F. PRINCIPE DE PRÉCAUTION APPLIQUÉ AU SUIVI SANITAIRE : 75 % DE TAUX DE REPRISE ET DES DIVERGENCES MAJEURES ENTRE LE SÉNAT ET LE GOUVERNEMENT SUR LES 25 % RESTANTS

Proposition 35 : ouvrir, à l'échelle du département de la Seine-Maritime, deux registres de morbidité, l'un relatif aux cancers généraux, l'autre aux malformations congénitales.

Appréciation quantitative : non retenue

Observation de la commission : le ministère de la santé indique que la surveillance des impacts sanitaires à court, moyen et long termes de l'accident s'effectue à partir d'une exploitation du système national des données de santé (SNDS) et assure une information équivalente à la solution de mettre en place des registres pour certaines maladies comme le proposait la commission d'enquête du Sénat. Toutefois, les solutions mises en place à ce jour ne correspondent pas aux recommandations de la commission d'enquête.

Après l'incendie, Santé publique France a été saisie par la direction générale de la santé (DGS) pour proposer une stratégie d'évaluation de l'impact sanitaire de l'évènement. Dans ce cadre, deux études ont été réalisées : l'une portant sur la santé ressentie et l'autre portant sur la santé mentale . Les résultats de la première étude ont été publiés le 5 juillet dernier et montrent qu'au cours de l'incendie, 60 % des habitants de la zone étudiée ont ressenti au moins un symptôme ou un problème de santé qu'ils attribuent à l'accident . Un an après, une altération globale de la santé a été perçue par la population, mais essentiellement en matière psychologique. En revanche, les effets physiques ne sont quant à eux plus significatifs selon les études. Les résultats de la seconde étude en santé ont été présentés en décembre 2021 devant le comité de la transparence et du dialogue.

En parallèle, le ministère de la santé a décidé d'organiser un suivi pendant plusieurs années d'indicateurs de santé à partir du système national des données de santé (SNDS) . Les premiers résultats qui concerneront les effets à court et moyen termes de l'accident sont prévus à partir du premier trimestre 2022. La conduite d'un programme de biosurveillance n'a pas été jugée opportune par les autorités sanitaires .

Récemment, la DGS et la direction générale du travail (DGT) ont saisi Santé publique France pour qu'elle propose des modalités d'évaluation des expositions des intervenants et de la population générale à court, moyen et long termes suite à un accident technologique incluant l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de réaliser des mesures biologiques dans la phase d'urgence à plus long terme.

Proposition 36 : mettre en place une cohorte de population composée de l'ensemble des personnes intervenues au cours de l'incendie et les soumettre à un programme de biosurveillance.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : le suivi sanitaire des personnes intervenues au cours de l'accident a été organisé de façon finalement conforme aux préconisations de la commission d'enquête. Un programme de biosurveillance a été mis en place pour les personnes intervenues au cours de l'incendie et l'évènement doit figurer dans leurs dossiers médicaux professionnels.

Cette recommandation a finalement été suivie d'effet, les services de SPF et du ministère de la santé ayant décidé de mettre en place un programme de biosurveillance pour ces personnels. Toutefois, une réflexion globale est nécessaire sur les protocoles de suivi sanitaire des personnels intervenant dans le traitement des accidents industriels, de même que pour le suivi de la population exposée aux effets de ces accidents.

Proposition 37 : accélérer la publication du rapport de synthèse sur la qualité de l'air attendu de l'exploitant dans le cadre de la surveillance environnementale et organiser une nouvelle campagne de prélèvements sur les productions d'origine animale pour évaluer la présence de dioxines, furanes et PCB.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : de très nombreux prélèvements ont été organisés, analysés et exploités et pointant tous un respect des principales valeurs pour les produits considérés. Désormais, seul un suivi dans le temps permettra d'affiner notre compréhension des impacts et conséquences de cet accident. Pour les éventuels accidents qui surviendraient dans le futur, il est nécessaire de définir un protocole permettant une analyse rapide des conséquences environnementales et sanitaires d'une pollution industrielle.

Pour Lubrizol, une évaluation quantitative des risques sanitaires ( EQRS ) a été conduite sur les sites touchés, afin d'évaluer les risques sanitaires spécifiquement liés aux émissions associées à l'incendie sur les populations présentes dans la zone d'étude, dans le cadre posé par la circulaire du 19 avril 2017 relative aux sites et sols pollués.

Les mesures réglementaires adoptées en septembre 2020 renforcent les exigences applicables aux exploitants en matière de prélèvements et de suivi environnementaux . Leur mise en oeuvre devra être contrôlée et doublée , s'agissant de l'État, de la définition d'un protocole précis pour éviter les difficultés constatées avec la gestion post-accidentelle de l'incendie de Rouen (coordination des prélèvements, capacité d'analyse des échantillons, etc.).

Lors de son audition devant la commission, la directrice d'Atmo Normandie a indiqué : « le groupe de travail lancé par la DGPR et animé par l'Ineris a également proposé de travailler sur des dispositifs complémentaires sur l'ensemble de la France, avec des camions de l'Ineris . La dernière réunion de ce groupe de travail a eu lieu en mars 2021 . Nous avons chiffré la proposition de l'Ineris de déployer des camions un peu partout et formulé des propositions précises à ce sujet. La discussion s'est arrêtée en mars 2021, après qu'on a rappelé que c'était aussi une question de budget de fonctionnement. On nous a alors répondu qu'on pouvait financer ce fonctionnement grâce à l'assurance et qu'il faudrait, en cas de sinistre, éventuellement faire payer les assurances des entreprises . C'est un modèle économique un peu compliqué à imaginer pour nous. ».

Proposition 38 : confier le suivi post-accident à une cellule locale réunissant l'ensemble des services déconcentrés de l'État.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : cet évènement permettra d'irriguer de nombreux plans d'action pour plusieurs années pour l'ensemble des services concernés (intérieur, environnement, santé), compte tenu des différentes failles qu'il a mises à jour dans notre politique de prévention des risques.

Un « comité de la transparence et du dialogue » a été installé dès le 19 octobre 2019 pour réunir l'ensemble des acteurs concernés par les conséquences de l'accident (habitants, élus, industriels, associations environnementales, représentants du monde agricole, organisations professionnelles et syndicales, acteurs économiques, services de l'État et de santé, etc.). Il a tenu 10 réunions, représentant environ 40 heures d'échanges, avant d'être dissous le 10 décembre 2021 par décision du préfet. Cette dernière réunion avait au préalable permis un commentaire de la fin des travaux de dépollution, une présentation des résultats finaux de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS), prescrite par arrêté préfectoral du 21 janvier 2020 après une première étude d'interprétation de l'état des milieux (IEM), une présentation des résultats de l'étude de Santé publique France sur la santé mentale et divers rappels de réglementation et de législation. En outre, les services de la préfecture ont indiqué avoir réalisé 15 Coderst en lien avec Lubrizol ou NL Logistique et 3 commissions de suivi de site (CSS) dédiées, dont 2 avec visite du site. Le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles ( S3PI ) a également été réactivé. Enfin, au niveau central, les administrations conduisent des retours d'expérience sur l'accident, qui sont ensuite déclinés (contrat d'objectifs et de performance, programme d'actions, etc.).

Il importe, pour le futur, de se doter d'une organisation analogue pour des situations comparables , afin d'assurer la transparence sur l'action de l'État et de l'exploitant, et de permettre le dialogue avec la population.

Proposition 39 : faire prévaloir un principe de précaution en cas d'atteinte à la santé publique, même lorsque cette dernière ne fait pas encore l'objet d'une certitude scientifique.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : au-delà de la mise sous séquestre de certains produits alimentaires, dans l'attente des connaissances de niveau de contamination et de l'évaluation du risque, la commission d'enquête avait souligné une insuffisante anticipation des potentielles atteintes à la santé et à l'environnement dans la gestion post-accidentelle. Depuis, de nombreuses études sont venues compléter le retour d'expérience.

Le ministère de la santé indique que les actions entreprises localement et le droit en vigueur permettent bien d'atteindre l'objectif visé par la proposition. Toutefois, pour d'éventuelles situations de ce type dans le futur, une vigilance renforcée devra être appliquée .

Proposition 40 : organiser le partage des données recueillies par les différents experts sanitaires.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à déployer dans le cadre d'actions permanentes.

Observations de la commission : la mutualisation et le partage des informations sont essentiels pour assurer la réactivité de l'analyse des impacts sanitaires et environnementaux en cas d'accident et pour suivre sur le long terme les évolutions. Il est donc indispensable de disposer des outils adaptés, permettant aux services concernés de travailler sur une base et dans un langage communs.

L'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique a mis en évidence la difficulté pour les services et personnes intervenant dans le recueil de données sanitaires et environnementales (Ineris, AASQA, pompiers, SPF, etc.) à travailler dans un cadre informatique et cartographique commun .

Le travail de SPF a ainsi été directement affecté par l'absence d'un outil de centralisation et de cartographie des données environnementales recueillies, notamment lorsqu'elle a été amenée à apprécier l'opportunité de conduire un programme général de biosurveillance.

Face à ces fragilités, l'Ineris s'est vu confier la mission, dans son contrat d'objectifs et de performance pour la période 2021-2025 , de développer des capacités de collecte, de stockage, d'analyse et de modélisation. Cette action est prévue pour l'année 2022 .

Le ministère de la santé indique qu'entre 200 000 et 250 000 données ont été recueillies et sont désormais centralisées dans une même base. Deux outils cartographiques ont également été développés, l'un s'adressant à un public restreint (agences et services de l'État), l'autre s'adressant au grand public. L'évaluation de la mise en oeuvre de ces actions pourra se faire dans le cadre d'auditions de l'Ineris 120 ( * ) .

Proposition 41 : simplifier les conditions de saisine de l'Anses en cas de crise sanitaire.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : cette évolution permettrait de clarifier le rôle de l'Anses dans les séquences de crise industrielle.

Le ministère de la santé a indiqué qu'une révision du protocole de saisine de l'Anses serait en cours. Pour cela, il est nécessaire de faire évoluer, notamment, l'article L. 1313-3 du code de la santé publique. Cette évolution doit être envisagée dans des délais rapides , pour renforcer notre capacité de réaction face aux accidents industriels.

Proposition 42 : assurer une meilleure coordination entre les ARS et les préfets, afin, notamment, qu'elles disposent en temps réel de la nature des produits stockés sur les sites Seveso.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : l'évolution apportée par voie réglementaire est positive. Sa bonne mise en oeuvre doit être vérifiée, notamment dans le cadre de contrôles inopinés et d'exercices.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, entré en vigueur le 1 er janvier 2021, souligne qu' un état des matières stockées doit être tenu à jour par l'exploitant , incluant la possibilité de mettre à disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des installations classées et des autorités sanitaires , à tout moment, des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses.

En conclusion, si les rapporteurs saluent la prise en compte des recommandations de la commission d'enquête , ils relèvent certains manques et faiblesses dans les réponses apportées par le Gouvernement, qui nécessiteraient soit des approfondissements dans le cadre d'évolutions législatives et réglementaires, soit des compléments dans le cadre d'actions de terrain et de mesures d'organisation, à prendre sans délai ( voir III ).


* 120 Notamment en application de l'article 13 de la Constitution.

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