Rapport d'information n° 401 (2021-2022) de M. Pascal MARTIN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 26 janvier 2022

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Synthèse du rapport (1,3 Moctet)


N° 401

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 janvier 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) relatif à l' évaluation de la mise en oeuvre des recommandations de la commission d' enquête sénatoriale chargée d' évaluer l' intervention des services de l' État dans la gestion des conséquences environnementales , sanitaires et économiques de l' incendie de l' usine Lubrizol à Rouen,

Par M. Pascal MARTIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le 26 janvier 2022 sous la présidence de Jean-François Longeot, a adopté, à l'unanimité, le rapport d'information de Pascal Martin relatif à l'évaluation de la mise en oeuvre des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen . À l'issue de ces travaux, la commission :

- constate que près de 80 % des recommandations de la commission d'enquête ont donné lieu à la mise en oeuvre de mesures par le Gouvernement à ce jour ; cet accident marque ainsi une étape importante dans l'amélioration nécessairement continue de la sécurité industrielle en France ;

- relève que plusieurs évolutions significatives entreront en vigueur progressivement jusqu'au 1 er janvier 2027 et que le renforcement des prescriptions applicables aux exploitants concernés, principalement dans le secteur de la chimie , de la pétrochimie et du stockage de substances combustibles , nécessitera de nombreux contrôles ;

- souligne que plusieurs paramètres -- relatifs à la santé de la population et aux pollutions environnementales -- devront être suivis dans le temps et que des améliorations substantielles sont encore nécessaires pour garantir notre capacité à cerner rapidement et avec précision les conséquences environnementales et sanitaires d'un tel accident.

Suivant son rapporteur, la commission a formulé 8 recommandations complémentaires déclinées en 4 axes. Approuvées à l'unanimité, elles pourront être traduites dans le cadre d'une proposition de loi . Certaines, davantage de nature réglementaire, appellent cependant une action du pouvoir exécutif . La commission rappelle enfin qu'une enquête judiciaire est toujours en cours.

I. DEUX ANS APRÈS L'ACCIDENT DES USINES LUBRIZOL ET NORMANDIE LOGISTIQUE : UNE FORTE MOBILISATION, DE NOMBREUX RETOURS D'EXPÉRIENCE ET DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES POUR LA SÉCURITÉ INDUSTRIELLE

A. LE TRAITEMENT DES CONSÉQUENCES DIRECTES DE L'ACCIDENT EST GLOBALEMENT EN BONNE VOIE

Deux ans après l'accident de Rouen, le traitement de ses conséquences sur le bâti et l'urbanisme semble en bonne voie d'achèvement. La commission constate qu'il aura fallu un an au total pour parvenir à une première remise en état des sites les plus touchés par l'accident, ce qui témoigne de l'ampleur de l'incendie et de l'intensité des pollutions de toute nature qu'il a engendrées. La commission souhaite que l'échéance de fin des travaux de dépollution, prévue au 1 er septembre 2022 , soit tenue .

B. UN SUIVI DES CONSÉQUENCES SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTALES LARGEMENT PERFECTIBLE

L'évaluation des conséquences environnementales et sanitaires de l'incendie suscite encore de nombreuses réactions et critiques , en particulier de la part de citoyens investis dans la défense des victimes de l'accident. Deux enjeux principaux ont été mis en exergue par cet événement :

- d'une part, la difficulté des acteurs à se coordonner dans les phases de prélèvements de données ;

- d'autre part, des capacités insuffisantes en matière de consolidation et d'exploitation de ces données. Ainsi, les experts des différents services mobilisés ne disposaient pas d'une cartographie ni d'outils communs permettant une exploitation des résultats dans des formats de présentation harmonisés .

La commission relève que de très nombreuses études ont été réalisées - permettant de collecter au total 368 000 données à travers plus de 6 500 prélèvements - portant sur l'air, les sols, l'eau potable, les cours d'eau ainsi que sur les productions agricoles, animales et végétales sous l'égide de Santé publique France. Toutes les analyses présentent des résultats « rassurants » , démontrant un effet « modéré » à court terme et réversible sur la santé des personnes exposées.

La commission souhaite que le suivi sanitaire s'inscrive dans la durée, dans le respect du principe de précaution et avec les outils les plus adaptés , comme ceux dont la mise en place était demandée par la commission d'enquête sénatoriale. S'agissant du suivi des pollutions environnementales, la commission appelle à une adaptation globale de notre dispositif afin de ne pas reproduire les erreurs constatées en 2019.

C. DE NOMBREUX RETOURS D'EXPÉRIENCE, QUI CONFIRMENT TOUS LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SÉNATORIALE, ET DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ INDUSTRIELLE

Les travaux de retours d'expérience confirment les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale quant aux insuffisances de nos politiques de prévention des risques industriels , d' évaluation et de lutte contre les pollutions environnementales et de gestion des crises majeures .

Dans certains secteurs stratégiques (chimie, pétrochimie et stockage de combustibles), la conformité réglementaire et les contrôles réalisés par les services d'inspection de l'État apparaissent, en effet, insuffisants .

Dans le prolongement de ces travaux et afin de prévenir un nouvel accident de même nature, la réponse du Gouvernement a conduit à des évolutions normatives et à la programmation de mesures opérationnelles , convergeant avec les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale et, pour certaines évolutions, correspondant directement aux recommandations des sénateurs . Au-delà des mesures réglementaires présentées par le Gouvernement en 2020 et complétées en 2021, pas moins de 8 lois entrées en vigueur au cours des deux dernières années ont permis de traiter des problématiques identifiées lors de l'accident de Rouen. D'après les calculs de France Chimie , ces nouvelles prescriptions applicables aux ICPE :

- devraient concerner au total 2 300 entrepôts et 2 500 sites soumis à autorisation ou classés Seveso ;

- représenteraient un coût total allant de 1 à 3 milliards d'euros pour les exploitants, dont 450 millions d'euros sur 6 ans spécifiquement pour le secteur de la chimie.

La commission salue ces évolutions, qui concourent à une amélioration globale de la prévention des risques industriels, et souligne l'importance de respecter les délais prévus pour la mise en oeuvre des nouvelles prescriptions applicables aux exploitants.

LA RÉPONSE DES POUVOIRS PUBLICS

S'agissant spécifiquement de la hausse du nombre d'inspections et des effectifs de l'inspection des ICPE, la commission se réjouit de ces avancées. Trois remarques s'imposent cependant.

L'augmentation de 50 % des contrôles annoncée par le Gouvernement n'est en fait qu'un rattrapage par rapport à la situation de 2006, qui constituait un « pic de vigilance » après la catastrophe d'AZF [2001] .

Cette annonce n'est en fait que la simple reprise d'une annonce antérieure de février 2019.

Il aura fallu attendre deux ans et non « dès 2021 » comme l'avait affirmé la ministre, pour constater la hausse de + 50 postes d'inspecteurs des ICPE. La commission s'en était d'ailleurs émue dans ses avis budgétaires en 2021 et en 2022.

II. AVEC UN TAUX DE REPRISE DE PRÈS DE 80 %, LE RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE N'EST PAS RESTÉ LETTRE MORTE

L'analyse des initiatives prises en réponse aux travaux de la commission d'enquête sénatoriale met en lumière que près de 80 % des 42 recommandations formulées par les sénateurs ont trouvé une traduction, certaines étant soldées et d'autres appelant des mesures complémentaires. Lors de son audition devant la commission, le 27 octobre 2021, la ministre de la transition écologique a, en effet, indiqué que les mesures prises par le Gouvernement depuis l'accident coïncident « largement avec les 42 recommandations formulées par la commission d'enquête sénatoriale. Je me réjouis de pouvoir vous indiquer d'ores et déjà que 37 d'entre elles sont soldées ou en cours de mise en oeuvre ».

III. DES QUESTIONS EN SUSPENS ET DES AMÉLIORATIONS ENCORE NÉCESSAIRES

Depuis deux ans, la France est devenue la 1 re destination en matière d'investissements étrangers en Europe , devant le Royaume-Uni et l'Allemagne. Cette forte attractivité, soutenue par un mouvement de relocalisations industrielles post-crise sanitaire, doit être accompagnée par un renforcement de la sécurité environnementale , dans un objectif de conciliation entre protection des populations et de l'environnement et de développement économique territorial . La commission appelle à mieux coordonner nos outils en matière de prévention des risques industriels et de gestion de crise avec notre stratégie industrielle.

En outre, il ressort de l'analyse de l'accidentologie de la dernière décennie que rien n'indique une amélioration structurelle de la sécurité dans les établissements Seveso depuis 2013 en France , alors même que le nombre d'établissements classés Seveso demeure globalement stable depuis 10 ans (autour de 1 300). Notre pays compte en moyenne 3 à 6 accidents par an , ce qui est toujours trop , comme l'a rappelé elle-même la ministre de la transition écologique. En outre, si la part des dommages économiques des accidents est supérieure à celle du volet humain, social ou environnemental, les conséquences environnementales sont celles qui enregistrent la plus forte croissance depuis 2018 . Cette tendance s'aggrave en 2020, en partie du fait d'un taux élevé d'accidents ayant entraîné des rejets dans les milieux et des pollutions .

Enfin, plusieurs dossiers appellent des actions volontaristes : les procédures d'infraction récemment engagées par la Commission européenne contre la France, sur des questions de conformité à la directive de 2001 relative à l'évaluation environnementale stratégique et à la directive Seveso III de 2012 en matière d'information et de participation du public , nécessitent une réflexion globale. De même, la décision du Conseil d'État du 15 avril 2021 annulant le décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l' évaluation environnementale , doit conduire à des évolutions pour mettre en place une « clause filet ». Le Gouvernement a mis en consultation un nouveau projet de décret sur ce sujet. Une évaluation de l'état de notre droit en matière d'information, de participation du public et d'évaluation environnementale serait opportune .

Aussi, l'examen attentif de la mise en oeuvre des recommandations du rapport de la commission d'enquête du Sénat révèle que plusieurs mesures et initiatives sont encore nécessaires , ce qui conduit la commission à formuler 8 recommandations complémentaires, structurées en 4 axes pour :

- améliorer la prévention des accidents industriels et augmenter les contrôles réalisés par l'inspection des ICPE ;

- renforcer l'information et assurer une meilleure participation du public à la prévention et à la gestion des risques industriels ;

- améliorer l'évaluation environnementale, le traitement et la réparation des dommages résultant d'un accident industriel ;

- définir un système et des procédures permettant d'assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.

Les propositions de la commission (voir rapport d'information) supposent des modifications de la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, de plusieurs dispositions du code de l'environnement , du code de la sécurité intérieure , du code des assurances ainsi que des évolutions réglementaires complémentaires à celles déjà prises par le Gouvernement depuis 2019.

De l'incendie de Lubrizol... à aujourd'hui

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

Recommandation 1 - Poursuivre le renforcement des contrôles sur les sites et activités industriels sensibles en :

- définissant un programme d'actions et de contrôles inopinés par l'inspection des ICPE pour s'assurer que les industriels mettent en oeuvre leurs obligations, notamment celles relatives à la réalisation d'exercices, y compris hors heure ouvrée. Cette recommandation doit faire l'objet d'instructions dans les prochaines circulaires adressées annuellement à l'inspection des ICPE ;

- fixant une trajectoire d'augmentation des effectifs de l'inspection des ICPE pour atteindre + 200 ETP nets d'ici 2027 ;

- dépassant les 30 000 inspections annuelles dès 2023 pour renouer avec les seuils de contrôles effectués après l'accident d'AZF ;

Recommandation 2 - Améliorer encore la prévention et la gestion des risques au sein des plateformes industrielles en :

- prévoyant, dans le cas où une plateforme industrielle a été constituée, la possibilité pour le préfet de demander l'inscription d'office de la prévention et de la gestion des accidents majeurs dans les domaines de responsabilités des exploitants qui souhaitent se regrouper 1 ( * ) ;

- mettant à l'étude une modification législative visant à limiter à trois le nombre maximum de niveaux de sous-traitance pour certaines catégories d'ICPE (Seveso seuil haut, seuil bas, ICPE soumises à autorisation de certaines rubriques sensibles) et réalisant une analyse comparative sur les régimes juridiques et pratiques en vigueur dans les États de l'Union européenne. Le préfet pourrait également se voir reconnaître la possibilité d'interdire ou de limiter les possibilités de sous-traitance sur tout ou partie d'une activité. La communication des contrats de sous-traitance à l'administration (DREAL) pourrait également être prévue explicitement ;

- prévoyant, dans le cas où une plateforme industrielle a été constituée et pour laquelle la prévention des risques figure dans les domaines de responsabilité partagés des exploitants, l'information de l'ensemble des exploitants de la plateforme sur les suites données à un contrôle portant sur l'un des exploitants membre de la plateforme, afin de développer la sensibilisation ;

- mettant à disposition de tous les exploitants de sites à forts enjeux de sécurité (Seveso seuil bas et seuil haut, ICPE soumise à autorisation, quelques ICPE soumises à enregistrement) un bilan annuel synthétique des principaux évènements intervenus en matière de sécurité industrielle dans leurs secteurs d'activités, pour les sensibiliser aux risques à surveiller en particulier ;

- approuvant au plus vite les quatre plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prescrits mais non encore approuvés.

Recommandation 3 - Accompagner les maires dans l'exercice de leurs compétences en matière de gestion de crise et dans le renforcement de la résilience des territoires face aux effets des accidents industriels en :

- complétant le troisième alinéa du I de l'article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure pour prévoir la transmission annuelle, du préfet au maire concerné, des retours d'expérience issus de la mise en oeuvre des plans particuliers d'intervention (PPI) ainsi que d'un bilan synthétique des conclusions des contrôles des ICPE réalisés sur le territoire ;

- complétant l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure pour prévoir la présence obligatoire de l'exploitant ainsi que du maire concerné ou de son représentant qu'il désigne à cet effet lors de l'organisation des exercices prévus dans le cadre des plans particuliers d'intervention (PPI) ;

- mettant à l'étude une inscription, dans les missions de l'association nationale qui sera chargée de diffuser la culture du risque, d'un rôle d'appui et de soutien aux collectivités dans la mise en oeuvre de leurs stratégies de prévention des risques et d'information du public, comprenant l'aide à la rédaction de leurs documents de gestion de crise 2 ( * ) ;

- complétant le II bis de l'article L. 125-2 du code de l'environnement pour faire référence à la garantie contre les effets des catastrophes technologiques prévue à l'article L. 128-2 du code des assurances dans les informations que le maire apportera à la population ;

- prévoyant la mise à disposition de l'ensemble des maires des communes d'un département comportant au moins un établissement classé Seveso de supports d'information sur les risques et les comportements à tenir en cas d'accident, afin qu'ils puissent les partager auprès de la population ;

- envisageant une modification des dispositions relatives aux commissions de suivi de site (CSS) instituées par le préfet pour assurer la représentation de toutes les collectivités qui pourraient potentiellement subir les effets d'un accident dans une ICPE classée Seveso ;

- proposant un nouveau dispositif de soutien financier à destination des entreprises et des collectivités afin de les accompagner dans la mise en sécurité de leurs bâtiments et le renforcement de leur résilience face aux accidents industriels, notamment dans le cadre des prescriptions imposées par les plans de prévention des risques technologiques ;

- en évaluant, d'ici la fin de l'année 2023, l'action des services de l'État visant à accompagner les collectivités territoriales en matière de prévention des risques industriels et à soutenir les initiatives des intercommunalités conçues pour mettre en place une direction des risques.

Recommandation 4 - Assurer une information et une participation du public à la hauteur des enjeux de sécurité industrielle en :

- désignant, dès le premier semestre 2022, la nouvelle association nationale chargée de porter la politique de sensibilité aux risques et le renforcement de la culture de la sécurité industrielle et en mettant à l'étude une évolution de notre droit visant à compléter la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement pour consacrer l'existence de cette association dans la loi. Un système de labellisation, sur le modèle de la politique de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), pourrait être prévu ainsi que la remise d'un rapport annuel de cette association au Parlement, pour préciser ses actions et les résultats obtenus ;

- réformant en profondeur le cadre applicable aux commissions de suivi de site (CSS) mises en place par les préfets dans le périmètre des établissements industriels sensibles en procédant aux modifications suivantes au sein du code de l'environnement :

* à l'article L. 125-2-1, préciser que lorsque l'exploitant, les collectivités ou les riverains demandent la création d'une commission de suivi de site (CSS), cette demande de création est de droit, avec l'obligation pour le préfet d'y donner une suite favorable ;

* au dernier alinéa de l'article L. 125-2-1, apporter un complément pour préciser que la composition des CSS doit permettre une représentation plus importante des élus, des riverains, de la population exposée en second rideau et des associations de protection de l'environnement ;

* prendre un décret pour faire évoluer la composition des CSS (article R. 125-8-2 et R. 125-8-4 s'agissant du poids relatif de chaque collège dans les prises de décisions) afin d'assurer une plus grande présence et représentation des élus, des riverains, de la population exposée en second rideau et des associations de protection de l'environnement. Prévoir une composition inspirée de l'ancienne version de l'article D. 125-30 pour les CSS créées en application du dernier alinéa de l'article L. 125-2 du code de l'environnement ;

* prévoir une disposition législative explicite à l'article L. 125-2-1 visant à ce que les exploitants n'aient qu'une voix consultative dans les cas où une CSS est amenée à émettre un avis ;

- améliorant l'information générale du public sur les risques industriels

* compléter et réorganiser la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement pour prévoir une disposition inspirée du droit de la sûreté nucléaire visant à organiser l'information des personnes domiciliées ou établies dans le périmètre d'un plan particulier d'intervention mentionné à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure 3 ( * ) ;

* clarifier, dans le code de l'environnement, le cadre applicable à la publicité des contrôles réalisés par l'inspection des installations classées, pour prolonger l'annonce de la ministre de la transition écologique et pour mieux distinguer ce qui relève des informations sensibles intéressant la sûreté de l'État ou le secret industriel des informations communicables et utiles au renforcement de la culture de la sécurité 4 ( * ) ;

* en prévoyant la possibilité pour les salariés des sites contrôlés par l'inspection des ICPE de recevoir communication d'informations supplémentaires par rapport à celles mises à disposition du public ;

- renforcer l'utilité d'autres instances de concertation et de suivi (Coderst, S3PI). Procéder aux modifications et évolutions suivantes :

* modifier l'article L. 125-8 pour créer une procédure de « création de droit » à la demande des élus ou du public s'agissant des instances de suivi de la mise en oeuvre des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables sur l'environnement des projets d'infrastructure linéaire soumis à évaluation environnementale, en application de l'article L. 122-1 ;

* à l'article L. 125-2-1, consacrer dans la loi l'existence des secrétariats permanents pour la prévention des pollutions et des risques industriels (S3PI), en prévoyant leur création de droit dans les mêmes conditions que celles précitées et obligatoirement après un événement ayant donné lieu à la reconnaissance de l'état de catastrophe technologique et en prévoyant une représentation plus forte des élus et du public dans les S3PI (modification nécessaire des articles D. 125-35 et -36 par décret sur modalités de création, missions et composition) ;

* prévoir la mise en place d'une cellule dédiée, sur le modèle du comité de la transparence et du dialogue (CDT) instauré à Rouen, dans le cas d'un accident d'ampleur comparable ;

* utiliser les possibilités laissées aux préfets par l'article R. 1416-2 du code de la santé publique s'agissant de la composition du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).

Recommandation 5 - Favoriser les recours collectifs pour l'indemnisation des préjudices et améliorer la réparation des dommages résultant d'accidents industriels en :

- assouplissant les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe technologique par la modification des articles L. 128-1 et suivants du code des assurances ;

- relançant les travaux administratifs relatifs au développement des recours contentieux collectifs afin d'assurer une meilleure réparation des dommages subis en cas d'accident industriel.

Recommandation 6 - Faire du principe de non-régression environnementale une boussole pour nos politiques publiques et dresser un bilan lucide de l'articulation entre notre législation relative à la protection judiciaire de l'environnement et celle relative à l'implantation des activités industrielles sur la période 2017-2022 en :

- modifiant les 7 e et 8 e alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution pour intégrer l'évaluation de la conformité des normes envisagées avec le principe de non-régression en matière de droit de l'environnement ;

- demandant au Gouvernement de réaliser un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre des évolutions récentes de notre droit visant à adapter le niveau des sanctions administratives et pénales applicables aux infractions constatées à la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, à remettre avant le 1 er juin 2023. Ce rapport devra notamment mentionner le nombre d'entreprises concernées, le montant global et moyen ainsi que la nature des sanctions infligées, la durée des procédures et présenter des statistiques sur la nature et les conséquences des infractions et manquements concernés.

Recommandation 7 - Assurer la pleine effectivité de l'évaluation environnementale et de la participation du public en appui de nos politiques industrielles , en apportant les évolutions réglementaires nécessaires dans les meilleurs délais. La décision du Conseil d'État a montré que notre droit n'est qu'en conformité partielle avec les exigences de l'évaluation environnementale issues du droit européen. De même, les observations de la Commission européenne sur la législation applicable à l'information et à la participation du public en France doivent être prises en compte pour renforcer la culture de la sécurité industrielle dans notre pays. Des modifications réglementaires, voire législatives sont nécessaires et peuvent être prises rapidement.

Recommandation 8 - Renforcer notre capacité de réaction et d'analyse en matière sanitaire et environnementale face à des accidents industriels en :

- complétant la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement (L. 125-1 et suivants) afin d'inscrire l'obligation pour l'État d'informer dès que possible les professionnels de santé et les personnes qui participent à l'exécution des services indispensable à la gestion d'un accident industriel en cas d'accident de ce type pouvant provoquer des effets importants sur la santé de l'homme et l'environnement ;

- mettant à l'étude une mesure d'obligation d'inscription des professionnels de santé sur le logiciel « DGS-Urgent » et sur la possibilité de rattacher également les intervenants à domicile à cet outil ;

- faisant évoluer les conditions de saisine de l'Anses (article L. 1313-3 du code de la santé publique) ;

- évaluant la mise en oeuvre, par les acteurs concernés (Ineris, Santé publique France, exploitants), d'une organisation adaptée pour assurer la collecte et l'exploitation d'échantillons environnementaux (air, eau, sol, etc.) dans des délais rapides et la communication au grand public de leurs résultats.

INTRODUCTION

Le 26 septembre 2019 , un incendie de grande ampleur ravageait les sites des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen : environ 10 000 tonnes de produis chimiques sont partis en fumée, deux des trois entrepôts de Normandie Logistique ont été en grande partie détruits, le troisième totalement et le site de l'usine Lubrizol est détruit à environ 10 %. Le plafond des fumées a atteint 400 mètres d'altitude pendant la nuit de l'incendie et le panache de fumée a atteint 20 kilomètres de long pour 6 kilomètres de large au plus fort de sa propagation.

Le 10 octobre 2019, le Sénat votait à l'unanimité la création d'une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur cet accident industriel inédit, dans le respect de l'enquête judiciaire en cours. La commission d'enquête, dont le président était Hervé Maurey et les rapporteures Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy , était chargée par le Sénat d'évaluer « l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences et de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques » 5 ( * ) .

Dans ce cadre, les sénateurs ont procédé à environ 40 auditions , rassemblant plus de 80 personnes, soit plus de 40 heures d'écoute et de questionnement, et 2 déplacements de terrain 6 ( * ) . La commission d'enquête a également reçu de nombreuses contributions écrites et lancé une consultation en ligne à destination des élus locaux 7 ( * ) , afin de cerner leurs attentes en matière de prévention des risques industriels et technologiques.

Premier accident industriel de grande ampleur à l' ère des réseaux sociaux , cet incendie a profondément traumatisé la population rouennaise. Cet événement a rappelé plus largement à l'ensemble de nos concitoyens qu'en matière de risques industriels et technologiques, le « risque 0 » n'existe pas et que la prévention de ces risques suppose une vigilance constante .

À l'issue de ses travaux, la commission d'enquête a formulé 42 recommandations articulées en 6 axes 8 ( * ) . Elle a souhaité, en particulier, appeler l'attention du Gouvernement sur :

- la nécessité de renforcer notre politique de prévention des risques industriels et technologiques tant sur le plan de la réglementation et de la législation que sur le plan des contrôles de terrain ;

- l'urgence de moderniser rapidement notre système d'alerte des populations en cas d'accident majeur et la nécessité de tirer des enseignements opérationnels en matière de gestion de crise ;

- l'insuffisance de notre culture commune de la sécurité industrielle qui appelle, par voie de conséquence, une mobilisation importante des acteurs publics et privés concernés à travers la programmation d'actions de terrain visant à la sensibilisation et à l'information du public ainsi qu'à la diffusion de bonnes pratiques s'agissant notamment des comportements à tenir en cas d'accident industriel ;

- l'importance d'assurer une meilleure coordination entre l'État et les collectivités territoriales en matière de prévention et de gestion des accidents industriels et technologiques ;

- la nécessité d'apporter une indemnisation juste et adaptée aux préjudices subis par les différentes victimes de l'accident (riverains, agriculteurs...) et d' adapter notre droit pour ouvrir la voie à des actions de groupe permettant une réparation efficace et rapide ainsi qu'une rationalisation des contentieux ;

- la nécessité d'appliquer le principe de précaution au suivi sanitaire des populations , qui ont été exposées aux rejets et émissions atmosphériques lors de l'incendie.

Près de 2 ans après cet accident et 20 ans après la catastrophe majeure de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, la commission de l'aménagement du territoire et du développement a inscrit, dans son programme de contrôle pour la session 2021-2022, la réalisation d'un cycle d'auditions visant à exercer un « droit de suite » sur les travaux de la commission d'enquête, pour les volets qui relèvent de ses compétences.

L'objectif de cette démarche était double : d'une part, appréhender les conséquences de cet accident sur les populations et les territoires concernés deux ans après sa survenance ; d'autre part, évaluer la réponse apportée par le Gouvernement et les services de l'État aux recommandations de la commission d'enquête sénatoriale afin de formuler, le cas échéant, des observations et des propositions complémentaires .

Dans cette perspective, la commission a procédé à l'audition des associations représentant les victimes de l'accident et d'organismes locaux intervenant dans le domaine de la surveillance de la qualité de l'air et la prévention des risques industriels , avant d'entendre la ministre de la transition écologique Barbara Pompili .

Le présent rapport vise ainsi à dresser un bilan de la réponse apportée par le Gouvernement et les services de l'État aux enjeux soulevés par cet accident et mis en lumière par les travaux du Sénat.

Il porte à titre principal sur les volets qui relèvent de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable , à savoir la culture de la sécurité industrielle, la politique de prévention des risques industriels, la gestion de crise et le traitement des conséquences des accidents industriels, laissant le soin aux commissions permanentes concernées du Sénat d'exercer leur droit de suite sur les volets qui relèvent de leurs compétences.

Suivant son rapporteur Pascal Martin, la commission a formulé 8 recommandations complémentaires s'inscrivant dans 4 axes :

- améliorer la prévention des accidents industriels et augmenter le nombre de contrôles et d' inspections ;

- renforcer l' information et assurer la participation du public à la politique de prévention et de gestion des risques industriels ;

- améliorer l' évaluation environnementale , le traitement et la réparation des dommages résultant d'un accident industriel ;

- définir un système et des procédures permettant d'assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.

L'ensemble de ces recommandations donnera lieu, le cas échéant, au dépôt d'une proposition de loi .

RAPPORT

I. DEUX ANS APRÈS L'ACCIDENT : UNE FORTE MOBILISATION, DES RETOURS D'EXPÉRIENCE NOMBREUX ET CONVERGENTS, DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES POUR UNE MEILLEURE SÉCURITÉ INDUSTRIELLE

A. UNE ATTENTION CERTAINE DE LA PART DES SERVICES DE L'ÉTAT POUR ÉVALUER ET TRAITER LES CONSÉQUENCES DIRECTES DE L'INCENDIE

Deux ans après l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique, la commission constate que cet évènement a donné lieu à une mobilisation soutenue de la part des services de l'État , qui était particulièrement nécessaire compte tenu de l' ampleur de l'incendie et des inquiétudes de la population.

Si le traitement des conséquences sur le bâti et l'urbanisme semble en bonne voie d'achèvement, le suivi environnemental et sanitaire des populations continue d'alimenter les inquiétudes , en dépit des résultats « rassurants », démontrant un effet « modéré » à court terme et réversible sur la santé des personnes exposées. La commission souhaite que le suivi sanitaire se fasse dans la durée, dans le respect du principe de précaution et avec les outils les plus adaptés , comme ceux dont la mise en place était demandée par la commission d'enquête sénatoriale.

S'agissant du suivi des pollutions environnementales, la commission appelle à une adaptation globale de notre dispositif de prélèvements atmosphériques , en lien avec les exploitants concernés, l'Ineris, les services d'intervention et les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA), afin de ne pas reproduire les erreurs constatées en 2019.

1. Des réponses opérationnelles visant à remettre en état les sites touchés et à établir une instance d'information pour les habitants de Rouen

L'action de l'État dans la phase post-accidentelle, en lien avec les exploitants, s'est orientée principalement vers la prescription, la mobilisation des services concernés et le contrôle des opérations de dépollutions des sites touchés par l'accident. Il s'agit à la fois d'assurer la remise en état du site en vue de son usage futur et de limiter les conséquences de cet accident, en particulier sur le plan environnemental (pollution des sols, eaux).

Les services déconcentrés ont également veillé à informer le public sur leurs actions et celles des exploitants, afin de sortir de la crise. En ce sens, l a promesse de transparence formulée par le Premier ministre de l'époque lors de son déplacement à Rouen a été tenue , la mise en place d'une instance dédiée à cette mission en atteste. La commission relève donc les efforts accomplis sur ces deux volets.

• En premier lieu, les travaux de remédiation et de dépollution des sites touchés de Lubrizol et Normandie Logistique , prescrits et encadrés 9 ( * ) par plusieurs arrêtés préfectoraux, se sont déroulés conformément au calendrier fixé et « dans les conditions et au rythme prescrits », selon la préfecture, qui a assuré une communication sur ce suivi 10 ( * ) . Une cellule dédiée , regroupant les personnels de l'ensemble des services de l'État concernés, supervise la dépollution des sites des deux entreprises touchées ainsi que du Bassin aux bois, qui avaient reçu et contenu une partie des eaux polluées à la suite de l'incendie, évitant ainsi une pollution de la Seine.

Après une série d'inspections validant le respect des prescriptions imposées par les services de l'État 11 ( * ) , les protocoles de remédiation des zones sinistrées 12 ( * ) se sont respectivement achevés le 18 août 2020 pour le site de Normandie Logistique, le 11 septembre 2020 pour le site de Lubrizol et le 18 septembre 2020 pour le plan d'eau et les quais du Bassin aux bois 13 ( * ) .

Aussi, le 21 septembre 2020 , le préfet a annoncé la fin du processus de remédiation , dans les délais initialement fixés.

S'agissant du site Lubrizol, plus de 3 000 tonnes de boues ont été envoyées en centre d'enfouissement spécialisé ou incinérées, 750 tonnes de ferraille valorisées après nettoyage et 435 tonnes de fûts incinérées.

Travaux de remédiation et de dépollution prescrits
par arrêtés préfectoraux pour Lubrizol

Arrêté « mesures d'urgence » du 26 septembre 2019

Cet arrêté impose la collecte des eaux polluées à la suite de l'incendie et l'évacuation vers une installation de traitement dûment autorisée, de même que l'évacuation des déchets produits par le sinistre vers une installation de traitement dûment autorisée. Il prévoit le traitement en priorité des fûts contenant encore des produits non brûlés (1 389 fûts évacués, fin des opérations le 28 janvier 2020).

Arrêté « démantèlement de la zone sinistrée » du 20 février 2020 14 ( * )

Cet arrêté prévoit le nettoyage de toutes les voiries ainsi que le curage et le pompage des nappes d'hydrocarbures, hors partie bloquée sous expertise judiciaire.

Arrêtés « opérations de démantèlement » du 12 juin et 12 juillet 2020

Ces arrêtés imposent le démantèlement, dégraissage et nettoyage de l'ensemble des zones correspondant aux anciens bâtiments A4 et A5. Ils prévoient le nettoyage et le dégraissage de leurs abords immédiats, dans le but de prévenir notamment la migration des hydrocarbures et autres polluants dans le sol et éventuellement dans les eaux souterraines, ainsi que le curage et l'inspection des réseaux enterrés d'eaux pluviales ou de collecte des eaux incendie. Le conditionnement et l'évacuation des déchets en filière agréée sont prévus, de même que des mesures de gestion des nuisances olfactives tout au long des opérations. L'arrêté prévoit enfin les mesures de remise en état du site.

Arrêté complémentaire du 24 novembre 2020

Cet arrêté impose la remise à l'administration d'un diagnostic portant sur les sols, les gaz de sols et les eaux souterraines ainsi que d'un plan de gestion.

Arrêtés complémentaires du 18 août 2021 et 22 novembre 2021

Ces arrêtés prescrivent, avec l'objectif de permettre un usage industriel futur, la réalisation de travaux de dépollution des sols et la mise en place d'une surveillance des eaux souterraines proches du site. Ils concernent également l'excavation et l'envoi des terres polluées encore présentes sur le site vers des installations de traitement autorisées, en vue de leur réutilisation sur le site sous la forme de terres inertes, le cas échéant. La fin des travaux de dépollution devra intervenir le 1 er septembre 2022 et sera ensuite suivie d'une surveillance environnementale (air, bruit).

Source : préfecture de la Seine-Maritime.

Pour le site de NL Logistique, plus de 3 300 tonnes de boues ont été envoyées en centre d'enfouissement spécialisé, 550 tonnes de ferraille ont été valorisées après nettoyage et 31 tonnes de fûts incinérées.

Travaux de remédiation et de dépollution prescrits
par arrêtés préfectoraux pour NL Logistique

Arrêté « Mesures d'urgence » du 30 septembre 2019

Cet arrêté prévoit la collecte des eaux polluées à la suite de l'incendie et l'évacuation vers une installation de traitement dûment autorisée, de même que l'évacuation des déchets produits par le sinistre vers une installation de traitement dûment autorisée.

Arrêté « démantèlement de la zone sinistrée » du 20 février 2020 15 ( * )

Cet arrêté impose le nettoyage de toutes les voiries ainsi que le curage et le pompage des nappes d'hydrocarbures hors partie bloquée sous expertise judiciaire.

Arrêtés « opérations de démantèlement » du 9 juin et du 10 juillet 2020

Ces arrêtés prévoient le traitement et le stockage de tout type de déchets (liquides et solides, dont la gomme arabique) présents au droit des zones prioritaires identifiés T1C, T2B, T2C et fosse T3 et nettoyage des zones prioritaires. Ils précisent la gestion des déchets solides et liquides du bâtiment T3 et imposent des travaux de retrait des matériaux amiantés ainsi que des travaux de démolition du bâtiment T2A. Ces arrêtés prévoient le conditionnement et l'évacuation des déchets en filière agréée, la gestion des nuisances olfactives tout au long des opérations, ainsi que la remise en état du site.

Arrêté complémentaire du 24 novembre 2020

Cet arrêté impose la remise à l'administration d'un diagnostic portant sur les sols, les gaz de sols et les eaux souterraines ainsi que d'un plan de gestion.

Arrêté complémentaire du 18 août 2021

Cet arrêté prescrit, avec l'objectif de permettre un usage industriel futur, la réalisation de travaux de dépollution des sols, la mise en place d'une surveillance des eaux souterraines proches du site et des travaux de réfection des réseaux d'eaux pluviales. Il prescrit également l'excavation et l'envoi des terres polluées encore présentes sur le site vers des installations de traitement autorisées, en vue de leur réutilisation sur le site sous la forme de terres inertes, le cas échéant. La fin des travaux de dépollution devra intervenir le 1 er septembre 2022 et sera ensuite suivie d'une surveillance environnementale (air, bruit).

Source : préfecture de la Seine-Maritime.

Enfin, pour la darse du Bassin aux bois, 21 tonnes de végétaux souillés ont été retirées, ainsi que 290 tonnes de produits liquides pompées en surface du bassin (dont 108 tonnes sous le quai Sud) et 161 tonnes de déchets solides . La fin des travaux de nettoyage des quais à l'été 2020 a permis la récupération complémentaire de 26 tonnes de produits liquides sous le quai Sud. Les éléments souillés et produits liquides ont été envoyés vers une filière de retraitement locale adaptée 16 ( * ) .

Il aura donc fallu un an au total pour parvenir à une première remise en état des sites les plus touchés par l'accident, ce qui témoigne de l'ampleur de l'incendie et de l'intensité des pollutions de toute nature qu'il a engendrées. Toutefois, toutes les opérations à réaliser sur les sites ne sont pas terminées et leur mise en oeuvre devra encore faire l'objet de contrôles.

La commission souhaite que l'échéance de fin des travaux de dépollution, prévue au 1 er septembre 2022 , soit tenue. La préfecture de la Seine-Maritime a indiqué que la clôture du chantier donnera lieu à la rédaction d'un mémoire par la DREAL , qui sera présenté devant le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques ( Coderst ), en commission de suivi de site ( CSS ) et rendu public .

• En second lieu, une structure ad hoc a été mise en place pour établir un lieu d'échanges avec la population et les parties prenantes du suivi post-accidentel, en complément des instances spécialisées existantes, conformément à l'annonce du Premier ministre de l'époque de réaliser la transparence sur cet accident industriel.

Le comité de la transparence et du dialogue ( CDT ) a été installé le vendredi 11 octobre 2019 en présence de membres du Gouvernement et dissous par le préfet le vendredi 10 décembre 2021. Au total, dix réunions ont eu lieu sur la période 2019-2021 , à échéance régulière, représentant près de 40 heures de présentations et d'échanges. Les documents communicables (rapports, analyses) produits et présentés à l'occasion des réunions du CDT ont été mis en ligne sur le site de la préfecture de la Seine-Maritime. Cette initiative rejoint celle mise en place par le Gouvernement sur un site dédié au suivi de l'accident.

Le rapport inter-inspections CGE-IGA-IGAS-CGEDD-CGAAER de mai 2020, publié environ à mi-parcours de l'existence du CDT, confirme l'intérêt de la création de cette structure, mais relève une voie d'amélioration en particulier : le pilier « dialogue » du CDT aurait pu être plus étoffé et important , afin de répondre aux attentes des citoyens. S'appuyant sur des témoignages et commentaires, les inspecteurs ont relevé l'effort d'exposition et de transparence réalisé par les services déconcentrés de l'État, mais concluent que l'aspect dialogue « n'a en réalité pas pu être développé » . Si le format très large de l'instance (environ une centaine de participants) rend difficile cet exercice, les inspecteurs ont également noté une baisse de la participation effective des personnalités invitées aux premières réunions.

Au-delà des travaux conduits en CDT, la préfecture s'est mobilisée dans les médias , avec une trentaine de conférences de presse organisées concernant l'évènement, une cinquantaine de communiqués de presse et une centaine d'interviews données, et à travers des actions à destination du public et des élus locaux , avec l'envoi de centaines de courriers d'information. Enfin, les instances traditionnellement actives dans le champ des politiques environnementales et de prévention ainsi que des risques ont constitué un lieu complémentaire pour la gestion post-accidentelle. Ainsi, quinze Coderst ont eu pour objet au moins un sujet en lien avec l'accident de Lubrizol et Normandie Logistique, de même que trois CSS dédiées , dont séances avec visite du site de l'incendie. Le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles ( S3PI ) territorialement compétent a en outre été réactivé par le préfet.

Lors de la dixième réunion du CDT, le préfet a présenté les modalités de retour au « droit commun » en matière de gestion post-accidentelle :

- sur le volet prévention des risques industriels, un bilan annuel de l'activité de Lubrizol sera présenté en CCS-Rouen Ouest et les travaux du Coderst incluront également ce sujet ;

- sur le volet sanitaire, le préfet a rappelé les conclusions de Santé publique France (SPF) concluant à l'inopportunité de mettre en place un programme de biosurveillance et d'assurer le suivi dans le temps et la surveillance épidémiologique de l'état de santé de la population exposée, dont les travaux, à partir d'une exploitation du système national des données de santé (SDNS) qui sera réalisée par l'agence régionale de santé (ARS) et la cellule régionale de SPF. Il a annoncé que les résultats de cette surveillance seront diffusés et communiqués régulièrement ;

- enfin, sur le volet santé mentale, le préfet a annoncé la poursuite d'un suivi de l'état de santé mentale des populations en lien avec la commission spécialisée du conseil territorial de santé 17 ( * ) , qui comprend notamment des élus locaux.

Sur la forme, la commission considère que cette organisation mise en place par les services de l'État pour traiter la phase post-accident , si elle n'est pas exempte de certains défauts propres à sa forme, était pertinente et constitue une pratique intéressante dont la mise en oeuvre devrait être généralisée en cas de nouvel évènement de ce type.

2. Un protocole de suivi des pollutions environnementales et de l'impact sanitaire de l'accident faisant intervenir une multiplicité d'acteurs et souffrant de défauts

L'évaluation des conséquences environnementales et sanitaires de l'incendie a suscité de nombreuses réactions et critiques , en particulier de la part de citoyens investis dans la défense des victimes de l'accident. D'ailleurs, lors de leur audition devant la commission, les associations représentant des victimes de l'accident ont exprimé leur mécontentement avec force sur ce sujet 18 ( * ) .

La commission relève que de très nombreuses études ont été réalisées - permettant de collecter au total 368 000 données à travers plus de 6 500 prélèvements 19 ( * ) portant sur l'air, les sols, l'eau potable, les cours d'eau ainsi que sur les productions agricoles, animales et végétales sous l'égide de Santé publique France - et que c'est davantage l'organisation des services et la capacité d'analyse et d'exploitation de ces données, dans des délais courts, qui doivent faire l'objet de nettes améliorations et d'une attention particulière pour l'avenir .

La commission constate également que si les pompiers, les salariés de l'entreprise Lubrizol et les intervenants publics mobilisés sur ou à proximité du site ont fait l'objet d'un suivi particulier , conformément aux recommandations de la commission d'enquête sénatoriale, aucun registre de morbidité n'a été mis en place pour la population générale , en dépit des recommandations de cette même commission d'enquête 20 ( * ) .

La commission rappelle que la phase de collecte des données aura duré plus de 8 mois , sans compter le temps nécessaire à la constitution de la base de données et à son exploitation face à de nombreux problèmes (manque d'information, inadéquation des formats de données, limite de détection et de quantification différence, difficulté à définir des territoires témoins, etc.).

Ce manque de coordination est d'autant plus dommageable que l'État s'est doté d'une instruction de référence en 2012, avec la circulaire du 20 février 2012 relative à la gestion des impacts environnementaux et sanitaires d'évènements d'origine technologique en situation post-accidentelle. Sa mise à jour pourrait être l'occasion d'une opportune adaptation de nos outils et modes d'organisation. S'agissant des capacités d'analyse, des développements informatiques complémentaires pourraient être nécessaires, afin d'assurer l'interopérabilité des outils mobilisés par les services compétents et de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

a) Des prélèvements environnementaux nombreux, mais une capacité d'analyse inadaptée

Dès le 30 septembre 2019, un protocole global de suivi des conséquences environnementales de l'incendie a en effet été mis en place à l'initiative de la DREAL et associant l'ensemble des acteurs compétents 21 ( * ) . Toutefois, la coordination des acteurs et leur capacité à intervenir en urgence ont été perfectibles . À titre d'exemple, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) ne disposait pas de dispositif d'astreinte et ses moyens humains et matériels ont limité sa capacité à intervenir en situation de crise.

Face à la difficulté de disposer d'une stratégie environnementale claire et satisfaisante du côté de l'État, la collecte de l'essentiel des données de surveillance environnementale a été permise par la prescription à l'exploitant Lubrizol d'un plan complet de prélèvements environnementaux . Dans ce cadre, plusieurs bureaux d'études privés spécialisés ont été mobilisés par les exploitants.

Ainsi, les arrêtés « mesures d'urgence » du 14 octobre 2019 pris par le préfet de la Seine-Maritime à l'encontre des sociétés Lubrizol et de NL Logistique et modifiés par les arrêtés du 15 octobre 2019, imposent la réalisation de prélèvements et d'analyses de sols et de végétaux 22 ( * ) .

• En premier lieu, le préfet a imposé la réalisation d'une interprétation de l'état des milieux (IEM) , sur la base des résultats obtenus 23 ( * ) lors des prélèvements prescrits. Le protocole de prélèvements apparaît adapté, avec des prélèvements superficiels (entre 0 et - 5 cm) et des prélèvements dans la zone racinaire de la plupart des plantes (entre 0 et - 30 m), opérés sur des terrains de différentes natures et de différents usages (jardins particuliers, terrains agricoles, espaces verts, terrains de sport).

Ces études concluent que compte tenu de la nature des polluants identifiés, aucun lien ne semble établi entre les pollutions observées et l'incendie du 26 septembre 2019 et qu'il s'agit, pour l'essentiel, de pollutions historiques . L' IEM s'est déroulée en deux phases :

- la première phase portait sur 206 points de prélèvements situés dans le ressort territorial des 23 communes de la Seine-Maritime les plus concernées par les retombées de l'incendie. Elle n'a pas mis en évidence d'incompatibilité d'usage des milieux, mais des points de vulnérabilité au plomb, qualifiés comme d'origine historique, et au benzo(a)pyrène, dont l'origine est incertaine, dans un scénario d'exposition maximisant (ingestion significative de terre) ;

- la seconde phase, divisée en deux parties, couvrait au total 215 communes . Une première partie concernait 111 communes de la Seine-Maritime et la seconde 104 communes des Hauts-de-France traversées par le panache.

La première partie de l'étude dans le département de la Seine-Maritime portait sur 469 points de prélèvements au sol 24 ( * ) et 142 prélèvements de végétaux . L'IEM a été remise le 11 mai 2020, puis révisée à trois reprises, la version finale datant du 21 août 2020 et intégrant les données de la direction départementale de la protection des populations (DDTM). S'agissant des végétaux, 46 points de vulnérabilité à des pollutions historiques au plomb et à l'arsenic ont été identifiés sur le territoire de 40 communes, induisant des incompatibilités d'usage . S'agissant des sols, 137 points de vulnérabilités ont été mis en évidence, répartis sur le territoire de 83 communes. L'IEM conclut que les milieux observés sont non dégradés , avec des valeurs observées inférieures aux valeurs de référence lorsqu'elles existent, et ne présentent pas d'incompatibilité d'usage .

La seconde partie de l'étude dans les départements de l'Aisne, du Nord, de l'Oise et de la Somme de la région des Hauts-de-France a pris du retard du fait de la destruction, accidentelle, mais particulièrement dommageable, par le prestataire de NL Logistique, de tous les échantillons de sol. Cet évènement n'a pas contribué à apaiser les doutes et inquiétudes d'une partie de la population. Les prélèvements ont été refaits à la suite d'une mise en demeure signée par le préfet le 3 juin 2020, pour une remise de l'IEM au plus tard le 20 juillet 2020. L'IEM remise le 17 juillet 2020 conclut que « le milieu Sols peut donc être considéré comme non dégradé » par les composés recherchés 25 ( * ) . La pollution constatée aux métaux, à l'arsenic, au cobalt et au chrome est considérée comme compatible avec les usages. L'ensemble des indicateurs sont inférieurs aux valeurs de référence hormis pour le plomb et le benzo(a)pyrène , conduisant l'étude à constater la « vulnérabilité » du milieu, mais sans incompatibilité d'usage : « la concentration dans les sols [...] reste faible et ne nécessite pas de mesures de gestion immédiate . [...] Sur la base des résultats disponibles, aucun composé ne ressort avec un milieu incompatible avec les usages actuels ».

Les autorités sanitaires ont été saisies pour évaluer l'opportunité de réaliser des analyses complémentaires ou de mettre en place des mesures spécifiques de gestion. Dans les deux cas, les communes concernées, ainsi que les particuliers, ont été destinataires d'un courrier d'information .

• En second lieu, et alors même que les résultats de l'IEM ne mettaient pas en lumière de difficultés particulières, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) a été prescrite par les services de l'État aux exploitants par arrêtés du 21 janvier 2020 et activée par arrêtés du 28 octobre 2020 du préfet de la Seine-Maritime, dans le cadre de la circulaire du 19 avril 2017 relative aux sites et sols pollués. L'objectif est de quantifier les risques sanitaires spécifiquement liés aux émissions associées à l'incendie sur les populations présentes dans la zone d'étude (inhalation, ingestion).

Schéma conceptuel simplifié de l'EQRS pour un scénario incendie

Source : étude Ramboll 2021.

Un pré-cadrage a été réalisé fin 2020, les exploitants ont remis l'étude 26 ( * ) le 1 er juin 2021 aux services de l'État, qui en ont présenté les premiers résultats lors du CDT du 5 juillet. L'Ineris a remis sa tierce expertise le 1 er septembre 2021 , conduisant à une mise à jour de l'étude remise par les exploitants le 9 novembre 2021, mais sans changement de ses conclusions 27 ( * ) . Les résultats finaux ont été présentés lors du CTD du 10 décembre 2021 et publiés sur le site de la préfecture. À la suite de ses travaux, si des points d'amélioration ont été identifiés par l'Ineris, l'établissement a considéré l'étude comme globalement satisfaisante , complète et réalisée conformément aux règles de l'art .

Pour la journée du 26 septembre 2019, l'étude relève :

- un pic de pollution sur la zone industrielle rive gauche pour plusieurs polluants atmosphériques (SO2, NO x , poussières) ;

- des indicateurs de risque pour l'inhalation supérieurs à la valeur repère définie par la méthodologie des EQRS et correspondant à des effets ponctuels et réversibles sur la zone industrielle concernée ;

- des indicateurs de risque pour l'inhalation inférieurs à la valeur repère pour tout le reste de la zone d'étude (Rouen rive droite, zones résidentielles Rouen rive gauche) ;

S'agissant de la période post-incendie (27/09 au 31/10/2019), les résultats sur la partie « inhalation » ne montrent aucun dépassement de la valeur repère, que ce soit pour une exposition aiguë ou subchronique. Sur la partie « ingestion », les niveaux de risques assimilés aux expositions subchronique et chronique sont très faibles, malgré la prise en compte d'hypothèses majorantes.

Ainsi, l'EQRS ne met pas en évidence de risque sanitaire, au-delà d'effets ponctuels et réversibles sur une zone proche de l'incendie , le premier jour de l'accident. Ces éléments concordent avec les analyses déjà effectuées et présentées en CDT.

• Enfin, une étude spécifique portant l'imprégnation des lichens a également été réalisée par le laboratoire Aair-Lichens. Elle a été effectuée en deux temps afin de disposer d'éléments de comparaison, d'abord entre octobre et novembre 2019 , puis entre décembre 2020 et mars 2021 .

L'étude portait sur 23 communes situées sous le panache de fumée et 6 communes « témoins » , situées en dehors de la zone traversée par le panache, à des fins de comparaison. L'étude du bio-accumulateur que constitue le lichen permet en effet de mieux comprendre la signature chimique d'un tel incendie, sans pour autant permettre de tirer des conclusions directes sur la qualité de l'air.

En l'occurrence, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ont particulièrement marqué ces végétaux . Toutefois, après une phase d'exposition aiguë et ponctuelle liée à l'incendie, une forte décroissance du taux de concentration de ces substances a été observée lors de la seconde campagne de mesures, indiquant donc un impact ponctuel de l'incendie.

b) Un suivi sanitaire qui soulève de nombreuses critiques et contestations

L'évaluation des risques sanitaires liés à l'incendie a concentré les principales inquiétudes de la population . Au-delà de la technicité de l'exercice, ce sont principalement la dispersion des initiatives de collecte, le choix des zones de collecte et les délais pour obtenir une analyse des données collectées qui ont cristallisé les mécontentements.

Plusieurs éléments avaient alerté la commission d'enquête sénatoriale , notamment l'augmentation de l'activité des hôpitaux et de la médecine de ville, mais aussi les 1 000 arrêts de travail supplémentaires recensés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime entre le 26 septembre et le 3 octobre 2019.

• Les différents travaux menés localement ont démontré, heureusement, que les conséquences sanitaires de court terme de l'incendie étaient limitées, voire modérées .

Des analyses ont été réalisées sur l' eau et les boues , notamment dans une station d'épuration située sous le panache de fumées de l'incendie 28 ( * ) , mais n'ont pas montré de valeur particulièrement préoccupante selon les normes de référence des autorités sanitaires . Les analyses ont d'abord démontré une évolution inhabituelle de certains paramètres (notamment les dioxines-furanes). En conséquence et en application du principe de précaution sanitaire, les boues concernées ont été consignées avant analyse. Les résultats d'analyse ayant été conformes aux normes réglementaires, les boues ont même pu être épandues au printemps dans les exploitations agricoles. De même, pour les eaux destinées à la consommation humaine , le bilan de la surveillance réalisé fin 2019 conformément à l'avis de l'Anses indique que l'eau est demeurée propre à la consommation . Au total, en juin 2020, plus de 400 prélèvements suivis d'analyse avaient été réalisés sur les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Une surveillance adaptée a été poursuivie jusqu'à la fin de l'année 2020. Le bilan établi par l'agence régionale de santé (ARS) a conclu qu'il n'y avait pas de marquage évident de l'évènement , ni dans l'espace ni dans le temps.

Sur le volet agricole , de la même manière, les résultats publiés des analyses obtenues jusqu'à aujourd'hui 29 ( * ) sont soit conformes aux seuils de référence soit, s'il n'y a pas de seuils, conformes au bruit de fond , c'est-à-dire à une pollution « historique ». Les prélèvements ont par exemple concerné le lait de bovin, les oeufs, les poissons d'élevage, la viande de volailles ou de bovin.

S'agissant de l' amiante , l'EQRS réalisée à la demande du préfet n'a pas mis en évidence de problématique de qualité de l'air ni d'éléments non conformes aux seuils à 300 mètres, 800 mètres et 15 kilomètres du lieu de l'incendie.

• L' organisation déployée entre les acteurs pour assurer les prélèvements, leur exploitation , leur analyse et la communication des résultats au grand public a en revanche souffert des faiblesses et de failles .

Deux difficultés principales ont été mises en exergue par l'accident de Rouen au cours de cet exercice d'évaluation des risques sanitaires : d'une part, la difficulté des acteurs à assurer leur coordination dans les phases de prélèvements de données et, d'autre part, leur insuffisante capacité de consolidation et d'exploitation de ces données. Ainsi, les experts des différents services mobilisés ne disposaient pas d'une cartographie ni d'outils communs permettant une exploitation des résultats dans des formats de présentation harmonisés .

Non seulement ces éléments ont fait naître des incertitudes scientifiques dans l'évaluation des risques, mais ils ont également rendu plus difficile l'information et la communication au public des résultats. Santé publique France et l'Anses ont d'ailleurs indiqué que les évaluations scientifiques tirées de ces résultats étaient moins pertinentes qu'elles n'auraient pu l'être . Dans ce contexte, certains citoyens n'ont toujours pas compris les motifs de rejet de leurs demandes visant à faire évaluer les dosages de polluants dans leurs prélèvements sanguins, d'urine ou de lait maternel, les autorités sanitaires ayant mis en avant les premiers résultats de la surveillance environnementale et le fait que ces résultats ne seraient pas représentatifs.

• L' évaluation des risques sanitaires de moyen et long termes , qui concentre aujourd'hui l'attention des citoyens, doit se poursuivre et nécessite, par définition, de disposer d'un recul suffisant.

Afin d'analyser l'état de santé des populations, un protocole sanitaire en trois temps a été déployé par le Gouvernement.

En premier lieu, Santé publique France a lancé une étude de santé et de qualité de vie . Une pré-enquête, réalisée du 11 au 28 février 2020, concernait 4 communes touchées par l'incendie et présentant des situations contrastées : Petit-Quevilly, Bois-Guillaume, Préaux et Buchy. Elle a été prolongée d'une enquête plus vaste, menée sur un échantillon représentatif de 5 300 habitants 30 ( * ) de 122 communes de la Seine-Maritime 31 ( * ) , entre septembre et octobre 2020, pour couvrir au total 340 000 habitants. Les enfants ont ressenti les troubles de santé et leurs fréquences de la même façon que les adultes. Cette étude, présentée lors du CDT du 5 juillet 2021 , montre que pendant l'incendie et ses suites :

- 92 % de la population étudiée a ressenti au moins une des nuisances ou pollutions occasionnées par l'accident (souvent des odeurs, longues et gênantes) ;

- 66 % de la population a ressenti au moins un symptôme ou problème de santé (stress, anxiété, angoisse, irritation des yeux et de la gorge, toux, essoufflement, maux de tête, troubles du sommeil) qu'ils attribuent à l'accident ;

- 37 % des adultes symptomatiques mentionnent avoir recouru au système de soins (médecin généraliste, prise de médicaments non prescrits).

Un an après l'incendie, l'étude montre également une altération globale de la santé mentale des personnes exposées, qui a justifié la réalisation d'un second volet d'enquête dédié à cette problématique.

En second lieu, face aux demandes répétées de citoyens et d'élus pour la mise en place d'un programme de biosurveillance en application du principe de précaution , demandes auxquelles la commission d'enquête sénatoriale avait apporté son soutien, le ministère de la santé a saisi SPF qui a constitué un groupe de travail spécifique , associant des personnels SPF et des experts en toxicologie et en biosurveillance. Sa mission était d' étudier la pertinence et la faisabilité de réaliser une étude de biosurveillance sur plusieurs semaines voire plusieurs mois après l'incendie. Devant l'absence de synthèse de la situation environnementale et d'EQRS à cette date, un second groupe de travail dédié à l'exploitation cartographique et statistique des données récoltées après l'incendie a été mis en place, associant des personnels de SPF et une experte en chimie environnementale. L'objectif de ce groupe était d'apporter un éclairage relatif à la contamination persistante ou non par certains polluants des milieux suite à l'incendie en tenant compte notamment de la pollution ancienne présente dans la zone.

Après réalisation de ces différents travaux, lors du CDT du 5 juillet 2020 , la directrice générale de SPF a présenté les conclusions de l'évaluation d'opportunité menée par ses services en articulation avec les travaux réalisés par d'autres services et acteurs compétents 32 ( * ) . Elle a ainsi indiqué que SPF avait conclu, compte tenu des analyses menées sur les données disponibles qui n'apportaient pas d'éléments sur une contamination en lien avec l'incendie différentiable d'une pollution industrielle historique, et de l'absence d'éléments objectifs en faveur d'une surexposition à long terme des populations riveraines, que « la conduite d'une enquête ou d'un programme de biosurveillance n'apporterait pas d'éléments supplémentaires à la surveillance épidémiologique renforcée qui a été décidée à la place et qui reposera sur le système national des données de Santé (SNDS) ». SPF considère, en effet, que la biosurveillance doit être envisagée uniquement en cas de contamination persistante avérée des sols ou des aliments attribuable à l'incendie.

En troisième lieu, un volet d' enquête spécifique consacré à la santé mentale de la population exposée a été réalisé, dans une approche comparable à celle retenue par les pouvoirs publics en France et à l'étranger pour d'autres évènements de grande ampleur (inondations, tempête, séisme, incendie, autres accidents industriels).

Les résultats de cette enquête ont été présentés lors du CDT du 10 décembre 2021 . Ils permettent d'établir un lien entre l'exposition à l'incendie et la santé mentale des personnes exposées et montrent une situation particulièrement défavorable pour les personnes habitant à moins de 1 500 mètres du site de l'incendie . À titre d'exemple :

- 18 % de la population de la zone exposée présentait une dépression probable (contre 12 % en zone témoin) ;

- 23 % des répondants de la zone exposée présentaient au moins un trouble probable et 5 % présentaient à la fois un trouble de stress post-traumatique probable et une dépression probable ;

- plus spécifiquement, l'étude a relevé, parmi les participants habitant à moins de 1 500 mètres du site de l'incendie, 13 % de trouble de stress post-traumatique probable, 24 % d'anxiété généralisée probable et 29 % de dépression probable.

Ces résultats confirment ceux déjà abordés par la première enquête de ressenti précitée. Plusieurs facteurs contextuels à ces troubles psychologiques sont identifiés comme la perception de bruit ou d'odeurs suspectes liés à l'incendie, le fait d'avoir été réveillé par l'accident ou de voir des débris liés à l'incendie, lien professionnel avec l'entreprise, et s'additionnent à des facteurs structurants associés aux troubles psychologiques étudiés (isolement social, antécédents, difficultés financières).

Face à ces travaux et en complément de ce qui avait été mis en place après l'incendie, Santé publique France et l'ARS Normandie ont mis en avant les modalités de soutien psychologique de droit commun et présenté plusieurs actions complémentaires pour mieux anticiper et traiter les conséquences psychologiques de tels évènements et pour renforcer l'accès à l'offre de soins psychologiques en lien avec les professionnels et les structures hospitalières existantes. En outre, compte tenu de la durée potentiellement longue de ces troubles, les autorités sanitaires ont indiqué que la surveillance s'effectuerait également via le système national des données de santé (SNDS) notamment à travers le suivi des remboursements de soins. Des évènements de grande ampleur avaient précédemment donné lieu à une surveillance de la consommation 33 ( * ) .

B. LES RETOURS D'EXPÉRIENCE RÉALISÉS DEPUIS 2019 : UNE CONVERGENCE AVEC LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT

L'établissement des retours d'expérience post-Lubrizol a mobilisé un grand nombre de services de l'État , que ce soit à l'échelle nationale (corps d'inspection, administrations centrales, établissements publics) ou déconcentrée (DREAL, DDTM, ARS). Les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air ( AASQA ) ont également pris leur part.

L'ensemble de ces retours d'expérience, réalisés en parallèle des travaux des assemblées, confirment les observations et conclusions de la commission d'enquête sénatoriale quant aux insuffisances de notre politique de prévention des risques industriels et de gestion des crises majeures.

1. L'existence d'angles morts inacceptables dans la prévention des risques et la gestion des accidents industriels, confirmée par les travaux d'inspection menés à la demande du Gouvernement

Les travaux d'inspection et de retour d'expérience menés par les services de l'État à la demande du Gouvernement ont globalement été organisés en trois temps .

D'abord, une enquête administrative de la DREAL Normandie a été annoncée le 26 septembre 2019 par la ministre de la transition écologique et solidaire, sur la base du rapport d'accident que les exploitants sont tenus de remettre à l'administration 34 ( * ) . Ensuite, le Gouvernement a lancé deux missions d'inspection :

- une première mission d'inspection mobilisant des membres du Conseil général de l'environnement et du développement durable ( CGEDD ) et du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies ( CGE ) a été demandée le 9 octobre 2019 35 ( * ) pour analyser l'évènement sous l'angle technique . Elle visait à appuyer l'enquête administrative susmentionnée de la DREAL et a rendu son rapport, comportant 17 recommandations ( voir l'annexe 2 au présent rapport ), en février 2020 36 ( * ) ;

- une seconde mission d'inspection mobilisant des membres du Conseil général de l'environnement et du développement durable ( CGEDD ), de l'Inspection des affaires sociales ( IGAS ), de l'Inspection générale de l'administration ( IGA ), du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux ( CGAAER ) et du Conseil général de l'économie ( CGE ) a été demandée le 23 décembre 2019 37 ( * ) pour procéder à une évaluation globale de la gestion de la crise . Elle a finalisé son rapport, comportant 18 recommandations ( voir l'annexe 3 au présent rapport ), en mai 2020 , qui a été rendu public quelque temps après.

Ces travaux, menés à la demande du Gouvernement, ont mis en évidence 5 éléments principaux s'agissant de la prévention et du traitement des accidents industriels :

- la vulnérabilité au feu des stockages en grand récipient pour vrac (GRV) 38 ( * ) des liquides combustibles et inflammables et une insuffisante réglementation pesant sur les entrepôts de liquides combustibles , qui n'étaient pas appréhendées comme des risques potentiellement importants ;

- un mauvais encadrement des établissements et sites industriels qui bénéficient d'un droit d'antériorité , en vertu du principe de maintien des droits, et qui peuvent être amenés à devenir les voisins de sites classés Seveso , présentant les risques les plus importants pour l'homme, l'environnement et les biens ;

- l' inadaptation du contenu des études de danger (ED) pour permettre une prise en compte satisfaisante du risque incendie ;

- une organisation et des outils inadaptés pour assurer une surveillance environnementale efficace et complète des pollutions occasionnées par un accident industriel ;

- un système d'alerte et d'information des populations inadapté aux enjeux actuels de la gestion de crise.

Ces observations et conclusions rejoignent largement ceux de la commission d'enquête sénatoriale.

2. Des retours d'expérience complémentaires qui pointent une insuffisante capacité et réactivité d'analyse environnementale et sanitaire

Atmo Normandie a également participé aux retours d'expérience de l'accident de Rouen et au suivi de ses conséquences environnementales, au titre de sa mission de surveillance de la pollution chronique . En cas de pollution accidentelle, les AASQA sont en capacité d'intervenir en assistance aux autorités et aux exploitants. À la suite de l'incident de Lubrizol en 2013, Atmo Normandie avait ainsi fait évoluer ses statuts pour intégrer dans son objet une mission d'assistance aux autorités en cas de pollution accidentelle, sous réserve de ses moyens.

D'abord, l'association a actualisé son rapport sur la participation des AASQA à la gestion des situations post-accidentelles le 3 février 2020, qui répondait aux recommandations de l'instruction du 12 août 2014 39 ( * ) relatives aux nuisances causées par les rejets de composés soufrés émis par l'usine Lubrizol en janvier 2013.

Ce rapport souligne que cette instruction ne vise pas spécifiquement les incendies, mais les émanations gazeuses odorantes et/ou toxiques, expliquant l 'inadaptation des dispositifs de prélèvements (canisters) pour l'analyse de l'accident de 2019. Le canister n'est en effet pas spécifiquement conçu pour les incendies et ne peut détecter les composés particulaires et d'autres composés gazeux, tels que les acides inorganiques. Le rapport met l'accent sur l'intérêt de la plateforme de signalement citoyen ODO , développée par Atmo Hauts-de-France pour prendre la mesure de l'intensité du phénomène. Il revient également sur des enjeux de communication de crise , notamment l'arrêt temporaire de la diffusion de l'indice Atmo conformément à l'instruction donnée par l'État ou encore le délai d'attente des résultats, qui ont contribué à alimenter les inquiétudes de la population. Il formule enfin plusieurs recommandations sur l'ensemble des volets concernés par cet accident (technique, communication, organisation) que la commission souhaite voir prises en compte par les acteurs impliqués dans la prévention des risques ( voir annexe 1 au présent rapport ).

Ensuite, Atmo Normandie a publié un second rapport de retour d'expérience en mai 2021, tirant un bilan des mesures de polluants et d'odeurs dans l'air ambiant et des retombées atmosphériques consécutives de l'accident des usines Lubrizol et NL Logistique. L'association récapitule les actions effectuées entre le 26 septembre 2019 et le 1 er octobre 2020 : réalisation de 615 prélèvements d'air (gaz et particuliers) ou de retombées atmosphériques (pluies et dépôts secs), suivi des résultats de 4 stations complémentaires (24h/24), mise en place et exploitation des résultats de 3 stations complémentaires (24h/24), recueil et exploitation de 6 124 signalements citoyens (odeurs et symptômes de santé déclarés), réalisation de 32 tournées olfactives . Au total, l'association aura fait appel à 7 laboratoires d'analyse et mobilisé 29 de ses 34 salariés au cours de cette période. Les principaux enseignements relevés par Atmo sont les suivants :

- les résultats des analyses environnementales se situent en-dessous des valeurs de référence sanitaires fournies par l'ARS Normandie, lorsque ces valeurs existent ;

- certains polluants, dont le toluène et l'acide acétique ont dépassé les valeurs repères régionales d'Atmo Normandie, qui sont par ailleurs plus exigeantes que les valeurs sanitaires de référence fixées pour le toluène (il n'existe pas de VRS pour l'acide acétique). La concentration en dioxyde de soufre dans l'atmosphère était égale à la VRS le jour de l'incendie ;

- plus de 6 000 signalements d'odeurs émis sur un an par les habitants de la métropole de Rouen ont été enregistrés, dont 52 % faisaient état d'au moins un symptôme de santé.

Source : Atmo Normandie, 2021.

Le rapport conclut sur la nécessité d' augmenter le spectre des prélèvements de façon à couvrir d'autres composés, en particulier ceux susceptibles d'être émis pendant un incendie, sur l'importance d' accélérer les délais pour la restitution des analyses et sur l'intérêt de développer de nouvelles façons de mesurer ces polluants (drones, micro-capteurs, etc.).

Atmo Normandie indique que de nouvelles conventions ont déjà été signées avec les industriels du Havre, de Port Jérôme et de l'Eure, ainsi qu'avec le SDIS 76 afin d'augmenter le nombre de canisters à disposition en cas d'incident, notamment avec un doublement du nombre de canisters pour les pompiers. Des actions de formation des utilisateurs de canisters sont également programmées. En outre, des canisters actionnables à distance ont été déployés dans 10 stations d'Atmo Normandie.

La commission partage naturellement ces recommandations et demeurera attentive aux moyens dévolus aux AASQA, ainsi qu'elle l'a déjà démontré lors de l'examen annuel du projet de loi de finances initiale 40 ( * ) .

C. DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES INTERVENUES À LA SUITE DE L'ACCIDENT, EN PARTICULIER SUR LE VOLET RÉGLEMENTAIRE

Dans le prolongement des enseignements tirés des travaux de retours d'expérience évoqués et pour prévenir un nouvel accident de même nature, la réponse du Gouvernement a conduit à des évolutions normatives et à la programmation de mesures opérationnelles , allant dans le sens souhaité par la commission d'enquête sénatoriale et correspondant, pour certaines évolutions, directement aux recommandations des sénateurs .

Ainsi, trois plans d'action ont été présentés et portés à titre principal par la ministre de la transition écologique :

- le 11 février 2020 , un plan en 4 axes pour améliorer la prévention des incendies et de l'adaptation de la gestion de crise ;

- le 24 septembre 2020 , avec l'ajout d'un 5 e axe au plan de février 2020 s'agissant de la culture du risque, afin de renforcer la protection des populations ;

- le 18 octobre 2021 , un plan d'action dédié au renforcement de la culture du risque, baptisé Tous résilients face aux risques .

Ces plans ont ensuite été déclinés par des mesures législatives , réglementaires et d'organisation des services .

La commission salue ces évolutions, qui concourent à une amélioration globale de la prévention des risques industriels.

1. Un premier plan d'action présenté en février 2020, complété en septembre 2020, pour améliorer la prévention des incendies et renforcer les exigences applicables aux exploitants

• Le 11 février 2020 , la ministre de la transition écologique a présenté un plan d'action organisé en 4 axes et annoncé la mise en consultation de plusieurs mesures réglementaires tirant les conséquences des recommandations des rapports d'inspection :

- Axe 1 -- Améliorer la prévention des risques industriels

L'objectif est notamment de renforcer la prévention des incendies dans les stockages et entrepôts de liquides inflammables et combustibles en garantissant l'adéquation des capacités de stockage GRV 41 ( * ) et de rétention des liquides inflammables et combustibles avec le risque incendie, la disponibilité sur site de quantités suffisantes d'émulseurs et la bonne maîtrise des risques par les exploitants et leurs sous-traitants.

La ministre a annoncé la suppression de la possibilité de « saucissonner » les installations, qui permet aux exploitants de disposer de plusieurs installations contiguës de stockage soumises à des régimes différents et donc d'obtenir un régime global moins contraignant pour l'établissement dans son ensemble, par exemple plusieurs régimes de déclaration plutôt qu'un enregistrement. Le but est d'appliquer de façon similaire les règles de sécurité pour l'ensemble des grands entrepôts , qu'ils soient soumis à enregistrement ou autorisation au titre du code de l'environnement, même s'il y a des stockages de matières relevant de plusieurs rubriques différentes. En parallèle, le seuil séparant le régime de l'enregistrement du régime de l'autorisation est augmenté.

Une action renforcée dans les installations bordant les sites Seveso est également annoncée, afin de vérifier l'absence d'effet domino , de même qu'un renforcement des échanges d'information entre sites industriels voisins. Enfin, les inspecteurs devront vérifier périodiquement que les exploitants ont bien mis en oeuvre leurs obligations réglementaires visant à rechercher les meilleures techniques disponibles de sécurité 42 ( * ) lors du réexamen des études de dangers. Les exploitants devront transmettre à l'administration un document recensant les nouvelles méthodes devenues fiables et économiquement accessibles, qui peuvent améliorer la sécurité.

- Axe 2 -- Anticiper et faciliter la gestion technique d'un accident

Afin de remédier aux difficultés révélées par l'accident de Lubrizol quant à la possibilité, pour les services de l'État et les intervenants de la sécurité civile, de disposer d'un état à jour des produits stockés et de leur composition en cas d'accident dans chaque site industriel, la ministre a annoncé l'obligation, pour les exploitants, d'opérer un suivi renforcé des matières présentes dans chacune des parties des sites qu'ils exploitent, dans un format adapté et facilement réutilisable. Ce suivi devra préciser pour ces matières les propriétés de dangers qu'elles présentent et les décrire clairement. L'inventaire administratif quotidien devra être complété d'un inventaire physique.

En outre, pour mieux identifier et prévenir les risques pour la santé et l'environnement, les exploitants devront intégrer, dans les études de danger, des informations concernant les produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie , incluant les produits de décomposition liés au bâtiment du site et aux contenants des produits.

La ministre a rappelé la nécessité de prévoir des fréquences d'exercice adaptées dans les sites Seveso seuil haut et les sites industries soumis à l'obligation de réaliser un plan d'opération interne (POI) ainsi que l'obligation d'adapter ces POI, pour qu'ils incluent la mention de la disponibilité d'équipements visant à mener les premiers prélèvements environnementaux en cas d'accident, le cas échéant dans le cadre d'une mutualisation entre plusieurs exploitants.

- Axe 3 -- Améliorer le suivi des conséquences sanitaires et environnementales de long terme

Dans le prolongement des nouvelles obligations applicables aux exploitants en matière d'analyses des produits susceptibles d'être émis par leurs sites en cas d'incendie, la ministre a annoncé son intention de renforcer le réseau des intervenants en situation post-accidentelle (RIPA) et de raccourcir les délais d'analyse .

Partant du constat d'un manque de performance sur les délais d'acheminement et d'analyse des prélèvements réalisés, la ministre souhaite une professionnalisation de l'ensemble du RIPA. En particulier, l' Ineris se voit confier la mission de proposer un dispositif de répartition géographique de moyens complémentaires , c'est-à-dire des équipements de pointe pour mesurer efficacement et rapidement les polluants émis dans l'atmosphère -- dont l'établissement devra assurer la coordination et le pilotage. S'agissant des modalités de recours à ces équipements, des partenariats avec les AASQA ou d'autres organismes sont envisagés pour l'hébergement et l'utilisation des moyens en cas d'accident. Les missions de la cellule d'appui aux situations d'urgence (CASU) de l'Ineris sont également étendues aux conséquences environnementales des accidents industriels. La ministre a également annoncé la poursuite du financement, par l'État et sur de « nombreuses années », des travaux de recherche permettant de fixer des normes toxicologiques de référence pour certains polluants ainsi que des travaux de court terme pour améliorer les banques de données disponibles sur les polluants les plus notables (dioxines, HAP, métaux lourds).

En outre, la ministre a souligné la « démarche assez innovante » mise en place après l'accident de Rouen s'agissant du suivi des impacts environnementaux sur les milieux et la biodiversité ainsi que sur les productions agricoles destinées à l'alimentation humaine. Des outils établis par les services des ministères de la transition écologique, de la santé et des solidarités permettront de partager les bonnes pratiques en la matière, l'objectif étant de « disposer d'une méthodologie de mise en oeuvre et d'une organisation type prévues à l'avance, si un accident d'une telle ampleur devait de nouveau survenir ».

Enfin, face aux pollutions immédiates occasionnées par l'incendie sur les sols et l'eau et aux odeurs désagréables, la ministre a annoncé que les plans d'opération interne (POI) devront désormais inclure des opérations de nettoyage et de remise en état du site après un accident majeur.

- Axe 4 -- Renforcer les contrôles et se doter des moyens d'enquête adaptés

Sur ce volet, la ministre a annoncé une augmentation de 50 % des inspections annuelles dans les ICPE d'ici la fin du quinquennat, pour passer de 18 000 à 25 000 contrôles, puis 27 000 en 2023.

Rappelant que la prévention des risques industriels repose « aussi sur l'engagement et le professionnalisme des inspecteurs » et que le nombre de contrôles a baissé de 40 % depuis 2006 , la ministre a en outre indiqué que « les effectifs affectés à la prévention des risques seront a minima stabilisés jusqu'à la fin du quinquennat » et qu'un travail sera engagé afin de préserver les compétences et l'attractivité des postes d'inspecteurs.

Enfin, la ministre a annoncé la mise en place d'un bureau d'enquête accidents dédié aux risques industriels (BEA-RI), qui pourra appuyer à la fois l'administration centrale et les services déconcentrés, afin de tirer les enseignements des accidents sur les volets technique et organisationnel.

Ces annonces ont été présentées aux sénateurs membres de la commission d'enquête lors de l'audition de la ministre de la transition écologique et solidaire le 26 février 2020 43 ( * ) , qui les ont accueillies favorablement même s'ils ont douté du réalisme de l'objectif d'une augmentation de 50 % des contrôles réalisés par les inspecteurs des ICPE d'ici la fin de l'année 2022. La ministre a justifié le réalisme de cette ambition, en rappelant que les effectifs de l'inspection des ICPE ont augmenté ces dernières années mais que le nombre de contrôles a diminué du fait d'une forte mobilisation des inspecteurs pour l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Aussi, cette augmentation semble pouvoir être réalisée « notamment par le biais d'allégements de tâches administratives » 44 ( * ) .

Toutefois, cinq mois plus tard, le 30 juin 2020, la ministre annonçait le renforcement des moyens de l'inspection des installations classées en dédiant 50 postes d'inspecteurs supplémentaires dès 2021 45 ( * ) .

S'agissant des inspections et des effectifs de l'inspection des ICPE, si la commission se réjouit de ces avancées, trois remarques s'imposent.

En premier lieu, l'augmentation annoncée des contrôles ne constitue en fait qu'un rattrapage par rapport à la situation de 2006 , qui constituait un « pic de vigilance » après la catastrophe d'AZF intervenue cinq ans plus tôt.

En second lieu, cette annonce constitue en fait la simple reprise d'une annonce antérieure , qui figurait dans les orientations stratégiques pluriannuelles pour l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement ( OSPIIC ) adoptées en février 2019 46 ( * ) .

En troisième lieu, la commission rappelle que cette annonce aura été concrétisée en deux ans et non « dès 2021 » comme l'avait affirmé la ministre. Le rapporteur pour avis sur les crédits de la prévention des risques, Pascal Martin, s'en était d'ailleurs ému dans ses deux avis budgétaires sur les projets de loi de finances pour 2021 et 2022 47 ( * ) .

• Le 24 septembre 2020 , dans le prolongement de ces premières communications et à l'occasion d'un point sur les actions menées depuis un an pour améliorer la prévention des accidents industriels et renforcer la protection des populations, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'intérieur ont présenté de nouvelles actions .

Cette séquence intervenait au moment de la publication des premiers textes réglementaires tirant les leçons de l'accident ( voir ci-dessous 2) du B du I ).

Tirant les conséquences de la seconde mission inter-inspections conduite plus particulièrement sur la gestion de crise , le Gouvernement a complété son plan d'action et ajouté un cinquième axe à son plan intitulé « renforcer la culture du risque et de la transparence ».

En premier lieu, le ministre de l'intérieur a annoncé le déploiement, sur l'ensemble du territoire national, du dispositif FR-ALERT visant, en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle, à alerter et informer les populations, en temps réel et dans la durée par téléphone mobile ( cell broadcast ), assorti d'un plan de sensibilisation et d'information des populations sur cet outil. Ce dispositif interviendra en complément du système d'alerte et d'information aux populations ( SAIP ), qui repose sur les sirènes et demeurera en vigueur.

En second lieu, la ministre de la transition écologique a annoncé le lancement d'une nouvelle mission visant à modifier les outils de concertation, mieux impliquer les populations et à développer la culture du risque et de la sécurité industrielle .

Dans ce cadre et conformément aux textes parus le 24 septembre 2020, la ministre a annoncé que les résultats des contrôles réalisés par l'inspection des ICPE seraient publiés systématiquement d'ici le 1 er janvier 2022, afin de renforcer l'information du public.

Enfin, la ministre a mis en avant le dispositif de « vigilance renforcée », dont la mise en oeuvre doit être assurée par les inspecteurs des ICPE. L'objectif est de cibler les sites qui font l'objet d'incidents, d'accidents réguliers ou de non-conformités récurrentes .

2. Des annonces concrétisées dans des évolutions législatives et réglementaires dispersées mais significatives et traduisant une réelle volonté de tirer les leçons de l'accident

Les évolutions présentées par le Gouvernement en février puis en septembre 2020 ont conduit à des évolutions normatives , traduisant une réelle volonté de tirer les leçons de l'accident.

Si la dispersion de ces mesures dans une pluralité de textes, qui plus est de niveau normatif différent (lois de finances, lois ordinaires, décrets, arrêtés), rend difficile leur appréhension globale, la commission considère que ces évolutions sont significatives et permettent de répondre à de nombreux enjeux de sécurité industrielle et d'information du public mis en lumière par cet accident.

a) Trois salves de textes réglementaires pour remédier aux failles mises en lumière par l'accident de Rouen

Les évolutions réglementaires post-Lubrizol ont été prises en trois temps : d'abord, en septembre 2020 , puis en décembre 2020 et enfin en septembre 2021 . Elles ont été complétées par la mise à disposition des exploitants de guides pratiques visant à assurer leur bonne application.

• En septembre 2020 , deux décrets et cinq arrêtés ont été publiés au Journal officiel et sont entrés en vigueur au 1 er janvier 2021. Ces textes renforcent substantiellement les prescriptions applicables aux ICPE, afin d'assurer une meilleure prévention des accidents et en particulier du risque incendie. Ils concernent les sites Seveso , les ICPE soumises à autorisation et les grands entrepôts . Ils s'appliquent depuis le 1 er janvier 2021 aux installations nouvelles et aux installations existantes avec des délais de mise en conformité échelonnés jusqu'en 2026 .

Dispositions applicables aux sites Seveso

Le décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 48 ( * ) clarifie les obligations d' échanges d'informations et de coopération entre établissements Seveso voisins et avec les activités situées à proximité de ces sites. Il précise notamment les catégories d'information tenues à la disposition du public, la manière avec laquelle les programmes d'inspection des établissements Seveso doivent être conçus, les objectifs et le contenu des plans d'opération interne (POI) ainsi que le contenu du rapport post-accident exigé de l'exploitant. En outre, lors du réexamen quinquennal des études de dangers (ED), l'exploitant devra recenser les innovations, solutions et investissements technologiques réalisables pour son installation à coût économiquement acceptable et permettant une amélioration significative de la maîtrise des risques . Des prescriptions renforcées s'appliquent également à la politique de prévention des accidents majeurs définie à l'article L. 515-33 du code de l'environnement, qui impose à l'exploitant d'élaborer un document dédié à cette problématique, pour assurer un niveau élevé de protection de la santé publique et de l'environnement. Enfin, ce décret fixe des fréquences minimales d'exercices renforcées pour les ICPE concernées : des exercices devront avoir lieu tous les trois ans pour les établissements soumis à POI et tous les ans pour les sites Seveso seuil haut.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 49 ( * ) adapte et complète les dispositions communes aux sites Seveso. Il détaille le contenu des plans d'opération interne (POI) , notamment s'agissant des moyens et méthodes prévus pour la remise en état et le nettoyage de l'environnement après un accident majeur, ainsi que les dispositions assurant la disponibilité d'équipements pour mener les premiers prélèvements et analyses environnementaux en cas d'accident. L'étude de dangers devra mentionner les produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie et l'exploitant devra tenir à la disposition des inspecteurs les rapports de son assureur concernant les mesures de prévention et de maîtrise des risques. Le personnel intervenant sur les sites Seveso, y compris le personnel des entreprises extérieures, devra recevoir une formation en matière de prévention des risques . Enfin, pour les sites Seveso seuil bas, l'élaboration d'un POI est rendue obligatoire à compter du 1 er janvier 2023, de même que la réalisation d'exercice tous les trois pour tester ce plan.

Dispositions applicables aux stockages de liquides inflammables et combustibles

L' arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables 50 ( * ) renforce les prescriptions relatives au stockage de liquides inflammables et de liquides combustibles en récipients mobiles, tant en extérieur que dans les stockages couverts pour toutes les ICPE soumises à autorisation . Ce nouvel arrêté permet d'améliorer substantiellement la prévention du risque incendie en encadrant davantage les liquides combustibles. À titre d'exemple, il est demandé à l'exploitant de prévoir à l'avance les moyens de se procurer une quantité complémentaire d'eau , en faisant appel au besoin à des établissements voisins, et d'intégrer une marge forfaitaire de 20 % sur les besoins en eau et en émulseurs.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 3 octobre 2010 51 ( * ) tend à renforcer les prescriptions applicables aux capacités de rétentions et de rétentions déportées dans les ICPE soumises à autorisation des rubriques concernées 52 ( * ) . Il encadre en particulier le stockage des liquides avec des mentions de danger H224-H225-H226, non classés au titre d'une rubrique de liquides inflammables, ainsi que des déchets liquides inflammables HP3. Enfin, il prévoit des mesures pour renforcer l'étanchéité des cuvettes pour les installations existantes.

Dispositions applicables aux entrepôts de matières combustibles

Le décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 53 ( * ) étend le régime d'enregistrement pour plusieurs rubriques 54 ( * ) et vise à considérer le classement au niveau de l'entrepôt dans son ensemble afin d'éviter les doubles classements et l'abaissement global du niveau de prévention des risques. Ce décret intègre également des évolutions proposées par le rapport Daher-Hémar sur la compétitivité de la chaîne logistique 55 ( * ) , qui recommandait de diminuer les délais de construction et d'instruction des dossiers d'autorisations administratives d'au moins 6 mois, pour les rendre équivalentes à ceux de l'Europe du Nord.

Ainsi, ce décret modifie les règles de soumission à évaluation environnementale systématique des projets en raison des surfaces construites , en la recentrant sur les projets de plus de 40 000 m 2 d'emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40 000 m 2 de surface de plancher, quelle que soit la nature du lieu d'implantation, dans un objectif de lutte contre l'artificialisation des sols. Le seuil d'autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 (installations pourvues d'une toiture dédiées au stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes) est relevé à 900 000 m 3 ou 40 000 m 2 au sol en zone non urbanisée. Le régime d'autorisation pour la rubrique 1532 (bois ou matériaux combustibles analogues) concernera désormais les stockages de plus de 50 000 m 2 de produits susceptibles de dégager des poussières inflammables. Enfin, le régime d'autorisation est supprimé pour les rubriques 1511 (entrepôts frigorifiques), 1530 (papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues), 2262 (stockage de polymères) et 2663 (stockage de pneumatiques et produits composés d'au moins 50 % de polymères). La procédure de soumission à évaluation environnementale au cas par cas est toutefois maintenue.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 56 ( * ) renforce les prescriptions actuelles et en crée de nouvelles pour les entrepôts. Il étend les dispositions relatives à l'état des matières stockées ( voir ci-dessous ) à tous les entrepôts relevant des régimes d'autorisation et d'enregistrement. L'obligation d'un plan de défense incendie à tous les entrepôts , quel que soit leur régime administratif 57 ( * ) . Il applique à l'ensemble des entrepôts l'interdiction à terme des récipients mobiles susceptibles de fondre pour stocker les liquides inflammables non miscibles à l'eau (rubriques H224 et H225).

Dispositions applicables à l'état des matières stockées

L' arrêté du 24 septembre 2020 58 ( * ) modifiant l'arrêté du 4 octobre 2010 prévoit à titre principal l'exigence, pour les exploitants de sites Seveso, de sites de tri-transit et regroupement des déchets dangereux, de sites de stockage de liquides inflammables, de l'ensemble des installations et entrepôts relevant du régime d'autorisation et certains entrepôts soumis à enregistrement, de tenir à jour un état des matières stockées , y compris les matières combustibles non dangereuses ou ne relevant pas d'un classement au titre de la nomenclature des ICPE. L'exploitant devra disposer des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses qu'il entend stocker avant leur réception . Ces documents devront être facilement accessibles et tenus en permanence à la disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des ICPE et des autorités sanitaires . L'arrêté prévoit que l'état des matières stockées doit être mis à jour a minima de manière quotidienne et recalé périodiquement avec un inventaire physique, au moins annuellement .

Commentant et présentant l'ensemble de ces évolutions réglementaires lors de son audition devant la commission, la ministre de la transition écologique a indiqué : « des investissements doivent être réalisés pour rationaliser le stockage de produits inflammables, augmenter les capacités de rétention des liquides et renforcer les capacités d'extension. Le calendrier mène à 2026 , car il s'agit d'investissements qui doivent être pensés et préparés correctement à l'échelle du site entier. Cela prend un peu de temps . On limite ainsi à la fois les risques de naissance d'un incendie et de propagation à des sites voisins par un effet domino ».

• En décembre 2020 , la ministre de la transition écologique a pris un arrêté visant à traduire l'annonce, faite en février 2020, de la création d'un bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) 59 ( * ) .

Créé sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN) placé auprès du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable ( CGEDD ), le BEA-RI a pour mission de « conduire des enquêtes techniques à la suite des principaux accidents intervenant dans une installation classée pour la protection de l'environnement, une mine, une infrastructure de transport de matières dangereuses [...] , sur un réseau de transport ou de distribution de fluide 60 ( * ) ou sur un équipement à risque ».

L'objectif de son action est de « déterminer les causes certaines ou possibles de l'accident » et d'établir des recommandations , le cas échéant, à l'intention des exploitants et des autorités chargées des contrôles. Il constitue la réplique, pour la politique de prévention des risques industriels, de structures comparables mises en place dans d'autres champs de l'action publique 61 ( * ) . Ses rapports d'enquête devront être mis à disposition du public .

Une instruction du Gouvernement en date du 22 janvier 2021 62 ( * ) précise que le BEA-RI pourra intervenir en liaison avec les BEA « transports » sur une infrastructure de transport de matières dangereuses au sens de l'article L. 551-2 du code de l'environnement (port, gare de triage). Il pourra également faire appel aux services déconcentrés de l'État et aux établissements publics compétents, comme l'Ineris. L'instruction rappelle d'une part, que l'enquête technique du BEA-RI est indépendante de la gestion de crise et que celui-ci n'a pas vocation à intervenir dans les opérations de secours et, d'autre part, que son action n'entre pas dans le champ des enquêtes judiciaires et administratives qui pourraient avoir lieu, le cas échéant, en cas d'accident industriel.

Cette instruction prévoit que le BEA-RI devra procéder à une enquête technique systématique pour tous les principaux accidents intervenant sur des installations Seveso , relevant de l'annexe 6 de la directive Seveso qui impose une notification à l'Union européenne, soit une demi-douzaine d'accidents par an selon le Gouvernement. En complément, le BEA-RI pourra intervenir sur une dizaine d'accidents ou d'incidents « significatifs », qui présentent une complexité particulière ou dont l'analyse permettrait de tirer un retour d'expérience intéressant.

Artisan de la préfiguration de ce nouveau BEA, Jérôme Goellner 63 ( * ) , ingénieur général des mines, a été nommé directeur du bureau , poste qui doit être occupé par un membre permanent du CGEDD selon les termes de l'article 3 de l'arrêté du 9 décembre portant création du BEA-RI.

Lors de son audition devant la commission, le 27 octobre 2021, la ministre de la transition écologique a indiqué que le BEA-RI avait déjà ouvert 17 enquêtes approfondies sur des accidents industriels en France 64 ( * ) , dont 8 achevées. Pour la conduite de ses missions, le BEA dispose de 5 agents .

La commission demeurera attentive aux moyens dont dispose le BEA-RI pour accomplir ses missions.

• En septembre 2021 , trois arrêtés ont été pris afin de compléter les mesures prises un an plus tôt et de corriger certaines inexactitudes s'agissant des ICPE soumises à autorisation . Leurs dispositions sont entrées en vigueur au 1 er janvier 2022 , sauf pour l'arrêté modifiant l'arrêté de septembre 2020 pour les ICPE soumises à autorisation, qui est entré en vigueur le lendemain de sa publication.

Deux arrêtés déclinent, pour les ICPE soumises à déclaration 65 ( * ) et à enregistrement 66 ( * ) des rubriques concernées 67 ( * ) , les dispositions de l'arrêté du 24 septembre 2020 précité relatives au renforcement de l'encadrement des stockages de liquides inflammables dans les ICPE soumises à autorisation, notamment pour le stockage en récipients mobiles, tant en extérieur que dans les stockages couverts. L'objectif est à la fois d'améliorer la prévention du risque incendie et de prévenir les pollutions des eaux ou des sols .

Au-delà des prescriptions relatives à la hauteur de stockage des liquides inflammables, l' obligation de se munir d'un plan de défense incendie (au 1 er janvier 2024 pour les sites soumis à déclaration) ou de compléter ce plan s'il existe (au 1 er janvier 2024 pour les sites soumis à enregistrement et au 1 er janvier 2027 pour la mise à jour de la stratégie incendie dans ces suites), ou encore de renforcer la conception et l'entretien des systèmes d'extinction automatiques d'incendie (1 er janvier 2022 pour les sites soumis à déclaration et entre le 1 er janvier 2022 et le 1 er janvier 2027 en fonction des sites soumis à enregistrement), ces mesures prévoient également la remise d'une étude par les exploitants avant le 1 er janvier 2027 visant à maîtriser les effets thermiques potentiels en cas d'incendie.

Les délais d'entrée en vigueur de ces obligations s'échelonnent entre le 1 er janvier 2022 et le 1 er janvier 2027 avec des étapes intermédiaires importantes parmi lesquelles, à titre d'exemple :

- au 1 er janvier 2024 , l'entrée en vigueur de l'interdiction du stockage de liquides inflammables de catégorie 1 en contenants fusibles de type récipients mobiles de volume unitaire supérieure à 30 litres dans les sites soumis à déclaration et pour les sites soumis à enregistrement ;

- au 1 er janvier 2025 , l'entrée en vigueur des nouvelles obligations applicables à en matière de réserves d'émulseurs pour les sites soumis à déclaration ;

- au 1 er janvier 2026 et au 1 er janvier 2027 , selon les sites, l'entrée en vigueur des nouvelles obligations en matière de surveillance en dehors des heures d'exploitation des installations contenant des liquides inflammables en récipients mobiles soumises à déclaration ou soumises à enregistrement .

Un troisième arrêté 68 ( * ) ajuste plusieurs dispositions des arrêtés du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables exploités au sein d'une ICPE soumise à autorisation , pour tenir compte des points d'ombre identifiés lors de l'élaboration des guides d'accompagnement de la mise en oeuvre des textes.

Au total, selon les calculs effectués par France Chimie , l'ensemble de ces nouvelles prescriptions applicables aux ICPE :

- devraient concerner au total 2300 entrepôts et 2500 sites soumis à autorisation ou classés Seveso ;

- représenteraient un coût total allant de 1 à 3 milliards d'euros , dont 450 millions d'euros sur 6 ans spécifiquement pour le secteur de la chimie.

b) Des mesures législatives prises dans des textes très différents

En complément des mesures réglementaires précitées, pas moins de 8 lois entrées en vigueur au cours des deux dernières années ont permis d'apporter des réponses à des problématiques identifiées dans le cadre des retours d'expérience de l'accident de Rouen.

• Sur le volet du renforcement de la prévention des risques industriels et technologiques et de la culture de la sécurité :

- la loi du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque 69 ( * ) prévoit désormais, dans la partie législative du code de l'éducation, une sensibilisation de tous les élèves à la prévention des risques ;

- la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a permis la création de 30 postes d'inspecteurs des ICPE supplémentaires 70 ( * ) et a prolongé jusqu'au 31 décembre 2024 le crédit d'impôt en faveur des ménages qui réalisent des aménagements et travaux liés à la mise en oeuvre des prescriptions imposées par les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) 71 ( * ) ;

- la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience » a permis de doter le bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) des moyens nécessaires à ses missions et de clarifier l'articulation de son action avec d'éventuelles enquêtes judiciaires diligentées sur les mêmes accidents 72 ( * ) . Elle a également autorisé le recours à des drones par l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement dans le cadre de l'exercice de ses missions de police environnementale 73 ( * ) , mis en cohérence le code de l'environnement et le code général des impôts pour permettre le financement par les exploitants et les collectivités des travaux applicables aux contribuables propriétaires de leurs logements, rendus nécessaires par les prescriptions d'un PPRT. Par ailleurs, elle a ouvert la possibilité pour le juge d'ordonner des mesures de remise en état, de mise en conformité des lieux ou ouvrages et de démolition totale ou partie en cas d'infractions en matière environnementale ainsi qu'en cas d'infractions aux règles d'urbanisme, dans le cadre des procédures de reconnaissance préalable de culpabilité et d'ordonnance pénale 74 ( * ) ;

- la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels 75 ( * ) dite « Matras » renforce les exigences applicables en matière d' exercices de sécurité civile dans le cadre des plans communaux de sauvegarde ( PCS ) et prévoit l'élaboration obligatoire d'un plan intercommunal de sauvegarde ( PICS ) dès lors qu'un EPCI à fiscalité propre compte au moins une de ses communes membres soumise à l'obligation de réaliser un PCS ;

- la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école 76 ( * ) impose aux écoles de disposer d'un plan contre les risques majeurs ;

- la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a permis la création de 20 postes d'inspecteurs des ICPE supplémentaires 77 ( * ) .

• Sur le volet de l'amélioration de l' information , de la participation du public et de l'alerte des populations :

- la loi « Matras » du 25 novembre 2021 précitée prévoit 78 ( * ) plusieurs dispositions relatives à la mise à disposition du public d'informations sur les risques majeurs et modifie les modalités de création des commissions de suivi de site (CSS) ;

- la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européen en matière économique et financière dite « DDADUE » a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer le code des communications électroniques européen 79 ( * ) , afin, notamment de mettre en oeuvre nos obligations européennes relatives à l'alerte des populations en cas de crise majeure ;

- l' ordonnance du 26 mai 2021 portant transposition de la directive établissant le code des communications électroniques européen a modifié le code des postes et des communications électroniques pour inscrire, dans les obligations des opérateurs de télécommunications, l'acheminement gratuit des communications des pouvoirs publics visant à alerter les populations notamment en cas d'urgence, d'accident, de sinistre ou de catastrophe 80 ( * ) . Cette ordonnance a été ratifiée dans le cadre de la loi « Matras » 81 ( * ) .

• Sur le volet du durcissement de la répression des atteintes à l'environnement :

- la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, a mis en place plusieurs outils pour renforcer l'efficacité de la réponse pénale en matière de lutte contre les atteintes à l'environnement 82 ( * ) ;

- la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a enrichi notre droit de nouvelles dispositions visant à sanctionner pénalement les atteintes à l'environnement et à la santé 83 ( * ) , avec la création d'un délit général d'atteinte aux milieux physiques (eau, sol, air).

La commission se réjouit que les enseignements de l'accident des usines Lubrizol et NL Logistique aient été tirés au plan législatif et relève que le Sénat a pris toute sa part dans ces évolutions. Elle souligne l'importance de respecter les délais prévus pour la mise en oeuvre des nouvelles prescriptions applicables aux exploitants, qui s'échelonnent jusqu'en 2026, et appelle à une mise en oeuvre précoce de ces prescriptions dans le cas où cela serait possible et cohérent.

3. Des instructions ministérielles aux services d'inspection qui intègrent les retours d'expérience post-Lubrizol

En complément et à l'appui des évolutions légales et réglementaires précitées, le Gouvernement a adressé des directives aux services centraux et déconcentrés , pour intégrer dans leurs programmes d'actions, des mesures tirées du retour d'expérience post-Lubrizol.

• D'abord, la ministre de la transition écologique et solidaire a adressé une instruction en date du 2 octobre 2019 aux services déconcentrés relative aux premières mesures à prendre à la suite de l'accident survenu dans l'entreprise Lubrizol. Elle y demande à ses services de :

- rappeler aux exploitants d'établissements Seveso seuils haut et bas « leur pleine responsabilité sur la conformité de leurs installations au regard des engagements pris dans leur étude de dangers » ;

- d'inviter les exploitants « à prêter une attention particulière au caractère opérationnel des mesures de prévention, limitation et protection d'un accident , et notamment d'un incendie, et de leur demander de s'assurer à nouveau de la connaissance par tous les opérateurs des risques présentés par les installations et les attitudes à tenir en cas d'alerte » ;

- de demander aux exploitants de prévoir des exercices de préparation aux situations d'urgence pendant les périodes nocturnes ;

- et de « sensibiliser les exploitants sur l'importance du partage de la connaissance des risques accidentels », impliquant notamment de connaître avec précision la nature et les quantités maximales de produits, substances et mélanges présents dans leurs établissements.

• Ensuite, la ministre de la transition écologique a inscrit dans les priorités de l'inspection des ICPE 2021 et 2022 des actions nationales visant à traduire sur le terrain les mesures décidées tant dans les plans d'action qu'à travers les évolutions réglementaires et législatives précitées :

- l' instruction du 31 décembre 2019 prévoit, pour l'année 2020, une action systématique sur le contrôle du dimensionnement et de la conception des zones de rétention des produits et des conduites d'écoulement des fluides collectés par ces rétentions , tant à l'intérieur des bâtiments que pour les stockages en extérieur.

L'objectif est de « confronter les éléments présentés par l'exploitant dans des documents comme les études de dangers, avec la réalité du terrain , pour apprécier l'effectivité des mesures prises pour limiter les conséquences d'un incendie de liquides inflammables ou de liquides combustibles ». La ministre demande à ses services de prévoir un nombre de visites au moins égal à trois fois le nombre de départements de la région.

- l' instruction du 15 décembre 2020 mentionne ainsi, pour l'année 2021, le déploiement du dispositif de « vigilance renforcée » annoncé par la ministre pour les sites industriels faisant l'objet d'incidents, d'accidents réguliers ou non-conformités. Six exploitants concernés en particulier ont remis un plan d'action, rendu public, qui fera l'objet d'un suivi de la part des services.

Dans ce cadre, les services de l'État doivent demander aux exploitants concernés de réaliser des plans d'actions spécifiques , dont la mise en oeuvre devra être contrôlée par les inspecteurs.

Dans la rubrique des « Actions systématiques » demandées aux inspecteurs au titre des « Orientations thématiques des visites d'inspection », figure également une demande d' action sur la « bande des 100 mètres autour des sites Seveso » . Toutes les installations classées implantées à moins de 100 mètres des sites Seveso devront être inspectées pour « identifier d'éventuelles installations sensibles implantées à proximité des limites de site présentant des risques d'effets dominos ».

La ministre demandait en particulier une attention particulière aux installations dans ce même périmètre de 100 mètres qui ont fait l'objet d'un droit d'antériorité à l'occasion de changement de nomenclature des installations classées ou qui sont classées sous le régime déclaratif. L'instruction précise que « cette action a été engagée en 2020 et se déroule sur trois ans, 2020-2021-2022 ».

Ce point avait d'ailleurs été relevé par la commission d'enquête du Sénat, du fait de la situation de l'entreprise Normandie Logistique.

Enfin, l'instruction rappelle la nécessité de vérifier la réalité des contrôles périodiques sur les installations soumises à déclaration , qui doivent être effectués à la demande de l'exploitant par un organisme agréé selon la procédure prévue par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement 84 ( * ) . Elle fixe un objectif de trois inspections par département de la région pour l'année 2021 , ce qui semble assez faible ;

- l' instruction du 22 décembre 2021 prescrit, pour l'année 2022, des actions s'inscrivant dans le prolongement de celles réalisées ou prévues en 2021.

Ainsi, la ministre demande la publication des suites des inspections menées dans les ICPE sur le nouveau système d'information des services de la prévention des risques industriels (GUN S3IC), conçu comme guichet unique numérique environnemental. Les services devront également achever les contrôles demandés dans la bande des 100 mètres autour des sites Seveso, prévus pour être réalisés sur la période 2020-2022.

En outre, trois nouvelles actions liées au retour d'expérience de l'accident de Lubrizol sont demandées aux services déconcentrés.

D'abord, le contrôle du recours à la sous-traitance dans les sites classés Seveso , « si possible en lien avec l'inspection du travail ». L'objectif fixé par la ministre est un nombre de contrôles de trois fois le nombre de départements de la région . Il est demandé aux inspecteurs de mener des actions ciblées visant à contrôler la réglementation applicable à la sous-traitance 85 ( * ) concernant la formation et la sensibilisation aux risques, la maîtrise des procédures d'exploitation et la maîtrise des procédures d'urgence. L'attention doit en particulier être portée sur les activités directement liées à l'unité de production, à la maintenance ou aux contrôles effectués sur les sites, mais les autres activités comme le gardiennage et l'entretien des abords de l'installation ne sont pas concernés.

Ensuite, la prévention du risque incendie dans les installations de traitement de surface , qui ont pris une ampleur importante ces derniers mois. De la même manière, il est demandé de réaliser un nombre de visites au moins égal à trois fois le nombre de départements de la région . Dans l'attente des recommandations du BEA-RI, la ministre demande une action sur les installations soumises à autorisation ou enregistrement, visant à prévenir les incendies et leur propagation (vérification des installations électriques, systèmes de désenfumage, détection incendie ou encore moyens de lutte et confinement des eaux incendie).

Enfin, l'instruction mentionne la nécessité de renforcer substantiellement la surveillance des rejets en continu dans l'air des ICPE , soulignant que « des dérives ont été remontées de la part de l'inspection concernant les concentrations mesurées pour les rejets dans l'air entre les appareils de mesure en continu des installations et les contrôles réglementaires de rejets atmosphériques réalisés par des organismes agréés ». Le même objectif est fixé par la ministre en termes de nombre de contrôles, par rapport aux deux mesures précédemment évoquées.

• La commission constate que le ministère de la transition écologique a bien intégré la nécessité de tirer les conséquences, sur le terrain, des retours d'expérience post-Lubrizol.

Elle s'inquiète cependant du retard pris dans le déploiement du système informatique GUN S3IC, censé permettre de libérer les inspecteurs des ICPE de certaines tâches chronophages de suivi et de pilotage . Ce retard pourrait être préjudiciable à l'atteinte, par les services, des objectifs qui leur sont fixés en termes d'augmentation du nombre de contrôles sur les sites industriels.

Ainsi, après avoir annoncé, dans son instruction de décembre 2020 , que « l'année 2021 verra la mise en place du nouveau système d'information des installations classées GUN S3IC qui permettra une gestion et un suivi fluidifié des procédures liées à ces installations », qui complète la mise en place de la téléprocédure pour toutes les autorisations environnementales, la ministre a pris acte de ce retard dans son instruction de décembre 2021 selon laquelle « l'année 2022 verra la mise en place du nouveau système d'information des installations classées GUN S3IC qui permettra une gestion et un suivi fluidifié des procédures liées à ces installations ». D'ailleurs, dans sa circulaire pour l'année 2022, la ministre indique que « la migration correcte vers ce nouveau système sera une tâche importante de l'année », ce qui signifie qu'elle prendra du temps aux services, au-delà du temps nécessaire à sa prise en main.

4. Un plan spécifique pour renforcer la culture de la sécurité

Sur le volet de la culture de la sécurité , conformément à l'annonce de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'intérieur en date du 24 septembre 2020, une mission présidée par Frédéric Courant et réunissant cinq experts a rendu ses propositions en juin 2021 ( voir recommandations de la mission en annexe ). S'agissant de l'accident de Rouen , la mission a noté que « si défiance il y a eu à Rouen, c'est d'abord celle des autorités à l'encontre de la population. Celle-ci demeure, dans l'imaginaire des services de l'État comme chez nombre d'experts, fondamentalement irrationnelle, sujette à des réactions émotives, peu douée de raison en situation de crise ».

Ce rapport souligne opportunément la multiplicité et l'intensité des risques auxquels la France est exposée. À titre d'exemple et de rappels :

- 35 000 personnes vivent dans le périmètre de l'un des 389 PPRT mis en place à partir de 520 sites industriels assujettis à cette obligation ;

- 1 Français sur 4 est exposé à au moins un risque naturel ;

- 9 millions d'emplois sont concernés par d'éventuels débordements de cours d'eau et 850 000 emplois par des submersions marines ;

- 17,1 millions d'habitants permanents sont exposés aux différentes conséquences des inondations par débordement de cours d'eau, dont 16,8 millions en métropole ;

- 1,4 million d'habitants sont exposés au risque de submersion marine et, dans ces zones, 20 % des habitations sont de plain-pied .

Ce rapport a été prolongé par un plan d'action , présenté par la ministre de la transition écologique le 18 octobre 2021.

L'utilité pratique de la culture du risque n'est plus à démontrer quand on rappelle, par exemple, que 90 % des départs de feux de forêt sont d'origine humaine (jet de mégot, barbecue en forêt...) ou qu'il faut s'abstenir en cas d' inondation de circuler en voiture ou de descendre son véhicule dans un parking.

Si la mission de Frédéric Courant n'avait pas souhaité formuler de propositions législatives, certaines propositions inscrites dans le plan Tous résilients face aux risques présenté par la ministre nécessitent des évolutions législatives. La feuille de route du plan gouvernemental comporte six propositions :

- créer ou identifier une structure pérenne telle qu'une association existante afin de promouvoir la culture de la résilience auprès de l'ensemble des acteurs (citoyens, collectivités, entreprises) ;

- organiser une journée nationale de la résilience face aux risques naturels et technologiques le 13 octobre de chaque année ;

- mettre en valeur les collectivités qui conduisent des actions de pédagogie et d'information via le label « Résilience France collectivités » ;

- développer et adapter la plateforme Géorisques pour en faire le site de référence sur la promotion de la culture de la résilience, en y diffusant des contenus éducatifs et ludiques ainsi que les informations aujourd'hui contenues dans les DDRM et les DICRIM précités ;

- réformer les dispositifs législatifs et réglementaires pour privilégier une information individuelle et pédagogique sur les risques, en renforçant le dispositif « information acquéreur locataire », en rendant obligatoire l'élaboration d'un plan communal de sauvegarde ( PCS ) pour toutes les communes exposées à un risque majeur (inondation, séisme, cyclone, volcanisme, feu de forêt), en allégeant le fonctionnement des CSS et en rendant optionnelles leurs réunions actuellement prévues par le code de l'environnement dans certains cas et en rendant plus opérationnels les secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles et des risques ( SPPPI ) ;

- mettre en place une charte graphique unique sur l'ensemble du territoire pour donner une cohérence visuelle à l'ensemble des messages de prévention.

La commission salue cette forte mobilisation autour des enjeux de sécurité civile et appelle de ses voeux le prolongement de ces actions, qui concourent à développer et enrichir notre culture de la sécurité. Elle demeure toutefois dubitative quant à la mise en oeuvre du plan présenté par la ministre de la transition écologique. Celle-ci nécessite en effet des évolutions législatives que le calendrier électoral ne permettra pas de faire aboutir rapidement. Elle suppose également des actions fortes de terrain , dont le succès repose sur un engagement et une mobilisation coordonnés de nombreux acteurs , ce qui supposera, notamment pour les collectivités territoriales, d'engager des moyens techniques et financiers dont le chiffrage est difficile à établir en l'état.

II. AVEC UN TAUX DE REPRISE DES RECOMMANDATIONS DE PRÈS DE 80 %, LE RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT N'EST PAS RESTÉ LETTRE MORTE

L'analyse des initiatives prises en réponse aux travaux de la commission d'enquête met en lumière que près de 80 % des recommandations formulées par les sénateurs ont trouvé une traduction , certaines étant soldées et d'autres appelant des mesures complémentaires (juridiques, financières, actions de terrain), principalement à travers :

- des évolutions législatives et réglementaires portant sur les conditions d'exploitation des activités industrielles, la politique de prévention des risques industriels et l'alerte des populations ;

- la définition de mesures infra-réglementaires (plans d'actions, circulaires, instructions aux services, analyses et études) visant à améliorer et augmenter les contrôles des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), à soutenir des initiatives publiques et privées concourant au renforcement de la culture collective de la sécurité industrielle et à suivre les conséquences environnementales et sanitaires de l'accident.

Lors de son audition devant la commission, le 27 octobre 2021, la ministre de la transition écologique a indiqué que « le plan d'action [du Gouvernement] coïncide largement avec les 42 recommandations formulées par la commission d'enquête sénatoriale . Je me réjouis de pouvoir vous indiquer d'ores et déjà que 37 d'entre elles sont soldées ou en cours de mise en oeuvre ».

A. CULTURE DU RISQUE : 83 % DE TAUX DE REPRISE, DONT 50 % D'ACTIONS NÉCESSITANT DES COMPLÉMENTS, ET 1 PROPOSITION NON REPRISE

Proposition 1 : inscrire la formation aux risques industriels dans le code de l'éducation.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé/ à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : il s'agit d'une évolution positive à mettre en oeuvre dès l'année scolaire en cours. Un bilan devra être fait à partir des retours des enseignants et des élèves, avant d'envisager des évolutions complémentaires.

Initialement, le Gouvernement prévoyait de ne pas donner suite à cette proposition de modification législative, considérant que les actions de terrain annoncées par la ministre sur le volet « culture de la sécurité » du retour d'expérience post-Lubrizol 86 ( * ) suffiraient.

Toutefois, plusieurs dispositions ont été adoptées par le Parlement depuis 2020. Ainsi :

- l' article 2 de la loi du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur 87 ( * ) , lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent a modifié l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation pour prévoir que désormais « tout élève bénéficie, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes de premiers secours » ;

- l' article 6 de la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école 88 ( * ) a enrichi le code de l'éducation par un article L. 411-4, pour prévoir désormais que « chaque école dispose d'un plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et des personnels ». Ce plan doit être établi et validé conjointement par l'autorité académique, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur donne son avis, peut faire des suggestions de modifications au regard des spécificités de son école, assure la diffusion de ce plan auprès de la communauté éducative, le met en oeuvre et organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité.

Proposition 2 : organiser régulièrement des exercices grandeur nature, notamment inopinés, qui associeront l'ensemble de la population.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé/ à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : il s'agit d'une évolution positive à prolonger et à mettre en oeuvre sur le terrain.

L' article 11 (2° du I) de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels 89 ( * ) a modifié le code de la sécurité intérieure pour prévoir :

- d'une part, s'agissant du plan communal de sauvegarde ( PCS ), que sa mise en oeuvre doit faire l'objet, tous les cinq ans au moins, d'un exercice associant les communes et les services concourant à la sécurité civile ainsi que « dans la mesure du possible », la population. L'intervention d'un décret pris après avis de l'Association des maires de France, de l'Association des maires ruraux de France et de l'Assemblée des communautés de France est prévue pour déterminer les modalités d'organisation de cet exercice (article L. 731-3) ;

- d'autre part, s'agissant du plan intercommunal de sauvegarde ( PICS ) que sa mise en oeuvre doit également faire l'objet, tous les cinq ans au moins, d'un exercice dans les mêmes conditions que pour le PCS (nouvel article L. 731-4).

En outre, le décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 fixe des fréquences minimales d'exercices renforcées pour les établissements Seveso : des exercices devront avoir lieu tous les trois ans pour les établissements soumis à POI, notamment les sites Seveso seuil bas qui sont désormais soumis à l'obligation de réaliser un POI, et tous les ans pour les sites Seveso seuil haut.

Proposition 3 : développer les initiatives de type « portes ouvertes » dans les usines du territoire afin qu'elles deviennent actrices de la diffusion de la culture de la sécurité.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours/ à déployer dans le cadre d'actions permanentes

Observations de la commission : il s'agit d'une évolution à porter sur le terrain, les exploitants, en lien avec les pouvoirs publics, devraient mettre en oeuvre ce type d'initiatives pour mieux faire connaître leurs activités au grand public et les sensibiliser aux risques.

Les annonces de la ministre dans son plan sur la culture du risque rejoignent cette proposition, notamment la mise en place d'une « journée nationale de la résilience » 90 ( * ) . La première journée devrait avoir lieu le 13 octobre 2022 .

Proposition 4 : diversifier la composition et les missions des structures de concertation (Coderst, CSS, S3PI) et assurer une présence régulière et représentative des publics concernés (élus, riverains, population exposée en second rideau, associations de protection de l'environnement).

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à compléter

Observations de la commission : l'évolution est positive, mais elle doit être complétée et prolongée sur le plan législatif, réglementaire et dans la pratique.

L'article 10 de la loi du 25 novembre 2021 dite « Matras » a amélioré l'information du public en matière de risques majeurs. Cet article modifie les articles L. 125-2 et L. 125-2-1 du code de l'environnement et :

- rappelle que l'État et les communes concernées par au moins un risque majeur doivent contribuer à l'information du public par la mise à disposition des informations dont ils disposent (b du 1°) ;

- étend l' obligation de mise à disposition d'informations sur les risques et de communication envers la population à tous les maires des communes concernées par un risque majeur et pas uniquement aux communes couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles. Cette disposition supprime la précision « moins disante » qui existait auparavant sur la fréquence de cette information « au moins une fois tous les deux ans ». La communication du maire doit également porter sur la garantie contre les effets des catastrophes naturelles (régime « CatNat ») prévue dans les contrats d'assurance et mentionnée à l'article L. 125-1 du code des assurances (c du 1°) ;

- pose l' obligation d'un affichage de l'information sur les risques et les mesures de sauvegarde dans certaines catégories de locaux et de terrains, notamment au regard des caractéristiques du risque ou du caractère non permanent de l'occupation des lieux, dans les communes exposées à au moins un risque majeur et prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour appuyer la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions (d du 1°) ;

- apporte une précision sur les modalités de création des commissions de suivi de site (CSS) , en prévoyant qu'elles peuvent être créées à l'initiative du préfet ou sur demande de l'exploitant, des collectivités ou des riverains (2°).

En outre, dans le prolongement du plan d'action présenté par la ministre sur la culture du risque, le Gouvernement envisage d'apporter des modifications aux dispositions législatives relatives aux instances de participation et d'information du public régulièrement actives dans le cadre de la politique environnementale.

Proposition 5 : créer une association nationale de coordination de l'ensemble des structures de concertation et de participation du public en matière de risques majeurs. Partager les bonnes pratiques recensées dans les territoires et identifier les tendances de fond dans les attentes de la population en matière d'information.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à compléter

Observations de la commission : la proposition a été entendue, mais elle doit être mise en oeuvre rapidement. Cette association doit être mise en place ou désignée sans délai, dès 2022.

Les mesures présentées par la ministre dans le cadre du plan sur la culture du risque 91 ( * ) , qui proposent de « créer ou identifier une structure pérenne afin de promouvoir la culture de la résilience » rejoignent cette proposition. Elle doit désormais être traduite concrètement, avec un haut niveau d' exigence de résultat .

Proposition 6 : prévoir la participation des exploitants au sein des commissions de suivi de site (CSS) uniquement avec voix consultative dans les cas où celles-ci sont amenées à émettre un avis et renforcer les CSS comme outil de contrôle citoyen.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition

Aucune évolution législative ou réglementaire n'a traduit cette proposition à ce jour, ce que l'on ne peut que regretter.

B. POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES INDUSTRIELS : 82 % DE TAUX DE REPRISE DONT LA MOITIÉ EST SOLDÉE, 12 % DE RECOMMANDATIONS NON REPRISES ET 1 RECOMMANDATION DONT LA MISE EN oeUVRE EST DIFFICILE À ÉVALUER

1. La prévention des risques d'accident

Proposition 7 : renforcer les obligations des exploitants en matière de lutte contre les incendies et les contrôler régulièrement.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : les textes pris par le ministère de la transition écologique permettent de répondre aux principales observations de la commission d'enquête. L'enjeu est désormais d'assurer leur mise en oeuvre effective, via des actions de contrôle sur le terrain.

À la suite du plan d'action présenté en février 2020 par la ministre de la transition écologique et complété en septembre 2020 , plusieurs évolutions réglementaires sont intervenues. En particulier, sur le volet de la prévention du risque incendie :

- pour les sites Seveso seuil haut et seuil bas , le décret n° 2020-1168 et l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 imposent, notamment, à l'exploitant de pourvoir à la formation du personnel, y compris du personnel des entreprises extérieures, sur la conduite à tenir en cas d'incident ou d'accident et permettent au préfet d'exiger une étude relative à la sécurité assortie d'un échéancier pour la mise en oeuvre d'actions d'amélioration de la sécurité. L'arrêté rend obligatoire l'élaboration d'un plan d'opération interne (POI) à compter du 1 er janvier 2023 pour les sites Seveso seuil bas ;

- l' arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables s'applique à toutes les ICPE soumises à autorisation et l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens s'applique aux ICPE soumises à autorisation relevant des principales rubriques concernées 92 ( * ) . Ils réorganisent les textes existants et renforcent l'encadrement du stockage de tous les liquides avec des mentions de danger, y compris ceux qui ne sont pas classés au titre d'une rubrique ICPE liquides inflammables, ainsi que de certains déchets liquides. Les nouveaux sites concernés par ces textes devront se faire connaître dans un délai d'un an . Deux arrêtés du 22 septembre 2021 , l'un modifiant un arrêté ministériel du 22 décembre 2008 et l'autre modifiant un arrêté ministériel du 1 er juin 2015, étendent ces mesures respectivement aux ICPE soumises à déclaration et à enregistrement des rubriques concernées 93 ( * ) .

Ces textes prévoient en particulier l'interdiction à terme des récipients mobiles susceptibles de fondre pour stocker certains liquides inflammables non miscibles à l'eau 94 ( * ) . Ils renforcent également les prescriptions relatives aux stockages des liquides inflammables en récipients mobiles, d'une part, en bâtiment et, d'autre part, en ce qui concerne les stockages extérieurs 95 ( * ) . Des règles s'appliquent aussi de manière renforcée pour les stockages de liquides inflammables en réservoirs fixes, avec des dispositions relatives au dimensionnement des volumes de rétention, à la conception des rétentions déportées et des dispositifs de cheminement des liquides vers ces rétentions.

Les prescriptions relatives aux moyens de lutte incendie sont substantiellement améliorées . Il est ainsi demandé à l'exploitant de prévoir les moyens de se procurer une quantité complémentaire d'eau, en faisant appel si besoin à des établissements voisins et d'intégrer une marge forfaitaire de 20 % sur les besoins en eau et en émulseurs.

Ce nouveau cadre prescrit également l'application de mesures renforcées pour les stockages de liquides combustibles, ou solides combustibles qui se liquéfient en cas d'incendie, stockés en récipients mobiles à proximité de liquides inflammables . L'objectif est d'éviter la propagation de l'incendie et la création d'une nappe enflammée mêlant liquides inflammables et combustibles solides ou liquides, comme cela a été le cas lors de l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique.

- le décret n° 2020-1169 modifie la nomenclature des ICPE afin d'éviter les doubles classements et le découpage possible d'entrepôts conduisant à appliquer un régime administratif moins contraignant ;

- l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 étend les dispositions relatives à l'état des matières stockées ( voir ci-dessous ) à tous les entrepôts relevant des régimes d'autorisation et d'enregistrement. L'obligation de se doter d'un plan de défense incendie est également étendue à tous les entrepôts , quel que soit leur régime administratif 96 ( * ) . Il applique à l'ensemble des entrepôts l'interdiction à terme des récipients mobiles susceptibles de fondre pour stocker les liquides inflammables non miscibles à l'eau (rubriques H224 et H225) ;

- l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 prévoit, à partir du 1 er janvier 2022, des dispositions spécifiques pour les sites Seveso, les sites de tri-transit et de regroupement des déchets dangereux, les sites de stockage de liquides inflammables, l'ensemble des installations et entrepôts relevant du régime d'autorisation et certains entrepôts soumis à enregistrement. L'exploitant devra détailler, zone par zone, l'ensemble des matières dangereuses stockées en faisant le lien avec toutes les propriétés de danger utiles. L'état des matières stockées devra être tenu à jour quotidiennement et accessible facilement en cas d'accident, afin d'assurer la diffusion d'informations au public.

Proposition 8 : obliger les exploitants d'établissements Seveso et des installations classées situées à proximité immédiate à tenir à tout moment à disposition des autorités un inventaire exhaustif et à jour des substances stockées (nature, quantité et localisation) dans un format facilement exploitable.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : les textes présentés par le Gouvernement en septembre 2020 permettent de répondre à ces points. Là encore, leur bonne mise en oeuvre devra être contrôlée par des actions de terrain.

Le décret n° 2020-1168 et l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 prévoient que l'exploitant d'un site Seveso devra tenir à disposition de l'inspection des installations classées les éléments des rapports de l'assureur portant sur les mesures de prévention et de maîtrise des risques. En outre, les plans d'opération internes ( POI ) des exploitants devront préciser les moyens prévus par celui-ci pour mener les premiers prélèvements et analyses environnementaux en cas d'accident ainsi que les moyens prévus pour la remise en état et le nettoyage de l'environnement après un accident majeur. Par ailleurs, devront figurer dans les études de danger ( ED ), les principaux types de produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie .

L'arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 prévoit, à partir du 1 er janvier 2022, l'obligation pour les exploitants des sites concernés 97 ( * ) de tenir à jour, quotidiennement, le cas échéant sur la base d'outils informatiques, et de compléter au moins annuellement par un inventaire physique, un état de l'ensemble des matières dangereuses stockées . L'exploitant devra donner également, zone par zone, les quantités et types de produits hors matières dangereuses qu'il stocke, selon une typologie adaptée, avec une mise à jour hebdomadaire. Enfin, les exploitants devront détenir un inventaire synthétique des produits qu'ils stockent et qui soit lisible pour le public, afin de pouvoir être diffusé rapidement en cas d'accident. L'ensemble de ces éléments devra être tenu à disposition des services d'inspection, des autorités sanitaires et des services de secours , notamment pour permettre un accès rapide et simple en cas de sinistre. L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 a en outre étendu ces dispositions relatives à l'état des matières stockées à tous les entrepôts relevant des régimes d 'autorisation et d' enregistrement .

Proposition 9 : renforcer les exigences de formation et de certification de la profession de logisticien dans le domaine du stockage des produits dangereux. Fixer les obligations et responsabilités de chacune des parties au sein de contrats types.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : cette recommandation appelle encore des discussions approfondies avec les partenaires sociaux afin d'évaluer la nécessité de compléter, le cas échéant, un cadre légal récemment modifié.

Le Gouvernement considère que la mise en oeuvre de cette recommandation doit davantage faire l'objet d' initiatives privées , qui pour certaines sont déjà en cours dans le cadre du comité stratégique de la filière (CSF) chimie. Par ailleurs, les récentes évolutions apportées par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail 98 ( * ) peuvent être citées et comprennent des mesures visant à :

- systématiser une démarche d'évaluation et de prévention des risques professionnels, qui apparaît encore très inégale selon la taille des entreprises ;

- homogénéiser l'offre des services de prévention et de santé au travail ;

- améliorer le suivi de certains publics.

En outre, l' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 99 ( * ) prévoit que le personnel intervenant sur les sites Seveso, y compris le personnel des entreprises extérieures devra recevoir une formation en matière de prévention des risques .

Proposition 10 : rendre obligatoires les exercices hors heures ouvrées sur les sites Seveso seuil haut.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : la mise en oeuvre de la recommandation de la commission d'enquête peut être considérée comme satisfaisante du fait de l'intervention des évolutions réglementaires mentionnées ci-après et de l'instruction transmise par la ministre à ses services dès le 2 octobre 2019. Un bilan devra être tiré pour en tirer des enseignements.

Entre 2012 et 2019, environ 3200 exercices ORSEC ont été réalisés soit 4 par département chaque année, conformément aux instructions adressées par le ministre de l'intérieur dans les circulaires du 19 mars 2013 et du 8 mars 2016 . Avant l'accident de Lubrizol, les services du ministère de l'intérieur s'assuraient de la réalisation régulière d'exercices.

Toutefois, dans une logique de prévention et de maîtrise des risques industriels, la commission d'enquête du Sénat a recommandé d'augmenter leur fréquence. Dans cette perspective, le décret n° 2020-1168 et l'arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 prévoient que les plans d'opération interne ( POI ) seront désormais obligatoires dans les sites Seveso seuil bas à partir du 1 er janvier 2023, et non plus seulement dans les sites Seveso seuil haut. La fréquence minimale des exercices POI dans ces établissements est rendue obligatoire « à des intervalles n'excédant pas trois ans » 100 ( * ) . Pour les établissements Seveso seuil haut, la fréquence des exercices POI devient annuelle .

Enfin, dans son instruction du 2 octobre 2019 101 ( * ) , la ministre de la transition écologique demande aux services de contrôler la réalisation effective d'exercices hors heures ouvrées , en particulier au cours de la nuit .

Proposition 11 : mettre à disposition des industriels les enquêtes des DREAL et de l'inspection des installations classées pour partager les enjeux de sécurité.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : la recommandation de la commission d'enquête est satisfaite dans son principe par la rédaction de l'article L.  514-5 du code de l'environnement. Toutefois, l'objectif de la recommandation visait au développement du partage d'informations entre les industriels exploitants. Une évolution complémentaire mériterait donc d'être envisagée.

L' article L. 514-5 du code de l'environnement prévoit une information de l'exploitant, par les inspecteurs des ICPE, sur les suites données au contrôle qu'ils ont réalisé sur son établissement. En parallèle de la transmission de leur rapport de contrôle au préfet, les inspecteurs doivent également en adresser une copie à l'exploitant, qui peut faire part de ses observations au préfet.

L'objectif de la recommandation de la commission d'enquête était de garantir une bonne appropriation des retours d'expérience issus des contrôles des inspecteurs .

La communication de ces informations à une liste de diffusion plus large , incluant par exemple d'autres exploitants du même secteur , pourrait être envisagée au service d'un renforcement de la culture de la sécurité industrielle, après avoir expurgé les documents concernés des informations relevant du secret industriel, du secret des affaires ou de la sûreté nationale.

Proposition 12 : définir un plan pluriannuel de renforcement des effectifs de l'inspection des installations classées, cohérent avec des objectifs ambitieux et précis en termes de nombre et de qualité des contrôles, priorisant les plateformes industrielles à forts enjeux.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : la hausse de 50 ETP d'inspecteurs des ICPE est une première réponse à la nécessité d'augmenter les contrôles des sites industriels sur le terrain. Dans le prolongement des recommandations de la commission d'enquête, la commission souhaite que ce mouvement de renforcement de l'inspection des ICPE se poursuive dans les années à venir, avec une répartition territoriale des postes supplémentaires adaptés aux enjeux.

Le 30 juin 2020, dans le prolongement des recommandations de la commission d'enquête du Sénat sur l'accident de Lubrizol, la ministre de la transition écologique a annoncé une augmentation de 50 postes au sein des services de l'inspection des ICPE dès 2021. Elle a également rappelé son annonce d'une hausse de 50 % des contrôles d'ici 2022, reprenant l'objectif déjà défini un an plus tôt lors de la rédaction des orientations stratégiques pluriannuelles de l'inspection des ICPE.

S'agissant des effectifs, la promesse du Gouvernement a été partiellement tenue , car l'annonce a finalement été concrétisée en deux temps. Ainsi, la loi de finances pour 2021 a permis une augmentation de 30 postes d'inspecteurs, malgré plusieurs amendements parlementaires visant à atteindre 50 créations de postes dès 2021 conformément à l'annonce de la ministre 102 ( * ) . Lors de l'examen du budget pour l'année 2022, la parole a été respectée et 20 postes d'inspecteurs ont en définitive été créés.

S'agissant du nombre de contrôles, après une baisse de 40 % entre 2006 et 2018, le Gouvernement souhaite revenir à un niveau comparable à celui constaté à la fin des années 2010. L'objectif ainsi fixé est d'atteindre 27 200 contrôles à la fin de l'année 2022, contre environ 18 000 en 2018.

Lors de son audition devant la commission, la ministre a indiqué : « en 2021, nous allons dépasser les 23 000 inspections . Les premières actions pour donner la priorité au terrain portent leurs fruits. Pour 2022 et 2023, nous avons fixé des objectifs régionalisés aux préfets. Notre ambition est de dépasser 25 000 puis 27000 inspections , soit 50 % de plus ».

Nombre de contrôles réalisés par les inspecteurs des ICPE

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre
de contrôles réalisés

19 000

18 500

18 200

19 700

19 200

23 000

25 000

27 000

Source : Sénat, à partir des réponses de la DGPR au questionnaire budgétaire.

Pour la commission et compte tenu des enjeux majeurs de contrôle de la mise en oeuvre des nouvelles obligations réglementaires et législatives applicables aux ICPE, ce mouvement de rattrapage devra nécessairement être amplifié et prolongé après 2023 .

Proposition 13 : transmettre systématiquement les résultats des contrôles opérés par l'administration dans les sites Seveso seuil haut aux représentants des salariés.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : l'objectif peut être considéré comme rempli en pratique, même si aucun dispositif d'information spécifique à destination des salariés sur les résultats des contrôles n'a été prévu. Des actions de sensibilisation complémentaires seraient nécessaires, y compris à destination des agents des entreprises de sous-traitance qui interviennent sur les sites Seveso.

Le ministère du travail ne juge pas nécessaire de faire évoluer la loi pour satisfaire spécifiquement cette recommandation, rappelant que le code du travail prévoit déjà la transmission des observations de l'inspection du travail , qui travaille en lien avec l'inspection des ICPE, au comité social et économique. Cette information devrait également être transmise aux agents intervenant comme sous-traitants de l'exploitant.

En outre, la publicité systématique donnée aux contrôles des ICPE à partir de janvier 2022 , conformément à l'annonce de la ministre 103 ( * ) , est de nature à répondre à l'esprit de la recommandation formulée par la commission d'enquête. Il convient d'envisager si un complément peut être apporté, spécifiquement pour renforcer l'information des salariés, en leur donnant accès, par exemple, à davantage d'éléments que ceux figurant dans les documents de relevé de contrôle qui seront mis à disposition du public par les services de l'État.

2. La maîtrise des risques industriels

Proposition 14 : approuver, d'ici la fin 2020, l'ensemble des PPRT encore en cours d'élaboration et fixer des objectifs pluriannuels de mise en oeuvre des PPRT approuvés.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : mettre en oeuvre cette proposition. L'approbation des quatre derniers PPRT (Hauts-de-France, Corse, Provence-Alpes-Côtes d'Azur) prescrits doit intervenir rapidement, si possible avant la fin de la législature ou avant le 1 er janvier 2023.

Chaque année, l'administration indique que l'approbation de ces quatre derniers PPRT prescrits, mais non encore opérationnels a pris du retard du fait de complexités techniques liées à ces sites . Cette approbation fait partie des priorités des DREAL concernées pour l'année 2022. La commission souhaite qu'elle se concrétise cette année, car ces 4 PPRT concentrent justement de nombreux enjeux de sécurité industrielle, mais aussi d'importants enjeux économiques et sociaux.

Au 1 er août 2021, sur les 389 PPRT prescrits, 385 avaient été approuvés, soit 99 % . Les quatre PPRT restant à approuver sont situés à Crépy (ancien site du ministère des armées jusqu'en 2019, Hauts-de-France), Ajaccio (site Antargaz, Corse), Fos-sur-Mer et Martigues (plateformes Fos Ouest et Lavera). L'évolution de l'approbation du nombre de PPRT approuvés par année (cumul) est retracée dans le tableau ci-dessous.

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2

4

25

84

137

206

264

321

345

359

373

381

384

384

385

Source : DGPR.

Proposition 15 : redéployer les crédits dédiés à l'élaboration des PPRT en créant un mécanisme d'avance aux particuliers pour faciliter leur mise en oeuvre.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : la commission salue cette évolution et souhaite qu'elle soit largement utilisée par les personnes concernées. Une communication sur ce dispositif est nécessaire, que ce soit dans les instances classiques de concertation de la politique de prévention des risques ou par des canaux dédiés (campagnes, envoi postal, etc.) afin d'assurer sa visibilité et garantir son utilisation.

La DGPR et Procivis ont signé une convention le 4 juin 2020 permettant aux riverains d'obtenir une avance sur le crédit d'impôt sous la forme d'un prêt à taux zéro . Ce dispositif permet de compléter celui prévu par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les ménages disposant de revenus modestes, qui concerne la majorité des logements, soit 116 PPRT.

Cette convention organise la prise en charge par la DGPR des frais de gestion engagés par Procivis pour le traitement des dossiers d'avance au crédit d'impôt pour les propriétaires situés au-dessus du plafond ANAH, estimés à 150 € HT par dossier, soit un montant total estimé de 1,2 M€ sur trois ans. Ce dispositif devrait être évalué pour envisager d'éventuelles modifications (nombre de recours, délais de mise en oeuvre des travaux).

Proposition 16 : proroger le crédit d'impôt en faveur des ménages qui réalisent des aménagements liés à la mise en oeuvre des PPRT.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : la commission salue cette évolution et souhaite qu'elle soit largement utilisée par les personnes concernées. De la même manière que pour la recommandation précédente, il est nécessaire que l'information sur l'existence de ce dispositif soit largement diffusée auprès des publics concernés.

Lors de l'examen du budget pour 2021, plusieurs parlementaires se sont mobilisés pour faire aboutir cette évolution, dont le rapporteur pour avis de la prévention des risques au nom de la commission 104 ( * ) . Ces dispositions, inscrites à l' article 117 de la loi de finances pour 2021 105 ( * ) , ont permis de proroger jusqu'au 31 décembre 2024 le crédit d'impôt pour les dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes créé en 2004, qui permet notamment de soutenir les contribuables qui financent des dépenses de diagnostics préalables aux travaux et des travaux prescrits par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Le financement prévu à l'article L. 515-19 du code de l'environnement a également été prorogé jusqu'à la même date. Cette mesure a permis de maintenir la solidarité nationale à l'égard de 1 500 propriétaires, qui n'auraient pas pu bénéficier de ce soutien si rien n'avait été fait. Cette disposition mériterait d'être évaluée en profondeur.

Proposition 17 : mettre à l'étude un dispositif de soutien aux entreprises et collectivités dont la taille et les capacités financières compromettent leur mise en sécurité dans un délai raisonnable.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : la commission réitère cette recommandation formulée par la commission d'enquête.

Le Gouvernement considère que les moyens financiers des entreprises et des collectivités territoriales ne justifient pas de déployer un système spécifique de soutien au renforcement de la mise en sécurité et de la résilience de leurs bâtiments face à de potentiels accidents industriels. La commission souhaite que cette piste soit creusée.

Proposition 18 : développer les mutualisations entre industriels couverts par un même PPRT. Imposer la formalisation de conventions entre exploitants d'une part, entre les exploitants et les SDIS d'autre part sur les sites particulièrement sensibles identifiés par l'inspection des ICPE.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : une proposition entendue, mais à renforcer dans notre droit.

La loi « PACTE » du 22 mai 2019 106 ( * ) a donné une existence légale aux plateformes industrielles, qui permettent à des installations classées pour la protection de l'environnement de mutualiser des moyens et de conduire des actions communes dans des domaines qu'elle détermine au moyen d'un contrat de plateforme.

La circulaire du 25 juin 2013 , qui a fixé des modalités particulières pour l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) dans les plateformes industrielles, et le décret n° 2019-1212 du 21 novembre 2019 relatif aux plateformes industrielles , ont permis de renforcer la prévention des risques industriels dans ces espaces.

L' article R. 515-118 du code de l'environnement , créé par le décret précité, prévoit ainsi que lorsque la prévention et la gestion des accidents visés aux articles L. 515-32 et L. 515-15 est inscrite dans les domaines de responsabilité commune des acteurs de la plateforme, le dossier transmis au préfet doit comporter une déclaration précisant les engagements de chaque partenaire en matière de sécurité des procédés, hygiène et sécurité au travail, protection de l'environnement et droit à l'information, ainsi que l'engagement de chaque partenaire à participer aux opérations collectives de sécurité. Les modalités de prise en charge des effets entre partenaires des éventuels incidents ou accidents survenant au sein de la plateforme doivent également être précisées dans le dossier transmis au préfet. Aux termes de l'article R. 515-119 du même code, le préfet peut prescrire à ces installations, par arrêté, toute mesure propre à améliorer substantiellement le niveau de protection de la plateforme.

L' arrêté du 18 novembre 2021 fixant la liste des plateformes industrielles prévue par l'article L. 515-48 du code de l'environnement mentionne la plateforme industrielle de Grandpuits (gestionnaire TotalEnergies Raffinage France) et la plateforme industrielle de Port-Jérôme-sur-Seine (gestionnaire Esso Raffinage) 107 ( * ) .

Proposition 19 : augmenter le niveau des sanctions administratives encourues et définir une politique de répression plus réactive et ferme des manquements persistants et des infractions constatées.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : une proposition entendue, mais à renforcer dans notre droit

Le nombre de mesures administratives et de procès-verbaux transmis chaque année aux parquets par les inspecteurs des ICPE apparaît relativement stable.

Bilan des suites données aux contrôles de l'inspection des ICPE

2016

2017

2018

2019

2020

Arrêtés de mise
en demeure

2 100

2 000

2 100

2 600

2 500

Dont sanctions

300

350

430

430

500

Procès-verbaux transmis aux parquets

750

700

800

500

900

Source : Sénat, à partir des réponses de la DGPR au questionnaire budgétaire.

La loi relative au parquet européen et la loi « Climat et résilience » ont permis d'atteindre cet objectif et s'appliqueront pour l'avenir.

Pour la loi relative au parquet 108 ( * ) , peuvent en particulier être mentionnées les dispositions de l' article 15 relatives à la lutte contre les atteintes à l'environnement , qui prévoient, d'une part, la possibilité pour le parquet de recourir à un mécanisme transactionnel, la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) en matière environnementale et, d'autre part, la spécialisation, dans le ressort de chaque cour d'appel, d'un tribunal judiciaire chargé du traitement des délits complexes du code de l'environnement dont la compétence serait concurrente à celle des autres tribunaux judiciaires et sans préjudice de la compétence des juridictions déjà spécialisées sur une partie de ce contentieux. Elles prolongent une recommandation d'un rapport d'octobre 2019 de l'inspection générale de la justice (IGJ) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 109 ( * ) .

S'agissant de la loi « Climat et résilience » 110 ( * ) , peuvent être citées :

- l' article 279 , instituant la circonstance aggravante de mise en danger de l'environnement ;

- l' article 280 , renforçant les sanctions pénales en cas d'atteintes graves et durables à la santé et à l'environnement et créant un délit « d'écocide » ;

- l' article 281 , prévoyant la possibilité d'imposer la restauration du milieu naturel ou encore l'article 290 visant à permettre le prononcé de mesures de réparation des dommages causés à l'environnement dans le cadre de procédures rapides ;

- enfin, l' article 288 a permis de doter le Bureau d'enquêtes et d'analyse sur les risques industriels (BEA-RI) des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ses missions.

L'enjeu est donc de suivre la mise en oeuvre de ces dispositions et d'en tirer un bilan régulier, afin d'envisager des évolutions.

Proposition 20 : contrôler les ICPE déclarées à proximité immédiate des établissements Seveso, pour vérifier l'adéquation de leur régime et des prescriptions qui leur sont imposées.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : la commission d'enquête a été entendue, mais cette proposition doit encore fait l'objet d'actions de mise en oeuvre.

Une action triennale spécifique, pour la période 2020-2022, a été inscrite par la ministre de la transition écologique dans les instructions annuelles adressées aux services de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement.

Proposition 21 : mieux encadrer la sous-traitance des activités dangereuses en limitant à trois le nombre maximum de niveaux de sous-traitance et élargissant le contrôle des DREAL aux activités liées à la sécurité chez les sous-traitants des exploitants Seveso.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : une réflexion pour apporter une évolution législative doit être engagée avec les parties prenantes.

Une action spécifique a été inscrite par la ministre de la transition écologique dans les instructions annuelles adressées aux services de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement et doit être conduite en lien avec l'inspection du travail.

Une réflexion plus approfondie est nécessaire sur la sous-traitance dans les ICPE, en particulier dans les sites Seveso .

Proposition 22 : veiller au respect du principe de non-régression afin de prévenir tout recul en matière de maîtrise des risques.

Appréciation quantitative : difficile à évaluer

Appréciation qualitative : l'appréciation de cette mesure est rendue difficile par la dispersion des textes pris en matière de simplification des implantations industrielles des risques industriels depuis le début du quinquennat.

Observations de la commission : une proposition qui doit être suivie dans le temps.

Depuis le début du quinquennat, de nombreuses lois touchant le droit de l'environnement ont été adoptées, apportant tantôt des assouplissements pragmatiques et bienvenus pour favoriser le développement économique et simplifier les procédures de mise en service de sites industriels , tantôt un renforcement de la protection de certains écosystèmes et de la lutte contre les pollutions de toute nature, tantôt une rationalisation qui peut paraître excessive et en défaveur de la protection de l'environnement et de la prévention des risques. Le Conseil constitutionnel a déjà admis la portée normative du principe de non-régression créé par la loi « biodiversité » du 8 août 2016. Il est envisageable que sa portée soit encore renforcée dans les années à venir.

Proposition 23 : encourager l'élaboration des plans communaux de sauvegarde (PCS) au niveau intercommunal et mise en place d'une direction des risques dans toutes les grandes intercommunalités.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : une évolution positive à concrétiser et une action de sensibilisation à mener auprès des élus.

L' article 11 de la loi « Matras » a créé un nouvel article L. 731-4 dans le code de la sécurité intérieure, qui rend obligatoire l'établissement d'un plan intercommunal de sauvegarde pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dès lors qu'au moins une des communes membres est soumise à l'obligation d'élaborer un PCS en application de l'article L. 731-3.

En outre, cet article prévoit que le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut désigner un vice-président ou le conseiller communautaire chargé des questions de sécurité civile afin d'assurer la mise en place, l'évaluation régulière et les éventuelles révisions du plan intercommunal de sauvegarde.

Lors de son audition devant la commission, la ministre a rappelé que « la commission d'enquête a émis des recommandations relatives au plan particulier d'intervention (PPI) et aux PCS. Ce sont de bonnes recommandations. [...] L'idée d'élaborer des PCS au niveau intercommunal me paraît une première réponse à votre question : cela permet de renforcer l'articulation entre le PPI et le PCS . Cela permettrait aussi une meilleure coordination entre les actions de l'État et les collectivités territoriales en matière opérationnelle et de renforcer l'appropriation des risques industriels, technologiques et naturels par les élus ».

C. GESTION DE CRISE : 100 % DE TAUX DE REPRISE, MAIS DES ACTIONS À CONCRÉTISER SUR LE TERRAIN

Proposition 24 : clarifier et moderniser au plus vite la doctrine de communication de l'État, à l'échelle centrale et déconcentrée : mieux préparer la survenue d'accidents industriels par des exercices réguliers ; poursuivre la formation continue des agents susceptibles de communiquer lors d'une crise ; mieux séquencer les messages à délivrer en fonction des canaux de distribution disponibles et des publics, et donner une orientation claire aux acteurs locaux.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à déployer dans le cadre d'actions permanentes

Observations de la commission : un travail à mener dans le temps, aux stades des formations initiale et continue des hauts fonctionnaires, et une organisation à mieux structurer.

Les rapports d'inspection demandés par le Gouvernement rejoignent globalement les observations de la commission d'enquête du Sénat sur les critiques que la communication de crise de l'État a soulevé s'agissant de l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique.

L'administration indique que ce point fera l'objet d'actions permanentes : des exercices sont prévus dans le cadre des PPI et des formations seront organisées à destination des membres du corps préfectoral et des charges de communication des préfectures. Le ministère de l'intérieur est responsable du suivi de cette action.

Proposition 25 : tester en grandeur réelle, d'ici 2021, le dispositif de cell broadcast et en tirer les enseignements en termes d'alerte des populations et de comportements à adopter.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à déployer dans le cadre d'actions permanentes

Observations de la commission : la réalisation d'un test à grande échelle est plus que jamais nécessaire, afin de lever le doute sur notre capacité à réagir le plus rapidement et le plus efficacement possible aux crises. Le dispositif de cell broadcast , associé à l'envoi de SMS géolocalisés permettra de toucher toute la population et d'apporter rapidement les informations et consignes essentielles pour garantir la mise en sécurité des personnes. Enfin, la commission souligne que le Sénat appelle à la mise en place de cet outil depuis au moins 10 ans et que la réglementation européenne impose à la France de disposer d'un système opérationnel d'ici juin 2022 111 ( * ) .

Le projet « Fr-Alert » repose sur deux piliers complémentaires : d'une part, un dispositif public de notifications cellulaires , qui a fait l'objet de tests de fonctionnement à la fin de l'année 2021. D'autre part, un dispositif reposant sur les opérateurs privés de télécommunications et prévoyant la diffusion de messages d'alerte , le cas échéant en cas de crise, aux abonnés. Chaque opérateur doit suivre un rythme de déploiement des matériels nécessaires à la mise en oeuvre du système d'envoi de SMS géolocalisés et les tester pour vérifier leur bon fonctionnement, avec la nécessité de respecter l'échéance de juin 2022 prévue par la directive.

Après une longue séquence juridique, le cadre légal permettant à la France de moderniser durablement son système d'alerte des populations semble enfin stabilisé . La transposition de la directive européenne relative au code des communications électroniques européen, prévoyant ce dispositif en son article 110, a été confiée à la direction générale des entreprises ( DGE ) du ministère de l'économie et des finances. Un groupe de travail associant les opérateurs et plusieurs administrations a été créé sous l'égide de la commission interministérielle de coordination des réseaux et des services de communications électroniques (CICREST).

L'ordonnance prise dans le cadre de l'habilitation accordée au Gouvernement aux termes de l'article 38 de la loi DDADUE n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 112 ( * ) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a été publiée le 27 mai 2021. Elle modifie 113 ( * ) l' article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques pour inscrire dans les obligations des opérateurs, l'acheminement gratuit des communications des pouvoirs publics pour alerter la population située dans les zones géographiques potentiellement affectées soit par un cas d'urgence, un accident, un sinistre ou une catastrophe, soit par une menace ou une agression. L'État apporte son soutien aux frais d'équipement en matériels et logiciels acquis spécifiquement pour l'exécution de cette mission, avec une enveloppe globale qui devrait représenter 50 millions d'euros au moins. Un décret du 30 septembre 2021 précise les conditions de mise en oeuvre de ce nouveau système en son article 10 114 ( * ) .

Cette mesure a fait ensuite l'objet d'une ratification expresse lors de l'examen de la proposition de loi « Matras » en séance publique au Sénat 115 ( * ) , désormais inscrite à l'article 16 de la loi promulguée.

À l'occasion de l'examen de ce texte, les sénateurs ont également adopté une disposition, sur proposition du Gouvernement 116 ( * ) , visant à renforcer, en la clarifiant, l'o bligation d'acheminement des communications d'urgence , figurant au point f) du I de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, afin de tirer les leçons du dysfonctionnement majeur survenu les 2 et 3 juin 2021 sur les réseaux de communication de l'opérateur Orange. Ces dispositions constituent désormais l'article 17 de la loi « Matras ».

Un exercice européen de sécurité civile (« Domino ») sera organisé dans le Sud de la France au printemps 2022 puis un test à grande échelle est prévu dans l'agglomération de Rouen à l' été 2022 .

Si du retard a été pris , le dispositif « Fr-Alert » peut désormais être pleinement déployé sur le terrain.

Proposition 26 : suivre en temps réel l'activité des réseaux sociaux de façon à identifier très en amont les attentes du public et la diffusion de fausses nouvelles, et adapter le contenu et la temporalité des messages à délivrer en conséquence.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : la communication s'adressant directement au public et rebondissant sur de fausses informations en vue de les contrer est une pratique à développer, de même que la mise à disposition des services d'une force d'analyse permettant de suivre efficacement la propagation d'informations à la suite d'un tel évènement.

Les retours d'expérience réalisés dans le cadre des rapports d'inspection remis au Gouvernement pointent tous l'enjeu d'amélioration de la communication de crise . Dans le cadre du travail en cours sur ce sujet au sein du ministère de l'intérieur, que ce soit à travers le partenariat existant entre la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) et l'association Visov 117 ( * ) , ou avec d'autres opérateurs de médias sociaux ou encore à travers le développement de l'outil Visibrain par la délégation à l'information et à la communication (DICOM), l'analyse de l'activité des réseaux sociaux est possible. L' usage optimisé des réseaux sociaux par les services de l'État nécessite des actions de formation continue, afin de gérer au mieux ce type d'évènement le cas échéant.

Proposition 27 : transmettre l'information de crise à l'ensemble des professionnels de santé et aux intervenants à domicile.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à compléter

Observations de la commission : une réflexion pourrait être menée sur d'une part, l'opportunité de rendre obligatoire l'inscription des professionnels de santé sur le logiciel « DGS-Urgent » et, d'autre part, la possibilité de rattacher également les intervenants à domicile à cet outil. Par ailleurs, la mission d'information de l'État en cas d'accident industriel et à destination des professionnels de santé et des personnes qui participent à l'exécution d'un service indispensable à la gestion d'un accident industriel (transport, incendie et secours) pourrait être renforcée dans notre droit.

L'outil « DGS-Urgent », développé par la Direction générale de la santé permet d'informer les professionnels de santé qui y sont inscrits, soit 1 000 000 de personnes selon le ministère de la Santé. Les messages sont envoyés par le niveau national via le Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), mais leur diffusion peut être ciblée à l'échelle d'un ou plusieurs départements. Les intervenants à domicile hors domaine de la santé, notamment les travailleurs sociaux, n'entrent pas dans ce cadre.

En outre, l' arrêté du 24 septembre 2020 118 ( * ) modifiant l'arrêté du 4 octobre 2010 impose à l'exploitant de disposer des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses qu'il entend stocker avant leur réception . Ces documents devront être facilement accessibles et tenus en permanence à la disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des ICPE et des autorités sanitaires .

D. ARTICULATION ENTRE L'ACTION DE L'ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS : 80 % DE TAUX DE REPRISE ET 1 RECOMMANDATION NON RETENUE

Proposition 28 : renforcer l'articulation entre plan particulier d'intervention et plan communal de sauvegarde pour améliorer la coordination des actions de l'État et des collectivités territoriales dans la réponse opérationnelle et pour renforcer l'appropriation de la gestion des risques industriels et technologiques par les élus.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : cette action nécessite de travailler sur la rédaction des plans concernés et de les « pratiquer » via des exercices réguliers.

Les dispositions inscrites dans la loi « Matras » modifiant les articles L. 731-3 du code de la sécurité intérieure et suivants répondent à cet objectif. Le ministère de l'intérieur a indiqué avoir identifié ce point dont la mise en oeuvre s'inscrit dans la réalisation des actions permanentes de ses services. En outre, les préfets de département adressent régulièrement aux élus des informations sur le cadre légal applicable à la prévention des risques industriels et sur l'organisation des exercices . En cas d'accident, le maire est en effet identifié comme directeur des opérations de secours ( DOS ), sauf si l'accident en cause dépasse le strict périmètre communal.

Proposition 29 : associer systématiquement les élus aux exercices menés en application des PPI, les tenir informés des retours d'expérience de ces entraînements.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : partiellement satisfait /à renforcer

Observations de la commission : cette action nécessite de travailler à la diffusion d'une meilleure culture du risque dans les collectivités territoriales et à la participation aux exercices

Les dispositions inscrites dans la loi « Matras » , modifiant les articles L. 731-3 du code de la sécurité intérieure et suivants, répondent à cet objectif. Le ministère de l'intérieur a indiqué avoir identifié ce point et que sa mise en oeuvre s'inscrit dans la réalisation des actions permanentes de ses services. Il importe également que les élus se mobilisent pour participer à ces exercices . Pour cela, un renforcement de leur information est nécessaire.

Proposition 30 : communiquer aux élus les principales conclusions des contrôles d'ICPE organisés sur leur territoire.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : cette action nécessite de travailler à la diffusion d'une meilleure culture du risque dans les collectivités territoriales et à la participation aux exercices

La ministre de la transition écologique a annoncé la publication systématique des résultats des contrôles des ICPE à compter du 1 er janvier 2022. L'information des élus sur cette action revêt une importance particulière et pourrait encore être augmentée.

Proposition 31 : renforcer l'aide technique apportée aux communes par les services de l'État pour accompagner l'élaboration des PCS et des Dicrim, y compris pour les collectivités s'engageant dans cette démarche de façon volontaire.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à compléter

Observations de la commission : cette action est essentielle pour renforcer la culture du risque dans les collectivités territoriales, mais suppose la mise en oeuvre volontariste des annonces du Gouvernement

Le plan d'action relatif au développement de la culture du risque , présenté par la ministre de la transition écologique, prévoit que la structure nationale chargée de promouvoir la culture du risque puisse organiser le partage d'initiatives et de bonnes pratiques à l'échelle territoriale. Cette structure pourra donc utilement appuyer les collectivités territoriales dans l'élaboration de leurs stratégies de prévention des risques et d'information du public.

Proposition 32 : élargir l'approche des territoires concernés par les risques industriels, en intégrant les élus des communes voisines d'établissements Seveso, aussi bien en matière d'information préalable que de communication de crise.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : la commission réitère cette recommandation formulée par la commission d'enquête. Une évolution de la composition des commissions de suivi de site ainsi que des actions de terrain permettrait d'atteindre cet objectif de sensibilisation large, à l'échelle d'un bassin industriel, aux risques encourus en cas d'accident de grande ampleur.

Ce point a fait l'objet d'observations dans les rapports d'inspection remis au Gouvernement à sa demande, les inspecteurs pointant la nécessité de travailler encore l'organisation de la communication de crise et la culture du risque . Le plan sur la culture du risque présenté par la ministre Barbara Pompili recouvre partiellement cette recommandation, notamment s'agissant de la généralisation de l'obligation d'élaborer un PCS pour les communes exposées à un risque majeur (inondations, séisme, cyclone, etc.) Des modifications législatives sont nécessaires.

E. INDEMNISATION DES PRÉJUDICES : AUCUNE RECOMMANDATION REPRISE

Proposition 33 : clarifier le code des assurances (art. L. 121-1) pour garantir aux victimes la possibilité de bénéficier d'un remboursement amiable du montant de la « franchise » prévue dans le contrat d'assurance.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : une évolution des modalités d'organisation du contentieux collectif en responsabilité permettrait -- en l'espèce -- d'assurer une meilleure prise en compte des intérêts privés en cas d'accident industriel et de viser une juste et large réparation des divers préjudices subis, du désagrément jusqu'aux dommages caractérisés.

Les services du ministère de l'économie rappellent que la législation en vigueur permet déjà aux assurés victimes de dommages de solliciter une indemnisation intégrale auprès du responsable du sinistre, dans le cadre d'une procédure civile, pour la fraction non indemnisée restant à leur charge et n'envisage pas de modification complémentaire. Ne resterait donc que la possibilité d'un accord amiable entre l'assuré et son assureur , pour prévoir un remboursement du montant de la franchise.

En matière d'indemnisation des préjudices créés par un accident industriel, la solution qui vient spontanément à l'esprit serait d'introduire dans notre droit une nouvelle obligation assurantielle à la charge des exploitants pour couvrir les dommages causés aux tiers. Toutefois, une telle proposition n'est tout simplement pas opérationnelle - il faudrait que les assureurs puissent mettre au point une offre de contrats susceptibles d'être souscrits par les industriels - et aucun rapport ni étude réaliste n'a suggéré une telle avancée depuis la mise en place, en 2012, dans le droit en vigueur, de « garanties financières » obligatoires couvrant les éventuels dégâts causés par la fermeture d'un site industriel en écartant les dommages causés aux tiers.

L'accident de Rouen à travers les mécanismes complexes et la « nébuleuse » des acteurs de l'indemnisation.

L'indemnisation, en cas de sinistre important, reste un sujet à « tiroirs multiples », juridiquement complexe, où s'entremêlent cinq mécanismes :

- des procédures judiciaires dont la durée s'explique par la difficulté de prouver contradictoirement le lien entre le préjudice et l'accident industriel ;

- des recours administratifs pour les préjudices résultant de décisions administratives. L'un de ces recours a abouti en juillet 2021 et l'État, qui avait suspendu les ventes de produits agricoles pendant un mois après l'accident, a été condamné à indemniser un maraicher de Seine-Maritime « non inscrit » aux procédures amiables organisées en accord avec les organisations agricoles ;

- l'intervention des assureurs , qui est essentielle du point de vue financier. Pour se limiter au cas des riverains de Lubrizol, environ 3 000 particuliers auraient déclenché les garanties de leur contrat multirisques habitation ;

- les aides et dégrèvements fiscaux accordés par l'État pour soutenir certains agents économiques victimes de l'accident. En particulier, les agriculteurs ont pu bénéficier de dégrèvements de taxe foncière sur le non-bâti en raison d'une perte de récolte imputable à un « évènement extraordinaire » 119 ( * ) ;

- des indemnisations amiables . Lubrizol a volontairement mis en place deux fonds , l'un pour les agriculteurs et l'autre pour les autres activités économiques ainsi que les collectivités. Si les décisions de justice donnent lieu à publication, les contrats ou les transactions sont largement confidentiels et il est très difficile d'en obtenir le chiffrage, tant du côté des victimes que de la partie qui indemnise.

Par exemple, un montant de 50 millions d'euros nécessaire pour dédommager les agriculteurs avait été évoqué, mais il n'a pas été confirmé et l'interprétation de la rubrique « provisions pour risques » des comptes de Lubrizol comporte des incertitudes. Par ailleurs, la commission a été informée de l'application de barèmes d'indemnisation et du nombre estimatif de bénéficiaires dont le dossier était soldé ou encore en discussion, mais les professionnels ou personnes indemnisés souhaitent conserver la confidentialité des chiffres.

Le dernier rapport d'activité du fonds national agricole (FMSE), organisme « facilitateur » de la procédure amiable indique qu'environ 1 000 agriculteurs ont étés indemnisés par le premier fonds Lubrizol , clôturé début 2021, pour les pertes directes et indirectes. Des déceptions ou des renonciations subsistent sans doute et ont d'ailleurs été évoquées au cours des auditions, de la part des représentants de victimes de l'accident. Le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) avait même chiffré, en septembre 2020, à 3 000 le nombre des exploitations agricoles concernées par les restrictions agricoles de sécurité décidée par le préfet. L'aspect positif de cette transaction a cependant convaincu un certain nombre de professionnels qui ont pris en compte les aléas des procédures contentieuses. Selon leurs représentants, les agriculteurs de ce territoire aspirent désormais à « tourner la page Lubrizol » après avoir ensuite subi le choc de la pandémie et des difficultés climatiques.

En ce qui concerne le second fonds Lubrizol dit « solidarité » , quasiment la moitié des dossiers de 525 collectivités, commerçants ou artisans semblent avoir été indemnisés, sur la base d'un barème assez automatique. L'autre moitié reste encore en attente et quelques procédures judiciaires ont été déclenchées, en particulier par les restaurateurs qui invoquent des préjudices d'un montant supérieur à l'indemnisation proposée. Par la suite, l'impact majeur de la pandémie a profondément modifié le contexte avec des professionnels en grande détresse et des mesures de soutien massives au plan national en contrepartie des fermetures administratives.

Les collectivités concernées par ce second fonds ont pris des positions divergentes . Certaines ont opté pour l'indemnisation amiable, d'autres ont eu recours à la voie contentieuse.

Si la commission reconnaît, à la suite de la commission d'enquête sénatoriale, l'utilité et le caractère innovant de la procédure amiable volontaire lancée par Lubrizol , encadrée par les pouvoirs publics, acceptée par les organisations agricoles ou les chambres consulaires et qui va dans le sens du principe pollueur-payeur, elle souhaite que cette procédure ne crée pas de déception et permette une réparation à la hauteur des préjudices.

Pour combler certains manques, la commission d'enquête sénatoriale avait proposé un mécanisme facilitateur pour les particuliers : il s'agit d'adapter l'action de groupe pour faciliter, en cas d'accident industriel comme celui de Rouen, le traitement simplifié d'un grand nombre de litiges portant sur des sommes modestes , pour lesquelles nos concitoyens renoncent souvent à se lancer dans une procédure judiciaire .

Par analogie, il convient de rappeler que les articles L.623-1 à L. 623-32 du code de la consommation visent à faciliter « la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique » . En s'inspirant de ce modèle, il conviendrait de réparer les préjudices, dans un premier temps « patrimoniaux », des riverains d'un accident industriel qui subiraient des dommages matériels. Sur le terrain, comme l'a perçu la commission d'enquête, ce sont parfois les préjudices de faible montant non indemnisés qui laissent un goût particulièrement amer à nos concitoyens.

La problématique de la « franchise » qui reste à la charge du titulaire d'un contrat d'assurance est également un point d'attention pour la commission : en précisant ou en affirmant dans les travaux parlementaires que cette franchise peut être remboursée à l'amiable, le législateur peut écarter le doute qui peut subsister à la lecture de l'article L. 121-1 du code des assurances dont le but principal est d'interdire à l'assuré de cumuler plusieurs indemnisations pour une même chose garantie.

Proposition 34 : adapter l'action de groupe pour réparer efficacement les préjudices matériels de faible montant -- en deçà des « franchises » -- subis par les riverains en cas d'accident industriel.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : une évolution des modalités d'organisation du contentieux collectif en responsabilité permettrait en l'espèce d'assurer une meilleure prise en compte des intérêts privés en cas d'accident industriel et de viser une juste et large réparation des divers préjudices subis, du désagrément jusqu'aux dommages caractérisés.

Le ministère de la justice indique qu'une réflexion globale est en cours sur l'action de groupe. Toutefois, aucune évolution spécifique n'est intervenue sur ce volet, qui doit dès lors être approfondi .

F. PRINCIPE DE PRÉCAUTION APPLIQUÉ AU SUIVI SANITAIRE : 75 % DE TAUX DE REPRISE ET DES DIVERGENCES MAJEURES ENTRE LE SÉNAT ET LE GOUVERNEMENT SUR LES 25 % RESTANTS

Proposition 35 : ouvrir, à l'échelle du département de la Seine-Maritime, deux registres de morbidité, l'un relatif aux cancers généraux, l'autre aux malformations congénitales.

Appréciation quantitative : non retenue

Observation de la commission : le ministère de la santé indique que la surveillance des impacts sanitaires à court, moyen et long termes de l'accident s'effectue à partir d'une exploitation du système national des données de santé (SNDS) et assure une information équivalente à la solution de mettre en place des registres pour certaines maladies comme le proposait la commission d'enquête du Sénat. Toutefois, les solutions mises en place à ce jour ne correspondent pas aux recommandations de la commission d'enquête.

Après l'incendie, Santé publique France a été saisie par la direction générale de la santé (DGS) pour proposer une stratégie d'évaluation de l'impact sanitaire de l'évènement. Dans ce cadre, deux études ont été réalisées : l'une portant sur la santé ressentie et l'autre portant sur la santé mentale . Les résultats de la première étude ont été publiés le 5 juillet dernier et montrent qu'au cours de l'incendie, 60 % des habitants de la zone étudiée ont ressenti au moins un symptôme ou un problème de santé qu'ils attribuent à l'accident . Un an après, une altération globale de la santé a été perçue par la population, mais essentiellement en matière psychologique. En revanche, les effets physiques ne sont quant à eux plus significatifs selon les études. Les résultats de la seconde étude en santé ont été présentés en décembre 2021 devant le comité de la transparence et du dialogue.

En parallèle, le ministère de la santé a décidé d'organiser un suivi pendant plusieurs années d'indicateurs de santé à partir du système national des données de santé (SNDS) . Les premiers résultats qui concerneront les effets à court et moyen termes de l'accident sont prévus à partir du premier trimestre 2022. La conduite d'un programme de biosurveillance n'a pas été jugée opportune par les autorités sanitaires .

Récemment, la DGS et la direction générale du travail (DGT) ont saisi Santé publique France pour qu'elle propose des modalités d'évaluation des expositions des intervenants et de la population générale à court, moyen et long termes suite à un accident technologique incluant l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de réaliser des mesures biologiques dans la phase d'urgence à plus long terme.

Proposition 36 : mettre en place une cohorte de population composée de l'ensemble des personnes intervenues au cours de l'incendie et les soumettre à un programme de biosurveillance.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : le suivi sanitaire des personnes intervenues au cours de l'accident a été organisé de façon finalement conforme aux préconisations de la commission d'enquête. Un programme de biosurveillance a été mis en place pour les personnes intervenues au cours de l'incendie et l'évènement doit figurer dans leurs dossiers médicaux professionnels.

Cette recommandation a finalement été suivie d'effet, les services de SPF et du ministère de la santé ayant décidé de mettre en place un programme de biosurveillance pour ces personnels. Toutefois, une réflexion globale est nécessaire sur les protocoles de suivi sanitaire des personnels intervenant dans le traitement des accidents industriels, de même que pour le suivi de la population exposée aux effets de ces accidents.

Proposition 37 : accélérer la publication du rapport de synthèse sur la qualité de l'air attendu de l'exploitant dans le cadre de la surveillance environnementale et organiser une nouvelle campagne de prélèvements sur les productions d'origine animale pour évaluer la présence de dioxines, furanes et PCB.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : de très nombreux prélèvements ont été organisés, analysés et exploités et pointant tous un respect des principales valeurs pour les produits considérés. Désormais, seul un suivi dans le temps permettra d'affiner notre compréhension des impacts et conséquences de cet accident. Pour les éventuels accidents qui surviendraient dans le futur, il est nécessaire de définir un protocole permettant une analyse rapide des conséquences environnementales et sanitaires d'une pollution industrielle.

Pour Lubrizol, une évaluation quantitative des risques sanitaires ( EQRS ) a été conduite sur les sites touchés, afin d'évaluer les risques sanitaires spécifiquement liés aux émissions associées à l'incendie sur les populations présentes dans la zone d'étude, dans le cadre posé par la circulaire du 19 avril 2017 relative aux sites et sols pollués.

Les mesures réglementaires adoptées en septembre 2020 renforcent les exigences applicables aux exploitants en matière de prélèvements et de suivi environnementaux . Leur mise en oeuvre devra être contrôlée et doublée , s'agissant de l'État, de la définition d'un protocole précis pour éviter les difficultés constatées avec la gestion post-accidentelle de l'incendie de Rouen (coordination des prélèvements, capacité d'analyse des échantillons, etc.).

Lors de son audition devant la commission, la directrice d'Atmo Normandie a indiqué : « le groupe de travail lancé par la DGPR et animé par l'Ineris a également proposé de travailler sur des dispositifs complémentaires sur l'ensemble de la France, avec des camions de l'Ineris . La dernière réunion de ce groupe de travail a eu lieu en mars 2021 . Nous avons chiffré la proposition de l'Ineris de déployer des camions un peu partout et formulé des propositions précises à ce sujet. La discussion s'est arrêtée en mars 2021, après qu'on a rappelé que c'était aussi une question de budget de fonctionnement. On nous a alors répondu qu'on pouvait financer ce fonctionnement grâce à l'assurance et qu'il faudrait, en cas de sinistre, éventuellement faire payer les assurances des entreprises . C'est un modèle économique un peu compliqué à imaginer pour nous. ».

Proposition 38 : confier le suivi post-accident à une cellule locale réunissant l'ensemble des services déconcentrés de l'État.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : cet évènement permettra d'irriguer de nombreux plans d'action pour plusieurs années pour l'ensemble des services concernés (intérieur, environnement, santé), compte tenu des différentes failles qu'il a mises à jour dans notre politique de prévention des risques.

Un « comité de la transparence et du dialogue » a été installé dès le 19 octobre 2019 pour réunir l'ensemble des acteurs concernés par les conséquences de l'accident (habitants, élus, industriels, associations environnementales, représentants du monde agricole, organisations professionnelles et syndicales, acteurs économiques, services de l'État et de santé, etc.). Il a tenu 10 réunions, représentant environ 40 heures d'échanges, avant d'être dissous le 10 décembre 2021 par décision du préfet. Cette dernière réunion avait au préalable permis un commentaire de la fin des travaux de dépollution, une présentation des résultats finaux de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS), prescrite par arrêté préfectoral du 21 janvier 2020 après une première étude d'interprétation de l'état des milieux (IEM), une présentation des résultats de l'étude de Santé publique France sur la santé mentale et divers rappels de réglementation et de législation. En outre, les services de la préfecture ont indiqué avoir réalisé 15 Coderst en lien avec Lubrizol ou NL Logistique et 3 commissions de suivi de site (CSS) dédiées, dont 2 avec visite du site. Le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles ( S3PI ) a également été réactivé. Enfin, au niveau central, les administrations conduisent des retours d'expérience sur l'accident, qui sont ensuite déclinés (contrat d'objectifs et de performance, programme d'actions, etc.).

Il importe, pour le futur, de se doter d'une organisation analogue pour des situations comparables , afin d'assurer la transparence sur l'action de l'État et de l'exploitant, et de permettre le dialogue avec la population.

Proposition 39 : faire prévaloir un principe de précaution en cas d'atteinte à la santé publique, même lorsque cette dernière ne fait pas encore l'objet d'une certitude scientifique.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à approfondir

Observations de la commission : au-delà de la mise sous séquestre de certains produits alimentaires, dans l'attente des connaissances de niveau de contamination et de l'évaluation du risque, la commission d'enquête avait souligné une insuffisante anticipation des potentielles atteintes à la santé et à l'environnement dans la gestion post-accidentelle. Depuis, de nombreuses études sont venues compléter le retour d'expérience.

Le ministère de la santé indique que les actions entreprises localement et le droit en vigueur permettent bien d'atteindre l'objectif visé par la proposition. Toutefois, pour d'éventuelles situations de ce type dans le futur, une vigilance renforcée devra être appliquée .

Proposition 40 : organiser le partage des données recueillies par les différents experts sanitaires.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : en cours /à déployer dans le cadre d'actions permanentes.

Observations de la commission : la mutualisation et le partage des informations sont essentiels pour assurer la réactivité de l'analyse des impacts sanitaires et environnementaux en cas d'accident et pour suivre sur le long terme les évolutions. Il est donc indispensable de disposer des outils adaptés, permettant aux services concernés de travailler sur une base et dans un langage communs.

L'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique a mis en évidence la difficulté pour les services et personnes intervenant dans le recueil de données sanitaires et environnementales (Ineris, AASQA, pompiers, SPF, etc.) à travailler dans un cadre informatique et cartographique commun .

Le travail de SPF a ainsi été directement affecté par l'absence d'un outil de centralisation et de cartographie des données environnementales recueillies, notamment lorsqu'elle a été amenée à apprécier l'opportunité de conduire un programme général de biosurveillance.

Face à ces fragilités, l'Ineris s'est vu confier la mission, dans son contrat d'objectifs et de performance pour la période 2021-2025 , de développer des capacités de collecte, de stockage, d'analyse et de modélisation. Cette action est prévue pour l'année 2022 .

Le ministère de la santé indique qu'entre 200 000 et 250 000 données ont été recueillies et sont désormais centralisées dans une même base. Deux outils cartographiques ont également été développés, l'un s'adressant à un public restreint (agences et services de l'État), l'autre s'adressant au grand public. L'évaluation de la mise en oeuvre de ces actions pourra se faire dans le cadre d'auditions de l'Ineris 120 ( * ) .

Proposition 41 : simplifier les conditions de saisine de l'Anses en cas de crise sanitaire.

Appréciation quantitative : non retenue

Observations de la commission : cette évolution permettrait de clarifier le rôle de l'Anses dans les séquences de crise industrielle.

Le ministère de la santé a indiqué qu'une révision du protocole de saisine de l'Anses serait en cours. Pour cela, il est nécessaire de faire évoluer, notamment, l'article L. 1313-3 du code de la santé publique. Cette évolution doit être envisagée dans des délais rapides , pour renforcer notre capacité de réaction face aux accidents industriels.

Proposition 42 : assurer une meilleure coordination entre les ARS et les préfets, afin, notamment, qu'elles disposent en temps réel de la nature des produits stockés sur les sites Seveso.

Appréciation quantitative : suite donnée

Appréciation qualitative : soldé /à réaliser et à contrôler

Observations de la commission : l'évolution apportée par voie réglementaire est positive. Sa bonne mise en oeuvre doit être vérifiée, notamment dans le cadre de contrôles inopinés et d'exercices.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, entré en vigueur le 1 er janvier 2021, souligne qu' un état des matières stockées doit être tenu à jour par l'exploitant , incluant la possibilité de mettre à disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des installations classées et des autorités sanitaires , à tout moment, des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses.

En conclusion, si les rapporteurs saluent la prise en compte des recommandations de la commission d'enquête , ils relèvent certains manques et faiblesses dans les réponses apportées par le Gouvernement, qui nécessiteraient soit des approfondissements dans le cadre d'évolutions législatives et réglementaires, soit des compléments dans le cadre d'actions de terrain et de mesures d'organisation, à prendre sans délai ( voir III ).

III. DES QUESTIONS EN SUSPENS ET DES AMÉLIORATIONS ENCORE NÉCESSAIRES POUR LA SÉCURITÉ INDUSTRIELLE ET LA DÉMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE

A. RISQUES INDUSTRIELS ET DÉMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE : LE DIFFICILE BILAN DE L'ACTION DU QUINQUENNAT

1. Une accidentologie qui demeure significative et requérant une attention constante de la part des services de l'État

Chaque année, le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) dresse l'inventaire des accidents et incidents technologiques survenus en France.

Si une précaution méthodologique s'impose du fait de changements intervenus dans la comptabilisation de nouveaux types d'incidents ou d'accidents, il ressort de l'analyse de l'accidentologie de la dernière décennie que rien n'indique une amélioration structurelle de la sécurité dans les établissements Seveso entre 2013 et 2019 en France, alors même que le nombre d'établissements classés Seveso demeure globalement stable depuis 10 ans (autour de 1 300) . Les graphiques ci-dessous présentent l'évolution du nombre de sites soumis à la législation des ICPE depuis 2009 et la création du régime de l'enregistrement ainsi que la répartition, au 1 er janvier 2022, des sites Seveso présents dans notre pays.

Source : Sénat, à partir des données fournies par la Direction générale
de la prévention des risques (DGPR).

Source : Sénat, à partir des données fournies par la Direction générale
de la prévention des risques (DGPR).

• Dans les établissements Seveso , le nombre d'évènements et d'accidents reste relativement stable jusqu'en 2016, en dépit d'un nombre important d'accidents majeurs en 2016 .

La période 2016-2018 marque une rupture : le nombre d'évènements augmente fortement (+ 135 %), alors que celui des accidents baisse légèrement entre 2016 et 2017 (- 7 %), avant d'augmenter sensiblement en 2018 (+ 60 %). À l'inverse, l'année 2019 enregistre une nette amélioration (baisse de 28 % et de 25 % du nombre d'évènements et d'accidents), et ce malgré la gravité de l'incendie de Lubrizol. Il n'en demeure pas moins que l'augmentation en variation absolue de l'accidentologie globale de moyen terme interroge , même si un caractère conjoncturel peut atténuer la portée de ce constat.

• S'agissant des autres catégories d'ICPE , une trajectoire différente apparaît, avec une hausse de l'accidentologie ces dernières années.

Trois phases peuvent être identifiées : une période de stabilité entre 2011 et 2014, où le nombre annuel d'accidents oscille entre 250 et 313, suivie d'une augmentation de 20 % entre 2014 et 2016, et d'une seconde accélération entre 2016 et 2019 (+ 10 %), avec notamment une hausse de 11 % des accidents en 2019 par rapport à 2018. Ainsi, l'accidentologie des ICPE présentant moins de risques se dégrade tendanciellement depuis 2015 , nécessitant une vigilance renforcée de l'État.

• Peu comparable aux années précédentes, la tendance de 2020 donne néanmoins la mesure du caractère exceptionnel d'une année marquée par les effets des mesures sanitaires sur le niveau d'activité, et donc sur l'accidentologie.

Entre 2019 et 2020, le nombre d'événements et d'accidents dans les établissements Seveso chute respectivement de 12,5 % et 6 %, et celui des autres ICPE de 15 % et 31 % . Au-delà de cette parenthèse statistique, les chiffres de l'année 2020 demeurent significatifs, avec notamment 6 accidents majeurs enregistrés , un niveau proche de la moyenne annuelle, mais qui reste élevé , compte tenu de la baisse de l'accidentologie globale.

Du reste, l'accidentologie de l'année 2020 interpelle quant à la résilience des installations, car un certain nombre d'évènements indésirables se sont produits sous les effets aggravants de la pandémie (report de travaux planifiés, allongement de travaux, ou encore d'arrêt d'activités courantes, etc.).

• L'accidentologie s'appréhende également par l'analyse des phénomènes dangereux enregistrés dans différents secteurs d'activités.

Depuis au moins 2016, les rapports du Barpi font état d'une forte proportion des incendies et des rejets de matières dangereuses , atteignant respectivement 59 % et 50 % des évènements en 2020, contre 5 % pour le cas des explosions. L'analyse sectorielle amène à porter une attention particulière à l' agroalimentaire , l'industrie chimique , pétrochimique et pharmaceutique , les déchets et le traitement des eaux usées , principalement impliqués dans l'accidentologie des ICPE.

Lors de son audition devant la commission, la ministre a souhaité nuancer ce constat, l'attribuant en partie à un effet statistique : « au fil des années, l'inspection des ICPE a sensibilisé les exploitants afin de remonter l'ensemble des incidents et accidents , même mineurs . C'est peut-être cela qui entraîne la hausse dont vous parlez. Cette volonté d'enregistrer l'ensemble des événements induit un effet statistique sur les événements recensés dans la base de données. Les événements enregistrés dans la base Aria sont en effet constitués de l'ensemble des situations dégradées, des incidents, des accidents et des accidents majeurs ».

Elle a également indiqué que depuis 2017, notre pays compte en moyenne 3 à 6 accidents par an et, tout en ajoutant « c'est bien entendu toujours trop », la ministre a également relativisé ce constat en citant l'exemple de l'Allemagne et l'exemple de l'année 2020 en France, reprenant les éléments indiqués ci-dessus : « la France connaît jusqu'à deux fois moins d'accidents par site Seveso que l'Allemagne . D'après les dernières statistiques publiées par le Bureau d'analyse des risques et pollutions industrielles (Barpi), une baisse significative des accidents a été constatée en 2020 . Je parle là des accidents majeurs et non majeurs ».

Évolution de l'accidentologie française entre 2013 et 2020

ICPE Seveso

Années
et variations annuelles (Ä) en
%

2013

2014

Ä

2015

Ä

2016

Ä

2017

Ä

2018

Ä

2019

Ä

2020

Ä

Évènements

183

151

- 17 %

172

+ 14 %

174

- 1 %

274

+ 57 %

409

+ 49 %

296

- 28 %

259

- 13 %

Accidents

67

54

- 19 %

60

+ 11 %

71

+ 18 %

66

- 7 %

106

+ 60 %

79

- 25 %

74

- 6 %

Accidents majeurs

6

5

- 17 %

4

- 20 %

9

+ 125 %

4

- 56 %

5

+ 25 %

3

- 40 %

6

+ 100 %

Taux d'accident

37 %

36 %

35 %

41 %

24 %

26 %

27 %

29 %

Autres ICPE

Évènements

604

553

- 8 %

681

+ 23 %

678

+ 0 %

782

+ 15 %

795

+ 2 %

849

+ 7 %

720

- 15 %

Accidents

264

250

- 5 %

294

+ 18 %

299

+ 2 %

341

+ 14 %

334

- 2 %

372

+ 11 %

255

- 31 %

Taux d'accident

44 %

45 %

43 %

44 %

44 %

42 %

44 %

35 %

Source : Sénat, à partir des données du Barpi 2021

La ministre convient toutefois que « nous observons une augmentation de l'accidentologie dans certains secteurs, notamment celui des déchets et de la pétrochimie » , mais souligne les récentes actions du Gouvernement et des services déconcentrés : « grâce à ce retour d'expérience, des actions de contrôle ciblées sont menées par l'administration pour renforcer les contrôles de sécurité d'exploitation dans ces secteurs ».

• Enfin, si la commission relève que depuis 2010, la part des conséquences économiques des accidents est supérieure à celle du volet humain, social ou environnemental, les conséquences environnementales sont celles qui enregistrent la plus forte croissance depuis 2018 . Cette tendance s'aggrave en 2020, en partie du fait d'un taux élevé des accidents ayant entraîné des rejets dans les milieux et des pollutions.

Chaque année, les conséquences humaines des accidents se traduisent par des blessés et/ou des décès, touchant majoritairement les employés des installations, et plus marginalement les sauveteurs et la population. Sur le long terme, leur nombre ne diminue pas tendanciellement , et ce malgré une amélioration enregistrée au cours de la pandémie. Le Barpi pourrait également davantage intégrer les conséquences sur la « santé ressentie » , au sens de la définition de l'Organisation mondiale de la santé, afin de donner une image fidèle des traumatismes sociaux engendrés par les accidents industriels, dont l'accident de Lubrizol. Des indicateurs de ressenti et l'exploitation du système national des données de santé (SNDS) pourraient permettre d'affiner cette analyse, en lien avec les opérateurs et services compétents de l'État.

2. Des évolutions normatives dispersées et parfois contradictoires

Au cours des cinq dernières années, plusieurs avancées législatives ont ciblé l'encouragement des implantations industrielles , la simplification ainsi que l' amélioration de la confiance entre les entreprises et l'administration . Malgré toutes les précautions prises pour préserver un haut niveau de sécurité industrielle et assurer le respect des exigences de participation et d'information du public découlant de la Charte de l'environnement de 2004, il conviendrait d'analyser en détail les incidences concrètes de l'ensemble de ces mesures pour détecter d'éventuels effets indésirables non anticipés et susceptibles d'augmenter les risques induits par les activités concernées ou de réduire excessivement l'information et la participation du public . Trois principaux textes illustrent cette remarque.

• L'objectif de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) 121 ( * ) a été, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, de modérer les formalismes, les contraintes et les vérifications qui engendrent « trop de coûts et trop peu de résultats », alors que les « agents publics ne sont plus en situation de gérer un foisonnement de dispositifs dont on leur reproche la lourdeur et de ne pas s'en affranchir. ».

Ainsi, l' article 56 de cette loi prévoyait une expérimentation, pour une durée de trois ans, de simplification des modalités de consultation du public relative aux projets soumis aux réglementations ICPE ou IOTA nécessaires à l'exercice d'une activité agricole. Une évaluation de la mise en oeuvre de cette expérimentation doit être transmise au Parlement.

De même, l' article 62 , a conduit à pérenniser la procédure allégée de participation du public lors d'un réexamen périodique des conditions d'autorisation d'une installation relevant de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles, dite « directive IED » et à confier à l'autorité administrative et non plus à l'autorité environnementale le soin de déterminer si la modification ou l'extension d'une installation existante nécessite d'être soumise à évaluation environnementale.

• La loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) 122 ( * ) comportait plusieurs dispositifs dont le but affiché est d' accélérer les projets industriels sur nos territoires en simplifiant les implantations et en réduisant l'insécurité juridique ainsi que les délais ou la complexité des procédures environnementales. Elle constituait d'ailleurs la traduction de plusieurs propositions du rapport du député Guillaume Kasbarian 123 ( * ) .

Afin de « concilier simplification administrative et protection de l'environnement » , l' article 33 de la loi ASAP prévoit ainsi, par exemple, de confier la décision d'agrément des dispositifs de traitement dans les installations d'assainissement non collectif à des organismes techniques désignés par arrêté. Les ministres compétents pourront toutefois toujours demander aux organismes notifiés de procéder à un réexamen des agréments qu'ils auront délivrés, dans des conditions précisées par décret.

L' article 34 comporte des mesures de sécurité juridique pour les projets de création de sites industriels et inscrit notamment dans la loi le principe de non-rétroactivité des prescriptions nouvelles affectant le gros oeuvre , y compris aux installations dont le projet est en cours d'instruction mais qui ont déjà fait l'objet d'une demande d'autorisation complète. Ces dispositions ne s'appliquent pas, néanmoins, en cas de motifs tirés de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France.

L' article 42 a conduit à rendre facultative la consultation du Coderst ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ( CDNPS ) préalablement à certains actes administratifs : la décision d'enregistrement pour prendre des prescriptions spéciales et l'application de prescriptions complémentaires pour les ICPE soumises à enregistrement et à déclaration .

Enfin, l' article 44 a permis de donner au préfet la possibilité d'adapter la procédure de consultation du public pour les projets soumis à une procédure d'autorisation, mais non soumis à évaluation environnementale, en ayant le choix entre une enquête publique et une participation du public par voie électronique .

3. Évaluation environnementale et participation du public : un bilan à tirer, évaluant notre réelle « distance » au droit européen et à la législation en vigueur chez nos voisins

Plusieurs actualités tendent à montrer que notre législation souffre de faiblesse en matière de participation du public et d'évaluation environnementale.

• Ainsi, la commission relève que la France a fait l'objet de deux décisions de la Commission européenne relatives à des procédures d'infraction au mois de décembre 2021.

La première porte sur une question de conformité à la directive de 2001 relative à l'évaluation environnementale stratégique 124 ( * ) . La commission indique que « l'analyse de la législation française a mis en évidence des lacunes dans certaines dispositions juridiques en lien avec certains plans, qui ne sont pas conformes à la directive. Il s'agit notamment des programmes de prévention des inondations et d'action en matière d'inondations , du plan d'occupation des sols et du plan de prévention des risques technologiques ».

La seconde porte sur une question de conformité à la directive Seveso III 125 ( * ) . La Commission européenne, qui avait déjà adressé à la France une lettre de mise en demeure en octobre 2019, constate que notre pays « n'a toujours pas transposé correctement en droit interne les informations à mettre à la disposition du public . [Il] n'a pas veillé non plus à ce que soit donnée au public concerné, en temps voulu, la possibilité de formuler des observations sur des projets individuels spécifiques ayant trait à de nouveaux aménagements. Cette possibilité est particulièrement importante lorsque le lieu d'implantation ou les aménagements sont susceptibles d'accroître le risque ou les conséquences d'un accident majeur ».

Face à cette situation, deux arrêtés ont été pris en novembre 2021 pour adapter la réglementation française sur les points ciblés.

L' arrêté du 16 novembre 2021 portant modification de l'arrêté du 10 mars 2006 relatif à l'information des populations 126 ( * ) modifie les dispositions relatives au contenu des documents d'information à disposition des populations dans le cadre d'un plan particulier d'intervention (PPI). Ces documents devront désormais prévoir et inclure :

- un résumé des principaux types de scénarios d'accidents majeurs et des mesures de maîtrise des dangers permettant d'y faire face ;

- des précisions relatives aux modalités de droit d'accès à toutes informations complémentaires ;

- la date de la dernière visite d'inspection sur le site ou la référence à l'endroit où cette information peut être consultée électroniquement, des informations sur l'endroit où il est possible d'obtenir, sur demande, des informations plus détaillées sur l'inspection et le plan d'inspection ;

- des informations indiquant si l'établissement se trouve à proximité du territoire d'un autre État membre susceptible de subir les effets transfrontaliers d'un accident majeur.

L' arrêté du 16 novembre 2021 portant modification de l'arrêté du 5 janvier 2006 relatif aux informations nécessaires à l'élaboration du plan particulier d'intervention 127 ( * ) précise que les informations contenues dans les plans d'urgence doivent être transmises au préfet dans un délai raisonnable avant le début de l'exploitation.

• En outre, à la suite de la décision du Conseil d'État du 15 avril 2021 128 ( * ) annulant le décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 « en tant qu'il ne prévoit pas de dispositions permettant qu'un projet susceptible d'avoir une incidence notable sur l'environnement pour d'autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale », des évolutions normatives sont nécessaires .

Ce décret a modifié les catégories de projets soumises à une évaluation environnementale obligatoire et à consultation du public en se concentrant sur un critère de taille et en ne traitant pas suffisamment les autres caractéristiques des projets (nature, dimensions, localisation) qui sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine .

La réécriture de ces dispositions devant intervenir dans un délai de 9 mois à compter de la décision du Conseil d'État, le Gouvernement a pris un premier décret en date du 29 juin 2021 129 ( * ) pour modifier les dispositions relatives à la nomenclature et à la procédure d'évaluation environnementale pour mieux transposer la directive 2011/92/CE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

En outre, afin de traiter l'ensemble des sujets mis en lumière par la décision du Conseil d'État mais connus de longue date, le Gouvernement a mis en consultation un nouveau projet de décret dit de « clause filet », qui vise à mettre en place un dispositif permettant de soumettre à évaluation environnementale des projets situés en deçà des seuils de la nomenclature annexée à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour autoriser ou recevoir la déclaration d'un projet devra ainsi soumettre à un examen au cas par cas tout projet situé en deçà des seuils précités qui lui apparaissent comme susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement . La décision de soumettre à examen au cas par cas revient à l'autorité compétente en charge de la première procédure d'autorisation ou de déclaration et doit intervenir dans un délai de 15 jours à compter du dépôt du dossier d'autorisation ou de déclaration. Pour ces mêmes projets, le décret prévoit également la faculté pour le porteur de projet de saisir, de sa propre initiative, l'autorité chargée de l'examen au cas par cas.

Cette modification fait écho aux débats ayant cours lors de la modernisation de l'évaluation environnementale entre 2015 et 2016 et reprend l'idée figurant dans le rapport du groupe de travail de Jacques Vernier 130 ( * ) . La consultation est ouverte jusqu'au 10 février 2022 .

• Plus généralement, une évaluation de l'état de notre droit en matière d'information et de participation du public serait opportune .

Dans un rapport publié en octobre 2021 131 ( * ) , le Conseil général de l'environnement et du développement durable a porté un regard critique sur les procédures de participation du public et d'évaluation environnementale des projets, pointant leur complexité et la nécessité de mener une consultation du public dès l'initiation du projet.

La commission, attentive à ces questions, pourrait y consacrer des travaux dans les prochains mois.

B. PLUSIEURS SUJETS APPELLENT ENCORE UNE ACTION VOLONTARISTE POUR GARANTIR LA SÉCURITÉ INDUSTRIELLE ET LA MISE EN oeUVRE PLEINE ET EFFECTIVE DES PRINCIPES DE LA DÉMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE

L'évaluation de la mise en oeuvre des recommandations du rapport de la commission d'enquête du Sénat révèle que plusieurs mesures et initiatives complémentaires sont encore nécessaires .

Afin de tirer toutes les conséquences des retours d'expérience post-Lubrizol, la commission, suivant son rapporteur, a formulé 8 recommandations s'inscrivant dans 4 axes pour :

- améliorer la prévention des accidents industriels et accentuer les contrôles de terrain réalisés par l'inspection des ICPE ;

- renforcer l'information et assurer une meilleure participation du public à la prévention et à la gestion des risques industriels ;

- sécuriser l'évaluation, le traitement et la réparation des dommages résultant d'un accident industriel ;

- définir un système et des procédures permettant d'assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.

Ces recommandations, adoptées à l'unanimité par la commission 132 ( * ) , pourront être traduites dans le cadre d'une proposition de loi . Certaines relevant en revanche davantage du niveau réglementaire appellent une action du pouvoir exécutif.

1. Améliorer encore la prévention des accidents industriels et augmenter le nombre de contrôles et d'inspections

Sur le volet de la politique de prévention des risques industriels, la commission formule 3 recommandations visant à :

- apporter des évolutions resserrées et pragmatiques à notre législation pour renforcer la sécurité industrielle ;

- augmenter les contrôles sur les sites sensibles et adapter en conséquence les effectifs de l'inspection des ICPE ;

- accompagner les maires dans l'exercice de leurs compétences en matière de prévention des risques et de gestion de crise.

Face à la baisse importante du nombre de contrôles entre 2006 et 2018 ( - 40 % ), qui est passé de 30 300 en 2006 à environ 18 200 en 2018 , la commission appelle à leur augmentation.

Recommandation 1 - Poursuivre le renforcement des contrôles sur les sites et activités industriels sensibles en :

- définissant un programme d'actions et de contrôles inopinés par l'inspection des ICPE pour s'assurer que les industriels mettent en oeuvre leurs obligations, notamment celles relatives à la réalisation d'exercices, y compris hors heure ouvrée. Cette recommandation doit faire l'objet d'instructions dans les prochaines circulaires adressées annuellement à l'inspection des ICPE ;

- fixant une trajectoire d'augmentation des effectifs de l'inspection des ICPE pour atteindre + 200 ETP nets d'ici 2027 ;

- dépassant les 30 000 inspections annuelles dès 2023 pour renouer avec les seuils de contrôles effectués après l'accident d'AZF ;

Recommandation 2 - Améliorer encore la prévention et la gestion des risques au sein des plateformes industrielles en :

- prévoyant, dans le cas où une plateforme industrielle a été constituée, la possibilité pour le préfet de demander l'inscription d'office de la prévention et de la gestion des accidents majeurs dans les domaines de responsabilités des exploitants qui souhaitent se regrouper 133 ( * ) ;

- mettant à l'étude une modification législative visant à limiter à trois le nombre maximum de niveaux de sous-traitance pour certaines catégories d'ICPE (Seveso seuil haut, seuil bas, ICPE soumises à autorisation de certaines rubriques sensibles) et réalisant une analyse comparative sur les régimes juridiques et pratiques en vigueur dans les États de l'Union européenne. Le préfet pourrait également se voir reconnaître la possibilité d'interdire ou de limiter les possibilités de sous-traitance sur tout ou partie d'une activité. La communication des contrats de sous-traitance à l'administration (DREAL) pourrait également être prévue explicitement ;

- prévoyant, dans le cas où une plateforme industrielle a été constituée et pour laquelle la prévention des risques figure dans les domaines de responsabilité partagés des exploitants, l'information de l'ensemble des exploitants de la plateforme sur les suites données à un contrôle portant sur l'un des exploitants membre de la plateforme, afin de développer la sensibilisation ;

- mettant à disposition de tous les exploitants de sites à forts enjeux de sécurité (Seveso seuil bas et seuil haut, ICPE soumise à autorisation, quelques ICPE soumises à enregistrement) un bilan annuel synthétique des principaux évènements intervenus en matière de sécurité industrielle dans leurs secteurs d'activités, pour les sensibiliser aux risques à surveiller en particulier ;

- approuvant au plus vite les quatre plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prescrits mais non encore approuvés.

Recommandation 3 - Accompagner les maires dans l'exercice de leurs compétences en matière de gestion de crise et dans le renforcement de la résilience des territoires face aux effets des accidents industriels en :

- complétant le troisième alinéa du I de l'article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure pour prévoir la transmission annuelle, du préfet au maire concerné, des retours d'expérience issus de la mise en oeuvre des plans particuliers d'intervention (PPI) ainsi que d'un bilan synthétique des conclusions des contrôles des ICPE réalisés sur le territoire ;

- complétant l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure pour prévoir la présence obligatoire de l'exploitant ainsi que du maire concerné ou de son représentant qu'il désigne à cet effet lors de l'organisation des exercices prévus dans le cadre des plans particuliers d'intervention (PPI) ;

- mettant à l'étude une inscription, dans les missions de l'association nationale qui sera chargée de diffuser la culture du risque, d'un rôle d'appui et de soutien aux collectivités dans la mise en oeuvre de leurs stratégies de prévention des risques et d'information du public, comprenant l'aide à la rédaction de leurs documents de gestion de crise 134 ( * ) ;

- complétant le II bis de l'article L. 125-2 du code de l'environnement pour faire référence à la garantie contre les effets des catastrophes technologiques prévue à l'article L. 128-2 du code des assurances dans les informations que le maire apportera à la population ;

- prévoyant la mise à disposition de l'ensemble des maires des communes d'un département comportant au moins un établissement classé Seveso de supports d'information sur les risques et les comportements à tenir en cas d'accident, afin qu'ils puissent les partager auprès de la population ;

- envisageant une modification des dispositions relatives aux commissions de suivi de site (CSS) instituées par le préfet pour assurer la représentation de toutes les collectivités qui pourraient potentiellement subir les effets d'un accident dans une ICPE classée Seveso ;

- proposant un nouveau dispositif de soutien financier à destination des entreprises et des collectivités afin de les accompagner dans la mise en sécurité de leurs bâtiments et le renforcement de leur résilience face aux accidents industriels, notamment dans le cadre des prescriptions imposées par les plans de prévention des risques technologiques ;

- en évaluant, d'ici la fin de l'année 2023, l'action des services de l'État visant à accompagner les collectivités territoriales en matière de prévention des risques industriels et à soutenir les initiatives des intercommunalités conçues pour mettre en place une direction des risques.

2. Renforcer l'information et assurer la participation du public à la politique de prévention et de gestion des risques industriels

Sur le volet de l'information et de la participation du public, la commission a souhaité prolonger et aller au-delà des annonces de la ministre de la transition écologique présentées en octobre 2021 dans le cadre du plan d'action Tous résilients face aux risques .

En conséquence et suivant son rapporteur, la commission formule 1 recommandation visant, là encore, à proposer des évolutions pragmatiques de notre législation pour améliorer la diffusion des enjeux de sécurité industrielle auprès du grand public et des élus.

Recommandation 4 - Assurer une information et une participation du public à la hauteur des enjeux de sécurité industrielle en :

- désignant, dès le premier semestre 2022, la nouvelle association nationale chargée de porter la politique de sensibilité aux risques et le renforcement de la culture de la sécurité industrielle et en mettant à l'étude une évolution de notre droit visant à compléter la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement pour consacrer l'existence de cette association dans la loi. Un système de labellisation, sur le modèle de la politique de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), pourrait être prévu ainsi que la remise d'un rapport annuel de cette association au Parlement, pour préciser ses actions et les résultats obtenus ;

- réformant en profondeur le cadre applicable aux commissions de suivi de site (CSS) mises en place par les préfets dans le périmètre des établissements industriels sensibles en procédant aux modifications suivantes au sein du code de l'environnement :

* à l'article L. 125-2-1, préciser que lorsque l'exploitant, les collectivités ou les riverains demandent la création d'une commission de suivi de site (CSS), cette demande de création est de droit, avec l'obligation pour le préfet d'y donner une suite favorable ;

* au dernier alinéa de l'article L. 125-2-1, apporter un complément pour préciser que la composition des CSS doit permettre une représentation plus importante des élus, des riverains, de la population exposée en second rideau et des associations de protection de l'environnement ;

* prendre un décret pour faire évoluer la composition des CSS (article R. 125-8-2 et R. 125-8-4 s'agissant du poids relatif de chaque collège dans les prises de décisions) afin d'assurer une plus grande présence et représentation des élus, des riverains, de la population exposée en second rideau et des associations de protection de l'environnement. Prévoir une composition inspirée de l'ancienne version de l'article D. 125-30 pour les CSS créées en application du dernier alinéa de l'article L. 125-2 du code de l'environnement ;

* prévoir une disposition législative explicite à l'article L. 125-2-1 visant à ce que les exploitants n'aient qu'une voix consultative dans les cas où une CSS est amenée à émettre un avis ;

- améliorant l'information générale du public sur les risques industriels

* compléter et réorganiser la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement pour prévoir une disposition inspirée du droit de la sûreté nucléaire visant à organiser l'information des personnes domiciliées ou établies dans le périmètre d'un plan particulier d'intervention mentionné à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure 135 ( * ) ;

* clarifier, dans le code de l'environnement, le cadre applicable à la publicité des contrôles réalisés par l'inspection des installations classées, pour prolonger l'annonce de la ministre de la transition écologique et pour mieux distinguer ce qui relève des informations sensibles intéressant la sûreté de l'État ou le secret industriel des informations communicables et utiles au renforcement de la culture de la sécurité 136 ( * ) ;

* en prévoyant la possibilité pour les salariés des sites contrôlés par l'inspection des ICPE de recevoir communication d'informations supplémentaires par rapport à celles mises à disposition du public ;

- renforcer l'utilité d'autres instances de concertation et de suivi (Coderst, S3PI). Procéder aux modifications et évolutions suivantes :

* modifier l'article L. 125-8 pour créer une procédure de « création de droit » à la demande des élus ou du public s'agissant des instances de suivi de la mise en oeuvre des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables sur l'environnement des projets d'infrastructure linéaire soumis à évaluation environnementale, en application de l'article L. 122-1 ;

* à l'article L. 125-2-1, consacrer dans la loi l'existence des secrétariats permanents pour la prévention des pollutions et des risques industriels (S3PI), en prévoyant leur création de droit dans les mêmes conditions que celles précitées et obligatoirement après un événement ayant donné lieu à la reconnaissance de l'état de catastrophe technologique et en prévoyant une représentation plus forte des élus et du public dans les S3PI (modification nécessaire des articles D. 125-35 et -36 par décret sur modalités de création, missions et composition) ;

* prévoir la mise en place d'une cellule dédiée, sur le modèle du comité de la transparence et du dialogue (CDT) instauré à Rouen, dans le cas d'un accident d'ampleur comparable ;

* utiliser les possibilités laissées aux préfets par l'article R. 1416-2 du code de la santé publique s'agissant de la composition du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).

3. Améliorer l'évaluation environnementale, le traitement et la réparation des dommages résultant d'un accident industriel

Pour tenir compte des retours d'expérience de l'incendie de Rouen et de la mise en oeuvre partielle ou de l'absence de mise en oeuvre, par le Gouvernement, des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale, la commission formule 3 recommandations complémentaires visant principalement à :

- assurer une réparation satisfaisante des dommages résultant d'accidents industriels ;

- poursuivre l' amélioration continue de la protection de l'environnement et de la lutte contre les pollutions d'origine industrielle.

Recommandation 5 - Favoriser les recours collectifs pour l'indemnisation des préjudices et améliorer la réparation des dommages résultant d'accidents industriels en :

- assouplissant les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe technologique par la modification des articles L. 128-1 et suivants du code des assurances ;

- relançant les travaux administratifs relatifs au développement des recours contentieux collectifs afin d'assurer une meilleure réparation des dommages subis en cas d'accident industriel.

Recommandation 6 - Faire du principe de non-régression environnementale une boussole pour nos politiques publiques et dresser un bilan lucide de l'articulation entre notre législation relative à la protection judiciaire de l'environnement et celle relative à l'implantation des activités industrielles sur la période 2017-2022 en :

- modifiant les 7 e et 8 e alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution pour intégrer l'évaluation de la conformité des normes envisagées avec le principe de non-régression en matière de droit de l'environnement ;

- demandant au Gouvernement de réaliser un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre des évolutions récentes de notre droit visant à adapter le niveau des sanctions administratives et pénales applicables aux infractions constatées à la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, à remettre avant le 1 er juin 2023. Ce rapport devra notamment mentionner le nombre d'entreprises concernées, le montant global et moyen ainsi que la nature des sanctions infligées, la durée des procédures et présenter des statistiques sur la nature et les conséquences des infractions et manquements concernés.

Recommandation 7 - Assurer la pleine effectivité de l'évaluation environnementale et de la participation du public en appui de nos politiques industrielles , en apportant les évolutions réglementaires nécessaires dans les meilleurs délais. La décision du Conseil d'État a montré que notre droit n'est qu'en conformité partielle avec les exigences de l'évaluation environnementale issues du droit européen. De même, les observations de la Commission européenne sur la législation applicable à l'information et à la participation du public en France doivent être prises en compte pour renforcer la culture de la sécurité industrielle dans notre pays. Des modifications réglementaires, voire législatives sont nécessaires et peuvent être prises rapidement.

4. Définir un système et des procédures permettant d'assurer un suivi environnemental et sanitaire efficace, en particulier pour les populations touchées par un accident industriel

Sur ce volet, la commission formule 1 recommandation afin de remédier aux failles organisationnelles révélées par l'accident de Rouen. Elle considère que les professionnels de santé doivent être associés tout au long de la gestion accidentelle et post-accidentelle et que le recueil des données environnementales doit être envisagé et mis en place pour permettre une évaluation rapide et fiable des conséquences sanitaires d'un accident industriel.

Recommandation 8 - Renforcer notre capacité de réaction et d'analyse en matière sanitaire et environnementale face à des accidents industriels en :

- complétant la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement (L. 125-1 et suivants) afin d'inscrire l'obligation pour l'État d'informer dès que possible les professionnels de santé et les personnes qui participent à l'exécution des services indispensable à la gestion d'un accident industriel en cas d'accident de ce type pouvant provoquer des effets importants sur la santé de l'homme et l'environnement ;

- mettant à l'étude une mesure d'obligation d'inscription des professionnels de santé sur le logiciel « DGS-Urgent » et sur la possibilité de rattacher également les intervenants à domicile à cet outil ;

- faisant évoluer les conditions de saisine de l'Anses (article L. 1313-3 du code de la santé publique) ;

- évaluant la mise en oeuvre, par les acteurs concernés (Ineris, Santé publique France, exploitants), d'une organisation adaptée pour assurer la collecte et l'exploitation d'échantillons environnementaux (air, eau, sol, etc.) dans des délais rapides et la communication au grand public de leurs résultats.

TRAVAUX EN COMMISSION

Audition des associations représentant les victimes de l'accident de l'usine Lubrizol

Réunie le mercredi 29 septembre 2021, la commission a entendu des associations représentant les victimes de l'accident de l'usine Lubrizol, dont la parole est portée par MM. Bruno Leclerc, président, et Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des victimes de Lubrizol, MM. Simon de Carvalho, président, et Robin Letellier, secrétaire de l'Association des sinistrés de Lubrizol ainsi que M. Pierre-Emmanuel Brunet, président de Rouen Respire, et Mme Anaïs Mantion, étudiante et victime.

M. Jean-François Longeot , président . - Mes cher(e)s collègues, nous reprenons aujourd'hui les travaux de notre commission avec une première matinée d'audition consacrée à l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique intervenu à Rouen il y a exactement deux ans, le 26 septembre 2019.

Je remercie les représentants des associations de sinistrés d'avoir répondu présents à notre invitation.

Après cet accident industriel majeur, le Parlement s'est mobilisé pour contribuer, à côté des procédures judiciaires diligentées, à faire toute la lumière sur cet accident et tirer des enseignements pour notre politique de prévention des risques industriels et technologiques. L'Assemblée nationale a mis en place début octobre 2019 une mission d'information présidée par Christophe Bouillon, dont le rapporteur était Damien Adam, et qui a rendu son rapport le 12 février 2020. Le Sénat a pour sa part voté à l'unanimité, le 10 octobre 2019, la création d'une commission d'enquête chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine de Lubrizol, à Rouen. Celle-ci était présidée par Hervé Maurey, que je remercie d'être parmi nous ce matin. Les deux rapporteurs étaient Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy et je vous prie de bien vouloir excuser cette dernière qui n'a pas pu nous rejoindre.

Notre réunion marque le début d'une séquence importante consacrée au suivi et à l'évaluation de la politique de prévention des risques naturels, industriels et nucléaires.

S'agissant de Lubrizol, nous entendrons dans les prochaines semaines la ministre de la Transition écologique pour dresser le bilan de l'action du Gouvernement sur ce dossier.

Nous aurons également l'occasion de poursuivre cette séquence avec une matinée consacrée à la gestion des risques liés à la présence d'engrais à base de nitrate d'ammonium dans nos ports maritimes et fluviaux, en lien avec l'accident survenu à Beyrouth en août 2020.

S'agissant des risques naturels, je vous indique que nous travaillerons également dans les prochaines semaines sur la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Une délégation de notre commission doit également se rendre dans les Alpes-Maritimes, et plus spécifiquement dans la vallée de la Roya, afin de mesurer concrètement les conséquences de la tempête Alex et suivre les travaux de reconstruction qui ont été engagés.

En ce qui concerne l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique, notre commission était fortement représentée au sein de la commission d'enquête. J'ai souhaité, avec nos collègues concernés, que nous puissions exercer ensemble un droit de suite au rapport d'enquête.

L'objectif est clair : nous assurer que notre politique de prévention des risques s'est renforcée et que les leçons ont été tirées de cet événement. Nous nous consacrerons à titre principal sur les volets gestion de crise, prévention des risques, information du public et indemnisation. Nous laissons ainsi le soin aux autres commissions permanentes d'effectuer le travail de suivi dans les domaines qui relèvent de leur compétence. Je rappelle que plusieurs procédures judiciaires sont encore en cours et qu'il ne nous appartient pas de revenir sur les causes de l'accident.

Pour débuter cette matinée, nous recevons Bruno Leclerc, président, et Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des victimes de Lubrizol, - Simon de Carvalho, président, et Robin Letellier, secrétaire de l'Association des sinistrés de Lubrizol ainsi que Pierre-Emmanuel Brunet, président de Rouen Respire, et Anaïs Mantion, étudiante et victime, qui l'accompagne. Je donne la parole à Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey . - Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je vous remercie de votre invitation et félicite la commission de se saisir de ce dossier. Il est très important que les travaux des commissions d'enquête ou des missions d'information que nous mettons en place soient prolongés par un suivi des préconisations qui sont formulées, sans quoi le travail est affaibli.

Comme vous l'avez indiqué, après l'incendie de l'usine de Lubrizol il y a deux ans maintenant, le Sénat a décidé à l'unanimité de créer cette commission d'enquête avec deux rapporteurs issus des principaux groupes du Sénat, ce qui assurait une représentation pluraliste conforme à l'esprit dans lequel nous travaillons. Nous avons procédé à une quarantaine d'auditions et effectué plusieurs déplacements, à Rouen bien sûr, mais aussi à Lyon, sur un site très sensible aux problèmes d'accidents technologiques et industriels.

Nous avons rendu notre rapport, qui présentait une quarantaine de propositions regroupées autour de six axes principaux que je rappelle brièvement : créer une véritable culture du risque ou culture de la sécurité, qui est particulièrement lacunaire en France, améliorer la politique de prévention des risques industriels, améliorer la gestion de crise, assurer une meilleure coordination entre l'État et les collectivités territoriales, indemniser l'intégralité des préjudices subis et appliquer le principe de précaution au suivi sanitaire. À la suite de ce rapport, le Gouvernement a fait un certain nombre de déclarations et pris des engagements. Il importe désormais de mesurer ce qui a réellement été entrepris et ce qui le sera, au-delà des effets d'annonce. L'objectif de la commission d'enquête, au-delà de la compréhension de l'enchaînement des événements et de l'émotion suscitée, était de tirer toutes les conséquences de cette catastrophe.

M. Jean-François Longeot . - Je vais donner la parole à Pascal Martin sur le sujet puis vous la laisserai pour répondre à toutes les questions qui vous seront posées par nos collègues.

M. Pascal Martin . - Merci Monsieur le Président. Messieurs, je suis peut-être le seul à bien vous connaître au sein de cette commission, puisque je suis originaire du département de la Seine-Maritime et que j'étais présent le jour de l'incendie en tant que président du Conseil départemental. J'ai donc pu mesurer sur place l'ampleur de cet incendie.

Il est sans doute inutile de revenir sur la question de la gestion opérationnelle car nous sommes tous d'accord pour dire que, compte tenu du caractère hors norme de cet incendie, les sapeurs-pompiers du département et des départements voisins ont su maîtriser le feu en un temps record.

Pour avoir eu l'occasion de siéger avec vous au sein du comité de la transparence et du dialogue (CTD), présidé par le préfet de la région, je sais que les conséquences sanitaires sont au coeur des préoccupations des associations et des habitants que vous représentez.

J'aurais quelques questions à vous poser pour débuter nos échanges : pourriez-vous indiquer à la commission combien de membres compte chacune de vos associations ? Quelles sont les principales insuffisances que vous avez relevées dans la gestion de l'accident et de la crise ?

Le Gouvernement a lancé trois missions de retour d'expérience sur l'accident : une mission pour analyser les causes et la gestion de l'accident, qui a rendu son rapport en février 2020, une mission associant cinq inspections ministérielles pour analyser la gestion de crise, qui a rendu son rapport en mai 2020, et une troisième mission sur la culture du risque, qui a rendu son rapport en juin 2021. Avez-vous été entendus par les inspecteurs ou associés, même indirectement, au travail de ces trois missions ?

Depuis septembre 2020, deux décrets et cinq arrêtés ont été publiés au JO pour renforcer les obligations applicables aux sites Seveso et la prévention des incendies dans les stockages de liquides inflammables et combustibles ainsi que dans les entrepôts. Ces évolutions, qui visent à répondre à la méconnaissance totale des produits et des volumes stockés - c'était un point majeur dans le cas de Lubrizol, avec le risque des effets dits « cocktail » - semblent aller dans le bon sens. Quel est votre sentiment en la matière ?

Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », dont j'étais l'un des rapporteurs, la création d'un bureau enquête accident (BEA) a été proposée à l'article 288, réécrit par le Sénat : accueillez-vous cette initiative de façon favorable ?

En ce qui concerne la culture du risque et le système d'alerte des populations, le Gouvernement s'était engagé à déployer un système de cell broadcast , permettant de recevoir des notifications associées à des envois ciblés de SMS d'ici 2022. D'après les informations en ma possession, une première phase de test aura lieu à Rouen d'ici la fin de l'année 2021. Avez-vous des informations sur la tenue prochaine de cette expérimentation ? Y avez-vous été associés, de près ou de loin ?

Enfin, la commission d'enquête du Sénat a recommandé la tenue d'exercices de sécurité civile plus fréquents, grandeur nature, et la mise en place de campagnes d'information grand public pour renforcer notre culture de la sécurité industrielle, notamment auprès des élèves. De tels exercices se sont-ils tenus dans l'agglomération rouennaise depuis deux ans ? Savez-vous s'ils sont planifiés pour le futur ?

M. Jean-François Longeot . - Merci cher collègue. Je vais donner la parole aux intervenants puis je laisserai la parole à Joël Bigot.

M. Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des victimes de Lubrizol . -Nous parlons depuis le début de prévention du risque et je vais être très honnête avec vous sur ce point : j'ai lu les améliorations apportées aux lois et règlements en ce qui concerne les entrepôts susceptibles d'accueillir des liquides inflammables. Beaucoup de lignes ont été ajoutées. En tant que non spécialiste et simple père de famille, après avoir étudié la question pendant deux ans et appris des choses hallucinantes, je vous le dis droit dans les yeux et c'est vous qui pouvez faire changer les choses, avec les députés : on peut rajouter des multitudes de lignes dans la législation mais le point sensible dans le métier de la chimie est qu'il y a les bons élèves et les mauvais élèves.

Concrètement, et même si l'on sait que le risque « zéro » n'existe pas, les bons élèves ne poseront pas de problème et on peut, on va, leur faire confiance. Mais pour les mauvais élèves, on aura beau ajouter autant de lignes que l'on veut dans les textes de loi, ils ne les respecteront pas.

Dans le cas de l'usine Lubrizol, plusieurs mises en demeure ont été adressées et elles n'ont pas été respectées et je ne vous citerai pas les autres cas dans la vallée de la Seine.

Je pense sincèrement qu'il faut traiter le mal à la racine. Tant que ces gens qui ne respectent pas la loi ne recevront que des amendes de 1 500 euros, certains ne la respecteront jamais. Comme pour la circulation routière, il faudrait - pourquoi pas - penser à un permis à points dans le secteur de la chimie : une infraction entraînerait un point en moins, une mise en demeure non respectée - trois points en moins et au bout de douze points retirés on prononcerait une fermeture administrative jusqu'à ce que les travaux soient faits. Avec un tel système, je peux vous dire que ce sera efficace. Tant qu'on agira avec des amendes de 1 500 euros, on n'y arrivera pas.

Lubrizol, par exemple, avait été condamnée à Rouen pour des nuisances olfactives, avec une telle amende : mais que représentent 1 500 euros, pour une entreprise dont le chiffre d'affaires réalisé à Rouen avoisine le milliard d'euros par an.

À Saint-Nazaire, je citerai le cas de Yara qui a été sanctionnée à hauteur de 22 800 euros en début d'année : or cette entreprise pollue depuis plus de dix ans, et rejette parfois dans la Loire, en une journée, tout son quota annuel tandis que le Groupe réalise un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros à travers le monde. Ils viennent d'être condamnés à nouveau à hauteur de 61 000 euros. Les amendes n'ont donc aucune importance pour ces acteurs. Tant que nous ne résoudrons pas cette situation, nous n'aurons pas de culture du risque. Et, je l'ai dit à Barbara Pompili, nous ferons un deuil national un jour si les choses continuent comme ça.

M. Bruno Leclerc, président de l'Union des victimes de Lubrizol . - Je souhaitais évoquer les fonds de solidarité. Juste après l'incendie, l'État, c'est-à-dire les ministres, est venu nous voir, en affirmant à la télévision que le pollueur serait le payeur. En l'occurrence, nous constatons aujourd'hui que si certains ont été indemnisés, beaucoup de personnes ne l'ont pas été pour leurs pertes. Le dossier a été confié à Lubrizol, qui l'a lui-même confié au cabinet d'expertise Exetech, lequel s'est prononcé sur le droit ou non à l'indemnisation. Certains professionnels ont été exclusivement indemnisés sur la perte de récoltes, mais non sur la perte de chiffre d'affaires ou sur la baisse de la fréquentation du public après l'incendie. Beaucoup de clients n'ont pas osé revenir acheter leurs produits après l'accident. En réalité, de nombreux clients ont cessé d'acheter des produits locaux, mais le cabinet Exetech a estimé que le chiffre d'affaires avait à nouveau augmenté parce que les personnes s'étaient à nouveau orientées vers les petits producteurs pendant la crise sanitaire. Or une fois le confinement terminé, ces clients ne sont pas revenus, ce qui s'est traduit par une perte importante de chiffre d'affaires. Les indemnisations ont été partielles. Par exemple, une agricultrice propose des produits cosmétiques à base de lait d'âne ; seul le lait, et non les produits finis, a été remboursé : elle a ainsi perçu 800 euros d'indemnisation et a perdu 7 000 euros. Donc quand on affirme que le pollueur est le payeur, dans les faits on en est loin.

Et le cas des particuliers est préoccupant. J'habite personnellement à 35 kilomètres de l'usine Lubrizol ; et les suies sont tombées chez nous sur les salons de jardin, la toiture ou la piscine. Personne ne s'est adressé à moi pour savoir ce que j'avais perdu et quel en avait été le coût. Pour le nettoyage de ma maison, la facture s'est élevée à 5 100 euros, avec une franchise de 227 euros prévue par l'assurance. Des frais d'huissier de justice pour faire constater les dégâts se sont quant à eux élevés à 264 euros. J'interdis aujourd'hui à mon fils de jouer sur le trampoline qui a été souillé par les suies de l'usine.

M. Christophe Holleville . - Je vous remets un dossier : vous y verrez que les montants prévus par le fonds de solidarité mis en place par Lubrizol sont à la limite du grotesque. C'était la première fois que ce système était tenté en France, à l'américaine. Lubrizol s'est acheté à moindre coût le silence du monde de l'agriculture qu'il craignait tant. Ils ont eu quelques milliers d'euros et Lubrizol s'en sort bien avec 1 800 plaintes de moins.

Vous verrez également dans ce dossier des incohérences qui ont été laissées à l'appréciation de Lubrizol, du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) et d'Exetech. C'est une ambiance occulte. Nous ne connaissons même pas la somme globale versée à ce jour et aucun élu n'est parvenu à la connaître, ce qui est scandaleux.

M. Simon de Carvalho, président de l'Association des Sinistrés de Lubrizol . - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, merci de nous recevoir aujourd'hui. Je souhaiterais pour ma part insister sur l'aspect sanitaire de ce dossier. En avril 2021, en collaboration avec la Fédération nationale des Victimes d'Attentats et de Catastrophes (FENVAC), avec l'Union des Victimes de Lubrizol et avec l'Association des Sinistrés de Lubrizol, nous avons adressé à tous les médecins spécialistes du département et au conseil de l'Ordre des médecins du département le courrier suivant que je souhaiterais vous lire :

« Chers Docteurs,

Vous n'êtes pas sans savoir que le 26 septembre 2019, un incendie touchait l'usine de Lubrizol et les entrepôts de Normandie Logistique à Rouen. Si aucun décès n'était à déplorer dans les suites de l'accident, très rapidement s'est posée la question, au-delà des simples dommages matériels, des dommages corporels qui pouvaient apparaître au moyen ou au long cours au sein de la population exposée aux fumées et aux retombées toxiques. Deux associations de victimes étaient ainsi créées : l'ASL (association des sinistrés de Lubrizol) et l'Union des Victimes de Lubrizol. La FNVAC, qui accompagne depuis 1994 les victimes de drames collectifs, collabore activement avec ces deux associations afin de porter assistance aux victimes. En l'état, les moyens mis en oeuvre pour faire toute la lumière sur les éventuelles conséquences sanitaires de cet accident ne nous semblent pas suffisants. L'étude de Santé publique France n'atteste que d'une prise en compte de la perception par les riverains de l'événement, non d'une surveillance sanitaire de long terme. Qui plus est, l'enquête n'a pu être mise en oeuvre qu'à partir du mois de septembre 2020, soit après la Covid-19.

Inquiets de l'absence de véritable suivi sanitaire par les institutions, nous, associations de victimes, avons besoin de vous pour nous aider à faire remonter d'éventuelles hausses de pathologies ou de malformations cardiaques, pulmonaires et oncologiques dans votre patientèle depuis ledit accident, survenu à la fin du mois de septembre 2019.

Nous sollicitons l'aide des pneumologues, cardiologues, cancérologues et médecins généralistes de la région. Nous nous inquiétons particulièrement pour les personnes dites fragiles et vulnérables et celles souffrant d'atteintes broncho-pulmonaires. En effet, depuis cette date, les associations reçoivent de nombreux témoignages spontanés relatifs à des inquiétudes médicales diverses. Des particuliers évoquent une aggravation de leur état de santé, notamment des difficultés respiratoires, tandis que d'autres ont constaté l'apparition de maladies post-accident dont il apparaît difficile d'établir un lien de causalité avec celui-ci. Des médecins nous ont également fait part du constat d'une augmentation de certaines pathologies par rapport aux années antérieures, à l'instar de malformations cardiaques plus élevées chez les nouveau-nés.

Nous savons que cette initiative citoyenne peut paraître surprenante. Nous savons également les difficultés que les membres du corps médical de notre pays rencontrent du fait de la gestion de la crise sanitaire depuis un an, et nous vous transmettons toute notre solidarité face à cette charge importante d'activité. Votre retour nous permettrait de pallier les insuffisances des institutions et ainsi d'avoir une image plus claire de l'impact potentiel de cet accident sur la santé de la population. Si vous et vos collègues nous faisiez remonter un éventuel constat de hausse des malformations et pathologies depuis 2019, nous serions à même de rendre nos inquiétudes plus audibles auprès de nos gouvernements. Notre souci premier, dont vous pouvez vérifier la véracité à travers notre site internet et nos réseaux sociaux, est celui d'agir dans l'intérêt commun, afin que toutes les conséquences de cette tragédie soient mises en lumière, en protégeant la génération à venir. Le philosophe Hans Jonas écrivait que nous devons agir de telle façon que les effets de notre action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. Ce principe guide aujourd'hui notre sollicitation qui, nous l'espérons, recevra une écoute favorable de votre part. Nous tenons à préciser que cette démarche n'a pas vocation à porter des accusations ou à établir un lien de causalité avec l'incendie, mais seulement de corroborer ou dénier un constat d'augmentation des pathologies et malformations dans le département depuis le drame. Nous tenons à préciser que cette démarche est totalement anonyme pour vous, votre nom ne pouvant être utilisé sans votre assentiment. »

Ce courrier est resté sans réponse, alors que nous avons reçu de nombreux témoignages de personnes victimes de pathologies, et qui ne savaient pas quoi faire. Et c'est à nous, associations de victimes fraîchement créées, qu'il revenait d'écouter et d'agir. Nous avons su les écouter, les accompagner psychologiquement et les orienter dans leurs procédures juridiques, mais que pouvons-nous faire quand l'État comme les médecins sont absents ?

Notre association a donc la volonté de créer un institut éco-citoyen à Rouen, qui pourrait mettre en relation les acteurs et tenter de pallier les manquements auxquels nous avons fait face depuis septembre 2019.

Merci de votre écoute. Je voudrais profiter de cette tribune pour appeler les médecins et spécialistes à venir nous aider, à Rouen. Nous avons besoin de votre aide, s'il vous plaît.

M. Robin Letellier, secrétaire de l'Association des Sinistrés de Lubrizol . - Qu'est-ce qui a changé pour nous, citoyens, depuis la catastrophe de Lubrizol ? Depuis deux ans, Lubrizol a installé des barbelés et des bâches autour de son enceinte, qui n'existaient pas avant. Est-ce pour nous cacher la vue sur ce qui se passe sur le site ? Et ce geste est très symbolique. De plus, le stockage a disparu. On ne voit plus les bidons.

Les ministres sont, quant à eux, tous venus nous promettre de nombreux changements, que nous n'avons pas vus se réaliser. Les fiches complètes de sécurité des produits ne nous ont toujours pas été transmises, contrairement à ce qui avait été promis, alors que, dans le même temps, je lis des articles de presse affirmant que les industriels ont l'obligation de les communiquer. Nous les réclamons depuis deux ans, le préfet aussi. Nous ne savons toujours pas, nous citoyens, quels produits ont brûlé. Ces fiches pouvaient être trouvées sur le site internet de Total, avant d'en être supprimées. Où sont ces fiches de produits ?

Par ailleurs, nous avions demandé un suivi épidémiologique qui n'a pas été mis en place. Les services de l'État n'ont pas jugé nécessaire de le faire. Il en va de même pour le registre des cancers et des malformations.

S'agissant des rapports publiés par l'Assemblée nationale et le Sénat, je n'ai pas vu le Gouvernement agir sur la base de vos recommandations. Alors, comment faire confiance à l'État et à ses services lorsque des documents nous sont dissimulés, comme l'étude de danger, à l'occasion des comités de la transparence et du dialogue (CDT) ? Je comprends que ce soit un document sensible mais cette étude pourrait a minima être remise à nos avocats et au tribunal administratif, sans être rendue publique, compte tenu des données sensibles qu'elle contient.

De plus, comment établir une relation de confiance avec les services de l'État lorsqu'ils omettent de nous transmettre les documents ou qu'ils le font quand ils le souhaitent ? Ainsi, nous avons obtenu les résultats des études - portant sur les lichens il y a seulement deux mois : ce n'est pas normal. Et nous avons dû aller la chercher par nous-mêmes sur le site de la préfecture mais elle ne nous a pas été présentée. Ce type d'attitude conforte les arguments complotistes.

Nous sortons aujourd'hui d'un mois et demi de bénévolat intense, pendant lesquels nous avons mis notre vie personnelle et professionnelle de côté. Nous, citoyens, avons remplacé l'État et les collectivités territoriales dans leur rôle concernant la sécurité des citoyens. Il faut faire attention à ses citoyens avant de faire attention à ses industriels. Si les services de l'État veulent faire leur travail, nous sommes d'accord pour leur remettre notre dossier. Nous ne le ferons toutefois pas en leur laissant un blanc-seing. Notre démocratie représentative est malade, avec un écart de plus en plus grand entre les citoyens et les institutions, entre vous et nous. On se comprend de moins en moins.

Nous devons donc créer un institut éco-citoyen qui permettra de réunir tous les acteurs : il servira à former et informer les populations, mais aussi à assurer un certain contrôle sur les industriels et les décisions prises au niveau local. Je vous remercie.

M. Pierre-Emmanuel Brunet, président de l'association Rouen Respire . -Rouen Respire est un collectif citoyen. Le préfet a affirmé que l'accident n'avait entraîné aucune pollution, aucun mort et aucun blessé mais certaines personnes ont été affectées. Un tel accident a eu un impact net, dont nous vous présentons un exemple.

Mme Anaïs Mantion, étudiante . - Je suis étudiante à Rouen. Le 26 septembre 2019, à mon réveil, on m'a appris qu'un incendie avait eu lieu. Pendant deux heures, nous avons reçu des informations de sécurité, puis plus aucune, vers 11h-11h30. Nous ne savions absolument pas si l'incendie était contrôlé. Je vous laisse imaginer la panique.

Les séquelles ont pour ma part débuté au lendemain de l'incendie : nausées, maux de tête, qui sont les symptômes classiques. Or je suis asthmatique et après cet incendie, mon état s'est dégradé. Tous les trois à quatre mois, je dois suivre un traitement d'urgence pour stabiliser mon asthme et, depuis deux ans, j'ai également des problèmes aux cordes vocales. Je suis suivie par des orthophonistes depuis plus d'un an pour une rééducation donc je progresse lentement mais sûrement. Or, je me présente à un concours de recrutement pour devenir professeur de français et vous pouvez donc imaginer la difficulté que je rencontre pour passer de simples oraux.

Un an après les faits, il nous a été assuré que l'accident n'avait pas eu de conséquences et n'avait pas fait de blessés. « Tout va bien ». Or, je fais partie des victimes et je vis encore les séquelles de cet incendie deux ans plus tard.

M. Pierre-Emmanuel Brunet . - Malheureusement au CTD nous n'avons pas souvent ce genre de dialogue. Je suis entrepreneur, je vis à 700 mètres de Lubrizol, dans un « écoquartier », situé à la place d'une ancienne friche industrielle qui avait accueilli une raffinerie. En arrivant depuis la région Rhône-Alpes, j'ignorai, en 2012, la présence de toutes ces usines Seveso à côté de chez moi. Le 26 septembre, comme beaucoup de mes concitoyens, je n'ai pas été alerté. L'accident a débuté vers 2 heures 30 du matin. Nous avons reçu un SMS tôt dans la matinée, un peu avant 7h du matin, de la part d'une élue, qui nous a prévenus que nos enfants n'auraient pas école et qu'il ne fallait pas les y amener. Des écoles encore plus proches n'ont même pas reçu une telle instruction. Nous habitons sur un toit-terrasse et avions le panache 20 mètres au-dessus de nos têtes : nous voyions des particules et des suies tomber et je les ai filmées. Mais ces particules ne semblent pas avoir été analysées.

Deux ans plus tard, je me suis rendu près de Moulineaux, sur les quais de France, où il est prévu de construire 90 hectares d'immeubles près d'une zone aussi dangereuse. Nous avons réalisé un film, ce dont auraient pu se charger les services de l'État d'ailleurs. Des plaquettes sur le plan particulier d'intervention (PPI) sont parfois distribuées mais, en l'occurrence, il y avait encore 1 000 plaquettes qui étaient stockées dans les caves de la préfecture. Je les ai récupérées grâce aux services de la préfecture. Nous avons demandé l'autorisation d'en faire un film, qui illustre les risques pour la ville de Rouen ainsi que les gestes à effectuer ou éviter. Nous l'avons sous-titré en langage des signes, anglais, en arabe littéraire et en chinois.

S'agissant des exercices, je sais qu'il y en a eu un au Havre récemment, qui a révélé des dysfonctionnements, mais nous n'en avons pas eu à Rouen et c'est inadmissible.

Ce film est déjà un acte de prévention : je l'ai donc proposé aux élus et à la préfecture, mais la procédure de décision est lourde et longue. Nous ne parvenons toujours pas, deux ans après l'accident, à une collaboration fluide et à aller de l'avant.

Au niveau de la copropriété, qui correspond à l'échelle pertinente pour une ville urbaine, nous pourrions imaginer des exercices en commun. À titre d'exemple, il est nécessaire de couper la Ventilation Mécanique Contrôlée (VMC) qui permet de renouveler l'air intérieur, ce que nous n'étions pas capables de faire le jour de l'accident parce que nous ne savions pas qu'il fallait le faire, ni comment et où le faire : il faudrait prévoir des dispositifs permettant de désactiver cette ventilation à distance.

Par ailleurs, des kits de confinement sont nécessaires. Est-ce que nos écoles sont préparées ? La réponse est non. Même s'ils font des exercices. Nos écoles manquent, en pratique, de matériel et les personnes en activité, quant à elles, ne sont pas préparées. Pareil pour les personnes âgées. Nous sommes donc moins bien préparés que nos enfants.

L'examen contradictoire n'a pas été assuré dans cette affaire. Nous avons dû faire un référé-constat lors d'une procédure contentieuse et réaliser une enquête sanitaire, alors que ce n'était normalement pas à une association de citoyens de le faire.

Il faudrait un protocole sanitaire national pour réaliser des prélèvements. Un cabinet d'expertises spécialisé dans le contrôle environnemental doit être en mesure de prouver la situation et la signature chimique avant, pendant et après l'accident. De plus, nous avons besoin de registres et nous pouvons lancer cette démarche sur notre territoire. Les élus normands peuvent aussi faire ces démarches. Cela a été fait à Bordeaux mais pas à Rouen. Il faut pouvoir lever le doute et rassurer les gens quand il y a un accident de ce type et mettre en place des cohortes de population, on sait le faire.

Je rejoins également les intervenants qui demandent un renforcement des contrôles, des sanctions et une pénalisation.

M. Joël Bigot . - Merci pour vos témoignages. Je souhaite vous interroger sur le volet culture du risque ainsi que sur vos rapports avec l'État. Des campagnes d'information sur les risques industriels dans la région ont-elles été assurées ? Selon vous, deux ans après l'incendie, les habitants de Rouen sont-ils mieux informés sur les risques industriels et les conduites à tenir en cas d'accident ?

Pendant les travaux de la commission d'enquête, vous avez indiqué avoir reçu de nombreux signalements citoyens sur les odeurs perçues et les signalements en santé associés, et les avoir transmis à Santé publique France (SPF). Mis à part un travail de recensement que ce dernier a réalisé, vous nous avez indiqué ne pas avoir le sentiment que le contenu des signalements a été pleinement considéré par les autorités sanitaires. Selon vous, le suivi sanitaire des populations doit-il être renforcé ?

S'agissant de l'accompagnement de l'État, comment jugez-vous vos rapports avec les services de l'État et les parties prenantes du dossier ? Les services sont-ils réactifs lorsque vous les sollicitez ? Avez-vous bénéficié d'un accompagnement ? Le Premier ministre de l'époque s'y était engagé. Le comité de transparence et de dialogue mis en place après l'accident a-t-il bien fonctionné ?

M. Stéphane Demilly . - Je souhaite remercier les intervenants pour leur message exprimé très directement. Nous entendons et comprenons votre colère, à l'image des propos poignants de Monsieur Letellier.

Pascal Martin évoquait dans son propos introductif les conséquences sanitaires. Je souhaite m'attarder quelques instants sur le monde agricole, qui a été frappé par cette catastrophe, y compris dans mon département de la Somme, puisque 39 communes ont été concernées, dont 109 producteurs laitiers. Avez-vous des informations précises sur le recouvrement des indemnisations ? Certains n'auraient pas mené à terme les démarches du fait de la lourdeur administrative, d'autres n'ont pas reçu la totalité des sommes promises.

Enfin, le président de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles de mon département me disait qu'à la suite de cet accident, il y aurait des conséquences sur le long terme sur l'image de marque des produits de l'agroalimentaire français. Avez-vous pu recueillir des témoignages à ce sujet ?

Mme Marie-Claude Varaillas . - Depuis 2008, l'assureur de l'entreprise Lubrizol signalait des défaillances en matière de protection incendie. Nous savons aujourd'hui que plusieurs milliers de tonnes de marchandises ont brûlé, dont personne ne peut dire précisément quelle était leur composition, sinon que ces produits étaient très toxiques. Il est regrettable qu'à la demande des professionnels de santé, des citoyens et des élus, il vous ait été opposé un refus d'ouvrir des registres sur les cancers et malformations, de la part du ministre de la Santé Olivier Véran. La directrice du registre des malformations Rhône-Alpes, qui a eu à connaître des bébés nés sans bras dans l'Ain, a indiqué que pour beaucoup de malformations dont on ne connaît pas la cause, nous pouvons supposer qu'il existe une origine environnementale. Votre préoccupation me paraît donc justifiée. Nous avons le sentiment, dans ce dossier, d'un manque de volonté et de transparence. J'ai également noté que Lubrizol opposait une fin de non-recevoir aux équipes universitaires dont la mission est de reproduire l'incendie dans un milieu confiné, à condition de disposer des produits qui ont brûlé, que Lubrizol refuse de communiquer. Qu'en pensez-vous ? Cette situation a-t-elle évolué ?

La durée de l'instruction au parquet de Paris risque de se compter en années. Lubrizol pourrait donc en profiter, comme vous le disiez, pour indemniser des plaignants, avec ses propres experts, ce qui conduirait certains à se désengager. Vous nous direz peut-être quel est votre degré d'information à ce sujet.

Enfin, il est bon de rappeler qu'une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale par les députés Sébastien Jumel et Hubert Wulfranc, qui reprend d'ailleurs des dispositions de la proposition de loi du député Christophe Bouillon. Elle propose de créer une autorité indépendante, comme cela existe dans le nucléaire, qui serait chargée du contrôle des plus de 1 300 sites Seveso en France. Celle-ci serait indépendante et aurait un rôle de protection des salariés et de la population, en amont.

M. Hervé Gillé . - Merci Monsieur le Président pour cette initiative. Je pense que les travaux du Sénat répondent au moins en partie à des attentes institutionnelles exprimées par les intervenants. Plusieurs de mes collègues ont apporté des éléments sur ce sujet mais l'important est, à mon sens, de parvenir à objectiver l'information. C'est un élément majeur, dans des circonstances où peuvent se manifester des interrogations, des réactions ou des soupçons de complotisme comme vous l'avez dit tout à l'heure. Ces sujets nous responsabilisent tous : vous en tant qu'associations citoyennes, nous en tant que représentants d'une institution républicaine et, au-delà, tous les services de l'État et les collectivités qui sont associés à la gestion de ce type d'événement.

Vos propos expriment une forme de renonciation à espérer que l'État, ou du moins les parties prenantes, soient en capacité de réaliser cette tâche que j'appelle l'objectivation de l'information. J'ose espérer que l'on soit en capacité de relever le défi. Vous nous avez parlé d'un collectif citoyen. Est-ce que vous pensez que l'on pourrait être en mesure de monter une plateforme pour objectiver l'information ? Quel serait le niveau d'exigence ? Il me semble que cette plateforme devrait forcément être présidée ou supervisée par un médiateur qui serait en mesure de définir quelles données doivent être communiquées et quelle qualité de données est requise.

Mme Marta de Cidrac . - Je remercie nos intervenants pour leurs témoignages empreints d'émotion mais je perçois aussi de la colère. La commission d'enquête du Sénat a identifié des axes de recommandation, cela a été rappelé par notre président et par Hervé Maurey, et a pointé de véritables problématiques de coordination entre les différents acteurs. Si chacun a un rôle individuel clairement défini, tout devient moins clair lorsqu'il s'agit de porter un regard d'ensemble. Il est alors difficile de déterminer qui doit donner l'impulsion pour faire en sorte que les procédures évoluent dans le bon sens et que les retours d'expérience soient assurés. J'ai toutefois l'impression que ce phénomène touche également les associations que vous représentez et les victimes elles-mêmes, qui ont des difficultés à se faire entendre et accompagner dans leurs démarches. Avez-vous le sentiment qu'il y a des évolutions positives ? Quelles seraient vos préconisations pour simplifier encore le parcours des victimes et leur accompagnement ? Lorsque l'accident a lieu, quelles préconisations pourriez-vous partager avec nous pour que l'accompagnement des victimes se fasse de la manière la plus efficace possible ?

Mme Martine Filleul . - Merci pour vos témoignages douloureux, pour vous et pour nous. Vous disiez ne plus avoir confiance dans l'État et ses représentants mais aussi dans vos élus, ce qui est très douloureux à entendre lorsque l'on s'investit dans la vie démocratique depuis de nombreuses années. Il est donc nécessaire de faire en sorte qu'un tel accident ne se reproduise plus et de trouver des pistes de résolution à cet écart entre les riverains et les collectifs que représentent l'État, les élus et les industriels.

Faites-vous encore confiance aux salariés et travailleurs ? Ceux-ci sont bien placés pour pointer les dysfonctionnements au sein des entreprises. La « loi Bachelot » instituant la présence de salariés dans les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a malheureusement été affaiblie par les ordonnances sur le droit du travail en 2017. Pensez-vous que la réintroduction de représentants du personnel dans la gouvernance des entreprises permettrait davantage de transparence ?

Par ailleurs, nous voyons que les comités de suivi de site, qui sont normalement institués dans les sites Seveso seuil haut et les sites à enjeux, ne fonctionnent pas bien. D'aucuns affirment qu'ils seraient plus réactifs et moins formels s'ils étaient pilotés par des élus de proximité plutôt que par les préfets. Pensez-vous qu'il s'agit là d'un élément de solution ?

Mme Angèle Préville . - Ayant été professeur de physique-chimie, j'ai étudié avec mes élèves des accidents industriels intervenus dans d'autres pays, comme la catastrophe de Bhopal. Il est regrettable de constater qu'en France aussi les citoyens sont très mal informés et nous ne sommes pas prêts à gérer correctement ce type d'accident. Je suis particulièrement frappée par le fait que les citoyens aient été oubliés et nous devons absolument être plus protecteurs de la population.

Ma première question porte sur l'absence d'obligation de mettre en place certains registres : vous avez évoqué ce point et je m'étonne que ce ne soit pas obligatoire. Vous semble-t-il opportun de modifier le droit pour remédier à une telle carence lors d'accident de ce type ?

Lors des débats sur la loi dite « Climat et Résilience », j'avais proposé un amendement visant à mettre en place une autorité de sûreté chimique, pour enclencher un certain nombre d'actions préventives. Les divers accidents intervenus dans des entrepôts, y compris à Beyrouth, témoignent de la nécessité de contrôles aléatoires et de surveillance. Des comptes doivent être rendus. Cela vous semble-t-il important ?

Dans les collèges où j'ai exercé mon métier de professeur, nous avions des exercices de confinement plusieurs fois par an. Nous disposions également de « kits » et les élèves savaient précisément comment réagir pour un accident de ce type. Je suis donc surprise que le reste de la population vivant à proximité de telles entreprises ne bénéficie pas de telles prestations.

M. Didier Mandelli . - Comme mes collègues, vos interventions ne peuvent que nous interpeller. Nous partageons l'émotion, l'indignation et la colère que vous pouvez ressentir. Vous avez pointé des insuffisances, des carences de l'État et un défaut de transparence et d'information. Ma question s'adresse en fait au Président de notre commission et à mes collègues. Un rapport sénatorial d'enquête et un travail remarquable ont été conduits : je souhaiterais donc que nous puissions intervenir fortement, au niveau du Sénat, pour mettre l'État face à ses responsabilités. Je suis élu d'un département qui a connu une catastrophe naturelle, la tempête Xynthia et, 10 ans plus tard, tout n'a pas été réglé : 651 maisons ont été détruites à la Faute-sur-Mer, avec des conséquences psychologiques considérables pour les habitants et les riverains. Je souhaiterais, après cette audition, que nous puissions intervenir. Il n'est pas acceptable que les riverains et les associations ne soient pas davantage entendus.

M. Jean-François Longeot . - Nous allons d'abord reprendre les observations qui sont formulées devant nous pour les analyser et en faire part à la ministre, étant entendu que ce type de situations ne peut perdurer.

M. Bruno Belin . - Nous avons eu des témoignages forts en matière de santé. La question du benzène a-t-elle été soulevée ? Je n'ai pas entendu ce mot dans vos interventions, or il s'agit d'un sujet terrible à très long terme en toxicologie. Ces points ont-ils été abordés en termes de santé publique ?

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Je souhaite vous remercier pour vos interventions, exprimées avec douleur voire colère, ce que je peux comprendre. J'avais une question sur l'indemnisation des agriculteurs, à laquelle vous avez répondu. Néanmoins, sur 216 communes concernées par des mesures de suspension de commercialisation de produits agricoles, la situation de retraités dont le jardin est un complément de retraite avait été évoquée. Quelle a été leur situation ? Depuis le sinistre, y-a-t-il une nouvelle culture de la crise -- au sein de la population ? Comment la santé des sinistrés est-elle suivie ? Enfin, la gazette du collectif unitaire de Lubrizol fait état de la priorité de fonder un institut éco-citoyen pour informer et former les citoyens. La confiance vis-à-vis des services de l'État et des pouvoirs publics est-elle totalement rompue ? Que faire pour la rétablir ?

M. Christophe Holleville . - En ce qui concerne la culture du risque, les particuliers sont passés à côté. Dans le droit en vigueur, l'état de catastrophe industrielle est conditionné à la destruction de 500 maisons ou appartements. Depuis deux ans, on ne prend toujours pas en compte la pollution. La loi est donc à revoir, car la pollution fait des dégâts.

S'agissant de la « loi Bachelot », 16 000 logements avaient été identifiés autour de sites Seveso seuil haut, dont les travaux de renforcement devaient être pris en charge par l'État et les propriétaires. Depuis 2003, seuls 1 500 travaux ont été réalisés. Et donc plus de 14 000 foyers risquent ainsi leur vie tous les jours.

En Seine-Maritime, des emplois d'inspecteurs de la DREAL ont failli nous être retirés. Cependant, un inspecteur a, depuis l'accident, été ajouté mais les effectifs devront assurer 50 % de contrôles supplémentaires, ce qui signifie qu'ils négligeront nécessairement leurs autres tâches.

En ce qui concerne les agriculteurs, je rappelle que le préfet Pierre-André Durand a utilisé le mécanisme de dégrèvement d'impôts « perte de récoltes ». Ainsi, beaucoup pensent avoir perçu de l'argent de la part de Lubrizol, alors que ce sont leurs propres impôts qui leur ont été remboursés. Il s'agit de 5 millions d'euros qui n'ont jamais été remboursés par l'industriel. Je note que 3 400 exploitations ont été touchées, mais seulement 1 800 dossiers ont été traités par le cabinet Exetech : pourquoi ? La moitié ne verra jamais rien. J'ai réalisé une prestation chez un agriculteur, qui élève des poulets de pleine terre, et il m'a signalé que sa mare et ses champs ont pourri, mais qu'il n'a fait aucune demande d'indemnisation pour une question d'image.

Concernant Aair-lichens, l'opérateur qui détecte la pollution de l'air par les champignons lichens, nous avons découvert le 7 juillet dernier des études qui concluent à des taux doubles par rapport au seuil d'alerte et qui ont été cachés aux maires pendant près de deux ans. Le maire de Cerqueux a d'ailleurs porté plainte à ce sujet. J'ai eu au téléphone le docteur Giraudeau, qui s'est occupé des analyses pour la société Aair Lichens.

S'agissant du périmètre des études de pollution, nous avons interpellé le préfet au début du mois d'août, afin de savoir pourquoi des communes avaient été choisies en vue de minimiser l'impact du passage du nuage. Il a répondu que celles-ci avaient été choisies par Aair-lichens. Or, pour sa part, le docteur Giraudeau ne m'a pas indiqué cela. Au départ, 23 communes avaient été choisies à partir d'un travail avec la DREAL et l'Ineris. Puis, quinze jours après, le docteur explique qu'il lui a été imposé de prendre en compte six communes supplémentaires, qui présentent des taux de pollution très élevés, comme Saint-Étienne-du-Rouvray. Le docteur Giraudeau m'a confié que quand il voit le taux d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sur cette commune, il se dit qu'il serait temps de s'inquiéter des habitants. Lubrizol a donc choisi volontairement six communes polluées pour minimiser l'impact du passage du nuage. J'ai donc du mal à croire que Lubrizol soit un bon voisin.

M. François Calvet . - Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale remis en juin 2020 à la suite de l'incendie a fait apparaître que l'organisation de la gestion de crise était encore inadaptée aux risques industriels et technologiques majeurs. Le rapport constatait notamment que la réglementation et les contrôles auxquels étaient soumises les entreprises classées Seveso seuil haut étaient insuffisants au regard des risques pris par certaines d'entre elles. Ainsi, les dirigeants de Lubrizol avaient étés alertés depuis 2014 par les rapports de risques établis annuellement par leur assureur sur les failles de leur dispositif anti-incendie. Ils n'avaient pas estimé utile de réagir, car leur équipement était, au jour de l'incendie, conforme à la réglementation en vigueur. Le rapport de la commission d'enquête a souligné non seulement l'insuffisance des contrôles de l'administration, mais aussi la mauvaise information des pouvoirs publics sur les produits stockés et leur quantité. Ainsi, le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) validé par le préfet ne pouvait pas être pleinement efficace, car il était établi sur des informations tronquées. Depuis la publication du rapport sénatorial, le Gouvernement a renforcé la réglementation, notamment sur deux points relevés par la commission d'enquête : obligation pour les sites de mettre à disposition de l'administration les rapports des assureurs et fourniture d'un inventaire quotidien des produits dangereux. Ceci constitue un progrès indéniable dont il faut être satisfait.

Néanmoins, il y a lieu de rester inquiet, au vu du nombre de sites Seveso seuil haut implantés dans les zones urbaines ou périurbaines, comme à Rouen. Les PPRTs institués par la loi du 30 juillet 2003 à la suite de la catastrophe AZF à Toulouse permettent certes de réglementer les situations héritées du passé en matière d'urbanisme, et aucun des sites classés Seveso ne s'installe désormais en zone urbaine ou périurbaine. Il semble pourtant que des usines qui, de prime abord, ne sont pas classées Seveso, installées en zone urbaine ou périurbaine, ont eu l'autorisation d'élargir leurs activités à des opérations relevant de la réglementation Seveso : tel est par exemple le cas d'usines à ciment qui brûlent la nuit des déchets hautement toxiques pour faire tourner leurs fours. Ainsi, après chaque catastrophe Seveso, aucune avancée législative ou réglementaire ne semble réellement efficace en termes de prévention des risques.

Compte tenu des risques encourus par les populations, ne serait-il pas opportun de légiférer avant la prochaine catastrophe, en essayant de réduire ces risques de manière significative ? Nous pourrions ainsi envisager d'interdire l'ajout d'une activité de type Seveso à un établissement situé en zone urbaine ou périurbaine, voire revenir sur les autorisations données, d'adapter les règles d'urbanisme afin de permettre aux communes ou intercommunalités d'interdire l'installation des sites Seveso sur leur territoire, et enfin, pour permettre un contrôle efficace des sites sensibles, envisager de créer une autorité indépendante dédiée à la surveillance des sites Seveso et au respect de leur réglementation.

M. Robin Letellier . - L'application SMS, présentée par Monsieur le ministre Gérald Darmanin comme une révolution en cas d'accident chimique n'a, à mon avis, aucun intérêt. En ce qui concerne la culture du risque, aucune action n'a été menée depuis deux ans, sinon quelques panneaux installés au sein de l'agglomération. Rien n'a été mis en place par les collectivités territoriales ou les services de l'État. Quelques incidents et accidents se sont produits sur la zone industrielle rouennaise depuis deux ans et les quatorze gros industriels de la zone se sont regroupés à des fins de lobbying et de mutualisation. Nous savons que les investissements sur la sécurité ne sont pas productifs, donc intéressants...

S'agissant du BEA, je suis favorable à un bureau de contrôle, qui doit cependant être indépendant, comme il l'est dans le nucléaire. Il n'y aurait pas d'intérêt à mettre en place un bureau dépendant des services de l'État.

M. Simon de Carvalho . - Nous évoquions l'institut éco-citoyen, qui est effectivement très important car nous avons été abandonnés face à la stratégie adoptée par l'industriel, mais aussi par notre Gouvernement. Nous sommes seuls, alors que l'État a toutes les compétences pour contrôler.

Vous évoquiez le cas du benzène : celui-ci a été effacé des fiches de sécurité. Vous nous demandiez si l'État nous accompagnait ; nous sommes seuls mais en revanche les services de l'État nous surveillent. Nous gérons un collectif Facebook de 25 000 personnes, dont 20 000 Rouennais, pour une ville de 100 000 habitants : vous pouvez donc imaginer la défiance qui s'est installée.

Heureusement, les salariés ont été des lanceurs d'alerte. Par exemple, le 31 décembre dernier, nous nous sommes réveillés avec une forte odeur : le préfet nous a assuré que l'explication était d'ordre météorologique, alors qu'il s'agissait d'une usine, qui avait dégazé.

Nous avons même imaginé créer une « DREAL citoyenne », constituée de retraités du monde de l'industrie. Dans notre institut éco-citoyen, nous allons également inclure des médecins et spécialistes. Les industriels se basent quant à eux sur des arguments commerciaux.

Dans les PPRT, ils mettent en avant des probabilités d'un seul accident tous les 10 000 ans avec un périmètre d'impact de 100 mètres : il s'agit de mensonges. Le jour de l'accident, 60 tonnes de pentasulfides ont été déplacées par les ouvriers de l'usine et leur rayon de danger, en cas d'explosion, est de 3 kilomètres.

J'en appelle donc aux lanceurs d'alerte, comme cette salariée du service des eaux qui nous a remis des analyses. Nous avons ainsi constaté des pics considérables d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Nous devons être en mesure de comprendre, de vulgariser et de transmettre l'information, en nous appuyant sur les scientifiques notamment.

Je vois bien les problèmes qui se posent, j'ai des symptômes. Le jour de l'accident, la situation était compliquée avec ma fille. Mais il n'y a pas eu suffisamment de dialogue et d'explication sur ce qui s'est passé, notamment à l'école.

Nous sommes prêts à aider les services de l'État en créant un institut éco-citoyen, comme cela existe à Fos-sur-Mer. Nous travaillons avec de nombreux élus : la défiance n'est donc pas totale et nous devons construire la protection de demain. Nous avons beaucoup de retard, que nous pouvons rattraper, en associant les élus, les citoyens, les industriels et tous les acteurs.

M. Pascal Martin . - S'agissant des interrogations suscitées par la position des pouvoirs publics sur l'ouverture ou la fermeture des établissements scolaires, il ne faut pas se méprendre. Autant j'assume ma fonction lorsque je suis élu local, mais je rappelle que la question de la pédagogie échappe à la responsabilité des élus. La compétence a été confiée au département pour les collèges, à la région pour les lycées et à la mairie pour les maternelles et le primaire, mais ni le maire, ni le président de la région, ni le président du département n'ont en charge la question de la pédagogie. Le renforcement de la culture du risque auprès des plus jeunes relève de la responsabilité de l'État, de l'inspecteur d'académie et du recteur d'académie.

Ma collègue Angèle Préville évoquait plus tôt l'organisation des exercices dans les écoles. Et je rappelle qu'il s'agit d'une obligation prévue par les textes. Les établissements d'enseignement doivent, dans le premier mois de la rentrée scolaire, organiser un exercice d'évacuation. Il est plus facile de le faire dans une école qu'à l'échelle d'une grande agglomération. L'organisation d'exercices à l'échelle du territoire est également indispensable, pour créer des réflexes acceptés par chacune et chacun.

M. Pierre-Emmanuel Brunet . - Certains sites industriels et chimiques sont dans un état si mauvais qu'il serait nécessaire d'arrêter leur activité ou a minima de mettre en place un plan massif de remédiation. L'état des sols que nous laissons aux générations futures est catastrophique. Que se passera-t-il en cas de pluies abondantes ou de crues des fleuves ? Cette pollution historique est majeure et les taux de cancers sur la métropole de Rouen sont supérieurs de 10 % à la moyenne nationale. Qu'attendons-nous pour démarrer cette procédure au niveau national ? Des registres de cancers ont été ouverts en Basse-Normandie. Il en va de même pour les maladies congénitales. Il est dès lors nécessaire de rationaliser et mutualiser les moyens.

Le Sénat pourrait déjà accompagner une réforme institutionnelle. Si nous mettons en place un institut éco-citoyen, les élus doivent en faire partie. Nous aurons alors un équilibre dans la gouvernance. Dans le cadre de la procédure contentieuse, le jour du référé-constat, qui aurait dû être réalisé par les autorités locales, l'expert judiciaire demandait 200 000 euros pour effectuer des analyses et on nous a demandé de payer mais nous n'avons pas cet argent. L'État a réalisé beaucoup d'analyses environnementales mais reste dans le déni. S'agissant des registres, il nous renvoie vers le Système national des données de santé (SNDS), qui reste insuffisant. Nous avons besoin d'équipes pour analyser les données.

Le collège du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) doit également être modifié à mon sens ! C'est déséquilibré avec la présence de nombreux industriels.

L'amiante, quant à elle, n'a pas pu être mesurée, alors que des milliers de mètres carrés de toits ont brûlé. Est-il raisonnable de laisser dans des sites si dangereux des toits amiantés ?

Il faut aussi davantage de moyens pour protéger les pompiers. Le manque d'eau et de mousse a été préjudiciable.

Par ailleurs, il est nécessaire de modifier la gouvernance des organismes qui interviennent dans ce champ. Le mouvement Sensor Community, un réseau global de détecteurs mis en oeuvre par des bénévoles pour créer des données environnementales, qui réalise de l'open data, n'a pas accès aux données gouvernementales qui permettent de créer des logiciels d'analyse.

M. Bruno Leclerc . - Notre association peine fortement à trouver des fonds pour aider les victimes. Nous sommes des particuliers qui habitons la campagne et qui ne pouvons pas participer financièrement à des procédures judiciaires. Nous souhaiterions que les collectivités locales puissent nous aider par des subventions pour avancer dans les procédures.

M. Christophe Holleville . - À chaque catastrophe de cette envergure, des enveloppes de l'État devraient permettre à ces associations de recourir à des avocats. En tant qu'Union des Victimes de Lubrizol, nous avons perçu 1 500 euros de subventions, ce qui est peu face à une firme telle que Lubrizol, qui appartient à Warren Buffett, cinquième fortune mondiale.

M. Bruno Leclerc . - Lorsqu'une telle catastrophe se déclare, les assurances devraient pouvoir indemniser les dommages dans les mêmes conditions que pour une catastrophe naturelle, sans que les usagers aient à verser une franchise. Nous avons également demandé à nos élus d'imposer les systèmes de sécurité nécessaires pour les incendies. Par exemple, après l'incendie de Lubrizol, nous avons appris que des camions mousseurs étaient nécessaires. Or il a fallu les attendre six heures. S'ils avaient été présents sur site, l'incendie aurait été maîtrisé en deux heures.

M. Christophe Holleville . - Le retraité que vous évoquiez a perçu 900 euros de la part de Lubrizol et il m'a été confirmé qu'il serait le seul particulier indemnisé par l'entreprise. S'agissant des agriculteurs qui avaient rencontré Madame Isabelle Striga, Présidente de Lubrizol France, elle leur avait promis de revoir leur sort mais ils ont finalement eu affaire au service juridique.

M. Pascal Martin . - Sur la question technique des émulseurs, pour éteindre un incendie de grande ampleur, il faut de la mousse. Pour faire de la mousse, il faut de l'eau, de l'émulseur et de l'air. Il faut se le dire : aucun site industriel en France ne dispose à lui-seul de la capacité d'éteindre un incendie comme celui-ci. C'est de l'utopie. Cet incendie était hors norme : sept services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ont été mobilisés. Imaginer que l'on puisse éteindre en deux heures un incendie de ce type, je n'y crois pas et, sur ce sujet, il faut aussi que chacun soit dans son rôle et avec ses compétences. Il y a peut-être des règles à revoir à la hausse mais imposer partout en France aux entreprises des capacités pour répondre à un tel incendie serait matériellement impossible.

M. Robin Letellier . - En dépit de la lenteur du temps judiciaire, qui est fait pour désespérer les citoyens dépourvus de moyens, nous continuerons à nous battre, car nous estimons que Lubrizol est coupable et que l'État en est complice.

M. Hervé Maurey . - Je conclurai avec trois points. Ces auditions confirment non seulement l'intérêt de la démarche engagée par la commission du développement durable, mais surtout son caractère indispensable. Nous devons veiller à l'intégration de nos recommandations dans les faits, par le Gouvernement et les services ! Elles confirment également le fait que peu d'actions semblent avoir été mises en oeuvre par rapport aux annonces du Gouvernement, sinon le recrutement de 20 inspecteurs supplémentaires. Pour rappel, le Gouvernement avait d'abord indiqué que les contrôles seraient doublés à effectifs constants. Nous avions indiqué que cela n'était pas très sérieux. Puis le Gouvernement a annoncé 50 postes supplémentaires d'inspecteurs mais, pour l'instant, nous n'en avons que 20... Il faudra regarder dans la prochaine loi de finances pour les 30 postes supplémentaires. Même avec 50 inspecteurs de plus sur un corps d'environ 1 200 inspecteurs, il paraît difficile de doubler les contrôles.

En outre, doubler les contrôles est une très bonne idée mais si on ne contrôle pas, ensuite, la prise en compte des observations de l'administration par l'industriel, cela ne sert à rien.

S'agissant des mesures simples que nous attendions, je pense au cell broadcast , dont la mise en place est recommandée dans de nombreux rapports du Sénat depuis 2010, les résultats ne sont pas au rendez-vous : ce dispositif n'a pas été déployé. Il manque un cadre juridique stabilisé. Une habilitation à légiférer par ordonnance a été octroyée au Gouvernement pour sa bonne mise en oeuvre, ce qui n'est pas rassurant en termes de calendrier.

Je rejoins également ce qui a été dit sur les sanctions qui sont insuffisantes. En 2013, lors d'un précédent problème, Lubrizol a reçu une amende de 4 000 euros.

Enfin, le point qui me semble le plus noir, même si je ne l'évoque pas devant la commission compétente en l'occurrence, est le suivi sanitaire des populations : il n'est pas acceptable que la mise en place des registres ait été refusée. Dire que ce n'est pas nécessaire ou que ce n'est pas pertinent alimente un sentiment d'opacité, qui ne correspond peut-être pas à la réalité, mais qui existe. Se contenter d'une étude comme celle que Santé publique France a réalisée, qui nous révèle une nouvelle fracassante, à savoir que les habitants ont été traumatisés par cet accident, me semble insuffisant et c'est de l'argent public gaspillé.

M. Jean-François Longeot . - Merci pour vos témoignages.

Table ronde réunissant des organismes nationaux spécialisés dans la maîtrise des risques technologiques et la surveillance de la qualité de l'air

Réunie le mercredi 29 septembre 2021, la commission a entendu, lors d'une table ronde réunissant des organismes nationaux spécialisés dans la maîtrise des risques technologiques et la surveillance de la qualité de l'air, Mmes Charlotte Goujon, vice-présidente, et Delphine Favre, déléguée générale de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris), et Mmes Véronique Delmas, directrice d'Atmo Normandie, et Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France.

M. Jean-François Longeot , président . - Poursuivant notre matinée consacrée au bilan de l'accident majeur de Lubrizol en 2019, nous avons le plaisir de recevoir mesdames Charlotte Goujon, vice-présidente, et Delphine Favre, déléguée générale de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris), et mesdames Véronique Delmas, directrice d'Atmo Normandie, et Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France.

Vous le savez, notre commission réalise un cycle d'auditions dans le cadre de l'exercice d'un « droit de suite » au rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'incendie de l'usine Lubrizol de 2019. Avant de vous laisser la parole, j'aurais quelques questions générales à vous poser.

Tout d'abord, pourriez-vous rappeler le rôle que vous avez joué pendant cette période ? Cette question s'adresse plus particulièrement à Atmo, mais concerne vos deux associations. Sur quels points suggérez-vous d'interroger la ministre lorsque nous la recevrons sur ce dossier ?

Par ailleurs, vos associations ont chacune publié plusieurs documents, notes et rapports, en lien direct ou indirect avec l'incendie de l'usine Lubrizol. Pourriez-vous revenir sur les principaux enseignements que vous tirez aujourd'hui de cet accident et, plus largement, de notre politique de prévention des risques ? Les actions et annonces du Gouvernement sont-elles à la hauteur selon vous ?

Enfin, quelles initiatives vous semblent aujourd'hui nécessaires pour renforcer notre politique de prévention des accidents industriels majeurs ? Je pense en particulier à l'information du public et des élus. Faut-il, selon vous, de nouvelles évolutions législatives ?

Je vous laisse la parole pour un propos liminaire d'environ cinq minutes par association, à la suite desquels mes collègues vous interrogeront.

Mme Charlotte Goujon, vice-présidente de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) . - Je précise au préalable que je suis maire de Petit-Quevilly, où se situe une partie de l'usine Lubrizol, et vice-présidente de la métropole Rouen Normandie, en charge des risques industriels.

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier d'associer Amaris, l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, à votre « droit de suite » au rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'accident de Lubrizol.

Je me réjouis également, avec la déléguée générale de notre association, Delphine Favre, que vous ayez souhaité revenir sur l'accident majeur de Lubrizol et Normandie Logistique du 26 septembre 2019 et vous interroger sur les suites données par l'État à celui-ci. Je tiens également à excuser notre président, Alban Bruneau, pour son absence ce matin.

Deux ans après Lubrizol - que j'ai suivi au plus près en tant que maire de Petit-Quevilly - et vingt ans après AZF, il est en effet utile de s'interroger sur les deux lois principales qui organisent l'essentiel des dispositifs de prévention et de gestion de crise, la loi dite risques de 2003 (ou loi « Bachelot » n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages) et la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 (loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile).

Pour ces deux textes, l'association Amaris dresse un bilan mitigé sur les réelles avancées obtenues dans la prévention des risques industriels et technologiques.

Concernant la loi « risques », nous constatons des progrès indéniables sur l'appréciation plus fine des risques accidentels et la réduction du risque, à la source, par les industriels. Toutefois des points de blocage persistent. Par exemple, la mise en oeuvre des PPRT manque de dynamisme. Même sur la mise en protection des habitants qui était prioritaire dans ce texte, les résultats ne sont pas à la hauteur, avec 1 500 logements renforcés sur 16 000 logements concernés. On peut malheureusement encore constater de nombreuses difficultés, au nombre desquelles des mécanismes de financement complexes, ou un manque d'association des populations à l'élaboration des PPRT, qui crée des tensions, autant de blocages qui contribuent à ralentir l'application concrète des mesures prescrites dans les règlements PPRT. Pour être mises en oeuvre, ces mesures doivent être financées, accompagnées et techniquement réalisables ; or nous constatons que ces trois critères ne sont pas réunis.

Pour sa part, la loi de modernisation de la sécurité civile affirme le rôle du maire et lui impose un outil : le plan communal de sauvegarde (PCS). Pourtant, à défaut d'accompagnement financier et/ou humain pour leur élaboration, ou par absence de prise de conscience de la part de certains élus, nombre de PCS n'ont toujours pas vu le jour, ou ne sont pas opérationnels. De toute façon, PCS ou pas, lors d'un accident industriel ou technologique, les maires sont en réalité dessaisis de la gestion de crise, comme j'ai pu le constater lors de l'accident de Lubrizol. Ils ne sont pas informés ou alors très partiellement et très tardivement, et se trouvent donc dans l'incapacité d'engager les procédures dans leur commune. Cette loi envisageait également le citoyen comme acteur de sa sécurité. Il s'agissait d'un axe pertinent. Pourtant, malheureusement, rien n'a été engagé dans ce sens.

Quelles leçons pouvons-nous tirer deux ans après le 26 septembre 2019 ? Nous n'avons certainement pas encore tiré tous les enseignements de cet accident. C'est un processus long, pour lequel il est important de s'appuyer sur des compétences diverses, notamment sur celles des chercheurs. Je tenais ici à signaler mon étonnement face à l'annulation par le président de l'université de Rouen d'une journée d'étude qui devait réunir à Rouen ce lundi des chercheurs, et ce sans aucune explication.

Tout d'abord, les réponses apportées par l'État depuis l'accident ont été uniquement techniques. Pourtant, la principale leçon que nous retenons de l'accident du 26 septembre 2019 - et, plus largement, du manque de dynamique dans la mise en oeuvre des politiques de prévention - est que l'on ne peut pas faire de prévention et de gestion de crise sans les habitants et sans les territoires. L'échec des politiques de prévention repose notamment sur la non-prise en compte des populations et des réalités de terrain. Aucune réponse concrète n'a été apportée. Ces sujets - dialogue avec les populations et gestion de crise - doivent être travaillés collectivement avec l'ensemble des parties prenantes concernées. Or aucune réflexion d'ensemble n'a été organisée pour évaluer les problèmes et identifier collectivement des leviers, des pistes de solutions mobilisables localement.

Sur la gestion de crise, après avoir attendu une initiative de l'État, l'association Amaris a pris l'initiative de lancer un groupe de travail multipartenarial sur ce thème, en partenariat avec l'ICSI, afin de réunir tous les acteurs concernés : Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), associations de riverains, collectivités, industriels, organisations syndicales et services de l'État quand ils y participent. L'objectif est d'identifier collectivement des leviers d'amélioration et de proposer des solutions mobilisables par les acteurs locaux sur trois sujets : l'alerte, la communication et la coordination des acteurs. L'accident de Lubrizol et Normandie Logistique a mis en évidence la complexité de la gestion des incidences environnementales du « post-accident ». Pourtant la réglementation n'a pas évolué sur la prise en compte des impacts environnementaux de ce type d'accident industriel. Il a également ravivé les inquiétudes des riverains des sites industriels concernant les pollutions émises quotidiennement. Les collectivités sont de plus en plus souvent confrontées aux questionnements des citoyens sur les pollutions chroniques émises par les industries et leurs impacts sur l'environnement et la santé. Face à ces constats, il apparaît nécessaire d'appréhender de façon globale, sur tous les milieux - air, sol et eau -, la question de la prise en compte des pollutions industrielles.

Notre principal constat est que l'État demeure le principal pilote des politiques dans ce domaine. Dans les faits, tout porte à croire que celui-ci a délaissé le sujet. Les moyens des préfectures et des services déconcentrés ne sont pas à la hauteur des enjeux.

La « culture du risque » ne se joue pas dans la forme des dispositifs, des outils ou dans leur raffinement, mais dans une réorganisation plus générale. Nous constatons un manque criant de formation et de considération pour la communication publique, pourtant essentielle. Les agents de l'État désignés pour communiquer avec les habitants et les non-techniciens, ont suivi des cursus qui n'intègrent pas de module de communication publique et de dialogue avec les habitants. Les services ne sont pas configurés pour assurer ces missions. De plus, la réorganisation en continu des services de l'État et le turn-over des agents sont peu propices à ancrer des interlocuteurs reconnus par les communes et les habitants.

Concernant la prévention des accidents, nous constatons des ressources insuffisantes pour l'inspection des installations classées. Des missions de plus en plus nombreuses sont confiées aux inspecteurs des installations classées, au détriment des actions qui constituent leur coeur de métier, alors qu'ils doivent faire face à des réglementations de plus en plus complexes et à des dossiers particulièrement lourds à gérer. Sur la gestion de crise, la montée en compétences des agents dans la gestion de crise est absolument nécessaire. Les accidents récents ont mis à jour les failles dans la coordination et la communication en temps de crise. Ceci requiert des compétences et des savoir-faire que les agents de l'État et également des collectivités doivent acquérir, en formation continue, mais aussi au travers d'une expérience qui se construit dans la continuité, la connaissance des autres acteurs avec qui sont menés des exercices communs.

Voilà, monsieur le président, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je pouvais vous apporter en propos introductif. Nous restons naturellement à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France . - Avec Véronique Delmas, directrice d'Atmo Normandie, nous interviendrons à deux voix. Merci tout d'abord pour cette audition, qui permet de se dire les choses de manière posée. Je crois beaucoup à la force des auditions parlementaires. Avoir décidé la création de cette commission d'enquête puis proposé un droit de suite deux ans après est selon nous salutaire et important.

Atmo France est la fédération des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), que vous connaissez sans doute dans vos régions. Nous disposons d'un réseau d'environ 680 agents partout sur le territoire, y compris outre-mer. Nous bénéficions donc d'une force territoriale, puisque nos équipes comptent d'une à plusieurs dizaines de personnes selon la taille des régions, partout sur le territoire, avec un ancrage local très fort. La fédération ne compte que quatre salariés. Les directeurs de chaque région sont référents sur certains sujets. Véronique Delmas a la particularité d'être à la fois directrice d'Atmo Normandie, donc très concernée par le sujet, et la référente nationale, avec deux de ses collègues d'Auvergne-Rhône-Alpes et d'Atmo Sud, en région PACA, concernant les questions de risques industriels. Ces régions, vous le constaterez, n'ont pas été choisies au hasard.

Je tenais à saluer le professionnalisme de nos équipes, qui ont été engagées dès les premières heures sur le dossier, après l'avoir été lors des précédents épisodes de Lubrizol, parfois même en allant beaucoup plus loin que ce qui leur était officiellement demandé. Ils l'ont fait avec leur casquette professionnelle, bien sûr, mais aussi en étant doublement engagés puisqu'ils habitaient bien souvent cette zone. Ils ont donc vécu personnellement et professionnellement cette période si particulière pour toute la région.

Nous avons également réalisé beaucoup de choses depuis, pour réfléchir entre nous sur le sujet. Cela a été un petit séisme interne. Tous les ans, nous avons des journées techniques de l'air, où tous nos salariés se rejoignent pour travailler sur les sujets actuels. Cette année-là, dix jours environ après Lubrizol, nous avions rendez-vous au Havre. Les discussions ont beaucoup tourné autour du fait que c'était heureusement arrivé là où les équipes avaient déjà un retour d'expérience avec le précédent accident « Lubrizol I », et disposaient de conventions avec le SDIS. Véronique Delmas étant la référente nationale sur le sujet, les équipes étaient formées. Beaucoup de directeurs reconnaissaient que, chez eux, les process n'étaient techniquement pas en place, avec une absence de canisters (récipients permettant la capture et l'analyse de l'air), interrogation quant à leur propre rôle, etc. Nous avons beaucoup travaillé et rédigé des notes, que je vous remettrai, sur nos préconisations destinées à l'État et à nos propres structures. Les situations sont très différentes d'un endroit à l'autre. Dans une association de 40 ou 50 salariés, on peut faire des choses qu'on ne peut faire lorsqu'on est par exemple en Centre-Val de Loire, avec quinze à vingt salariés. Nous sommes prêts à nous mobiliser, mais n'avons pas véritablement d'interlocuteur national pour savoir ce qu'il faut faire.

Nous avons aussi eu des discussions avec notre ministère de tutelle et la direction générale de la prévention des risques (DGPR), mais nous travaillons plutôt au quotidien avec la direction générale de l'environnement et du climat (DGEC), qui délivre notre agrément. De fait, les interlocuteurs de la DGPR sont différents de ceux dont on a l'habitude, en particulier en matière de financement. On a le même problème lorsqu'on travaille sur les pollens par exemple. Ce sont des questions de gouvernance en tuyaux d'orgue qui ne sont pas évidentes, pour nous comme pour d'autres. Nous constatons cependant que les choses ont avancé au niveau national en matière de prévention des risques. Nos relations avec l'État ont progressé dans beaucoup de domaines. On arrive à avoir un travail très constructif avec l'État et à avancer sur de nouveaux polluants dits « émergents », etc. Toutefois, en matière de prévention des risques industriels, les choses n'avancent pas vraiment et ne sont guère plus claires qu'à l'époque. La réflexion est encore en cours. En tant que fédération, nous constatons que cela avance là où, localement, il existe une envie d'avancer. On progresse ainsi dans les régions où l'association est proactive et où cela se passe bien avec les services de l'État et des industriels. Le facteur humain est très important. Ailleurs, les choses sont quelque peu au point mort et progressent plus difficilement.

Aujourd'hui, les territoires ne sont pas égaux en matière de prévention des risques industriels. Si un épisode du type de Lubrizol arrivait aujourd'hui en France, on ne sait pas comment les choses se passeraient - en tout cas de notre point de vue. Cela ne veut pas dire que ce ne serait pas géré ou mal géré, mais les choses ne seraient pas exactement les mêmes. Certains ne savent pas exactement quel serait leur rôle, et nous trouvons cela préoccupant.

Mme Véronique Delmas, directrice d'Atmo Normandie . - Vous nous avez demandé de préciser le rôle joué par Atmo Normandie pendant l'incendie de Lubrizol. Je souhaite rappeler que notre agrément est lié à la surveillance de la pollution chronique provoquée par le chauffage, le trafic routier, etc. et non à la gestion des pollutions accidentelles. Néanmoins, nous sommes sur le terrain. Nous disposons d'experts en métrologie, communication et modélisation. Quand un événement arrive sur notre territoire, chacune et chacun d'entre nous a à coeur d'apporter son expertise pour documenter l'événement et informer au mieux les populations. Nous sommes très attendus en matière de communication, puisque nos associations sont quadripartites. Elles intègrent à la fois des représentants de l'État, des collectivités, des entreprises et du monde associatif. Cette particularité nous confère une indépendance importante en ce qui concerne les travaux que l'on peut mener et l'information que l'on diffuse.

En 2013, la fuite qui avait eu lieu chez Lubrizol avait été très odorante. Il s'agissait non pas d'un incendie mais d'un problème de fonctionnement d'une unité qui avait engendré une fuite et produit des odeurs perceptibles jusqu'à Paris et en Angleterre. Un certain nombre de textes et de stratégies avaient donc été mis en place dès cette époque. Nous avions donc déjà connu des problèmes de communication. Une expérimentation a été menée sur ce point par les trois Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA). Elle nous a permis de faire des propositions au ministère en charge de l'écologie et à la DGPR sur les volets expertise, métrologie, communication et organisation. Cela n'a toutefois pas débouché sur une organisation nationale. Atmo Normandie, par exemple avec le SDIS 76, a donc mis en place une stratégie afin que les pompiers disposent de canisters. Nous avons signé une convention en 2017 qui a très bien fonctionné le jour de l'incendie de Lubrizol. Grâce à ces bonbonnes destinées à prélever l'air, les pompiers ont pu recueillir, dès les premières heures, des échantillons d'air qui ont été confiés à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour analyse. Un certain nombre d'actions ont par ailleurs été décidées par le SDIS qui, aux termes de la convention, se charge des prélèvements. Nous avons également mis en place d'autres systèmes de prélèvements et de mesures, en lien avec les services de l'État.

Nous avons aussi, de notre propre chef, mis en place des systèmes d'échantillonnage ainsi que le système ODO, qui a permis, après l'accident de 2013, le recueil des signalements citoyens concernant les odeurs et les nuisances. Chacun a ainsi pu signaler les nuisances, ce qui a été très utile et a très bien fonctionné pendant un an, pendant toute la durée du chantier de déblaiement. Nous avons ouvert une rubrique sur notre site internet où l'on a publié les résultats des mesures, ainsi qu'un rapport sur celles-ci.

Depuis, l'accident de Lubrizol nous avons animé un groupe de travail interne aux AASQA pour étudier les mesures qu'il était possible d'améliorer. Nous avons également réexaminé la communication qui accompagne la diffusion de nos indicateurs, qui avait soulevé des interrogations au moment de l'accident de Lubrizol. Nous devons en effet, en tant qu'association agréée, publier un indice indiquant quotidiennement la qualité de l'air et il était prévu que la publication de cet indice soit suspendue si Atmo Normandie considérait que la prévision n'était pas bonne. Tel a été le cas le jour de l'incendie mais cela n'a pas été bien compris par la population, qui a pensé que l'on voulait cacher l'information. Désormais, on ne suspend plus l'indice, mais on indique qu'un événement est en cours, ce qui n'est pas la même chose en termes de communication.

Le groupe de travail lancé par la DGPR et animé par l'Ineris a également proposé de travailler sur des dispositifs complémentaires sur l'ensemble de la France, avec des camions de l'Ineris. La dernière réunion de ce groupe de travail a eu lieu en mars 2021. Nous avons chiffré la proposition de l'Ineris de déployer des camions un peu partout et formulé des propositions précises à ce sujet. La discussion s'est arrêtée en mars 2021, après qu'on a rappelé que c'était aussi une question de budget de fonctionnement. On nous a alors répondu qu'on pouvait financer ce fonctionnement grâce à l'assurance et qu'il faudrait, en cas de sinistre, éventuellement faire payer les assurances des entreprises. C'est un modèle économique un peu compliqué à imaginer pour nous. Et pour l'instant, on en est là.

Un certain nombre d'échanges ont eu lieu au niveau local mais certains rôles ne sont encore pas clarifiés, notamment en termes de communication : qui communique quoi, qui coordonne ? Les règles ne sont pas claires et on a constaté dans toutes les régions que les exercices du plan particulier d'intervention (PPI) ne traitent jamais ou très peu des questions de communication. Il nous semble cependant qu'on devrait cibler la communication, qui doit être une priorité : il faut communiquer vite et bien. Si on n'y parvient pas dès le début, c'est ensuite plus compliqué à gérer, ainsi qu'on a pu le voir.

Comme cela est prévu, des cellules post-accident technologiques doivent être mises en place. En cas d'incident ou en cas d'exercice, il nous manque un lieu pour mettre en commun les expertises et définir des plans d'échantillonnage, pour coordonner nos prélèvements tout en disposant des informations nécessaires. Des mesures ont été réalisées par un certain nombre d'organismes, dont le nôtre, mais il nous semble important de permettre aux spécialistes de la mesure d'échanger entre eux et de définir des plans d'échantillonnage. Des cellules d'accidents post-technologiques sont prévues, mais elles sont rarement ou quasiment jamais mises en place.

Enfin, on manque de données toxicologiques pour évaluer les effets concrets sur la santé. On mesure en fait des composés dont on ne connaît pas l'impact en termes de santé, faute de références sanitaires. Les produits traités par Lubrizol sont des produits soufrés, dont l'odeur peut atteindre l'Angleterre, comme en 2013 mais on manque de connaissances sur le lien entre les composés et les odeurs. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de toxicité aiguë qu'il n'y a pas d'impact sur la santé, on l'a bien vu. C'est un point à prendre également en compte dans la communication.

M. Didier Mandelli , président . - À qui avez-vous présenté vos propositions et comment ont-elles été reçues ? Nous faisons également des recommandations, mais elles restent quelquefois lettre morte. La parole est aux rapporteurs, puis aux commissaires.

M. Pascal Martin , rapporteur . - Avez-vous le sentiment que vos recommandations, après celles que le Sénat a pu faire à l'occasion de cette commission d'enquête, ont été intégrées par le Gouvernement dans les différents plans d'action et les mesures réglementaires qui ont été publiés en septembre 2020 ?

Je rappelle que désormais, les industriels devront tenir en permanence un inventaire des produits stockés à la disposition des autorités et identifier à l'avance les produits pouvant être émis pendant un incendie pour mieux connaître les fameux effets cocktail dans les études de danger. Les rapports des assureurs seront également mis à la disposition des inspecteurs. Ces mesures sont opposables aux installations nouvelles à compter du 1 er janvier 2021, et aux installations existantes jusqu'en 2026, avec des délais de mise en conformité. Elles représenteraient un coût estimé entre 1 et 3 milliards d'euros pour les industriels. En outre, le Gouvernement a indiqué sa volonté de rendre systématiquement publics les résultats des contrôles effectués par l'inspection des installations classées d'ici 2022, le temps de disposer des outils informatiques adéquats.

Quel regard portez-vous sur ces évolutions réglementaires ? Avez-vous été consultés lors de l'élaboration de ces textes ? Il me semble que cela va clairement dans le bon sens, mais je souhaiterais recueillir votre avis sur ces évolutions.

De la même manière, lors de l'examen de la loi climat et résilience, dont j'étais l'un des rapporteurs, le Gouvernement a proposé la création d'un Bureau enquête accident (BEA). L'article 288 de la loi climat qui le prévoit explicitement. Quel regard portez-vous sur ce BEA ? Est-ce que cela permettra une approche simplifiée ?

Par ailleurs, je partage l'avis de Charlotte Goujon lorsqu'elle évoque, peut-être surtout en tant que maire de Petit-Quevilly, les difficultés d'articulation. En matière d'organisation de la sécurité civile, vous le savez, la politique des installations classées relève d'une police administrative spéciale dédiée aux représentants de l'État. On s'est aperçu, à Rouen et lors d'autres accidents importants, que c'est le maire qu'on interpelle la plus sur le terrain. Ce fut le cas au Petit-Quevilly, à Rouen et dans l'agglomération rouennaise. Ne peut-on pas trouver juridiquement une solution qui permettrait non pas un transfert de police mais qui améliore sensiblement l'information entre les maires des communes et le représentant de l'État à l'échelle du département ?

Par ailleurs, on assiste globalement à une augmentation du nombre d'accidents sur les sites Seveso depuis quelques années. Nous sommes passés de 15 % des 827 accidents et incidents recensés en 2016 à 25 %, sur un total de 1 112 accidents en 2018, l'année 2020 ayant été plus favorable. Nous sommes cependant à un niveau supérieur à celui constaté en 2013. Quel regard portez-vous sur cette hausse de l'accidentologie industrielle ?

Le Gouvernement a indiqué que le nombre d'inspections annuelles augmentera de 50 % d'ici à la fin de l'année 2022, soit à 25 000 contrôles effectifs, contre environ 18 000 actuellement. Par ailleurs, 50 postes d'inspecteurs seront créés. C'est un combat que nous avons porté à l'occasion du vote du projet de loi de finances 2021. La réponse du Gouvernement n'était pas à la hauteur de nos attentes, et nous aurons l'occasion de reposer la question du nombre d'inspecteurs à l'occasion du projet de loi de finances de 2022. Je voudrais là aussi connaître votre sentiment.

Enfin, la commission d'enquête du Sénat recommande la tenue d'exercices de sécurité civile beaucoup plus fréquente et la mise en place de campagnes d'information grand public pour renforcer la culture de la sécurité industrielle, qui fait cruellement défaut. De tels exercices ont-ils eu lieu dans l'agglomération rouennaise depuis l'accident ? Des exercices sont-ils planifiés pour le futur ? Je pense que ces exercices auraient le mérite d'associer les élus locaux, le représentant de l'État, les industriels et les populations. Bien sûr, cela a un coût, mais je pars de l'idée que ces exercices doivent être financés par les industriels. Cela permettrait de modifier les comportements, de préparer les habitants. On n'est plus ici dans une politique de prévention, mais dans une politique de prévision. J'appelle donc de mes voeux des exercices bien plus fréquents qu'aujourd'hui.

Mme Marta de Cidrac . - Vous avez évoqué le manque de communication vis-à-vis des territoires dans lesquels sont implantés des sites Seveso. Je suis moi-même élue d'un territoire où se trouve le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap), classé Seveso seuil haut. Ces dernières années ont eu lieu quelques incidents, graves ou non, ce n'est pas à moi d'en juger à ce stade. Toujours est-il que l'opinion publique s'en émeut toujours. Avez-vous des préconisations à émettre ? Que proposez-vous vis-à-vis des élus, des collectivités, mais aussi des habitants de ces territoires, pour qui ces questions sont tout à fait légitimes ?

Mme Angèle Préville . - Merci pour ces interventions très riches. Madame Goujon, vous avez dit que tous les maires du secteur n'avaient pas été informés. Vous semble-t-il, dans ce genre d'accident, que l'information des élus de toutes les communes concernées soit une obligation ?

Vous avez également évoqué la prise en compte de la pollution qui est largement impensée actuellement. Or on a un réel besoin du suivi des pollutions, qui peut amener à se réinterroger sur bon nombre de sujets, notamment l'aménagement du territoire et l'installation de ces entreprises.

Vous avez dit que l'État avait délaissé le sujet. Pensez-vous qu'il soit nécessaire de légiférer pour imposer une obligation de suivi du fait de l'impact que cela peut avoir sur les populations ?

Mme Fabre a également évoqué le manque d'égalité des territoires face aux risques industriels. Il me semble que cela pose un gros problème.

Autre question : vous avez rappelé l'incident Lubrizol de 2013. J'étais alors professeur de physique-chimie. Je me dis que la culture scientifique n'est pas suffisamment développée : si vous sentez quelque chose, c'est qu'une molécule aromatique est entrée dans votre nez. Ce n'est pas rien. Une odeur, c'est une molécule chimique que vous respirez. Est-elle dangereuse ou pas, c'est un autre sujet, mais vous l'avez respirée. Elle traduit la présence d'un corps chimique.

Vous avez dit que les résultats des mesures ont été publiés sur un site internet. Est-ce la seule communication qui a été faite par Atmo ? Tous les citoyens ne vont pas forcément sur internet pour se renseigner. Cela traduit peut-être une insuffisance en matière de communication.

Enfin, tout le monde n'est pas au fait de la toxicité des produits qui peuvent se répandre dans l'atmosphère ou des produits issus de la combustion. On ne connaît donc pas les effets cocktail ni la toxicité des molécules. Que faire ?

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Je vis dans le couloir de la chimie, dans le département du Rhône. J'ai remis en main propre le rapport que nous avons rédigé il y a deux ans au préfet de région, qui s'est engagé à ne pas le laisser prendre la poussière sur une étagère. La maire de Feyzin m'a confirmé que, malgré les difficultés liées à la crise sanitaire, le préfet a déclenché des exercices. Il serait intéressant de voir si de telles expériences ont été conduites dans les autres départements et de quantifier le phénomène.

Par ailleurs, Élisabeth Borne s'était engagée à faire beaucoup de choses en janvier 2020 concernant le contrôle des sites classés Seveso. Qu'en est-il sur le terrain ?

J'ai également appris que la cellule de mesures de l'Ineris a été appelée en renfort par Atmo Normandie. Pourquoi un quart seulement des substances a-t-il pu être mesuré ? Est-ce normal ?

Le changement climatique risque, en Auvergne-Rhône-Alpes, et particulièrement le long du Rhône, de nous poser des problèmes, puisque le réchauffement s'accompagne d'une augmentation de la température des eaux et de leur diminution en volume avec des difficultés possibles pour le fonctionnement des centrales. En matière de risques industriels, prenez-vous en compte ce changement climatique ?

Au cours de la table ronde précédente, on a pu se rendre compte de la perte de confiance des victimes à l'égard des services de l'État et des pouvoirs publics. La mesurez-vous ? Comment peut-on selon vous rétablir cette confiance ?

Mme Charlotte Goujon . - Globalement, les réponses que nous avons reçues de la part de l'État se limitent à l'aspect technique mais n'intègrent ni le territoire ni les élus. Amaris souhaiterait, en revanche, une coconstruction sur l'ensemble de ces sujets. Par exemple, il existe un système d'alerte qui envoie des messages automatiques sur les téléphones portables qui bornent autour d'une antenne donnée, le Cell Broadcast , mais on n'a pas encore travaillé sur la question du déclenchement de l'alerte, alors qu'une expérimentation est prévue d'ici la fin de l'année sur le territoire de la métropole de Rouen. À quel moment les élus locaux sont-ils intégrés dans cette réflexion ? Ce qui fait défaut aujourd'hui à nos yeux, c'est la coconstruction.

Autre exemple, Amaris n'a pas été spécifiquement consultée sur les différents décrets ou annonces qui ont pu être faits, excepté par la voie de la consultation publique ordinaire. Cette coconstruction permettrait cependant aux élus locaux et aux associations de terrain de servir de relais.

Par ailleurs, le défaut de communication ne favorise pas la confiance dans ce domaine, et on constate toujours une certaine défiance entre les habitants et les autorités, quelles que soient.

M. Didier Mandelli , président . - Avec des messages contradictoires de la part de certains ministres !

Mme Charlotte Goujon . - En effet. Après l'accident de Lubrizol, il faudra beaucoup de temps pour que les choses reprennent leur place. C'est en ce sens qu'on travaille sur la métropole de Rouen. Une vice-présidence en charge des risques industriels a été créée. Et nous avons une feuille de route qui commence à être mise en oeuvre. On a travaillé avec les communes sur la construction de plans communaux de sauvegarde (PCS).

Le conseil de la métropole a également voté lundi dernier la création d'un plan intercommunal de sauvegarde pour que l'ensemble des communes mettent leurs moyens en commun. On a lancé le déploiement du Cell Broadcast en mars, avec un système d'alerte par SMS sur inscription. Je précise que tous ces systèmes sont complémentaires et que dans cette panoplie, la sirène garde son intérêt. Le système d'alerte par SMS que nous avons mis en place est utile non seulement en cas d'accident comme celui du 26 septembre, mais aussi dans un tas d'autres hypothèses, comme les risques d'inondation, la Seine ayant des crues régulières.

Un supplément spécial « risques naturels ou industriels » au magazine métropolitain a aussi été diffusé ce mois-ci, avec un certain nombre de consignes pour l'ensemble des communes de la métropole et des éléments pratiques et factuels, comme le fait de savoir comment préparer sa valise de confinement.

Pour essayer de rassembler l'ensemble des acteurs et faire en sorte qu'ils se parlent et communiquent entre eux, nous allons travailler avec l'Institut pour une culture de sécurité industrielle (ICSI), créé au lendemain d'AZF, à la création d'une conférence riveraine, comme celle qui existe à Feyzin.

Cette conférence sera précédée d'une étude menée par des chercheurs de Rouen auprès des collectivités, des habitants et des industriels à propos de la question de la culture du risque.

S'agissant de l'exercice grand public, aucune étude, depuis deux ans, n'a intégré les habitants. Un exercice PPI entre la préfecture et les collectivités a bien eu lieu, comme tous les ans, mais sans les habitants, malgré nos demandes auprès de la préfecture. Cela s'est fait pourtant ailleurs, comme dans la région du Havre, au mois de juillet notamment.

Nous espérons que la ville de Rouen, compte tenu du nombre de sites industriels et de sites Seveso présents sur son territoire, pourra mettre en oeuvre des exercices intégrant le grand public afin de favoriser cette culture de la sécurité industrielle et de la sécurité civile.

S'agissant du suivi des pollutions chroniques, je ne puis vous dire s'il faut légiférer à ce sujet, mais la réflexion doit être conduite. Au-delà des épisodes comme ceux qu'on a pu vivre le 26 septembre 2019, on a pu s'apercevoir, notamment à l'aune des études de sol qui ont été effectuées, qu'il existe des pollutions historiques des sols et des pollutions chroniques qui interrogent beaucoup de nos concitoyens.

Quant aux inspections des installations, l'ensemble des acteurs du territoire de la métropole de Rouen se savent observés. Un certain nombre d'inspections sont menées, mais cinquante inspecteurs supplémentaires à l'échelle nationale ne seront pas suffisants pour mener à bien l'ensemble des opérations nécessaires.

Enfin, il faudra naturellement absolument intégrer le sujet du changement climatique dans les réflexions à venir sur la question du risque industriel. J'ai déjà évoqué à propos de la métropole de Rouen la question de la Seine et de ses crues.

Mme Delphine Favre, déléguée générale de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) . - Je souhaiterais apporter quelques éléments complémentaires sur les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Ces PPRT ont été une réussite en termes de réduction du risque à la source. Cela doit rester le cheval de bataille des politiques publiques. C'est sur ce point que doivent porter les efforts.

On constate aujourd'hui que les services de l'État sont surchargés de travail. Toute la réduction du risque à la source repose sur les études de danger. Or dans certaines régions, les services de l'État ne traitent plus les études de danger.

Pour ce qui est de la protection des populations, on peut regretter un certain manque de dynamisme chez les habitants. Énormément d'efforts sont déployés et de solutions mises en place. Aujourd'hui, très peu d'habitants ont cependant effectué des travaux et on ne fait pas de prévention sans les gens, même si certaines choses peuvent être rattrapées en simplifiant les mécanismes de financement. Pour cela, il faut des compétences et une présence continue sur le terrain.

Quant à la mise en protection dans les entreprises, on n'a guère progressé. Les recommandations que nous avions faites et les pistes que nous avions explorées pour avancer avec les entreprises riveraines n'ont pas du tout été reprises. Certes, c'est un sujet complexe et les acteurs économiques ont d'autres priorités. On attend donc une réflexion avec l'État sur ce sujet. Quelle stratégie se donne-t-on ? En reste-t-on là ou bien essaie-t-on de déployer un peu d'expertise technique pour rendre ces mesures opérationnelles ? Est-on satisfait de cette situation ?

Mme Marine Tondelier . - À qui a-t-on transmis les rapports dont nous parlons ? Qu'en a-t-il été fait ? Le premier rapport qui a été évoqué date de 2016. Il n'a pas été transmis parce qu'il n'a jamais été finalisé. Une instruction gouvernementale, en 2014, avait recommandé une meilleure implication des associations traitant de la qualité de l'air en matière de risques industriels et proposait une expérimentation dans trois AASQA - Auvergne-Rhône-Alpes, PACA et Normandie -, portant notamment sur l'organisation, la communication et l'expertise, dont la métrologie. Le ministère de l'environnement avait demandé un rapport sur le sujet, Atmo France, avec les deux autres AASQA, étant mandatées pour son élaboration. Ce rapport a bien été rédigé en 2016, son projet transmis, mais la réunion pour le finaliser n'a jamais lieu, en raison d'autres urgences.

J'insiste sur le fait qu'on peut certes attendre certaines choses de l'État, mais que le Bureau de la qualité de l'air et la DGPR n'ont pas les effectifs suffisants pour couvrir en même temps les urgences et le temps long, prévoir et anticiper - même s'ils sont très investis. C'est un vrai sujet que je soulève ici.

Le retour d'expérience (REX) de Lubrizol est, quant à lui, accessible sur nos sites internet. Tout ce que nous faisons est public. La note sur nos préconisations, publiée en février 2020, a été rédigée pour la commission d'enquête, puis pour les différentes missions interministérielles. Nous l'avons envoyé à tous nos interlocuteurs. Elle est également sur notre site.

En réponse à Madame Préville, je précise que la communication grand public est très importante pour nos équipes. Celles-ci font preuve d'un vrai savoir-faire et nous avons également un statut de tiers de confiance. La France est le seul pays européen où la surveillance de la qualité de l'air est assurée par des associations indépendantes. Partout ailleurs, c'est l'État qui agit directement. Nos alter ego européens trouvent très intéressant que cette école française de la qualité de l'air soit organisée ainsi. C'est un gage de confiance. L'État nous voit forcément comme trop indépendants et les associations comme trop proches de l'État : cela signifie vraisemblablement que l'on est proche de l'équilibre. Le rôle de tiers de confiance est important. Il traduit une véritable expertise dans nos équipes en matière de prise de parole devant le grand public. Il faut à la fois être techniquement très bon, mais aussi savoir communiquer sur des enjeux très techniques qui ne sont pas toujours simples à appréhender. C'est une expertise que nous aimerions mettre à disposition car on ne parle pas au grand public comme on peut parler entre politiques, élus ou spécialistes du sujet.

La confiance se crée aussi par la coconstruction. On ne peut pas tout savoir, et on ne le pourra jamais, mais si on l'explique et qu'on le dit de manière très transparente, c'est déjà moins suspect. Il faut, par exemple, disposer d'un point zéro avant l'accident afin de pouvoir mesurer l'impact précis de ce dernier : cela ne peut donc se construire que sur le long terme.

Enfin, dans la dernière note produite dans le cadre du projet de loi de finances 2022, nous avons attiré l'attention du ministère sur ce qu'on pourrait faire si nous avions plus de moyens. Certes, on ne peut pas dire que l'État n'a rien fait. Il a débloqué des investissements, et l'Ineris a obtenu des crédits supplémentaires pour des camions, mais sans moyens supplémentaires de fonctionnement pour payer l'essence, les réparations et les personnels d'astreinte convenablement formés sur de nouvelles machines, et prêts à intervenir jour et nuit, on ne va pas bien loin. Je pense qu'on est au milieu du gué et qu'il faut mettre des moyens supplémentaires pour assurer le fonctionnement des machines. Les trois AASQA expérimentatrices y sont disposées, mais il faudrait pouvoir le faire sur tout le territoire où on manque de moyens pour former les quelques vingt salariés par équipe et avoir une personne de permanence tous les week-ends.

Nous avons également fait des conférences de presse : c'est un exercice très particulier à organiser dans un moment de tension. Il y a eu aussi beaucoup de réunions publiques et ce n'était pas facile pour les équipes d'être confrontées à la colère, à l'angoisse et à des sentiments très légitimes.

Avec Véronique Delmas, nous étions allées à une réunion à l'UFR de médecine, cinq jours après l'incident de Lubrizol. Nous ne sommes pas des professionnels de la santé et ne prétendons pas l'être, mais on nous avait demandé de venir expliquer ce qu'on savait et ce qu'on ne savait pas. Tous les personnels de santé du territoire avaient été conviés. Certains médecins traitants s'inquiétaient pour les femmes allaitantes, ne connaissant pas le bénéfice-risque de l'allaitement. Dans le doute, une salariée qui allait sur site faire des prélèvements jetait son lait en rentrant chez elle. Ce sont des questions auxquelles il est extrêmement difficile de répondre, tant pour les tiers de confiance que pour l'ARS ou les soignants.

Je souligne que la participation citoyenne est extrêmement importante. L'application ODO (« Outil de signalement de nuisances olfactives sur votre territoire ») grâce à la force du travail en réseau, a été immédiatement mise à disposition de nos collègues dans les Hauts-de-France. Les signalements permettaient de suivre le panache de fumée, qu'on pouvait recouper grâce à la participation citoyenne et de vérifier exactement les retombées. Tout cela est extrêmement important pour permettre à tout le monde d'avancer en synergie.

Mme Angèle Préville . - Vous bénéficiez d'un agrément concernant la pollution chronique. Peut-être pourriez-vous demander un agrément pour le suivi des pollutions accidentelles...

Mme Véronique Delmas . - Ce volet n'est pas encore construit au niveau national, et on est dans l'attente. Quoi qu'il en soit, il faudrait prévoir les moyens adéquats. Plus les investigations portent sur des composés compliqués, plus on a besoin de technicité et de moyens.

Dans le rapport de 2016 ou dans celui de 2020 et dans les travaux que nous menons en commun avec l'Ineris et la DGPR, nous avons fait des propositions pour mutualiser les dispositifs au niveau national. On n'a pas forcément intérêt à prévoir des super camions dans toutes les régions, mais on pourrait imaginer en avoir un par zone de défense qui serve à l'ensemble des régions, de façon à disposer de compétences là où l'on trouve le plus d'usines, tout en les mettant à la disposition des autres. Nous attendons donc un retour et des clarifications au niveau national sur ce volet. Pour information, la cellule de mesures de l'Ineris n'est pas venue en 2019. En pratique, nous avons envoyé des prélèvements à l'Ineris.

Mme Marine Tondelier . - Les AASQA ont un agrément pour la surveillance réglementaire que nous sommes tenus d'effectuer et qui est contrôlée tous les ans par le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air, dont fait partie l'Ineris, qui est notre coordinateur national et technique, mais nous faisons aussi plein d'autres choses, comme le permet notre statut associatif.

Les AASQA existent depuis quarante ans et n'y a pas que l'État dans nos conseils d'administration. Cela fait vingt ans que les AASQA surveillent les pesticides dans l'air en dehors de la surveillance réglementaire, lorsqu'on estime qu'il existe un enjeu. Ce n'est pas financé par l'État, mais par une collectivité et par les industriels qui participent à notre financement via le mécanisme de la taxe générale sur les activités polluantes air (TGAP Air), et qui peuvent choisir de nous verser directement cette taxe de façon totalement libératoire. Cela ne leur coûte pas plus cher que de la verser à l'État, sous réserve de respecter certains plafonds. Ils la flèchent vers les associations et participent donc à la gouvernance et au conseil d'administration. C'est un mécanisme qui fonctionne plutôt bien, qui repose sur le principe pollueur-payeur même si, en matière de qualité de l'air, il n'y a pas qu'un seul pollueur qui paye et si d'autres secteurs émetteurs de substances polluantes en France ne participent pas. Notre travail est réellement collaboratif sur les territoires : chacun a sa place. Cela permet aux acteurs de savoir ce que nous faisons et de travailler avec eux. C'est souvent grâce aux industriels que l'on peut financer des campagnes sur les polluants que l'État appelle les « polluants émergents ». Si les trois AASQA dont on parle sont capables de mener de telles expériences sur les territoires, c'est parce qu'elles ont des relations avec les industriels, ce qui les rassure généralement et permet de mettre en place des protocoles locaux, dans une relation de confiance. Ce n'est pas parce que ce n'est pas dans nos missions réglementaires qu'on ne le fait pas. C'est d'ailleurs pour cela que certains territoires sont plus avancés que d'autres. Nous aimerions que l'État décide qu'on intervienne sur tout le territoire, sur la base d'un cadre réglementaire. En attendant, nous avançons localement.

M. Didier Mandelli , président . - Merci beaucoup.

Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, la commission a entendu Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.

M. Jean-François Longeot , président . - Madame la ministre, mes chers collègues, nous reprenons les travaux de notre commission consacrés au bilan de l'accident majeur des usines Lubrizol et Normandie Logistique intervenu à Rouen le 26 septembre 2019.

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Notre commission a initié une séquence de travail consacrée au suivi et à l'évaluation de notre politique de prévention des risques naturels, industriels et nucléaires.

Nous examinions la semaine dernière la proposition de loi de l'ancien député Stéphane Baudu, visant à réformer le régime des catastrophes naturelles. Une délégation de notre commission se rendra d'ailleurs prochainement dans le département des Alpes-Maritimes, plus spécifiquement dans la vallée de la Roya, afin de mesurer les conséquences de la tempête Alex et suivre les travaux de reconstruction.

Dans quelques semaines, nous aurons une ou plusieurs auditions consacrées à la gestion des risques liés à la présence d'engrais à base de nitrate d'ammonium dans nos ports maritimes et fluviaux, en lien avec l'accident intervenu à Beyrouth en août 2020 et le rapport inter-inspections rendu récemment à votre demande.

S'agissant de l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique, le Parlement s'est mobilisé, à côté des procédures judiciaires diligentées et des enquêtes et inspections administratives, pour contribuer à faire toute la lumière sur cet accident et en tirer des enseignements pour notre politique de prévention des risques industriels.

Le Sénat, à l'unanimité, avait voté le 10 octobre 2019 la création d'une commission d'enquête chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine de Lubrizol à Rouen. Cette commission d'enquête, présidée par notre collègue Hervé Maurey, que je remercie de sa présence, a rendu son rapport le 2 juin 2020. Ses deux rapporteures étaient Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, que j'excuse.

J'ai souhaité, en lien avec nos collègues concernés, que nous puissions exercer un droit de suite sur le rapport de cette commission d'enquête.

Votre audition s'inscrit donc dans ce cadre et vise à nous permettre d'évaluer si notre politique de prévention des risques industriels s'est renforcée depuis cet événement.

Nous nous concentrerons à titre principal sur les volets gestion de crise, prévention des risques, information du public et indemnisation, afin de laisser le soin aux commissions permanentes compétentes d'effectuer le travail de suivi dans les domaines qui relèvent de leurs compétences.

Je rappelle enfin que plusieurs procédures judiciaires sont encore en cours et qu'il ne nous appartient pas de revenir sur les causes de l'accident. Le 29 septembre dernier, nous avons reçu les représentants des associations de victimes de l'accident de Lubrizol, qui se sont exprimés dans le cadre d'une table ronde assez animée, ainsi que les représentants d'Atmo et d'Amaris.

Face à cet événement traumatisant pour les habitants de la métropole de Rouen et des territoires voisins, de nombreuses initiatives ont été prises. Une enquête administrative a été déclenchée dès le 26 septembre 2019. Deux missions inter-inspections ont rendu leur rapport destiné à analyser l'événement et en tirer les conséquences pour notre politique de prévention des risques en février et mai 2020. Une troisième mission sur la culture du risque, coordonnée par Frédéric Courant, a remis ses conclusions en juin 2021.

Ces rapports, comme celui de notre commission d'enquête, ne sont donc pas restés lettre morte puisque des mesures réglementaires ont été prises par votre Gouvernement, d'abord à la rentrée 2020 avec la publication de deux décrets et de cinq arrêtés visant à renforcer la maîtrise des risques industriels, en particulier pour les sites Seveso et les entrepôts identifiés dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Ensuite, trois nouveaux arrêtés ont été pris à la rentrée 2021, apportant des modifications aux mesures prises un an plus tôt. Vous avez par ailleurs présenté un plan d'action sur la culture du risque le 18 octobre dernier.

Donc nous ne dirons pas que rien n'a été fait ! Il y a eu un passage de la parole aux actes, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Il nous reste maintenant à déterminer si les actes produiront les effets visés et si cela suffit à répondre aux observations et aux propositions que nous avons faites au Gouvernement dans le cadre de la commission d'enquête.

Avant de vous laisser la parole, je souhaiterais vous poser quelques questions d'ordre général.

Tout d'abord, vous avez été nommée ministre de la transition écologique à l'été 2020, après l'accident qui a été géré par votre prédécesseure Élisabeth Borne, en lien avec les ministres compétents à cette date. Comment avez-vous abordé le dossier Lubrizol et la gestion des conséquences de cet accident majeur ?

Ensuite, en lien avec les mesures réglementaires que j'évoquais à l'instant, quels sont, selon vous, les principaux enseignements de cet accident ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi ces nouvelles mesures permettraient d'éviter, le cas échéant, qu'un tel accident ne se produise à nouveau ?

Enfin, en lien avec les mesures que nous avons récemment votées dans le cadre de la loi Climat et résilience sur les atteintes générales au milieu physique, estimez-vous que le principe constitutionnel « pollueur-payeur » a trouvé à s'appliquer dans ce dossier ? L'enquête judiciaire n'étant pas terminée, je ne demande aucune réponse définitive, mais je souhaite connaître votre avis sur ce sujet.

De même, pensez-vous que les nouvelles dispositions législatives votées dans la loi Climat trouveront bien à s'appliquer dans ce type d'événement et nous permettront à l'avenir d'agir mieux et plus vite pour faire respecter le principe pollueur-payeur ?

Avant que vous n'interveniez, Madame la ministre, je vais brièvement donner la parole à Hervé Maurey, qui a présidé la commission d'enquête sénatoriale. Je vous propose de procéder ensuite, comme il en est d'usage, à une ou plusieurs séquences de questions-réponses.

À l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à Pascal Martin, notre référent sur les sujets « risques » et rapporteur pour avis des crédits dédiés à la prévention des risques, puis à Jean-Michel Houllegatte, qui remplace Nicole Bonnefoy.

M. Hervé Maurey . - Je voudrais tout d'abord remercier le président Longeot de son invitation et surtout de l'initiative qu'il a prise, car il très important que les travaux qui sont menés par des commissions d'enquête connaissent un suivi pour s'assurer que les recommandations qui sont formulées ne restent pas lettre morte.

Depuis la remise de notre rapport, en juin 2020, un certain nombre d'annonces ont été faites. Des décrets et des arrêtés ont encore été publiés le mois dernier. Le Gouvernement n'est donc pas resté inerte.

Pour autant, il est important que l'on mesure bien ce qui a été réellement mis en oeuvre, ce qui a changé et ce qui changerait si, par malheur, une catastrophe de ce type venait à nouveau à se produire.

Je rappelle que notre rapport était construit autour d'une quarantaine de propositions, regroupées en six axes : culture du risque, prévention, gestion de crise, nécessité de mieux associer les élus à l'action de l'État, indemnisation et enfin suivi sanitaire des populations au nom du respect du principe de précaution.

S'agissant de la culture du risque, de manière quelque peu étonnante, le Gouvernement, plutôt que de reprendre un certain nombre de nos propositions, a mis en place une mission qui a rendu ses conclusions en juin. Certaines sont d'ailleurs proches des nôtres. Vous avez annoncé la semaine dernière un plan en la matière. Il serait souhaitable que vous puissiez nous expliquer en quoi ce plan est important et quels moyens seront mis en oeuvre pour qu'il puisse devenir réalité, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.

S'agissant de la prévention des risques, les inspections ont-elles vraiment augmenté avec seulement vingt inspecteurs supplémentaires ? L'objectif d'une hausse de 50 % des contrôles d'ici 2022 est-il encore réaliste ?

S'agissant du stockage des produits et de la transparence sur ce stock, problème révélé par cette catastrophe, des textes ont été publiés. Certaines dispositions ne s'appliqueront pas avant 2026, voire 2027. N'est-ce pas un peu tard ? Qu'en est-il de cette phase de transition ?

Vous avez mis en place un bureau d'enquête et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) en décembre 2020. On attend toujours à ce sujet un certain nombre de textes réglementaires. Pouvez-vous nous éclairer sur l'action de ce BEA au cours de l'exercice 2021 et sur ses moyens et matériels ?

S'agissant de la gestion de crise, le Gouvernement avait annoncé qu'il reprenait une proposition chère au Sénat depuis une décennie concernant le remplacement des sirènes par le Cell broadcast . Une expérimentation devait être menée à Rouen en juin. Celle-ci n'a toujours pas été réalisée. Pour quelles raisons ? Quand aura-t-elle lieu ?

En revanche, je n'ai trouvé aucune disposition dans les mesures qui ont été prises pour renforcer l'association, l'implication et le rôle des élus locaux en cas de crise ou en matière de prévention ou de risques.

S'agissant des indemnisations, selon les associations, celles-ci n'ont concerné que les agriculteurs et, selon elles, de manière insatisfaisante.

Enfin, même si cela ne relève ni de cette commission ni de votre ministère, la question du suivi sanitaire constitue un gros point noir. Le fait que le Gouvernement ait refusé de mettre en place des registres de morbidité crée une inquiétude et donne un sentiment d'opacité. Même si cela ne s'avérait pas nécessaire, au vu des éléments techniques qui ont été apportés par Santé publique France, ce n'est pas pour autant qu'il ne faut rien faire, car ceci peut rassurer les différents acteurs.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il y a un peu plus de deux ans, l'incendie de Lubrizol et de Normandie Logistique, près de Rouen, a eu pour beaucoup d'entre nous l'effet d'une onde de choc. Cet événement est venu nous rappeler que, malgré le renforcement régulier des normes de sécurité, malgré l'amélioration des processus industriels, les catastrophes sont toujours possibles. Je crois malheureusement, même si on met en place tout ce qu'il faut, qu'on ne pourra jamais atteindre le « risque zéro ».

Après le temps de l'urgence et de la gestion de crise, le moment est venu de tirer toutes les leçons de cet événement. Nous l'avions fait après le drame de l'explosion de l'usine AZF, en 2001, en mettant en place des outils de prévention exigeants qui nous ont permis d'éviter d'autres événements aussi dramatiques.

Nous devons de même tirer toutes les leçons de l'accident qui a eu lieu il y a deux ans. Nous le devons aux habitants qui ont vécu cette crise, aux salariés des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et à nos concitoyens, où qu'ils vivent.

Un pays avance en améliorant ses règles, ses outils et ses normes lorsque c'est nécessaire, et en faisant évoluer les réflexes de chacun pour que nous soyons mieux préparés collectivement.

À la suite de cet accident, un plan d'action particulièrement riche avait été présenté par ma prédécesseure, Élisabeth Borne. Nous l'avons depuis encore renforcé.

Vous me demandiez, monsieur le président, comment j'avais abordé ce sujet lors de mon arrivée. En fait, les travaux étaient en cours. Je les ai suivis et j'ai veillé à ce que tout soit mis en oeuvre. J'ai mis quelques autres sujets en chantier, notamment autour de la culture du risque.

Le plan d'action coïncide largement avec les 42 recommandations formulées par la commission d'enquête sénatoriale. Je me réjouis de pouvoir vous indiquer d'ores et déjà que 37 d'entre elles sont soldées ou en cours de mise en oeuvre.

Notre priorité est de tout faire pour que des incendies de cette ampleur ne surviennent plus. L'incendie de Lubrizol nous a conduits à durcir drastiquement la réglementation applicable aux sites industriels pour prévenir au mieux ce type de catastrophe industrielle.

Vous le savez, à Rouen, c'est une nappe enflammée qui a propagé l'incendie entre plusieurs stockages d'un même site. C'est pourquoi nous avons renforcé la réglementation applicable aux sites accueillant des liquides inflammables et des liquides combustibles. Très concrètement, les réserves d'eau et d'émulseurs, ces substances utiles pour éteindre les incendies, seront augmentées, de même que les distances de sécurité qui séparent les stockages.

Des investissements doivent être réalisés pour rationaliser le stockage de produits inflammables, augmenter les capacités de rétention des liquides et renforcer les capacités d'extension. Le calendrier mène à 2026, car il s'agit d'investissements qui doivent être pensés et préparés correctement à l'échelle du site entier. Cela prend un peu de temps. On limite ainsi à la fois les risques de naissance d'un incendie et de propagation à des sites voisins par un effet domino .

Tirer toutes les leçons de l'incendie de Lubrizol, c'est aussi mettre des moyens d'accompagnement et de vérification sur le terrain. Ces nouvelles réglementations seront mises en oeuvre par les industriels, sous le contrôle de l'inspection des installations classées, dont j'ai renforcé les effectifs en leur octroyant 50 inspecteurs supplémentaires en deux ans afin de dégager du temps pour les inspections sur le terrain.

Ainsi, depuis l'incendie de Lubrizol, les inspecteurs de l'environnement ont entrepris de contrôler systématiquement les sites qui sont présents dans un rayon de 100 mètres autour des sites Seveso, afin d'éviter la propagation de l'incendie entre sites industriels voisins.

Plus généralement, j'ai renforcé l'activité des inspecteurs sur le terrain en augmentant fortement le nombre de contrôles.

Ce travail d'anticipation et de renforcement drastique de nos normes est nécessaire pour limiter les risques d'incendie industriel de grande ampleur.

La deuxième priorité, c'est l'amélioration de la réaction des salariés de ces sites industriels face à un accident de ce type.

La préparation des personnes qui se trouvent sur ces sites est l'un des meilleurs moyens pour limiter les conséquences d'un accident industriel. Nous avons donc imposé aux sites industriels un ensemble de mesures de préparation à la crise. Plusieurs ont d'ores et déjà été mises en place. Désormais, des essais et des exercices réguliers sont obligatoires pour tous les sites Seveso, tous les ans pour des sites Seveso seuil haut et tous les trois ans pour les Seveso seuil bas.

Nous imposons également à tous les sites stockant des matières combustibles d'évaluer et de modéliser les produits qui se formeraient en cas d'incendie, pour être capable de réagir au plus vite en cas d'accident.

Nous exigeons également que les exploitants disposent en permanence d'un suivi des matières stockées sur le site et accessible rapidement pour l'administration et les intervenants en cas de sinistre.

La troisième priorité réside dans le renforcement de la transparence, tant s'agissant des inspections régulières que du suivi des accidents.

À la suite d'accidents comme celui de Lubrizol, nos concitoyens ont exigé plus de transparence, et ils ont eu raison. Notre ambition est que toutes les Françaises et tous les Français puissent avoir accès à toute l'information sur les risques industriels. À partir du 1 er janvier 2022, la transparence sera donc la règle pour les inspections d'installations classées. Les résultats seront publiés de façon systématique, sur le site Géorisques, géré par mon ministère. Ceci demande quelques adaptations techniques, mais la date de mise en oeuvre se rapproche à grands pas.

Dans le même esprit, nous avons rendu publique au printemps une liste de six exploitants que nous avons placés sous vigilance renforcée. Ces six exploitants ont remis un plan d'action qui est public, et qui fera l'objet d'un suivi régulier de mes services pour tirer les conclusions des retours d'expérience sur des installations qui avaient déjà fait l'objet de remarques mais qui n'avaient pas mis en place de plan d'action. Il ne s'agit pas de verser dans le name and shame , c'est-à-dire de nommer et de pointer du doigt, mais de faire en sorte que ces exploitants comprennent que tout le monde les regarde. Nous signalerons ceux qui mettent en place un plan d'action digne de ce nom. Il faut aussi faire remarquer les choses lorsqu'elles s'améliorent.

Enfin, nous avons voulu assurer la plus totale transparence en cas d'accident. J'ai tenu à créer une structure disposant de moyens d'enquête dédiés. Le BEA-risques industriels a déjà ouvert dix-sept enquêtes approfondies sur des accidents industriels en France.

Ce bureau d'enquête aura prochainement une existence légale et une indépendance assurée grâce à l'habilitation à légiférer par ordonnance contenue dans la loi Climat et résilience.

Enfin, notre dernière priorité est de renforcer l'information du public sur les risques industriels. Malgré toutes les réglementations, toute la prévention, tous les exercices de crise, nous ne pourrons jamais atteindre le risque zéro. C'est le cas pour les risques industriels mais encore plus pour les risques naturels ou sanitaires.

C'est pourquoi il est essentiel d'améliorer l'information de nos concitoyens et leur capacité à réagir en cas de crise. C'est ce qu'on appelle la culture du risque, sur laquelle vous aviez travaillé et sur laquelle j'ai souhaité recueillir la vision d'une équipe menée par Frédéric Courant, composée de nombreux sociologues, afin de comprendre les réactions de nos concitoyens. On le voit, la culture du risque est très répandue dans certains pays, comme le Japon, souvent cité parce qu'il est emblématique. En France, on a encore une difficulté pour faire face à ce risque, le réflexe étant soit d'être paralysé par la peur, soit de mettre les choses de côté pour continuer à vivre normalement.

On l'a vu lors de l'incendie de Lubrizol, certains étaient surpris de découvrir un site industriel à proximité d'une ville, bien que le lien entre la ville et l'industrie soit profondément ancré dans notre histoire.

De même, un trop lourd bilan humain est encore constaté à chaque catastrophe, naturelle ou industrielle, alors qu'il pourrait être évité par des gestes simples. En cas d'inondations, certaines personnes meurent dans leur sous-sol pour avoir tenté de déplacer leur voiture !

Cette mission confiée à Frédéric Courant avait pour but d'examiner les moyens de sensibiliser la population pour mieux faire face aux accidents industriels mais aussi aux catastrophes naturelles. J'ai choisi Frédéric Courant parce qu'il a réussi, à travers son émission C'est pas sorcier , animée avec Jamy Gourmaud, à trouver les mots pour rendre compréhensibles des enjeux parfois complexes. Il est parvenu à faire passer des messages, et je crois que nous, responsables politiques, avons besoin d'être aidés par des personnes comme lui qui en ont l'habitude.

Plusieurs mesures de ce rapport figurent dans le plan d'action « Tous résilients face aux risques », que j'ai présenté il y a quelques jours. Nous allons tout d'abord construire un partenariat de long terme avec une association nationale spécialisée dans la prévention des catastrophes, qui aura la responsabilité de porter le déploiement de cette culture du risque. Son rôle sera notamment de créer des supports pédagogiques en les partageant avec les collectivités, les élus et en les diffusant dans les médias.

Nous suivrons les résultats de cette action en évaluant chaque année par un sondage la culture du risque des Français. Nous organiserons une journée annuelle de la résilience face aux risques dès l'automne, l'année prochaine. Elle aura lieu le 13 octobre, journée internationale de la prévention des risques de l'ONU.

Pendant ces journées, l'État, les collectivités territoriales, les associations, les professionnels qui le souhaitent organiseront de grandes actions de sensibilisation sur tout le territoire. Ce sera l'occasion d'organiser des portes ouvertes, des exercices grandeur nature et des parcours de sensibilisation. Les écoles pourront, à cette occasion, tester leurs plans particuliers de mise en sûreté, de même que les entreprises.

Enfin, nous continuerons d'améliorer l'information de chaque citoyen sur les risques auxquels il est exposé. C'est pourquoi nous allons promouvoir encore davantage le site Géorisques. Ce site permet déjà aux futurs locataires ou acheteurs d'obtenir automatiquement l'information sur les risques auxquels un bien immobilier est soumis. Nous ferons en sorte que ce site soit référencé dans les annonces immobilières.

En somme, avec toutes ces actions, notre objectif est de faire naître et essaimer une vraie culture du risque, qui manque encore dans notre pays. L'idée est qu'une personne, par géolocalisation ou consultation, puisse aller voir près de chez elle ce qui peut se passer. Le site Vigicrues est également un site d'information très intéressant. Cela permettra d'adopter des réactions rapides.

Voilà en résumé les nombreux chantiers auxquels mon ministère a oeuvré depuis l'accident de Lubrizol, dans l'objectif d'améliorer la sécurité de nos sites industriels et notre préparation collective au risque.

Cet accident industriel qui nous a frappés sur le site de Lubrizol il y a deux ans restera une page noire dans notre histoire mais nous sommes en train d'écrire les pages suivantes en mettant en place tous les outils pour qu'un tel événement ne se reproduise plus et, le cas échéant, que nous soyons mieux armés pour y faire face. C'est ainsi que nous progresserons, en augmentant encore et toujours nos exigences et en actionnant tous les leviers qui nous permettront d'avancer, afin de s'assurer que l'histoire de demain ne répète pas celle d'hier.

Je suis à votre disposition pour vous répondre plus précisément sur un certain nombre d'aspects que j'ai évoqués. Je vous remercie pour cette occasion que nous avons aujourd'hui d'échanger.

M. Pascal Martin . - Madame la ministre, merci d'avoir précisé certains points qui, à mes yeux, vont dans le bon sens. La prévention des risques, de toute nature, est une politique publique essentielle car elle permet d'aborder et de concilier de nombreux enjeux, économiques, environnementaux et sociaux.

Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », dont j'ai été l'un des trois rapporteurs, le Gouvernement a proposé la création d'un bureau d'enquête accidents (BEA) pour les risques industriels. Nous avons réécrit ensemble ces dispositions, qui figurent désormais à l'article 288 de cette loi.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, Madame la ministre, la loi « Climat et résilience » ne comporte plus d'habilitation à légiférer par ordonnance sur ce sujet pour le Gouvernement car nous avons inscrit les dispositions concernées « en dur » dans la loi, avec l'aide de vos services d'ailleurs comme je viens de l'indiquer.

L'idée de créer ce BEA-RI avait d'ailleurs été soutenue par la commission d'enquête du Sénat et préférée par rapport à l'option consistant à créer une autorité administrative indépendante (AAI). C'est donc un élément positif.

Vous avez pris une instruction en date du 22 janvier 2021 pour préciser le fonctionnement de ce nouveau service et j'ai plusieurs questions à ce sujet. Quels sont les effectifs de ce bureau ? D'abord, j'avais relevé qu'un transfert de trois équivalents temps plein (ETP) avait eu lieu en 2020. Qu'en est-il pour 2021 et 2022 ? Le « bleu » budgétaire de la mission Écologie ne donne que très peu d'informations sur ses effectifs et ses moyens de fonctionnement...

Concernant l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), le Gouvernement a indiqué que le nombre d'inspections annuelles augmentera de 50 % d'ici la fin de l'année 2022, soit 25 000 contrôles effectifs - contre environ 18 000 actuellement - et que 50 postes d'inspecteurs seront créés. La ministre Élisabeth Borne avait d'abord annoncé que ces 50 postes seraient créés en une fois, puis nous avons finalement constaté que ces créations de postes s'étaleraient sur deux ans, lors de l'examen du précédent budget. Pouvez-vous aujourd'hui nous confirmer ces annonces et confirmer le fait qu'elles sont réalistes ? On se souvient en effet que le nombre de visites d'inspection a baissé de 40 % entre 2006 et 2018.

Lors de l'examen du budget 2021, seuls 30 postes sur les 50 étaient prévus. Il m'a été indiqué que les 20 postes supplémentaires étaient bien inscrits au budget 2022, avec les crédits correspondants mais, là encore, il n'y a aucune mention des effectifs ni aucune référence à l'annonce d'Élisabeth Borne dans le bleu budgétaire. Pouvez-vous nous confirmer que ces 20 postes supplémentaires seront bien créés pour 2022, conformément à l'engagement du Gouvernement ?

Concernant les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), il n'en reste à l'heure actuelle que quatre en attente d'approbation sur les 389 qui ont été prescrits.

Sur les 16 000 logements concernés par des prescriptions en matière de travaux de protection face aux risques technologiques, seuls 1 426 ont vu leurs travaux réalisés, soit 9 % des logements soumis à travaux et 35 % des logements déjà diagnostiqués pour des travaux. Comment accélérer ce mouvement ? Beaucoup de personnes habitent près de ces établissements.

L'an dernier, le Sénat a voté la prolongation du crédit d'impôt dédié. Les mécanismes conventionnels instaurés entre l'État, l'Agence nationale de l'habitat et le bailleur Procivis permettent de traiter la question de l'avance des travaux. J'aimerais que nous puissions faire un point sur ce sujet. Que faut-il faire de plus ?

Enfin, vous avez évoqué des propositions qui vont dans le bon sens en matière de culture du risque. La commission d'enquête du Sénat avait recommandé la tenue d'exercices de sécurité civile plus fréquents et la mise en place de campagnes d'information grand public pour renforcer notre culture de la sécurité industrielle. Vous avez évoqué le plan « Tous résilients face aux risques » présenté il y a quelques semaines, mais je n'ai pas vu de propositions spécifiques sur les exercices, même si vous venez de rappeler la tenue des exercices réguliers tous les ans pour les seuils hauts et tous les trois ans pour les seuils bas. Comment comptez-vous développer des exercices permettant d'associer plus largement la population ?

S'agissant du système d'alerte des populations en cas d'accident, le Gouvernement s'était engagé à déployer un système de Cell Broadcast permettant de recevoir des notifications associées à des envois ciblés de SMS d'ici 2022. D'après les informations en ma possession, ce sera plutôt dans le courant 2022 mais une première phase de tests aura lieu à Rouen d'ici la fin de l'année 2021. Or nous sommes presque début novembre.

Un cadrage juridique serait encore nécessaire pour fixer les modalités d'échanges des informations entre l'État et les opérateurs, ainsi que les conditions de prise en charge des coûts induits par ce système pour les parties prenantes, à la fois sur le volet investissement et sur le volet exploitation. Le coût total du déploiement pour les finances publiques serait de 50 millions d'euros. Ma question est donc simple : quand ce nouveau système, dont nous parlons depuis des années et que le Sénat appelle à déployer également depuis des années, sera-t-il opérationnel ?

Enfin, je voudrais saluer l'initiative d'organiser chaque année, dès l'année prochaine, une journée dédiée, le 13 octobre, à la résilience face aux risques naturels et industriels. Une des clés de la nécessaire acculturation consiste à faire comprendre aux populations qui vivent proches d'établissements à risques qu'il existe de bons réflexes à acquérir. Cela manque cruellement aujourd'hui et tout ce qui pourra être fait pour sensibiliser les populations sera bienvenu.

Mme Barbara Pompili, ministre . - Des points importants ont été éclaircis sur le fonctionnement du BEA-RI pendant les débats sur la loi « Climat et résilience » et vous y avez contribué, notamment concernant la conduite des enquêtes qui lui seront confiées. Le BEA ne pourra recevoir d'instructions de personne, pas même en termes de communication de ses résultats. C'est très important pour garantir son indépendance et la confiance dans les résultats de ses travaux.

Un lien étroit avec les parquets dans le cadre de l'enquête judiciaire permettra de partager les preuves matérielles pour comprendre rapidement les causes techniques d'un accident et, le cas échéant, renforcer la réglementation nationale en matière de prévention des risques industriels.

En ce qui concerne ses moyens, le BEA dispose aujourd'hui de cinq personnes, ce qui correspond aux besoins exprimés. Dix-sept enquêtes ont été réalisées et huit sont achevées. Le rapport est bien évidemment publié sur le site internet du BEA.

En ce qui concerne les ICPE et le nombre d'inspecteurs, nous étions tombés en 2018 à 18 000 inspections, chiffre historiquement bas. En 2019, puis en 2020, le chiffre s'est situé entre 19 000 et 20 000 à cause du confinement.

En 2021, nous allons dépasser les 23 000 inspections. Les premières actions pour donner la priorité au terrain portent leurs fruits. Pour 2022 et 2023, nous avons fixé des objectifs régionalisés aux préfets. Notre ambition est de dépasser 25 000 puis 27 000 inspections, soit 50 % de plus.

De la même manière, nous tenons nos engagements sur les objectifs annoncés.

S'agissant des PPRT, 385 ont été élaborés à ce jour. Quatre, plus complexes, sont en cours de finalisation. L'approbation de ces quatre derniers PPRT constitue un objectif prioritaire pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

Il nous faut nous féliciter que, grâce à la mise à jour des études de danger (ED), nécessaires à l'élaboration des PPRT, de très grands progrès aient été réalisés en matière de réduction du risque à la source. 607 biens, logement et activités fortement exposés font l'objet de mesures foncières - expropriations ou délaissements.

Le taux d'avancement des mesures foncières prescrites s'élève à 28 %, la date limite n'étant pas encore atteinte. Cela représente un engagement d'environ 400 millions d'euros, dont 140 millions d'euros pour la seule participation de l'État.

Par ailleurs, environ 16 000 logements sont concernés par des prescriptions de travaux. 12 000 logements font déjà l'objet d'un accompagnement. Plus de 2 100 logements ont fait l'objet de travaux de protection. Ce dernier chiffre, vous l'avez souligné, est assez faible. Il représente 13 % des logements concernés. On est à plus de 50 % par rapport à l'an dernier, mais ces missions prennent du temps et portent leurs fruits surtout lorsqu'elles sont bien comprises et acceptées par la population.

En ce qui concerne les réponses aux recommandations du rapport de la commission d'enquête pour favoriser la mise en oeuvre effective des travaux sur les logements, une convention a été signée entre Procivis et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) en juin 2020 afin de permettre aux riverains d'obtenir une avance sur le crédit d'impôt sous forme de prêts à taux zéro. En 2020, 155 foyers ont bénéficié de ce dispositif, pour un montant moyen d'environ 7 500 euros par foyer.

La loi « Climat et résilience » permet désormais le financement par les exploitants et les collectivités des travaux sur les logements concernés et appartenant à des sociétés civiles immobilières. En loi de finances initiale 2021, le crédit d'impôt en faveur des ménages qui réalisent des travaux liés à la mise en oeuvre des PPRT a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2023 pour les PPRT approuvés avant le 1 er janvier 2016.

Lorsque plusieurs sites Seveso seuil haut sont voisins, on peut mettre en place un PPRT unique afin de pouvoir identifier les superpositions d'aléas.

En ce qui concerne la réalisation de travaux de réduction de vulnérabilité, il avait été considéré que les moyens financiers des collectivités et entreprises, contrairement aux particuliers, ne nécessitaient pas de dispositif de soutien.

Les activités économiques en zone de mesures foncières peuvent, depuis l'ordonnance du 22 octobre 2015, disposer de mesures alternatives. Ce dispositif permet aux biens qui ne sont pas des logements de bénéficier d'un financement pour des mesures de protection, dès lors qu'elles apportent une amélioration substantielle à la protection des populations exposées et que leur coût est inférieur aux mesures foncières qu'elles permettent d'éviter. Lorsque c'est techniquement faisable et que le bilan économique est favorable, il est donc possible de protéger des personnes sur place plutôt que de délocaliser leurs activités.

À ce jour, ce dispositif a été très peu mis en place, puisqu'une seule mesure alternative a été prescrite. Peu d'entreprises en ont formulé la demande.

Je pense comme vous qu'il est important que la culture du risque soit rythmée par une journée dédiée.

Quant aux exercices, ils sont d'ores et déjà renforcés. La feuille de route est plus générale, destinée à poser un diagnostic partagé, à instaurer un label national, à élaborer la boîte à outils adaptée à chaque public. Nous tenons beaucoup à ce que les collectivités soient parties prenantes de ces boîtes à outils, parce qu'elles sont les premiers recours lorsqu'il se passe quelque chose. Nous y sommes donc très attentifs.

De la même manière, pour ce qui concerne les risques industriels, le fait que des acquéreurs de biens soient informés très en amont des risques pesant sur le bien qu'ils achètent me paraît très important.

Bien évidemment, d'autres mesures sont prévues suite à cette mission.

Pour ce qui est du Cell Broadcast , les dates que vous avez données sont justes. On se base sur des expériences qui ont eu lieu ailleurs et qui fonctionnent bien. L'idée est qu'il puisse y avoir une alerte sur un téléphone par le biais de la géolocalisation à partir du moment où le téléphone se situe dans un endroit où il existe un risque, même si le téléphone est éteint ou en mode avion. C'est déjà utilisé aux États-Unis, au Canada, au Japon, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne, en Finlande, etc. Nous avons mis en place un calendrier avec une expérimentation, mais le déploiement général est prévu à l'été 2022.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Madame la Ministre, je tiens d'abord, à titre personnel, à saluer l'élaboration du plan d'action « Tous résilients face aux risques », que vous avez annoncé le 18 octobre dernier.

Je me substitue à Nicole Bonnefoy pour vous poser un certain nombre de questions qui concernent le principe d'indemnisation et le principe pollueur-payeur. Nicole Bonnefoy, consciente que l'enquête judiciaire n'est pas encore arrivée à son terme, se pose la question de savoir si vous considérez que le principe de pollueur-payeur a trouvé à s'appliquer en l'espèce. Des sanctions administratives ont-elles été prononcées contre Lubrizol par vos services déconcentrés depuis l'accident de 2019 ? Et pouvez-vous nous indiquer le montant des sanctions prononcées ?

Par ailleurs, quel est le montant total des indemnisations distribuées par Lubrizol dans le cadre des deux fonds que l'entreprise a mis en place ? Quel est le nombre d'entreprises, d'agriculteurs et de particuliers qui ont bénéficié de ce fonds ? Avez-vous des informations à ce sujet ? Nous avons du mal à y accéder pour ce qui nous concerne.

Seriez-vous en outre favorable à faire évoluer le régime d'indemnisation des catastrophes technologiques actuellement inscrit à l'article L. 128-1 du code des assurances, dont la partie réglementaire prévoit qu'un événement doit rendre inhabitables plus de 500 logements pour que ledit régime puisse être déclenché ?

J'ai également deux ou trois questions sur la culture de la sécurité industrielle. Avez-vous identifié la structure pérenne sur laquelle l'État compte s'appuyer pour la développer ? Vous avez également souligné l'implication des collectivités locales et territoriales dans le plan d'action. Avez-vous une estimation des coûts que cela pourrait représenter pour nos collectivités territoriales ? Celles-ci sont incitées à diffuser des kits, à organiser des ateliers, etc. mais je me pose la question du soutien de l'État sur un sujet face auquel les élus se sentent souvent démunis.

En ce qui concerne les moyens, la presse régionale s'est fait l'écho d'une inquiétude des syndicats, notamment à la DREAL Normandie, qui évoquent la suppression de 22 postes d'inspecteurs. Cela a été démenti par la préfecture de région, mais vous allez pouvoir nous apporter un éclaircissement à ce sujet. La région Normandie concentre 103 sites classés, dont 54 à seuil haut. Une suppression de 22 postes d'inspecteurs est-elle véritablement prévue à la DREAL Normandie ?

Enfin, des évolutions législatives sont-elles nécessaires pour que les commissions de suivi de site (CSS) soient les plus opérationnelles possible ? Quel serait le calendrier législatif pour permettre à ces CSS d'exercer pleinement les compétences qui leur seraient dévolues ? Le Gouvernement envisage-t-il de déposer un texte avant la fin de la législature et sinon comment faire aboutir ces évolutions qui me semblent positives ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - Concernant le principe pollueur-payeur, pour remettre les choses à leur place, aucune mise en demeure ne pesait sur la société avant l'accident.

Après l'accident, l'administration a prescrit, dans deux arrêtés, l'établissement d'un programme de surveillance environnementale et la prise en charge des frais de toutes les analyses, même celles déjà engagées par l'administration.

Lubrizol a pris en charge toutes les dépenses d'analyses imposées par l'administration, n'a pas contesté le remboursement de toutes les analyses effectuées en direct par l'administration et a également mis en place deux fonds d'indemnisation, l'un pour les agriculteurs, l'autre pour les entreprises et les collectivités.

La loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), postérieure à l'accident, a clarifié les responsabilités de chacun. Les dépenses correspondant à l'exécution des analyses, expertises ou contrôles nécessaires pour l'application du présent titre, y compris les dépenses que l'État a engagées ou fait engager dans le cadre de la gestion ou du suivi des impacts et conséquences d'une situation accidentelle, sont à la charge de l'exploitant.

L'article 280 de la loi « Climat et résilience » a introduit dans le code de l'environnement un délit général d'atteinte au milieu physique - eau, sol, air. Il s'agit de l'article L. 231-1. Le délit d'écocide a été consacré lorsque les mêmes faits sont commis de manière intentionnelle.

En ce qui concerne les indemnisations, plus de 550 dossiers ont été ouverts auprès du fonds d'indemnisation généraliste concernant les activités économiques. En ce qui concerne les exploitations agricoles, un grand nombre a été concerné par le dispositif. Plus de 1 100 dossiers d'indemnisations ont été ouverts. Ils sont en cours de traitement par Lubrizol. Les premiers remboursements ont démarré en novembre 2019.

La rédaction actuelle du code des assurances ne s'oppose pas à un remboursement amiable aux victimes d'un accident, par l'assureur ou le responsable du sinistre, du montant de la franchise prévue dans le contrat d'assurance.

Votre rapport avait recommandé l'action de groupe environnemental, qui permet d'obtenir la réparation des préjudices corporels ou matériels. Elle doit être menée par une association agréée dont l'objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages ou la défense des intérêts économiques de leurs membres, ou par une association agréée de protection de l'environnement.

Une réflexion globale est en cours s'agissant du périmètre de cette action de groupe. La transposition de la directive européenne sur les actions représentatives en cours de négociation pourrait être l'occasion de faire le bilan des différentes actions de groupe et d'apprécier si des évolutions doivent être envisagées à la lumière des retours d'expérience.

Un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti (TFPNB), à hauteur de 80 % de l'impôt 2019, a été accordé aux agriculteurs sur l'ensemble des parcelles des communes concernées par les arrêtés de restriction pris début octobre 2019. C'est un geste fiscal et non une indemnisation. Il s'agit d'un accompagnement dans une situation économique difficile, alors que l'indemnisation consiste en la réparation du préjudice. Il faut vraiment faire toute la nuance, c'est important. Toutes les indemnisations restent à la charge du pollueur.

S'agissant de la structure pérenne destinée à développer la culture du risque, un appel d'offres est en cours. Elle sera désignée à l'issue de cette procédure.

S'agissant des coûts, on ne demande finalement pas grand-chose aux collectivités territoriales. On va les associer et, par le biais de cette structure pérenne, leur fournir des documents qui vont leur servir de supports. Il existe des possibilités pour les collectivités d'organiser des manifestations, mais c'est à chaque collectivité de décider de ce qu'elle veut faire. Ce qu'il faut, c'est qu'elles aient des supports, notamment techniques. Toutes les collectivités n'ont pas forcément des services leur permettant de le faire. C'est un point sur lequel nous allons porter une attention particulière.

Quant à la suppression de 22 postes d'inspecteurs, j'en ai entendu parler. J'ai bien vérifié avec la DREAL Normandie : dans l'ensemble, on est sur une augmentation du nombre de postes mais une notification a permis de pérenniser un poste en unité départementale dans l'équipe risque Rouen-Dieppe, sur des thématiques en lien direct avec le retour d'expérience de Lubrizol.

La DREAL Normandie a en fait supprimé des fiches de postes non publiées inscrites à l'organigramme mais qui étaient en large surnombre par rapport à leur dotation budgétaire. L'origine du surnombre vient du fait que l'organigramme n'avait pas pleinement intégré la fusion des régions et la rationalisation qu'elle a permise. Cette réduction vise à s'assurer que les postes prioritaires des inspecteurs ICPE seront effectivement pourvus et à adapter son organisation à la dotation en postes, en évitant de faire croire aux agents que tous les postes de l'organigramme vont être un jour pourvus.

Concernant les commissions de suivi de site (CSS) et l'évolution de la législation, je ne sais pas trop où on en est. Je pourrai vous apporter une réponse plus précise lorsque j'aurai des éléments.

M. Didier Mandelli . - Madame la ministre, mes collègues l'ont rappelé, deux décrets et cinq arrêtés ont été publiés au Journal officiel en septembre 2020 pour renforcer les obligations applicables aux sites Seveso et la prévention des incendies dans le stockage de liquides inflammables et combustibles, ainsi que dans les entrepôts.

En complément, trois arrêtés ont été pris à la rentrée 2021.

France Chimie a indiqué que le coût de ces mesures représenterait entre 1 et 3 milliards d'euros pour les industriels : votre ministère a-t-il réalisé une étude d'impact sur le plan financier ? Confirmez-vous ce chiffrage approximatif ?

Par ailleurs, le décret n° 2020-1169 du 24 septembre a conduit à étendre le champ du régime de l'enregistrement à plusieurs rubriques du régime ICPE, dont certaines relevaient auparavant de l'autorisation. Nous sommes toujours soucieux de la simplification mais : cette mesure n'est-elle pas contradictoire avec votre volonté - que nous partageons - de renforcer la prévention des risques industriels ? On souhaite d'un côté la simplification et, de l'autre, on allège des procédures qui garantissaient une certaine sécurité. Comment trouver l'équilibre ?

Enfin, on a assisté à une certaine progression du nombre d'accidents sur les sites Seveso depuis quelques années, passant de 15 % des 827 accidents et incidents recensés en 2016 à 25 % sur un total de 1 112 accidents en 2018. L'année 2020 a été plus favorable, avec moins d'accidents mais, globalement, le niveau est supérieur à celui constaté en 2013.

Quel regard portez-vous sur cette hausse de l'accidentologie industrielle ? L'augmentation des accidents est-elle due à une augmentation globale du nombre d'ICPE, à un vieillissement du parc industriel, voire les deux, ou à d'autres facteurs, comme l'absence de contrôle ou de procédure ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - En ce qui concerne les coûts, beaucoup d'incertitudes demeurent. Trois milliards d'euros constituent une fourchette haute.

Le décret du 26 septembre que vous mentionnez concernant le régime d'enregistrement porte sur des entrepôts en zone urbanisée. L'important réside d'abord dans les prescriptions applicables et celles-ci ont été largement durcies. Toutes les entreprises ont intérêt à se lancer dans un certain nombre de prescriptions. C'est la pérennité de leur outil industriel qui est en jeu. Attendons de voir ce que donnent les différentes études qui vont être réalisées pour en savoir un peu plus.

Des simplifications réglementaires ont eu lieu dans un contexte post Lubrizol. On est là dans une démarche de simplification du cadre applicable aux ICPE qui est menée depuis une dizaine d'années par le Gouvernement, qui vise à rendre plus efficaces un certain nombre de procédures.

C'est l'écologiste qui vous parle : ce ne sont pas les procédures les plus complexes et les plus longues qui sont les plus payantes. Il faut donc étudier les choses au cas par cas et essayer d'être le plus pragmatique possible.

La loi « ASAP » que j'évoquais tout à l'heure a poursuivi la simplification en garantissant une plus grande lisibilité et une plus grande transparence pour permettre une large participation du public, ainsi que le même niveau de protection pour les enjeux environnementaux, qu'il s'agisse d'espèces protégées, de paysages ou d'impacts sur les milieux aquatiques.

Il n'a jamais été question de simplifier les règles de sécurité applicables aux installations industrielles. Au contraire, je me suis engagée à tirer tous les enseignements de l'incendie de Lubrizol. Le plan d'action qui a été conçu prévoyait de nombreuses mesures de renforcement des prescriptions applicables en matière de prévention des incendies pour les entrepôts de matières combustibles et les stockages, des mesures visant à mieux anticiper les conséquences des incendies en tenant compte des matières stockées et en identifiant les substances susceptibles d'être émises.

Les principaux textes qui instaurent ces obligations sont applicables au stockage de liquides inflammables soumis à autorisation, aux entrepôts et aux installations Seveso. Les textes applicables aux installations stockant des liquides inflammables soumises à enregistrement et déclaration sont parus le 22 septembre dernier.

Les gains d'efficacité attendus par les mesures de simplification de procédure vont permettre de libérer les ressources des administrations pour consacrer plus de temps aux contrôles sur le terrain, notamment pour vérifier la bonne mise en oeuvre de ces nouvelles régulations. Il est important de mettre les moyens là où ils sont nécessaires.

En ce qui concerne l'évolution du nombre d'accidents, à périmètre comparable, les accidents dans les sites Seveso sont stables. Le nombre d'accidents baisse dans les autres ICPE. La directive « Seveso » fixe des critères de qualification d'un accident majeur en fonction des conséquences qui sont observées. Au regard de ces critères, le nombre d'accidents majeurs recensés en France reste stable. Depuis 2017, on compte trois à six accidents par an.

C'est bien entendu toujours trop. À titre d'exemple, la France connaît jusqu'à deux fois moins d'accidents par site Seveso que l'Allemagne. D'après les dernières statistiques publiées par le Bureau d'analyse des risques et pollutions industrielles (Barpi), une baisse significative des accidents a été constatée en 2020. Je parle là des accidents majeurs et non majeurs.

Au fil des années, l'inspection des ICPE a sensibilisé les exploitants afin de remonter l'ensemble des incidents et accidents, même mineurs. C'est peut-être cela qui entraîne la hausse dont vous parlez. Cette volonté d'enregistrer l'ensemble des événements induit un effet statistique sur les événements recensés dans la base de données. Les événements enregistrés dans la base « Aria » sont en effet constitués de l'ensemble des situations dégradées, des incidents, des accidents et des accidents majeurs.

Il n'en reste pas moins que nous observons une augmentation de l'accidentologie dans certains secteurs, notamment celui des déchets et de la pétrochimie. Grâce à ce retour d'expérience, des actions de contrôle ciblées sont menées par l'administration pour renforcer les contrôles de sécurité d'exploitation dans ces secteurs. La réglementation peut aussi être ajustée en conséquence, ce qui a été le cas en 2021. J'ai eu l'occasion d'en parler à un certain nombre d'entre vous récemment à propos des méthaniseurs.

Mme Angèle Préville . - Madame la ministre, je souhaiterais revenir sur le fait qu'il n'ait été mis en place aucun registre de suivi des maladies émergentes - cancers, malformations ou autres -, même si les informations ont pour l'instant été rassurantes en matière de santé. Si on ne le fait pas, on ne verra rien émerger et, si cela se produit, il sera ensuite très difficile à nos concitoyens de faire reconnaître ces maladies. Une gestion responsable devrait conduire à mettre cela en place automatiquement.

En outre, le BEA-RI s'occupera-t-il de la prévention ? S'assurera-t-il que les quantités sont répertoriées dans tous les sites de stockage de produits chimiques ? J'avais déposé un amendement dans le cadre de la loi « Climat et résilience » pour mettre en place une autorité de sûreté chimique qui assurerait un suivi très précis des quantités de produits chimiques stockées voire, en cas d'incendie, des produits de combustion, ce qui a manqué lors de l'accident de Lubrizol.

Enfin, une association de citoyens a mis en place un institut écocitoyen d'expertise indépendante. Qu'en pensez-vous ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - En ce qui concerne l'évaluation des impacts sanitaires, cela relève aussi du ministre de la santé.

Rapidement, après l'incendie, Santé publique France a été saisie par la direction générale de la santé (DGS) pour proposer une stratégie d'évaluation de l'impact sanitaire de l'événement. L'agence a alors proposé et mis en oeuvre plusieurs études, dont une étude de santé déclarée en population. Cette étude, appelée « Une étude à l'écoute de votre santé », a permis de recueillir des informations sur le ressenti de la population quant à l'impact physique et psychologique de l'incendie.

Les résultats de cette étude ont été publiés le 5 juillet dernier. Ils montrent qu'au cours de l'incendie, 60 % des habitants de la zone étudiée ont ressenti au moins un symptôme ou un problème de santé qu'ils attribuent à l'accident - symptômes psychologiques, ORL, oculaires, respiratoires, ou encore troubles du sommeil.

Un an après, on observe que la population perçoit une altération globale de la santé essentiellement en matière psychologique. En revanche, les effets physiques ne sont quant à eux plus significatifs un an après.

Une deuxième étude a été mise en place portant sur un suivi pendant plusieurs années d'indicateurs de santé à partir du système national des données de santé (SNDS). Cette surveillance renforcée a été organisée afin de détecter des événements de santé dont la survenue à distance de l'accident pourrait être reliée aux conséquences de l'incendie. Cela permet de suivre, dans le temps, l'état de santé des personnes qui résidaient dans la zone impactée au moment de l'accident, même si elles déménagent.

Cette surveillance permet également de repérer tout signal d'évolution de tendance par rapport à la population générale et ainsi de déclencher, le cas échéant, des investigations ciblées. Les premiers résultats qui concerneront les effets à court et moyen termes de l'accident sont prévus à partir du premier trimestre 2022. Il s'agit plus d'un calendrier resserré, notamment rendu possible par la mise à contribution des données du SNDS, que de la mise en place d'un registre spécifique. Nous avons préféré utiliser cette voie au vu des éléments d'analyse qui ont été présentés.

Enfin, nous avons défini une cohorte de populations composée de l'ensemble des personnes intervenues au cours de l'incendie pour les soumettre à un programme de biosurveillance. Je pense notamment aux pompiers. La surveillance de l'état de santé de ces personnes est assurée par les services de santé au travail, qui ont notamment organisé la réalisation de bilans biologiques.

En plus de cette surveillance sanitaire, Santé publique France a proposé un suivi complémentaire de l'état de santé des intervenants. Un groupe d'alerte de santé au travail a été mis en place. Au regard des résultats réalisés par la médecine du travail, il a été proposé d'inscrire les conditions d'exposition à l'incendie dans les dossiers médicaux de ces personnes et de mettre en place une surveillance épidémiologique à partir du SNDS. Ce suivi, sur plusieurs années, des populations exposées s'apparente à une cohorte.

S'agissant de la biosurveillance, Santé publique France a analysé la pertinence et la faisabilité de mettre en place une étude de biosurveillance pour la population générale et a conclu à la non-pertinence de conduire une telle étude, l'analyse des données environnementales, en l'état actuel des connaissances, n'ayant pas permis de conclure à l'observation d'une contamination par l'incendie différenciable d'une pollution industrielle historique. Aucun élément objectif n'apparaît en faveur d'une surexposition des populations riveraines aux substances qui ont été identifiées.

Néanmoins, afin de prendre en compte le retour d'expérience de Lubrizol, les rapports d'enquête recommandent d'anticiper cette question en cas de survenue d'un nouvel accident. La DGS et la direction générale du travail (DGT) ont saisi Santé publique France pour que l'agence propose les modalités d'évaluation des expositions des intervenants et de la population générale à court, moyen et long termes suite à un accident technologique incluant l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de réaliser des mesures biologiques dans la phase d'urgence à plus long terme.

Quant au BEA-RI, il est destiné à intervenir par la suite. Il émet évidemment des recommandations suite aux conclusions des enquêtes.

Dans le cas du nucléaire, on a besoin d'une autorité de sûreté indépendante parce qu'il existe une position particulière de l'État dans la gouvernance des principaux exploitants. EDF, Orano, le CEA sont des organismes où l'État a une place prépondérante. C'est pourquoi nous avions besoin d'une autorité indépendante garantissant que les questions de sûreté seraient examinées sans subir le poids de l'État. Tout le monde est plutôt satisfait de la manière dont fonctionne l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui fait un très bon travail, que je salue.

Ici, on n'est pas du tout dans le même cas, les sites Seveso étant principalement des entreprises privées. Séparer le contrôle des sites Seveso du contrôle des sites non Seveso ne va pas de soi. Ce serait une séparation artificielle, d'autant qu'il existe des sites non Seveso qui présentent aujourd'hui des risques importants et qui font l'objet d'un suivi par les mêmes équipes. La séparation de l'inspection des ICPE en deux blocs ne permettrait plus de conserver les pôles d'expertise régionaux qui offrent un haut niveau de compétences. Je ne vois pas ce que cela pourrait apporter de plus par rapport à ce qui existe aujourd'hui.

Je pense qu'il faut conserver la fluidité qui existe, notamment grâce à la présence de l'inspection des ICPE au sein des DREAL et des services en charge de la biodiversité, qui contribuent à l'autorisation environnementale unique. On complexifierait les choses sans les améliorer. Voilà pourquoi nous ne sommes pas allés dans ce sens.

Quant aux produits de combustion, la réglementation a été mise en place à la suite des événements de Lubrizol, ainsi que je l'ai déjà détaillé.

Enfin, concernant l'institut écocitoyen indépendant que vous évoquez, dès lors qu'il existe une grande transparence sur les sites, je ne vois aucun inconvénient à ce que des organisations citoyennes puissent examiner les informations mises à leur disposition, au contraire. C'est un fonctionnement démocratique normal.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Madame la ministre, on ne peut que se féliciter de ce que vous venez de dire. J'approuve également l'idée d'une journée de la résilience, bien que le terme mérite d'être précisé. C'est une excellente initiative.

J'aimerais par ailleurs savoir par quel canal remontent les informations sur les exercices. Qui est chargé d'en faire la synthèse ? Certes, nous vivons une crise sanitaire mais peut-on savoir combien d'exercices ont eu lieu en 2020 sur notre territoire ? Combien ont associé des populations ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

Après les élections municipales, a-t-on sensibilisé les nouvelles équipes aux risques qui exposent leurs territoires ? Avez-vous des éléments à nous communiquer à ce sujet ?

Enfin, la commune de Solaize, dans le couloir de la chimie, comporte des sites Seveso et une gare de triage qui relève d'une réglementation internationale. La réglementation Seveso offre un certain nombre d'aides aux habitants, ce qui n'est pas le cas pour ce qui concerne la réglementation de la gare de triage. Pour nos concitoyens, c'est incompréhensible. Dans de tels cas exceptionnels, peut-il y avoir une réflexion pour être crédible sur le terrain vis-à-vis des populations que l'on représente ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - Je vous confirme que les conclusions de la commission d'enquête ont été précieuses. En tant qu'ancienne députée, j'ai toujours à coeur de veiller à ce que les travaux des parlementaires, notamment dans le cadre des commissions d'enquête, donnent lieu à des suites, parce qu'il s'agit d'un travail de qualité. Quand les propositions sont bonnes, autant les utiliser ! Vous pouvez être certains que j'étudierai toujours avec grand intérêt les travaux du Parlement. C'est une question d'intérêt général.

Je ne connais pas le nombre d'exercices réalisés en 2020 mais je peux vous en communiquer le chiffre. C'est le préfet qui organise les exercices et en tire les retours d'expérience. C'est un sujet géré au niveau local, et c'est d'ailleurs très bien ainsi.

S'agissant de la commune de Solaize, les gares de triage ne sont pas dans le champ de la directive Seveso. La loi sur les PPRT n'est par ailleurs pas étendue à ces installations, mais nous allons préparer un document suite à la mission de Frédéric Courant, notamment pour donner un peu plus d'informations aux collectivités sur les risques auxquels elles sont exposées, les moyens d'y faire face et sur le fait d'y associer la population.

Il n'y a pas grand-chose à changer en termes de réglementation mais ce sont des documents très longs, très techniques, complexes à lire. Frédéric Courant souhaite remettre aux collectivités une version grand public pour qu'elles puissent s'en saisir. Quand on a une responsabilité d'élus ou quand on est citoyen, on n'a pas besoin de connaître le détail du fonctionnement de telle ou telle réglementation mais de savoir ce qu'on doit faire quand il arrive quelque chose. S'il se passe quelque chose dans la gare de triage, la réaction doit être la même que s'il arrive un problème sur un site Seveso. Il faut qu'on puisse rassurer les élus. C'est la façon la plus simple de faire vivre la culture du risque dans notre pays et de donner à nos élus des outils pour y arriver.

Les exercices sont très importants et c'est une bonne chose que le préfet en organise régulièrement mais, face à l'urgence, je pense que des indications simples sont la meilleure procédure à suivre.

Mme Marta de Cidrac . - Madame la Ministre, le rapport de la commission d'enquête préconise notamment de diversifier la composition des structures de concertation sur les risques au niveau local. Des instructions ont-elles été données pour que les élus autour des sites Seveso y soient pleinement associés ?

Par ailleurs, la commune de Saint-Germain-en-Laye abrite le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap), site Seveso que vous connaissez. Les élus de tels sites ne sont pas associés au conseil d'administration ni au conseil de surveillance, pas plus qu'à aucune autre instance. Je plaide pour que cela évolue. Comptez-vous aller en ce sens ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - Tous les éléments qu'on peut mettre à la disposition des collectivités permettent de mieux les outiller pour faire face au risque. Je l'ai dit à la suite de la mission de Frédéric Courant.

Quant à la présence des élus dans les conseils d'administration d'entreprises Seveso, il faudrait voir comment faire évoluer la réglementation, mais il s'agit d'entreprises privées. Cela me paraît juridiquement compliqué : on porte là atteinte à un certain nombre de droits et principes.

Mme Marta de Cidrac . - Aujourd'hui, les élus de Paris et de la Seine-Saint-Denis sont associés à la gouvernance du Siaap, contrairement aux élus des Yvelines ou du Val-d'Oise.

Pascal Martin connaît très bien le dossier. Ceci mériterait d'évoluer. C'est une demande récurrente des élus des Yvelines et du Val-d'Oise, qui est limitrophe. Je voulais vous soumettre cette question, en espérant que les Yvelinois seront un jour entendus.

Mme Barbara Pompili, ministre . - Il s'agit ici d'un syndicat et non d'une entreprise privée, dont la structure est prévue par des textes. Je vous confesse mes limites sur le sujet mais cela ne me paraît pas si évident.

Mme Marta de Cidrac . - Il y a là une certaine iniquité vis-à-vis des territoires et de leurs élus.

M. Philippe Tabarot . - Madame la ministre, le rôle du maire est consacré par la loi dans le cadre des plans communaux de sauvegarde (PCS) mais la réalité diffère un peu. Les maires et les communes sont en réalité quelquefois dessaisis de leur rôle opérationnel lors de catastrophes de toutes sortes. Ils agissent souvent à vue, avec courage et lucidité.

Notre commission se rendra dans quelques semaines dans les Alpes-Maritimes, qui sont régulièrement touchées par des catastrophes naturelles. Triste hasard du calendrier, un an après la tempête Alex, face à une alerte orange et rouge signifiée début octobre, les PCS se sont activés. Le préfet a pris, comme l'année dernière, une sage décision en fermant toutes les écoles du département pour éviter les flux de circulation à l'heure de la sortie des écoles.

Un problème de forme est toutefois apparu : c'est par une alerte du quotidien régional que les parents connectés ont appris cette nouvelle, en même temps que les communes. Même les inspecteurs d'académie du secteur n'étaient pas au courant. Les communes, comme à leur habitude, n'ont pas ménagé leurs efforts mais les standards des écoles et des mairies ont été pris d'assaut par cette nouvelle au même moment. Peut-être faut-il trouver une meilleure procédure, avec des mesures à mettre en place entre le préfet et les maires pour gérer, en amont, une possible catastrophe.

Enfin, s'agissant de Lubrizol, vous avez lancé tous azimuts un nombre de prélèvements air-terre-eau conséquent. Pourtant, malgré ces multiplications et des communications récurrentes de la préfecture, les associations que nous avons reçues ne semblent pas convaincues de la transparence des données. Comment expliquez-vous cette défiance persistante ? La transparence est-elle vraiment totale ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - Le département des Alpes-Maritimes a, il est vrai, largement expérimenté la question des risques naturels...

La commission d'enquête a émis des recommandations relatives au plan particulier d'intervention (PPI) et aux PCS. Ce sont de bonnes recommandations. Vous parliez de coordination entre les différents niveaux. L'idée d'élaborer des PCS au niveau intercommunal me paraît une première réponse à votre question : cela permet de renforcer l'articulation entre le PPI et le PCS. Cela permettrait aussi une meilleure coordination entre les actions de l'État et les collectivités territoriales en matière opérationnelle et de renforcer l'appropriation des risques industriels, technologiques et naturels par les élus.

Dans la même optique, une bonne pratique consiste à associer systématiquement les élus aux exercices menés en application des PPI et à les tenir informés des retours d'expérience de ces entraînements. Cette bonne pratique doit être développée partout et poursuivie : quand c'est mis en place, cela permet une meilleure réactivité.

Les préfets ont pour objectif de renforcer l'aide technique apportée aux communes par les services de l'État pour accompagner l'élaboration des PCS et des documents d'information communale sur les risques majeurs (DICRIM), y compris pour les collectivités qui s'engagent dans cette démarche de façon volontaire.

Quant à la transparence, on a démontré qu'on la souhaite la plus importante possible. Ce n'est pas qu'une philosophie : plus de transparence entraîne plus de confiance, permet de rassurer les populations sur certains points et de dégonfler des bulles d'inquiétude.

On a réalisé une analyse de l'état des milieux, avec un protocole spécifique de mesure des contaminants dans les sols et les végétaux. Plus d'un millier de prélèvements ont été effectués. Au total, depuis l'accident, l'État a imposé plus de 6 500 prélèvements. 368 000 données ont été analysées et intégralement rendues publiques. C'est la première fois qu'un protocole aussi ambitieux est mis en oeuvre.

Les résultats relatifs à 112 communes de Seine-Maritime et 104 communes des Hauts-de-France ont été rendus publics dès 2020.

Les résultats pour la Seine maritime sont plutôt rassurants. Aucune anomalie particulière, mis à part quelques traces de plomb et de benzopyrène, polluants que l'on retrouvait déjà dans certains sols de la région, en lien avec des pollutions historiques, dont la présence, a priori , ne peut pas être imputée à l'incendie.

Une étude de suivi de la qualité de l'air par bio-indicateurs a été réalisée et rendue publique durant l'été 2021. Il s'agissait de prélèvements de lichens dans le cadre de deux campagnes menées fin 2019 et fin 2020. Le marquage des lichens en hydrocarbures est cohérent avec le passage du nuage. Un retour au niveau antérieur a été enregistré dans les délais attendus. Cette campagne a permis de conforter la signature chimique de l'incendie et la pertinence des autres suivis environnementaux.

D'un point de vue sanitaire, en complément de ce que j'ai déjà dit, une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) a été réalisée par les exploitants à la demande de l'administration. Elle a permis, sur la base de différents scénarios d'exposition, de modélisation et de données de campagnes d'analyses, d'évaluer les risques potentiels pour la population liés à l'exposition de court, moyen et long termes. Elle n'a mis en évidence de dépassement de la valeur cible qu'au plus proche de l'incendie.

Il s'agit d'un scénario d'inhalation de ce qui est passé dans l'air à ce moment-là. Ce sont des effets réversibles, de type irritation ponctuelle pour les personnes les plus fragiles, sachant que les accès à ces zones ont été limités très rapidement le jour de l'incendie.

Une expertise de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) est en cours. Son rapport sera présenté par le préfet.

Nous avons mis tous les éléments sur la table et avons publié les résultats.

Cet incendie a fait des victimes qui n'ont pas forcément subi de troubles physiques mais qui peuvent supporter des effets psychologiques très importants. C'est peut-être aussi pour cela que certaines personnes qui vivent dans ces territoires disent avoir besoin de plus d'éléments, pour trouver une réponse au mal-être et aux symptômes qu'ils ressentent. Nous ne pouvons leur fournir que les éléments dont nous disposons, que nous avons déjà mis sur la table.

M. Gilbert Favreau . - Madame la Ministre, tout le monde ici a perçu le désarroi des associations de victimes que la commission a reçues. Il y a chez elles un sentiment d'injustice et de non-aboutissement d'une procédure qui est longue.

Lubrizol est-il toujours dans une logique de défausse et essaie-t-il de faire porter le chapeau par un autre, comme cela a été évoqué ? Si c'est le cas, il faut que Lubrizol prouve le fait de ce tiers. Apparemment, ce n'est pas le cas. Lubrizol apparaît donc comme responsable. Il peut y avoir un problème avec l'assureur de Lubrizol, mais cela paraît acquis : Lubrizol reste le responsable majeur du sinistre.

Pour ce qui est des dommages, certains sont décelables mais il y a tous les autres. Les victimes doivent savoir que si la preuve n'est pas apportée que les dommages sont imputables à cet incendie, elles auront beaucoup de mal à être indemnisées. C'est un petit peu le problème de ce dossier. Le rôle de l'État est de le leur expliquer, pour que personne ne puisse s'imaginer que l'État ne s'occupe pas d'eux comme il le devrait.

Mme Barbara Pompili, ministre . - On a pu mettre très vite en place des mesures d'indemnisation de type pollueur-payeur. Cela a été fait très vite et Lubrizol a d'ailleurs payé sans barguigner.

Pour le reste, je me mets à la place des victimes et je comprends très bien ce besoin de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé et de savoir qui est responsable de quoi. C'est très important pour en tirer des conséquences. C'est le rôle de la justice. On est là en plein dans le champ de l'enquête judiciaire sur la cause précise de l'incendie.

Il est très difficile de savoir qui est responsable entre Lubrizol et Normandie Logistique. Lubrizol semble essayer de se défausser sur Normandie Logistique. De toute façon, en tant qu'exploitant ICPE, il est responsable aux yeux de la loi.

Je ne peux en dire beaucoup plus à ce stade, l'enquête étant en cours. Nous suivrons comme vous ce qui en est déduit.

M. Didier Mandelli . - Je suis élu d'un département qui a connu une catastrophe naturelle, Xynthia, qui a causé 35 morts pour le seul département de la Vendée, il y a 11 ans. Le traumatisme est toujours très présent.

J'étais secrétaire général de l'association des maires à l'époque. Nous avons eu un afflux considérable de dons de communes de toute la France pour aider les sinistrés mais aussi les communes dont les biens ou les ouvrages, pour certains, n'étaient ni assurés ni assurables. Je pense à la voirie, au mobilier urbain, etc.

On a collecté tellement de fonds qu'on a pris la décision de recruter une chargée de mission, en lien avec les services de l'État, le département et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS), pendant trois ans. Elle a réalisé 100 % des PCS. À peine 8 à 10 % avaient été faits.

Des communes, qui n'étaient pas littorales pour la plupart, ont pris conscience de la situation suite à la catastrophe. Philippe Tabarot a raison : il faut une prise de conscience et un pilote qui permette d'accompagner tous ces sujets sur le plan administratif.

Mme Barbara Pompili, ministre . - C'est une expérience intéressante qui démontre qu'il faut malheureusement souvent un fait générateur pour se mobiliser. Il faut essayer de prendre un peu de hauteur et réagir avant.

Ce que vous dites est important : on n'y arrive pas seul. C'est pourquoi j'évoquais les PCS intercommunaux, qui figuraient dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale. Il est beaucoup plus simple d'y arriver en commun et en faire bénéficier le plus grand nombre, y compris ceux qui n'ont pas forcément la connaissance du sujet ou qui ne sont pas sur le littoral.

Le préfet est également là pour aider les élus qui en ont le plus besoin à passer ce cap. Merci pour ce retour d'expérience, qui est révélateur du fait que, lorsqu'on s'unit, on y arrive mieux.

Mme Évelyne Perrot . - Madame la ministre, une population traumatisée par une catastrophe le demeure longtemps.

Dans mon secteur, celui du Grand Est, Tchernobyl est toujours présent dans les esprits et le manque de confiance vis-à-vis de l'État est toujours là. Beaucoup de personnes ont encore des problèmes de thyroïde. Il est difficile ensuite de retrouver une démarche citoyenne vis-à-vis des catastrophes.

Mme Barbara Pompili, ministre . - Je partage votre avis, madame la sénatrice. Nous avons un héritage et nous devons faire avec.

Le mieux est de toujours croire en l'intelligence collective, de donner des outils, et d'associer le plus de monde possible, de mettre en place des commissions locales d'information, de donner accès aux informations, de favoriser - pourquoi pas ? - le développement de comités d'expertise citoyens avec qui on partage des informations, afin de restaurer cette confiance. Ce n'est pas simple.

M. Jean-François Longeot , président . - Madame la ministre, vos réponses nous apportent un meilleur éclairage sur la gestion de cette onde de choc. Vous l'avez dit, même si on prend toutes les précautions en amont, le risque zéro n'existe pas. Nous pouvons nous réjouir que 37 des 40 recommandations de la commission d'enquête du Sénat aient été entendues et aient donné lieu à des mesures de la part du Gouvernement, comme vous l'avez rappelé.

Nous resterons bien entendu vigilants, car nous devrons vérifier que l'on passe bien de la parole aux actes et que la responsabilité pollueur-payeur est bien reconnue.

Examen du rapport d'information en commission

Réunie le mercredi 26 janvier 2022, la commission a examiné le rapport d'information de M. Pascal Martin relatif à l'évaluation de la mise en oeuvre des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.

M. Jean-François Longeot . - Mes chers collègues, nous en venons au dernier point inscrit à l'ordre du jour de notre réunion de commission, qui concerne le suivi des préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen, en septembre 2019.

Sous la présidence d'Hervé Maurey, les rapporteures Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy ont rédigé un important rapport qui a permis de tirer les principaux enseignements de cet accident industriel.

Cet accident a été « hors norme » à plusieurs égards et constitue le premier événement de cette nature et de cette ampleur en France à l'ère des réseaux sociaux.

Depuis la rentrée, nous avons réalisé plusieurs auditions, qui nous ont permis d'entendre les associations de victimes de l'accident, des acteurs territoriaux impliqués dans la prévention des risques industriels et la surveillance de la qualité de l'air, ainsi que la ministre de la transition écologique.

Cette matière a été retravaillée par notre rapporteur Pascal Martin et va permettre à notre commission d'exercer un « droit de suite » approfondi au rapport de la commission d'enquête du Sénat constituée après l'accident de Rouen.

J'ajoute, en complément, que nous travaillons en ce moment sur la gestion des risques liés aux ammonitrates et que ce travail devrait permettre de compléter utilement le rapport que nous examinons aujourd'hui.

Notre rapporteur nous présentera dans un instant ses principales observations et conclusions.

Sans trop dévoiler le contenu de son intervention, je peux d'emblée vous indiquer qu'environ 80 % des 42 recommandations de la commission d'enquête ont trouvé une suite et donné lieu à des mesures.

En outre, un nombre important de recommandations est complètement soldé, c'est-à-dire que les suites qui leur ont été données se sont déjà traduites concrètement par des évolutions législatives, réglementaires ou des actions de terrain.

Je crois qu'il est important de montrer que c'est la qualité du travail du Sénat qui a été reconnue, et que le Gouvernement s'est inspiré des propositions de la commission d'enquête pour agir pour le futur.

Si tout n'est pas parfait, nous pouvons donc au moins nous réjouir d'avoir été entendus et que des mesures concrètes aient été prises ! C'était le minimum pour répondre aux attentes de la population.

Sans plus attendre, je cède la parole à notre rapporteur Pascal Martin, puis je passerai la parole à Hervé Maurey et à Nicole Bonnefoy.

M. Pascal Martin . - Monsieur le Président, mes chers collègues, u n peu plus de deux ans après l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen, nous concluons notre cycle d'auditions et de travail sur les suites données aux recommandations du Sénat formulées à cette occasion.

Je vous remercie de la confiance que vous m'avez accordée en me chargeant de cette tâche délicate.

Notre assemblée s'était mobilisée dès le 10 octobre 2019, soit 15 jours après l'incendie, avec les moyens puissants d'une commission d'enquête, dont la création a été décidée à l'unanimité. Cette commission d'enquête était présidée par Hervé Maurey et les rapporteures étaient nos collègues Nicole Bonnefoy et Christine Bonfanti-Dossat. J'en étais moi-même membre.

La commission d'enquête a rendu son rapport en juin 2020 et fourni un travail très important pour tirer les enseignements de cet accident industriel et proposer des solutions afin d'éviter qu'un tel événement ne se reproduise.

Au total, 42 propositions avaient été formulées, traitant des 6 enjeux principaux mis en lumière par l'incendie : le nécessaire développement de la culture de la sécurité ; le renforcement de la prévention des risques industriels et des contrôles ; l'amélioration de la gestion de crise, de l'alerte et de l'information du public en cas d'accident industriel ; l'amélioration des relations entre l'État et les collectivités territoriales dans ce domaine ; l'indemnisation des préjudices et, enfin, le suivi sanitaire et environnemental.

Ce rapport a donc été à la fois ma boussole et un tamis au travers duquel il convenait de passer, en toute objectivité et de façon pragmatique, les différentes mesures prises par le Gouvernement depuis deux ans.

Aussi, comme l'a indiqué le président Longeot, je peux vous indiquer que près de 80 % de ces 42 recommandations ont trouvé une suite, et que la majorité d'entre elles sont aujourd'hui soldées, ce qui prouve, s'il en était besoin, la pertinence des conclusions de notre commission d'enquête.

En outre, les travaux de retours d'expérience, nombreux, avec 5 à 6 rapports, menés ou non à la demande du Gouvernement convergent tous dans le sens du Sénat.

Bien sûr, tout n'est pas parfait, et les nouvelles prescriptions applicables aux exploitants des secteurs et des sites concernés devront naturellement être contrôlées très régulièrement, mais je retiens surtout deux éléments :

- d'abord, des évolutions législatives et réglementaires significatives sont intervenues pour répondre aux failles béantes révélées par l'accident dans la sécurité et la prévention incendie applicables aux exploitants de site Seveso et de leurs sites voisins ;

- ensuite, notre principale marge de progrès réside dans la définition d'une organisation robuste pour assurer un suivi et une analyse des pollutions environnementales et des conséquences sanitaires d'un accident industriel.

Sur ces deux derniers sujets, notre compétence doit s'exercer en cohérence avec celle de la commission des affaires sociales et je ne vous proposerai donc pas de recommandations très développées s'agissant du suivi sanitaire.

Néanmoins, il convient de relever que les mesures prises par le ministère de la santé à ce jour - à savoir la mise en place d'une surveillance via une exploitation du système national des données de santé (SNDS) - divergent des préconisations de notre commission d'enquête, qui appelait à la création de registres médicaux dédiés au suivi dans le temps de certaines maladies.

Des retours d'expérience plus approfondis sont en cours et l'opportunité d'appliquer un programme de biosurveillance à la population générale en plus des intervenants lors de l'accident - notamment sapeurs-pompiers et policiers - continue d'être étudiée par les autorités sanitaires. Le ministère de la santé a consulté le Haut Conseil de la santé publique sur ces sujets.

Deux points communs doivent être relevés entre le sujet des pollutions environnementales (air, eau, sol) et celui du suivi sanitaire : ils concernent, d'une part, les défauts de coordination entre les acteurs lors de l'accident et, d'autre part, la faiblesse et l'inadaptation de nos capacités d'analyse.

En dépit des quelque 360 000 données recueillies après l'incendie à travers 6 500 prélèvements par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), Santé publique France, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), les sapeurs-pompiers et les bureaux d'études spécialisés, nous avons été dans l'incapacité de les analyser efficacement, rapidement et avec une parfaite précision faute d'outils et d'un langage, notamment informatique, qui soient communs aux opérateurs et services mobilisés.

L'Ineris a donc été chargé de travailler sur ce sujet, le cas échéant en lien avec Santé publique France, dans le cadre de son nouveau contrat d'objectifs et de performance pour la période 2021-2025.

Des travaux de consolidation informatique seront par ailleurs développés et 200 000 données issues de prélèvements environnementaux ont d'ores et déjà été partagées et retraitées par Santé publique France (SPF).

Il est clair, toutefois, que le manque d'outils de prélèvements et d'analyse en phase de gestion de crise a compliqué le suivi environnemental et sanitaire des conséquences de l'accident et qu'il s'agit évidemment d'un point majeur d'évolution pour la suite.

S'agissant des évolutions normatives que j'évoquais précédemment pour le renforcement de la sécurité industrielle, je citerai les principales : je pense aux dispositions de la proposition dite « Matras », devenue loi du 25 novembre 2021, qui ont permis d'achever la mise au point juridique du « cell broadcast », dispositif de notification cellulaire, associé à la diffusion de SMS géolocalisés en cas de crise, industrielle, naturelle ou autre. Un exercice européen de sécurité civile aura lieu prochainement dans le Sud de la France, où le cell broadcast seul sera testé. Puis, un exercice sera organisé enfin pour la métropole de Rouen à l'été 2022, cette fois-ci en combinant le cell broadcast et l'envoi de SMS géolocalisés.

L'incendie de Lubrizol était aussi le premier accident industriel majeur de l'ère des réseaux sociaux. Un outil numérique moderne semble donc tout à fait adapté aux évolutions sociétales.

Vous ne serez pas surpris d'entendre à nouveau que le Sénat appelle de ses voeux le déploiement de ce système depuis au moins 10 ans et le dramatique retour d'expérience de la tempête Xynthia...

Là encore, avec Lubrizol, nous sommes face à une triste réalité, qui veut que les principales évolutions positives intervenues dans notre législation aient été prises après des accidents majeurs, qu'ils soient naturels et d'origine climatique ou industrielle. Je citerai également les avancées dans la réglementation des établissements recevant du public, qui ne sont intervenues qu'après le dramatique accident de la discothèque « 5-7 » du 1 er novembre 1970 responsable de 146 morts.

Au rang des évolutions législatives, je pense aussi à des mesures techniques relatives aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT), votées lors de l'examen du budget pour 2021 et lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, au cours de laquelle nous avons également examiné la création du cadre des enquêtes techniques du nouveau bureau d'enquête accident-risques industriels (BEA-RI).

S'agissant des évolutions réglementaires, elles sont nombreuses également et je souhaiterais développer un instant le coeur technique des mesures, qui représentent au total une charge de près de 2 milliards d'euros répartis sur 6 ans pour l'ensemble des industriels français, en particulier des secteurs de la chimie, de la pétrochimie et de l'entreposage de produits inflammables et combustibles. Elles entreront en vigueur progressivement d'ici au 1 er janvier 2026 et s'appliqueront aux établissements existants et en projet.

L'histoire du droit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) retiendra sans doute que l'incendie de Rouen a eu pour conséquence un renforcement important des prescriptions applicables aux exploitants en matière d'information et de transparence, mais aussi et surtout pour ce qui concerne la prévention des incendies et des stockages de liquides combustibles.

L'incendie s'est déclaré dans un stockage de liquides combustibles de faible inflammabilité. C'est là une des clefs de compréhension de l'accident qui a démontré que la réglementation sous-estimait la dangerosité de certains gros volumes de substances ou liquides qui, d'une part, ne se consument pas avant d'atteindre, en moyenne, un « point d'éclair » compris entre 60 °C et au-delà de 93 °C et, d'autre part, ne sont pas miscibles à l'eau - tel est le cas des hydrocarbures - rendant indispensable l'utilisation d'émulseurs.

C'est pourquoi les décrets et arrêtés de septembre 2020 prévoient des mesures pour garantir des récipients plus résistants et un éloignement suffisant afin d'éviter les « effets domino » entre sites de stockage et entrepôts de matières combustibles ou inflammables, et renforcer les capacités d'extinction des incendies chez les exploitants, en leur imposant un accroissement de leurs réserves en émulseurs.

J'évoquais précédemment le coût de ces mesures pour les industriels, mais la sécurité est à ce prix et elle permet d'éviter tant de dommages et de coûts indirects de toute nature, notamment environnementale, qu'il y a, au-delà de l'impératif de protection des populations, un intérêt objectif et rationnel au renforcement de la sécurité industrielle.

Ces évolutions ont été déclinées dans les directives adressées par la ministre à ses services et doivent désormais être mises en oeuvre sur le terrain.

Je terminerai cette présentation des suites données au rapport de la commission d'enquête en évoquant la culture de la sécurité et les exigences d'une démocratie environnementale performante. D'abord, des mesures relatives à la sensibilisation et à la formation aux risques ont été insérées dans deux textes récents relatifs à l'éducation et à la citoyenneté. Ensuite, le plan présenté par la ministre de la transition écologique est intéressant, car il couvre l'ensemble des sujets, mais il nécessitera un volontarisme fort et reste à ce jour trop peu suivi d'effets concrets.

J'en viens aux recommandations que je propose à la commission d'adopter et qui pourraient, si la commission les accepte, faire l'objet d'une proposition de loi et alimenter l'examen des prochains budgets ainsi que nos actions de contrôle.

Ces huit recommandations se déclinent en 4 axes.

Premier axe : améliorer la prévention des accidents et augmenter les contrôles. Je vous propose notamment de demander au Gouvernement d'atteindre l'objectif de 30 000 contrôles annuels par les inspecteurs des ICPE pour renouer avec la période post-AZF, et de prévoir une trajectoire d'augmentation de 200 postes d'inspecteurs d'ici 2027. Je vous propose également d'apporter des modifications resserrées à la législation applicable aux plateformes industrielles, pour renforcer la mutualisation et la coordination entre les exploitants, et de tester la mesure recommandée par la commission d'enquête de limiter à trois le nombre de niveaux de sous-traitance, dite « en cascade », pour les sites Seveso seuil haut.

Il convient également de mieux associer les élus à la prévention et à la gestion des risques, en améliorant leur information et en garantissant leur association aux exercices de sécurité civile. C'est, en effet, d'abord vers les maires que se tournent les riverains en cas d'accident. Je vous propose enfin d'envisager un système d'agrément, comparable à celui prévu pour la surveillance de la qualité de l'air avec les ASQAA, pour soutenir le développement de la culture de la sécurité dans notre pays.

Deuxième axe : renforcer l'information et assurer la participation du public. Je suggère de faire évoluer le cadre applicable aux commissions de suivi de site (CSS), mises en place par le préfet en présence d'une installation industrielle sensible pour associer le public. Plusieurs changements pragmatiques peuvent être apportés à leur composition et à leur fonctionnement au bénéfice du public et des collectivités.

Nous pourrions aussi insuffler davantage de dynamisme à la comitologie territoriale de la prévention des risques, comme aux secrétariats permanents pour la prévention des pollutions et des risques industriels (S3PI).

Troisième axe : améliorer l'évaluation environnementale, le traitement et la réparation des dommages. Sur ce volet, je vous propose principalement d'assouplir les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe technologique. Par ailleurs, nous pourrions travailler sur le développement des recours collectifs en matière environnementale et d'accidents industriels. La ministre a indiqué que des travaux étaient en cours sur ce sujet.

Je vous soumets également des recommandations visant, d'abord, à renforcer la portée du principe de non-régression environnementale, ensuite, à répondre à une récente décision du Conseil d'État qui a souligné les failles de notre législation et de notre réglementation en matière d'évaluation environnementale de « petits » projets, et enfin, à nous permettre d'évaluer au mieux la réalité de la répression des atteintes à l'environnement par les services de l'État.

Quatrième et dernier axe : définir un système ainsi que des procédures adéquates pour assurer un suivi sanitaire efficace des populations. Je vous propose trois recommandations pragmatiques pour renforcer l'information du public et de l'ensemble des acteurs et améliorer les conditions de saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Au-delà de ces éléments, je signale que l'enquête judiciaire est toujours en cours, et que son champ couvre également les pollutions environnementales imputables, le cas échéant, aux exploitants.

Sur le front de l'indemnisation, les agriculteurs ont bénéficié de dégrèvements d'impôts exceptionnels, et la plupart sont entrés dans une logique transactionnelle avec Lubrizol. Un agriculteur, « non inscrit » dans cette procédure amiable, a été indemnisé par l'État pour la perte d'exploitation résultant de la mise en réserve des produits agricoles décidée par l'État le jour de l'incendie. Quelques centaines d'autres victimes, comme les commerçants, entreprises, certaines collectivités territoriales ont passé des accords amiables, quand d'autres ont fait le choix de procédures contentieuses.

Une certaine opacité règne sur les montants en jeu et j'aurais du mal à vous en dire plus si ce n'est que l'on pourrait se hasarder à évaluer à plusieurs dizaines de millions d'euros au total les montants concernés par les accords amiables, qui traduisent une mise en oeuvre certes partielle, mais réelle du principe pollueur-payeur.

Je souhaiterais conclure avec deux remarques.

D'abord, il est difficile de tirer un bilan global des modifications ponctuelles et dispersées portant, au cours des cinq dernières années, sur le droit des implantations industrielles ; il serait cependant intéressant de mesurer, dans nos futurs travaux, notre positionnement par rapport à la législation européenne et de préciser où nous nous situons, comparativement à nos partenaires européens, dans une logique conciliant attractivité économique et prévention des risques.

Ensuite, l'accidentologie industrielle dans notre pays demeure significative et appelle une attention constante. Je vous proposerai d'ailleurs d'intituler notre rapport « Risques industriels : ne pas baisser la garde ! ».

Notre commission est une nouvelle fois amenée à définir des équilibres subtils entre transition écologique, protection de l'environnement, souveraineté économique et développement industriel avec la prévention des risques industriels, et j'espère que vous partagerez celui que je vous propose.

Voici mes chers collègues, les observations, conclusions et recommandations que je vous soumets pour approbation. Je vous remercie.

M. Hervé Maurey . - Je félicite la commission et le rapporteur pour ce travail de « droit de suite » qu'elle a décidé d'exercer dans le cadre de ses travaux de contrôle : c'est un des piliers de l'action du Parlement et il est important que les rapports du Sénat ne restent pas lettre morte.

La ministre Barbara Pompili nous a indiqué en octobre 2021 que 37 des 42 propositions du rapport de commission d'enquête avaient été reprises, et le rapporteur a chiffré ce taux à environ 80 % : je me réjouis de cette réussite qui témoigne de la qualité de nos travaux.

Je serai pour ma part un peu plus mesuré et j'insiste sur le fait qu'il ne faut pas baisser la garde, comme nous le propose d'ailleurs le rapporteur avec le titre de son rapport, même si des évolutions allant dans le bon sens sont intervenues.

Tout d'abord, certaines mesures - que le rapporteur envisage d'intégrer dans une proposition de loi - n'ont pas été reprises par le Gouvernement. Il s'agit, tout d'abord, de mieux associer les élus locaux à la phase de prévention et, en cas d'accident, à la phase de gestion et de suivi des accidents : le préfet avait lui-même reconnu des marges de progrès dans ce domaine. Notre proposition d'apporter des soutiens financiers aux entreprises et aux collectivités qui manqueraient de moyens pour se conformer aux règles de sécurité ne semble pas non plus entièrement satisfaite, tout comme l'amélioration de l'indemnisation des préjudices. Sur le plan sanitaire, les registres de morbidité que nous avons préconisés n'ont pas été mis en place.

Il faut ensuite rester très vigilant sur la mise en oeuvre concrète des mesures annoncées. Je souligne ici le retard pris en matière de déploiement du cell broadcast : on nous avait promis une expérimentation à Rouen en juin 2021, puis celle-ci a été finalement reportée au premier semestre 2022.

Soyons également attentifs au respect des échéances annoncées pour la mise en oeuvre des nouvelles prescriptions portant sur les ICPE, d'autant que celles-ci sont parfois très éloignées : il en va ainsi de la mise en oeuvre des règles de stockage dont certaines sont applicables en 2026, voire 2027.

D'autres mesures méritent d'être précisées et doivent faire l'objet de points réguliers, car leurs modalités, les moyens qui y seront consacrés et le calendrier restent encore flous : tel est le cas de la culture du risque qui est un point faible dans notre pays, comme l'a rappelé la ministre.

J'approuve les préconisations du rapporteur et j'espère que la commission pourra, par la suite, faire le point de manière régulière - annuellement par exemple - sur l'avancée des divers volets que je viens de récapituler.

Je terminerai en soulignant l'importance de la réalisation des promesses du Gouvernement en matière d'augmentation des contrôles des installations classées.

Mme Nicole Bonnefoy . - À mon tour, je souhaite remercier la commission et son rapporteur Pascal Martin.

Je m'associe aux propos du Président Maurey et me réjouis de la mise en oeuvre de 80 % des recommandations de notre rapport de commission d'enquête. Reste, comme l'a suggéré le rapporteur, à reprendre les 20 % restants, voire à définir encore plus finement un certain nombre d'actions pour couvrir tout le champ concerné en matière législative.

J'ai bien noté les huit recommandations organisées en quatre axes et, tout en comprenant que le rapporteur ait souhaité ne pas empiéter sur les compétences de la commission des affaires sociales, j'insisterai sur les questions sanitaires qui ont occupé une place très importante dans notre rapport d'enquête. Je garde en mémoire les difficultés pour obtenir la composition précise des substances qui ont brûlé, et pour élucider la nature des effets cocktail susceptibles d'être engendrés. Nos demandes, sur ce volet sanitaire, n'ont pas été totalement satisfaites, et il en va de même de la mise en place d'un principe de précaution qui doit prévaloir dès le début de l'accident, mais aussi dans le suivi sanitaire à long terme de la population. Comme l'a rappelé le Président Maurey, la mise en place de registres de morbidité pour certaines maladies, qui est fondamentale, n'a pas été retenue par le Gouvernement.

J'adhère donc pleinement aux lignes du rapport qui vient de nous être soumis et à ses prolongements sous la forme de proposition de loi qui pourrait s'intituler « Ne pas baisser la garde », mais je regrette que le volet sanitaire ne soit pas encore plus approfondi. Peut-être pourrait-on compléter la proposition de loi qui est envisagée par le rapporteur par des dispositions relatives à l'aspect sanitaire qui me paraissent essentielles.

M. Pascal Martin . - J'ai pris soin de commencer mon rapport en soulignant l'importance des questions sanitaires. Originaire de Rouen et présent sur les lieux le jour de l'accident, je constate effectivement que les associations et les riverains sont très sensibles aux enjeux sanitaires. Il faudra donc approfondir ces questions en associant la commission des affaires sociales.

S'agissant des produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie, je précise qu'un des arrêtés pris en septembre 2020 prévoit que les exploitants de site Seveso devront intégrer des informations sur ce sujet dans leurs études de danger, en incluant les produits de décomposition liés au bâtiment du site et aux contenants des produits.

Je précise également que les huit propositions que j'ai formulées ont pour objet de compléter et d'amplifier celles de la commission d'enquête. Tel est l'esprit de nos travaux.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Les huit propositions formulées par le rapporteur me paraissent dignes d'intérêt.

Je saisis l'occasion de nos échanges pour attirer votre attention sur un point particulier qui soulève des difficultés aux élus et aux riverains concernés.

Dans le « couloir de la chimie » du département du Rhône, se trouve une gare de triage qui accueille des produits pouvant relever de la logique Seveso : lorsque l'arrêt transitoire des substances se prolonge, la gare de triage se transforme, de fait, en espace de stockage. Or elle est soumise à une réglementation internationale tandis que les installations industrielles avoisinantes sont soumises aux règles nationales Seveso. Une telle situation est incompréhensible pour les riverains, dont la protection varie selon le lieu alors que le risque est le même. Les élus sont également confrontés à cette différence de traitement paradoxale.

Des incidents ont déjà eu lieu dans cette gare de triage et il faut réfléchir à prévenir la réalisation d'autres risques.

Mme Angèle Préville . - Je signale simplement avoir été contactée par une des associations de citoyens de Rouen qui souhaite se constituer en Institut éco-citoyen comme celui qui existe à Fos-sur-mer. Nous les avions auditionnés et ils m'ont sollicitée pour devenir leur marraine. Quand je suis allée à Rouen, j'ai entendu le témoignage des personnes de Fos-sur-Mer qui ont l'impression d'être un peu mises de côté, et s'inscrivent dans une démarche louable de recherche d'informations sur les pollutions qui les concernent.

M. Pascal Martin . - Vous soulignez, à juste titre, qu'une des difficultés de ces accidents réside dans l'effort de pédagogie et de « vulgarisation » qui doit être fait auprès des riverains concernant le contenu des données très techniques qui sont récoltées : quand on n'a pas un doctorat en chimie, il n'est pas facile de se retrouver à travers les diverses substances stockées dans l'industrie.

Il va donc falloir améliorer la culture du risque et amplifier l'information destinée à tous les publics - nous partons de très loin dans ce domaine.

L'information sur les risques industriels et l'implantation des sites Seveso est beaucoup plus compliquée à transmettre que lorsqu'il s'agit d'inondations ou de prévention de catastrophes naturelles.

M. Jean-François Longeot . - Merci pour ces échanges. Je vous indique qu'en faisant cet exercice de « droit de suite », nous nous inscrivons dans le cadre des conclusions adoptées par le Bureau du Sénat à la suite du rapport de notre collègue Pascale Gruny sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui charge les commissions permanentes d'assurer un suivi de la mise en oeuvre des recommandations adoptées par le Sénat.

Pour conclure nos débats sur ce thème, je souhaite insister sur deux points.

D'abord, l'importance de développer la culture du risque dans tous nos territoires. La difficulté est considérable, nous le savons, car en informant le public sur les risques et les conduites à tenir en cas d'accident, certains craignent parfois de susciter la peur ou une dévalorisation des biens exposés à des risques. Pourtant, il est nécessaire d'effectuer des actions de sensibilisation. Il s'agit d'une exigence de responsabilité et je pense que nous devons échanger avec nos maires sur ce sujet.

Le second point sur lequel je souhaitais insister c'est l'importance, pour l'avenir, de prévoir une organisation adaptée pour être en capacité d'évaluer très rapidement les effets d'un tel accident, à la fois sur l'environnement et sur la santé.

En tant que président de cette commission, je pense bien sûr aux pollutions environnementales, mais je ne peux pas omettre l'aspect sanitaire, qui a fait l'objet de nombreuses recommandations de la commission d'enquête et qui a concentré les critiques d'une partie de la population.

La commission adopte à l'unanimité les recommandations proposées par le rapporteur et autorise la publication du rapport d'information.

ANNEXES
-
SYNTHÈSE DE PROPOSITIONS ET RETOURS D'EXPÉRIENCE VISANT À AMÉLIORER
LA PRÉVENTION DES RISQUES INDUSTRIELS

ANNEXE 1 : RETOURS D'EXPÉRIENCES DES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L'AIR (AASQA)

RAPPORT

PARTICIPATION DES AASQA À LA GESTION DES SITUATIONS POST-ACCIDENTELLES - PROPOSITIONS - VERSION DU 3 FÉVRIER 2020

Préconisations

Volet technique

1. Étendre le dispositif de prélèvements d'échantillons conservatoires aux composés spécifiques des incendies et aux composés pouvant induire un risque sanitaire à long terme (ne pas traiter uniquement le risque aigu) avec des collecteurs de suies et de pluie, des bio-indicateurs, etc.

2. Définir des moyens immédiats et organisations rapides ne nécessitant pas ou réduisant considérablement le temps de transport et d'analyse sur certains composés cibles. : micro-capteurs, analyseurs tels que PTR-MS sur quelques zones à risque, station mobile pré-équipée d'analyseurs automatiques spécifiques, canisters déclenchables à distance. Ces moyens pourront être répartis en fonction du nombre d'établissements/risques sur zones.

3. Développer la recherche appliquée visant l'utilisation des drones pour le prélèvement d'échantillons et analyses directement dans le panache (par exemple canisters couplés à des microcapteurs).

Volet communication

Propositions :

4. Développer la participation citoyenne via l'utilisation de micro-capteurs (confiés aux citoyens) ou de plateformes de signalement comme ODO (pour les témoignages concernant les odeurs). Ces plateformes doivent également pouvoir être utilisées pour les signalements de panache et poussières, et la déclaration de symptômes santé.

5. Définir des modalités adaptées d'exploitation des signalements de symptômes santé déclarés par les autorités sanitaires pouvant conduire à des préconisations générales adaptées aux problèmes des citoyens, y compris les personnes les plus sensibles (par exemple : allaitement, sorties des enfants...).

6. Mettre à disposition des industriels les signalements citoyens (anonymisés), pour qu'ils soient informés de la gêne subie par leurs riverains et agissent en conséquence.

7. Développer auprès de tous publics la culture scientifique, la formation, l'information à froid permettant de distinguer risque aigu et risque environnemental, cycles de pollution, principales voies d'exposition à la pollution (inhalation, ingestion, etc.) et les préconisations sanitaires associées au risque environnemental : comment se protéger, éviter de s'exposer, et aussi éviter soi-même de contribuer à la pollution, etc.

8. Faire de l'incendie Lubrizol/NL Logistique un cas d'école pour améliorer la communication :

- ouvrir le retour d'expérience sur la communication aux associations, sociologues, psychologues, médecins et toxicologues, médias, etc. ;

- partager le diagnostic et définir ensemble ce qu'aurait été une « bonne » communication, a` la fois dans les messages, les canaux, les interlocuteurs/porteurs, AASQA, préfecture, ARS, pompiers...) en considérant les questions posées par les populations et la gestion des « fake news » .

9. Réseaux sociaux : une surveillance spécifique des réseaux sociaux est à mettre en place tout au long de la crise afin d'adapter les messages.

Volet organisation a` froid

Propositions :

10. Définir à tous les stades d'intervention les capacités et rôles de chaque acteur en complémentarité (prélèvements très spécifiques à l'entreprise, interventions du SDIS quand le site n'est pas en sécurité, AASQA moyens légers, AASQA moyens lourds, transporteurs, laboratoires dont RIPA, etc.).

11. Clarifier le positionnement des AASQA par rapport au centre opérationnel départemental (COD) et prévoir un accès à la main courante COD à tous les acteurs de la crise (dont AASQA), y compris à ceux qui ne seraient pas physiquement présents au COD.

12. Favoriser le rapprochement entre SDIS et AASQA pour la prise en charge des tout premiers prélèvements (l'exemple d'Atmo Normandie/SDIS 76 a montré son efficacité) et élargir le partenariat pour compléter le dispositif de prélèvement.

13. Autoriser l'accès pour les AASQA aux informations relatives aux composés pouvant être émis par les usines, pour leur permettre de monter des systèmes mutualisés de prélèvements rapides et adaptés avec leurs membres, au besoin avec des accords de confidentialité.

14. Multiplier les collaborations avec des experts, scientifiques et laboratoires pour, le cas échéant, pouvoir répondre au mieux au prélèvement, à l'analyse des composés spécifiques (par exemple avec l'IMT Lille Douai pour l'analyse des composés soufrés), et à l'interprétation des résultats obtenus, y compris sur un plan sanitaire.

15. Rassembler des données de comparaison sur un grand nombre de produits déjà mesurés ailleurs et pas seulement dans les AASQA, pour être plus réactif dans l'interprétation des résultats :

- compléter systématiquement un grand nombre d'espèces chimiques sur quelques sites de référence afin de disposer localement de ces données de comparaison ;

- préparer une base de données en amont pour conserver les données, créer des valeurs repères de comparaison.

16. Favoriser l'implication des riverains d'installations industrielles dans la qualification des odeurs, et le dialogue avec les salariés des sites industriels grâce au Langage des Nez®. Cet échange est d'autant plus constructif quand les sites industriels possèdent eux aussi des nez formés qui ont une connaissance fine des notes odorantes issues de leur site, et des notes odorantes des sites voisins. Ces nez industriels, comme ceux du réseau des Nez de l'estuaire (de la Seine) sont capables d'agir rapidement, grâce à cette connaissance en cas d'émergence d'odeurs. Ce type d'interaction Nez riverains/industriels formés mérite d'être développé.

17. Renforcer le rôle de la cellule post-accident :

- la réunir plus systématiquement et rapidement qu'actuellement (dès les premières heures) ;

- la consulter pour établir les éléments de communication sur les résultats fournis au public ;

- définir à l'avance les méthodes de travail et un unique pilote, pour que les personnes se connaissent ;

- organiser en amont la manière de rendre accessible l'ensemble des données techniques pour un échange rapide entre les différents experts (SDIS, Ineris, AASQA...) via une base de données commune par exemple ;

- inclure cet aspect dans les tests COD/PPI organisés par les préfectures.

18. Revoir les textes d'instruction actuels fondés sur les études de danger pour assurer le lien avec les risques environnementaux. Il est à remarquer que dans le cas de problèmes odorants ou d'incendies, la séparation POI/PPI est moins pertinente, les nuisances sortant presque systématiquement du périmètre du site. Ainsi, la prise en charge par l'industriel lui-même devient vite plus complexe. De ce point de vue, les classifications actuelles doivent être reprécisées en termes de nuisances.

Ainsi, les AASQA et Atmo France s'engagent, sous réserve de disposer des moyens dédiés pour le faire, et d'avoir été mandatées par les autorités, à mettre en place dans chacune des régions de France (métropole et outre-mer) un service proportionnel au risque, selon le principe de mutualisation déjà présenté dans le rapport de 2016 des trois AASQA expérimentatrices :

- mettre en place la plateforme VIGIE, et organisation des flux d'information (signalements citoyens, signaux de pollution) ;

- relayer des informations sanitaires des autorités, et adaptation de la communication (indice Atmo en particulier) sur les supports des AASQA ;

- mettre à disposition des acteurs pouvant intervenir très rapidement (SDIS, exploitants) de systèmes de prélèvement « à spectre large ». Ceux-ci peuvent aussi être installés au niveau de sites judicieusement positionnés et être déclenchés à distance ;

- développer des capacités de modélisation locale orientée sur les impacts environnementaux « air » en complément de la modélisation de la CASU orientée risques ;

- mettre en oeuvre des analyseurs toujours en service (de type PTR-MS) permettant une première analyse rapide d'échantillon, de stations mobiles pré-équipées et dédiées aux situations incidentelles pouvant être déployées rapidement ;

- déployer des moyens légers d'analyses (type micro-capteurs) ou de prélèvements permettant de vérifier l'étendue de la zone d'impact ;

- se renseigner sur les capacités d'analyse spécifique des laboratoires régionaux y compris universitaires (et hors RIPA) et des délais pour les mobiliser si besoin ;

- capitaliser les expériences (bases de données dédiées, cercles d'experts) ;

- organiser des moyens et échanges en cas de crise sur la base des zones de défense.

Chiffrage

Dans le rapport d'octobre 2016, le budget nécessaire à cette mise en oeuvre avait été chiffré à 2,5 millions d'euros de fonctionnement et 4,5 millions d'euros d'investissement sur 5 ans. Ces chiffres seront à reconsolider et à revoir avec des objectifs plus ambitieux, mais permettent de fixer un ordre de grandeur des budgets nécessaires à cette organisation.

ANNEXE 2 : RAPPORT INTER-INSPECTIONS N° 1

RAPPORT

L'INCENDIE « LUBRIZOL / NL LOGISTIQUE » DU 26 SEPTEMBRE 2019 À ROUEN
ÉLÉMENTS D'ANALYSE ET PROPOSITIONS DE SUITES À DONNER

Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)
Conseil général de l'économie (CGE)

Recommandation 1 . Étudier les moyens de réduire la sensibilité au feu des stockages en GRV/IBC de liquides combustibles et inflammables (regroupement, détection incendie, rétention à la source et extinction automatique...) dans l'objectif de définir des prescriptions spécifiques aux stockages dans des conteneurs de ce type.

Recommandation 2 . Prévoir une classification différenciée pour les entrepôts selon qu'ils stockent, ou non, une quantité importante de liquides combustibles, avec une rubrique 1436 étendue aux liquides combustibles de point d'éclair supérieur à 93 °C.

Recommandation 3 . Compléter l'article R.513-2 en demandant la production d'une expertise aux établissements bénéficiant du droit d'antériorité (article L.513-1 du code de l'environnement), démontrant que l'exploitation peut se poursuivre sans risque significatif pour l'environnement et les populations, éventuellement avec des mesures complémentaires de prévention n'engageant pas le gros oeuvre des bâtiments.

Concernant les arrêtés définissant les prescriptions applicables aux stockages de combustibles (arrêtés du 11 avril 2017 et du 22 décembre 2008), subordonner les dérogations applicables aux établissements existants à une expertise démontrant que leur exploitation peut se poursuivre sans risque significatif pour l'environnement et les populations.

Une revue décennale pourrait être demandée afin de réexaminer les conditions de fonctionnement de ces sites dans une logique d'amélioration continue, jusqu'à leur convergence avec les performances obtenues par l'application des meilleures techniques disponibles.

Recommandation 4 . Pour les sites à enjeux importants d'incendie, dont les sites Seveso, adapter la réglementation pour que la production de chaque étude de dangers soit accompagnée d'une notice opérationnelle reprenant les éléments pertinents de l'avis du 8 février 2017, et pour les sites Seveso seuil haut, d'une expertise tierce portant sur la bonne application de la méthode des études de dangers.

Recommandation 5 . Travailler à une meilleure prise en compte du risque incendie dans les études de dangers au vu du retour d'expérience Lubrizol par la révision de leur guide d'élaboration, par l'organisation de formations à destination des responsables sécurité d'établissements, des bureaux d'études et de l'inspection. Il conviendra de faire vérifier, avec la profession, que les fragilités observées chez Lubrizol ne s'étendent pas à d'autres sites et, dans le cas contraire, de demander l'actualisation des études de dangers sur cet aspect pour les établissements à forts enjeux incendie.

Recommandation 6 . Établir un guide de cadrage des études de dangers sur les informations à présenter quant à la propagation d'un nuage de fumées, l'examen de ses impacts sanitaires potentiels, à court, moyen et long termes, à courte et longue distances, aux différentes phases d'un incendie, ainsi que sur les moyens de prélèvements et d'analyses à mettre en oeuvre rapidement dès la survenue d'un incendie permettant d'évaluer sa gravité environnementale et ses modalités de gestion.

Recommandation 7 . La doctrine « post-accidentelle » (circulaire du ministère chargé de l'environnement du 20 février 2012), qui vise à définir les actions à mener pour gérer au mieux les impacts à long terme, sanitaires, environnementaux et économiques, d'accidents industriels, devrait être « revisitée » à la lumière de l'expérience acquise depuis près de 10 ans. Une initiative interministérielle pourrait être lancée en ce sens, associant l'ensemble des parties prenantes.

Recommandation 8 . Organiser au niveau régional la disponibilité des moyens de prélèvement nécessaires en cas d'accident et planifier leur mise en oeuvre.

Recommandation 9 . Établir une procédure pour encadrer l'utilisation des lingettes, prévoir une organisation nationale pilotée par l'Ineris pour sécuriser la réalisation rapide des mesures nécessaires en cas d'accident et clarifier les conditions de la prise en charge financière des prélèvements et mesures d'urgence.

Recommandation 10 . Rendre obligatoire la tenue des inventaires des produits stockés par les exploitants sur leur site, afin qu'ils puissent être transmis sans délai aux pouvoirs publics en cas d'incident ou d'accident. Une réflexion doit être menée sur le contenu de ces inventaires, l'objectif étant de disposer de documents opérationnels permettant de définir rapidement les mesures de protection des personnes et de l'environnement.

Recommandation 11 . Donner à l'inspection des installations classées des objectifs ambitieux de renforcement de sa communication spécifique, identifiée comme telle au sein de la communication de l'État, dans son programme d'action pluriannuel, en liaison en tant que de besoin avec les autres ministères concernés :

- en développant l'information sur son action quotidienne, en la commentant et l'expliquant ;

- avec une information équilibrée indiquant les succès obtenus, mais aussi les améliorations qu'il reste à apporter ;

- en l'ouvrant largement sur le public.

Recommandation 12 . Revoir le contenu de l'instruction du Gouvernement du 6 novembre 2017 et de la note DGPR du 20 février 2018, notamment au regard de la réglementation européenne, de la jurisprudence de la CADA et de l'accident Lubrizol/NL Logistique.

Recommandation 13 . Renforcer le rôle des instances réglementaires de concertation (Coderst et commissions de suivi de sites - CSS) en y élargissant le débat, y compris pour les services de l'État, et y abordant les aspects les plus techniques dès lors que des engagements de confidentialité et de règles de gestion strictes par les membres sont obtenus quant aux informations les plus sensibles, et revoir la composition des Coderst dans une approche plus équilibrée des parties prenantes.

Concernant spécifiquement les CSS (sites à risques), il est recommandé de :

- sortir la CSS de la sphère institutionnelle de l'État (présidence, secrétariat, lieux de réunion...) et laisser à l'industriel sa responsabilité première de rendre compte des actions menées en matière de maîtrise des risques, et à l'État de rendre compte de son action de contrôle ;

- ouvrir largement l'information et la concertation, sous les réserves requises (confidentialité...), en faire un processus continu, construire des ordres du jour sur la base des préoccupations du public et placer les citoyens ou leurs représentants dans une logique de co-construction de la sécurité des sites et, en cas de besoin, ouvrir les possibilités de recours à des expertises tierces, à des visites de « contrôle »... ;

- développer la communication des travaux de cette instance (site internet propre, conférences de presse, ouverture aux journalistes sous conditions...).

Recommandation 14 . Élaborer un plan d'action pluriannuel et ciblé d'inspections sur site à confier aux DREAL, reposant sur les éléments techniques principaux de gages par l'analyse de la mission (sites Seveso et sites voisins, modalités de stockages, efficacité des dispositifs existants de détection précoce, de réduction du risque à la source et de lutte contre l'incendie, dispositifs anti-intrusion, vérification d'une distance minimale d'éloignement des stockages par rapport à l'extérieur des sites, prise en compte de potentiels « effets dominos » depuis ou vers un site voisin...), en veillant à ce que l'élaboration de ce plan d'action s'accompagne de la mobilisation des effectifs supplémentaires nécessaires à sa mise en oeuvre.

Recommandation 15 . Intégrer les enseignements tirés de la mise en oeuvre du plan d'action pour faire évoluer, si besoin, les textes réglementaires définissant les prescriptions pour ces types d'installation, en premier lieu les arrêtés applicables à la rubrique n° 1436, étendue aux stockages de produits combustibles de point d'éclair supérieur à 93 °C. Il s'agit des textes suivants :

- l'arrêté du 16 juillet 2012 pour les stockages en récipients mobiles soumis à autorisation ;

- l'arrêté du 1 er juin 2015 pour les stockages soumis à enregistrement ;

- l'arrêté du 22 décembre 2008 pour les stockages soumis à déclaration.

Recommandation 16 . Poursuivre l'organisation, à intervalles réguliers, des exercices de crise, y compris en dehors des horaires de travail courants.

Recommandation 17 . Créer un « Bureau d'enquêtes sur les accidents industriels et technologiques », sur les bases législatives des bureaux d'enquêtes sur les transports terrestres et la mer, doté d'une équipe restreinte, au champ de compétences large incluant l'ensemble des accidents technologiques et industriels, appuyée sur un réseau d'experts (dont l'Ineris) et intégrant l'équipe et les missions de l'actuel Barpi.

ANNEXE 3 : RAPPORT INTER-INSPECTIONS N° 2

RAPPORT

RETOUR D'EXPÉRIENCE APRÈS L'INCENDIE D'UN SITE INDUSTRIEL
À ROUEN EN SEPTEMBRE 2019
ANALYSE ET PROPOSITIONS SUR LA GESTION DE CRISE

Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET)
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)
Inspection générale de l'administration (IGA)
Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

Recommandation n° 1 : Impliquer davantage les industriels et les collectivités territoriales dans les actions de sensibilisation au risque industriel, en particulier sur la zone de Rouen.

Recommandation n° 2 : Examiner l'opportunité de faire porter à cinq ans la validité des PPI de site, en cohérence avec le rythme de réexamen des études de dangers, tout en y intégrant des éléments sur le voisinage des installations les plus sensibles, afin d'optimiser la charge de travail des services.

Recommandation n° 3 : Élaborer un document de référence sur les mesures immédiates de protection sanitaire des populations à prendre en fonction de la typologie des accidents industriels et des substances impliquées, et les intégrer dans les documents de planification.

Recommandation n° 4 : Protocoliser en partie l'usage de Gala afin de faciliter l'information dans l'urgence des collectivités territoriales.

Recommandation n° 5 : Dégager en priorité les moyens techniques et financiers nécessaires au déploiement effectif d'un outil d'alerte fondé sur la téléphonie mobile avant 2022 et préparer un plan de sensibilisation et d'information des populations sur les conduites à tenir en cas de déclenchement du système national d'alerte.

Recommandation n° 6 : Mener une réflexion sous l'autorité du ministère chargé de l'environnement et du ministère de l'intérieur en lien avec l'Ineris et Météo-France pour accélérer le processus de production des simulations de panaches liés à un accident et fiabiliser la transmission des résultats obtenus, accompagnés de notices explicatives opérationnelles, aux autorités compétentes.

Recommandation n° 7 : Prendre en compte les effets toxiques de moyen/long terme dans les protocoles d'intervention sur site lors d'un accident technologique et adapter les dotations en équipements de protection individuelle des différents intervenants concernés.

Recommandation n° 8 : Formaliser le cadre technique des dispositifs territoriaux de prélèvements et d'analyse de l'air et des retombées mobilisables en urgence afin d'élargir la recherche aux composés spécifiques des incendies et aux composés pouvant induire un risque sanitaire à long terme, et permettre une obtention plus rapide et harmonisée des résultats.

Recommandation n° 9 : Structurer ex ante le réseau des laboratoires d'analyses agréés dans le domaine agricole et alimentaire afin de lui permettre de faire face à des demandes exceptionnelles.

Recommandation n° 10 : Clarifier la répartition entre les responsabilités et les obligations faites à l'industriel, d'une part, et les prérogatives de l'administration de l'État (DREAL), d'autre part, dans la législation et la réglementation sur les installations classées, afin d'améliorer et rendre plus efficiente la mise en oeuvre de la surveillance environnementale.

Recommandation n° 11 : Rappeler les principes définis par le guide de gestion de l'impact environnemental et sanitaire en situation post-accidentelle, en particulier la nécessité d'activer sans délai, à l'échelon local, une cellule post-accidentelle et de la réunir fréquemment et dans la durée, et organiser des exercices spécifiques prenant en compte ces aspects.

Recommandation n° 12 : Organiser un cadre technique de référence interministériel de partage des données et de cartographie permettant, en cas d'accident technologique, d'élaborer un dispositif de gestion adapté aux besoins des différentes administrations et agences d'expertise.

Recommandation n° 13 : Définir au niveau national des protocoles et des moyens de suivi des expositions dès les premières heures communs à l'ensemble des intervenants (publics et privés) les plus exposés en cas d'accident technologique.

Recommandation n° 14 : Protocoliser l'usage des outils permettant aux ARS d'informer directement les professionnels de santé de leur territoire en situation de crise.

Recommandation n° 15 : Examiner la création d'une instance pour coordonner l'action des ministères et l'appui des administrations centrales à l'échelon local gestionnaire de la crise lorsque la CIC n'est pas déclenchée, et intégrer la possibilité de mettre en place une cellule nationale d'appui chargée de la coordination sur les enjeux techniques et d'expertise, définir son pilotage, les circuits d'information et les outils nécessaires à son fonctionnement (cartographie, plateforme de partage des données...).

Recommandation n° 16 : Créer, sous l'égide du SIG et de la DICOM du ministère de l'intérieur, une « task force nationale d'appui » susceptible d'être projetée au niveau territorial pour soutenir, en cas de crise importante, les moyens de communication des services territoriaux de l'État.

Recommandation n° 17 : Mettre en place au sein du SIG une cellule nationale d'écoute et de riposte en temps réel sur les réseaux sociaux, chargée de collecter les questions ou préoccupations de la population et de traiter les fausses informations en tant que de besoin, agissant en lien avec le niveau local et mobilisable rapidement en cas de crise.

Recommandation n° 18 : Faire évoluer l'organisation et la gouvernance des commissions de suivi de sites Seveso en renforçant la présence des représentants de la société civile et en ouvrant largement l'information et la concertation, pour créer hors temps de crise des conditions permettant de mieux s'appuyer sur l'ensemble des parties prenantes en temps de crise. Cette évolution pourrait par ailleurs s'accompagner d'une présidence assurée par un membre autre que représentant l'État.

ANNEXE 4 : PROPOSITION DE LA MISSION « CULTURE DU RISQUE »

RAPPORT

MISSION SUR LA TRANSPARENCE, L'INFORMATION ET LA PARTICIPATION
DE TOUS À LA GESTION DES RISQUES MAJEURS, TECHNOLOGIQUES OU NATURELS

Ministère de la transition écologique

Recommandation 1 . Instaurer un événement national annuel, fédérateur et mobilisateur.

Recommandation 2 . Élaborer un « kit » pédagogique national et téléchargeable.

Recommandation 3 . Développer et adapter la plateforme « Géorisques » pour en faire le site de référence de la culture du risque.

Recommandation 4 . Créer des unités mobiles pour aller à la rencontre des habitants et leur permettre une expérience physique et sensorielle des risques.

Recommandation 5 . Encourager la valorisation des résultats des projets de recherche sur les risques via des supports pédagogiques et grand public.

Recommandation 6 . Sensibiliser les élus, développer leur sens de l'anticipation de crise et mettre en oeuvre une formation approfondie adaptée à chaque territoire.

Recommandation 7 . Inciter les maires à désigner un référent unique « risques ».

Recommandation 8 . Créer un concours environnemental national et annuel à destination des communes.

Recommandation 9 . Mieux utiliser la complémentarité des médias historiques et médias sociaux afin de s'assurer que les messages sont diffusés par tous les canaux et reçus par l'ensemble de la population et saisir l'opportunité offerte par les médias sociaux pour interagir avec les citoyens.

Recommandation 10 . Sensibiliser et former les métiers du bâtiment aux solutions intégrant des mesures préventives. Développer une offre permettant de s'affranchir du principe de reconstruction à l'identique post-sinistre.

Recommandation 11 . Dupliquer la mission inter-régionale inondations de l'arc méditerranéen dans tous les États-majors de zone de défense dans un format « multirisques ». Envisager une structure nationale interministérielle « multirisques » destinée à coordonner les actions de prévention des risques.

Recommandation 12 . Mettre en place un dispositif d'alerte aux populations, connu et reconnu de tous, délivrant des informations de contexte et de prudence au plus proche des événements.


* 1 Compléter l'article L. 515-48 du code de l'environnement pour indiquer que « Le cas échéant, lorsque les caractéristiques de la plateforme et du territoire sur laquelle elle est implantée le justifient, le préfet fait procéder à l'inscription de la prévention et la gestion des accidents visés aux articles L. 515-32 et L. 515-15 dans les domaines de responsabilité définis dans le contrat de plateforme des installations classées pour la protection de l'environnement qui souhaitent se regrouper ».

* 2 Modification à faire de la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement.

* 3 Par exemple : « Les personnes domiciliées ou établies dans le périmètre d'un plan particulier d'intervention mentionné à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure reçoivent régulièrement, sans qu'elles aient à le demander, des informations sur la nature des risques d'accident et sur les conséquences envisagées, sur le périmètre du plan particulier d'intervention et sur les mesures de sécurité et la conduite à tenir en application de ce plan ». Ou prévoir une disposition spécifique si une CSS a été mise en place.

* 4 Voir l'instruction du Gouvernement du 6 novembre 2017 relative à la mise à disposition et aux conditions d'accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d'actes de malveillance dans les ICPE.

* 5 Texte n° 20 (2019-2020) de MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, François Patriat, Jean-Claude Requier, Mme Éliane Assassi, MM. Claude Malhuret, Philippe Adnot, Mme Sophie Primas, MM. Christian Cambon, Alain Milon, Hervé Maurey, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Vincent Eblé, Philippe Bas et Jean Bizet, déposé au Sénat le 4 octobre 2019.

* 6 À Rouen, sur le site de l'accident, le 24 octobre 2019 et dans la vallée du Rhône, le 6 février 2020.

* 7 Environ 300 collectivités ont répondu à la consultation, dont 96 % de communes.

* 8 Rapport n° 480 (2019-2020) du 2 juin 2020 fait au nom de la commission d'enquête.

* 9 Le protocole de remédiation prévoyait trois phases pour les sites touchés des usines Lubrizol et Normandie Logistique : travaux prioritaires (phase 1), remédiation des zones sinistrées et démantèlement (phase 2), et diagnostic de pollution des zones sinistrées et dépollution (phase 3).

* 10 Communiqué de presse du préfet de la Seine-Maritime, 21 septembre 2020.

* 11 Les inspections ont eu lieu les 28 avril, 11 et 25 mai 2020 pour Lubrizol et les 6, 11, et 25 mai 2020 pour NL logistique.

* 12 Ces protocoles correspondent aux phases 1 et 2 précitées.

* 13 Un barrage flottant a été maintenu dans la darse pendant quelques semaines par précaution, afin de capter les éventuelles irisations résiduelles.

* 14 Un protocole très précis a été imposé à Lubrizol sur la nature des équipements, voiries et substances au sol à traiter, les entreprises consultées, la gestion des stockages tampons de déchets avant envoi vers les filières de traitement, les filières de traitement des équipements et substances présentes sur le sol, les conditions de démantèlement, d'évacuation et de traitement envisagées par l'exploitant des substances et des équipements de la zone (avec notamment le détail des mesures de prévention des nuisances olfactives) et la gestion des eaux de ruissellement sur la zone concernée.

* 15 Un protocole identique a été imposé à Normandie Logistique.

* 16 Société SEDIBEX à Sandouville (76).

* 17 Article L. 1434-10 du code de la santé publique.

* 18 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20 210 927/dev_dur.html .

* 19 Cette base de données constituée par SPF, en lien avec l'Ineris pour la réalisation de l'outil cartographique associé, comprend les données de 18 opérateurs et fournisseurs sollicités qui sont intervenus dans l'évaluation des conséquences de l'accident : la moitié des données provient des campagnes de mesures dans les sols, le quart provient des mesures dans les denrées alimentaires.

* 20 La commission d'enquête avait recommandé la mise en place de deux registres de morbidité : l'un relatif aux cancers généraux, l'autre relatif aux malformations congénitales.

* 21 Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), Agence française pour la biodiversité (AFB), agences de l'eau Seine-Normandie et Artois-Picardie.

* 22 Article 3 des arrêtés « mesures d'urgence ». Les communes dans lesquelles les prélèvements doivent être effectués, au nombre de 215, sont listées dans l'annexe 1 de ces arrêtés.

* 23 Article 7 des arrêtés.

* 24 Avec deux prélèvements par point (0-5 cm et 0-30 cm).

* 25 Composés organiques issus de combustion incomplète comme les hydrocarbures, métaux, éléments identifiés comme présents en quantités non négligeables dans les produits ayant brûlé comme le soufre ou le phosphore, substances classiques émises par les incendies ou les moyens d'extinction comme les dioxines.

* 26 Cette étude a été réalisée par Ramboll.

* 27 Seules les concentrations inhalées et les concentrations de retombées ont été modifiées à la marge par la révision de la dispersion atmosphérique demandée.

* 28 Station de traitement des eaux usées (STEU) Emeraude.

* 29 Plus de 670 prélèvements ont été réalisés pour la Seine-Maritime en 2019 et plus de 560 prélèvements en 2020 pour la Seine-Maritime, l'Oise et la Somme, dans des communes situées entre 0 et 110 kilomètres par rapport au lieu de l'incendie.

* 30 4 100 adultes et 1 200 enfants.

* 31 Les personnes tirées au sort ont reçu un courrier expliquant comment participer à l'étude. Il était possible de répondre au questionnaire principal d'enquête de deux manières : en ligne ou par téléphone avec un enquêteur de l'institut Ipsos pour un entretien de 30 minutes environ.

* 32 ARS, DDPP, DRAAF, ATMO, Bureaux d'études.

* 33 Accident d'AZF, inondations dans le Gard en 2002, tempête Xynthia en 2010, inondation dans les Pyrénées en 2013, incendies aux Pays-Bas ou en Espagne, attentats du 11 septembre 2001.

* 34 Article R. 512-69 du code de l'environnement.

* 35 Lettre de mission de la ministre de la transition écologique et solidaire.

* 36 Rapport CGEDD n° 013 014-01 - CGE n° 2019/23/CGE/SG, établi par M. Pierre-Franck Chevet (CGE), Mme Nathalie Homobono (CGE), M. Paul Michelet (CGEDD) et M. Alby Schmitt (CGEDD).

* 37 Lettre de mission signée de la ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'intérieur, de la ministre des solidarités et de la santé, de la ministre du travail et du ministre de l'agriculture.

* 38 IBC en langue anglaise.

* 39 Instruction du Gouvernement du 12 août 2014 relative à` la gestion des situations incidentelles ou accidentelles impliquant des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 40 Voir les rapports pour avis de MM. Pascal Martin et François Calvet, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur le PLF pour 2022.

* 41 Grands récipients pour vrac, ou IBC en langue anglaise.

* 42 Par exemple : s'équiper de caméras de surveillance modernisées, améliorer les outils de communication internes aux sites.

* 43 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200224/ce_lubrizol.html#toc4 .

* 44 Réponse DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 45 https://www.ecologie.gouv.fr/incendie-lubrizol-et-normandie-logistique-elisabeth-borne-renforce-moyens-des-inspecteurs-des .

* 46 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Orientations%20strat%C3%A9giques%20pluriannuelles%20pour%20l%27inspection%20des%20installations%20class%C3%A9es%202019-2022.pdf .

* 47 Voir notamment le rapport pour avis sur le PLF pour 2021 : https://www.senat.fr/rap/a20-142-1/a20-142-1-syn.pdf .

* 48 Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu'elles peuvent être à l'origine d'accidents majeurs.

* 49 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre I er , du livre V du code de l'environnement.

* 50 Arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation.

* 51 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés exploités au sein d'une installation classée soumise à autorisation au titre de l'une ou plusieurs des rubriques numéros 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 52 ICPE soumise à autorisation au titre d'une ou plusieurs autres rubriques que les rubriques dites « liquides inflammables » dès lors que les quantités susceptibles d'être présentes de la substance ou du mélange dangereux avec une mention de danger H224, H225, H226 et de déchets liquides inflammables catégories HP3 dépassent 1 000 tonnes au total, ou 100 tonnes en contenants fusibles et les ICPE traitant des produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 53 Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et la nomenclature annexée à l'article R. 122-2 du code de l'environnement.

* 54 1510, 1511, 1530, 1532, 2662, 2663.

* 55 Pour une chaîne logistique plus compétitivité au service des entreprises et du développement durable, Patrick Daher, Éric Hémar, CGEDD, septembre 2019.

* 56 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510, y compris lorsqu'ils relèvent également de l'une ou plusieurs des rubriques 1530, 1532, 2662 ou 2663 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi que les arrêtés de prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à enregistrement sous les rubriques n os 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663.

* 57 Stockage de matières, produits ou substances combustibles dans des entrepôts couverts (1510), stockage de bois ou de matériaux combustibles analogues (1532), entrepôts frigorifiques (1511), dépôts de papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues (1530), stockage de polymères (2662), stockage de pneumatiques et produits composés d'au moins 50 % de polymères (2663).

* 58 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.

* 59 Arrêté du 9 décembre 2020 portant création et organisation du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels.

* 60 Oléoducs, gazoducs, réseau de distribution de gaz naturel, etc.

* 61 Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile, bureaux d'enquêtes accidents défense, Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre.

* 62 Instruction du Gouvernement du 22 janvier 2021 relative à la création du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI).

* 63 Arrêté de la ministre de la transition écologique en date du 7 juillet 2021.

* 64 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20211025/dev_dur.html .

* 65 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 22 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut sous l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 4510 ou 4511.

* 66 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 1 er juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de l'une au moins des rubriques 4331 ou 4734 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 67 Pour les ICPE soumises à enregistrement : ICPE relevant de l'une au moins des rubriques 4331 (liquides inflammables de catégorie 2) ou 4734 (produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution). Pour les ICPE soumises à déclaration traitant les produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 68 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant les arrêtés ministériels du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation, l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre I er du livre V du code de l'environnement et l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.

* 69 Article 2 de la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020.

* 70 Programme 217 de la mission «?écologie?», loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020.

* 71 Article 117 de la loi de finances pour 2021.

* 72 Article 288 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 73 Article 282 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 74 Article 290 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 75 Article 11 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.

* 76 Article 6 de la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021.

* 77 Programme 217 de la mission «?écologie?», loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021.

* 78 Article 10 de la loi n° 2021-1520.

* 79 Article 38 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020.

* 80 Article 3 de l'ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021.

* 81 Article 16 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.

* 82 Article 15 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020.

* 83 Articles 279, 280 et 281, notamment, de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 84 Article 65 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995.

* 85 Arrêté du 26 mai 2014 et arrêtés ministériels sectoriels.

* 86 Voir le rapport de la mission de Frédéric Courant et le plan d'action Tous résilients face aux risques , présenté le 18 octobre 2021.

* 87 Loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020.

* 88 Loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021.

* 89 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.

* 90 Plan d'action Tous résilients face aux risques , 18 octobre 2021.

* 91 Plan d'action «?Tous résilients face aux risques?», 18 octobre 2021.

* 92 ICPE soumise à autorisation au titre d'une ou plusieurs autres rubriques que les rubriques dites « liquides inflammables » dès lors que les quantités susceptibles d'être présentes de la substance ou du mélange dangereux avec une mention de danger H224, H225, H226 et de déchets liquides inflammables catégories HP3 dépassent 1 000 tonnes au total, ou 100 tonnes en contenants fusibles et les ICPE traitant des produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 93 Pour les ICPE soumises à enregistrement : ICPE relevant de l'une au moins des rubriques 4331 (liquides inflammables de catégorie 2) ou 4734 (produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution). Pour les ICPE soumises à déclaration traitant les produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 94 Mentions de danger H224-H225-H226 (inflammables).

* 95 Ces textes fixent les règles d'implantation de ces stockages, les conditions de stockage, des prescriptions en matière de conception et de capacités de rétention associées ainsi qu'en matière de cheminement des liquides vers ces capacités de rétention.

* 96 Stockage de matières, produits ou substances combustibles dans des entrepôts couverts (1510), stockage de bois ou de matériaux combustibles analogues (1532), entrepôts frigorifiques (1511), dépôts de papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues (1530), stockage de polymères (2662), stockage de pneumatiques et produits composés d'au moins 50 % de polymères (2663).

* 97 Sites Seveso, sites de tri-transit et regroupement des déchets dangereux, sites de stockage de liquides inflammables, certaines installations et entrepôts relevant du régime d'autorisation et certains entrepôts soumis à enregistrement.

* 98 Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

* 99 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre I er , du livre V du code de l'environnement.

* 100 Article 2 de l'arrêté du 24 septembre 2020.

* 101 Instruction du Gouvernement du 2 octobre 2019 relative aux premières mesures à prendre à la suite de l'accident survenu dans l'entreprise Lubrizol le 26 septembre 2019.

* 102 Voir le rapport pour avis de Pascal Martin sur le budget 2021 de la prévention des risques et l'amendement suivant : https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/137/Amdt_II-94.html .

* 103 Plan d'action de février 2020.

* 104 https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/137/Amdt_II-99.html .

* 105 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 106 Article 44 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

* 107 Arrêté du 6 janvier 2022 modifiant l'arrêté du 18 novembre 2021 fixant la liste des plateformes.

* 108 Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

* 109 Rapport Une justice pour l'environnement de la mission d'évaluation des relations entre justice et environnement, établi par Bruno Cinotti, Jean-François Landel (CGEDD), Delphine Agoguet, Daniel Atzenhoffer et Vincent Delbos (IGJ), octobre 2019.

* 110 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 111 Directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen.

* 112 Cette habilitation avait été accordée au Gouvernement par le Sénat lors de l'examen en séance publique du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière : https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/553/Amdt_20.html .

* 113 Article 3 de l'ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021 portant transposition de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen et relative aux mesures d'adaptation des pouvoirs de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

* 114 Décret n° 2021-1281 du 30 septembre 2021 modifiant les obligations des opérateurs de communications électroniques conformément au code des communications électroniques européen.

* 115 http://www.senat.fr/amendements/2020-2021/787/Amdt_134.html .

* 116 http://www.senat.fr/amendements/2020-2021/787/Amdt_135.html .

* 117 Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel. Sur son site (www.visov.org), l'association, créée en janvier 2014, se présente comme « la première communauté virtuelle francophone de volontaires numériques en gestion d'urgence (sécurité civile). Elle promeut l'utilisation accrue des Médias Sociaux en Gestion d'Urgence, les MSGU ».

* 118 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.

* 119 Article 1398 du code général des impôts.

* 120 Notamment en application de l'article 13 de la Constitution.

* 121 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018.

* 122 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020.

* 123 Rapport Kasbarian - 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles , 23 septembre 2019.

* 124 Directive 2001/42/CE relative à l'évaluation stratégique environnementale.

* 125 Directive 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses.

* 126 Arrêté du 16 novembre 2021 portant modification de l'arrêté du 10 mars 2006 relatif à l'information des populations pris en application de l'article R. 741-30 du code de la sécurité intérieure.

* 127 Arrêté du 16 novembre 2021 portant modification de l'arrêté du 5 janvier 2006 relatif aux informations nécessaires à l'élaboration du plan particulier d'intervention, pris en application de l'article R. 741-21 du code de la sécurité intérieure.

* 128 Décision n° 425 424, section du contentieux, 6 e et 5 e chambres réunies, séance du 24 mars 2021, décision du 15 avril 2021.

* 129 Décret n° 2021-837 du 29 juin 2021 portant diverses réformes en matière d'évaluation environnementale et de participation du public dans le domaine de l'environnement.

* 130 Moderniser l'évaluation environnementale , rapport de mars 2015.

* 131 CGEDD, Modernisation de la participation du public et des procédures environnementales relatives à l'autorisation des projets et l'approbation des plans-programmes , Jérôme Dietenhoeffer, Jérôme Goellner, Pascal Hornung, Patrick Lambert, Yves Majchrzak, 29 octobre 2021.

* 132 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220124/atdd.html#toc4

* 133 Compléter l'article L. 515-48 du code de l'environnement pour indiquer que « Le cas échéant, lorsque les caractéristiques de la plateforme et du territoire sur laquelle elle est implantée le justifient, le préfet fait procéder à l'inscription de la prévention et la gestion des accidents visés aux articles L. 515-32 et L. 515-15 dans les domaines de responsabilité définis dans le contrat de plateforme des installations classées pour la protection de l'environnement qui souhaitent se regrouper ».

* 134 Modification à faire de la section 1 du chapitre V du titre II du livre I er du code de l'environnement.

* 135 Par exemple : « Les personnes domiciliées ou établies dans le périmètre d'un plan particulier d'intervention mentionné à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure reçoivent régulièrement, sans qu'elles aient à le demander, des informations sur la nature des risques d'accident et sur les conséquences envisagées, sur le périmètre du plan particulier d'intervention et sur les mesures de sécurité et la conduite à tenir en application de ce plan ». Ou prévoir une disposition spécifique si une CSS a été mise en place.

* 136 Voir l'instruction du Gouvernement du 6 novembre 2017 relative à la mise à disposition et aux conditions d'accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d'actes de malveillance dans les ICPE.

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