C. LE TRANSPORT ET DE DISTRIBUTION DE LA PRESSE : UNE COMPENSATION QUI DEMEURE JUSTIFIÉE, MAIS QUI DEVRAIT ÊTRE PROCHAINEMENT RÉFORMÉE

1. Les obligations de La Poste au titre de sa mission de transport et de distribution de la presse demeurent justifiées

La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste, telle que modifiée par la loi du 9 février 2010, confie à La Poste une mission de service public de transport et de distribution de la presse . Plus précisément, le CPCE fixe les obligations de service public de La Poste en matière de transport et de distribution de la presse :

- l'obligation d'acheminer dans les conditions du service universel postal les publications périodiques qui bénéficient de l'agrément de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Concrètement, cela signifie que la distribution de la presse et celle du courrier s'effectuent au sein d'une même tournée par les facteurs, six jours sur sept et sur l'ensemble du territoire. Il n'y a pas de tournée de distribution spécifique à la presse, contrairement à la livraison des colis ;

- l'obligation de proposer des tarifs préférentiels qui doivent permettre de favoriser le pluralisme des idées et des expressions , notamment celui de la presse d'information politique et générale (IPG).

Les obligations de service public de La Poste au titre de sa mission de transport et de distribution de la presse concernent essentiellement les tarifs réglementés, appliqués aux éditeurs de presse à un prix inférieur au coût. Les tarifs réglementés sont homologués par l'État et fixés chaque année par un arrêté du ministre chargé des postes 8 ( * ) .

Aujourd'hui, au regard du développement de la presse en ligne, des changements d'usages et de pratiques dans la façon de s'informer, la question s'est posée de savoir s'il était toujours pertinent de maintenir une mission de service public spécifique à la distribution et au transport des titres de presse . En effet, le volume de la presse papier distribuée par La Poste a structurellement baissé de 7,1 % en 2019 et de plus de 40 % depuis 2010, tandis que la diffusion de l'information sous version numérique représentait 15 % de la diffusion totale de l'information à la fin de l'année 2019 selon une estimation réalisée par l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).

Toutefois, cette mission de service public demeure justifiée aujourd'hui , notamment pour les raisons suivantes :

- La Poste demeure le deuxième canal de diffusion de la presse papier en France en raison de l'importance des volumes de titres de presse distribués . En 2019, La Poste a distribué 882 millions de journaux et de magazines dans le cadre de sa mission de service public, avec plus de 6 000 périodiques différents qui ont fait appel à ses services de distribution et de transport, soit la quasi-totalité des titres de presse inscrits sur le registre de la CPPAP ;

- la gestion du réseau de transport et de distribution de la presse repose sur le réseau du service universel postal , ce qui permet à La Poste de réaliser des synergies et des économies d'échelle qui ne pourraient pas être réalisées par d'autres opérateurs gérant un réseau de transport et de distribution spécifique à la presse, ce qui rendrait le coût de la mission de service public beaucoup plus élevé ;

- la distribution des titres de presse par voie postale dans les zones rurales et peu denses demeure la seule option compétitive pour les éditeurs de presse au regard des coûts liés au développement d'autres canaux de distribution, notamment le portage ;

- la transformation numérique des modèles économiques des éditeurs de presse est inégalement avancée , certains éditeurs de presse dépendant économiquement de la publicité dont la valorisation sur papier demeure cinq à dix fois supérieure à la publicité en ligne.

Par ailleurs, les rapporteurs souhaitent rappeler leur attachement au pluralisme des expressions et des idées, au besoin de disposer de sources d'information variées, de qualité et à prix abordable afin de pouvoir approfondir ses connaissances, exercer un regard critique sur l'actualité et lutter contre la désinformation et les fausses nouvelles.

2. Le mécanisme de compensation de cette mission est en voie d'être réformé

La mission de service public de transport et de distribution de la presse confiée au groupe La Poste fait l'objet d'une compensation par l'État, mais qui ne couvre pas l'intégralité des coûts affectés, c'est pourquoi cette mission est également sous-compensée.

La compensation octroyée par l'État est aujourd'hui forfaitaire , avec des montants indiqués dans le contrat d'entreprise et confirmés chaque année en loi de finances. La compensation versée par l'État diminue, car le déficit constaté par La Poste au titre de l'exercice de cette mission de service public diminue, mais l'équilibre financier n'est toujours pas atteint et la mission demeure déficitaire pour La Poste.

Tableau 5 : évolution de la contribution versée à La Poste au titre de sa mission de transport et de distribution de la presse entre 2011 et 2020.

En millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Contribution versée à La Poste au titre de sa mission de SP

241,5

231,6

217,0

150,0

130,0

119,0

121,0

111,5

103,8

95,9

Compensation du moratoire sur les tarifs postaux de presse

27,4

29,2

30,6

1,5

2,5

0

0

0

0

0

Déficit constaté par La Poste

-289

-282

-308

-358

-332

-366

-251

-176

-186

ND

Source : La Poste

Les rapporteurs souhaitent attirer l'attention sur le fait que le déficit de la mission de transport et de distribution de La Presse ne pourrait pas seulement être comblé par une hausse des tarifs postaux applicables aux éditeurs de presse . En effet, la caractéristique principale de cette mission de service public est de proposer des tarifs homologués et préférentiels afin de favoriser la distribution de la presse papier.

Toutefois, si les tarifs préférentiels de presse s'appliquent à toutes les publications inscrites au registre de la CPPAP, toutes les catégories de presse ne s'acquittent pas du même tarif . En effet, les tarifs préférentiels sont fortement différenciés selon la catégorie de presse concernée et favorisent la presse d'information politique et générale.

Tableau 6 : écarts entre les tarifs de presse de service public et les tarifs du service universel en 2019.

Catégorie de presse

Tarif SP moyen

Tarif SU moyen

Taux de couverture par les tarifs

Presse CPPAP

0,49 €

0,67 €

73 %

PIPG

0,31 €

0,91 €

34 %

QFRP

0,08 €

0,69 €

12 %

Source : direction générale des entreprises

Le levier tarifaire n'est pas un moyen économique viable pour pallier la sous-compensation budgétaire de cette mission de service public , la hausse des tarifs postaux depuis une dizaine d'années n'ayant pas permis d'atteindre l'équilibre financier. De plus, la seule mobilisation du levier tarifaire impliquerait des augmentations importantes des coûts pour les éditeurs de presse et des hausses du prix des abonnements, ce qui défavoriserait la diffusion de l'information et serait contraire à l'esprit de la mission de service public telle qu'elle a été définie. Enfin, le montant de la compensation est amené à évoluer, le cadre tarifaire fixé pour les années 2016-2020 étant arrivé à son terme. Dans ces conditions, La Poste estime qu'une refondation du modèle de transport et de distribution de la presse de service public est indispensable.

Dans cette perspective, une mission de réflexion a été confiée à M. Giannesini, conseiller-maître à la Cour des comptes, dont les premières conclusions ont été remises au Gouvernement en avril 2020. Un projet de protocole tripartite négocié entre les services compétents de l'État, La Poste et les représentants des éditeurs de presse a été conclu et remis au Gouvernement en décembre 2020 et demeure en attente d'arbitrage.

Parmi les recommandations de cette mission, les rapporteurs souhaitent apporter leur soutien à la réforme du financement de la compensation de la mission de service public de transport et de distribution de la presse , proposée selon les principales modalités suivantes :

- le maintien de l'ensemble des obligations de service public qui incombent au groupe La Poste au titre de sa mission de service public de transport et de distribution de la presse ;

- le passage d'une compensation forfaitaire à une compensation réelle assise sur le coût net évité de la distribution postale des titres de presse en J+1 dans les zones peu denses . Les zones peu denses font référence à la grille communale de densité élaborée par l'Insee et représentent 88,5 % des communes françaises et 32,8 % de la population française. Cette réforme du mécanisme de compensation permet de resserrer le financement de l'État sur ce qui constitue le « coeur » de cette mission de service public, à savoir la distribution des titres de presse dans les zones peu denses qui ne serait sans doute plus assurée si le marché était entièrement libéralisé sans prestataire désigné pour assurer des obligations de service public ;

- l'institution d'une aide directe à la distribution des titres de presse d'information politique et générale (IPG) avec un barème spécifique au portage et un barème spécifique à la distribution par voie postale :

o le barème posté : instauration d'un tarif de service public unique aligné sur le tarif de presse CPPAP , impliquant la suppression des tarifs PIPG et QFRP, et qui évoluerait jusqu'en 2026 à hauteur de l'inflation avec une évolution plancher de 1 % par an et une évolution plafond de 2 % par an ;

o le barème porté : remplacement des aides existantes au portage par une aide directe à l'exemplaire aux éditeurs de presse avec pour objectif de les inciter davantage à recourir au portage, en particulier dans les zones denses.

Recommandation n° 5 : compenser le déficit de la mission de service public de transport et de distribution de la presse confiée au groupe La Poste, conformément à la proposition formulée par la mission confiée à M. Giannesini :

- asseoir la compensation versée à La Poste au titre de la mission de service public sur une base réelle correspondant au coût net évité de la distribution postale en J+1 vers les zones sous-denses ;

- aide directe aux éditeurs de presse pour favoriser le portage.


* 8 Voir l'arrêté du 22 décembre 2020 homologuant les tarifs des prestations offertes à la presse au titre du service public du transport et de la distribution de la presse pour 2021

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