LES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION POUR RENFORCER L'ACCÈS DES FEMMES AUX RESPONSABILITÉS DANS L'ENSEMBLE DES ENTREPRISES

I. LES OBLIGATIONS DE PARITÉ ET DE MIXITÉ DOIVENT DÉSORMAIS ÊTRE ÉTENDUES

Alors que les quotas instaurés par la loi Copé-Zimmermann ont prouvé leur efficacité sans pour autant avoir eu l'effet de ruissellement escompté, la délégation estime aujourd'hui nécessaire de les étendre pour continuer à promouvoir la présence des femmes dans les postes à responsabilité et la direction opérationnelle des entreprises.

A. INTRODUIRE DE NOUVELLES OBLIGATIONS PARITAIRES, CIBLÉES SUR LES POSTES À RESPONSABILITÉ

S'agissant des quotas existants portant sur les conseils d'administration et de surveillance, il pourrait être envisagé d' élargir le champ des entreprises concernées , comme le recommande par exemple le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) dans son rapport de décembre 2019 intitulé Accès des femmes aux responsabilités et rôle levier des financements publics .

Lors de la table ronde de la délégation du 21 janvier 2021, notre collègue Alexandra Borchio Fontimp , par ailleurs membre de la commission Parité du HCE, a ainsi estimé que « quand il n'y a pas de quota, la part des femmes reste en deçà de 20 %. Le cas des PME montre bien la limite des pratiques d'autorégulation . »

En effet, la loi Copé-Zimmermann vise les sociétés anonymes (SA) à conseil d'administration et à directoire ainsi que les sociétés en commandite par actions (SCA). Elle concernait à l'origine les entreprises employant 500 salariés permanents et présentant un montant net de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros. La loi 10 ( * ) du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a abaissé le seuil de 500 à 250 salariés à compter du 1 er janvier 2020.

Le HCE propose de supprimer ce seuil progressivement, en assignant aux conseils d'administration et de surveillance de toutes les SA et SCA de plus de 50 millions de chiffre d'affaires, quel que soit le nombre de leurs salariés, des obligations de parité de 20 % en 2023 et de 40 % en 2025.

Cette piste mérite d'être étudiée dans le prolongement de l'abaissement du seuil à 250 salariés, qui s'applique depuis le 1 er janvier 2020.

Il convient, en parallèle, de davantage rappeler leurs obligations aux entreprises déjà concernées par les quotas, en particulier aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) . Les actions de formation à destination des administratrices de ces entreprises doivent être encouragées. Comme évoqué par Denis Terrien, président de l'Institut français des administrateurs (IFA), qui organise de telles formations, c'est un levier essentiel pour améliorer le nombre de femmes au sein des comités spécialisés des conseils d'administration.

Cependant, l'enjeu porte aujourd'hui moins sur les conseils d'administration et de surveillance que sur les comités exécutifs (Comex), les comités de direction (Codir) et plus généralement les fonctions de direction opérationnelle et les postes à responsabilités au sein de l'entreprise de façon générale . En effet, ce sont au sein des comités exécutifs et de direction que se prennent au quotidien toutes les décisions importantes pour la direction d'une entreprise. Ils assurent le suivi des décisions des conseils d'administration et la direction effective de l'entreprise.

De plus, alors que les membres des conseils d'administration et de surveillance sont généralement recrutés de manière extérieure à l'entreprise, il s'agit désormais aussi de faciliter l'accession des femmes aux postes à responsabilités directement depuis l'intérieur de l'entreprise et d'encourager la promotion interne.

Notre collègue députée Marie-Pierre Rixain l'a ainsi formulé devant la délégation : « Si vous me permettez de filer la métaphore du plafond de verre, je dirais que la loi Copé-Zimmermann a permis de construire un escalier extérieur, puisque le recrutement des conseils d'administration et des conseils de surveillance se fait généralement de manière extérieure à l'entreprise, ces individus, renouvelés tous les trois, n'en faisant pas eux-mêmes partie. L'objectif de la proposition de loi que je soumettrai à mes collègues députés et qui, je l'espère, pourra cheminer au Sénat, est de construire un escalier intérieur. Les personnes qui sont au Comex et au Codir faisant généralement partie de l'entreprise, il s'agit de permettre à des femmes d'atteindre des postes à responsabilités depuis l'intérieur de l'entreprise . »

Une solution consisterait à dupliquer les obligations de parité existantes au niveau des comités exécutifs et de direction des entreprises. Il s'agit notamment d'une recommandation formulée par le HCE, qui propose d'assigner aux entreprises entrant déjà dans le champ de la loi Copé-Zimmermann des obligations progressives de parité :

- pour les comités exécutifs et de direction de plus de huit membres : 20 % en 2022, 40 % en 2024 ;

- pour les comités exécutifs et de direction de huit membres et moins : une femme en 2022 et un écart maximal de deux en 2024.

Cependant, de telles dispositions supposent au préalable de définir juridiquement ces comités, qui n'existent pas dans toutes les entreprises. En effet, ces comités sont nés de la pratique des affaires et non d'une obligation légale. Leur définition juridique reste floue bien que la loi 11 ( * ) du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ait amorcé un début de définition, en précisant dans le code de commerce que les sociétés cotées décrivent « la manière dont la société recherche une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du comité mis en place, le cas échéant, par la direction générale en vue de l'assister régulièrement dans l'exercice de ses missions générales et sur les résultats en matière de mixité dans les 10 % de postes à plus forte responsabilité ».

Par ailleurs, imposer des quotas aux Comex et aux Codir pourrait, potentiellement, avoir des effets pervers. Selon notre collègue députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, entendue par la délégation le 31 mars 2021, « la question est de savoir s'il faut agir sur les mêmes mécanismes de quotas pour les Codir et les Comex sachant que leurs membres, qui sont le plus souvent des hommes, sont eux-mêmes employés à durée indéterminée dans l'entreprise et qu'il ne s'agit pas de les exclure d'une place qui leur revient de droit, mais d'essayer de trouver une solution pour que des femmes accèdent aussi à ces postes. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas agir directement sur les Codir et les Comex, car cela pourrait poser des difficultés à un certain nombre d'entreprises et les inciter à détourner la loi en déportant le lieu de décision de l'entreprise hors de ces instances de direction. »

Dans cette logique, Marie-Pierre Rixain a déposé le 23 mars 2021 une proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle , dont l'article 7 vise à étendre l'objectif de représentation équilibrée des sexes aux cadres dirigeants des entreprises.

Tel qu'adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 mai 2021, cet article propose de mesurer la proportion de femmes et d'hommes au sein des postes à responsabilité de chaque entreprise de plus de 1 000 salariés. Le texte adopté cible les « cadres dirigeants et cadres membres des instances dirigeantes ». Les instances dirigeantes sont définies comme « toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d'assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l'exercice de leurs missions ».

En outre, la proposition de loi définit pour ces postes un objectif de mixité d'au moins 30 % de femmes d'ici cinq ans et d'au moins 40 % d'ici huit ans. Elle prévoit également d'assortir le non-respect de ces obligations de sanctions financières, qui seront fixées en tenant compte de la situation initiale de l'entreprise, des efforts constatés et des motifs de sa défaillance.

La délégation souscrit à la démarche de cette proposition de loi, tout en estimant que le champ d'application du nouvel objectif de parité pourrait porter sur les « cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes » afin notamment d'inclure les mandataires sociaux qui siègent au sein des instances dirigeantes sans pour autant être cadres. Cette préconisation rejoint une réserve formulée par Brigitte Grésy, présidente du HCE, devant la délégation le 1 er juillet 2021.

Recommandation n° 1 : Étendre les obligations « paritaires » aux postes à responsabilités au sein des entreprises, sur la base des dispositions de l'article 7 de la proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle adoptée, en première lecture, par l'Assemblée nationale le 12 mai 2021.


* 10 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014.

* 11 Loi n° 2018 -771 du 5 septembre 2018.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page