Rapport d'information n° 218 (2021-2022) de M. Joël GUERRIAU et Mme Marie-Arlette CARLOTTI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 novembre 2021

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SOMMAIRE

Pages

N° 218

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le soutien de la politique de la défense ,

Par M. Joël GUERRIAU et Mme Marie-Arlette CARLOT TI,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

L'ESSENTIEL

Le rapport est centré sur la politique de reconversion des militaires et sur la politique d'hébergement et de logement des personnels de la défense, qui sont deux piliers complémentaires de la condition militaire. Il conclut que :

- les moyens déployés par le ministère des armées en faveur de la transition professionnelle permettent d'accompagner efficacement les anciens militaires après leur départ de l'institution. La poursuite de la modernisation de cette politique est néanmoins nécessaire pour permettre un rééquilibrage des reclassements en faveur du secteur public et en particulier en faveur des administrations publiques locales ;

- la politique d'hébergement et de logement a fait l'objet d'investissements importants dans la cadre du plan « famille ». Les investissements fixés par ce plan ainsi que ceux annoncés postérieurement doivent faire l'objet d'un suivi particulièrement attentif au regard des retards pris pendant la crise sanitaire et des enjeux financiers qui s'y rapportent.

I. LA MODERNISATION DE LA POLITIQUE DE RECONVERSION DES MILITAIRES DOIT ÊTRE POURSUIVIE ET RÉÉQUILIBRÉE

A. LA POLITIQUE DE RECONVERSION EST UN ENJEU MAJEUR POUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DU MINISTÈRE DES ARMÉES

1. L'accompagnement des 30 000 militaires qui quittent l'institution chaque année est une partie intégrante de la condition militaire

L'impératif de jeunesse des troupes induit un important flux annuel d'entrées et de sorties de l'institution militaire. La France a fait le choix d'un modèle d'armée complet qui a pour conséquence directe la nécessité de pouvoir disposer d'un personnel suffisamment jeune pour supporter des conditions de travail éprouvantes 1 ( * ) et une exigence de disponibilité « en tout temps et en tout lieu » 2 ( * ) propres au statut des militaires. Cet impératif de jeunesse se traduit par un flux annuel d'entrées et de départs de l'institution de 30 000 personnes par an, soit un taux de renouvellement d'environ 10% des effectifs militaires tous les douze mois.

L'accompagnement au retour dans la vie civile est à la fois un devoir de reconnaissance et un levier de fidélisation . En plus de la gestion de flux importants qui caractérise les ressources humaines des armées, la politique de reconversion constitue également un instrument de maîtrise des coûts et un devoir de reconnaissance pour le ministère des armées 3 ( * ) .

La politique de reconversion trouve son fondement dans le statut des militaires, qui consacre une garantie pour ceux qui quittent l'état militaire de bénéficier des « moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile » 4 ( * ) .

L'exemple du retour à la vie civile des officiers généraux

Lors de leur audition avec la générale D. Vitte, cheffe de la mission pour le retour à la vie civile des officiers généraux (MIRVOG), les rapporteurs ont constaté que le ministère des armées avait mis en place des services de grande qualité pour offrir à l'ensemble des officiers généraux un accompagnement individuel débutant idéalement dix-huit mois avant l'atteinte de leur limite d'âge, fixée le premier jour de leur cinquante-neuf ans pour la majorité d'entre eux 5 ( * ) .

Par ailleurs, les rapporteurs ont constaté à la suite du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire 6 ( * ) qu'en dépit d'un écart d'âge de départ à la retraite de six à sept ans, les nominations d'anciens officiers généraux dans des fonctions d'encadrement supérieur de l'État sont exceptionnelles et qu'aucun ancien officier général n'a été nommé dans des fonctions de préfet ou d'ambassadeur depuis 2012.

2. Le pilotage des différents dispositifs d'accompagnement des militaires pour leur retour à la vie civile est assuré depuis 2009 par le service à compétence nationale « Défense mobilité »

Les militaires qui quittent l'institution bénéficient de plusieurs dispositifs et prestations , en fonction de leur grade et de leur ancienneté . Les anciens militaires candidats à la reconversion bénéficient d'un parcours type de reconversion articulé autour de trois services : l'information, l'orientation et la préparation à l'emploi. En parallèle de cet accompagnement individualisé proposé par l'agence « Défense mobilité », les anciens militaires peuvent s'appuyer sur plusieurs dispositifs d'aide à la reconversion.

En premier lieu, selon leur ancienneté, les anciens militaires peuvent bénéficier de différents types de congés dont l'objet est de favoriser le retour à la vie civile dont notamment le congé de reconversion 7 ( * ) (à partir de quatre années de service) et le congé pour création ou reprise d'entreprise 8 ( * ) (à partir de huit années de service).

En deuxième lieu, les militaires et anciens militaires bénéficient d'une voie d'accès spécifique à la fonction publique prévue par l'article L. 4139-2 du code de la défense qui leur permet, sur demande agréée par le ministre et après avis de la commission nationale d'orientation et d'intégration (CNOI), d'être détachés dans un corps ou un cadre d'emploi de fonctionnaire civil relevant d'une administration de l'État ou d'une collectivité territoriale.

Source : Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), juillet 2021, 15 e rapport thématique, L'emploi des militaires après leur départ des forces armées , annexe 7, p. 145

La chaîne de reconversion fait intervenir différents acteurs coordonnés par « Défense mobilité » , opérateur placé sous la tutelle du directeur des ressources humaines du ministère des armées. En plus de ses 41 antennes sur le territoire (dont 5 en outre-mer), ce service à compétence national (SCN) s'appuie sur plusieurs intervenants qui contribuent de manière complémentaire à la transition professionnelle des anciens militaires.

B. LA MODERNISATION DE LA POLITIQUE DE RECONVERSION PEUT ÊTRE POURSUIVIE AU SERVICE DU RAYONNEMENT TERRITORIAL DES ARMÉES ET DE LA FIDÉLISATION DES TROUPES

1. Le succès global de la politique de reconversion des militaires est à nuancer au regard des limites de ses indicateurs de suivi et d'un déséquilibre en faveur du secteur privé

Les indicateurs utilisés par « Défense mobilité » ne permettent pas d'assurer un suivi global de la reconversion des anciens militaires. En premier lieu, les indicateurs de suivi utilisés par « Défense mobilité » témoignent de l'efficacité de ses services d'accompagnement dès lors que 59% des anciens militaires du ministère des armées ayant été radiés des cadres ou des contrôles en 2019 ont été reclassés dans les douze mois suivant leur départ.

Toutefois, le dispositif de suivi actuel, ne permet pas d'avoir une vision complète de la situation relative à la reconversion des anciens militaires. En effet, l'absence d'informations consolidées sur le reclassement des anciens militaires qui ne font pas appel aux services de « Défense mobilité » limite la connaissance dont dispose les services du ministère et par voie de conséquence l'adaptation de leur réponse à la situation actuelle de la transition professionnelle des anciens militaires.

Les anciens militaires se reconvertissent massivement dans le secteur privé , en dépit des investissements publics consentis en faveur de leur formation : parmi les anciens militaires reclassés dans un délai d'un an et ayant quitté l'institution en 2019 et bénéficié d'un accompagnement de « Défense mobilité », seuls un quart (26%) s'est reconverti dans le secteur public.

Ventilation des reclassements de la cohorte 2019 suivie par « Défense mobilité »

Source : HCECM, juillet 2021, 15e rapport thématique, L'emploi des militaires après leur départ des forces armées

2. La poursuite de la modernisation des instruments de reconversion est un levier au service du rayonnement des armées et de la fidélisation des troupes

Le renforcement des reconversions depuis les armées vers les administrations publiques locales permettrait de consolider le rayonnement territorial de l'institution militaire. Les rapporteurs relèvent qu'il existe une réelle demande des collectivités territoriales qui apprécient les qualités professionnelles dont font preuve la majorité des anciens militaires. Un des obstacles pratiques résulte de l'organisation très centralisée de la procédure de l'article L. 4139-2 (voie d'accès des anciens militaires à la fonction publique), qui repose sur la coordination d'une entité unique pour l'ensemble du territoire, la commission nationale d'orientation et d'intégration (CNOI) 9 ( * ) . Les rapporteurs seront attentifs à l'évolution à moyen terme des reclassements dans la fonction publique territoriale, qui bénéficient mutuellement aux collectivités et aux armées pour lesquelles ils constituent un instrument précieux de rayonnement local.

L'ouverture de la politique de reconversion au bénéfice des conjoints de militaire doit être poursuivie au service de la fidélisation des troupes. L'éligibilité des conjoints de militaire aux services d'accompagnement proposés par « Défense mobilité » est justifiée par le fait que la proportion des conjoints de militaire exerçant une activité professionnelle a augmenté de treize points entre 2000 et 2014, pour atteindre 73% 10 ( * ) . À ce titre, les rapporteurs seront attentifs au suivi et à l'évaluation des différents instruments issus de la politique de reconversion qui ont été récemment mis à la disposition des conjoints de militaires dans le cadre du plan « famille », et qui ont permis d'accompagner 1 775 11 ( * ) conjoints en 2020.

3. La modernisation de la politique de reconversion doit s'inscrire dans une revalorisation globale de la condition militaire, qui passe par le déploiement définitif de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

Au-delà de la modernisation des dispositifs de reconversion, qui concourt indirectement à l'attractivité des armées, la commission des affaires étrangères et de la défense est attentive depuis plusieurs années à l'effort de rationalisation de la rémunération des militaires qui reposait jusqu'à récemment sur un ensemble hétéroclite de quelques cent-soixante-dix primes et indemnités différentes.

À ce titre, les rapporteurs suivront de près le déploiement définitif de la « nouvelle politique de rémunération des militaires » (NPRM) qui doit substituer au système actuel un dispositif de rémunération fondé sur huit composantes regroupées en trois volets relatifs en premier lieu aux sujétions inhérentes au statut militaire , en deuxième lieu aux engagements opérationnels et aux responsabilités exercées et en troisième lieu aux performances et aux compétences spécifiques des militaire. Après l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2021 de l'indemnité de mobilité géographique des militaires 12 ( * ) , les étapes les plus importantes restent à franchir et les rapporteurs seront particulièrement attentifs à ce que cette réforme atteigne ses objectifs tant en termes de lisibilité de la rémunération que de réduction des coûts de gestion.

II. L'AMÉLIORATION DURABLE DES CONDITIONS DE VIE DES MILITAIRES SUPPOSE DE POURSUIVRE L'EFFORT D'INVESTISSEMENT DANS LES INFRASTRUCTURES AU-DELÀ DU PLAN « FAMILLE »

A. LES CAPACITÉS D'HÉBERGEMENT ET DE LOGEMENT DES MILITAIRES SONT AUJOURD'HUI LIMITÉES PAR L'INADAPTATION DU PARC IMMOBILIER DE LA DÉFENSE

1. La politique d'hébergement et de logement fait partie de la condition militaire

L'hébergement , qui est un droit pour les militaires du rang, bénéficie également en priorité aux cadres célibataires ou célibataires géographiques. La politique interarmées de soutien en matière d'hébergement 13 ( * ) consacre la distinction entre d'une part le casernement (ou hébergement en caserne) qui bénéfice aux militaires du rang et aux volontaires et d'autre part l'hébergement strico sensu qui bénéficie en priorité aux cadres d'active célibataires ou célibataires géographiques.

Le casernement est à la fois un droit et une obligation 14 ( * ) pour les militaires du rang jusqu'au grade de caporal et les volontaires qui sont logés dans des infrastructures dites « de milieu » qui tiennent compte des spécificités propres à chaque armée.

L'hébergement stricto sensu est une possibilité pour les personnels civils et militaires du ministère des armées qui peuvent bénéficier sous certaines conditions d'un hébergement dans le domaine militaire, notamment au sein d'un « bâtiment cadre célibataire » (BCC). Eu égard à la saturation des bâtiments cadre célibataire, le ministère des armées met en oeuvre une priorité dans l'accès à l'hébergement pour les sous-officiers célibataires de moins de quinze ans de service, qui ne sont pas éligibles pour l'octroi d'un logement familial.

Critères de priorités d'attribution d'un hébergement hors Île-de-France

Source : HCECM, juin 2018, 12e rapport thématique, La vie des militaires et de leur famille selon le lieu d'affectation , p. 203

Le logement est une politique d'accompagnement dont l'objet est de compenser les sujétions liées à la condition militaire. L'octroi d'un logement dans le parc immobilier de la défense ne constitue pas un droit mais un service proposé sous condition aux personnels civils et militaires du ministère des armées. Il correspond à un double objectif de compensation des sujétions liées à la condition militaire et d'accompagnement social des personnels à revenu modeste du ministère. À ce titre, le ministère propose des locations à des conditions tarifaires qui bénéficient d'une décote par rapport au marché locatif privé d'environ 50% en Île-de-France et d'environ 30% en dehors de l'Île-de-France.

La politique de logement est complétée par un dispositif d'aide individuelle pour l'accession à la propriété . Parallèlement aux dispositifs d'hébergement et de logement susmentionnés, le ministère des armées a également mis en place un mécanisme de prêt d'accession à la propriété financé conjointement par l'institut de gestion sociale des armées (IGeSA) et l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) pour un montant d'au plus 25 000 euros, à taux zéro et remboursable sur quinze ans 15 ( * ) .

2. L'inadaptation du parc immobilier et la complexité de la chaîne de décision portent atteinte à l'efficacité de la politique de logement

L'enchevêtrement des acteurs intervenant dans la politique de logement des militaires nuit à sa lisibilité . À la différence de l'hébergement, la politique du logement fait intervenir une multitude d'acteurs du ministère des armées qui sont rattachés à la fois à l'état-major des armées (EMA) et au secrétariat général pour l'administration (SGA), responsable de la politique immobilière du ministère 16 ( * ) . Ainsi alors que l'attribution des logements 17 ( * ) , l'établissement du schéma directeur immobilier de la base de défense (SDIBdD) et la détermination des priorités en matière de travaux d'infrastructure relèvent des commandants de base de défense (ComBdD), placés sous l'autorité de la sous-chefferie performance de l'état-major des armées (EMA), le pilotage de l'utilisation optimale du parc, la concertation locale et la remontée d'informations sont assurés par chaque bureau du logement de base de défense (BLBdD), coordonnés par cinq 18 ( * ) bureaux régionaux du logement (BRL), qui appliquent les directives de la sous-direction du logement placé dans le périmètre du secrétariat général pour l'administration (SGA), et qui étaient, jusqu'au 1 er janvier 2021, organiquement rattachés aux groupements de soutien de base de défense (GSBdD) 19 ( * ) .

La complexité de la chaîne de décision en matière de logement dans les armées a plusieurs conséquences qui nuisent autant à la condition des soldats qu'à l'efficacité de cette politique. En premier lieu, cette organisation court le risque de créer un sentiment d'éloignement du point de vue des militaires. Le déploiement, à partir de la fin du mois de novembre 2021, d'un système d'information dédié au logement dénommé « ATRIUM » qui permettra notamment de dématérialiser le dépôt de dossier des demandeurs tente d'y répondre. En second lieu, l'organisation actuelle laisse peu de place aux autorités des trois armées (commandements de régiments, de bases ou d'unités isolées) pour faire valoir leur point de vue en matière de logement . L'association effective des autorités militaires locales à la mise en oeuvre de la politique de logement constitue de ce fait un levier d'amélioration de l'efficacité de cette politique .

Le parc immobilier de la défense n'est pas adapté aux besoins des militaires. Le parc immobilier de la défense est constitué d'un total de 43 158 logements au 31 décembre 2020 qui se décomposent en trois catégories de logements. En premier lieu, le parc domanial (27% du parc global) constitué de logements appartenant à l'État, mais pour une partie desquels la gestion a été externalisée. En deuxième lieu, les logements réservés par convention (65% du parc global) qui n'appartiennent pas à l'État, mais pour lesquels le ministère bénéficie d'une priorité de réservation définie par convention.

En dépit d'une demande importante des personnels du ministère qui excède l'offre de logements, l'ensemble des logements du parc ne sont pas disponibles à la location : les logements en cours de cession et ceux rendus aux bailleurs lorsque le ministère n'a pas été en mesure de proposer un locataire dans le temps imparti sont exclus du « parc utile » qui ne représentait au 31 décembre 2020 que 81% du parc global du ministère soit 34 774 logements.

Cette utilisation sous-optimale du parc du ministère s'explique en grande partie par l'inadaptation de l'offre actuelle par rapport aux demandes formulées par les militaires et leur famille au regard de l'évolution des structures familiales et des standards de confort dans la société civile. Cette inadaptation se traduit par un taux de réalisation 20 ( * ) de seulement 58% en 2020.

logements dans le parc global du ministère des armées

du parc est disponible à la location

des demandes de logement aboutissent

B. LA REMISE EN ÉTAT DU PARC IMMOBILIER DE LA DÉFENSE SUPPOSE QUE LES INVESTISSEMENTS DU PLAN « FAMILLE » SOIENT PROLONGÉS PAR UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE ADÉQUATE

1. Les investissements prévus par le plan « famille » ne suffiront pas à résorber la « dette grise » du parc immobilier de la défense

Le plan « famille » prévoit des investissements à hauteur de 530 M€ sur la période 2019-2025 . La ministre des armées a souhaité donner à cette politique un nouvel élan en annonçant le 31 octobre 2017 un plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires (dit plan « famille ») 2018-2022. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire (LPM) a consacré l'existence de ce plan et estimé les besoins d'investissements correspondant sur la période à 530 M€ 21 ( * ) .

L'axe n°4 du plan « famille » comporte trois mesures principales visant à « améliorer les conditions de logement familial et favoriser l'accession à la propriété » 22 ( * ) . En premier lieu, si l'offre de logement s'est enrichie de six cents soixante logements neufs (mesure 4.1.1), cet objectif n'a pu être atteint qu'en 2021 soit un an après l'échéance fixée par le plan « famille ». L'objectif de parité des logements domaniaux dans les logements proposés à Mayotte et en Guyane (mesure 4.1.2) n'est pas encore atteint et la proportion de logements domaniaux dans les logements proposés dans ces territoires en 2020 est respectivement de 38% et 34%. En deuxième lieu, la réduction du délai de réponse pour l'attribution d'un logement (mesure 4.4) se heurte à la brièveté du préavis locatif auquel sont soumis les personnels qui n'est que d'un mois en zone tendu.

L'axe n°6 du plan « famille », relatif à l'hébergement, fait l'objet depuis le 17 octobre 2020 d'une programmation spécifique sous l'étiquette du « programme Hébergement » dans le cadre duquel des investissements à hauteur de 1,2 Md€ ont été annoncés sur la période 2019-2025, au bénéfice de 30 000 places d'hébergement dont 21 000 places préexistantes qui seront réhabilitées. Le ministère n'a pas encore achevé la résorption (mesure 6.3 du plan « famille ») des 732 « points noirs » identifiés dans les locaux d'hébergement, de travail et de restauration dans le cadre du plan « Condipers » lancé en 2014. L'urgence que revêtent ces investissements est renforcée par le fait que le plan « famille » prévoyait leur résorption avant la fin de l'année 2021.

Source : service d'infrastructure de la défense (SID)

La remise en état du parc immobilier de la défense suppose de maintenir un rythme soutenu d'investissement au-delà de 2025 . En effet, le service d'infrastructure de la défense (SID) estime que les investissements nécessaires pour remettre le patrimoine immobilier en état constituent une « dette grise » de 4,4 Md€ pour le ministère des armées au 31 décembre 2020, en augmentation de 600 M€ depuis 2017. À horizon 2025, selon les estimations des services du ministère, les investissements programmés dans le cadre de la LPM permettront de stabiliser la « dette grise » à son niveau actuel, mais pas de la résorber .

2. L'amélioration de la politique de logement suppose de mettre en place un pilotage effectif du nouveau contrat de concession et une programmation pluriannuelle d'investissements allant au-delà du plan « famille »

À court terme , la mise en place d'un suivi rapproché de l'exécution du contrat d'externalisation de la gestion des logements domaniaux (CEGELOG) sécuriserait les perspectives d'investissements annoncées. En octobre 2021, la ministre de la défense a désigné le groupement conduit par les sociétés « Eiffage » et « Arcade-VYV » comme attributaire pressenti du nouveau contrat de concession pour la gestion du parc des logements domaniaux pour une durée de trente-cinq ans. Les ambitions affichées par ce contrat aussi bien en matière de constructions neuves (3 000 nouveaux logements) que de rénovation (8 000 logements existants), en particulier sur le plan de la qualité environnementale des bâtiments, justifient que le ministère se dote d'un instrument de suivi efficace de l'exécution de ce contrat. Les rapporteurs seront attentifs à ce que le ministère se donne , par le recrutement et par la formation, les moyens d'exécuter pleinement cette nouvelle mission de suivi en menant à son terme sa perspective actuelle de créer 28 nouveaux emplois à cet effet.

À moyen terme , un accompagnement individuel dans la recherche de logement pourrait bénéficier à l'ensemble des militaires ne bénéficiant pas d'un logement « défense ». Étant donné le déséquilibre qui existe actuellement entre la demande de logement et le parc du ministère, les rapporteurs seront attentifs à ce que le déploiement annoncé du nouveau système d'information « ATRIUM » prévu pour la fin du mois de novembre 2021 en métropole permette ce type d'accompagnement.

À long terme , l'élaboration d'une programmation pluriannuelle d'investissements au-delà de 2025 consoliderait la trajectoire de remise en état du parc immobilier. Les rapporteurs seront également attentifs à ce que le ministère poursuive à moyen et long terme son effort d'investissement dans les infrastructures pour s'engager dans une trajectoire de résorption de sa « dette grise » dont le niveau actuel (4,4 Md€) n'est pas acceptable au regard de notre modèle d'armée.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 2021, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, a procédé à l'examen du rapport de M. Joël Guerriau et Mme Marie-Arlette Carlotti, sur les crédits du soutien de la politique de la défense.

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Nous avons fait le choix de structurer notre avis autour de deux axes transversaux. Avant de laisser la parole à ma co-rapporteure Marie-Arlette Carlotti qui s'est concentrée sur les efforts fournis et à fournir en matière d'hébergement et de logement de nos soldats, je commencerai par dire quelques mots de la politique de reconversion des armées qui a fait l'objet d'un rapport récent du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), que son président était venu nous présenter en présence du président Cambon.

Dès lors que le métier des armes s'accompagne de sujétions particulièrement lourdes du point de vue à la fois de la condition physique et de la disponibilité, la politique de reconversion est une dimension à part entière de la condition militaire. En effet, plus de la moitié de nos militaires sont sous contrat et ils savent qu'à un horizon plus ou moins proche ils devront regagner la vie civile pour y exercer un nouveau métier. Le fait pour les armées de tenir compte de cette transition professionnelle et d'assurer aux nouvelles recrues qu'elles seront accompagnées au-delà de leur période d'engagement est, à ce titre, un levier d'attractivité pour la carrière militaire. Cette exigence d'accompagnement, qui est également un devoir moral vis-à-vis des anciens soldats, constitue un véritable défi pour les services du ministère qui doivent être en mesure d'accompagner les quelque 30 000 militaires qui sont chaque année radiés des cadres ou des contrôles.

Pour répondre à ce défi, le ministère des armées a mis en place de longue date une vaste gamme de dispositifs qui vont de l'existence d'une voie dérogatoire d'accès aux trois fonctions publiques à une offre de formation en milieu militaire assurée par le centre militaire de formation professionnelle implanté à Fontenay-le-Comte. Pour coordonner ses différents dispositifs, le ministère s'appuie sur l'agence « Défense mobilité » dont l'action est complétée par plusieurs dispositifs spécifiques pour tenir compte de la particularité de certains profils. C'est à ce titre que nous avons eu l'occasion d'entendre la générale Vitte, cheffe de la mission pour le retour à vie civile des officiers généraux, qui nous a présenté les services de grande qualité qui sont proposés aux anciens officiers généraux au moment de quitter la vie militaire, c'est-à-dire le jour de leur cinquante-neuvième anniversaire pour la majorité d'entre eux.

Si nous avons constaté que les indicateurs de performance utilisés par « Défense mobilité » témoignent de l'efficacité de l'accompagnement proposé, avec notamment 59 % des militaires reclassés dans un délai d'un an après leur départ de l'institution, nous avons également constaté, qu'il existe un déséquilibre important dans le choix de carrière des anciens militaires dont les trois quarts rejoignent le secteur privé alors même que la collectivité a investi pour leur formation. Ce déséquilibre est encore plus flagrant lorsque l'on s'intéresse à la fonction publique territoriale qui n'accueille que 5 % des anciens militaires se reclassant dans le secteur public.

Un tel déséquilibre ne profite ni aux armées ni aux collectivités territoriales, qui le plus souvent sont sensibles aux qualités professionnelles des anciens militaires. À l'occasion de son audition, le directeur des ressources humaines du ministère des armées nous a assuré que cette situation résulte notamment de la chaîne de décision en matière de détachement qui est entièrement centralisée.

En l'absence d'obstacle juridique à ce que les collectivités accueillent dans les années à venir un nombre croissant d'anciens militaires, nous serons particulièrement attentifs à ce que le nécessaire soit fait en matière d'information tant des responsables locaux que des militaires pour favoriser ces reconversions de militaire dans les administrations territoriales qui bénéficient aussi bien au monde local qu'à l'institution militaire qui y trouve une source de rayonnement supplémentaire sur l'ensemble du territoire.

Enfin, notre audition avec le nouveau directeur des ressources humaines du ministère des armées, le contrôleur général des armées de Vanssay, nous a permis d'évoquer avec lui la poursuite de la mise en oeuvre de la « nouvelle politique de rémunération des militaires », laquelle doit se poursuivre l'année prochaine et en 2023 et à laquelle nous serons particulièrement attentifs dans les mois à venir pour s'assurer qu'elle atteint ses objectifs en matière aussi bien de lisibilité de la rémunération des militaires que de réduction des coûts de gestion associés.

En conclusion, et sans préjudice des remarques formulées par ma co-rapporteure, nous serons attentifs à ce que la ministre tienne les engagements qui ont été pris depuis 2017 en matière de ressources humaines, ce qui suppose de maintenir un haut niveau d'effort à court, moyen et long termes.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - Nous nous sommes également intéressés à l'hébergement et au logement de nos soldats.

Présenté en 2017 par la ministre des armées, le plan « famille » a fait du logement et de l'hébergement des axes prioritaires afin d'assurer à nos militaires des conditions de vie décentes.

Notre premier constat est que le parc immobilier de la défense n'est pas adapté aux besoins des militaires et de leurs familles. Il est constitué, au 31 décembre 2020, de 43 158 logements au total, dont 27 % relèvent du parc domanial, le reste sont des logements réservés par conventions. Mais seulement 80 % du parc du ministère est disponible à la location. Cette sous-utilisation s'explique par l'inadaptation de l'offre de logements au regard des structures familiales, des standards de confort ou de l'éloignement des lieux d'affectation.

La carte militaire pour répertorier les logements n'est pas finalisée. Mais elle permettra un meilleur suivi du nombre de soldats à loger, du type de logements disponibles, du prix de l'immobilier dans la zone.

Le deuxième constat est la complexité de la chaîne de décision.

À la différence de l'hébergement, la politique du logement des armées fait intervenir une multitude d'acteurs. Cela a pour conséquence de porter atteinte à l'efficacité et à éloigner la décision des besoins réels. L'association effective des autorités militaires locales à la mise en oeuvre de la politique du logement constituerait un levier pour améliorer l'efficacité de cette politique.

Les investissements prévus par le plan « famille » ont donné un nouvel élan, bien réel, s'élevant à 530 millions d'euros sur la période 2019-2025. Il aura permis la création de 660 logements neufs, livrés en 2021 au lieu de 2020 - on peut comprendre que la crise sanitaire aura freiné le processus. En revanche, les objectifs de 50 % de logements domaniaux en outre-mer ne sont pas atteints.

Raison de plus pour être attentifs à la livraison des bâtiments prévue en 2021 et 2022 au camp du Tigre près de Cayenne. L'hébergement fait l'objet depuis le 17 octobre 2020 d'un programme spécifique à hauteur de 1,2 milliard d'euros sur la période 2019-2025, au bénéfice de 30 000 places d'hébergement, dont 21 000 préexistantes devant être réhabilitées. Cette ambition est à saluer.

Cependant, nous avons pu constater que les différents plans annoncés successivement par les différents ministères se chevauchent sans être totalement réalisés. Ainsi, les 732 points noirs de l'hébergement identifiés en 2014 dans le cadre du plan d'action Condition de vie du personnel (Condipers), repris dans le plan « famille » et dont la résorption était prévue avant la fin 2021, n'est toujours pas achevée. De gros travaux restent à réaliser, certains étaient considérés, déjà en 2014, comme urgents.

La remise en état du parc immobilier du ministère de la défense suppose de maintenir, à un rythme soutenu, les investissements au-delà de 2025. De plus, nous y gagnerions en transparence.

Le service d'infrastructure de la défense (SID) estime au 31 décembre 2020, la dette grise à 4,4 milliards d'euros, en augmentation de 600 millions d'euros depuis 2017. Une dette difficile, voire impossible à maîtriser.

À l'horizon de 2025, selon les estimations du ministère, les investissements programmés dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) permettraient seulement de stabiliser la dette grise à son niveau actuel, mais pas de la résorber. Nous recommandons une programmation pluriannuelle, au-delà de 2025, pour résorber la dette grise et consolider la trajectoire de remise en état du parc immobilier des armées.

Deux réformes sont en cours et pourront permettre d'améliorer le système.

Le contrat d'externalisation pour la gestion des logements domaniaux du ministère des armées (CEGeLog) pour laquelle un nouvel attributaire a été désigné en octobre - il s'agit du consortium Eiffage-Arcade ; il devrait faire l'objet d'une convention définitive en février prochain.

Ce contrat inédit, qui couvrira une période de trente-cinq ans, prévoit la construction de 3 000 logements et la réhabilitation de 8 000 logements domaniaux en métropole.

Son suivi créera une mission nouvelle pour la sous-direction du logement rattachée au secrétariat général. Nous serons attentifs à ce que les 28 emplois, dont la création nous a été annoncée, soient réellement pourvus.

L'accompagnement individuel dans la recherche de logement pourrait être également amélioré grâce à la mise en place, fin novembre 2021, d'un système d'information dédié, dénommée ATRIUM, qui permettra de dématérialiser le dépôt des dossiers et fluidifier les demandes.

En conclusion, nous saluons une programmation ambitieuse, mais qui gagnerait en efficacité et en transparence grâce à une trajectoire pluriannuelle au-delà de 2025.

La commission donne acte de leur communication aux rapporteurs et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 2 novembre 2021

Ministère des armées : Mme Dominique Vitte , cheffe de la mission pour le retour à la vie civile des officiers généraux (MIRVOG).

Mardi 9 novembre 2021

Ministère des armées :

- M. Franck Plomion , directeur central du Service d'Infrastructure de la Défense (SID)

- M. Sylvain Mattiuci , directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), accompagné de Mme Christine Julard , sous-directrice du logement.

Mercredi 10 novembre 2021

Ministère des armées : M. Thibaut de Vanssay de Blavous , directeur des ressources humaines (DRH-MD)


* 1 À titre d'exemple, une patrouille de l'opération « Sentinelle » transporte sur un trajet d'environ 20 kilomètres par jour un équipement de 20 kg.

* 2 Cf. sur ce point l'avis du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire du 7 avril 2021 sur l'application aux militaires de la directive « temps de travail ».

* 3 v. instruction n°0001I20011094 ARM/SGA/DRH-MD du 17 décembre 2012 relative à l'organisation et au fonctionnement de « Défense mobilité »

* 4 v. art. L. 4111-1 du code de la défense

* 5 v. art. L. 4139-16 du code de la défense

* 6 Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), juillet 2021, 15e rapport thématique, L'emploi des militaires après leur départ des forces armées

* 7 v. art. L. 4139-5 du code de la défense

* 8 v. art. L. 4139-5-1 du code de la défense

* 9 v. arrêté du 6 juin 2017 relatif à l'organisation et au fonctionnement de la commission nationale d'orientation et d'intégration

* 10 Cf. sur ce point HCECM, juin 2018, 12e rapport thématique, La vie des militaires et de leur famille selon le lieu d'affectation

* 11 En incluant la gendarmerie

* 12 v. décret du 22 décembre 2020 relatif à l'indemnité de mobilité géographique des militaires

* 13 v. lettre n°D-16-006111/DEF/EMA/PERF/PILSTRAT/NP du 9 juin 2016

* 14 v. instruction n°201710/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 4 novembre 2005

* 15 v. circulaire n°43/ARM/SGA/DRH-MD du 22 décembre 2017

* 16 v. art. 2 4° du décret n°2009-870 du 15 juillet 2009 relatif aux attributions du délégué général pour l'armement et du secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense

* 17 v. art. R. 5131-11 du code de la défense

* 18 Situés à Bordeaux, Lyon, Metz, Rennes et Toulon.

* 19 À compter du 1 er janvier 2021, les BLBdD sont rattachés à la sous-direction du logement de la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA) du secrétariat général pour l'administration (SGA).

* 20 Rapport entre le nombre de logements attribués et le nombre de demandes reçues

* 21 v. point 3.1.2.2 du rapport annexé à la L. n°2018-607 du 13 juillet 2018.

* 22 Cf. le Plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires 2018-2022

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