du 14 octobre 2015

Arrêté du 12 septembre 2018

2016

2017

2018

2019

2020

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Objectif

Résultat

Lettre prioritaire

Taux de distribution en J+1

-

84,9 %

-

86,4 %

-

85,1 %

-

83,9 %

-

-

Délais excessifs au-delà de J+4

<1 %

0,5 %

<1 %

0,4 %

-

0,5 %

-

1,2 %

-

-

Lettre verte

Taux de distribution en J+2

93,75 %

94,9 %

94 %

95,9 %

94 %

95,1 %

94 %

94,5 %

94 %

-

Délais excessifs au-delà de J+4

<1 %

0,5 %

<1 %

0,4 %

<1 %

0,6 %

<1 %

1,6 %

<1 %

-

Lettre recommandée

Taux de distribution en J+2

95 %

94 %

95 %

95,9 %

95 %

94,6 %

95 %

94,5 %

95 %

-

Délais excessifs au-delà de J+4

<1 %

0,9 %

<1 %

0,6 %

<1 %

0,8 %

<1 %

1,1 %

<1 %

-

Colissimo

Taux de distribution en J+2

90 %

92,2 %

91 %

92 %

91 %

91,2 %

91 %

90,9 %

91 %

-

Délais excessifs au-delà de J+4

<1,5 %

0,7 %

<1,5 %

0,7 %

<1,5 %

0,8 %

<1,5 %

0,9 %

<1,5 %

-

Contrats de réexpédition

Taux de mise en oeuvre des contrats de réexpédition dans les délais demandés par les clients

-

-

-

98,9 %

95 %

98,8 %

95 %

98,7 %

95 %

-

Source : commission des affaires économiques du Sénat à partir des données de La Poste et de l'Arcep

Tableau 10 : évolution des objectifs réglementaires de qualité de service universel postal et de leur respect par La Poste entre 2016 et 2019.

Dans l'éventualité où La Poste ne respecterait pas les objectifs de qualité de service universel postal, la question s'est posée de savoir quel était le contrôle de l'Arcep dans cette situation. Toutefois, les auditions des rapporteurs ont mis en évidence un contrôle insuffisant du respect de ces objectifs par le régulateur, ainsi qu'un usage timide de la procédure de sanction par l'Arcep qui dispose d'un pouvoir de sanction en matière postale , conformément à l'article L.5-3 du CPCE.

Dans un premier temps, la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction dite « formation RDPI », composée de quatre membres de l'Arcep, dont le président, adopte les décisions se rattachant à l'exercice des fonctions de poursuite et d'instruction , à savoir :

- l'ouverture d'une procédure si cela est jugé nécessaire ;

- la désignation des rapporteurs chargés de l'instruction ;

- la mise en demeure du prestataire en cause de se conformer à ses obligations dans un certain délai, qui ne peut être inférieur à un mois en matière postale ;

- la notification des griefs en cas de méconnaissance de la mise en demeure, ce qui implique la saisie de la formation restreinte.

Dans un second temps, la formation restreinte , composée de trois membres de l'Arcep, à l'exception du président, est saisie à partir de la notification des griefs, ce qui marque le début de la phase contradictoire de la procédure de sanction et de l'exercice des droits à la défense du prestataire du service universel postal lors de son audition. À l'issue de l'audition, la formation restreinte adopte une décision de sanction ou de non-sanction , les sanctions à l'égard du prestataire du service universel postal pouvant être :

- une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 5 % du chiffre d'affaires hors taxes, et 10 % en cas de nouvelle infraction ;

- une sanction pécuniaire de 15 000 € au maximum en cas de communication d'informations inexactes ou de refus de fourniture d'informations.

Dans le cadre des travaux du groupe de travail sur l'avenir de La Poste, les rapporteurs souhaitent mentionner que l'Arcep n'a pas souhaité communiquer sur l'utilisation faite jusqu'à présent de son pouvoir de sanction vis-à-vis de La Poste .

Il a toutefois été indiqué que la décision de mise en demeure prise par la formation RDPI, ainsi que la décision de sanction ou de non-lieu à sanctionner, peuvent être rendues publiques en application de l'article D. 599 du CPCE.

Afin de renforcer la transparence des décisions prises par les formations compétentes de l'Arcep et dans un objectif d'améliorer le suivi du respect par La Poste de ses exigences réglementaires en matière de qualité de service, il est souhaitable que toutes les décisions soient rendues publiques à compter du stade de la mise en demeure du prestataire en cause de se conformer à ses obligations dans un certain délai .

Recommandation n° 16 : rendre obligatoire la publication des décisions des formations compétentes de l'Arcep en matière d'utilisation de son pouvoir de sanction postal, à compter du stade la mise en demeure.

2. Le coût lié au manque de qualité de service doit être apprécié par le régulateur

Dans une perspective de renforcement des obligations de qualité de service de La Poste , une nouvelle mission pourrait également être confiée à l'Arcep afin de pouvoir disposer de données chiffrées sur le coût lié au manque de qualité de service de La Poste. En effet, la prise en compte des coûts liés à la non-qualité est une demande récurrente de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) 16 ( * ) , mais cette demande est restée jusqu'à présent sans suite .

Dans son rapport publié en février 2020, la Cour des comptes avait effectué une première estimation concernant le service universel postal, en se basant sur les indemnisations accordées à la suite de réclamations dont le montant s'élevait à 2,5 M€ pour le courrier et à 21,5 M€ pour les colis en 2018.

Néanmoins, face aux difficultés techniques liées au calcul du coût du manque de qualité de service et à l'absence de méthodologie préexistante, les rapporteurs considèrent qu'un délai raisonnable de mise en oeuvre de cette nouvelle mission par l'Arcep devrait être prévu.

Recommandation n° 17 : modifier la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste pour que l'Arcep soit chargé d'évaluer chaque année le coût lié au manque de qualité de service de La Poste, par exemple en prenant en compte le montant des indemnisations versées après réclamations pour les services de distribution de courrier et de livraison de colis qui relèvent du service universel postal.


* 16 Avis de la CSNP n° 2019-03 du 25 juillet 2019, n° 2020-11 du 1 er décembre 2020 et 2021-02 du 8 mars 2021.

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