B. CONFORTER LE RÔLE DES FAMILLES

1. Réaffirmer le rôle de la solidarité familiale
a) La familialisation des minima sociaux

La solidarité publique à l'égard des personnes pauvres ou modestes doit être considérée dans sa complémentarité avec les solidarités familiales, qui restent un ciment de notre société ( cf . première partie).

En cohérence avec les propositions formulées plus haut concernant les dispositifs de soutien des jeunes, il ne sera pas proposé d'étendre les minima sociaux, notamment le RSA, aux moins de 25 ans 162 ( * ) .

Dans la perspective d'une réforme des minima sociaux, il semble important de maintenir le caractère familialisé du barème des minima sociaux , sans lequel la politique sociale ne tiendrait plus compte des charges de famille et de l'existence d'une solidarité familiale.

b) La prise en compte du patrimoine du foyer

En revanche, suivant l'objectif de verser une « juste prestation » aux foyers qui en ont un réel besoin, il pourrait être envisagé de revoir les conditions d'attribution des minima sociaux en y incluant la prise en compte du patrimoine financier .

Actuellement, les ressources prises en compte pour l'attribution du RSA incluent l'ensemble des revenus du foyer, y compris les ressources exceptionnelles tirées par exemple de la vente d'une maison. Les capitaux placés ne sont pris en compte que pour les intérêts qu'ils rapportent 163 ( * ) . Quant aux sommes figurant sur un compte courant, elles ne sont pas retenues dans le calcul du RSA.

La loi prévoit toutefois qu'une évaluation du train de vie peut être prise en compte par le président du conseil départemental lorsqu'il est constaté « une disproportion marquée entre, d'une part, le train de vie du foyer et, d'autre part, les ressources qu'il déclare » 164 ( * ) . Les éléments pouvant être pris en compte comprennent certains éléments du patrimoine mobilier ou immobilier détenu en France ou à l'étranger par les membres du foyer 165 ( * ) .

Lors de l'examen au Sénat du projet de loi dit « 3DS », un amendement de la commission des lois a prévu que le règlement départemental d'aide sociale puisse imposer une condition de patrimoine pour le bénéfice du RSA, ce montant réglementaire ne pouvant être inférieur à 23 000 euros 166 ( * ) . Cette mesure relativement simple permettrait de donner corps au principe de solidarité familiale sans alourdir de manière excessive la charge administrative des départements ni les obligations déclaratives des allocataires.

Proposition n° 37 : Renforcer les obligations de soutien financier des familles avant le versement d'un minimum social en incluant le patrimoine dans les conditions pour en bénéficier.

c) Faciliter l'exercice de la solidarité familiale

Comme l'a signalé l'Unaf, les réformes des aides aux familles ont suivi une logique inversée de la charge d'enfant au cours de la dernière décennie : hormis pour les foyers les plus pauvres, plus les parents ont d'enfants à charge, moins les réformes leur ont été favorables.

Plus généralement, il apparaît que notre système socio-fiscal tient de moins en moins compte des enfants.

La proposition de revenir sur certaines réformes récentes de la politique familiale, notamment la modulation des allocations familiales en fonction des ressources du foyer, n'est qu'indirectement liée au sujet de la mission d'information mais présenterait l'intérêt de marquer la reconnaissance de la société à l'égard des familles.

L'idée de favoriser les petites donations entre générations au sein des familles, au moyen d'un allègement fiscal, serait de nature à faciliter plus directement cette solidarité familiale. Elle permettrait en outre de libérer une partie de l'épargne accumulée par une partie des Français pendant le confinement de la population. La donation défiscalisée pourrait ainsi être ouverte, pour de petits montants, à différents membres de la famille au-delà des parents.

Proposition n° 38 : Faciliter et élargir les petites donations entre générations.

2. Soutenir les familles monoparentales

Alors que les familles monoparentales sont les plus exposées au risque de pauvreté, la question des pensions alimentaires représente un enjeu important. Un rapport de l'IGAS, de l'IGF et de l'IGSJ estimait en 2016 que « le taux d'impayés des pensions alimentaires se situe entre 20 % et 40 %, avec une hypothèse moyenne autour de 35 %, soit environ 300 000 créanciers d'aliments concernés » 167 ( * ) . Devant ce constat, la loi de financement de sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a renforcé l'intermédiation des Caf pour le recouvrement et le paiement des pensions alimentaires afin de protéger les familles monoparentales en situation de précarité.

En revanche, il existe des incohérences de traitement des pensions alimentaires dans les barèmes sociaux et fiscaux , qui peuvent paradoxalement entraîner une perte de revenu pour un ménage modeste et inciter les deux parties à renoncer au versement de la pension, comme l'a démontré un rapport du Haut-Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) 168 ( * ) . Une piste envisagée par ce rapport est de considérer la pension alimentaire comme une participation du parent non gardien aux dépenses nécessaires à l'entretien de ses enfants plutôt que comme un transfert de revenu entre les ménages des deux parents séparés. En conséquence, la pension alimentaire reçue ou versée ne serait plus prise en compte dans les bases ressources des prestations sociales ou dans le revenu imposable. Par cohérence, l'allocation de soutien familial (ASF), prestation versée lorsque le parent débiteur est défaillant ou lorsque la pension alimentaire est très faible, devrait connaître le même traitement.

Proposition n° 39 : Ne plus prendre en compte les pensions alimentaires et l'allocation de soutien familial dans le calcul du RSA et de la prime d'activité ainsi que dans le revenu imposable.

Par ailleurs, l'accompagnement des séparations et des liens post-séparation est souvent négligé alors qu'il peut avoir un impact important sur la situation socio-économique des familles monoparentales. L'Unaf considère que les services de médiation familiale , qui restent peu développés, constituent un outil utile pour éviter les tensions, notamment économiques, entre parents séparés. Un nombre suffisant de médiateurs familiaux devrait être formé afin de permettre le développement de ces services.

Proposition n° 40 : Développer les services de médiation familiale visant à maintenir les liens de solidarité entre parents séparés.


* 162 Une proposition de loi allant en ce sens, déposée par notre collègue Rémi Cardon, a été rejetée par le Sénat le 20 janvier 2021.

* 163 Les biens non productifs de revenu réel sont considérés comme produisant un revenu annuel fictif égal à 3 % de leur montant.

* 164 Art. L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles.

* 165 Propriétés bâties ou non bâties ; travaux, charges et frais d'entretien des immeubles ; automobiles, bateaux de plaisance et motocyclettes ; appareils électroménagers, équipements son-hifi-vidéo et matériels informatiques du foyer ; voyages, séjours en hôtels, locations saisonnières, restaurants, frais de réception, biens et services culturels, éducatifs, de communication et de loisirs.

* 166 Projet de loi n° 4406, adopté par le Sénat, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale - Article 2.

* 167 IGAS, IGF, IGSJ, Création d'une agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, septembre 2016.

* 168 Les ruptures de couples avec enfants mineurs, rapport du Conseil de la famille, HCFEA, janvier 2020.

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