Rapport d'information n° 577 (2021-2022) de MM. Bruno BELIN et Serge BABARY , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 16 mars 2022

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N° 577

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 mars 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des affaires économiques (2) sur les perspectives de la politique d' aménagement du territoire et de cohésion territoriale , sur le volet « attractivité commerciale en zones rurales »,

Par MM. Bruno BELIN et Serge BABARY,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

(2 ) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

L'ESSENTIEL

SOUTENIR LE COMMERCE EN MILIEU RURAL : 43 MESURES DÉCLINÉES EN 10 AXES

Maintenir et développer le commerce de proximité dans les territoires ruraux, spécifiquement dans les communes de moins de 2 500 habitants : c'est l'objectif d'intérêt général que se sont fixé la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, en confiant aux rapporteurs Bruno Belin et Serge Babary le soin de formuler des propositions dans le cadre d'un travail conjoint. Le rapport d'information, adopté à l'unanimité par les deux commissions le 15 mars 2022, apporte des réponses à 3 enjeux majeurs pour notre pays :

- améliorer la qualité de vie des Français habitant en zones rurales et faire en sorte que 100 % de la population se trouve à moins de 5 minutes de trajet d'un panier de commerces et services essentiels à la vie courante ;

- soutenir un développement commercial et artisanal harmonieux en atténuant les distorsions de concurrence entre commerce physique et commerce en ligne et en donnant des outils aux collectivités rurales pour faire valoir leurs atouts ;

- maîtriser l'empreinte carbone liée à la consommation de proximité et préserver le pouvoir d'achat des Français ruraux , en rapprochant l'offre de commerces et de services de la demande et des besoins des Français.

Depuis 2017, le Gouvernement a fait le choix de concentrer en priorité son action sur des communes qui occupent une situation-clé de centralité dans des territoires souvent isolés . Ce sursaut était positif et nécessaire, mais les deux commissions appellent à ce qu'une attention plus importante soit portée aux territoires en perte de vitesse , en revalorisant les fonctions de centralités de communes en difficulté.

Si l'approche par l' équipement des territoires n'épuise pas l'ensemble des enjeux de cohésion et de vitalité territoriales, elle demeure néanmoins incontournable pour adapter le niveau de services aux besoins des populations. Les rapporteurs soulignent la nécessité d'une politique d'aménagement du territoire véritablement ambitieuse pour les espaces les plus ruraux de notre pays. Ils appellent à mettre en oeuvre une stratégie d'équipement commercial concertée en partant des besoins des territoires et en saisissant les opportunités induites par le repeuplement rural à l'oeuvre depuis plusieurs années et que la crise sanitaire devrait contribuer à accélérer. Les mesures proposées ont vocation à nourrir les conclusions des Assises du commerce , lancées le 1 er décembre 2021, et les prochains comités interministériels aux ruralités ( CIR ). Elles ont également vocation à s'articuler avec la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité, en particulier celle des ZRR, et à constituer une « boîte à outils ».

Suivant leurs rapporteurs Bruno Belin et Serge Babary, les deux commissions ont adopté les 43 mesures du rapport d'information, déclinées en 10 axes de propositions .

I. DES FORCES CENTRIFUGES QUI MENACENT LA PÉRENNITÉ ET LE DÉVELOPPEMENT DES COMMERCES DE PROXIMITÉ RURAUX

Le commerce en quelques chiffres

Comme souvent en matière d'aménagement du territoire, les pouvoirs publics sont face à des paradoxes . Pour l'accès aux commerces et aux services en proximité, le paradoxe est double :

- si le nombre de commerces en France n'a cessé d'augmenter depuis 20 ans en termes de surface, de nombre de magasins et de salariés, leur répartition territoriale s'est continuellement déséquilibrée , au détriment des zones rurales ;

- si les Français sont profondément attachés à leurs commerçants de proximité, les volumes et la valeur des achats en ligne et en grandes surfaces n'ont fait qu'augmenter.

Le commerce en ligne a représenté en 2021 129 milliards d'euros, en hausse de 15,1 % par rapport à 2020, dont 67 milliards d'euros pour les ventes de produits.

La concentration des emplois dans les métropoles et le phénomène d' étalement urbain ont conduit, du reste, à un allongement des navettes domicile-travail pour ceux contraints de se loger à l'extérieur des villes, dont le coût environnemental est significatif.

En outre, le nombre de départements en déprise démographique n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui . La décroissance démographique est particulièrement forte dans les massifs de montagne et, à l'échelle nationale, la concentration spatiale de la croissance démographique dans les espaces déjà dynamiques se poursuit à un rythme de plus en plus élevé. Seuls 18 départements connaissaient une décroissance démographique de leur population en espaces très peu denses entre 2008 et 2013, mais ils sont désormais 65 concernés sur la période 2013-2018. Certains départements situés notamment dans la diagonale centrale traversant la France depuis les Ardennes jusqu'au Lot connaissent une déprise démographique continue sur les 50 dernières années (Cantal, Ardennes, Haute-Marne, Creuse, Nièvre). Cet espace de déprise démographique s'étend désormais à l'est du Bassin parisien et vers le nord , touchant la Somme, la quasi-intégralité de l'Aisne et grignotant le nord-ouest de l'Hexagone , dans la partie eulérienne du Perche et le pays dunois (Eure-et-Loir), le pays vendômois (Loir-et-Cher), le nord du Bassin ligérien (Mayenne et Sarthe) et une grande partie de la Manche (région de Mortain et Nord-Cotentin).

Les rapporteurs sont convaincus que les actions visant à préserver et développer le commerce de proximité en zones rurales ne présentent que des avantages : dans une logique d'attractivité globale des communes rurales, le maintien et le développement des commerces de proximité permettent d' attirer de nouveaux habitants et activités . Dans une logique de maîtrise de notre empreinte carbone, renforcer l'accessibilité et le maillage commercial permet d' éviter des trajets en voiture , alors que 90 % des habitants ruraux disposent d'une voiture à l'heure actuelle. Enfin, éviter des trajets en voiture, même petits, permet de contenir en partie la hausse des dépenses de carburant .

II. DES INÉGALITÉS TERRITORIALES PERSISTANTES, AU DÉTRIMENT DES TERRITOIRES RURAUX, QUI CONCENTRENT POURTANT LES ENJEUX DE LA FRANCE DU XXIE SIÈCLE

Le baromètre des Territoires Elabe 2021 dresse le portrait d'une France du « proche », dans laquelle la qualité du lien social apparaît fragile et le sentiment de disparition des commerces de proximité demeure : les habitants des zones rurales et des petites agglomérations décrivent des zones sous-dotées , à rebours du regard porté par les habitants des grandes agglomérations sur leurs commerces et services.

Évolution de la part des communes ne disposant plus d'aucun commerce de proximité sur la période 1980-2017

Source : Insee, Les entreprises en France, édition 2017.

Au-delà, les territoires ruraux continuent de présenter des fragilités importantes :

- les territoires ruraux accueillent la plus forte proportion de personnes âgées (23,2 % pour les territoires très peu denses, + 2,1 points entre 2011 et 2016). Dans les villes bénéficiaires du programme Petites Villes de demain, 24,5 % de la population a plus de 65 ans ou plus, contre environ 20 % pour la France métropolitaine ;

- 26 % des habitants des communes rurales pensent qu'ils ont un risque de devenir pauvres dans les 5 prochaines années , cette proportion monte à 29 % dans les communes entre 20 000 et 100 000 habitants, contre 18 % des habitants des communes de plus de 100 000 habitants et 17 % des habitants de l'agglomération parisienne ;

- la part des 15-24 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation est plus élevée dans les territoires très peu denses, peu denses et intermédiaires que dans les territoires denses ;

- les communes très peu denses qui subissaient déjà un recul significatif de l'emploi sur la période 2006-2011 (- 0,16 % / an) ont connu cinq années encore plus difficiles (- 0,44 % sur la période 2011-2016) ;

- le taux de création d'entreprises demeure structurellement bas dans les communes très peu denses (12,6 %) et peu denses (12,7 %) en comparaison des taux constatés dans les villes de densité intermédiaire (13,6 %) et denses (18,4 %) et ce, malgré une amélioration de 2 points environ sur la période 2018-2019 par rapport à 2015-2016. Le dynamisme demeure plus fort dans les communes denses ;

- le temps de trajet routier médian en heure pleine vers un panier d'équipements de la vie courante demeure élevé en zones très peu denses (10 minutes) , par rapport aux zones peu denses (5,5 min), intermédiaires (2,7 min) et denses (2,6 min).

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, 2021.

Dans les territoires de très faible densité, part de la population âgée de 75 ans et + se trouvant à plus de 10 minutes en voiture en situation d'heures creuses d'un panier de services de la vie courante

Source : Territoires et transitions, Observatoire des territoires, 2021.

Source : données Insee, 2018, 2021.

Lecture : les communes peu denses et les communes très peu denses constituent l'espace rural, selon la nouvelle grille communale de densité de l'Insee. Cette dernière s'appuie sur la distribution de la population à l'intérieur de la commune en découpant le territoire en carreaux de 1 kilomètre de côté, ce qui permet de repérer des zones agglomérées. L'importance de ces zones agglomérées au sein des communes permet ensuite de les caractériser comme densément peuplées, de densité intermédiaire, peu denses ou très peu denses.

Sous l'effet de la démographie (décroissance, vieillissement), du manque de dynamisme économique (faiblesse des revenus, faible croissance de l'emploi), du déplacement des zones de chalandise en périphérie , de facteurs conjoncturels (crise des gilets jaunes, crise sanitaire) et de l'évolution des pratiques commerciales , le commerce de proximité est en situation de fragilité .

Évolution du nombre de débits
de boissons
sur la période 2011-2018
(Source : Française des Jeux)

Évolution du nombre de débits
de tabac
sur la période 2002-2020
(Source : Confédération des buralistes)

III. LA NÉCESSITÉ DE RESSERRER LE MAILLAGE TERRITORIAL DES POLITIQUES DE SOUTIEN À LA REVITALISATION COMMERCIALE

Focus sur les 10 774 centres d'équipements et de services 1 ( * )

Si les programmes d'actions territorialisés mis en place depuis 2017 s'inscrivent dans une logique positive, les rapporteurs considèrent que des zones blanches demeurent et appellent le Gouvernement à se saisir des solutions qu'ils proposent pour les 6 à 8 millions de personnes qui ne sont couvertes que partiellement par ces programmes à ce jour.

7 010 centres locaux , représentant 20 % des communes , regroupent 11,5 millions d'habitants (18 % de la population française).

2 880 centres intermédiaires , représentant 8,3 % des communes , regroupent 14,9 millions d'habitants (23 % de la population française).

742 centres structurants , représentant 2 % des communes , regroupent 15,2 millions d'habitants (23,7 % de la population française).

142 centres majeurs , représentant 0,4 % des communes , regroupent 14,2 millions d'habitants (22,1 % de la population française).

24 067 non-centres , représentant 69 % des communes , regroupent 8,5 millions d'habitants (13,2 % de la population française).

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 - Renforcer la connaissance sur le phénomène de déprise commerciale en zones rurales et identifier les zones à forts enjeux d'accessibilité commerciale pour nos concitoyens afin d'adapter en conséquence nos politiques publiques en :

- constituant, à partir des données déjà disponibles, un indicateur d'accessibilité potentielle aux commerces et services dans les documents budgétaires permettant d'objectiver la situation vécue par nos concitoyens et d'appuyer des diagnostics territoriaux [État] ;

- créant un zonage réglementaire d'identification des communes rurales caractérisées par une offre insuffisante en matière de commerces et de services, listées par arrêté ministériel, sur proposition des régions, à partir d'une consultation des intercommunalités et communes [État].

Proposition n° 2 - Favoriser le maintien et le développement des commerces de proximité en zones rurales en mettant sur pied un nouveau programme d'actions territorialisé « 400 territoires de commerce » porté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin de renforcer l'équipement des territoires concernés en commerces et services (boulangerie, pâtisserie, magasins divers) dans l'objectif d'améliorer la vie quotidienne des Français concernés [État] :

- un programme conçu à partir du zonage réglementaire d'identification des zones rurales caractérisées par une accessibilité insuffisante aux commerces et aux services de proximité et une offre d'insuffisante d'équipements de consommation ( cf. proposition n° 1 ) et ciblé sur 400 périmètres communaux et intercommunaux sensibles , définis en concertation avec les élus ;

- un programme piloté par l'ANCT , en lien étroit avec les collectivités territoriales et les acteurs publics et privés concernés (unions professionnelles, Banque des territoires etc.). Un programme défini en associant la commission de concertation du commerce (3C) ;

- un programme alimenté par 600 millions d'euros sur 5 ans et mobilisant des crédits d'ingénierie de l'ANCT ainsi que des moyens en fonds propres. L'objectif est de soutenir environ 5 projets concrets dans chacun des 400 territoires identifiés, soit au total environ 2 000 projets de maintien ou d'implantations de commerces de proximité, soit au total environ 300 000 euros par projet en moyenne (certains projets pourraient nécessiter moins de fonds et d'autres davantage) ;

- un déploiement de 400 managers de revitalisation commerciale à l'appui, financé selon les mêmes modalités que les chefs de projet « Petites Villes de demain » ;

- dans ces zones, l'objectif du programme serait de conduire des opérations de réhabilitation de logements et de locaux commerciaux, de financer des diagnostics territoriaux, de financer des actions de préemption visant à recréer des espaces de convivialité et de prévoir des dérogations à des normes d'urbanisme et de construction nationales.

En outre, dans ces territoires, afin de privilégier les locaux vacants des centres-villes, une interdiction de création de petites cellules commerciales, dont le nombre de mètres carrés serait inférieur à la moyenne du nombre de mètres carrés des commerces de centre-ville du même secteur d'activité, serait prévue dans les centres commerciaux.

Proposition n° 3 - Mettre en place des incitations financières resserrées pour favoriser la reprise et le développement de commerces dans les zones rurales caractérisées par une offre insuffisante en la matière, en :

- mettant en place un fonds dédié à la transmission des entreprises commerciales et artisanales doté de 200 millions d'euros pour compléter l'apport d'un jeune aspirant commerçant visant à racheter un fonds de commerce (environ 6 000 dossiers pourraient être traités avec cette enveloppe, pour un montant moyen d'environ 30 000 euros) [État] ;

- permettant aux dirigeants de bénéficier de l'abattement de 500 000 euros portant sur la fiscalité des plus-values de cession de titres ou de droits de PME y compris lorsque la cession n'est pas liée à un départ à la retraite mais qu'elle se fait au bénéfice d'un ou plusieurs salariés de l'entreprise [État] 2 ( * ) ;

- élargissant le périmètre d'éligibilité du crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprise aux salariés futurs repreneurs de l'entreprise [État] 3 ( * ) ;

- exonérant de charges patronales pendant trois ans tous les emplois créés en CDI pour les entreprises implantées ou qui s'implantent dans des communes de moins de 2 500 habitants et jusqu'à cinq salariés [État] ;

- mettant en place un dispositif de suramortissement fiscal pour les dépenses d'investissement réalisées en vue de rénover du foncier bâti, pour un usage commercial et avec interdiction de vente du local pendant trois ans [État] ;

- étendant le dispositif de déduction fiscale de l'amortissement du fonds commercial aux artisans aujourd'hui non soumis au plan comptable général [État] ;

- étendant les motifs de liquidation anticipée des plans d'épargne à l'acquisition des parts de la société dans le cas d'une transmission par le dirigeant au salarié, soit directement soit via une holding de reprise [État] ;

- encourageant l'élaboration de chartes de tutorat pour organiser les conditions d'une transmission des savoirs par le dirigeant de l'entreprise [Unions professionnelles, collectivités locales, réseau consulaire].

Proposition n° 4 - Renforcer le pilotage de la redynamisation commerciale dans les zones rurales pour améliorer la qualité de vie quotidienne des habitants, en :

- renforçant les études d'impact produites à l'appui d'un projet commercial pour y intégrer une analyse de l'impact du projet sur les commerces de première nécessité dans les zones rurales et dans les aires urbaines de moins de 5 000 habitants et en consultant davantage les commerçants qui pourraient être impactés par ces implantations [État] ;

- établissant un inventaire des friches situées en zone rurale pouvant accueillir des activités commerciales [État] ;

- élaborant un ensemble de lignes directrices devant être respectées par les porteurs de projet commercial lorsqu'ils étudient l'existence ou non de friches commerciales pouvant accueillir leur projet [État] ;

- ciblant l'action des foncières de redynamisation commerciale, que le plan de relance prévoit déjà de soutenir, sur les communes de moins de 2 500 habitants [État, Banque des territoires] ;

- accompagnant financièrement les collectivités locales qui créent des postes de manager de centre-ville, via une prise en charge des coûts par l'ANCT et la Banque des territoires à hauteur de 50 % [État] ;

- mettant en place une offre d'ingénierie spécifique, via l'ANCT, pour l'ensemble des communes rurales incluses dans une zone caractérisée par une offre insuffisante en matière de commerce et de services, au-delà notamment des « 250 territoires de commerces » [État] ;

- recréant le Fisac et en faisant participer les acteurs du commerce en ligne à son financement [État] ;

- instituant une procédure d'information du conseil municipal avant la fermeture de commerces soumis à des conditions règlementées d'implantation (Loto, Tabac, FDJ, PMU) [État] ;

- encourageant les élus des territoires non couverts par des documents de planification à mettre en place une stratégie en faveur du commerce numérique en prévoyant une bonification de la dotation d'équipement commercial ( cf. proposition n° 7 ) [État].

Proposition n° 5 - Faire aboutir rapidement les travaux relatifs à la définition d'une « nouvelle géographie prioritaire de la ruralité » pour apporter une réponse globale aux problématiques d'attractivité des territoires ruraux et, dans cette attente, proroger les 2 zonages de revitalisation institués en 2020 en portant à 70 % la compensation de l'État aux collectivités territoriales qui mettent en place les exonérations fiscales concernées 4 ( * ) [État].

Proposition n° 6 - Soutenir massivement les commerçants dans la transition numérique en :

- mettant en place un dispositif de suramortissement (IS et IR) pour les dépenses d'investissements réalisées dans les équipements de numérisation des commerces [État] ;

- créant un crédit d'impôt pour aider les commerçants dans la prise en charge de leurs dépenses de formation dans ce domaine [État] ;

- étudiant l'opportunité de lancer un appel d'offres de l'État pour le déploiement de plateformes locales de commerce en ligne [État].

Proposition n° 7 - Rétablir une concurrence équitable entre les différentes formes de commerce en :

- supprimant la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) [État] ;

- compensant à 100 % la perte de recettes des collectivités territoriales due à la suppression de la Tascom par la création d'une nouvelle dotation spécifique à destination du bloc communal (dotation d'équipements pour dépenses d'investissement et de fonctionnement), dont une part constituerait à attribuer une aide forfaitaire dédiée au maintien de commerces de première nécessité dans les communes de moins de 700 / 1 000 habitants [État] ;

- prévoyant, lors de l'implantation d'un entrepôt de logistique commerciale, la remise au président de l'EPCI à fiscalité propre dans le ressort duquel le projet est prévu, d'un document analysant les impacts potentiels, négatifs comme positifs, dudit projet sur les flux commerciaux [État].

Proposition n° 8 - Diversifier les sources de revenus des commerces physiques en :

- incitant les commerçants à accueillir un point relais dans leurs établissements [Unions professionnelles] ;

- prévoyant une taxation des livraisons de commerce en ligne qui serait inférieure ou nulle si le colis est retiré en point relais [État].

Proposition n° 9 - Alléger les contraintes et les charges pesant sur le commerce de proximité et les initiatives de développement locales en :

- rénovant les règlements de marché et en permettant la présentation d'un successeur dans le cadre du règlement de marché pour faciliter la transmission 5 ( * )

[État] ;

- renforçant la prise en compte des espaces de marchés dans les stratégies locales d'aménagement commercial [État, collectivités territoriales] ;

- définissant, élus locaux et commerçants, des programmes locaux de tournée de marchés [Collectivités territoriales, unions professionnelles] ;

- atténuant le poids de la fiscalité applicable aux commerçants (IR et IS) [État] ;

- permettant à un maire d'une commune de moins de 3 500 habitants d'être titulaire d'une licence IV et d'une licence de Tabac [État] ;

- modifiant le système d'agrément des entreprises solidaires d'utilité sociale (Esus) pour soutenir les projets d'animation locale [État] ;

- assouplissant les règles d'ouverture des commerces le dimanche (aller jusqu'à 14h ou 15h pour les commerces alimentaires) et le soir en semaine [État] ;

- étudiant l'opportunité d'exclure des loyers commerciaux les charges de fiscalité foncière aujourd'hui souvent répercutées par le bailleur sur le preneur dans le cadre des baux commerciaux (contrairement aux baux d'habitation) et en adaptant la législation sur les baux commerciaux pour favoriser le développement de magasins éphémères dans les communes rurales [État].

Proposition n° 10 - Soutenir la mobilisation des élus et des citoyens au service de la revitalisation commerciale des territoires ruraux en :

- prévoyant la possibilité pour les collectivités concernées de créer un conseil économique (dans chaque EPCI à fiscalité propre compétent en matière de politique commerciale), dont les missions seraient d'identifier les composantes du tissu économique local, de permettre l'adaptation des infrastructures à l'activité quotidienne des entreprises de proximité (voirie, circulation, réseaux internet, installations) et de recenser et promouvoir les services existants pour favoriser l'accueil de nouveaux acteurs [État] ;

- déployant la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires afin de soutenir des projets locaux d'animation [État] ;

- créant une semaine du commerce de proximité et en mettant en place un plan d'information et de communication centré sur les commerces de proximité en zones rurales [État] ;

- en poursuivant et en amplifiant le soutien au développement de l'apprentissage pour des activités en tension (boulangerie, boucherie etc.) afin de recréer des filières artisanales dynamiques [État].

I. ENRAYER LE DÉCLIN DU COMMERCE DE PROXIMITÉ DANS LES COMMUNES RURALES PAR UNE ACTION VOLONTARISTE ET COORDONNÉE, À L'ÉCHELLE NATIONALE ET TERRITORIALE

A. MIEUX APPRÉHENDER LE DÉCLIN DU COMMERCE DE PROXIMITÉ EN ZONES RURALES

Carte des catégories du rural et des catégories de l'urbain

1. Du fait d'évolutions multiples et en particulier démographiques, la majorité des communes rurales ne dispose plus d'aucun commerce aujourd'hui

L'un des traits les plus marquants de l'évolution socioéconomique des communes rurales ces dernières années est, sans conteste, la disparition progressive, voire souvent totale, des commerces .

Si les données chiffrées diffèrent selon les acteurs (fédérations, collectivités, services de l'État) et selon les définitions retenues (communes de moins de 2 500 habitants, zones autonomes peu denses, zones rurales sous forte influence d'un pôle, etc.), le constat d'ensemble est largement documenté et partagé, ainsi qu'en ont attesté les auditions réalisées par les rapporteurs de la mission : les communes rurales , hormis celles situées sur un axe important de transport ou bénéficiant d'attractions touristiques, et hormis celles qui tirent bénéfice de leur proximité avec un pôle urbain dynamique, souffrent d'une déprise commerciale forte .

Cette problématique, si elle n'est pas propre uniquement aux zones rurales, résulte dans ces territoires de plusieurs facteurs qui participent activement, à différents degrés, à leur dévitalisation .

a) Un déclin démographique qui tarit les opportunités commerciales

Le premier d'entre eux est bien entendu l'évolution démographique négative , qui peut résulter à la fois d'un dépeuplement 6 ( * ) et d'une dépopulation 7 ( * ) , voire des deux. Le taux de croissance annuel de la population des communes très peu denses est ainsi passé de 0,63 % entre 2006 et 2011 à 0,02 % entre 2011 et 2016 . Mais le maintien en territoire positif de ce taux de croissance masque le fait que nombre de communes très rurales (par exemple celles dont la population est inférieure à 2 500 habitants) perdent, en réalité, des habitants d'année en année.

Taux de croissance de la population par catégorie de communes

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

La part de la population française résidant dans les communes de moins de 2 000 habitants est ainsi passée de 24,6 % en 2010 à 22,6 % en 2021 8 ( * ) .

En termes absolus, les communes de moins de 2 000 habitants ont perdu 475 000 habitants en à peine une décennie . Les communes de moins de 2 500 habitants, elles, ont perdu 328 500 habitants sur la même période (leur part dans la population totale est passée de 28 % à 26 %).

Évolution du nombre de communes de moins de 2 500 habitants
et de la population y résidant, entre 2010 et 2021

Source : Sénat, données issues des rapports « les collectivités locales en chiffres »

Évolution de la population par département, de 1968 à 2018

S ource : Observatoire des territoires - Territoires et transitions, enjeux démographiques, décembre 2021.

Observée à l'échelle départementale, le déclin démographique a concerné plus d'une trentaine de départements rien qu'entre 2011 et 2016 , majoritairement situés le long d'une ligne allant des Ardennes au Lot (la « diagonale du vide »), ainsi que l'illustre la carte ci-après, produite par l'Observatoire des territoires.

Or, ces départements se caractérisent, notamment, par une proportion plus importante d'espaces très peu denses que dans le reste de la France. Alors que ces espaces très peu denses recouvrent en moyenne 34,4 % du territoire français, ce ratio est de 48 % dans le Lot, de 52 % en Corrèze, de 59 % dans les Ardennes, de 70 % dans le Cantal, de 79 % en Lozère, ou encore de 81 % dans la Creuse. L'observation est la même sur une plus longue période : entre 1975 et 1999, vingt-deux départements ont perdu des habitants , notamment sur fond de désindustrialisation, et toujours le long du même axe 9 ( * ) . Cet espace de déprise démographique s'étend en outre désormais à l'est du Bassin parisien et vers le nord , touchant la Somme, la quasi intégralité de l'Aisne et grignotant le nord-ouest de l'Hexagone , dans la partie eulérienne du Perche et le pays dunois (Eure et Loir), le pays vendômois (Loir et Cher), le nord du Bassin ligérien (Mayenne et Sarthe) et une grande partie de la Manche (région de Mortain et Nord Cotentin).

Par ailleurs, le nombre de départements en déprise démographique n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui . Si seuls 18 départements connaissaient une décroissance démographique de leur population en espaces très peu denses entre 2008 et 2013, ils sont désormais 65 concernés sur la période allant de 2013 à 2018.

Non seulement la zone de chalandise des commerces des communes rurales de ces départements est « naturellement » étroite (du fait des distances qui séparent les communes entre elles), mais les opportunités commerciales diminuent donc à mesure que la population décline . Or la première condition du maintien d'un commerce est, ainsi que l'ont rappelé l'ensemble des acteurs entendus, la présence d'une clientèle suffisante pour que l'activité soit rentable. En outre, ce constat est renforcé pour les communes rurales, dont les rares commerces présents sont des commerces « du quotidien », et qui ne peuvent donc compter que sur les achats des habitants alentours ; pour eux, la perte de population est directement synonyme de perte d'activité.

Or, en se fondant sur l'ancienne définition de l'Insee des communes rurales, à savoir : « une commune rurale est une commune n'appartenant pas à une unité urbaine 10 ( * ) », il semblerait que 40 % des communes rurales ont vu leur population diminuer entre 1968 et aujourd'hui 11 ( * ) .

Le lien entre la vacance des logements et la morosité commerciale a, du reste, récemment été tiré par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), dans une décision du 15 décembre 2021, à propos d'une enseigne souhaitant s'implanter à La Seyne-sur-Mer : « si le centre de la commune de La Seyne-sur-Mer présente un taux de vacance commerciale de 19,9 %, cet élément doit être relié à sa très faible attractivité intrinsèque, dont témoigne le taux de logements vacants » .

Le phénomène de déprise commercial, s'il ne concerne pas toutes les communes rurales, frappe donc particulièrement cette catégorie de collectivités.

b) Au-delà, d'autres évolutions socioéconomiques qui pénalisent le commerce dans les communes rurales

Les causes de la déprise commerciale sont multiples : au déclin démographique doivent être ajoutés le choix de la périphérie des villes moyennes alentours pour résider, le vieillissement de la population, le manque d'attractivité et de dynamisme de certaines communes rurales, une image parfois négative de certaines collectivités ou territoires en raison de la disparition des services publics et des services médicaux.

Par ailleurs, la complexité de règlementations parfois non maîtrisées par les élus en matière d'urbanisme, de construction et d'aménagement a pu décourager certains porteurs de projets commerciaux, de même que la baisse des travaux d'infrastructures ou d'entretien de certains équipements publics en raison de l'endettement des communes.

En tout état de cause, les zones rurales présentent des caractéristiques qui les exposent, presque par nature, à une forme de fragilité du secteur commercial.

Premièrement, elles disposent d'une faible (voire inexistante) clientèle de flux : les trajets domicile / travail, qui augmentent à mesure que les emplois proposés sur le territoire de la commune ne sont plus assez nombreux, conduisent les clients à privilégier les achats dans des structures dans lesquelles ils trouvent une offre plus large et regroupée que celle présente dans un bourg ou un village (le centre commercial près du lieu de travail, le supermarché sur la route du retour, etc.). En semaine, le client ne souhaite en effet pas « faire le tour » des commerçants lorsqu'il peut faire toutes ses courses au même endroit. De ce fait, les communes rurales qui ne sont pas situées à proximité de l'axe routier départemental ou national sont celles qui souffrent le plus. En outre, le développement du télétravail peut conduire les personnes résidant en périphérie des communes à privilégier les achats dans ces zones commerciales.

Deuxièmement, les formats de magasins ruraux correspondent essentiellement aux achats de dépannage ou du « quotidien », ce qui limite la variété de la gamme de produits proposés.

Troisièmement, la combinaison de ces fragilités intrinsèques les expose, plus que d'autres, au développement des grandes surfaces de périphérie. S'il est généralement inexact de lier la déprise commerciale d'un centre-ville à l'activité commerciale de sa périphérie (ce sont en effet les clients qui ont quitté les centres-villes pour résider en périphérie, les commerces n'ayant souvent fait que les suivre), il est vrai que ce lien de causalité est plus pertinent pour les petites communes rurales, qui se trouvent dans des bassins de vie très étendus. L'Insee a, du reste, établi que pour les villes isolées et de périphérie, la création d'une grande surface supplémentaire pour 10 000 habitants accroissait le risque de sortie d'un petit commerce de proximité deux ans après 12 ( * ) .

Sans que la population d'un centre-ville donné n'ait déménagé, la création d'un supermarché ou d'un hypermarché en périphérie d'une ville voisine représente une nouvelle concurrence pour les épiceries, boulangeries, boucheries et autres commerces du quotidien de ce centre-ville, puisqu'elle regroupe ces différentes activités en un seul et même lieu. En présentant une offre diversifiée, souvent à des tarifs plus abordables, le long d'un axe de transport fréquenté (par exemple lors du retour du travail), la grande surface de périphérie draine une clientèle qui, progressivement, se détourne des commerces de proximité dont l'offre est moins variée, et qui nécessite un temps de courses potentiellement plus important. En outre, le temps où les produits de supermarché étaient d'une qualité bien inférieure à ceux trouvés dans les petits commerces semble, pour partie, révolu.

L'exemple de la boulangerie , mentionné aux rapporteurs lors des auditions, est parlant : alors que les supermarchés réapprovisionnent leurs rayons « pain » plusieurs fois par jour, offrant une qualité à peu près constante tout au long de la journée (croissants chauds, pain croustillant, etc.), il est difficile pour un boulanger de très petite commune d'en faire autant, compte tenu des coûts (de personnel mais aussi de nettoyage, de préparation, etc.) que cela implique alors que sa rentabilité est déjà faible.

c) Au total, plus d'une commune rurale sur deux ne dispose plus d'aucun commerce

Alors qu'en 1980, les trois quarts des communes rurales disposaient d'au moins un commerce (épicerie, tabac, boulangerie, etc.), ce n'est plus le cas que de 41 % d'entre elles. 59 % des communes rurales n'ont, en effet, plus aucun commerce de proximité 13 ( * ) . Plus de 25 % des habitants en milieu rural vivent dans une commune dépourvue de tout commerce.

Dans ces communes, la moitié des habitants doivent parcourir plus de 2,2 kilomètres pour atteindre une boulangerie, ce qui traduit bien une inadéquation entre les besoins de la population et les services auxquels elle a accès.

À l'échelle nationale, selon les données transmises par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) :

- 2 399 communes sont dépourvues de tout commerce et de service de proximité en 2021 ;

- 20 % des communes ont au maximum deux commerces et services de proximité ;

- 50 % des communes disposent d'un maximum de 7 commerces et services de proximité ;

- En excluant les artisans (plombier, couvreur, chauffagiste, menuisier, charpentier, serrurier, maçon, plâtrier, peintre, électricité etc.) du panier de référence de 12 services, utilisé à l'appui de l'étude commandée par l'ANCT, il existe 6 939 communes sans services et commerces de proximité .

Temps d'accès routier médian à un panier d'équipements de la vie courante

Le temps d'accès routier médian en heure pleine à un panier d'équipements de la vie courante permet d'appréhender la dimension géographique de l'accès aux services (dont les services commerciaux, mais pas uniquement). Dans la quasi-totalité des régions métropolitaines, le temps médian d'accès aux équipements de la vie courante est compris entre trois et quatre minutes.

Toutefois, beaucoup d'intercommunalité des zones les moins denses connaissent des temps d'accès médians supérieurs à neuf minutes : 70 EPCI sur les 1 240 EPCI métropolitains. Les écarts sont particulièrement marqués entre le chef-lieu et le reste du département dans les territoires les moins denses. À titre d'exemple, sur les trois départements du Cantal, de l'Aveyron et de la Lozère, la moitié des bassins de vie ont un temps d'accès supérieur à huit minutes et pour 25 % d'entre eux, il est supérieur à 10,3 minutes.

Part de la population à plus de 7 ou 15 minutes d'un commerce

Source : Rapport d'information de l'Assemblée nationale sur le rôle et l'avenir des commerces de proximité dans l'animation et l'aménagement des territoires.

Source : Agence nationale de la cohésion des territoires, Insee, 2021.

Plusieurs éléments chiffrés ont été mis en avant, au cours des auditions des rapporteurs, pour décrire la progressive déprise commerciale des communes qui disposent encore de certains commerces :

• selon la Confédération générale de l'alimentation de détail, les communes rurales ont perdu 356 entreprises du secteur entre 2017 et 2018 (puis 56 supplémentaires entre 2018 et 2019) ;

• le nombre de débitants de tabac est passé de près de 33 000 en 2000 à 24 000 en 2020 , d'après les données chiffrées de la Confédération des buralistes. 40 % d'entre eux sont toutefois situés dans des communes de moins de 3 500 habitants ;

• le nombre d'établissements de débits de boissons (au sein du secteur de la restauration et des cafés) est passé de 4 5 000 en 2011 à 35 000 en 2018 d'après la Française des jeux, entraînant une baisse du nombre de points de vente FDJ. Si ces données concernent la France entière, les fermetures ont un impact socioéconomique plus marqué lorsqu'elles interviennent dans les communes rurales, compte tenu du fait que ces établissement commerciaux (tabac, bar, etc.), avec l'épicerie, étaient souvent les derniers de la commune ;

• selon l'Alliance du commerce, « les magasins d'habillement et de chaussures ont quasiment disparu dans le monde rural . [...] L'urbanisation de la population, l'avènement de la grande distribution, puis des grandes surfaces spécialisées, qui se sont particulièrement développées en périphérie des villes, expliquent ce phénomène de concentration relative de l'appareil commercial, qui a concerné tout d'abord le monde rural ». Pour cet organisme, « il est illusoire, s'agissant du moins du commerce de vêtements et de chaussures, d'imaginer un retour de boutiques classiques dans des gros villages et des bourgs isolés » ;

• selon l'Association de pharmacie rurale, 1 000 officines ont disparu en dix ans , dont la moitié en milieu rural.

Il apparaît donc clairement que le phénomène de déprise commerciale s'apparente à un cercle vicieux : de fermetures en faillites, ces communes rurales peinent à répondre aux besoins de leurs habitants, quand ce n'est pas tout simplement impossible. Ce sont, partant, des millions d'habitants qui vivent dans un désert commercial, subissant non seulement des trajets plus longs et onéreux, mais également un cadre de vie plus dégradé, moins convivial.

En 2020, selon les chiffres de la direction générale des entreprises, seulement 16,4 % des communes de moins de 1 000 habitants disposaient d'une boulangerie , et le taux d'équipement commercial moyen de ces petites communes n'était que de 36 % environ.

Taux d'équipement commercial par catégorie de commune et de commerce, 2020

Source : Sénat, à partir des données de la DGE.

2. L'ensemble du secteur commercial conserve toutefois un certain dynamisme mais se caractérise par un maillage territorial inégal
a) Une demande renforcée de proximité depuis quelques années

Le commerce de proximité dans son ensemble conserve un certain dynamisme ; sa résilience est d'autant plus remarquable qu'il a subi ces dernières années une succession de crises ( cf. infra ).

La déprise commerciale que subissent effectivement nombre de communes rurales ne doit pas occulter, par exemple, le regain d'intérêt que ce secteur suscite au niveau national, d'après les données chiffrées transmises par la Confédération générale de l'alimentation de détail : le nombre de boulangeries est ainsi passé de 31 366 en 2009 à 33 879 en 2019 (+ 2 513), et celui des boucheries de 15 252 à 16 166 .

Plus globalement, le nombre d'entreprises alimentaires de détail, qui représentent le commerce « du quotidien » par excellence, progresse dans les unités urbaines de moins de 10 000 habitants et dans les unités urbaines de plus de 200 000 habitants. Cet effet « sablier » ne concerne toutefois qu'à la marge les très petites communes rurales, comme vu supra . Au-delà des chiffres, les professionnels constatent depuis cinq ans un retour d'un besoin de proximité , notamment au travers d'une demande de produits locaux et d'une meilleure connaissance de l'histoire desdits produits . Il est, à cet égard, intéressant de constater que l'évolution du nombre d'entreprises artisanales en milieu rural (au sens de l'Insee, donc intégrant des communes de plus de 2 500 habitants) est à la hausse depuis plusieurs années, et que le poids de l'emploi artisanal dans l'emploi total est plus élevé dans ces zones que dans les autres territoires 14 ( * ) .

Évolution du nombre d'entreprises artisanales en milieu rural, 2012-2021

Source : CMA France.

Du reste, le nombre d'épiceries serait passé de 22 934 en France en 2014 à 28 661 en 2020 , soit une progression de 25 % en 6 ans. La Fédération du commerce et de la distribution note par ailleurs une hausse de 11,8 % de l'activité des magasins de proximité ruraux en 2020 15 ( * ) (supérettes, notamment), sans qu'il ne soit toutefois possible d'isoler le cas spécifique des communes de moins de 2 000 ou 2 500 habitants .

Les petits supermarchés ont en effet bénéficié d'un atout comparatif par rapport aux hypermarchés : celui de proposer une gamme de produits suffisamment élargie pour répondre à l'ensemble de la liste de courses du client en une fois, tout en étant moins éloignés et moins impersonnels que les gros hypermarchés. En outre, selon les représentants du Conseil du commerce de France, les populations paysannes, au patrimoine important mais aux revenus faibles, ont fait partiellement place à des populations aux revenus plus élevés (retraités des villes alentours, notamment), ce qui pourrait expliquer le surcroît de ventes des enseignes alimentaires.

Un début de changement d'ère en matière d'implantation de grandes surfaces commerciales peut par ailleurs être observé au travers de l'indicateur du nombre de mètres carrés autorisés chaque année par la Commission nationale d'aménagement commercial, bien qu'il faille le manier avec précaution 16 ( * ) :

• la surface moyenne des projets commerciaux est passée de 2 104 m² en 2016 à 1 513 en 2020 ;

• même avant crise, la surface de vente totale autorisée a diminué, passant de 2 millions de mètres carrés en 2016 à 1,3 million en 2019 (soit une baisse de 35 % alors que le nombre de projets soumis à autorisation n'a diminué « que » de 24 %) ;

b) Un type de consommation relativement homogène entre le consommateur rural et le consommateur urbain

Ainsi que l'ont observé les représentants de l'Alliance du commerce devant les rapporteurs, la nouvelle définition de l'Insee d'une commune rurale, qui porte à 33 % la part de la population y résidant, englobe également des villages ou petites unités urbaines qui sont sous influence d'un pôle urbain plus large. Les problématiques commerciales de ces communes ne sont pas les mêmes que celles qu'affrontent les collectivités plus isolées, en zone rurale très peu dense.

En termes de consommation de vêtements par exemple, la distinction entre rural et urbain n'a plus qu'un sens très limité : la quasi intégralité de la population est couverte par l'offre commerciale moderne, compte tenu des mobilités quotidiennes et de la périurbanisation. La majeure partie de la population rurale a accès aux produits proposés dans les pôles urbains, quand elle ne les commande tout simplement pas sur internet. En matière de consommation, « la ville est à la campagne » et « le consommateur rural, hors zones très peu denses et gros bourgs isolés, n'est en réalité pas si différent du consommateur urbain ».

Si ce constat est certainement exact en termes de type de produits pouvant être achetés, il n'en demeure pas moins vrai que l'accès à cette consommation implique des efforts (financiers, de temps, d'anticipation, etc.) très différents selon le lieu d'habitation du consommateur.

c) Un maillage très hétérogène du territoire par le commerce

Pour la moitié des habitants des communes rurales, acheter son pain implique de se déplacer en voiture à plus de deux kilomètres , alors que le trajet n'est que de quelques centaines de mètres au maximum en centre-ville de zone urbaine.

Selon un sondage OpinionWay pour Asterop, mené en 2018, les Français déclarent en moyenne parcourir environ deux kilomètres à Paris et dans sa région pour se rendre dans n'importe quel type de commerce, contre 12,2 kilomètres en zone rurale 17 ( * ) .

Ces différences de situation illustrent les difficultés que rencontrent les habitants de communes rurales à trouver une réponse commerciale adaptée à leurs besoins, en particulier lorsque la dernière épicerie, boulangerie, boucherie ou le dernier bar ferment.

À l'opposé, les périphéries de villes moyennes et grandes sont saturées d'espaces commerciaux , phénomène visible dans les transformations successives des entrées de ville. En 2016, un rapport 18 ( * ) de l'Inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) notait d'ailleurs que c'était dans les périphéries des villes moyennes qu'un certain dynamisme démographique pouvait être observé, et que le niveau de vie y était supérieur en moyenne que dans la centralité des villes moyennes (taux de pauvreté de 18,9 % contre 12,1 % en périphérie).

Pour les habitants qui habitent en périphérie des villes, l'offre est abondante, voire excessive compte tenu du fait que la croissance des surfaces commerciales atteint depuis vingt ans le double de la croissance de la consommation des ménages (3 % contre 1,5 %) 19 ( * ) .

3. Mieux connaître les zones rurales caractérisées par une accessibilité insuffisante aux commerces et aux services de proximité, à partir des besoins de la population

Nul n'imagine toutes les communes rurales de moins de 2 500 habitants disposer à nouveau de nombreux petits commerces de proximité variés, au centre-ville, prospérant grâce à une clientèle locale les fréquentant régulièrement. Le phénomène « d' évasion commerciale », décrit aux rapporteurs par plusieurs interlocuteurs, semble durable et irréversible pour certaines communes isolées, dont les habitants préfèrent faire l'ensemble des courses à un seul endroit lorsqu'ils ont utilisé leur véhicule pour s'y rendre, c'est-à-dire souvent dans la zone commerciale (ou le centre commercial) de la périphérie de la ville moyenne voisine. D'autant qu'au sein de ces centres-villes de petites communes rurales, les locaux vacants ne correspondent souvent pas, en termes de taille notamment, aux attentes des porteurs de projet.

Sous l'effet de la démographie (décroissance, vieillissement), du manque de dynamisme économique (faiblesse des revenus, faible croissance de l'emploi), du déplacement des zones de chalandise en périphérie , de facteurs conjoncturels (crise des gilets jaunes, crise sanitaire) et de l'évolution des pratiques commerciales, le commerce de proximité est donc en situation de fragilité dans les zones rurales de notre pays.

Dans celles qui souffrent d'une forte déprise commerciale, la baisse de population et l'allongement des trajets domicile-travail impliquent que les pouvoirs publics (État, élus locaux, réseau consulaire, acteurs économiques, etc.) élaborent une véritable stratégie territoriale d'implantation des commerces, qu'ils « pensent » au plus près du terrain les modalités d'organisation et de développement des structures commerciales, a minima à l'échelle de plusieurs communes ( cf. proposition n° 2 ).

Par conséquent, il importe que l'État dispose d' indicateurs fiables lui permettant de mesurer, dans les différents points du territoire rural, l'accessibilité des populations aux commerces et services du quotidien. Il s'agit là d'une prérequis indispensable pour concevoir une politique publique pragmatique et efficace au service des communes rurales, tant les situations de terrain peuvent être diverses (entre une commune de moins de 2 500 habitants sur le littoral, une commune dans l'aire d'influence d'une grande ville, une commune isolée, etc.).

Des indicateurs ont bien été constitués depuis plusieurs années à travers les travaux de l'Insee, repris et complétés par l'Observatoire des territoires, et permettent de rendre compte de l'accès effectif de nos concitoyens à des biens et services de la vie courante .

Toutefois, ces indicateurs ne trouvent pas, à ce jour, de prolongements dans les documents budgétaires , qui permettent de suivre la performance de l'utilisation des fonds publics.

En matière d' accès aux services publics , le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « cohésion des territoires » évalue le renforcement de la cohésion sociale et territoriale en France à partir du temps d'accès des usagers à une maison « France Services » 20 ( * ) .

En matière d' accès aux commerces et aux services privés , aucun indicateur n'existe à ce jour dans les documents budgétaires. Dès lors, sa création , qui relève de l'État, semble opportune 21 ( * ) .

À l'appui de cet outil, les rapporteurs préconisent la création d'un zonage d'identification des communes et intercommunalités rurales caractérisées par une accessibilité insuffisante aux commerces et aux services de proximité et par une offre insuffisante d'équipements commerciaux et artisanaux. Ce zonage servirait de socle pour déployer un nouveau programme d'actions territorialisées de soutien aux territoires ruraux , associé à des moyens financiers, juridiques et fiscaux ( voir proposition n° 2 ). Il serait défini par arrêté ministériel en partant des ressentis et des besoins des élus du territoire , c'est-à-dire sur le fondement des demandes des communes et intercommunalités , après consultations des régions , tout en prenant en compte certains indicateurs partagés. En outre, la définition préalable de ce zonage de revitalisation et d'accessibilité pourrait utilement nourrir les travaux relatifs à la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité ( voir proposition n° 5 ) qui prendra principalement appui sur les zones de revitalisation rurale (ZRR).

Les indicateurs d'accessibilité pourraient s'inspirer, par exemple, de ceux utilisés en matière d' accès aux soins .

L'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL) aux soins

En matière d'accès territorial aux soins, l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), développé par la DREES et l'IRDES, permet de mesurer l'adéquation spatiale entre l'offre et la demande de soins de premier recours à une échelle géographique fine. Disponible à l'échelle communale et constitué à partir des données de l'assurance-maladie et de l'Insee, l'APL révèle les disparités dans l'offre territoriale de soins.

Cet indicateur n'est, à ce jour, pas utilisé pour mesurer la performance des crédits budgétaires inscrits dans le programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « santé », qui s'appuie sur d'autres indicateurs plus spécifiques pour mesurer l'amélioration de l'état de santé de la population et la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé (taux de couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 65 ans et plus, taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal pour les personnes de 50 ans à 74 ans, prévalence du tabagisme quotidien en population de 18 ans à 75 ans).

En revanche, cet indicateur fait partie des données utilisées par les agences régionales de santé (ARS) pour déterminer, par arrêté, les « zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins » dites zones sous-dotées et, à l'inverse, les « zones dans lesquelles le niveau de l'offre est particulièrement élevé » dites zones sur-dotées.

Proposition n° 1 - Renforcer la connaissance sur le phénomène de déprise commerciale en zones rurales et identifier les zones à forts enjeux d'accessibilité commerciale pour nos concitoyens afin d'adapter en conséquence nos politiques publiques en :

- constituant, à partir des données déjà disponibles, un indicateur d'accessibilité potentielle aux commerces et services dans les documents budgétaires permettant d'objectiver la situation vécue par nos concitoyens et d'appuyer des diagnostics territoriaux [État] ;

- créant un zonage réglementaire d'identification des communes rurales caractérisées par une offre insuffisante en matière de commerces et de services, listées par arrêté ministériel, sur proposition des régions, à partir d'une consultation des intercommunalités et communes [État].

B. DÉFINIR UN PROGRAMME D'ACTIONS SPÉCIFIQUES ET TERRITORIALISÉES POUR SOUTENIR LE MAINTIEN ET LE DÉVELOPPEMENT DES COMMERCES ET SERVICES EN ZONES RURALES

Dans les communes rurales de moins de 2 500 habitants, la zone de chalandise est souvent trop étroite pour assurer la rentabilité d'une boulangerie, d'une boucherie, d'une épicerie, par commune . Il semble plutôt préférable d'assurer une coordination entre petites communes rurales pour planifier et organiser l'itinérance de certains commerçants ainsi que l'implantation de tel ou tel commerce du quotidien.

Mettre au point ces stratégies territoriales, qui devront s'attacher aux besoins de la population en termes de commerces et de services de proximité, implique d'élaborer une véritable politique publique à destination de ces communes rurales .

Or s'il existe des plans spécifiques pour 234 villes moyennes 22 ( * ) (Action Coeur de Ville) et environ 1 600 petites villes 23 ( * ) (Petites Villes de demain), il ressort des auditions menées par les rapporteurs que l'État ne s'est doté d'aucune stratégie d'ensemble et de long terme pour les territoires ruraux et hyper-ruraux , pour appréhender au mieux leurs problématiques de déprise commerciale et entamer leur revitalisation. Les rapporteurs considèrent dès lors que la maille territoriale des programmes de revitalisation actuels est trop large .

Aussi, sans remettre en cause l'intérêt des programmes d'actions territorialisés mis en place depuis 2017, les rapporteurs observent que des zones blanches demeurent et appellent le Gouvernement à se saisir des solutions qu'ils proposent pour les 6 à 8 millions de personnes qui ne sont couvertes que partiellement par ces programmes à ce jour.

En particulier, ils appellent à la mise en oeuvre d'un nouveau programme au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ciblant « 400 territoires de commerces » au sein des communes constituant des centres locaux fragiles et au sein de communes non-centres qui présentent déjà des équipements à partir desquels de nouveaux flux pourraient être créés.

1. Les territoires ruraux continuent de présenter des fragilités importantes et ont besoin d'un soutien renforcé des pouvoirs publics en matière d'équipements, source de nombreuses externalités positives

Les territoires ruraux font plus que jamais face à des enjeux majeurs : isolement, paupérisation, mobilité importante, déficit d'équipements, difficultés d'attractivité (démographie, implantation d'entreprises). Un soutien renforcé de l'État est donc nécessaire.

a) Les territoires ruraux et hyper-ruraux concentrent des enjeux majeurs pour la France du XXIème siècle

Des fractures territoriales persistent dans notre pays, au détriment des territoires ruraux.

• Du point de vue du niveau de vie et de la mobilité sociale , la situation des territoires ruraux demeure contrastée , malgré le développement des emplois industriels. Ainsi, les niveaux de vie sont globalement plus faibles dans les espaces ruraux : la moitié des résidents des communes rurales sous forte influence des pôles a un niveau de vie inférieure à 23 220 euros par an et ce niveau de vie médian est seulement de 20 040 euros par an dans les communes rurales autonomes très peu denses 24 ( * ) .

La proportion de ménages aisés diminue à mesure que l'on s'éloigne des pôles, de même que la part des ménages pauvres et modestes augmente : la part des personnes pauvres représente ainsi 8,5 % dans les communes rurales sous forte influence des pôles tandis qu'elle est de 17 % dans les communes rurales autonomes très peu denses (contre environ 15,6 % dans les territoires urbains 25 ( * ) ).

En outre, 26 % des habitants des communes rurales pensent qu'ils ont un risque de devenir pauvres dans les 5 prochaines années , contre 18 % des habitants des communes de plus de 100 000 habitants et 17 % des habitants de l'agglomération parisienne 26 ( * ) .

Enfin, la part des 15-24 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) dans un établissement d'enseignement secondaire ou supérieur est plus élevée dans les territoires très peu denses , peu denses et intermédiaires que dans les territoires denses.

Part de la population des 15-24 ans
ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET)

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

• Du point de vue de la cohésion sociale , les territoires ruraux sont en première ligne pour relever le défi de la prise en charge de la dépendance .

Ainsi, les territoires ruraux accueillent la plus forte proportion de personnes âgées : 23,2 % pour les territoires très peu denses, soit + 2,1 points entre 2011 et 2016. Dans les villes bénéficiaires du programme Petites Villes de demain, 24,5 % de la population a plus de 65 ans ou plus, contre environ 20 % pour la France métropolitaine. À l'inverse, les personnes de 65 ans et plus représentent 18,4 % de la population urbaine.

Part des personnes de 65 ans et plus par catégorie de communes

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

• Du point de vue du développement économique , les territoires ruraux présentent également de nombreuses fragilités.

Le taux de création d'entreprises demeure structurellement bas dans les communes très peu denses (12,6 %) et peu denses (12,7 %) en comparaison des taux constatés dans les villes de densité intermédiaire (13,6 %) et denses (18,4 %) et ce, malgré une amélioration de 2 points environ sur la période 2018 2019 par rapport à 2015 2016. Le dynamisme demeure plus fort dans les communes denses.

Taux de création d'entreprises par catégorie de communes

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

En outre, les communes très peu denses qui subissaient déjà un recul significatif de l'emploi sur la période 2006-2011 (- 0,16 % par an en moyenne) ont connu cinq années encore plus difficiles (-0,44 % sur la période 2011 2016).

Taux de croissance de l'emploi par catégorie de communes

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

Enfin, l'amélioration du taux de couverture de l'emploi 27 ( * ) , par la redynamisation commerciale, permettrait aux communes rurales de tirer davantage de ressources de leurs territoires. À l'heure actuelle, seul un tiers de la population des territoires très peu denses travaille dans une commune de ce type , un autre tiers travaille dans une commune peu dense, le reste se répartissant dans les territoires de densité intermédiaire et les territoires denses.

Taux de couverture de l'emploi par catégorie de communes

Source : Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

b) Soutenir le commerce et l'artisanat en milieu rural ne présente que des avantages

Dès lors, compte tenu de ces constats sur les fragilités des territoires ruraux, les rapporteurs sont convaincus que soutenir le commerce et l'artisanat en milieu rural ne présente que des avantages.

• En premier lieu, les commerçants et artisans sont la vitalité des territoires ruraux , en participant non seulement au développement économique local mais aussi à la préservation du lien social .

Ainsi, les artisans et commerçants représentent près de 10 % des actifs en emploi dans les territoires ruraux très peu denses et 9 % dans les territoires ruraux peu denses , contre 6 % des actifs en emploi dans les territoires urbains 28 ( * ) . Dans une logique de développement global des communes rurales, le maintien et le développement des commerces permettent d'attirer de nouveaux habitants et de nouvelles activités.

À noter, en particulier, que l'accès des seniors aux commerces constitue un enjeu particulièrement aigu dans les territoires ruraux . Rapprocher les commerces des populations âgées est aussi une réponse territoriale à l'enjeu de la dépendance et facilite la vie des aidants .

Dans les territoires de très faible densité, part de la population âgée de 75 ans et + se trouvant à plus de 10 minutes en voiture en situation d'heures creuses d'un panier de services de la vie courante

Source : Territoires et transitions, Observatoire des territoires, 2021.

• En second lieu, renforcer le maillage commercial et artisanal du territoire est aussi un moyen de maîtriser l'empreinte carbone liée à la mobilité pour accéder à des équipements nécessaires à la vie courante et pour accéder à l'emploi : 90 % des habitants des zones rurales et des habitants des couronnes périurbaines disposent d'une voiture à l'heure actuelle contre à peine plus de 30 % à Paris ( voir figure ci-dessous ).

Les habitants hors pôles urbains sont à l'origine de 61 % des émissions théoriques de CO 2 alors qu'ils représentent 49 % de la population, car ils détiennent davantage de véhicules et circulent plus 29 ( * ) .

Le développement des emplois liés au commerce et à l'artisanat permettrait ainsi non seulement de maitriser l'empreinte écologique des déplacements de consommation mais aussi l'empreinte écologique des déplacements domicile-travail .

Ménages possédant au moins une voiture selon le type de commune de résidence en 2017

Source : Insee 2021, La France et ses territoires.

• En troisième lieu, dans une logique de préservation du pouvoir d'achat de nos concitoyens , éviter des trajets en voiture, même petits, permet de réduire en partie les dépenses de carburant .

Compte tenu de l'augmentation très importante du prix des carburants et du fait que les habitants des zones rurales parcourent en moyenne environ 8 000 kilomètres par an en voiture, contre 1 000 kilomètres par an pour un habitant du centre de Paris ou 3 000 kilomètres par an en voiture pour les habitants des autres grandes aides urbaines, rapprocher le commerce des habitants est une mesure favorable au pouvoir d'achat et donc au bien-être économique des habitants des territoires ruraux .

Le renforcement du commerce de proximité dans ces zones éviterait ainsi des trajets supplémentaires à des habitants qui prennent déjà souvent leur voiture pour aller travailler.

Distance parcourue en voiture par habitant en 2017

Source : Insee 2021, La France et ses territoires.

c) L'approche par la notion de « centralité » ne doit pas conduire à délaisser les communes rurales en perte de vitesse

En 2019, l'ANCT a commandé une étude visant à identifier les communes exerçant des fonctions de centralités en matière d'équipements et de services , afin d'adapter son action. Cette étude, réalisée en 2019-2020 par le laboratoire CESAER, a guidé l'élaboration du programme national Petites Villes de demain ( voir infra ).

L'étude identifie 10 774 centres d'équipements classés selon quatre catégories :

- 7 010 centres locaux représentent 20 % des communes et 11,5 millions d'habitants (18 % de la population française) ;

- 2 880 centres intermédiaires représentent 8,3 % des communes et 14,9 millions d'habitants (23 % de la population française) ;

- 742 centres structurants représentent 2 % des communes et 15,2 millions d'habitants (23,7 % de la population française) ;

- 142 centres majeurs représentent 0,4 % des communes et 14,2 millions d'habitants (22,1 % de la population française).

En complément, 24 067 non centres , représentant 69 % des communes, regroupent 8,5 millions d'habitants (13,2 % de la population française).

Le niveau d'équipements constaté dans la plupart des communes non-centres est jugé « insuffisant, voire très insuffisant » et ne leur permet pas de jouer un rôle de centralité, tant pour leur population que pour celles des communes alentours. En particulier, 1 414 communes non-centres, très peu peuplées, ne disposent d'aucun équipement sur leur territoire .

Étude sur les centralités - CESAER 30 ( * ) /ANCT - 2020

Une centralité se définit par diverses fonctions (administratives, économiques, commerciales), par le rang du lieu concerné dans la hiérarchie urbaine (village, ville, petit pôle, grand pôle d'emplois etc.) et par son environnement géographique (voisinage avec d'autres communes qui exercent ou non des fonctions de centralités).

La population d'une commune non-centre est en moyenne de 353 habitants, un centre local d'équipements et de services compte en moyenne 1 642 habitants, un centre intermédiaire 5 180 habitants, un centre structurant 20 609 habitants et un centre majeur un peu plus de 100 000 habitants. Cependant, cette relation entre le volume moyen d'habitants et le niveau d'équipements n'est pas systématique et une commune de 10 000 habitants peut aussi bien se révéler être un centre intermédiaire, un centre structurant, voire plus rarement un centre majeur.

Les centres locaux offrent une douzaine d'équipements et de services à la population (salon de coiffure, restaurant, artisans du bâtiment, école élémentaire, boulangerie, infirmier), observables dans 75 à 100 % de ces centres.

Les centres intermédiaires présentent une offre enrichie de 29 équipements par rapport aux centres locaux (médecin généraliste, chirurgien-dentiste, bureau de poste, banque, station-service, supermarché, école maternelle, collège etc.).

Les centres structurants offrent une quarantaine de services supplémentaires par rapport aux centres intermédiaires (lycée, services de santé et services aux particuliers spécialisés, équipements de sports, loisirs et culture comme un cinéma, une piscine ou une salle de remise en forme), dont certains sont essentiels mais dont le recours n'est pas quotidien, et les centres majeurs regroupent les services les plus rares sur le territoire (commerces de la grande distribution ou alimentaire spécialisés, services aux particuliers supplémentaires, services de l'administration judiciaire, services de l'administration fiscale, établissements scolaires et universitaires, équipements de sports, loisirs et culture supplémentaires tels que des théâtres, conservatoires, musées etc.).

Enfin, les 24 400 communes non-centres offrent moins d'une douzaine d'équipements et de service s : 2 490 communes ont un niveau d'équipements compris entre 14 et 28 mais elles sont identifiées comme non-centres car elles ne sont pas suffisamment dotées en équipements locaux, tandis que 20 163 non centres ont un niveau d'équipements s'échelonnant de 1 à 13.

Source : ANCT.

Pour les rapporteurs, cette étude doit être exploitée davantage afin d'adapter nos politiques publiques de soutien à l'attractivité et au développement des territoires ruraux. Ils considèrent en particulier que les centres identifiés comme « fragiles » 31 ( * ) doivent faire l'objet d'une attention spécifique et renforcée.

Les 25 départements qui dénombrent le moins de centres avec score défavorable (moins de 15 %) sont situés en Île-de-France, en Alsace, dans la vallée du Rhône, dans les Alpes du Nord et sur les façades atlantiques et méditerranéennes.

En revanche, 19 départements ruraux ou très ruraux, situés à l'écart des grandes métropoles, comptent davantage de centres fragiles tous niveaux confondus que de centres moyens ou dynamiques, par ordre décroissant : Haute-Marne, Creuse, Cantal, Orne, Lozère, Indre, Meuse, Nièvre, Gers, Vosges, Allier, Aveyron, Aisne, Cher, Ariège, Dordogne, Corrèze, Lot-et-Garonne, Charente. En outre, indépendamment de la proportion, 6 départements comptent de nombreux centres fragiles : le Nord (65 centres fragiles), la Saône-et-Loire (63 centres fragiles), le Puy-de-Dôme (55 centres fragiles), le Pas-de-Calais (52 centres fragiles), la Somme et les Côtes d'Armor (45 centres fragiles), malgré une densité de centres plus importante que la moyenne et une proportion de centres fragiles inférieure à 50, voire 30 %.

Au total, selon l'étude, les 2 672 centres ayant les scores les plus défavorables enregistrent une baisse de la population et des emplois entre 2006 et 2016 (avec respectivement -0,33 % par an contre 0,96 % pour l'ensemble des centres et -0,98 % contre 0,39 %). Le revenu médian disponible par unité de consommation est inférieur de 2 458 € par rapport à la moyenne des centres. Ces centres sont également en situation de dépendance « territoriale » avec un temps de report moyen au centre de niveau équivalent le plus proche de 14 minutes contre 10 en moyenne pour l'ensemble des centres. Plus spécifiquement :

- sur les 1 725 centres locaux en situation défavorable , 83 % sont des communes rurales qui animent seules leurs aires de desserte. À l'inverse, les centres locaux les plus dynamiques sont situés pour la plupart en banlieue ou en proche périphérie des grands pôles urbains ;

- 30 % des centres locaux , parmi ceux ayant le statut de commune rurale, sont dans une situation de fragilité . À l'inverse, les centres locaux faisant partie d'une unité urbaine présentent des situations plus favorables ;

- 7 centres locaux sur 10 situés dans les communes isolées hors influence des pôles présentent des fragilités , contre 4 centres sur 10 dans les communes multipolarisées et 3 sur 10 dans les petites et moyennes aires urbaines.

L'étude conclut en rappelant : « le constat est donc toujours le même : un centre local, rural et isolé, est plus vulnérable que des centres locaux urbains, associés entre eux ou avec des centres de niveaux supérieurs . La présence de nombreux centres, qui plus est autour d'un grand pôle urbain, est plus fréquemment associée à un dynamisme démographique et économique ».

Source : ANCT, CESAER, étude sur les centralités, 2020.

Les rapporteurs considèrent que les politiques publiques de soutien à l'attractivité et au développement des territoires ruraux devraient être orientées de façon plus importante vers les centres fragiles .

2. Le maillage territorial des politiques de soutien à la revitalisation commerciale doit être resserré pour mieux répondre aux fragilités des territoires ruraux : déployer un programme complémentaire « 400 territoires de commerce »

Depuis 2017, le Gouvernement a fait le choix de concentrer en priorité son action sur des communes qui occupent une situation-clé de centralité dans des territoires souvent isolés .

Ce sursaut était positif et nécessaire, mais les deux commissions appellent à ce qu'une attention plus importante soit portée aux territoires en perte de vitesse , en revalorisant les fonctions de centralités de communes en difficulté. Sur ce sujet, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et la délégation sénatoriale aux entreprises ont lancé une mission conjointe visant à évaluer les politiques de revitalisation mises en oeuvre par le Gouvernement depuis 2017, qui devrait rendre ses conclusions dans les prochains mois et nourrir les prochaines échéances législatives, en complémentarité avec le présent rapport.

a) L'Agence nationale de la cohésion des territoires : un opérateur pilote pour les politiques de revitalisation territoriale

Créée par la loi du 22 juillet 2019 32 ( * ) , l'ANCT est l' opérateur-clé pour le portage des politiques de revitalisation territoriale , « notamment commerciale et artisanale » 33 ( * ) , du fait de son lien avec les administrations déconcentrées de l'État - le préfet de département étant le délégué territorial de l'agence - et des compétences qu'elle concentre.

À ce titre, l'ANCT pilote la mise en oeuvre et le suivi des programmes Action Coeur de Ville et Petites Villes de demain , en lien avec ses opérateurs partenaires : Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), pour les territoires urbains, Agence nationale de l'habitat (Anah), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), Caisse des dépôts et consignations (CDC) et sa filiale Banque des territoires. Les conventions pluriannuelles conclues entre l'ANCT et ses partenaires, dans les conditions prévues à l'article L. 1233-3 du code général des collectivités territoriales, permettent de coordonner les actions dans les territoires.

Par ailleurs, le comité local de cohésion territoriale , dont la création a été prévue lors de l'examen du texte au Sénat 34 ( * ) , constitue un lieu indispensable d'échanges et de rencontres avec les élus locaux et permet également une coordination des soutiens.

Le législateur a expressément prévu une intervention de l'ANCT vers les territoires les plus fragiles . Aux termes de l'article L. 1231-1 du code général des collectivités territoriales, son action « cible prioritairement [...] les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d'accès aux services publics », avec une attention particulière accordée aux zones mentionnées à l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les zones rurales , les zones où s'opère une transition industrielle et les régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents.

En outre, dans le cadre des activités qu'elle a reprises de l'ex-établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) 35 ( * ) , l'ANCT intervient dans la maîtrise d'ouvrage de plusieurs projets de revitalisation . À cet égard, elle pilote le déploiement du fonds de restructuration des locaux d'activités, abondé à hauteur de 60 millions d'euros dans le cadre du plan de relance et qui intervient dans les villes moyennes en déclin mais également dans les communes classées en zones de revitalisation rurale (ZRR). Selon les informations communiquées par la direction générale des collectivités locales (DGCL), au 31 décembre 2021, 41,1 millions d'euros de crédits étaient déjà réservés sur l'enveloppe nationale.

b) Action Coeur de Ville (ACV) : 4 ans après le début du programme, un premier bilan positif

Annoncé en 2017 et lancé en mars 2018 à la suite d'une première expérimentation territoriale, le programme Action Coeur de Ville est piloté par l'ANCT depuis sa création en 2019-2020. Articulé autour de cinq axes (réhabilitation-restructuration de l'habitat en centre-ville, développement économique et commercial, accessibilité, mobilités et connexions, mise en valeur de l'espace public et du patrimoine, accès aux équipements et services publics), il s'adresse en priorité aux villes dites « moyennes » , c'est-à-dire les villes d'environ 20 000 habitants et jusqu'à 150 000 habitants, en investissant dans la revitalisation des centres villes . Le Sénat avait d'ailleurs salué la mise en place de ce programme, qui concrétise plusieurs propositions avancées par les sénateurs, en particulier Rémy Pointereau et Martial Bourquin , depuis l'été 2017 36 ( * ) et qui ont été prolongées par l'adoption d'une proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs le 14 juin 2018 au Sénat 37 ( * ) .

Depuis son lancement et d'après le bilan tiré par l'ANCT en février 2022, ce programme a produit des résultats positifs pour les 222 territoires concernés, qui rassemblent 234 villes moyennes en métropole et en outre-mer, ce dont les rapporteurs se réjouissent.

Sur les 5 milliards d'euros prévus pour la période 2017-2022 38 ( * ) , environ 3,8 milliards d'euros ont déjà été engagés et la totalité de l'enveloppe devrait être consommée d'ici à la fin de l'année 2022.

Consommation des crédits du plan Action Coeur de Ville

2017-2022

Au total, au 31 décembre 2021, plus de 6 000 actions ont été engagées , dont 3 000 actions concrètes mises en oeuvre. En particulier 39 ( * ) :

- 14 233 logements ont été réhabilités ou construits par Action Logement ;

- 52 504 logements ont fait l'objet d'un conventionnement avec l'Agence nationale de l'habitat ;

- 269 prêts ont été accordés par la Banque des territoires ;

- 109 managers de commerce ont été financés par la Banque des territoires, pour un montant total d'environ 4,2 millions d'euros ;

- 81 projets de construction ou de réhabilitation de locaux d'activités sont mis en oeuvre par la Banque des territoires ;

- 35 antennes locales du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) ont été ouvertes dans des villes ACV ;

- 56 villes ACV (sur 66) ont été retenues pour accueillir des antennes de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), ce qui conduira au redéploiement d'environ 2 500 emplois dans ces territoires entre 2021 et 2024.

L'attractivité des territoires concernés a été renforcée : la fréquentation dans les centres-villes concernés a augmenté de 15 % en 2021 contre 2 % dans les centres-villes hors programme ACV. Ainsi, 80 % des centres-villes ACV ont observé une augmentation de leur fréquentation, créant ainsi des flux qui soutiennent le dynamisme commercial et l'activité. Le nombre de ventes immobilières a également augmenté de 14 % en 2020 par rapport à 2018 et 36 % des villes-centre du programme sont plus dynamiques que le reste de leur EPCI. Le prix médian de vente par appartement a augmenté de 7 % depuis 2018.

En revanche, les rapporteurs constatent que l'axe du programme relatif au développement économique et commercial semble moins développé à ce jour que l'axe relatif à la rénovation des logements, au-delà de la mise en place des managers de commerce. Trop peu de fonds sont aujourd'hui dirigés vers la dynamisation commerciale des centres-villes. L'efficacité du programme doit donc être renforcée sur ce volet.

De même, le taux de vacance de longue durée dans le parc privé de logements n'a que très légèrement diminué depuis 2018 (- 0,08 point soit 2 058 logements vacants en moins). Le taux de vacance commerciale , quant à lui, a augmenté d'un point, pour s'élever à 13 % en 2020 par rapport à la période pré-crise sanitaire.

Derrière ce bilan globalement positif, certaines situations locales sont plus contrastées. En outre, les élus locaux soulignent la nécessité de bien faire connaître l'ensemble des dispositifs associés au classement ACV aux acteurs économiques des territoires concernés , notamment les banques.

Dans ce contexte, lors du congrès annuel de l'association Villes de France à Blois, le 8 juillet dernier, le Premier ministre a annoncé la prolongation du programme jusqu'en 2026 . Pour cette prochaine phase du programme, l'adaptation des villes au vieillissement de la population pourrait figurer dans les thèmes d'action principaux, de même que la revitalisation des entrées de ville et des quartiers de gares . Une consultation des élus locaux devrait se tenir avant le lancement de cette phase. Pour les rapporteurs, l'opportunité d' intégrer de nouvelles villes dans ce programme devrait également être étudiée, afin de faire bénéficier un nombre plus important de territoires des bonnes pratiques tirées du retour d'expérience de la première phase de ce programme.

c) Petites Villes de demain (PVD) : un programme demandé par les élus locaux, en phase de déploiement

Annoncé lors des assises 2019 de l'association Petites Villes de France et répondant à une demande des élus locaux, le programme Petites Villes de demain (PVD) a été officiellement lancé le 1 er octobre 2020 . Il poursuit les mêmes objectifs que le plan ACV et déploie à la fois une offre d' ingénierie et un soutien financier direct mais s'adresse aux centralités de taille intermédiaire, en particulier à 1 646 communes 40 ( * ) de moins de 20 000 habitants .

Une enveloppe globale de 3 milliards d'euros est prévue pour 6 ans, mobilisant des crédits budgétaires recyclés du ministère de la cohésion des territoires et du ministère de la transition écologique ainsi que des fonds de la Banque des territoires et des crédits alloués à l'ANCT, au Cerema et à l'Anah. Le Gouvernement a précisé que ce montant global ne tient pas compte des crédits qui pourraient être mobilisés par les collectivités partenaires du programme et de crédits du plan de relance , notamment le fonds de restructuration des locaux d'activité.

Le programme PVD a également vocation à mobiliser d'autres dispositifs créés ces dernières années : les Fabriques de territoires (63 à date), les Manufactures de proximité (19), les Micro-Folies (36), le fonds friches (285 projets lauréats sur les deux premières vagues de l'appel à manifestation d'intérêt).

Les 10 mesures-clés du programme Petites Villes de demain

- financement jusqu'à 75 % du poste de chef de projet pour accompagner les collectivités dans la définition et la conduite du projet de territoire ;

- financement de postes de managers de centre-ville, avec une subvention de 40 000 euros pour 2 ans, et financement d'un diagnostic post-covid à 100 %, comprenant un plan d'actions en faveur de la relance du commerce de centre-ville ;

- accompagnement sur 2 jours pour mener une co-construction sur des actions complexes ;

- prise en charge d'une partie du déficit d'opération pour les projets de reconversion de friches urbaines, commerciales et industrielles, afin de réaménager des terrains déjà artificialisés ;

- financement de 1 000 îlots de fraîcheurs et d'espaces publics plus écologiques ;

- possibilité de bénéficier de réductions fiscales pour les travaux dans l'immobilier (dispositif dit Denormandie), dans le cadre d'une opération de revitalisation du territoire ;

- création de 800 maisons France Services, d'ici 2022 dans les communes du programme, avec une subvention annuelle de 30 000 euros et des aides à la formation et à l'investissement ;

- création de 200 Fabriques de territoire, tiers-lieux regroupant des services liés au numérique profitant à l'ensemble du territoire ;

- déploiement de 500 Micro-Folies, tiers-lieux numériques culturels développés par l'établissement de la Villette et financés jusqu'à 80 % par l'État ;

- aides financières et accompagnement de la Fondation du Patrimoine pour accélérer la rénovation du patrimoine non-classé.

Source : présentation du programme Petites Villes de demain.

Les rapporteurs saluent également la mise en place de ce programme et son caractère pluriannuel , qui permettent de relancer la politique de revitalisation territoriale après plusieurs années de délaissement voire d'abandon des petites centralités et de donner des outils aux équipes municipales pour développer leurs projets de territoire.

Quatre enseignements principaux ressortent de l'enquête menée par l'Association des petites villes de France (APVF) auprès de 1 000 collectivités lauréates du programme, à laquelle près de 400 communes ont répondu :

- le soutien à l'ingénierie de projet , notamment le financement du poste de chef de projet, est jugé satisfaisant par les collectivités et 95 % des communes interrogées disposent d'un chef de projet ;

- le soutien en financement et le manque de visibilité dans le temps constitue pour les élus la principale lacune du programme ;

- en revanche, seules 50 % des communes répondantes décrivent une bonne qualité de la relation avec l'ANCT dans les territoires . Les élus soulignent, en effet, un manque d'ancrage local de cet opérateur. De même, ils regrettent un manque de soutien d' Action Logement à ce stade dans la mise en oeuvre du programme ainsi qu'un manque d'implication des acteurs privés .

- globalement, les élus des petites villes tirent un bilan positif du programme, même si leurs attentes sont fortes s'agissant du soutien à l'investissement.

Ces observations font écho aux constats et propositions formulés dans le rapport de l'Inspection générale de l'administration de décembre 2021 intitulé L'ANCT : l'État déconcentré au service de la cohésion des territoires 41 ( * ) . Les inspecteurs proposent notamment de :

- revoir les modalités de mise en oeuvre des programmes nationaux territorialisés pour laisser davantage de liberté d'adaptation aux acteurs et ne pas déstabiliser les dynamiques ;

- mettre en place, au siège de l'ANCT, des modalités de pilotage des programmes favorisant un déploiement coordonné de ceux-ci sur les territoires ;

- donner au délégué territorial les éléments de cadrage et de suivi leur permettant d'être acteur et non spectateur des missions qui leur sont confiées par l'ANCT 42 ( * ) .

S'il est encore prématuré de dresser un bilan des effets concrets et observables du programme, compte tenu de son caractère récent, la dynamique ainsi créée apparaît positive . Au 24 février 2022, près de 623 chefs de projets sont en poste, correspondant à une action de pilotage sur 1 063 communes bénéficiaires du programme PVD. Ces postes ont bénéficié d'un financement d'environ 15 millions d'euros et 60 % des chefs de projets sont employés par un EPCI et 36 % par une commune. L'analyse des profils des personnes recrutées montre que les chefs de projet disposent en général d'une solide expérience : 18 % des chefs de projet ont plus de 20 ans d'expérience professionnelle, près de 51 % ont entre 5 et 20 ans d'expérience et 26 % entre 1 et 5 ans d'expérience et seuls 5 % des chefs de projet ont moins d'un an d'expérience. L'ANCT précise que 300 chefs de projets supplémentaires devraient être recrutés en 2022.

En outre, 1 579 communes lauréates du programme ont signé leur convention d'adhésion (96 % des communes), préalable à la signature d'une convention-cadre valant opération de revitalisation du territoire (ORT).

Sur le volet ingénierie et assistance à la maîtrise d'ouvrage, plus de 36 millions d'euros ont été engagés.

Au total, en additionnant le financement des chefs de projet et des études et assistances à maîtrise d'ouvrage, 20 % des crédits d'ingénierie prévus pour toute la durée du programme ont été engagés à date.

Sur le volet spécifiquement commercial du programme, 259 managers de commerce 43 ( * ) sont financés par la Banque des territoires pour un montant total de 10,3 millions d'euros et 196 solutions numériques ont été financées pour accompagner le e-commerce dans les communes PVD.

Sur le volet logement, 15 800 logements ont été réhabilités par l'ANAH dans 1 580 communes bénéficiaires. Afin de renforcer la complémentarité entre les deux programmes ACV et PDV, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a demandé aux préfets de désigner un référent , chargé de coordonner le programme PVD dans chaque département, de préférence identique au référent ACV.

Au-delà, les collectivités lauréates du programme PVD bénéficient de crédits du Fonds national d'aménagement du territoire ( FNADT ) de droit commun 44 ( * ) et du plan de relance 45 ( * ) . Les dotations de soutien à l'équipement et à l'investissement sont également mobilisées , respectivement à hauteur de 91,6 millions d'euros pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et 43,6 millions d'euros pour la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

d) L'opération de revitalisation territoriale (ORT) : un outil contractuel dédié à la revitalisation territoriale

Les opérations de revitalisation du territoire (ORT), créées par la loi dite ELAN du 23 novembre 2018 46 ( * ) et inspiré par les opérations de sauvegarde et de redynamisation (OSER) conçues par les sénateurs Rémy Pointereau et Martial Bourquin (rapport d'information et proposition de loi précitée), constituent un puissant outil par les nombreuses possibilités juridiques et fiscales qu'elles apportent aux collectivités concernées 47 ( * ) .

Elles s'inscrivent en complémentarité des programmes d'actions nationaux ACV et PVD précédemment décrits. Ainsi, sur les 278 ORT signées à date, concernant 484 villes 48 ( * ) :

- 223 villes sont également bénéficiaires du programme Action coeur de ville ;

- 127 communes sont labellisées Petites Villes de demain.

Au-delà, plus de 600 communes ont des projets d'ORT selon l'ANCT à date, dont 489 sont membres du programme PVD.

Les rapporteurs saluent à cet égard l'adoption, dans le cadre de la loi dite « 3DS » 49 ( * ) d'un dispositif permettant de conclure une ORT sur le périmètre d'une ou plusieurs communes membres d'un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, sans intégrer la ville principale de cet établissement . Deux critères ont été prévus, dont l'un a vocation à favoriser l'accompagnement des territoires ruraux : l'ORT doit présenter « une situation de discontinuité territoriale ou d'éloignement par rapport à la ville principale » de l'EPCI considéré.

e) Concevoir un programme complémentaire dédié à la revitalisation commerciale et à l'équipement des communes rurales et hyper-rurales qui passent « au travers » des programmes ACV et PVD

La comparaison entre les communes identifiées dans l'étude sur les centralités, réalisée pour le compte de l'ANCT, et la nouvelle grille de densité d'une part, avec les villes bénéficiaires des programmes ACV et PDV d'autre part, montrent des « zones blanches » dans nos politiques de revitalisation ou, du moins, des espaces qui mériteraient une attention accrue de la part des pouvoirs publics.

S'agissant du croisement entre les communes bénéficiaires des programmes ACV et PVD avec la nouvelle grille de densité , il ressort de l'analyse des éléments constitués par l'ANCT et l'Observatoire des territoires, à la demande des rapporteurs que :

- près de 80 % des communes bénéficiaires du programme ACV sont situées dans les espaces de densité intermédiaire ;

- à l'inverse, environ 72 % des communes bénéficiaires du programme PVD sont situées dans les espaces peu denses et 25 % dans des espaces de densité intermédiaire ;

- enfin, un peu plus de 36 % des communes bénéficiaires du programme PVD (599) sont des communes de moins de 2 500 habitants .

Dès lors, les rapporteurs considèrent que l'action des pouvoirs publics en matière de revitalisation commerciale et de développement économique devrait s'orienter davantage vers les espaces de faible densité . Ainsi, le programme « 400 territoires de commerce », qu'ils proposent de mettre en place ( cf. proposition 2 ci-après ), doit concerner en priorité des communes situées dans les espaces peu denses et très peu denses et des communes de moins de 2 500 habitants .

Répartition des communes bénéficiaires du programme ACV au regard de la nouvelle grille de densité

Nombre

%

Commune du programme Action coeur de ville (ACV)

France

Commune du programme Action coeur de ville (ACV)

France

Espaces densément peuplés

47

774

20,0

2,2

Espaces de densité intermédiaire

187

3 419

79,6

9,8

Espaces peu denses

1 50 ( * )

18 761

0,4

53,7

Espaces très peu denses

0

12 011

0,0

34,4

Total

235

34 965

100,0

100,0

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Répartition des communes bénéficiaires du programme PVD au regard de la nouvelle grille de densité

Nombre

%

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Espaces densément peuplés

3 51 ( * )

774

0,2

2,2

Espaces de densité intermédiaire

436

3 419

26,5

9,8

Espaces peu denses

1 191

18 761

72,4

53,7

Espaces très peu denses

16

12 011

1,0

34,4

Total

1 646

34 965

100,0

100,0

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Caractéristiques démographiques des communes bénéficiaires du programme PVD 52 ( * )

Nombre

%

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Moins de 2 500 habitants

599

30596

36,4

87,5

Entre 2 500 et 3 500 habitants

263

1220

16,0

3,5

Entre 3 500 et 5 000 habitants

281

959

17,1

2,7

Entre 5 000 et 10 000 habitants

383

1177

23,3

3,4

Entre 10 000 et 20 000 habitants

113

527

6,8

1,5

Plus de 20 000 habitants

3

469

0,2

1,3

Inconnu

3

17

0,2

< 0,1

Total

1 645

34 965

100,0

100

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Dans la même logique, le croisement entre les communes bénéficiaires des programmes ACV et PVD avec l'étude sur les centralités montre que :

- 90 % des communes bénéficiaires du programme ACV sont soit des centres majeurs soit des centres structurants ;

- près de 85 % des communes bénéficiaires du programme PVD sont soit des centres intermédiaires (71,2 %), soit des centres structurants ;

- plus de 2 centres majeurs sur 3 sont bénéficiaires du programme ACV et près de la moitié des centres structurants sont bénéficiaires du programme ACV ou PVD ;

- plus de 2 centres intermédiaires sur 3 bénéficient du programme ACV ou PVD ;

- seuls 3 % des centres locaux bénéficient d'un programme de revitalisation, en l'occurrence PVD.

Aussi, les rapporteurs considèrent qu'un soutien renforcé devrait être apporté en priorité aux centres locaux et à certaines communes non-centres disposant d'un panier limité de services, qui ne bénéficient que peu des programmes ACV et PVD à l'heure actuelle : aucun centre local ne bénéficie du programme ACV et environ 13 % des communes PVD sont des centres locaux (210 communes).

Répartition des communes bénéficiaires du programme ACV au regard de la typologie des centralités françaises

Nombre

%

Commune du programme Action coeur de ville (ACV)

France

Commune du programme Action coeur de ville (ACV)

France

Non centre

0

24 060

0

68,8

Centre local

0

7 012

0

2,1

Centre intermédiaire

6

2 880

2,6

20,1

Centre structurant

118

742

50,2

8,2

Centre majeur

96

142

40,8

0,4

Hors champ 53 ( * )

15

129

6,4

0,4

Total

235

34 965

100

100

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Répartition des communes bénéficiaires du programme PVD au regard de la typologie des centralités françaises 54 ( * )

Nombre

%

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

France

Non centre

5 55 ( * )

24 060

0,3

68,8

Centre local

210

7 012

12,8

2,1

Centre intermédiaire

1 172

2 880

71,2

20,1

Centre structurant

223

742

13,6

8,2

Centre majeur

0

142

0

0,4

Hors champ

35

129

2,1

0,4

Total

1 645

34 965

100

100

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Analyse des communes exerçant des fonctions de centralités qui sont également bénéficiaires des programmes ACV et PVD

Nombre

%

France

Commune du programme Action coeur de ville (ACV)

Communes du programme Petites villes de demain (PVD)

Total Communes

ACV + PVD

Part Communes du programmes ACV + PVD / total France

Centre local

7 012

0

210

210

3,0

Centre intermédiaire

2 880

6

1 172

1178

40,9

Centre structurant

742

118

223

341

46,0

Centre majeur

142

96

0

96

67,6

Total

10 776

220

1605

1825

16,9

Source : INRAE-CESAER, ANCT 2021. Contributions ANCT : pôle analyse et diagnostics territoriaux / Observatoire des territoires, mars 2022, pour CATDD et CAE (Sénat).

Dans la même logique de transversalité qui sous-tend les programmes ACV et PVD, les rapporteurs plaident pour la mise en oeuvre d'un programme dédié aux communes identifiées comme centres locaux ou non-centres. En particulier, ce programme devrait bénéficier à des centres locaux ou non-centres qui présentent des fragilités importantes . Il déploierait les mêmes instruments (soutien en ingénierie de projets, intervention en fonds propres), porterait sur les mêmes thématiques (rénovation, transformation écologique, développement des flux etc.) et avec la même dimension pluriannuelle .

Cette proposition relaie les demandes formulées auprès des rapporteurs lors des auditions, notamment par les acteurs économiques, qui plaident pour un soutien aux commerces et aux artisans dans les territoires ruraux. Il importe, en effet, de soutenir la modernisation et la transition digitale des activités concernées , de développer leur accompagnement et d' épauler les collectivités rurales dans la définition et la mise en oeuvre de leurs projets de revitalisation et de redynamisation territoriales.

Proposition n° 2 - Favoriser le maintien et le développement des commerces de proximité en zones rurales en mettant sur pied un nouveau programme d'actions territorialisé « 400 territoires de commerce » porté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin de renforcer l'équipement des territoires concernés en commerces et services (boulangerie, pâtisserie, magasins divers) dans l'objectif d'améliorer la vie quotidienne des Français concernés [État] :

- un programme conçu à partir du zonage réglementaire d'identification des zones rurales caractérisées par une accessibilité insuffisante aux commerces et aux services de proximité et une offre d'insuffisante d'équipements de consommation ( cf. proposition n° 1 ) et ciblé sur 400 périmètres communaux et intercommunaux sensibles , définis en concertation avec les élus ;

- un programme piloté par l'ANCT , en lien étroit avec les collectivités territoriales et les acteurs publics et privés concernés (unions professionnelles, Banque des territoires etc.). Un programme défini en associant la commission de concertation du commerce (3C) ;

- un programme alimenté par 600 millions d'euros sur 5 ans et mobilisant des crédits d'ingénierie de l'ANCT ainsi que des moyens en fonds propres. L'objectif est de soutenir environ 5 projets concrets dans chacun des 400 territoires identifiés, soit au total environ 2 000 projets de maintien ou d'implantations de commerces de proximité, soit au total environ 300 000 euros par projet en moyenne (certains projets pourraient nécessiter moins de fonds et d'autres davantage) ;

- un déploiement de 400 managers de revitalisation commerciale à l'appui, financé selon les mêmes modalités que les chefs de projet « Petites Villes de demain » ;

- dans ces zones, l'objectif du programme serait de conduire des opérations de réhabilitation de logements et de locaux commerciaux, de financer des diagnostics territoriaux, de financer des actions de préemption visant à recréer des espaces de convivialité et de prévoir des dérogations à des normes d'urbanisme et de construction nationales. En outre, dans ces territoires, afin de privilégier les locaux vacants des centres-villes, une interdiction de création de petites cellules commerciales, dont le nombre de mètres carrés serait inférieur à la moyenne du nombre de mètres carrés des commerces de centre-ville du même secteur d'activité, serait prévue dans les centres commerciaux.

II. SAISIR LES OPPORTUNITÉS DE LA « RURBANISATION » AMORCÉE AVEC LA CRISE SANITAIRE ET DES MUTATIONS CONTEMPORAINES DU COMMERCE POUR SOUTENIR SON DÉVELOPPEMENT EN ZONE RURALE

A. INCITER L'IMPLANTATION DE COMMERÇANTS ET ARTISANS EN ZONES RURALES POUR SOUTENIR LE RETOUR AMORCÉ DE CERTAINS CONSOMMATEURS DANS UNE STRATÉGIE GLOBALE DE DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

1. La crise sanitaire a affecté un secteur commercial déjà fragilisé

La crise de la covid-19 n'est pas le seul choc que le commerce dans son ensemble, et les commerçants de proximité en particulier, ont dû affronter ces dernières années :

• les attentats de 2015 et 2016 , puis les mouvements sociaux fin-2019 ont diminué les ventes de ce secteur 56 ( * ) , notamment pour les commerçants-artisans dont l'activité dépend du tourisme (hôtellerie 57 ( * ) , restauration) ;

• les violences commises durant trente samedis en marge du mouvement des « gilets jaunes » se sont traduites, en moyenne, par une baisse de 30 % du chiffre d'affaires 58 ( * ) des commerçants de centre-ville des villes moyennes et grandes. La diminution des ventes serait de 20 % environ le reste de la semaine en raison de l'évitement des centres-villes par les consommateurs. L'importance du choc est d'autant plus grande que la période concernée incluait les soldes d'hiver, Noël, le Nouvel-An et les fêtes de Pâques.

À ces évènements est venu s'ajouter l'impact de la crise sanitaire puis économique en 2020 et 2021 , dont la fermeture administrative des commerces qualifiés de « non essentiels » par le Gouvernement a représenté le point d'orgue. Au total, le PIB français a diminué de 7,9 % en 2020 et la consommation des Français chuté de 7,1 % . Dans ce contexte, les ventes du commerce de détail ont subi une baisse de 3 % sur l'année, mais de 9,3 % pour le commerce non alimentaire en magasin 59 ( * ) (et, en particulier, de 5,4 % pour les boulangeries-pâtisseries et de 3 % pour les cavistes).

Ventes du commerce en 2019 et 2020

Source : Insee première, n° 1866, juillet 2021.

Si l'année 2021 a représenté un rebond important pour l'activité commerciale 60 ( * ) , dépassant même, pour certains sous-secteurs, son niveau d'avant-crise, la crise aura creusé certaines fragilités structurelles auxquelles font face les commerçants :

• elle a entamé leur niveau de trésorerie , en dépit des mesures de soutien, que ce soit en raison des difficultés d'écoulement d'une partie des stocks ou de l'importance de certaines charges fixes (notamment les loyers des baux commerciaux, principale source de préoccupation des acteurs entendus) et des dépenses liées à la sécurité sanitaire des locaux ;

• elle a affaibli leur capacité d'investissement , alors que la transition numérique nécessite de mobiliser des capacités financières importantes ;

• plusieurs mesures d'aide (report de charges, prêts garantis par l'État) se sont traduites par une augmentation de leur taux d'endettement ;

• pour les commerces insuffisamment engagés dans l'omnicanalité de leur activité, la crise a pu se traduire par une perte de clientèle en raison du plus grand recours au commerce en ligne.

Du reste, plusieurs professionnels entendus ont établi un lien, lors de leurs échanges avec les rapporteurs, entre le développement du commerce en ligne et la fragilisation des commerces de proximité .

2. Certaines communes rurales pourraient bénéficier d'un regain d'attractivité grâce au phénomène de « rurbanisation »

Amorcé depuis plusieurs années, le phénomène de « rurbanisation », qui voit des citadins réinvestir les zones rurales soit en y habitant de façon permanente (grâce notamment au développement du télétravail), soit en y élisant domicile le week-end, devrait vraisemblablement gagner de l'ampleur dans les années à venir.

Plusieurs interlocuteurs entendus par les rapporteurs ont mis l'accent sur cette évolution, qui pourrait représenter une opportunité intéressante de revitalisation des petites communes rurales , sous réserve qu'elles ne soient pas trop éloignées des pôles urbains et qu'elles présentent les services et équipements attendus par ces néo-ruraux (internet haut débit, axes de transport notamment ferroviaires à proximité, loisirs, etc.).

Ainsi, le Conseil national des centres commerciaux considère que « l'exode urbain démographique est à la fois un phénomène conjoncturel et structurel » et confirme l'importance de la multifonctionnalité des espaces commerciaux (espaces de co-working , cabinets médicaux, par exemple).

Pour l'Alliance du commerce, « le phénomène est très récent. Ce n'est pas seulement une mode médiatique, mais il est encore difficile d'en apprécier la portée réelle ».

Les représentants de la Française des jeux, quant à eux, ont indiqué que « grâce au développement des différents modes de transport qui a "raccourci" les distances et au numérique, les campagnes et les villes moyennes, jusqu'alors menacées de dépérissement, se trouvent reconnectées. Ceci conjugué à la hausse des prix dans les aires urbaines, cet exode urbain devient facilement accessible. Par ailleurs, la crise sanitaire a conduit à un repli sur le cercle familial et à l'adoption d'un mode de vie idéalement représenté par la sociabilité locale, le commerce de proximité et l'agriculture en circuit court ».

En 2017, une étude de l'Observatoire de la consommation 61 ( * ) montrait que parmi les Français souhaitant vivre ailleurs (eux-mêmes représentant environ la moitié de la population totale), 14 % indiquaient souhaiter une petite ville ou un village éloigné des grands pôles urbains, et 15 % privilégiaient un habitat isolé à la campagne.

De façon plus surprenante, une enquête 62 ( * ) menée par l'Ipsos au début des années 2000 concluait déjà que deux millions de citadins actifs s'étaient installés en commune rurale, et que 2 , 4 millions d'individus affirmaient vouloir le faire d'ici cinq ans 63 ( * ) . Pour l'ensemble des personnes interrogées, l'arrivée de ces nouveaux habitants contribue au dynamisme des services de proximité.

Cette aspiration à un « retour à la terre » s'accompagne (ou provient), du reste, d'une volonté marquée de consommer via des circuits courts , de s'approvisionner en produits locaux , jugés plus sains, plus respectueux de la planète et des conditions de travail des producteurs.

Ainsi que l'a rappelé la Direction générale des entreprises en audition, il convient de noter que tout investissement immobilier dans les campagnes ne traduit pas forcément un désir d'exode urbain : il peut s'agir également de la recherche d'un refuge en cas de crise (sanitaire, notamment), d'un rêve de campagne (pour ne s'y rendre que quelques semaines par an), ou d'une stratégie de rentabilité foncière (en valorisant le bien grâce à la création de gîtes).

3. Prendre des mesures pragmatiques pour créer un cadre attractif visant à maintenir et favoriser l'implantation de commerçants et artisans en zones rurales
a) Assouplir le régime des transmissions en faveur des commerçants et artisans

La revitalisation commerciale des petites communes rurales , qu'elle s'appuie ou non sur de nouveaux schémas territoriaux (cf. proposition n° 2), nécessite de mettre en place divers instruments facilitant la transmission des entreprises, afin d'éviter que la vacance commerciale ne devienne structurelle, que les commerces ne ferment définitivement et que les habitants ne puissent se maintenir durablement dans ces territoires.

Tous les acteurs professionnels entendus par les rapporteurs ont mis l'accent sur ce constat : les petites communes rurales souffrent, entre autres, du fait que les commerçants encore présents ne trouvent pas de repreneurs lorsqu'ils cessent leur activité . Ce constat a par ailleurs été corroboré par une étude de l'Insee conduite en décembre 2018 en Occitanie 64 ( * ) . Au-delà des raisons purement structurelles (absence de clientèle, baisse de la démographie, etc.), un manque de formation des repreneurs et des moyens financiers trop limités ont notamment été relevés. Or, sans transmission, et donc sans dynamisme commercial, il est irréaliste pour les communes rurales d'attirer de nouveaux habitants.

Plusieurs incitations, financières ou non, seraient pourtant de nature à encourager et faciliter ces transmissions. Ce sujet est en effet un volet incontournable du soutien aux commerces de proximité en zones rurales , même si toutes les propositions ci-après n'ont pas forcément vocation à être mises en oeuvre concomitamment.

Proposition n° 3 - Mettre en place des incitations financières resserrées pour favoriser la reprise et le développement de commerces dans les zones rurales caractérisées par une offre insuffisante en la matière, en :

- mettant en place un fonds dédié à la transmission des entreprises commerciales et artisanales doté de 200 millions d'euros pour compléter l'apport d'un jeune aspirant commerçant visant à racheter un fonds de commerce (environ 6 000 dossiers pourraient être traités avec cette enveloppe, pour un montant moyen d'environ 30 000 euros) [État] ;

- permettant aux dirigeants de bénéficier de l'abattement de 500 000 euros portant sur la fiscalité des plus-values de cession de titres ou de droits de PME y compris lorsque la cession n'est pas liée à un départ à la retraite mais qu'elle se fait au bénéfice d'un ou plusieurs salariés de l'entreprise [État] 65 ( * ) ;

- élargissant le périmètre d'éligibilité du crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprise aux salariés futurs repreneurs de l'entreprise [État] 66 ( * ) ;

- exonérant de charges patronales pendant trois ans tous les emplois créés en CDI pour les entreprises implantées ou qui s'implantent dans des communes de moins de 2 500 habitants et jusqu'à cinq salariés [État] ;

- mettant en place un dispositif de suramortissement fiscal pour les dépenses d'investissement réalisées en vue de rénover du foncier bâti, pour un usage commercial et avec interdiction de vente du local pendant trois ans [État] ;

- étendant le dispositif de déduction fiscale de l'amortissement du fonds commercial aux artisans aujourd'hui non soumis au plan comptable général [État] ;

- étendant les motifs de liquidation anticipée des plans d'épargne à l'acquisition des parts de la société dans le cas d'une transmission par le dirigeant au salarié, soit directement soit via une holding de reprise [État] ;

- encourageant l'élaboration de chartes de tutorat pour organiser les conditions d'une transmission des savoirs par le dirigeant de l'entreprise [Unions professionnelles, collectivités locales, réseau consulaire].

b) Renforcer le rôle et les marges de manoeuvre des élus locaux en matière de dynamisation commerciale

Maintenir et favoriser l'implantation de commerçants en zone rurale passe également par un renforcement du pilotage de la redynamisation commerciale , au sein duquel le rôle des élus locaux est essentiel.

L'impact d'une grande surface (alimentaire ou non) sur le commerce de centre-ville des petites communes alentours est, par exemple, encore trop peu étudié, alors qu'il peut être significatif dans le cas des communes rurales. De même, les friches commerciales restent insuffisamment répertoriées, alors que certaines d'entre elles pourraient utilement accueillir des projets commerciaux envisagés en périphérie des communes.

Par ailleurs, si la mise en place de foncières de redynamisation commerciale dans le cadre du plan de relance est à saluer, leur champ d'action gagnerait à être plus spécifiquement tourné vers les communes de moins de 2 500 habitants identifiées dans le cadre des nouveaux schémas territoriaux ( cf. proposition n° 2 ). Ces foncières, financées à hauteur de 300 millions d'euros par la Banque des territoires , permettent en effet de réaliser des opérations complexes de rachat de locaux d'activité, de rénovation, puis de location à des professionnels qui n'auraient pu réaliser eux-mêmes ces diverses opérations compte tenu de leur coût. Début 2022, 121 commerces avaient été créés grâce à leur action et 89 avaient été rénovés . Un fonds de restructuration des locaux d'activité (FRLA) abondé par l'État est également prévu pour accompagner ces foncières en prenant en charge jusqu'à 50 % du déficit des opérations.

Or ce fonds finance en priorité les opérations dans les quartiers prioritaires de la ville ou localisées dans les centres des villes moyennes du programme Action coeur de ville et dans les communes du programme Petites villes de demain ( cf. supra ), excluant de fait les petites communes rurales de moins de 2 500 habitants. En outre, l'enveloppe de financement des foncières et du fonds reste modeste au regard des enjeux de revitalisation commerciale.

Les associations d'élus locaux entendues par les rapporteurs ont également fait part d'un fort besoin d'accompagnement de l'État en matière d'ingénierie (technique et financière) lorsqu'il s'agit de piloter la redynamisation commerciale de leurs communes, compte tenu de la complexité et du coût de ces actions. Par exemple, si elles ont toutes jugé que les managers de centre-ville étaient des intermédiaires-clés, polyvalents, pour planifier et coordonner les différents axes de leur réhabilitation (commerce, mais aussi transport, habitat, sécurité, etc.), elles ont parallèlement regretté que le coût élevé induit exclue nombre de communes ou intercommunalités qui ne peuvent le financer. Elles ont également, unanimement, dénoncé la suppression du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) , rejoignant en cela les conclusions de plusieurs rapporteurs sénatoriaux 67 ( * ) . Malgré ses imperfections, le Fisac représentait en effet un outil simple d'utilisation et proche des nécessités locales , permettant aux élus de soutenir ponctuellement telle ou telle initiative commerciale. Par ailleurs, la disparition de certains commerces dont l'implantation obéit à des règles spécifiques , comme les bureaux de tabac ou les points de vente de la Française des jeux, sonnant parfois « le glas » de tout dynamisme commercial dans une commune rurale, les associations d'élus ont aussi regretté un manque d'information lorsqu'une telle fermeture est envisagée.

Proposition n° 4 - Renforcer le pilotage de la redynamisation commerciale dans les zones rurales pour améliorer la qualité de vie quotidienne des habitants, en :

- renforçant les études d'impact produites à l'appui d'un projet commercial pour y intégrer une analyse de l'impact du projet sur les commerces de première nécessité dans les zones rurales et dans les aires urbaines de moins de 5 000 habitants et en consultant davantage les commerçants qui pourraient être impactés par ces implantations [État] ;

- établissant un inventaire des friches situées en zone rurale pouvant accueillir des activités commerciales [État] ;

- élaborant un ensemble de lignes directrices devant être respectées par les porteurs de projet commercial lorsqu'ils étudient l'existence ou non de friches commerciales pouvant accueillir leur projet [État] ;

- ciblant l'action des foncières de redynamisation commerciale, que le plan de relance prévoit déjà de soutenir, sur les communes de moins de 2 500 habitants [État, Banque des territoires] ;

- accompagnant financièrement les collectivités locales qui créent des postes de manager de centre-ville, via une prise en charge des coûts par l'ANCT et la Banque des territoires à hauteur de 50 % [État] ;

- mettant en place une offre d'ingénierie spécifique, via l'ANCT, pour l'ensemble des communes rurales incluses dans une zone caractérisée par une offre insuffisante en matière de commerce et de services, au-delà notamment des « 250 territoires de commerces » [État] ;

- recréant le Fisac et en faisant participer les acteurs du commerce en ligne à son financement [État] ;

- instituant une procédure d'information du conseil municipal avant la fermeture de commerces soumis à des conditions règlementées d'implantation (Loto, Tabac, FDJ, PMU) [État] ;

- encourageant les élus des territoires non couverts par des documents de planification à mettre en place une stratégie en faveur du commerce numérique en prévoyant une bonification de la dotation d'équipement commercial ( cf. proposition n° 7 ) [État].

4. Déployer et articuler l'ensemble des mesures proposées par le présent rapport avec la réforme de la « géographie prioritaire de la ruralité », en particulier des zones de revitalisation rurales (ZRR)

Au-delà d'un programme d'équipements spécifiques ( cf. proposition 2 ), le maintien et le développement des commerces de proximité en milieu rural suppose une stratégie globale de soutien à l'attractivité et au développement économique des territoires ruraux , visant à attirer des habitants, garantir la présence de services publics (école, administrations), maîtriser l'implantation des grandes surfaces commerces, offrir des locaux adaptés et en bon état, assurer une bonne couverture numérique du territoire et prendre en compte les enjeux de mobilité.

La révision des zonages actuels 68 ( * ) , qui a déjà donné lieu à de nombreux travaux préparatoires au sein des services de l'État et au Parlement, est plus que jamais d'actualité et nécessaire . Les rapporteurs appellent le Gouvernement à se saisir des propositions du Sénat , en particulier du rapport conjoint de 2019 69 ( * ) de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances.

a) De nouveaux zonages de soutien au développement économique des territoires, qui doivent encore faire preuve de leur efficacité

À l'appui des opérations de revitalisation du territoire (ORT) déployées depuis l'entrée en vigueur de la loi ELAN et en dépit de la superposition de nombreux zonages, décriée par le Gouvernement lui-même, la création de deux zonages a été proposée au législateur à l'occasion de l'examen du projet de loi finances pour 2020. Ainsi :

- l' article 110 de la loi de finances pour 2020 70 ( * ) a créé des zones de revitalisation des commerces en milieu rural ( ZORCOMIR ) qui permettent aux collectivités locales et EPCI concernés 71 ( * ) de consentir des exonérations pérennes, partielles ou totales, de cotisation foncière des entreprises ( CFE ), de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ( CVAE ) et de taxe foncière sur les propriétés bâties ( TFPB ).

Ces exonérations sont compensées par le budget de l'État à hauteur de 33 % et applicables jusqu'au 31 décembre 2023.

L'arrêté du 16 octobre 2020 constate le classement de 14 114 communes en ZORCOMIR, dont 88 % ont moins de 500 habitants . Au 1 er janvier 2022, selon les informations communiquées par la direction générale des collectivités locales, 187 communes et 14 EPCI à fiscalité propre ont délibéré pour l'exonération de TFPB. Par ailleurs, 43 communes et 25 EPCI à fiscalité propre ont délibéré pour celle de CFE.

- l'article 111 de la même loi a instauré les zones de revitalisation de centres villes (ZRCV) , qui permettent aux collectivités territoriales et à leurs EPCI concernés 72 ( * ) de mettre en place des exonérations fiscales pour la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Non-compensées par le budget de l'État, ces exonérations sont applicables jusqu'au 31 décembre 2023. Elles sont ciblées sur les petites activités commerciales nouvelles et existantes (entreprises de moins de 11 salariés et de moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel), y compris l'activité des artisans enregistrés au registre du commerce et des sociétés. Il s'applique également aux franchises commerciales.

L'arrêté du 31 décembre 2020 et celui du 3 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 31 décembre 2020 constatent le classement de 376 communes . Au 1 er janvier 2022, 4 communes et 1 EPCI à fiscalité propre ont délibéré pour l'exonération de TFPB. Par ailleurs, 4 EPCI à fiscalité propre ont délibéré pour l'exonération de CFE.

Les rapporteurs saluent l'intention de ces mesures et leur ciblage , en particulier dans le cas des ZORCOMIR et rappellent que 250 000 entreprises artisanales sont déjà présentes dans les ZRR 73 ( * ) , dont 33 % dans le secteur des services, près de 40 % dans le secteur des bâtiments, 16 % dans la production et 12 % dans l'alimentation.

Répartition des entreprises artisanales par région dans les ZRR

Source : Chambres des métiers et de l'artisanat.

Toutefois, les rapporteurs déplorent que la réforme des ZRR n'ait pu aboutir à l'heure actuelle. Ils regrettent en outre l'absence de mécanisme de compensation , dans le cas des ZRCV, et la prise en charge limitée à 33 % , dans le cas des ZORCOMIR, qui ne favorisent pas le recours à ces outils pour de nombreuses communes rurales.

b) Faire aboutir rapidement la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité, en particulier des ZRR, pour améliorer les politiques de soutien à l'attractivité et au développement économique des territoires

En dépit de la nouvelle prorogation des ZRR votée lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 , qui constitue à ce jour la 4 ème prorogation de ce zonage depuis la réforme des critères de classement en 2015 ( relire le communiqué de presse ), aucune réforme de fond n'a été proposée par le Gouvernement .

Face à plusieurs rapports parlementaires et d'inspection proposant des solutions différentes face à l'avenir des ZRR, le Gouvernement a fait le choix de nommer quatre parlementaires en janvier dernier 74 ( * ) , qui devaient lui remettre leurs conclusions le 28 février dernier.

Dans l'attente de nouveaux développements sur le sujet, les rapporteurs souhaitent la prorogation d'un an des deux nouveaux zonages spécifiques institués par la loi de finances pour 2020 (ZORCOMIR et ZRCV) afin de soutenir la revitalisation des territoires ruraux et fragiles, en portant la compensation de l'État à 70 % pour les exonérations consenties par les collectivités. Cette mesure permettra également de mesurer l'effet de ce type d'exonération.

Surtout, ils attirent l'attention sur le fait que les mesures proposées dans le présent rapport ont vocation à s'articuler avec cette réforme . L'objectif serait de décliner la palette des 43 mesures adoptées par les deux commissions, sur la proposition des rapporteurs, en fonction du niveau de fragilité des territoires , selon le système ZRR1/ZRR2/ZRR3 proposé dans le rapport d'information précité du Sénat 75 ( * ) .

Proposition n° 5 - Faire aboutir rapidement les travaux relatifs à la définition d'une « nouvelle géographie prioritaire de la ruralité » pour apporter une réponse globale aux problématiques d'attractivité des territoires ruraux et, dans cette attente, proroger les 2 zonages de revitalisation institués en 2020 en portant à 70 % la compensation de l'État aux collectivités territoriales qui mettent en place les exonérations fiscales concernées 76 ( * ) [État].

B. S'APPUYER SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'OMNICANALITÉ POUR SOUTENIR LES COMMERÇANTS, EN PARTICULIER EN ZONES RURALES

1. Le commerce en ligne élargit la zone de chalandise du commerçant

Si le commerce en ligne reste encore parfois dénoncé comme participant au déclin du commerce de proximité, notamment en zone rurale, une forme de consensus émerge désormais pour, au contraire, considérer que « tant les grands acteurs du numérique que l'ensemble des commerçants physiques ne pourront envisager de croissance pérenne, voire de survie, sans combiner les avantages du numérique et du physique 77 ( * ) ».

La complémentarité entre commerce physique et commerce en ligne, qui prend notamment la forme de l'omnicanalité 78 ( * ) , gagne en évidence 79 ( * ) , et dessine l'avenir du commerce, aussi bien en zone urbaine qu'en zone rurale. Cette nouvelle forme de commerce permet aux commerçants d'élargir leur zone de chalandise, et de répondre aux nouvelles aspirations des consommateurs (en termes de profondeur de gamme, de facilité d'achat, de consultation des avis des autres clients, etc.).

D'après des données de la Fédération des entreprises de la vente à distance (Fevad), 61 % des commerçants constatent ainsi que la coexistence des canaux a permis d'augmenter leur chiffre d'affaires réalisé en magasin physique ; du reste, pour 43 % des commerçants en ligne, ce mode de vente est nécessaire à l'équilibre financier de leur entreprise. En effet, avec ou sans raison d'achat initial, le déplacement du consommateur en magasin induit une probabilité plus forte d'achat de sa part . La coexistence des canaux permet donc d'augmenter la fréquentation de ces commerces. Toujours selon la Fevad, près de 40 % des consommateurs effectuent leurs commandes en ligne, mais les retirent en magasins (à travers le « click and collect » ou cliqué-retiré) et un tiers de ces consommateurs réaliserait des achats sur place en magasins lors du retrait de leur colis 80 ( * ) .

C'est dans cet état d'esprit que le réseau consulaire a par exemple développé des plateformes locales de commerce en ligne (comme Achatville.com ou, à une échelle plus réduite, « Mes commerçants du Grand Hainaut » dans les Hauts-de-France, par exemple) qui incitent au retrait en magasin pour augmenter la fréquentation des coeurs de ville.

Autre exemple : sous l'impulsion de la CCI Hauts-de-Seine, la ville de Sceaux a travaillé avec La Poste à la création d'une plateforme numérique mutualisée de vente en ligne, qui propose aux clients soit le click & collect , soit de récupérer le produit dans une consigne automatisée à la sortie de la gare RER.

Plus largement, au-delà du seul commerce en ligne, la numérisation du commerce présente de nombreux avantages : automatisation de tâches autrefois gérées manuellement, meilleure connaissance par le commerçant de l'état de ses stocks, de l'état d'avancement des commandes, des flux de clientèle, meilleure traçabilité des produits.

En ce qui concerne les zones rurales, et ainsi que l'a souligné la Confédération générale de l'alimentation de détail, les dispositifs omnicanaux (comme le point relai, le retrait-commande, les « casiers », etc.) « peuvent permettre de répondre à l'évolution de la demande de la clientèle (horaires de vente...) et proposer une offre dans des territoires ne permettant pas à des commerces d'avoir le niveau de vente suffisant pour l'installation d'un commerce traditionnel ». De même, l'Alliance du commerce note que « le e-commerce permet aux réseaux commerciaux de toucher plus facilement des populations rurales . C'est particulièrement intéressant pour des marques ou les enseignes qui, pour des raisons diverses (contraintes financières, positionnement marketing), limitaient leurs réseaux aux zones les plus peuplées. Grâce à internet, la frontière entre le consommateur rural et urbain s'efface encore un peu plus. Les consommateurs, quelle que soit leur localisation, disposent de la même offre - mondiale - de produits et services ». L'Alliance du commerce remarque par ailleurs que « ceci représente donc une nouvelle concurrence pour les magasins physiques existants » .

Selon les statistiques fournies aux rapporteurs par la Fevad, un quart des e-commerçants sont d'ailleurs aujourd'hui implantés dans une commune de moins de 5 000 habitants 81 ( * ) .

2. Activer puissamment le levier de la digitalisation pour redonner du souffle aux commerces en zones rurales

La numérisation du commerce représente une attente forte des consommateurs : 75 % des cyberacheteurs attendent en effet de leurs commerces de proximité un service de livraison (60 % en livraison à domicile et 40 % en retrait en magasin) 82 ( * ) . Dans les territoires caractérisés par une faible présence de commerces physiques, comme dans les communes de moins de 2 500 habitants, le commerce en ligne permet donc d'accéder à une offre plus importante et de pallier un manque. Pour les entreprises de proximité, « en zone rurale, le numérique est le principal moyen de développer leur zone de chalandise », ainsi que l'a souligné CMA France en audition.

En outre, le critère de l'accès à un vaste ensemble de magasins commerciaux devenant progressivement moins déterminant grâce à ce nouveau mode de vente, le commerce en ligne contribue à l'attractivité des zones rurales , sur fond des évolutions sociodémographiques décrites supra .

Les rapporteurs ont acquis la conviction qu'une des clefs de la pérennité du commerce dans les petites communes rurales réside dans le développement des points de retrait des colis (soit en magasin, soit dans des consignes automatisées, soit éventuellement dans certains bâtiments publics comme l'école ou la mairie).

Bien sûr, compte tenu des coûts élevés de la livraison à domicile en zones peu denses, le magasin physique conserve un intérêt économique fort en tant, par exemple, que prolongement du site marchand et peut être un lieu de service pour la clientèle (retrait de commande, e-réservation, retours de commande, réparation des produits dans une perspective RSE, etc.), ainsi que l'a souligné l'Alliance du commerce aux rapporteurs.

Or, le constat est désormais multi-documenté 83 ( * ) : les commerçants français, a fortiori les « commerces de proximité » entendus comme ceux du quotidien, restent insuffisamment engagés dans la transition numérique , bien que les confinements de 2020-2021 semblent avoir donné une forte impulsion à ces évolutions nécessaires. Plusieurs facteurs l'expliquent : manque de compétence informatique, manque de moyens financiers pour réaliser les investissements nécessaires, manque de temps pour gérer les commandes en ligne, voire faible perception de la nécessité de se numériser.

Ce retard est particulièrement préjudiciable aux commerces de proximité, dès lors qu'il laisse s'ancrer l'habitude, pour les consommateurs, de n'avoir recours qu'aux grandes plateformes de commerces en ligne, dont une part importante des produits ne provient pas de PME françaises mais directement de l'étranger.

Des plateformes locales de commerces en ligne ont bien été créées, afin de permettre aux commerçants d'afficher leur catalogue de produits, leurs horaires d'ouverture, ou de réaliser des commandes en ligne. Mais de l'avis général des professionnels entendus par les rapporteurs, le potentiel exploitable de ces plateformes reste faible , notamment en raison d'une insuffisante actualisation des produits disponibles par les commerçants, de l'absence fréquente de photos, ou encore de la faible proportion du catalogue qui y est proposée. Il pourrait dès lors être envisageable que l'État confie le développement d'un petit nombre de plateformes (une par région, ou par département) par appel d'offres , afin de disposer des compétences numériques les plus idoines pour créer des structures efficaces, attractives, fluides.

Proposition n° 6 - Soutenir massivement les commerçants dans la transition numérique en :

- mettant en place un dispositif de suramortissement (IS et IR) pour les dépenses d'investissements réalisées dans les équipements de numérisation des commerces [État] ;

- créant un crédit d'impôt pour aider les commerçants dans la prise en charge de leurs dépenses de formation dans ce domaine [État] ;

- étudiant l'opportunité de lancer un appel d'offres de l'État pour le déploiement de plateformes locales de commerce en ligne [État].

III. ÉTABLIR UNE VÉRITABLE ÉQUITÉ ENTRE LES DIFFÉRENTES FORMES DE COMMERCE ET PROMOUVOIR L'ACTIVITÉ COMMERCIALE EN ASSOUPLISSANT CERTAINES RÈGLEMENTATIONS

A. METTRE EN PLACE UN RÉGIME FISCAL VÉRITABLEMENT ÉQUITABLE ENTRE LES DIFFÉRENTES FORMES DE COMMERCE

1. Le commerce physique n'est pas logé à la même enseigne que le commerce en ligne en matière fiscale et règlementaire
a) La fiscalité du commerce physique est anormalement élevée

Les professionnels entendus par les rapporteurs ont, unanimement, regretté le poids élevé de la fiscalité pesant sur le commerce physique , qui obère leurs capacités d'investissement alors que les défis à relever sont nombreux (numérique, logistique, transition écologique, nouvelles règlementations, etc.). Ils ont tout aussi unanimement dénoncé une forme de « deux poids deux mesures » , les acteurs du commerce en ligne étant soumis selon eux à une plus faible fiscalité du fait du moindre foncier requis pour cette activité numérique (quelques entrepôts sur le territoire).

Selon la Fédération du commerce et de la distribution, la part du commerce dans les recettes fiscales est supérieure au poids de ce secteur dans le PIB, et plus de 90 taxes ou prélèvements divers le frapperaient :

• des impôts directs comme l'impôt sur les sociétés, la taxe foncière, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

• des impôts indirects comme la taxe sur les dépenses de publicité, la taxe sur les services de restauration ;

• des taxes et participations assises sur les salaires, comme les prélèvements sociaux, la taxe sur les salaires, la taxe d'apprentissage ;

• des taxes et redevances de nature immobilière comme la taxe sur les surfaces commerciales, la taxe sur les bureaux, la taxe sur les surfaces de stationnement (en Île-de-France), la taxe d'aménagement ;

• des taxes, droits ou redevances assis sur les marchandises, comme la taxe sur les bières et boissons non alcoolisées, la surtaxe sur les eaux minérales, la taxe sur les farines, la taxe sur le cuir, etc. ;

• d'autres taxes, droits ou redevances comme la contribution sociale de solidarité des sociétés, la taxe à l'essieu, la taxe forestière, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, etc.

• des éco-contributions, comme la contribution pour le traitement des déchets d'ameublement, l'éco-emballage, l'écoFolio, etc.

À titre d'exemple, selon la FCJPE, le poids de la fiscalité dans le secteur des jouets représenterait annuellement environ 2 700 euros par salarié et par an, avec une inflation de 20 % sur les 8 dernières années.

Il convient toutefois de rappeler qu'aucun commerçant n'est assujetti simultanément à toutes les taxes susmentionnées, et qu'il s'agit là davantage d'un recensement illustrant le foisonnement ( et la complexité) du régime fiscal auxquels font face les commerçants que d'une photographie exacte de la pression fiscale subie par chaque acteur. Il convient également de noter que nombre des taxes recensées supra ne sont pas propres au secteur du commerce.

Il n'en demeure pas moins exact que le commerce physique s'acquitte d'une importante fiscalité au titre du foncier qu'il utilise (Tascom, taxe foncière sur les propriétés bâties, cotisation foncière des entreprises), défi que n'a pas à relever l'un de ses principaux concurrents, le commerce en ligne (qui s'acquitte cependant d'importantes charges fiscales et sociales, étant plus intensif en main d'oeuvre que le commerce physique).

Un impôt en particulier semble cristalliser les tensions : la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), acquittée en 2020 par 45 000 établissements (à hauteur de 0,53 % de leur chiffre d'affaires pour ceux de plus de 2 500 m²) et qui concerne spécifiquement ce secteur. Son produit est, en grande partie, affecté au bloc communal 84 ( * ) .

La taxe sur les surfaces commerciales (Tascom)

Cette taxe est due par les commerces ouverts après 1960, dont la surface de vente est supérieure à 400 m² et qui réalisent un chiffre d'affaires hors taxe de plus de 460 000 euros.

Son montant est calculé en appliquant à la surface de vente au détail un tarif variant lui-même en fonction du chiffre d'affaires annuel au m², de la superficie et de l'activité de l'établissement.

Plusieurs réductions du montant de la taxe existent : de 30 % pour les commerces de meubles, d'automobiles, de machinisme agricole et de matériaux de construction, de 30 % également pour les jardineries, pépiniéristes et animaleries, de 20 % pour les établissements dont la surface de vente est inférieure à 600 m² lorsqu'ils réalisent un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 800 euros par m².

En outre, le montant de la taxe peut être modulé, sur délibération de la collectivité territoriale qui perçoit son produit, en lui appliquant un coefficient multiplicateur compris entre 0,8 et 1,2.

Cette taxe, destinée initialement à freiner la création de grandes surfaces commerciales , ne poursuit plus cet objectif d'aménagement du territoire mais obéit désormais largement à une logique de rendement .

Son produit est en effet passé de 600 millions d'euros en 2009 à 1 milliard d'euros en 2020 selon les données produites par la direction générale des finances publiques. En particulier, son montant a été majoré à compter de 2014 de 50 % pour limiter le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) dans les établissements de plus de 2 500 m² (les hypermarchés), ce surcroît de recettes revenant à l'État (et non aux collectivités territoriales). En un an, de 2014 à 2015, son produit est donc passé de 700 millions d'euros à plus de 900 millions d'euros , pour ne plus diminuer depuis. Or, depuis la transformation du CICE en allègement de charges, plus rien ne justifie le maintien de cette majoration, qui est pourtant toujours en vigueur.

Évolution du produit de la taxe sur les surfaces commerciales ,
en millions d'euros

Source : DGFIP

En outre, la taxe sur les surfaces commerciales est source d'inégalités marquées : entre le commerce physique et le commerce en ligne, mais également entre commerçants physiques, selon le type de produits vendus, l'année de création de l'établissement, le lieu d'implantation, ou encore le fait que le commerce propose un service de carburant ou non. De surcroît, la tarification de la Tascom en fonction de la surface et du chiffre d'affaires donne lieu à des optimisations. Par exemple, un commerce réalisant un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros pour une surface de 1 000 m² s'acquittera de plus de Tascom que s'il disposait d'une surface de 2 000 m², alors que l'objectif initial était de limiter les grandes surfaces.

b) L'implantation d'entrepôts logistiques est bien moins contraignante que celle d'un commerce physique

Au-delà des enjeux de fiscalité, les auditions ont fait émerger un sentiment de « deux poids deux mesures » entre d'une part les conditions d'implantation des surfaces commerciales et d'autre part celles propres aux entrepôts logistiques.

Les premières, lorsque la surface de vente dépasse 1 000 m², doivent en effet obtenir une autorisation d'exploitation commerciale , délivrée par la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) au terme d'une instruction parfois longue, toujours coûteuse pour le porteur de projet, devant permettre d'analyser la pertinence du projet commercial et son impact sur les équilibres territoriaux.

Les entrepôts, quant à eux, sont soumis aux règlementations en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) , qui se déclinent sous la forme soit d'une demande d'autorisation auprès des services déconcentrés de l'État, soit d'un enregistrement, soit d'une simple déclaration du projet. En fonction de la taille de l'entrepôt et des risques potentiels qu'il soulève, les obligations à respecter sont plus ou moins contraignantes (incendie, évacuation des eaux, contrôle des installations, matériaux de conception du bâtiment, évacuation du personnel, bruit, etc.).

Il n'existe donc pas d'analyse équivalente à celle applicable aux commerces physiques en ce qui concerne l'impact d'un projet sur l'écosystème économique environnant, ce qui a été dénoncé à plusieurs reprises par les représentants des commerçants.

L'une des pistes régulièrement avancée dans le débat public consisterait à soumettre les entrepôts logistiques destinés au commerce en ligne à une autorisation d'exploitation commerciale équivalente à celle délivrée aux commerces physiques. Une telle similitude soulève toutefois plusieurs difficultés , dont le fait que ces entrepôts permettent de stocker des produits livrables sur tout le territoire, et non uniquement dans une zone de chalandise facilement délimitable au niveau local. De même, il est parfois proposé d'assujettir les entrepôts à la Tascom. Or les entrepôts peuvent à la fois servir à stocker des produits appartenant aux « pure players » du secteur, et des produits appartenant à des enseignes qui disposent par ailleurs de magasins physiques (Decathlon, Darty, etc.). Par conséquent, ces enseignes s'acquitteraient deux fois de la Tascom.

Les rapporteurs regrettent à ce titre que les conclusions des Assises du commerce, qui se sont tenues début décembre 2021, soient toujours secrètes mi-mars 2022 , alors que les débats qui s'y sont tenus ont, à nouveau, permis de mettre en avant ces inégalités fiscales et règlementaires.

2. Améliorer l'équité entre les différentes formes de commerce, en particulier sur le plan fiscal

Dans la lignée du rapport de 2021 de la commission des affaires économiques du Sénat sur les nouvelles formes de commerce 85 ( * ) , les rapporteurs ont donc acquis la conviction que la Tascom était devenue une taxe inutile, contreproductive et obsolète .

Certes, rares sont les commerces de plus de 400 m² dans les communes de moins de 2 500 habitants ; mais les zones rurales étant également composées de communes de moins de 3 500 ou 5 000 habitants dans lesquelles ces moyennes et grandes surfaces sont plus fréquentes 86 ( * ) , cette taxe n'est pas réductible aux seules périphéries commerciales de grandes villes . Concernant les différences de règles d'implantation entre entrepôts et commerces physiques, les rapporteurs considèrent important, dans un premier temps, d'améliorer l'information des élus locaux quant aux impacts d'un projet d'entrepôt logistique sur les flux commerciaux locaux.

Proposition n° 7 - Rétablir une concurrence équitable entre les différentes formes de commerce en :

- supprimant la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) [État] ;

- compensant à 100 % la perte de recettes des collectivités territoriales due à la suppression de la Tascom par la création d'une nouvelle dotation spécifique à destination du bloc communal (dotation d'équipements pour dépenses d'investissement et de fonctionnement), dont une part constituerait à attribuer une aide forfaitaire dédiée au maintien de commerces de première nécessité dans les communes de moins de 700 / 1 000 habitants [État] ;

- prévoyant, lors de l'implantation d'un entrepôt de logistique commerciale, la remise au président de l'EPCI à fiscalité propre dans le ressort duquel le projet est prévu, d'un document analysant les impacts potentiels, négatifs comme positifs, dudit projet sur les flux commerciaux [État].

B. SOUTENIR LES INITIATIVES LOCALES ET PROMOUVOIR LE COMMERCE PAR DES ÉVOLUTIONS PRAGMATIQUES POUR RAPPROCHER L'OFFRE DE LA DEMANDE DES CITOYENS ET PARTICIPER À LA MAÎTRISE DE L'EMPREINTE CARBONE DU SECTEUR

Au fil des auditions réalisées par les rapporteurs, de nombreuses initiatives locales permettant de contribuer à la revitalisation commerciale et artisanale des territoires ruraux ont été mises en avant. Pour appuyer ces dynamiques et favoriser leur diffusion dans d'autres territoires, les rapporteurs formulent plusieurs propositions qui doivent permettre de libérer les contraintes pesant sur les initiatives des collectivités et des acteurs privés, notamment ceux de l'économie sociale et solidaire.

1. Les marchés et les évènements locaux constituent un outil d'aménagement du territoire et de dynamisation de l'activité commerciale dans les zones rurales

Complémentaires à l'offre commerciale sédentaire et facteur d'attractivité touristique, les commerces non-sédentaires participent puissamment à la vitalité et au dynamisme des territoires, en particulier des territoires ruraux . À l'appui de cette conviction, renforcée par les auditions qu'ils ont menées et vérifiée sur le terrain, les rapporteurs appellent à porter une attention accrue aux marchés, qu'ils soient de plein-vent , couverts ou spécialisés .

Les marchés ont connu une forte décroissance depuis les années 1970. Puis, après avoir de nouveau fortement baissé entre 2005 et 2008, leur nombre tend aujourd'hui à se stabiliser. Les estimations divergent et évaluent entre 10 000 et 12 000 87 ( * ) le nombre de marchés répartis sur l'ensemble du territoire national, dont environ 40 % se tiendraient dans des communes de moins de 2 000 habitants . Entre 6 500 et 8 000 communes accueilleraient des marchés de plein air, selon les mêmes estimations 88 ( * ) .

Selon les informations communiquées par la Fédération nationale des syndicats des commerçants des marchés de France (FNSCMF), 82 % des marchés sont mixtes - alimentaires et manufacturiers - et ils se tiennent en grande majorité une fois par semaine (76 %) .

Près de 145 000 entreprises exercent leurs activités commerciales sur le domaine public (artisans, commerçants, producteurs, autoentrepreneurs etc.), dont 91 % n'emploient aucun salarié, tandis que 99 % des entreprises du secteur comptent moins de 6 salariés. Les marchés sont particulièrement présents dans les régions du Sud de la France, sur la côte méditerranéenne, et dans les régions de la côte atlantique , de la Nouvelle-Aquitaine au Centre-Val de Loire. L'ancienne région Languedoc-Roussillon accueillerait la plus forte concentration d'établissements de commerce de détail sur éventaires et marchés, avec 18,6 établissements pour 10 000 habitants , suivie de l'ancienne région Poitou-Charentes (17,3), de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (15,8), de l'ancienne région Aquitaine (14,4), de l'ancienne région Pays de la Loire (14,2) et de l'ancienne région Midi-Pyrénées (13,9). À l'inverse, les territoires où le nombre de commerces sur éventaires et marchés est le plus bas sont situés dans le Limousin (8,5), l'Alsace (8,6) et la Lorraine (10).

Non seulement, ces marchés suscitent l'attrait des populations , en leur permettant notamment de s'approvisionner en produits frais, mais en plus ils contribuent à créer des flux pour les commerces sédentaires des territoires dans lesquels ils se tiennent. En outre, ils permettent souvent de valoriser des productions locales , en particulier dans le domaine alimentaire, avec le développement des circuits courts . Ainsi, pendant la période de confinement liée à l'épidémie de covid-19, les consommateurs ont manifesté un fort intérêt pour ces lieux, même si les restrictions d'ouverture ont été multiples et que de nombreux professionnels n'ont pas pu bénéficier des aides de l'État, selon les syndicats.

Les marchés peuvent dès lors soutenir l'essor des activités en circuits courts pour les produits alimentaires . À cet égard, 75 % des exploitations agricoles commercialisaient leurs produits en circuits courts en 2020, contre près de 20 % dix ans plus tôt 89 ( * ) .

Évolution de la part des exploitations agricoles ayant une activité en circuit court (données France, Ministère de l'agriculture, SSP)

Source : Jean-Marc Callois, Des populations nourries par leurs territoires de proximité ? La pandémie Covid-19 révélatrice d'une révolution des circuits courts, Association Population & Avenir, 2022/1 n° 756.

Espaces mercantiles implantés sur le domaine public 90 ( * ) , les marchés font l'objet d'un encadrement ancien et détaillé , portant sur l'organisation de l'espace, le déroulement du marché et la phase post-marché. Les professionnels des marchés font partie des professions réglementées, pour l'exercice desquelles la détention d'une carte professionnelle est requise 91 ( * ) .

Les rapporteurs ont été sensibilisés aux difficultés rencontrées par les professionnels des commerces non-sédentaires , en dehors des restrictions imposées dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, qui ont durement éprouvé les commerçants. L'une des principales demandes des professionnels consiste à sanctuariser l'existence de ces espaces de marché via leur mention et leur intégration dans les stratégies commerciales locales et dans les documents de planification en matière d'urbanisme.

Au-delà du travail engagé entre les professionnels et le Gouvernement afin d'actualiser la circulaire n° 77-507 du 30 novembre 1977 relative à l'exercice du commerce ambulant sur les dépendances du domaine public, qui fixe un règlement type des marchés, les professionnels souhaitent renforcer leurs liens avec les municipalités 92 ( * ) et améliorer la transparence sur les modalités d'organisation des marchés, en particulier sur les conditions de transmission et de présentation d'un successeur en cas de cessions, par le titulaire d'une autorisation d'occupation, de son fonds commercial. Un renforcement de la législation sur les ventes au déballage est également demandé. Enfin, les professionnels souhaitent être accompagnés dans leurs transitions environnementale (gestion des déchets, sobriété) et numérique (système « cliquer et collecter » etc.) afin d'améliorer leurs offres de services.

Les rapporteurs sont convaincus que les marchés doivent être mobilisés comme un outil d'aménagement du territoire et souscrivent aux orientations générales proposées par les professionnels, même si un travail juridique fin est nécessaire.

2. De nouvelles formes d'offres commerciales et d'animation locale, le cas échéant itinérantes, peuvent constituer des relais de développement local

Au-delà des établissements traditionnels et des commerces non-sédentaires, les territoires ruraux connaissent un foisonnement d'initiatives visant à recréer du lien social en proximité et à rapprocher l'offre de services et de commerces des besoins des populations .

Les exemples sont nombreux - Ville à Joie, Bouge ton Coq, 1 000 cafés, Comptoir de campagne, Comm'une opportunité, Bistrot de pays etc. - et permettent d' accompagner les collectivités rurales dans le maintien de leur dernier commerce ou le développement de nouveaux commerces, avec des modèles économiques différents. Ces structures mettent en place des animations (sport, secourisme, tourisme, patrimoine), des services de proximité (La Poste, démarches administratives pour l'assurance-maladie) ainsi que des espaces de convivialité et d'échanges (restauration, buvette) qui permettent aux producteurs et commerçants locaux de valoriser leurs activités et leurs produits.

Le développement de l' itinérance , si elle ne peut constituer l'unique réponse, apparaît comme une solution intéressante pour les territoires très peu denses , où l'insuffisance de flux et l'étroitesse de la zone de chalandise compromettent une exploitation commerciale durable.

Le renforcement des liens entre ces acteurs et les collectivités territoriales paraît là encore indispensable et pourrait être favorisé dans le cadre d' instances dédiées , qui permettraient de traiter l'ensemble des enjeux relatifs au développement de ces activités au sein des communautés de communes et d'agglomération (infrastructures, services existants, adaptation aux caractéristiques de la population locale).

Les rapporteurs appellent l'État à lever les freins qui contraignent l'activité des associations et entreprises de l'économie sociale et solidaire . Le versement tardif de subventions est mentionné comme un problème récurrent, qui fragilise des structures parfois dotées de moyens limités. En outre, à titre d'exemple, permettre l'intégration de personnes réalisant des services civiques dans des entreprises qui ne bénéficient pas d'un agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS) de plein droit - évoqué notamment par Ville à Joie - semble nécessiter une évolution législative 93 ( * ) . Le recours à des volontaires territoriaux en administration (VTA), mis en place dans le cadre de l'agenda rural du Gouvernement peut également constituer une solution. À ce jour, plus de 200 VTA ont déjà été signés, selon le bilan présenté lors du comité interministériel aux ruralités du 24 septembre 2021 94 ( * ) . Enfin, la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires , créée par la loi du 22 juillet 2019 portant création de l'ANCT, à l'initiative des députés, pourrait également être mobilisée, mais le dispositif peine à monter en puissance 95 ( * ) , le décret ayant été pris deux après la publication de la loi 96 ( * ) .

Interrogée par les rapporteurs, la direction générale des collectivités locales indique que des échanges sont en cours , dans le prolongement des Assises du commerce, entre l'ANCT et le ministère de l'économie et de la relance pour envisager une « offre de services commune permettant de rendre lisible cette diversité de solutions ». La DGCL précise que le « déploiement de contrats à impacts sociaux pour déployer des solutions en territoires ruraux et favoriser l'investissement local en ce sens est à l'étude ».

Les rapporteurs saluent ces innovations et appellent les collectivités rurales à contacter les associations et entreprises concernées dans le cadre de leurs actions de revitalisation. Ils invitent également les administrations concernées de l'État à faire aboutir rapidement leurs travaux pour soutenir le déploiement de ces initiatives.

3. Prendre des mesures pragmatiques pour soutenir l'activité commerciale et l'attractivité des zones rurales

Avant toute chose, les rapporteurs tiennent à saluer les pratiques particulièrement intéressantes de certaines collectivités , qui parviennent à redynamiser en s'appuyant sur des bonnes pratiques. Les démarches « gagnantes » reposent globalement toutes sur la définition d'un diagnostic territorial partagé entre les acteurs publics et privés, partant d'un recensement des forces économiques et des outils juridiques mobilisables. L'usage du droit de préemption ou l'investissement en fonds propres apparaissent dans bien des cas incontournables pour favoriser le développement des commerces. Ces initiatives rendent possibles l'installation et la pérennisation d'activités nouvelles. Le dialogue entre les communes et EPCI est particulièrement nécessaire, afin de coordonner, sans brimer, les initiatives locales tout en limitant les phénomènes de compétition territoriale.

Au-delà, les rapporteurs ont été sensibilisés à plusieurs enjeux lors de leurs auditions. Ainsi, les chambres de commerce et d'industrie ont souligné un manque de cohérence entre les différents documents d'urbanisme en vigueur dans les territoires et la réglementation applicable aux commerces . Elles appellent ainsi à un renforcement du volet « commerce » des schémas de cohérence territoriale (Scot) et des plans locaux d'urbanisme (PLU), à une meilleure coordination entre ces documents et les périmètres de préemption commerciale et à l'intégration d'espaces dédiés à la logistique dans les PLU, support d'une stratégie de développement des services innovants et mutualisés de livraison de marchandises.

Les représentants de la Fédération de la vente à distance (Fevad) ont abondé dans le même sens, demandant la mise en place de stratégies logistiques de proximité , qui pourraient soutenir les commerçants en ligne implantés dans les territoires de densité intermédiaire, principalement dans des communes de moins de 20 000 habitants, en permettant des optimisations et mutualisations pour le transport et le stockage des produits tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Le développement de plateformes logistiques locales présente également l'intérêt de pourvoir les territoires concernés en emplois non délocalisables et de participer à la maîtrise de l'impact environnemental des livraisons.

De la même manière, de nombreux acteurs entendus par les rapporteurs soulignent que la mise en place des retraits en point relais participent à l'activité des commerces de proximité et en zones rurales. Si la rémunération par colis ne permet pas d'assurer aux commerçants un véritable revenu complémentaire, elle tend cependant à créer des flux vers les magasins physiques, qui peuvent se transformer en achats supplémentaires. Elle tend également à améliorer le bilan carbone de la livraison, en réduisant le nombre d'arrêts et de trajets de livraison, tout en optimisant les coûts pour le commerçant en ligne et les logisticiens.

Si les rapporteurs partagent ces observations, les évolutions législatives récentes, issues de la loi « Climat et résilience » 97 ( * ) prévoient déjà une intégration renforcée de l'enjeu logistique dans les documents d'urbanisme . Il convient dès lors de renforcer l'appropriation de ces mesures par les élus, avec le soutien des services déconcentrés de l'État, et de définir des stratégies locales communes , dans une logique de coopération.

Le soutien aux initiatives de digitalisation des commerces de proximité doit également être amplifié aux yeux des rapporteurs. Des initiatives visant à développer les systèmes de réservation préalable (« cliquer et collecter »), comme celles mises en oeuvre par le groupe La Poste ou par les réseaux consulaires, présentent de nombreux avantages et doivent être encouragés par les pouvoirs publics. Elles reposent toutefois essentiellement sur les acteurs économiques, qui doivent s'engager pleinement dans ces transformations, avec le soutien des réseaux professionnels.

Afin de favoriser le développement de commerces éphémères ou boutiques tests , plusieurs acteurs rencontrés par les rapporteurs recommandent également d'adapter les baux commerciaux et de prévoir un loyer progressif, sans droit au bail, pour un nouveau commerçant désireux de créer un magasin de ce type. Pour les commerces éphémères, une dérogation à l'interdiction de la sous-location dans les baux commerciaux pourrait être envisagée dans certains territoires et sous réserve de respecter plusieurs conditions. D'autres éléments de rigidité pour des activités éphémères ont été signalés aux rapporteurs (inscription au registre du commerce, travail le dimanche, exploitation de débits de boissons temporaires) et supposeraient des évolutions législatives . En outre, des dispositions spécifiques peuvent être introduites dans un contrat portant opération de revitalisation territoriale (ORT) pour favoriser l'urbanisme transitoire.

Au-delà, la quasi-totalité des professionnels demandent un allégement de la fiscalité pesant sur leurs activités, qui pourrait être envisagé dans le cadre des prochaines échéances budgétaires.

« Paroles de maires et de leurs administrés »

Extraits de remontées de terrain communiquées aux rapporteurs
par des maires de communes rurales

Une gérante de café dans une commune rurale explique : « Les ménages sont prisonniers de l'usage de la voiture pour leur travail [...] Nous savons que les communes rurales [...] deviennent des villages dortoirs. [...] Ce phénomène n'est pas dû à la pandémie, mais cette dernière l'a aggravé ». « Quelques pistes de diversification de nos activités n'ont pas reçu de réponse (Relais Colis ou Relais Postal), malgré de nombreuses relances auprès des organismes concernés ». [...] La mise en place du PMU que nous avons sollicitée n'a pu être envisagée car nous appartenons à un bassin géographique où l'offre est déjà suffisante. Notre demande a été refusée ! ». « Aujourd'hui nous sommes à flux tendu, entre loyers impayés, les factures de fournitures d'énergies en retard, ainsi que les fournitures de matières premières. Le fioul est cher, l'électricité augmente. [...] Nous avons eu un rendez-vous avec la CMA qui nous encourage à changer de four et à changer la climatisation. [...] Bien entendu, nous n'avons pas les moyens de faire ces changements. »

Un maire souligne que la « pénurie de matières premières pour les artisans et industriels » et le fait que « les chefs d'entreprises ont encore plus de difficultés à recruter » et « sont dans une phase d'anticipation de remboursement des prêts garantis par l'État ».

Un autre maire raconte : « les activités des coiffeurs ont chuté de 10 à 15 % entre 2019 et fin 2021 ». Ainsi, « les commerces qui subissent une baisse du chiffre d'affaires et qui ont eu des Prêts garantis par l'État souhaiteraient que le remboursement se fasse sur une période plus longue ». « Les ventes immobilières sont en hausse notable [...] mais les entreprises du secteur craignent pour l'avenir car le marché n'est pas extensible à l'infini. [...] Les acheteurs sont essentiellement des parisiens qui veulent quitter leurs appartements pour acheter essentiellement des maisons dans le cas d'un nouveau confinement ».

Un maire différent ajoute : « Le café tabac journaux excentré par rapport au centre commercial a dû fermer pour diverses raisons et n'a pas été repris. » [...] Un commerce multi services de type café/tabac/journaux/restaurant est de nature à répondre aux attentes de la population d'une commune de plus de 1700 habitants » , mais « la crise de la Covid 19, n'a pas permis de concrétiser ce projet en raison d'un manque de visibilité au regard d'un investissement élevé pour créer une telle structure ».

Un quatrième maire raconte : « Les charges deviennent insupportables (hausse de la taxe foncière, de l'électricité, du gaz, des loyers, ...), supérieures à la rentabilité des petits commerces. [...] Beaucoup de commerçants ont une rémunération inférieure à 1 000€ lorsqu'ils ont payé toutes leurs factures, avec un temps de travail très souvent supérieur à 70 h par semaine. Les clients sont hélas repartis vers les grandes surfaces après le déconfinement ». « À notre niveau d'élus de proximité, nous considérons que les ressources financières attribuées à la réhabilitation des coeurs de ville « récompensent » les acteurs locaux des grandes villes qui ont eux-mêmes privilégié l'implantation de grandes surfaces à la périphérie des villes, en appauvrissant ainsi le dynamisme de leur propre centre-ville, sans créer d'emploi. Avec pour conséquence la fermeture des commerces des communes périphériques ».

Un cinquième maire abonde : « Le commerce rural doit être soutenu je pense par des dispositifs incitatifs au niveau des impôts et aussi des charges, mais au-delà des différents dispositifs qui ne peuvent pas faire vivre les commerçants s'ils n'ont pas de clients, car personne dans les villages, il faut arrêter la décroissance voulue et programmée des villages ».

Un sixième maire ajoute : « À ce jour et depuis longtemps, le commerce en milieu rural n'existe uniquement que si la collectivité investit dans l'investissement et le fonctionnement. »

Un septième maire conclut : « Je m'échine vainement à tenter d'élargir le débat pour dépasser la seule question du transport, et pour que soit menée une véritable réflexion sur le concept de "dé-mobilité". [...] Je ne peux en effet m'empêcher de constater que le retrait des services publics de nos villages a induit - c'était inévitable même si d'autres causes peuvent être invoquées - la fermeture progressive de la presque totalité des commerces et de l'artisanat locaux. »

Source : Sénat, à partir des échanges entre les rapporteurs et des maires.

Par ailleurs, lors d'une table ronde en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 10 novembre dernier, consacrée à l'accès aux services essentiels à la population et à la lutte contre la déprise commerciale en milieu rural, le président de l'association des maires ruraux de l'Oise a fait part d'une situation de blocage concernant une licence IV .

Pour rappel, le nombre de licences IV est passé de 200 000 en 1960 à 40 000 environ aujourd'hui . Alors que le Gouvernement a annoncé la création de 10 à 15 000 licences IV gratuites pour les communes de moins de 3 500 habitants, dans le cadre de l'agenda rural présenté en septembre 2019 par le Premier ministre, à ce jour, selon les informations communiquées par la DGCL, seules 132 licences auraient été effectivement délivrées .

Si l' article 47 de la loi du 27 décembre 2019 relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a permis de concrétiser cette annonce 98 ( * ) , le président de l'association des maires ruraux de l'Oise a indiqué : « un courrier du sous-préfet m'a informé qu'en tant qu'officier de police judiciaire, je ne peux pas utiliser le permis d'exploiter de la licence IV communale, que je suis d'ailleurs le seul maire à avoir obtenu ». Les rapporteurs souhaitent que de telles dérogations puissent être accordées , au regard du motif d'intérêt général qui s'attache à la préservation de la vitalité des territoires ruraux.

L'ensemble des conséquences des évolutions normatives évoquées ci-dessus pourront faire l'objet d'un travail approfondi, que les rapporteurs souhaitent poursuivre dans le cadre de la préparation d'une proposition de loi, visant à répondre aux besoins exprimés par de nombreux professionnels sans créer d'effets de bord préjudiciables.

Toutefois, plusieurs mesures nécessaires n'appellent pas d'évolution législative . Outre les outils existants, dont peuvent se saisir les élus, les acteurs économiques et l'État à droit constant, la valorisation du commerce en milieu rural pourrait faire l'objet d' actions de communication ciblées.

Enfin, les rapporteurs jugent essentiel d' amplifier le soutien à l'apprentissage pour les activités artisanales et commerciales en tension (boulangeries, boucheries). Compte tenu du fait que le poids de l'emploi artisanal est plus élevé dans les zones rurales et hyper-rurales - 640 000 entreprises artisanales en milieu rural selon les chiffres des chambres des métiers et de l'artisanat - par rapport aux zones intermédiaires et urbaines et qu'il présente un caractère non délocalisable permettant de soutenir le développement économique du territoire dans le temps, des solutions pragmatiques doivent être définies en lien avec les professionnels (identifier les territoires et les besoins, soutenir la formation de proximité, développer les lieux d'hébergement et les tutorats etc.).

Proposition n° 8 - Diversifier les sources de revenus des commerces physiques en :

- incitant les commerçants à accueillir un point relais dans leurs établissements [Unions professionnelles] ;

- prévoyant une taxation des livraisons de commerce en ligne qui serait inférieure ou nulle si le colis est retiré en point relais [État].

Proposition n° 9 - Alléger les contraintes et les charges pesant sur le commerce de proximité et les initiatives de développement locales en :

- rénovant les règlements de marché et en permettant la présentation d'un successeur dans le cadre du règlement de marché pour faciliter la transmission 99 ( * )

[État] ;

- renforçant la prise en compte des espaces de marchés dans les stratégies locales d'aménagement commercial [État, collectivités territoriales] ;

- définissant, élus locaux et commerçants, des programmes locaux de tournée de marchés [Collectivités territoriales, unions professionnelles] ;

- atténuant le poids de la fiscalité applicable aux commerçants (IR et IS) [État] ;

- permettant à un maire d'une commune de moins de 3 500 habitants d'être titulaire d'une licence IV et d'une licence de Tabac [État] ;

- modifiant le système d'agrément des entreprises solidaires d'utilité sociale (Esus) pour soutenir les projets d'animation locale [État] ;

- assouplissant les règles d'ouverture des commerces le dimanche (aller jusqu'à 14h ou 15h pour les commerces alimentaires) et le soir en semaine [État] ;

- étudiant l'opportunité d'exclure des loyers commerciaux les charges de fiscalité foncière aujourd'hui souvent répercutées par le bailleur sur le preneur dans le cadre des baux commerciaux (contrairement aux baux d'habitation) et en adaptant la législation sur les baux commerciaux pour favoriser le développement de magasins éphémères dans les communes rurales [État].

Proposition n° 10 - Soutenir la mobilisation des élus et des citoyens au service de la revitalisation commerciale des territoires ruraux en :

- prévoyant la possibilité pour les collectivités concernées de créer un conseil économique (dans chaque EPCI à fiscalité propre compétent en matière de politique commerciale), dont les missions seraient d'identifier les composantes du tissu économique local, de permettre l'adaptation des infrastructures à l'activité quotidienne des entreprises de proximité (voirie, circulation, réseaux internet, installations) et de recenser et promouvoir les services existants pour favoriser l'accueil de nouveaux acteurs [État] ;

- déployant la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires afin de soutenir des projets locaux d'animation [État] ;

- créant une semaine du commerce de proximité et en mettant en place un plan d'information et de communication centré sur les commerces de proximité en zones rurales [État] ;

- en poursuivant et en amplifiant le soutien au développement de l'apprentissage pour des activités en tension (boulangerie, boucherie etc.) afin de recréer des filières artisanales dynamiques [État].

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 15 mars 2022, la commission a procédé à une audition commune sur le thème « Accès aux services essentiels à la population et lutte contre la déprise commerciale en milieu rural » .

M. Jean-François Longeot , président . - Madame la présidente, Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver dans ce format conjoint, qui nous a déjà réunis plusieurs fois. Le dernier rapport commun à nos deux commissions portait sur l'alimentation durable et locale. Nous l'avions adopté en mai 2021 et les propositions qu'il contenait ont permis au Sénat d'enrichir le volet « agriculture » de la loi « Climat et résilience ». C'est dire tout l'intérêt de ces missions de contrôle communes, qui nous permettent d'être plus forts ensemble et de faire avancer nos idées.

Nous examinons aujourd'hui les conclusions du travail mené par Bruno Belin et Serge Babary, qui vise à proposer des solutions pour maintenir et développer le commerce de proximité dans les zones rurales, en particulier dans les communes de moins de 2 500 habitants.

Nos rapporteurs ont réalisé un travail d'envergure, en s'appuyant sur une quarantaine d'auditions, et leurs propositions sont nombreuses et ambitieuses. Celles-ci pourront constituer une « boîte à outils » adaptée pour nos territoires ruraux et nourrir les réflexions futures de nos commissions ainsi que celles du Gouvernement, notamment en lien avec la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité - je pense en particulier aux zones de revitalisation rurale (ZRR).

Serge Babary est rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, et il est très précieux de pouvoir s'appuyer sur son expertise établie sur ce sujet.

Bruno Belin est rapporteur au nom de la mission d'information sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, que notre commission a mise en place à l'automne dernier et qui rendra ses conclusions sur les différents thèmes en plusieurs étapes. Nous examinerons ainsi le 29 mars prochain les conclusions de notre collègue rapporteure Patricia Demas sur le volet « inclusion numérique » et du rapporteur Bruno Rojouan sur le volet « accès territorial aux soins » - ce sujet capital a été évoqué par certains des candidats à l'élection présidentielle -, puis, en mai, seront examinées les conclusions sur d'autres volets, qui sont suivis par les rapporteures Martine Filleul et Christine Herzog.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je salue les deux rapporteurs qui ont travaillé sur ce dossier : Bruno Belin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et Serge Babary, au nom de la commission des affaires économiques. Ce dernier a déjà beaucoup oeuvré en faveur du commerce, notamment en sa qualité de président de la délégation sénatoriale aux entreprises.

L'aménagement du territoire est un élément essentiel des politiques publiques, oublié depuis de très nombreuses années. Il consiste à assurer l'irrigation de notre pays partout, dans les villes et dans les campagnes, afin de renforcer leur attractivité et de faire en sorte que la population s'y installe en cohérence avec un véritable choix de vie, et non du fait d'une obligation liée par exemple à la désertification.

Serge Babary avait rédigé un premier rapport sur les nouvelles formes du commerce, qui se retrouvera en tout ou partie dans les travaux que nous examinons. Nous faisons oeuvre utile sur cette partie commerciale, qui doit effectivement être complétée par l'aménagement sanitaire, sportif, la question des associations, du logement, des mobilités, etc. Ce rapport montre une nouvelle fois la complémentarité de nos travaux et l'intérêt du Sénat pour l'aménagement durable du territoire.

M. Bruno Belin , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Avant de vous présenter les conclusions du travail que nous avons mené depuis le mois de décembre, je souhaiterais adresser plusieurs remerciements. D'abord, je souhaite remercier mon collègue Serge Babary pour son implication, pour son écoute et pour avoir partagé avec moi son expérience en la matière. Je remercie également les présidents de nos deux commissions, qui ont fait en sorte que ce travail conjoint puisse se mettre en place. Je remercie vivement Didier Mandelli, qui nous a soutenus depuis le début dans cette démarche, et tous mes collègues rapporteurs de la mission d'information, qui travaillent avec le même objectif de relance de la dynamique d'aménagement du territoire dans notre pays, qui, comme l'a dit Madame la présidente à l'instant, a été un peu oublié au cours des dernières années.

J'en viens au coeur de notre sujet : comment maintenir et développer le commerce de proximité dans nos zones rurales ? Nous avons pris comme objet de travail les communes de moins de 2 500 habitants, seuil que nous avons défini en référence aux unités utilisées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les constats sont bien établis depuis des années, et nous connaissons tous cette problématique du fait de nos engagements et de nos expériences. Les rapports administratifs et les diagnostics s'accumulent, mais les solutions manquent aujourd'hui pour préserver les commerces qui demeurent dans nos zones rurales et hyper-rurales et en développer de nouveaux.

Comme souvent en matière d'aménagement du territoire, nous sommes face à un paradoxe : d'un côté, le nombre global de commerces en France n'a cessé d'augmenter depuis vingt ans, en termes de surfaces, de nombre de magasins et de salariés ; de l'autre, leur répartition territoriale s'est continuellement déséquilibrée, au détriment des zones rurales.

Ainsi, alors que seulement 25 % des communes de France ne disposaient d'aucun commerce en 1980, cette proportion atteint désormais 60 %. Autrement dit, près des deux tiers de nos communes n'ont plus aucun commerce aujourd'hui.

En outre, du fait de la disparition de nombreux commerces, les temps d'accès à ces services et lieux de vie n'ont fait que s'allonger pour nos concitoyens qui vivent en zone rurale, ces dernières années. Aujourd'hui, un habitant qui réside dans une commune de moins de 2 500 habitants doit parcourir, en moyenne - le mot à son importance -, environ 2,2 kilomètres pour atteindre une boulangerie, symbole du commerce rural. Un habitant d'une zone rurale peut mettre 10, 20, voire 30 minutes pour accéder à des commerces et services de base depuis son domicile, et même près d'une heure s'il veut accéder à des services de gamme dite « supérieure » - qui désignent des prestations spécifiques de santé ou encore des magasins très spécialisés.

Cette situation n'est pas satisfaisante, vous en conviendrez. À l'issue des auditions que nous avons menées, je souhaite vous faire part de trois convictions.

Premièrement, il n'y a que des avantages à préserver et à développer le commerce de proximité en zones rurales.

Dans une logique d'attractivité globale des communes rurales, le maintien et le développement des commerces de proximité permettent d'attirer de nouveaux habitants - la bascule démographique est en cours sur certains axes - et de nouvelles activités.

Dans une logique de maîtrise de notre empreinte carbone et de nos émissions de gaz à effet de serre, renforcer l'accessibilité et le maillage commercial permet d'éviter des trajets en voiture.

Enfin, dans une logique de préservation et de renforcement du pouvoir d'achat de nos concitoyens, éviter des trajets en voiture, même petits, permet de réduire en partie les dépenses de carburant. Quand on voit l'augmentation du prix de l'essence, à mettre en lien avec le fait que les habitants des zones rurales parcourent, en moyenne, 8 000 kilomètres en voiture chaque année, contre 1 000 kilomètres pour quelqu'un qui vit à Paris ou 3 000 kilomètres pour les habitants des autres grandes villes, on comprend vite que rapprocher le commerce des habitants est une mesure favorable au pouvoir d'achat, donc au bien-être économique.

Deuxième conviction : les fractures territoriales persistent, et nos territoires ruraux demeurent fragiles.

Si les inégalités de revenus entre les habitants des zones rurales sont moindres qu'ailleurs, la proportion de Français dits « pauvres » et « modestes », au sens de l'Insee, y est beaucoup plus importante. Cela permet aussi de relativiser le discours selon lequel la pauvreté se trouverait essentiellement, voire uniquement dans les grandes villes et leurs banlieues. Quand on analyse les chiffres de l'Insee, on constate que près d'un habitant sur deux des zones rurales très peu denses est en situation de fragilité.

Troisième conviction : si les initiatives portées ces dernières années sont positives pour rééquilibrer notre développement économique territorial - je pense au programme Action Coeur de Ville, qui s'adresse aux centralités de plus de 20 000 habitants, ou au programme Petites Villes de demain, qui concerne les villes de moins de 20 000 habitants -, nous pouvons et nous devons encore faire davantage. D'abord, parce que ces programmes s'intéressent non pas à l'hyper-ruralité, mais à des niveaux de centralité supérieurs. Ensuite, parce qu'il existe des solutions pragmatiques à mettre en oeuvre.

C'est tout l'objet de notre travail.

Avant de vous présenter les propositions que nous avons conçues avec Serge Babary afin, d'une part, de maintenir les commerces, et, d'autre part, de soutenir la création de nouveaux commerces en ruralité, je souhaite préciser deux points qui me paraissent très importants.

Premier point : le lien de notre sujet avec la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des autres zonages de soutien à l'attractivité et au développement économique des territoires ruraux.

Il va de soi que nos propositions n'ont pas vocation à se rajouter au millefeuille existant sans s'articuler avec la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité, sur laquelle notre commission a déjà beaucoup travaillé - je pense en particulier à Rémy Pointereau - et continuera de travailler les prochains mois.

Les propositions que nous formulons, notamment sur le volet fiscal, ont vocation à s'intégrer dans la grande « boîte à outils » que nous devons refonder pour soutenir l'attractivité et le développement des territoires ruraux. Par exemple, certaines des mesures fiscales que nous proposons auront des effets plus puissants dans des territoires particulièrement fragiles, qui pourraient être classés en ZRR3 selon les critères que notre commission et la commission des finances ont proposés dans le rapport d'information d'octobre 2019 sur l'avenir des ZRR, quand d'autres mesures n'auront pas forcément la même pertinence pour des communes moins fragiles, susceptibles d'être classées en ZRR1 ou ZRR2.

Second point : certaines mesures puissantes pour revitaliser nos commerces dans les zones hyper-rurales sont déjà possibles à cadre législatif et réglementaire constant.

Aussi, notre rapport invite les maires, les acteurs économiques et, bien sûr, l'État et ses opérateurs à se saisir davantage des outils existants, dont certains ont été mis en place avec le plan de relance. Je pense, par exemple, à la définition de stratégies locales pour le commerce, en lien avec les préfets qui représentent l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Je pense à l'accueil de points relais dans les commerces, à l'utilisation du droit de préemption, au fonds de restructuration des locaux d'activité ou encore à la possibilité, parfois, d'intervenir en fonds propres pour maintenir ou créer un commerce. À cet égard, le dialogue entre les communes et les intercommunalités, lorsque celles-ci disposent de la compétence de revitalisation commerciale au regard de l'intérêt communautaire (communautés de communes et communautés d'agglomération), est incontournable et doit être encouragé.

Il est essentiel, en effet, de maîtriser l'inflation législative - c'est aussi notre responsabilité de législateur - et de rappeler les mesures qui existent déjà.

J'en viens au coeur de nos propositions.

Afin de renforcer la connaissance et l'information de l'ensemble des acteurs sur la réalité du maillage commercial dans nos territoires ruraux et hyper-ruraux, nous proposons de constituer un nouvel indicateur d'accessibilité aux commerces et d'identifier les zones caractérisées par une offre insuffisante en matière de commerces et de services, sur une liste définie par arrêté ministériel. De fait, les données actuelles sont parcellaires. Ces outils permettront également de faciliter la mise en oeuvre de la réforme des ZRR et de la suivre dans le temps.

À partir de ce zonage d'identification, nous proposons la mise en place d'un nouveau programme d'actions, à la maille communale, baptisé « 400 territoires de commerce », sur le modèle d'Action Coeur de Ville ou de Petites Villes de demain. Ce programme serait défini en lien étroit avec les élus locaux et piloté par l'ANCT et ses partenaires. Nous proposons de le doter de 600 millions d'euros sur cinq ans, avec à la fois des moyens en ingénierie et des moyens d'intervention directe. Ce montant est à comparer aux 5 milliards d'euros sur cinq ans pour Action Coeur de Ville et aux 3 milliards d'euros sur trois ans pour Petites Villes de demain.

En résumé, l'objectif est de soutenir environ 2 000 projets concrets, soit environ 5 projets par territoire retenu, pour un montant moyen approximatif de 300 000 euros par projet. À l'appui de ce programme, nous proposons de déployer 400 chefs de projet dédiés.

Voilà pour les deux premiers axes, Serge Babary vous présentera nos propositions 3 et 4. Je ne m'étends pas sur la proposition 5, car j'ai déjà parlé des zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous souhaitons rappeler, dans ce rapport d'information, la nécessité de faire aboutir rapidement la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité.

En attendant, nous proposons de porter à 70 % le taux de compensation de l'État aux collectivités territoriales, pour les mesures que celles-ci mettent en oeuvre à partir des deux nouveaux zonages créés en loi de finances pour 2020, respectivement pour la revitalisation des centres villes et pour la relativisation des commerces en zones rurales. Les exonérations que peuvent décider les collectivités s'agissant du zonage conçu pour la revitalisation des centres-villes ne sont pas compensées du tout par l'État, à la différence des exonérations que peuvent consentir les collectivités dans les zones de revitalisation des commerces en milieu rural qui, elles, sont compensées mais seulement à hauteur de 33 %. Il faut encourager les collectivités à utiliser ces dispositifs. Notre rapport invite également les commerçants à diversifier leurs sources de revenus en accueillant des points relais. Nous prévoyons également une taxation des livraisons de commerce qui serait inférieure ou nulle si le colis est retiré en point relais. L'objectif est de créer des flux pour favoriser une hausse du panier moyen de consommation.

Nos propositions visent aussi à alléger les contraintes et charges pesant sur le commerce de proximité et notamment le commerce non-sédentaire. Nous proposons de rénover les règlements de marché et d'améliorer la prise en compte des marchés dans les documents locaux d'aménagement commercial. Nous proposons également un allégement de la fiscalité portant sur les bénéfices industriels et commerciaux, ainsi que des clarifications législatives et réglementaires visant à soutenir les nombreuses initiatives locales, qui sont portées par les collectivités en lien avec le tissu associatif et les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Il me paraît impératif de poursuivre et d'amplifier le soutien au développement de l'apprentissage pour les activités en tension - boulangers, bouchers -, afin de recréer des filières dynamiques. Voilà mes chers collègues, l'essentiel des propositions dont je souhaitais vous faire part.

M. Serge Babary , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Je remercie le co-rapporteur Bruno Belin pour le travail approfondi que nous avons effectué ensemble, ainsi que les autres rapporteurs de la mission d'information qui travaillent sur des sujets divers - prévention des risques, accès aux services publics, accès aux soins, surveillance des ouvrages d'art... - et dont les rapports seront présentés prochainement. Plusieurs auditions nous ont d'ailleurs réunis tous les six.

Il me semble que nos échanges constructifs, fluides, ont permis d'aboutir à un constat largement partagé, à savoir que la ruralité dispose d'atouts importants pour réussir à maintenir et à développer le commerce, pour peu que l'État se donne les moyens de soutenir ces territoires et que des outils innovants et utiles leur soient proposés. Or c'est une évidence : si les villes moyennes font l'objet de l'attention des pouvoirs publics, les communes de moins de 2 500 habitants en zone rurale sont, dans l'ensemble, laissées pour compte, hormis bien sûr celles qui disposent de richesses particulières, comme une grande exposition au tourisme.

Vous le savez, la commission des affaires économiques a déjà longuement travaillé sur le commerce. L'angle que nos deux commissions ont choisi cette fois permet d'observer que certaines problématiques sont communes à tous les commerces, de toutes les villes, quelle que soit leur taille ; et que d'autres sont plus spécifiques au commerce de proximité en zones rurales. Nous mettrons l'accent sur ces dernières.

Comme vient de l'expliquer Bruno Belin, nous pensons utile, si ce n'est urgent, de définir certains « territoires de commerce » au sein desquels pourrait être déployée toute une palette de mesures pour enrayer la déprise commerciale. Il ne faut pas oublier, en effet, que la crise sanitaire a impacté un secteur commercial déjà fragilisé. Il l'est depuis plusieurs années, en raison à la fois des attentats de 2015 et de 2016, des violences commises en marge du mouvement des « gilets jaunes », des mouvements sociaux de fin 2019 contre la réforme des retraites, puis, bien entendu, du fait de la crise sanitaire et économique qui en a résulté. Je rappelle que les ventes du commerce de détail ont subi, sur l'année 2020 une baisse de 3 %, mais que cette diminution s'est élevée à 9,3 % pour le commerce non alimentaire en magasin - les boulangeries-pâtisseries, qui sont souvent le dernier commerce dans les communes rurales, ont enregistré une baisse de 5,4 %. Si l'année 2021 a connu un rebond important pour l'activité commerciale, la crise a creusé certaines fragilités structurelles auxquelles font face les commerçants, comme la faiblesse de la trésorerie, le poids des stocks, la faible capacité d'investissement ou le taux d'endettement.

Il est intéressant toutefois d'observer que certaines communes rurales - pas toutes - pourraient bénéficier d'un regain d'attractivité grâce au phénomène de « rurbanisation ». S'il est encore trop tôt pour véritablement conclure à une renaissance de ces territoires, on peut légitimement s'attendre à ce que le phénomène de « rurbanisation », qui voit des citadins réinvestir les zones rurales soit en y habitant de façon permanente - grâce notamment au développement du télétravail -, soit en y élisant domicile le week-end, gagne de l'ampleur dans les années à venir. Cela pourrait représenter une opportunité intéressante de revitalisation des petites communes rurales, sous réserve qu'elles ne soient pas trop éloignées des pôles urbains et qu'elles présentent les services et équipements attendus par ces néoruraux - internet haut débit, proximité d'axes de transport, notamment ferroviaires, loisirs, etc.

Toutefois, pour tirer profit de cette opportunité, et plus largement pour maintenir les commerces du quotidien dans les petites communes des zones rurales, il faudrait prendre certaines mesures pragmatiques, afin de créer un cadre attractif. À cet égard, nous formulons des propositions variées et utiles, me semble-t-il, notamment pour pérenniser les commerces existants.

L'un des sujets récurrents est, bien entendu, la transmission des entreprises pour conserver ce qui existe. Au-delà des raisons purement structurelles - absence de clientèle, baisse de la démographie, etc. -, un manque de formation des repreneurs et des moyens financiers trop limités sont souvent relevés. Or, sans transmission, donc sans dynamisme commercial, il est impossible pour les communes rurales d'attirer de nouveaux habitants. C'est pourquoi nous proposons de mettre en place des incitations financières resserrées pour favoriser la reprise dans les zones rurales caractérisées par une offre insuffisante de commerces. Nous suggérons huit mesures, comme un fonds dédié à la transmission pour compléter l'apport d'un jeune aspirant commerçant, ou la possibilité pour les dirigeants de bénéficier de l'abattement portant sur la fiscalité des plus-values de cession, y compris lorsque la cession n'est pas liée à un départ à la retraite et s'effectue au bénéfice d'un salarié de l'entreprise.

Il nous paraît également essentiel de renforcer le rôle et les marges de manoeuvre des élus locaux en matière de redynamisation commerciale. L'impact d'une grande surface, alimentaire ou non, sur le commerce de centre-ville des petites communes aux alentours est, par exemple, encore trop peu étudié, alors qu'il peut être important dans le cas des communes rurales. De même, les friches commerciales restent insuffisamment voire non répertoriées, alors que certaines d'entre elles pourraient utilement accueillir des projets commerciaux envisagés en périphérie des communes. Sur un autre aspect, nous considérons que les foncières de redynamisation commerciale, si elles sont à saluer, restent encore malheureusement trop peu tournées vers la ruralité.

Afin de renforcer ce pilotage, nous envisageons neuf mesures, dont le renforcement des études d'impact présentées en commission départementale d'aménagement commercial (CDAC), la mise en place d'un inventaire des friches, le retour du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac), ou le ciblage de l'action de certains établissements fonciers sur les communes de moins de 2 500 habitants.

Par ailleurs, ainsi que nous en entendons tous parler sur le terrain, l'avenir du commerce est résolument tourné vers « l'omnicanalité », qui permet de mêler les avantages du commerce physique et du commerce en ligne ; c'est encore plus fondamental pour les commerces de zones rurales, dont la zone de chalandise est étroite et les flux de clientèle plutôt faibles. Nous avions étudié en détail ce sujet, qui a donné lieu, l'an dernier, à un rapport de la commission sur les nouvelles formes du commerce. Bien entendu, la crise a accentué ce phénomène et a rendu d'autant plus urgente la levée des obstacles qui freinent encore la transition numérique. Le fait de servir de point relais sera une source de croissance importante pour ces commerces, d'autant qu'une part importante des consommateurs - trois sur dix - fréquentent ensuite le magasin pour y faire d'autres achats.

Dans cette optique, nous proposons trois mesures clés, comme un suramortissement pour les dépenses d'investissement dans les équipements numériques ou un crédit d'impôt pour les dépenses de formation. À l'instar des autres propositions, elles n'ont pas forcément vocation à être mises en oeuvre simultanément, mais ces pistes constituent une boîte à outils dans laquelle le législateur ou le Gouvernement pourra piocher. Il y a urgence !

Enfin, il ne saurait être discuté de commerce physique sans aborder le sujet de l'équité entre les différentes formes de commerce. En matière fiscale et réglementaire, ces dernières ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Le commerce physique s'acquitte, par exemple, d'une importante fiscalité au titre du foncier qu'il utilise, défi que n'a pas à relever le commerce en ligne. Les débats se cristallisent notamment autour de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), source d'inégalités marquées entre types de commerce, et au sein même du commerce physique. Rappelons, du reste, que son produit est passé de 600 millions d'euros à 1 milliard d'euros en quelques années seulement...

Le sentiment de « deux poids, deux mesures » se fait aussi ressentir en matière de réglementation. À cet égard, s'il ne paraît pas utile de soumettre les entrepôts logistiques à une autorisation d'exploitation commerciale, puisqu'ils ont par définition une zone de chalandise immense, il nous paraît important de réfléchir à une meilleure information des élus locaux lorsqu'un tel entrepôt s'apprête à sortir de terre.

Dans la droite ligne du rapport de l'an dernier, nous vous proposons de supprimer la Tascom et de compenser la perte de recettes à hauteur de 60 % par une nouvelle dotation spécifique à destination du bloc communal. Il nous paraît également essentiel que le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) soit informé des effets potentiels d'un projet d'entrepôt sur les flux commerciaux du territoire.

Telles sont les différentes pistes que nous esquissons pour que les pouvoirs publics soient véritablement, enfin, au chevet des territoires ruraux en matière commerciale.

M. Jean-François Longeot , président . - Merci aux rapporteurs. Le sujet du développement des territoires ruraux est d'une importance majeure et vos propositions vont dans le bon sens.

Préserver le commerce existant suppose, au préalable, de développer l'apprentissage, ce qui implique de valoriser les métiers concernés. Le retour du Fisac me semble relever de l'évidence, à condition de le simplifier.

Le ou la candidat(e) à l'élection présidentielle qui sera élu(e) en avril prochain devrait trouver dans ce rapport tous les moyens et idées nécessaires pour agir en faveur de nos communes les plus fragilisées. J'espère que cet excellent travail trouvera une issue favorable à la mesure du travail réalisé et des enjeux sous-jacents ; c'est la clé des services rendus à la population et l'avenir de nos territoires ruraux.

M. Laurent Duplomb . - Je salue le travail qui a été réalisé.

Au lieu d'ajouter de nouvelles contraintes à la CDAC, ne devrait-on pas s'interroger sur les bienfaits d'une telle démarche ? À force de sujétions, l'improductivité et l'inaction guettent notre pays... De plus, j'en ai vraiment assez qu'une commission nationale, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), nous explique ce qui est bon ou pas pour nos territoires ! En dépit d'un avis favorable de la CDAC, la CNAC a récemment émis un avis défavorable à l'installation d'un commerce dans une commune de Haute-Loire, pour ne pas porter préjudice aux concurrents situés dans le département limitrophe de la Loire. Il faudrait laisser plus de marge à la CDAC. Libérons-nous du joug jacobin !

M. Serge Babary , rapporteur . - Il faut souligner que l'influence d'une installation commerciale ne s'arrête pas aux limites géographiques d'un département. L'instance compétente doit prendre en considération tous les effets qui en résultent, notamment pour le territoire limitrophe, même s'il s'agit d'un autre département. Or les CDAC n'utilisaient pas assez les études d'impact, souvent incomplètes, figurant dans le dossier. Une telle appréciation ne remettrait d'ailleurs aucunement en cause l'autonomie ou la bonne volonté des uns et des autres.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je ne polémiquerai pas non plus sur la CDAC et la CNAC, mais j'ai mon avis sur la question, en particulier sur la représentation au sein de la CNAC d'un certain nombre de politiques qui n'ont rien à voir avec le commerce local et sont souvent aux ordres de ceux qui les emploient, et inversement. Sur ce domaine, je suis assez preneuse de schémas d'aménagement commerciaux dans les intercommunalités, afin d'organiser l'accès de nos concitoyens au commerce de proximité ou autre. Nous pouvons aussi penser la logistique, qui sera l'enjeu du commerce dans les quinze ou vingt prochaines années.

Je remercie les rapporteurs de leur travail, qui recoupe des recommandations plus globales sur le commerce, dont sa transformation numérique en zones rurales. Je pense aussi à la Tascom et à la disparition du Fisac. Des dispositifs comme Action Coeur de Ville ou Petites Villes de demain ne concernent qu'un tout petit nombre de communes et sont des appels à manifestation d'intérêt. Ces programmes sont positifs, mais laissent de côté une grande partie de notre ruralité. La disparition du Fisac serait très préjudiciable à ce commerce d'ultra-proximité et d'ultra-ruralité. Vos recommandations à cet égard sont très intéressantes.

Enfin, je vous remercie d'avoir pensé au commerce ambulant et non-sédentaire - marchés et forains -, important pour toutes nos zones rurales.

Nous aurions vraiment aimé disposer des conclusions des Assises du commerce avant la fin du quinquennat, eu égard à l'important travail organisé par le Gouvernement en la matière. Au demeurant, je me réjouis que notre assemblée ait déjà une stratégie et formule ses propres recommandations.

M. Jean-François Longeot , président . - J'adresse aux rapporteurs mes plus vifs remerciements pour leur travail de longue haleine et leurs propositions, au-delà des simples constats sur les dysfonctionnements. En ma qualité de président de la commission de l'aménagement du territoire, je pense qu'il est urgent de redonner à chacun des territoires le souci d'assumer sa spécificité et d'assurer son propre développement, pour le bien-être de ses concitoyens.

M. Fabien Genet . - Je m'associe aux compliments adressés aux rapporteurs. Néanmoins, une proposition a retenu mon attention : celle qui vise à faire disparaître la Tascom et à la compenser à hauteur de 60 %. Pour ma communauté de communes du Grand Charolais, cela représente une recette fiscale très importante, à hauteur de 500 000 euros. Je n'ai pas l'habitude d'entendre notre assemblée proposer des réductions de recettes des collectivités locales assorties de compensations à 60 %. Est-ce un bon signal à envoyer au regard de ce qui nous attend dans les mois à venir ?

M. Serge Babary , rapporteur. - La Tascom est unanimement dénoncée par le monde du commerce. Elle est injuste, et son mode de calcul surréaliste se révèle incompréhensible. Pourquoi une compensation à 60 % ? Parce que sur un milliard d'euros de rendement budgétaire de la taxe, les collectivités en perçoivent à peu près ce ratio, le reste étant reversé à l'État. Mais je comprends que la formulation retenue peut entraîner une forme de confusion sur notre intention, et nous allons clarifier l'objectif, qui est bien que la suppression de la Tascom s'accompagne d'une compensation intégrale pour les collectivités, à hauteur de la part qu'elles percevaient.

M. Bruno Belin , rapporteur. - Je comprends la remarque de notre collègue Fabien Genet mais cet acronyme de fiscalité fait l'unanimité contre lui dans le secteur du commerce et pose un problème d'équité par rapport aux nouvelles formes de commerces.

Notre ambition était d'élaborer un rapport de propositions : notre but est d'être incitatifs et de proposer une dynamique, qui permettra de soutenir globalement le maintien et la création de commerces dans nos territoires. La compensation à 100 % que nous proposons pour les collectivités et les nouvelles mesures que nous mettons sur la table, notamment le programme « 400 territoires de commerce », redonneront des marges de manoeuvre localement. Enfin, je souscris à ce que vient de dire mon collègue rapporteur Serge Babary et nous clarifierons la rédaction. Par ailleurs, le sujet de la re-création du Fisac s'est invité à toutes les auditions. Beaucoup d'acteurs entendus ont également critiqué des pesanteurs dans les relations avec les architectes des bâtiments de France (ABF). Si nous ne cessons de défendre le patrimoine, cela va de soi, nous devons relayer les craintes qui se sont exprimées.

M. Serge Babary , rapporteur. - Les pesanteurs varient selon les ABF qui rendent leur avis.

M. Jean-Claude Anglars . - Je salue le travail remarquable des rapporteurs, et les remercie d'avoir ajouté la notion de « nouvelle géographie prioritaire de la ruralité », très importante pour les politiques publiques. La renaissance rurale est une réalité oubliée, qui devra également être prise en compte.

M. Jean-Michel Houllegatte . - À mon tour de m'associer aux félicitations et aux remerciements sur ce travail d'investigation concernant un sujet primordial : la vitalité de nos petites communes rurales, qui repose sur le dernier commerce.

À ce propos, je rends hommage à tous les maires qui se battent pour le maintien de celui-ci en milieu rural et sont souvent confrontés au rachat des locaux. À l'instar de l'éducation prioritaire, qui a été étendue aux zones rurales, un outil fonctionne bien pour la politique de la ville : l'Établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), repris par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Dans les 400 territoires pilotés par l'ANCT dont vous proposez la mise en place, un portage foncier effectué par l'Epareca pourrait-il soulager les maires ? Ceux-ci sont parfois découragés par les nouveaux investissements à réaliser.

M. Bruno Belin , rapporteur . - Les établissements publics fonciers (EPF) fonctionnent bien, mais on nous a souvent fait remarquer que les délais de remboursement des sommes qu'ils ont avancées pour aider à l'achat de biens immobiliers étaient trop courts pour les communes, surtout les plus rurales : il faut rembourser dès la cinquième année, alors qu'il faut parfois quatre ans pour monter un projet, le sortir de terre, le faire vivre. S'agissant de l'Epareca, ses missions et compétences ayant été reprises par l'ANCT depuis la loi de 2019, c'est désormais cet opérateur qui peut intervenir directement. Il faut orienter davantage les compétences de l'ANCT, ex-Epareca, en matière de restructuration des commerces vers les territoires ruraux.

M. Laurent Somon . - Le rapport répond à une préoccupation majeure de tous les maires des petites communes rurales, qui voient non seulement les commerces disparaître, mais aussi leur population diminuer.

Tous les textes du Gouvernement ont conduit à rendre la construction en milieu rural impossible. Les derniers ne feront qu'amplifier cette tendance...

Qui va reprendre les commerces s'il n'y a pas de clientèle ? Il faut, bien sûr, favoriser la reprise des commerces en milieu rural avant que le dernier d'entre eux soit menacé, mais, pour conserver des activités en milieu rural, il faut qu'il y ait suffisamment de population. L'enjeu est aussi démographique.

Il faut favoriser la construction pour que l'on puisse, demain, maintenir les commerces, mais, dans le même temps, il ne faut plus consommer de terres agricoles. L'urbanisme en milieu rural est très contraint. Dans la Somme, pas une semaine ne s'écoule sans que des maires reçoivent des certificats d'urbanisme (CU) négatifs. À Braches, près de Moreuil, pour cinq CU demandés dans l'année, il y a eu cinq refus : la dent creuse est toujours soit trop grande, soit trop petite, soit trop profonde...

M. Jean-François Longeot , président . - Hélas, le problème n'existe pas que dans la Somme !

Mme Angèle Préville . - La configuration est exactement la même dans mon département du Lot : beaucoup de communes peu peuplées et très peu dotées en commerces. Le département, très rural, comporte 170 000 habitants, mais Cahors en ayant 20 000 et Figeac 10 000, les 310 communes comptent, en moyenne, 450 habitants.

La semaine dernière, je me suis rendue dans une commune où seulement cinq constructions seront possibles dans les dix ans à venir. Et ce n'est pas la seule dans cette situation ! Ces communes ne pourront absolument pas se développer dans la prochaine décennie. Or la dynamique de l'économie ne se décide pas en haut lieu ni même au niveau d'une communauté de communes : elle se crée autour des entrepreneurs qui s'installent quelque part et qui font prospérer leur entreprise. Ce problème devrait davantage être mis en avant. La non-artificialisation des terres est évidemment très importante, mais on est en train de condamner l'avenir de beaucoup de communes.

Dans certaines communes de mon département, où l'on ne recense guère plus que 100, 200 ou 300 habitants, des bâtiments vont être transformés en résidences principales. La dynamique qui devrait se créer va être complètement freinée.

M. Jean-Marc Boyer . - Merci du travail qui a été réalisé. Bien souvent, dans nos petits bourgs, les investissements en faveur du petit commerce ne manquent pas. La réussite tient, pour l'essentiel, à la fibre commerciale de ceux qui tiennent les boutiques.

Avec mes collègues Daniel Laurent et Anne Ventalon, j'ai déposé une proposition de loi visant à « redonner aux maires la maîtrise de leur développement » - nous espérons qu'elle sera examinée à l'automne.

Les propositions qu'elle contient visent à redonner de l'autonomie aux maires. Elles sont multiples : permettre aux maires de s'opposer à la diminution de leurs droits à construire ; ouvrir la possibilité de majorer de plus de 20 % les possibilités de construction aux communes, et non aux seuls EPCI ; empêcher tout transfert intempestif de la compétence relative au plan local d'urbanisme (PLU) des communes vers les intercommunalités ; permettre aux communes et aux EPCI de donner leur propre définition des hameaux, les refus se fondant bien souvent sur l'absence de continuité du bâti - il suffit qu'un chemin traverse une parcelle pour justifier un refus ; redonner à la commission de conciliation un pouvoir d'arbitrage ; rééquilibrer les rapports entre l'administration et les élus ; simplifier les règlements départementaux de sécurité contre l'incendie, qui freinent bien souvent les autorisations de construction dans les villages un peu reculés ; renforcer le droit de préemption des communes ; autoriser les constructions nécessaires à l'équilibre économique des exploitations agricoles - nous proposons une plus grande souplesse et une suppression des avis conformes de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). En ce qui me concerne, je supprimerais même la CDPENAF...

M. Jean-François Longeot , président . - Quand j'étais président de la commission spéciale sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), j'ai proposé la suppression de la CDPENAF. Je peux vous dire que cela a été ma fête dans mon département... Les agriculteurs étaient très mécontents.

Cependant, quelle est l'utilité d'un avis de la CDPENAF sur une construction qui relève d'un document d'urbanisme de la collectivité ? Il faut vraiment se poser la question. Je partage votre point de vue, mais il est plus simple de compliquer que de simplifier...

Mme Sophie Primas , présidente . - On pourrait encore débattre de la CDPENAF. Je sens bien qu'il n'y a pas ici d'unanimité à son sujet...

Mes chers collègues, permettez-moi d'attirer votre attention sur un point, que j'ai déjà évoqué lors de la réunion de mon groupe politique de ce matin, concernant le zéro artificialisation nette (ZAN), dont nous avons longuement débattu lors de l'examen de la loi Climat et résilience. Nous comprenons bien l'objectif, qui est la préservation des terres agricoles, mais nous nous sommes battus pour que cet objectif soit un minimum territorialisé ; nous en avons d'ailleurs fait une condition de l'accord en commission mixte paritaire (CMP). Nous n'avons en définitive pas été très exigeants : nous avons proposé que cette territorialisation se fasse au niveau des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Or les projets de décrets d'application relatifs au ZAN, pour lesquels la concertation est entrée dans sa phase finale, sont contraires à l'esprit de la loi - nous avons publié un communiqué de presse hier pour le dénoncer. Nous ne nous laisserons pas faire sur cette question. C'est la vision de la gouvernance de la France qui est en jeu. Nous devons, tous groupes politiques confondus, au nom du respect du Parlement et de la décentralisation, peser sur ces projets de décrets avant qu'ils ne soient publiés.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous allons mettre aux voix les recommandations de nos rapporteurs ainsi que l'autorisation de publier le rapport.

Les deux commissions adoptent, à l'unanimité, les recommandations proposées par les rapporteurs et autorisent la publication du rapport d'information sur le volet « attractivité commerciale en zones rurales » de la mission d'information sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale.

Réunie le mercredi 10 novembre 2021, la commission a procédé à une audition commune sur le thème « Accès aux services essentiels à la population et lutte contre la déprise commerciale en milieu rural » .

M. Jean-François Longeot , président . - Nous reprenons notre cycle d'auditions consacré aux perspectives de la politique d'aménagement du territoire, débutée en mars 2021. Notre sujet, ce jour, concerne l'accès aux services essentiels à la population et à la lutte contre la déprise commerciale en zone rurale. Pour évoquer ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Fabrice Dalongeville, maire d'Auger-Saint-Vincent dans l'Oise, responsable de la section départementale de l'Association des maires ruraux de France. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, est également présent, ainsi que Christian Martin, vice-président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française. Enfin, participeront à cette table ronde Alexis Roux de Bézieux, président des Épiciers de France, qui représente l'Union des entreprises de proximité, et Jérôme Gutton, directeur général délégué territoires et ruralité de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Notre commission s'intéresse à ce sujet au titre de ses compétences en matière d'aménagement du territoire et de lutte contre la désertification. Si l'approche de la réalité de nos territoires par les équipements et les services n'épuise pas toute la question de la revitalisation rurale et du dynamisme économique, elle occupe une place centrale dans l'attractivité de nos territoires, leur capacité à attirer de nouveaux habitants et à créer des liens économiques et sociaux.

Ainsi, l'enjeu de l'accessibilité aux services et aux équipements de base est particulièrement aigu pour 15 % à 20 % de la population nationale qui vit dans des territoires ruraux, situés en dehors des zones d'influence des grandes villes et des principaux bassins d'emplois. Plusieurs réponses ont émergé au fil du temps, telles que l'élaboration de schémas d'accessibilité des services publics, ou encore les maisons « France services ». Les initiatives locales de nos maires répondent également à cela, par exemple avec l'investissement en fonds propres pour assurer le maintien de commerces de proximité comme des épiceries, ou l'élaboration de programmes itinérants permettant de rapprocher l'offre de la demande. Les initiatives législatives ont également permis de marquer plus fortement l'enjeu de revitalisation commerciale, avec par exemple le dispositif de la loi « Elan » en 2018, qui a repris plusieurs idées avancées par des sénateurs, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, auteurs d'une proposition de loi sur le sujet.

Votre présence, Jérôme Gutton, nous est précieuse pour comprendre comment l'ANCT, qui a repris les missions anciennement assurées par l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), travaille pour maintenir et développer le commerce en milieu rural.

L'Agenda rural, mis en oeuvre par le Gouvernement, prévoit des actions qui visent à soutenir les collectivités territoriales dans leur projet de redynamisation. L'initiative des « 1 000 cafés » est à cet égard très positive, même si elle ne peut constituer une réponse unique au déclin de l'offre de services et de biens que nous constatons dans les secteurs ruraux. Toutefois, nous constatons que ces réponses ont été insuffisantes. En outre, avec la crise sanitaire, nos concitoyens ont exprimé leur volonté d'accéder plus rapidement et localement à un panier de services et de biens. Or, cette épidémie a également touché nos commerces ruraux, qui passaient bien souvent au travers des aides décidées par l'État. Une aide spécifique égale à 80 % de la perte du chiffre d'affaires constaté sur six mois a été mise en place pour les commerces de type épicerie, bar-tabac, restaurant, presse, point-poste situés dans les zones rurales. Cette aide ne résout pas la question de l'avenir de ces commerces ruraux. Les interrogations subsistent sur les prêts garantis par l'État (PGE).

Quoi qu'il en soit, répondre à la question de la déprise commerciale en zones rurales n'est pas une lubie d'élu local, mais une nécessité pour préserver et renforcer la cohésion sociale et territoriale dans notre pays.

Nos cinq référents sur les questions d'aménagement du territoire, Bruno Belin, Patricia Demas, Martine Filleul, Christine Herzog et Bruno Rojouan auront l'occasion de travailler sur ces sujets. Nous constituerons prochainement une mission d'information relative aux perspectives de notre politique d'aménagement du territoire, afin de prolonger ces premiers travaux de commission et d'oeuvrer à des solutions techniques qui pourront donner lieu à l'élaboration de dispositions législatives sous la forme d'une ou plusieurs propositions de loi. Je salue également la présence de Serge Babary, membre de la commission des affaires économiques, qui travaille en collaboration avec notre commission sur les sujets d'intérêt commun.

Quels sont les chiffres aujourd'hui sur la réalité de la déprise commerciale et le recul de l'accès aux services publics et privés en zones rurales ? Quels ont été les effets des confinements liés à l'épidémie de Covid-19 sur l'accès aux services publics et privés en milieu rural ? Comment pérenniser les effets positifs ? Quel est le panier de services essentiels qui permet à une commune de maintenir et de développer son attractivité ? Comment lutter contre le phénomène de recul des services et des commerces en milieu rural ?

M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France . - Le commerce est en pleine mutation. Je représente la Confédération des commerçants de France qui regroupe 27 fédérations, constituées essentiellement des très petites entreprises (TPE) de moins de onze salariés, tous secteurs d'activités confondus, situées en centre-ville : je précise que 30 % de ces 450 000 entreprises fonctionnent sans salarié. La revitalisation des centres-villes est une nécessité absolue.

Depuis de nombreuses années, il y a eu des dérives et des implantations exagérées de grandes surfaces, entraînant des vacances de centres-villes et des ruptures d'équilibre entre la périphérie et les centres-villes proprement dits.

Quelques mesures ont été prises pour maîtriser les implantations en périphérie, avec la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite « ELAN », mais le mal était déjà fait.

Je voudrais ici vous alerter : il ne s'agit pas de rompre avec la liberté d'entreprendre et avec la liberté du commerce, mais on va à la catastrophe si les pouvoirs publics ne prennent pas des mesures d'encadrement, de régulation, d'équité et d'égalité, entre autres fiscales, avec les grands acteurs économiques exerçant dans un secteur d'activité unique non diversifié, en anglais les pure players . Je viens d'apprendre qu'en région parisienne, une autorisation a été accordée pour implanter un entrepôt de 150 000 mètres carrés pour Amazon. Il ne s'agit pas de stigmatiser cette entreprise, mais de poursuivre l'élan qui a été pris au début du quinquennat en faveur de la redynamisation des centres-villes et de l'équité de traitement pour permettre une alternative à la concurrence des acteurs spécialisés dans le commerce en ligne. L'État peut aider à la mise en place de « places de marché » dans les centres-villes, pour permettre aux commerçants qui doivent se numériser rapidement de se regrouper, d'agir pour le bien-être des consommateurs.

Nous nous sommes inspirés du Canada pour mettre en place des sociétés coopératives d'intérêt collectif de centre-ville, qui relèvent de l'économie sociale et solidaire. Cet outil devrait permettre à nos territoires de se réorganiser en termes de gouvernance, de partage des activités et du pouvoir. En parallèle, nous mettons en place une plateforme numérique « commerçants de France ». Il ne s'agit pas de remplacer le commerce physique par le commerce numérique. En revanche, le commerce physique doit se doter de moyens numériques pour attirer ou faire revenir les consommateurs en centre-ville.

La société coopérative d'intérêt collectif, qui commence à se développer, va rassembler dans une même structure tous les acteurs publics, privés, consulaires, les associations, les salariés, citoyens, etc.

Je précise, avec une certaine fierté, que la ville de Langogne, en Lozère, s'est dotée de la première coopérative de France et une nouvelle dynamique s'est créée. Un marché a été créé durant la crise sanitaire pour fournir à tout le département des produits de consommation, y compris en circuits courts.

Par conséquent, je ne suis pas pessimiste, des solutions existent et il faut que les organisations professionnelles ainsi que les commerçants croient en leur avenir, se regroupent et travaillent ensemble aux côtés des pouvoirs publics - mairies, collectivités locales, État. La régionalisation me semble être nécessaire. Les moyens disponibles doivent être utilisés rapidement et le monde politique qui porte les valeurs de la nation doit être vigilant dans l'équité et l'égalité de traitement, entre les différentes formes de commerce et les différents acteurs du commerce physique, qui paie ses taxes sur les surfaces commerciales (Tascom) et numériques, alors que leurs entrepôts ne sont pas assujettis à la Tascom et ne passent pas par les commissions départementales et la commission nationale d'aménagement commercial. Une réforme des entrepôts de vente est nécessaire.

M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour cette introduction. Comme vous l'avez dit, il faut une volonté, car les solutions existent et les consommateurs peuvent accompagner ces évolutions.

M. Fabrice Dalongeville, président de l'Association des maires ruraux de l'Oise . - Je représente l'association des maires ruraux de France et je suis maire d'une commune de 530 habitants, Auger-Saint-Vincent dans l'Oise, depuis plus de vingt ans. À titre liminaire, je rappellerai quatre principaux éléments.

Tout d'abord, la cellule de base de la République est la mairie et dans la réflexion sur le commerce de proximité, le regard est souvent tourné vers le maire, qui a la connaissance du territoire ainsi que vers les acteurs économiques locaux, et un peu moins vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Ensuite, il faut tenir compte des spécificités de chaque territoire rural. Des solutions fonctionnant à Langogne ne sont pas nécessairement applicables au Grand Est ou dans des territoires très touristiques. Cette différenciation n'est pas simple en France en raison d'une culture encore assez rigide et centralisée.

Troisièmement, c'est le digital et la téléphonie mobile qui guident aujourd'hui de nombreuses actions. Dans ce domaine, un certain nombre de dispositifs sont portés par l'Association des maires ruraux, avec des initiatives prises localement sans attendre l'intervention de l'État. Il en va de même pour les commerces de proximité.

Enfin, les nouveaux commerces ne sont plus spécialisés sur un secteur, mais ils sont hybrides. Simultanément, grâce au numérique, les livraisons expresses sont accessibles dans de nombreux villages et ce sont les véhicules dédiés à cette fonction que l'on voit le plus souvent circuler dans les villages. La question majeure porte donc sur la couverture numérique de l'ensemble du territoire et la capacité de la France à répondre au besoin d'indépendance à travers l'organisation de ce commerce.

La problématique de l'organisation du commerce ne date pas d'aujourd'hui et l'implantation des grands supermarchés il y a quarante ans avait suscité les mêmes interrogations. Ainsi je me souviens, dans mon enfance, de mon père commerçant qui signalait qu'un acteur de la grande distribution mettait en place un système d'autobus pour venir chercher les consommateurs dans un rayon de 20 km autour de Compiègne. Rappelons-nous que la France est le seul pays européen à avoir choisi une orientation aussi maximaliste et excessive sur la grande distribution. Celle-ci s'organise aujourd'hui pour reproduire le modèle d'Amazon qui apparait comme le symptôme d'un modèle commercial français qui est à bout de souffle. Nous essayons d'inverser cette tendance dans les territoires ruraux mais c'est extrêmement compliqué, car l'organisation de l'État veille à ce que ce système économique ne soit pas bouleversé. Les acteurs souhaitant s'implanter localement se tournent souvent vers la commune, mais le maire est incité à transférer sa compétence à des EPCI dont la politique est souvent de développer de nouvelles zones d'activités : il faudrait donc que ce système arrête de tourner dans le mauvais sens.

M. Jean-François Longeot , président . - Votre intervention est particulièrement intéressante, car il est utile de rappeler l'évolution historique. Mes grands-parents étaient commerçants et j'ai entendu des conversations semblables à celles que vous avez rappelées sur la montée en puissance de la grande distribution. Aujourd'hui, le consommateur doit aussi prendre conscience que, du point de vue environnemental, il est vertueux de s'adresser au commerce de proximité plutôt que de parcourir plusieurs kilomètres supplémentaires pour remplir son coffre de produits qu'il n'avait pas toujours prévu d'acquérir.

M. Christian Martin, vice-président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française . - Je rejoins totalement vos propos. Pour ma part, au-delà de mes fonctions institutionnelles, j'ai exercé le métier de boulanger durant 42 ans à Aubenas en Ardèche, département rural. En tant que président de la chambre des métiers de l'Ardèche pendant dix ans, je me suis battu au sein de ses commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) pour éviter la multiplication et le développement à outrance des zones commerciales : les territoires se livraient alors à une véritable course aux implantations.

La crise sanitaire a remis notre profession sur le devant de la scène. On a très opportunément rendu hommage aux personnels de santé, mais nos salariés sont également restés au front en continuant à approvisionner les zones les plus reculées de notre territoire.

Pour inverser la déprise commerciale, il faut, dans un premier temps, figer la situation pour conserver l'existant. Aujourd'hui, un commerce alimentaire en zone rurale est un « aménageur de territoire » : il est créateur de richesses économiques, de lien social et d'emplois. Ce sont des familles qui restent sur place et des activités non délocalisables.

L'essentiel, pour le commerce de proximité, c'est avant tout d'éviter les fermetures, car il est beaucoup plus compliqué de réinstaller une boulangerie dans une commune que de trouver un repreneur. Certes, on trouve encore des jeunes candidats à l'installation, par exemple à titre de reconversion après un plan social ou parce qu'ils souhaitent quitter une grande agglomération et trouver une meilleure qualité de vie. Cependant, pour que ces commerces puissent vivre, plusieurs conditions doivent être réunies : une population suffisante, des services publics avec, en particulier, une école, des locaux adaptés et en conformité avec les normes - le maire est ici encore un interlocuteur essentiel - une concurrence raisonnable et une fiscalité équitable.

On dit que le consommateur a changé et que la crise l'a rapproché du commerçant de centre-ville ; encore faut-il qu'il puisse, par exemple, se garer à proximité.

M. Alexis Roux de Bézieux, président de la Fédération des épiciers de France . - La Fédération des épiciers de France représente environ 20 000 épiciers indépendants alors qu'en 1960, ce nombre était de 140 000. Ils sont répartis sur tout le territoire et on peut les classer en trois typologies. La première rassemble les « hédonistes », ceux qui privilégient l'épicerie fine, avec des produits en provenance directe des producteurs dans un style que certains qualifient de « bobo ». La deuxième typologie est celle de « l'épicier pratique » et multiservices en zone rurale ou en centre-ville, ce type de commerce s'appuie souvent sur une population étrangère... La troisième est celle des épiciers dits « communautaires » qui peuvent approvisionner en produits du quotidien des populations d'origine par exemple lusitanienne, italienne ou grecque.

Nous avons formé cette année, au sein de notre fédération, 60 porteurs de projet qui ont vocation à s'intégrer sur tout le territoire. L'impact de la Covid-19 en zone rurale a été plutôt positif pour beaucoup d'entre eux. En raison notamment des restrictions de circulation, certains épiciers ont connu jusqu'à 50 % d'augmentation de leur chiffre d'affaires. Ce phénomène a été assez circonscrit pendant le premier confinement et les consommateurs se sont ensuite à nouveau tournés vers la grande distribution : seule une petite proportion d'entre eux a pu être fidélisée.

En second lieu, pour qu'un commerce s'installe, perdure ou soit repris, il faut un bassin de population, une intensité concurrentielle faible et un pouvoir d'achat suffisant des populations, car le panier moyen, dans ces épiceries qui vendent des produits frais, est assez contraint. Or dans les milieux ruraux, après avoir payé les traites de leur achat immobilier, les personnes sont souvent contraintes de s'approvisionner en produits de marque distributeur. Il faut donc que le commerçant ait un positionnement sur les prix intelligents ainsi qu'un nombre suffisant de clients.

Deux contraintes pèsent tout particulièrement sur l'exploitation commerciale en centre-bourg ou en centre-ville. La première est le coût de la rénovation du bâti qui se situe en moyenne à 1 200 euros par mètre carré : une aide à la rénovation est ici souhaitable, ce qui permet de valoriser les centres-bourgs ou les villages sur le plan social, touristique ou architectural. La deuxième contrainte est le nécessaire maintien des services publics de l'État dans ces centres-bourgs. Inversement, lorsqu'une maison « France services » s'installe dans une zone commerciale, le consommateur n'a plus guère intérêt à aller en centre-ville.

En ce qui concerne la viabilité économique d'un exploitant, prenons l'exemple d'un épicier dont le ticket moyen par jour et par client est de 9 euros. Avec 35 % de marge, pour pouvoir payer le salaire d'une personne, le loyer, les frais et les charges, il doit dégager 40 000 euros par mois, ce qui correspond à 44 clients par jour sur 300 jours. Il est donc illusoire de penser qu'un commerce indépendant pérenne puisse s'implanter dans un bassin de population comptant moins de 5 000 à 10 000 clients potentiels dans un rayon d'une dizaine de kilomètres.

M. Jérôme Gutton, directeur général délégué de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) . - Dans le prolongement des 20 années de ma carrière préfectorale, notamment dans le Doubs comme sous-préfet à Montbéliard, je suis en charge des territoires et des ruralités au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : c'est l'une des quatre directions générales déléguées qui agissent de concert.

L'ANCT s'appuie sur une série de directions générales déléguées, dont la mienne, sur le réseau traditionnel de compétences au sein des services de l'État, les préfectures, les sous-préfectures et les directions départementales des territoires (DDT). Il y a également, vous l'avez cité Monsieur le Président, l'Epareca, dont les missions ont été reprises par l'ANCT. En particulier, les préfets sont devenus les délégués territoriaux de l'agence. Celle-ci s'appuie également sur un certain nombre de partenaires pour construire et animer les programmes dont elle a la charge, en particulier la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que sa filiale, la Banque des Territoires, dont les prêts et les subventions sont particulièrement importants en milieu rural, mais insuffisamment connus. La Caisse des Dépôts est très présente pour soutenir le programme « Action coeur de ville » dont la principale priorité est la revitalisation commerciale. Le programme « Petites villes de demain » concerne 1 600 communes, avec la même priorité.

Le commerce et les services publics marchent de pair et les maisons « France services » aident à l'implantation des commerces. Les 2 000 maisons « France services » sont professionnalisées et labellisées, deux personnes physiques sont présentes et spécialement formées. Elles s'appuient sur les communautés territoriales avec l'aide de ses différents acteurs, telles que les allocations familiales, l'assurance-maladie, les caisses de retraite et bien entendu La Poste. L'ANCT travaille en harmonie avec le contexte actuel de relance et de transition écologique.

Dans les programmes « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain » la dimension digitale et numérique est importante pour aider les fonctions commerciales à se maintenir sur le terrain. Le renforcement de la couverture du monde rural en téléphonie mobile s'effectue en lien avec les communes, et pour la fibre, en lien avec les départements ainsi que les régions. Tout ceci vise à créer les conditions favorables au maintien des services et des commerces sur nos territoires ruraux.

Le principal outil de l'ANCT est l'ingénierie qui est mise à disposition des collectivités au travers de différents programmes comme « Action coeur de ville », « Petites villes de demain » ou encore les Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) par l'agence et ses opérateurs partenaires. L'agence soutient financièrement les collectivités territoriales, en particulier les plus pauvres d'entre elles, dans un contexte où la diversité des acteurs rend de plus en plus complexes et de moins en moins lisibles les solutions et les moyens à activer.

De nombreux outils sont disponibles, mais insuffisamment connus, et il faudrait mettre en avant les exemples de réussites, surtout en matière de services publics ou de revitalisation commerciale, afin de les reproduire ailleurs.

S'agissant des bâtiments de grande ampleur, comme ceux d'Amazon par exemple, je parle davantage par rapport à mes expériences précédentes qu'au nom de l'ANCT, le détail des dispositions réglementaires et législatives qui s'imposent mérite d'être davantage connu des administrations et des collectivités territoriales, car elles ne sont probablement pas toujours respectées. Ils ne peuvent bien évidemment pas être construits comme un bâtiment de 400 m 2 comme les commerces de proximité que vous évoquez. On oublie trop souvent que de telles surfaces ont des obligations, notamment de pouvoir porter des panneaux solaires ; de plus, leur construction est subordonnée au respect d'un certain nombre de normes environnementales, comme la perméabilisation des sols, auxquelles s'ajoutent des obligations de compensation environnementale particulièrement difficiles à satisfaire sur certains territoires.

M. Bruno Belin . - Je tiens en préambule à remercier le bureau de notre commission et en particulier notre président Jean-François Longeot et Didier Mandelli pour l'organisation de cette table ronde. Je souhaite également remercier nos intervenants pour leurs propos passionnants.

Vous avez parlé, Monsieur le préfet, du programme « Petites Villes de Demain », qui concerne 1 600 villes, le programme « Action Coeur de Ville », concentré sur 222 villes, ou encore des 2 000 maisons « France Services », mais je souhaiterais que nous parlions avant de l'hyper-ruralité, car la moitié de nos communes ont moins de 500 habitants.

Comme nous le savons tous, le commerce en milieu rural est une des activités les plus difficiles qui soient et il nous faut proposer des solutions pour assurer sa pérennité.

Une nouvelle relation commerçant-consommateurs a émergé et la pandémie a révélé de nouveaux modèles, comme les circuits courts, et de nouveaux commerces comme les recycleries ou les camions itinérants, les food trucks même si je n'aime pas ce terme.

La prise en compte par le consommateur du paramètre distance-circuit a changé. Selon certaines chambres de commerce et d'industrie (CCI), lorsqu'un consommateur utilise son véhicule pour acheter ses produits, il faut ajouter entre 80 centimes et un euro par kilomètre pour prendre en compte l'essence et les frais de voiture.

La notion de proximité et la convivialité font désormais partie du lien commercial.

La Cour des comptes a récemment souligné la difficulté pour les territoires ruraux à sortir d'une forme de « spirale d'exclusion », qui se manifeste particulièrement dans le recul de l'accès territorial aux nous, cela a été évoqué lors de l'audition de la ministre précédemment. Nous verrons comment l'ANCT se saisit de ces sujets pour enrayer cette spirale.

Les constats que vous avez effectués sont excellents et pleins de bon sens : il faut avant tout préserver les commerces qui doivent l'être.

Je regrette ici la disparition du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) : il permettait de faire payer les grandes surfaces pour financer des dépenses de rénovation pour les petits commerces ruraux avec, par exemple, le remplacement du four à pain d'une boulangerie de proximité. Ce type de mesure, qui a bien fonctionné, doit être remis à l'ordre du jour.

Il est également nécessaire que les communes soient entendues dans les commissions départementales lorsqu'elles sont concernées par l'implantation de grandes surfaces. Les maires concernés devraient être invités et écoutés lors de la présentation des études d'impact sur le petit commerce rural.

Je me tourne également vers le représentant de l'ANCT pour dire que nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un maillage territorial dont la « maille » serait trop grosse. Vous nous répondrez peut-être que le critère traditionnel est de pouvoir accéder aux services essentiels dans un périmètre accessible en 30 minutes et le programme « Petites villes de demain » est bâti sur cette idée, mais un tel critère n'est plus opérationnel. Aujourd'hui, la mobilité à un coût financier et avec le changement climatique, on doit s'efforcer de moins utiliser sa voiture.

La proximité est devenue une nécessité et le maillage territorial doit être resserré. On ne peut uniquement poser les solutions à l'échelle de villes de 7 000 à 8 000 habitants. Vous avez évoqué la nécessité d'un bassin de population et de clientèle d'au moins 5 000 personnes et cela correspond à nos anciens cantons, qui étaient également le bassin d'école où l'on passait le certificat d'études. Les maisons « France services » doivent aussi être implantées de façon cohérente : elles peuvent générer un flux de clientèle pour les commerces de proximité.

L'État a une vraie responsabilité à l'égard des commerces réglementés, tels que les restaurants et débits de boissons disposant d'une licence IV, les pharmacies, les établissements labellisés « Française des jeux » et les boulangeries, qui, vous pourrez nous le confirmer, sont réglementés depuis Napoléon III et soumises à des régimes d'ouverture peu souples...

Il faut donc un travail de cohérence et d'adaptation à chaque bassin de population, qui n'est bien sûr pas le même d'un territoire à l'autre, pour prévenir la fermeture massive des commerces existants.

Bien entendu, l'équité fiscale doit être rétablie entre les petits commerçants et les moyennes-grandes surfaces et les élus associés. Des zones franches ont attiré des grandes surfaces alors que des commerces de centre-ville continuent à payer ses taxes foncières par ailleurs.

J'ajoute enfin que de nouveaux critères doivent être pris en compte, comme l'arrivée des néoruraux et du « tourisme vert », ce qui appelle la création de commerces et de services de proximité.

Pour accompagner ce mouvement, la formation professionnelle aux métiers de la boulangerie ou de la boucherie-est essentielle.

Je rappelle qu'en France, la masse des dépenses de formation professionnelle avoisine 50 milliards d'euros. Or dans les secteurs où l'on manque de candidats, comme la boucherie ou les préparateurs en pharmacie ou les boulangers par exemple, ce sont les chefs d'exploitation qui prennent la formation à leur charge sous forme de cotisations et ensuite qui financent également des maisons de formation. Les contraintes de mobilité des apprentis sont également majeures en milieu rural. Au total, pour tous ces sujets, qui concernent 15 à 17 millions de citoyens de la ruralité, les solutions doivent être trouvées selon une démarche de bon sens en évitant les travers du jacobinisme.

M. Jean-François Longeot , président . - J'ajoute qu'il faudrait enfin cesser de dévaloriser l'apprentissage.

Mme Patricia Demas . - Les ruralités sont diverses, mais leur point commun est le rôle central du maire. J'ai deux interrogations.

Quels témoignages pouvez-vous nous apporter sur les « tiers lieux », qui bénéficient d'un soutien du Gouvernement et de l'ANCT ? En quoi peuvent-ils contribuer à la dynamique des territoires et de quelle manière ?

Par ailleurs, la dynamique des partenariats privés-publics est souvent une réussite en matière commerciale et, par exemple, sur mon territoire une station-service a pu être préservée. Quels témoignages pouvez-vous apporter à ce sujet ? Quels types de collaborations et de projets permettent-ils de réussir ?

Mme Martine Filleul . - Merci pour vos interventions. Je soulèverai quatre interrogations pour ma part.

Tout d'abord, la périurbanisation a favorisé l'implantation souvent anarchique et redondante de surfaces commerciales en périphérie des villes. La loi « Climat et résilience » d'août 2021 a proposé un certain nombre de mesures : vont-elles dans le bon sens, faut-il apporter des correctifs, et si oui, lesquels ?

Ensuite, l'équilibre entre les bailleurs et les locataires est un facteur important pour la revitalisation d'un centre-ville ou d'une commune. Quels dispositifs permettraient selon vous d'éviter l'alourdissement des loyers pour favoriser l'implantation et le maintien de commerçants ou d'artisans dans les territoires ruraux ? Quelles solutions législatives pourrait-on mettre en oeuvre pour répondre à la problématique du niveau des charges parfois très lourdes qui pèsent sur les commerces de proximité, sans porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle ? Peut-on imaginer des types de baux spécifiques pour les commerces en milieu rural ou en zone urbaine délaissée ?

Par ailleurs, pour répondre aux défis des commerces, on constate l'émergence des magasins éphémères ou « pop-up stores ». Ils permettent de tester un concept commercial et des produits, ou de déstocker des marchandises. Ces pratiques sont-elles, selon vous, une opportunité pour enrayer la vacance commerciale en zone rurale ou dans des secteurs urbains en difficulté ?

Enfin, le plan de relance souhaite accompagner le mouvement déjà engagé localement de recyclage et de réhabilitation des friches urbaines et industrielles. Les opérations de revitalisation territoriale comprennent-elles ce genre d'action pour favoriser l'implantation de commerces ? Rencontrez-vous des obstacles pour la réutilisation de ces friches ?

M. Bruno Rojouan . - Ayant moi aussi vécu dans une famille de commerçants en zone rurale, je souhaiterais vous faire réagir à propos d'idées reçues que nous avons tous entendues.

Au préalable, je fais observer que l'avancée de la désertification a d'abord été constatée dans les villages, puis dans les villes moyennes et maintenant dans les grandes villes. Les rideaux baissés sont désormais visibles dans les grandes villes comme Paris : il suffit de s'y promener, en dehors des grands boulevards, pour voir qu'un grand nombre de vitrines commerciales sont fermées avec de vieilles affiches qui démontrent que l'activité commerciale y a cessé depuis longtemps. La problématique du commerce dit de centre-ville n'est donc plus liée uniquement à la taille de la commune, mais à une évolution de la société.

J'en viens à mes questions. Pensez-vous que le développement des voies piétonnes dans les coeurs de ville ait limité l'accès des véhicules et provoqué la dépréciation du commerce ?

Estimez-vous qu'une différenciation significative de fiscalité - avec un alourdissement pour les commerces de périphérie et un allègement pour les commerces de coeur de ville - aurait un véritable impact ?

De nombreuses communes rurales ont décidé d'acheter des murs commerciaux, afin de favoriser l'implantation de commerçants : quel est votre point de vue à ce sujet ? D'autres, plutôt de taille moyenne, ont fait le choix d'implanter des centres commerciaux dans le coeur de ville, avec pour objectif que les petits commerçants bénéficient de l'attrait de ces centres commerciaux. Que pensez-vous de ces pratiques ?

Les prix plus bas sont un élément majeur pour attirer les consommateurs. Existe-t-il, selon vous, une différence entre les prix pratiqués en périphérie et dans les commerces de centre-ville ? Les fonds de commerce des coeurs de ville ont-ils conservé une valeur ? Je rappelle que la vente du fonds finançait autrefois une partie de la retraite des commerçants et ce capital participait beaucoup à l'attrait pour les commerces de centre-ville.

M. Christian Martin, vice-président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française . - Merci pour vos témoignages et vos questions auxquelles je vous apporte quelques éléments de réponse.

S'agissant des partenariats public-privé, je voudrais mentionner quelques constats embarrassants. Lorsqu'une commune participe au maintien d'un commerce, par exemple d'une boulangerie, on voit parfois une partie du conseil municipal et de leurs familles qui ne se fournissent cependant pas chez cet artisan. De plus, certains établissements de la commune, comme les écoles ou les maisons de retraite, se fournissent quant à eux chez Sodexo quand le commerçant ne peut pas consentir des remises qui menaceraient sa survie économique.

Le sujet des voies piétonnes a été débattu dans de nombreuses communes. Elles ont certes des atouts, en particulier par beau temps. Mais, en hiver, quand il pleut, qu'il neige ou que les rues sont en pente et verglacées dans des endroits où il y a beaucoup de personnes âgées, la tentation est grande de prendre le bus qui vous amène dans un centre commercial abrité en périphérie.

S'agissant des prix : la baguette de l'artisan boulanger - environ 90 centimes d'euro - est effectivement plus chère que celle vendue dans les zones commerciales avec des prix divisés par deux. Il faut ici rappeler au consommateur que la baguette du boulanger se compose de matières premières différentes, avec d'un côté l'utilisation d'une farine locale et de l'autre, l'utilisation d'une farine dont les blés proviennent d'Asie centrale. Il est donc souhaitable de « rééduquer » le consommateur qui se veut aujourd'hui plus vertueux et écologique, mais achète au moins cher tirant les salaires et la protection sociale vers le bas. De plus, à surface égale, un commerçant emploie en moyenne trois fois plus de personnes qu'une grande surface. Ces commerces de proximité sont ainsi créateurs d'emplois, générateurs de cotisations sociales, et s'inscrivent dans une économie vertueuse.

Enfin, les petits commerçants ne demandent pas de cadeaux fiscaux ou de traitement différenciés. Nous en discutons souvent et notre conclusion est toujours identique : » mêmes droits, mêmes devoirs ».

M. Fabrice Dalongeville, président de l'Association des maires ruraux de l'Oise . - Concernant des « tiers lieux », ma réponse s'appuiera sur le cas concret de mon village : avec un établissement public foncier, nous avons racheté un presbytère de 300 mètres carrés situé sur la place du village. Nous en avons transformé une moitié en gîte d'hébergement touristique pour répondre à la demande émergente des « néoruraux ». L'autre moitié a été aménagée en café citoyen avec une licence IV communale.

Sur le principe, je remercie l'Agenda rural de nous avoir permis de retrouver des moments de convivialité grâce à la licence IV. Cependant, un courrier du sous-préfet m'a informé qu'en tant qu'officier de police judiciaire, je ne peux pas utiliser le permis d'exploiter de la licence IV communale, que je suis d'ailleurs le seul maire à avoir obtenu.

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je fais appel à vous pour faire évoluer ce dispositif, car il m'est difficile de demander à une tierce personne d'assumer cette responsabilité - et de faire face aux éventuels incidents - dans le cadre d'un projet communal.

À côté de ce café, nous avons également installé une épicerie grâce aux nouveaux outils que l'association des maires ruraux soutient, notamment Monépi, qui est une plateforme de réouverture d'épiceries en milieu rural. Nous utilisons les outils digitaux pour faciliter l'accès à l'épicerie, mais je signale qu'un tiers de la centaine de clients de ce commerce ne sait pas les utiliser. Aujourd'hui, la principale difficulté est que ce projet ne permet pas de dégager une marge de rentabilité suffisante et donc sa structuration est bénévole. Il n'y a aucun enjeu de concurrence dans ce village qui a été déserté des commerces. En revanche, des dispositifs comme « 1 000 Cafés » permettent d'aider des commerçants déjà installés, même si certaines critiques peuvent être adressées aux montages immobiliers utilisés.

Par ailleurs, pour soutenir le commerce local, nous avons lancé le projet « C'est ma tournée » avec la plateforme de financement rural « Bouge ton coq » : 300000 euros y ont été consacrés pendant la crise Covid.

L'épicerie de proximité propose les produits de producteurs locaux à des prix cependant assez élevés, car personne n'est réellement philanthrope et nous dresserons un bilan de cette expérience après six mois de fonctionnement. Chacun a parfois tendance à augmenter ses marges, si bien que l'organisation d'un circuit court de proximité a un coût important qui se répercute dans les prix. Aussi, de nombreuses personnes n'y ont pas accès alors que le territoire n'est pas défavorisé socialement.

Un « tiers lieu » permet d'hybrider les offres de services dans un lieu de vie : c'est une tendance de plus en plus forte aujourd'hui. Sur les 1 800 tiers lieux français qui ont été identifiés, la moitié se trouvent en milieu rural.

Grâce à « RuraConnect », notre mairie met également à disposition, en ligne, la salle du Conseil municipal ainsi qu'une salle ouverte à la location, notamment pour des représentants de commerce du territoire qui ont besoin de se réunir.

Par ailleurs, l'appréciation des zones piétonnes est variable selon les territoires. Dans la commune de 500 habitants où je suis élu, la place du village se confond avec le secteur piétonnier. Je note que les territoires touristiques sont plus agréables lorsqu'ils comportent des secteurs piétonniers et les solutions pertinentes dépendent donc des situations.

J'en viens aux sujets immobiliers. La prise en main « municipale » des murs me paraît d'une nécessité évidente et incontournable. La difficulté réside dans la situation financière des communes qui subissent la baisse des dotations et l'absence d'horizon financier à moyen ou long terme tout en devant gérer les problématiques liées à l'assainissement, à l'eau, à l'enfouissement ou encore à la transition énergétique. Dans ce contexte, les établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont des outils importants et efficaces dans certaines situations.

Enfin, la fiscalité reflète la triste réalité de notre système économique et la volonté politique qui la sous-tend. Les montages fiscaux de l'entreprise de Jeff Besos nous éclairent sur les difficultés que rencontre l'État pour baisser les impôts des artisans indépendants. Davantage d'équité permettrait à chacun de mieux s'en sortir.

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie pour ces interventions et suis très sensible à leur pragmatisme. Il y a plusieurs formes de ruralité : pour avoir eu la chance de gérer une commune au patrimoine exceptionnel, j'ai, moi aussi, fait appel aux établissements publics fonciers pour solliciter des artisans d'art et recréer une dynamique de centre-ville.

M. Fabrice Dalongeville, président de l'Association des maires ruraux de l'Oise . - Vos propos m'amènent à ajouter une remarque, tout particulièrement à l'attention des représentants de l'ANCT : les effets de seuil et les fléchages spécifiques deviennent insupportables. Les énergies et les besoins doivent être déployés au service d'un projet pour le faire aboutir, quelles que soient la densité, la localisation, ou la dimension patrimoniale du village concerné.

Je le redis, il faut partir du projet pour permettre aux communes rurales de moins de 1 000 habitants de bénéficier de dispositifs que nous appelons « Villages d'avenir » et qui auraient vocation à être généralisés à l'ensemble des collectivités locales.

M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France . - J'apprécie beaucoup les questions qui ont été posées.

Vous avez demandé des exemples de réorganisation commerciale novatrice. Je citerai les expériences conduites dans l'Albigeois, à Langogne ou encore à Montélimar et une trentaine d'autres cas en gestation. Fondées sur le principe de cogestion, les sociétés coopératives d'intérêt collectif y associent les acteurs - mairies, collectivités locales, citoyens, commerçants, acteurs privés, professionnels libéraux. Cette piste très prometteuse s'inscrit dans le cadre de l'économie sociale et solidaire.

Vous avez également évoqué l'artificialisation des sols et le réemploi des friches. Nous ne souhaitons pas que les entreprises Amazon bénéficient à nouveau des dispositifs de réaménagement des fiches pour installer leurs entrepôts de 50000 à 150000 mètres carrés, tout en bénéficiant d'une fiscalité attrayante. Une piste sérieuse consisterait à aider des jeunes qui souhaitent s'installer dans des zones rurales en trouvant des solutions de gestion sous forme coopérative avec des propriétaires de commerces qui ont dû fermer.

Les collectivités locales ont besoin de ressources fiscales, mais si tous les entrepôts logistiques d'entreprises qui proposent des produits directement aux consommateurs, en B to C, étaient soumis à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), les sommes collectées représenteraient une manne financière significative qui pourrait être redéployée en zone rurale dans le cadre des plans « Petites villes de demain » ou « Action coeur de ville ».

Par ailleurs, les Assises du commerce nous permettront d'évoquer les importants problèmes de loyers. Des commissions départementales existent quasiment dans tous les départements. Elles devront se réformer et devenir plus efficientes pour prendre en compte le montant des loyers. Le montant de ces derniers est parfois délirant et cela crée une ségrégation entre les différentes typologies de commerçants. Par principe, aucune procédure portant sur les loyers ne devrait être engagée sans concertation avec ces commissions départementales.

S'agissant du regroupement des acteurs et de l'étude des projets de réaménagement des territoires, je reste à la disposition des maires et des collectivités territoriales pour leur information sur les coopératives numériques ou de centre-ville : je dispose de dossiers très complets et bien ficelés. Les maires sont trop souvent isolés et d'après mon expérience, il faut les mettre en situation de donner, ou pas, le feu vert à une opération de regroupement. Enfin, je salue le discours de l'ANCT, tel qu'il vient d'être formulé.

M. Alexis Roux de Bézieux, président de la Fédération des épiciers de France . - En France, notre chance est qu'il reste heureusement beaucoup d'indépendants dynamiques, malgré la crise Covid qui a été fatale pour certains.

J'aborderais un sujet qui me parait important : celui des « rentes », la valeur du fonds de commerce. Pendant longtemps, la valeur du fonds de commerce a été le socle de la retraite du commerçant. Aujourd'hui ce n'est plus le cas, ce qui soulève le problème de la rentabilité du travail de l'indépendant. Cette rentabilité dépend du volume d'activités, car les effets d'élasticité-prix sont relativement faibles : les dépenses alimentaires représentent actuellement 5 à 15 % du budget des ménages contre 30 % il y a quarante ans. Les Français n'envisagent de renoncer ni à leur abonnement à domicile auprès d'un fournisseur d'accès numérique ni à leur téléphone mobile. Une part contrainte du budget des ménages est donc accordée aux loisirs et aux divertissements.

Dans ce contexte, l'indépendant rencontre fréquemment un problème de niveau de vie lié à la couverture de l'achat de ses produits ou fournitures et de ses frais fixes.

Aujourd'hui, il n'y a quasiment plus de centrales d'achat pour les indépendants : la plupart des centrales d'achats sont désormais regroupées au sein des grands distributeurs. Ceux-ci risquent d'ailleurs également de subir, à terme, la désaffection des consommateurs et de redevenir des grossistes pour des épiciers indépendants, car leur modèle intégré arrive en fin de cycle et se renouvellera probablement pour s'adapter aux attentes de la population.

En contrepoint, les Français recherchent généralement de la singularité et une différenciation du commerce, cette préférence étant limitée par des considérations de prix. Or, il y a peu d'élasticité-prix chez le consommateur et peu de marge de manoeuvre pour l'indépendant qui ne se peut pas se fournir à bas coût auprès des centrales d'achat groupées.

Pour leur part, les frais fixes sont principalement composés des frais de personnels et du loyer. On l'a bien vu pendant la crise Covid, certains bailleurs n'ont guère réalisé d'efforts sur les loyers quand bien même leurs locataires subissaient des baisses significatives de leur chiffre d'affaires. En centre-ville, la réduction de l'amplitude horaire d'ouverture a pénalisé des commerçants.

Une plus grande variabilité des loyers pourrait être envisagée selon le principe d'un taux d'effort qui dépendrait de la rentabilité des métiers : les loyers seraient ainsi paramétrés selon la performance et le niveau de chiffre d'affaires.

Par ailleurs, l'achat des murs par les communes est envisageable et ne me choque pas.

Quant à la valeur des fonds de commerce, je l'ai évoqué, elle repose sur un modèle dépassé, un peu comme celui des licences de taxi, et n'existe pas dans plusieurs pays.

Enfin, fiscalement, il faudrait que le commerçant puisse mieux comprendre ce qu'il paye et combien il paye pour ensuite pouvoir calculer les effets des impôts de production sur le compte d'exploitation d'un commerce.

Plus largement, il faut progresser au niveau de la facilité d'exploitation d'un commerce, car la norme, notamment environnementale, se révèle souvent difficile à comprendre et à appliquer pour l'indépendant et à contrôler pour l'État.

M. Jérôme Gutton, directeur général délégué de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) . - Je souhaite revenir sur certains sujets pour dissiper les malentendus.

Tout d'abord, s'agissant de la taille des « Petites villes de demain », il n'existe aucun seuil comparable à ceux établis par l'INSEE. La ministre Jacqueline Gourault a décidé de ne pas hésiter à retenir des communes de 700 à 900 habitants, en fonction de l'organisation du territoire, de sa réalité commerciale et de ses capacités de développement. Chaque territoire fait ainsi l'objet d'un examen particulier. Nous travaillons donc beaucoup sur l'animation des « Petites villes de demain », en liaison étroite avec les élus et les autres partenaires.

Par ailleurs, dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), nous veillons, sous la houlette du maire et du président de la Communauté de communes concerné, à faire bénéficier du dispositif le territoire tout entier : il n'y a donc pas de frontière entre la petite ville labellisée et le territoire qui l'entoure. La cible est relativement large et permet d'éviter les effets de seuil ou les effets couperets extrêmement fâcheux.

Je reconnais, en tant que préfet, avoir été assez attaché au FISAC, mais nous disposons d'outils alternatifs non négligeables que les régions et les communautés de communes ont mis en place dans un contexte de décentralisation.

L'État subventionne effectivement le rachat de murs dans plusieurs communes, via la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), en fonction des catégories éligibles définies par les élus membres de la commission départementale. Si aucune disposition ne s'y oppose, le préfet ou le sous-préfet ont la possibilité de participer au rachat de murs à condition de respecter les principes fondamentaux de la concurrence. En l'absence de tout intervenant depuis plusieurs années, les conditions sont évidemment réunies ; elles ne le sont pas, a priori , si plusieurs commerces se sont maintenus sur la même thématique.

Pour faire écho à la remarque du Président Longeot, la France est désormais largement couverte par des établissements publics fonciers de l'État qui réalisent un travail précieux. Ils sont plus ou moins connus selon les territoires qui se les approprient progressivement en fonction de leur histoire.

L'ex-EPARECA désormais intégré à l'ANCT, travaille davantage sur des enjeux de revitalisation commerciale dans des villes particulièrement difficiles, avec des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cependant, le bénéfice du savoir-faire des équipes s'élargira graduellement.

Enfin, la Caisse des dépôts et consignations met progressivement en place des sociétés foncières qui ont une activité dynamique.

Nous essayons donc de travailler intelligemment, sans référence à des « seuils », en fonction des caractéristiques du territoire - géographie, sociologie et bassins de vie. L'ANCT a vocation à travailler en priorité au profit des territoires les plus ruraux.

M. Éric Gold . - Je souhaite évoquer la disparition régulière des agences bancaires pourtant nécessaires à l'activité commerciale des territoires. Plus généralement, les distributeurs automatiques se raréfient dans les zones rurales alors que le paiement en espèces reste largement utilisé dans les commerces de base.

Certains prestataires proposent désormais aux communes ou intercommunalités de prendre en charge l'installation et le fonctionnement de ces distributeurs pour des montants exorbitants.

Devons-nous nous résigner à voir les services bancaires disparaître inéluctablement ? Cette évolution génère-t-elle des handicaps ou va-t-elle simplement dans le sens de l'histoire ? A-t-elle des conséquences particulières sur vos activités ?

Mme Angèle Préville . - Je souhaite aborder la problématique liée à la réforme sur les entrepôts de vente et en particulier leur imposition à la Tascom. Nous déposons régulièrement des amendements sur ce point, sans succès jusqu'à présent. Nous persévérerons, car j'estime que cette mutation spécifiquement française de la consommation et de la livraison à domicile représente un non-sens écologique. Cette urgence est absolue.

Le Lot est un territoire très rural qui rassemble beaucoup de communes de moins de 1 000 habitants - la majorité des communes du département ont quelques centaines d'habitants. Après la crise Covid, plusieurs commerces multiservices restants ont dû fermer et les maires désemparés ignorent comment réinstaller ce type de commerces dans leur commune.

Quelles solutions peuvent être proposées à des communes de 100 à 300 habitants ? À quelles conditions - notamment en nombre d'habitants - une boulangerie est-elle viable ? Est-il envisageable de solliciter des personnes qui travaillent déjà à leur domicile pour gérer un multiservice ?

M. Jean-Michel Houllegatte . - On a vu les boulangers devenir boulangers-pâtissiers et ils proposent désormais d'autres menus. L'évolution de ce modèle économique soulève d'ailleurs de nouvelles difficultés.

L'éducation du consommateur a été renforcée par différentes lois, notamment par l'affichage du NutriScore et de l'impact environnemental. Elle se structure progressivement autour de projets alimentaires territoriaux (PAT). Les branches professionnelles liées au commerce et à l'artisanat, auxquelles s'associent généralement les chambres d'agriculture, sont-elles véritablement parties prenantes des projets alimentaires territoriaux (cantines scolaires, épiceries de quartier) ?

Vous avez également évoqué les « 1 000 Cafés » pour réinventer le bistrot du village. Quel est l'état d'avancement de ce projet ? Qu'apporte-t-il concrètement ?

M. Étienne Blanc . - Aujourd'hui, le droit de l'Union européenne met en oeuvre une politique de prix guidée par le dogme selon lequel les prix les plus faibles servent les concitoyens les plus modestes. C'est pourquoi la France rencontre des difficultés lorsqu'elle cherche à protéger les entreprises ou les commerces de proximité contre la grande distribution : nous l'avons constaté avec la loi Egalim.

Comment imaginer une véritable politique d'aménagement du territoire qui développe le commerce de proximité dans les bourgs et les petites communes alors même que le droit européen nous impose des restrictions qui la rendent quasiment impossible ?

M. Gilbert Favreau . - Nous venons de tirer à boulets rouges sur les grandes surfaces et on constate aujourd'hui que dans beaucoup de petites et moyennes communes, certaines surfaces de commerce fonctionnent bien en ciblant, le plus souvent, les besoins alimentaires. Or, en matière d'urbanisme, nous observons généralement que des moyennes surfaces demandent l'autorisation d'installer une galerie marchande à proximité.

Je tairais le nom d'une commune qui a refusé au propriétaire de la moyenne surface d'installer une galerie marchande et il s'agit d'une commune où le commerce individuel est le plus florissant du département. Dans ces galeries marchandes, on rencontre toutes les activités qui disparaissent progressivement des communes.

Le propriétaire de la moyenne surface a pourtant exercé beaucoup de pression pour obtenir une autorisation : l'affaire a été portée au tribunal, lequel a donné gain de cause à la commune qui refusait cette extension et la mairie se satisfait aujourd'hui pleinement de la situation. C'est une idée qui peut être suggérée à certains élus qui voudraient maintenir les petits commerces.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Dans mon département, nous avons également essayé de refuser l'aménagement d'une galerie marchande autour d'une grande surface. Nous avons été contraints d'accepter deux ou trois commerces, mais nous avons réussi à empêcher l'installation de petits commerces à proximité de ces galeries.

Dans le cadre de l'ANCT, je conseille aux communes qui souhaitent installer des commerces de veiller à inscrire ces politiques dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Ils seront en effet cosignés par le préfet et le président de la Communauté de communes et permettront de garantir des fonds DETR et DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) aux communes qui souhaitent investir dans l'immobilier pour installer des commerces. Par ailleurs, j'estime qu'il est important de penser au cybercommerce sans oublier que « le commerce marche bien quand le commerçant est bon », c'est-à-dire quand la formation est adaptée et que les conditions sont bonnes.

Mme Laurence Muller-Bronn . - Dans nos communes, l'application des lois et des normes d'accessibilité a poussé de nombreux commerces à fermer, puis à rouvrir dans des zones commerciales. Cette évolution a rendu plus difficile l'accès des commerces aux personnes âgées qui vivent dans les vieux centres, car elles doivent désormais prendre la voiture. En voulant résoudre le problème de l'accessibilité physique, nous avons donc compliqué l'accessibilité pour les personnes âgées.

Par ailleurs, il faut rappeler les contradictions auxquelles on doit faire face : tout le monde veut le commerce à proximité, mais personne ne souhaite les nuisances - sonores, visuelles - de livraison. Les habitants de certains lotissements ne souhaitent pas voir rouvrir des boulangeries de centre-ville, car ils privilégient la quiétude, le repos ou la piscine et le panier de basket. Face à ces constats, les maires rencontrent des difficultés pour faire évoluer la situation de certaines communes.

Nous avons évoqué le multiservice et les « tiers lieux ». Ces concepts « à la mode » fonctionnent bien à condition que le commerçant soit compétent et en bonne santé, car à l'amplitude très large des horaires s'ajoute la nécessaire polyvalence. Dans ces conditions, le commerçant ne doit subir aucun accident de parcours. Or, combien de commerces ont fermé en raison d'un accident de la vie ? Le conjoint collaborateur n'est pas assez protégé non plus. Quand sera-t-il vraiment couvert ? Combien de commerces ferment parce que la succession est trop compliquée ou que la fiscalité qui pèse sur les successions et les transmissions de commerces est trop lourde ? Quelles sont les évolutions possibles ?

Est-il envisageable de légiférer sur le reversement de commissions et le loyer pour faciliter la reprise des supérettes alimentaires en milieu rural ? Un indépendant qui n'a pas accès aux centrales d'achat privilégiera le circuit court, mais ce dernier a ses limites. Comment faire en sorte qu'une supérette de 300 mètres carrés, gérée comme un commerce indépendant, soit moins défavorisée par ses fournisseurs ?

Enfin, comment rendre les métiers attractifs pour assurer leur pérennité ? La distribution de produits de qualité demande beaucoup de dévouement et de présence en contrepartie de niveaux de vie modestes. Autrefois, les commerces étaient pérennes et l'évolution reflète notre façon de vivre actuelle, moins stable. Le client, très exigeant, n'est plus aussi fidèle qu'autrefois.

M. Serge Babary . - Merci pour votre invitation. La commission des affaires économiques s'intéresse constamment à l'évolution et à la révolution du commerce.

Ma première question porte sur le digital. La crise a mis en exergue la nécessité pour les commerçants d'accélérer leur transition numérique. Au-delà des discours de principe, le commerce en ligne semble constituer une solution dont l'efficacité reste hétérogène selon les territoires - les ruralités - et les entreprises. Cela dépend de la zone de chalandise, du coût de transport, du type de produits vendus, ou encore du nombre d'entrepôts à construire. Pensez-vous que cette solution soit aussi utile en zones rurales plus qu'en zones urbaines ? Si oui, passe-t-elle par le développement de plateformes très localisées ou, au contraire, étendues à l'échelle d'un bassin de vie ? Quels sont les freins à ce développement éventuel ?

Par ailleurs, le plan de relance a prévu plusieurs dispositifs destinés au commerce et à l'artisanat, notamment le financement de foncières de redynamisation commerciale chargées d'acquérir des locaux vacants, de les rénover, puis de les louer à moindre prix afin d'attirer de nouveaux commerçants. Ces foncières se déploient-elles suffisamment rapidement ? Sont-elles à la hauteur des enjeux ?

M. Christian Martin, vice-président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française . - Je n'aurai pas de mots assez durs pour dénoncer les pratiques des banques, notamment en matière d'octroi de prêts garantis par l'État (PGE) en période de crise. Nous avons dû faire intervenir Monsieur Bruno Le Maire pour que les banques, qui ne prenaient quasiment aucun risque, débloquent les fonds sans exiger des conditions exorbitantes.

Par ailleurs, je souhaiterais rappeler l'existence d'organisations professionnelles chargées d'aider à la transmission d'entreprises commerciales. La Confédération générale de l'alimentation de détail (CGAD) regroupe toutes les professions alimentaires, chaque profession étant structurée en organisation professionnelle.

La profession des bouchers met en place des « boîtes repas » dans certaines communes : les consommateurs sont invités à passer leurs commandes à distance, puis à venir chercher leurs plateaux préparés par le boucher. Cette solution répond astucieusement à certaines situations.

Pour éviter la disparition d'un commerce comme la boulangerie, j'estime intéressant de se rapprocher des organisations professionnelles. Elles connaissent parfaitement les besoins du métier, contrairement aux banques ou aux vendeurs de matériels qui sur-dosent parfois les ventes d'équipement plus ou moins utiles.

Il convient également de rester vigilant face aux minotiers. Les contrats d'exclusivité sont des contrats difficiles à combattre, car ils sont légaux. Un jeune qui s'engage se voit ainsi prêter de l'argent par un meunier ou un marchand de matériel, sous réserve qu'il se fournisse exclusivement chez lui. Or, le jeune ignore, lorsqu'il s'installe, que le prix de la farine sera fixé par le meunier.

Les organisations professionnelles de branche et la CGAD peuvent donc assister le professionnel pour que son commerce reste pérenne. Elles travaillent également sur la digitalisation et la lutte contre le gaspillage. Les organisations professionnelles ont des commissions qui réfléchissent à la formation. Elles collaborent localement avec les chambres consulaires et le rapprochement avec les élus locaux est dans leur ADN.

Effectivement, les normes européennes qui nous sont imposées s'appliquent indifféremment à la société qui emploie 15000 salariés ou au boulanger qui emploie 3 personnes, dont un ou deux apprentis. Nous formons 28000 apprentis par an. Ni la crise économique ni la crise sanitaire n'ont empêché la boulangerie artisanale et les commerces alimentaires de continuer à créer de l'emploi. Nous devrons en prendre conscience.

Le ministre Alain Griset a formulé des propositions intéressantes pour la protection du conjoint. Trois statuts le protègent aujourd'hui, celui du conjoint collaborateur était le plus utilisé, car moins coûteux. Il sera désormais limité dans le temps.

Nos organisations professionnelles sont structurées pour traiter la formation, mais aussi la situation économique, sociale ou fiscale. Je préside ainsi une Commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation (CPPNI) au niveau national. Le dialogue social, qui porte principalement sur le droit du travail, est très vivant dans nos branches.

Nous formons de nombreux apprentis, mais nous rencontrons des difficultés pour les fidéliser dès qu'ils obtiennent leur CAP. Nous réfléchissons à leur proposer un cursus professionnel leur offrant une évolution intéressante. Enfin, d'autres services doivent être présents dans la ruralité, car les jeunes souhaitent se rendre au cinéma, au théâtre ou au restaurant.

M. Fabrice Dalongeville, président de l'Association des maires ruraux de l'Oise . - Avec les « Bistrots de Pays », nous militons pour la création d'une sixième catégorie d'établissements recevant du public (ERP) qui tiendrait compte des contraintes du milieu rural.

Concernant la relation aux banques, l'arrêt de la fermeture des distributeurs est primordial.

La dimension de service public de proximité doit ensuite être revisitée malgré les contraintes du droit européen, car le maillage postal du territoire est extraordinaire.

Le projet « 1 000 Cafés » s'appuie sur des gérants-salariés tandis que la création d'épiceries repose sur l'économie sociale et solidaire et un engagement bénévole. La réflexion sur ce point doit être approfondie dans les zones désertifiées, car les artisans indépendants n'apporteront pas d'offre commerçante alors que les néoruraux recherchent des projets de création de commerces.

Nous avons réglé la problématique du distributeur, car nos commerces proposent de délivrer des espèces, en contrepartie d'un paiement en carte bancaire du même montant en prenant les frais à notre charge

Ce modèle bénévole existe et avance dans les territoires. Il représente un axe de développement important pour redonner du sens à la ruralité, mais la reconnaissance du bénévolat est difficile.

Enfin, j'ai recruté deux jeunes en services civiques dans notre projet communal du café citoyen, avec une rémunération mensuelle de 104 euros par étudiant. Cette démarche renforce le lien intergénérationnel et permet au jeune de bénéficier d'une expérience complémentaire. Ce dispositif très peu utilisé aujourd'hui permet de promouvoir l'inclusion sociale et la solidarité intergénérationnelle.

M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France . - La digitalisation est une préoccupation croissante dans l'esprit des commerçants, mais les organisations professionnelles, les communes et les ministères doivent poursuivre leurs efforts pour qu'elle s'établisse véritablement de manière globale et équilibrée.

Nous devons continuer de soutenir nos commerçants, en particulier dans les zones rurales quelque peu déshéritées, et permettre la généralisation de la numérisation dans le commerce physique.

M. Alexis Roux de Bézieux, président de la Fédération des épiciers de France . - Nous notons une diminution de l'utilisation des espèces de 15 % à 50 % en volume, avec des variations selon les zones d'habitation - ruralité ou centre-ville - et les catégories de population. Le taux de commission (0,25 % à 0,5 %) que doit avancer le commerçant ne justifie pas pleinement un refus de paiement par carte bancaire en dessous, par exemple, de 15 euros. J'ajoute que le fait de ne pas manipuler d'espèces limite les risques de vols et de cambriolage, sachant qu'en centre-ville, les commerces sont cambriolés, en moyenne, tous les deux ans.

Enfin, pour réussir un commerce pérenne, les fédérations professionnelles peuvent identifier les critères de succès en fonction de la zone de chalandise, du pouvoir d'achat, de la distance par rapport à la concurrence, du choix des produits, de leur qualité, leur prix, sans oublier le facteur essentiel du profil du commerçant.

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie pour ces échanges particulièrement intéressants. Vous nous avez apporté des faits et arguments très utiles et de bon sens pour enrichir nos travaux.

La commission adopte les propositions et autorise la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

PERSONNES ENTENDUES PAR MM. BRUNO BELIN ET SERGE BABARY

Mardi 14 décembre 2021

- Fédération nationale des syndicats des commerçants des marchés de France (FNSCMF) : Mme Monique RUBIN , présidente, M. Gérard WERRY , trésorier.

- Confédération nationale des buralistes : MM. Philippe COY , président, Léopold PINAULT , chargé des affaires publiques.

- Programmes « 1000 Cafés » (Groupe SOS) : Mme Sophie LE GAL , directrice, Mme Chloé BRILLON , directrice secteur action territoriale.

Mercredi 15 décembre 2021

- LSA : M. Yves PUGET , directeur de la rédaction.

Mercredi 12 janvier 2022

- Table ronde : Fédération des commerçants spécialistes des jouets et produits de l'enfant (FCJPE), Fédération des magasins de bricolage (FMB) et Fédération de l'habillement (FNH) : Mme Caroline HUPIN , déléguée générale de la FMB, MM. Jean KIMPE , délégué général de la FCJPE, Romain MULLIEZ , co-président de la FCJPE, Étienne DJELLOUL , vice-président de la FNH, président de la branche du textile habillement, Mme Florence BONNET-TOURÉ , secrétaire générale de la FNH.

- Française des Jeux (FDJ) : MM. Patrick BUFFARD , directeur général adjoint, en charge du commercial, de la BU Sport, des médias, de la production TV et de l'événementiel, Yann PATERNOSTER , responsable relations institutionnelles.

- Table ronde : Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP), Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD) et Fédération des entreprises de la boulangerie (FEB) : MM. Dominique ANRACT , président de la FEB pour la CGAD, Christophe GIRARDET , vice-président de la FEB, Paul BOIVIN , délégué général de la FEB, Mmes Virginie GRIMAULT , secrétaire générale de la FECP, Isabelle FILLAUD , chef de département, affaires juridiques, économiques et européennes de la CGAD.

- Conseil économique social et environnemental (Cese) : Mme Éveline DUHAMEL , conseillère, M. Patrick MOLINOZ , conseiller, rapporteurs sur la saisine gouvernementale concernant le commerce.

- Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) : Mme Alexandra BOUTHELIER , déléguée générale, M. Alain SOUILLEAUX , directeur juridique.

- Ville à joie : M. Marius DRIGNY , président et fondateur, Mme Céleste FOLLOROU , chargée de développement.

Mercredi 26 janvier 2022

- Fédération du commerce et de la distribution (FCD) : Mme Layla RAHHOU , directrice des affaires publiques, M. Jacques DAVY , directeur juridique et fiscal en charge du comité urbanisme.

- Association nationale des établissements publics fonciers locaux (ANEPFL) : MM. Philippe ALPY , président, Arnaud PORTIER , secrétaire général, Mme Charlotte BOEX , chargée de mission.

- Conseil national des centres commerciaux (CNCC) : M. Gontran THÜRING , délégué général, Mme Salomé GRANGÉ , chargée d'affaires publiques et juridiques, M. Dorian LAMARRE , directeur des relations institutionnelles et extérieures.

- Pari mutuel urbain (PMU) : M. Philippe AUGIER , président, Mme Emmanuelle MALECAZE-DOUBLET , directrice générale adjointe, MM. Régis BOURGUEIL , directeur des affaires publiques, membre du comité de direction, Romain ROGISTER , directeur des réseaux commerciaux.

- Mouvement Inter-Régional des associations pour le maintien de l'agriculture paysanne (AMAP) : Mme Evelyne BOULONGNE , porte-parole.

Mardi 1 février 2022

- Audition commune Union des entreprises de proximité (U2P) et Chambres de commerce et d'industrie (CCI) : M. Alexis ROUX DE BEZIEUX , Président des Épiciers de France, pour l'U2P, Mme Isabelle FILLAUD , chef de département, affaires juridiques, économiques et européennes de la CGAD pour l'U2P, Mme Corinne MANEROUCK , responsable juridique du pôle affaires publiques de CCI France, MM. Richard PAPAZOGLOU , président de la CCI Meuse Haute-Marne, M. Éric FERRIÈRES , directeur général de la CCI de Lozère.

- Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) : Mmes Sabah DOUDOU , directrice conseil, Marie AUDREN , responsable affaires publiques.

- Alliance du commerce : M. Guillaume SIMONIN , directeur du pôle économique et juridique.

Jeudi 3 février 2022

- Institut Procos : M. Emmanuel LE ROCH , délégué général.

Jeudi 10 février 2022

- Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) : M. Philippe MOATI , co-fondateur.

Mercredi 16 février 2022

- Fédération bancaire française (FBF) : Mmes Maya ATIG , directrice générale, Marie LHUISSIER , directrice affaires publiques banque de détail, Crédit Agricole, Sophie OLIVIER , directrice des marchés et études, MM. Emmanuel-Georges MICHELIN , directeur adjoint des affaires publiques, Groupe BPCE, Guillaume ANGLARS , chargé de relations institutionnelles.

Mardi 22 février 2022

- Chambres des métiers de l'artisanat (CMA) France : MM. Julien GONDARD , directeur général, Samuel DEGUARA , directeur des affaires publiques.

- Conseil du commerce de France (CDCF) : M. William KOEBERLÉ , président.

Mercredi 2 mars 2022

- Groupe La Poste : M. Yannick IMBERT , préfet, directeur des affaires territoriales et publiques, Mme Nathalie COLLIN , directrice générale adjointe.

- Table ronde (Union des syndicats pharmaceutiques d'officine (USPO), Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Association de pharmacie rurale (APR)) : M. Pierre-Olivier VARIOT , président de l'USPO, Mme Bénédicte BERTHOLOM , directrice générale de l'USPO, MM. Denis MILLET , président de la commission Économie de la FSPF, Albin DUMAS , président de l'APR.

PERSONNES ENTENDUES AVEC LES RAPPORTEURS MMES PATRICIA DEMAS, MARTINE FILLEUL, CHRISTINE HERZOG ET M. BRUNO ROJOUAN

Mercredi 9 février 2022

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : Mmes Charlotte DE FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement, Nathalie FOURNEAU , responsable du département aménagement du territoire, Constance DE PÉLICHY , maire de La Ferté Saint-Aubin.

Mardi 15 février 2022

- Association des maires ruraux de France (AMrF) : M. François DESCOEUR , maire d'Anglards-de-Salers, membre du conseil d'administration de l'Association des maires ruraux de France, Mme Adèle LABORDERIE , juriste-conseil, M. Cédric SZABO , directeur.

- Assemblée des petites villes de France (APVF) : MM. Vincent CHAUVET , membre du Bureau, maire d'Autun, Sacha BENTOLILA , conseiller relations avec le Parlement.

- Ministère de l'économie et des finances - Direction générale des entreprises (DGE) : M. Alban GALLAND , sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration.

Mardi 22 février 2022

- Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) : MM. Frédéric REISS , premier vice-président, Michaël RESTIER , directeur, Mme Lisa LABARRIÈRE , chargée de mission.

Mardi 1 mars 2022

- Assemblée des communautés de France (AdCF) : M. Benjamin SAINT HUILE , Président de la Communauté d'Agglomération Maubeuge-Val de Sambre.

- Groupe SOS : Mme Chloé BRILLON , Directrice générale action territoriale, notamment en charge des 1000 cafés, M. Bertil DE FOS , Directeur général d'Auxilia, cabinet du Groupe SOS, notamment en charge du programme « mon centre-ville un incroyable commerce ».

- Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : M. Yves LE BRETON , directeur général, M. Agnès REINER , directrice générale déléguée appui opérationnel et stratégique, M. Jérôme GUTTON , directeur général délégué Territoire et Ruralité, M. Pierre-Louis ROLLE , directeur inclusion numérique.

Mercredi 2 mars 2022

- Assemblée des départements de France (ADF) : M. Bruno FAURE , Président du département du Cantal.

- Direction générale des collectivités locales (DGCL) : M. Stanislas BOURRON, directeur général.


* 1 Les centres locaux offrent une douzaine d'équipements et de services à la population, les centres intermédiaires présentent une offre enrichie de 29 équipements par rapport aux centres locaux, les centres structurants offrent une quarantaine de services supplémentaires par rapport aux centres intermédiaires, dont certains sont essentiels mais dont le recours n'est pas quotidien, et les centres majeurs regroupent les services les plus rares sur le territoire. Enfin, les 24 400 communes non-centres offrent moins d'une douzaine d'équipements et de services.

* 2 Art. 150-0 D ter du code général des impôts.

* 3 Art. 244 quater M du code général des impôts.

* 4 CFE, CVAE, TFPB.

* 5 Modification législative nécessaire.

* 6 Le dépeuplement traduit une baisse de la population liée à un solde migratoire négatif.

* 7 La dépopulation traduit une baisse de la population liée à un solde naturel négatif.

* 8 Selon les données statistiques du rapport « les chiffres clefs des collectivités locales » publié chaque année par le Gouvernement.

* 9 C. Rieu, Les évolutions démographiques des territoires entre 1975 et 1999, Population, 55 ème année, n° 3, 2000, p. 477-501.

* 10 L'unité urbaine est définie par l'Insee comme « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ».

* 11 Sébastien Oliveau, Yoann Doignon, « Les dynamiques démographiques des espaces ruraux français : 50 ans de divergence », Gabriel Wackermann, Les espaces ruraux en France, Ellipses Editions, pp.115-125, 2018.

* 12 Le développement des grandes surfaces et son impact sur la durée de vie du petit commerce alimentaire de proximité, 19 mars 2015, Simon Quantin et Laure Turner.

* 13 Insee, Les entreprises en France, édition 2017. Toutefois, en se fondant sur les données statistiques issues de la base permanente des équipements de l'Insee, la Direction générale des entreprises considère que 53,48 % des communes disposaient en France, en 2020, d'au moins un équipement commercial (46,5 % des communes ne disposant donc d'aucun commerce).

* 14 L'emploi salarié artisanal est toutefois en recul en Bourgogne Franche-Comté, dans le Centre Val de Loire, et plus généralement au sud du Massif central.

* 15 Selon l'Insee, en 2020, les ventes des petites surfaces d'alimentation générale ont augmenté de 9 %, celles des boucheries-charcuteries de 5,2 %, et celles des primeurs de 8,9 %.

* 16 Par exemple, le nombre de mètres carrés autorisés ne correspond pas forcément, in fine , au nombre de mètres carrés effectivement construits.

* 17 OpinionWay pour Asterop, « Les Français et les commerces près de chez eux : berceau d'inégalités entre les privilégiés des métropoles et les délaissés de la France périphérique », mai 2018. À noter en particulier que les habitants de zone rurale déclarent parcourir vingt kilomètres en moyenne pour se rendre chez un opérateur de téléphonie, contre trois kilomètres pour un Francilien.

* 18 IGF, CGEDD, La revitalisation commerciale des centres-villes, juillet 2016.

* 19 CGEDD, Inscrire les dynamiques du commerce dans la ville durable, mars 2017.

* 20 Ainsi, au 1 er février 2020, 70 % de la population des communes situées en France métropolitaine hors communes îles, soit 64 millions d'habitants, résidaient à moins de 30 minutes d'une maison « France Services ». À la fin de l'année 2021, 95 % de la population pouvait accéder à une France services en moins de 30 minutes et la cible a été fixée à 100 % fin 2022.

* 21 Cet indicateur pourrait figurer parmi les indicateurs de performance de la mission « Économie » ou de la mission « Cohésion des territoires ».

* 22 Le programme Action coeur de ville, mis en place en 2017 et doté de 5 milliards d'euros, dont 3,8 milliards d'euros avaient été décaissés au 15 février 2022.

* 23 Le programme Petites Villes de demain, mis en place en 2020.

* 24 Insee 2021, La France et ses territoires.

* 25 Ibidem.

* 26 Baromètre de la cohésion des territoires, août 2021.

* 27 Cet indicateur de concentration de l'emploi rapporte le nombre d'emplois existants dans une zone d'emplois au nombre de personnes en activité (actifs occupés) qui y vivent, afin d'apprécier l'équilibre entre l'offre d'emploi et l'offre résidentielle.

* 28 Insee 2021, La France et ses territoires.

* 29 Insee 2021, La France et ses territoires.

* 30 Le Centre d'économie et de sociologie appliquées à l'agriculture et aux espaces ruraux (CESEAR) est une unité mixte de recherche en sciences sociales entre AgroSup Dijon, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et l'Université de Bourgogne-France-Comté.

* 31 La notion de fragilité est définie à partir de cinq indicateurs décrivant les variations annuelles de population et d'emploi, les inégalités territoriales du niveau de vie (revenu disponible médian), la dépendance territoriale de la population (habitants peu mobiles) et le surcoût de l'éloignement (distance supplémentaire à parcourir pour atteindre un centre de même niveau en cas de disparition du centre le plus proche).

* 32 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 33 Article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales.

* 34 Voir le rapport n° 98 (2018-2019) de Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 31 octobre 2018, sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et sur la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 35 Voir le IV de l'article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales.

* 36 Voir le rapport n° 676 (2016-2017) du 20 juillet 2017.

* 37 Texte n° 125 (2017-2018).

* 38 1 milliard d'euros de la Caisse des dépôts en fonds propres et 700 M€ en prêt, 1,5 milliard d'euros d'Action Logement et 1 milliard d'euros de l'Agence nationale de l'habitat. Les crédits complémentaires proviennent du budget de l'État.

* 39 Atlas Action Coeur de Ville, février 2022.

* 40 Selon les chiffres transmis par l'ANCT.

* 41 https://www.interieur.gouv.fr/fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Rapports-recents/L-ANCT-l-Etat-deconcentre-au-service-de-la-cohesion-des-territoires .

* 42 Recommandations 16, 17 et 18.

* 43 Le manager de commerce est un métier nouveau, dont le rôle est de coordonner les efforts et les ressources des acteurs publics et privés pour promouvoir le commerce et l'artisanat, pour encourager sa diversité auprès des investisseurs et pour donner des raisons objectives aux usagers de réaliser leurs achats sur son territoire. L'objectif du manager du commerce est principalement de développer l'attractivité commerciale d'un territoire en agissant directement sur l'organisation du commerce (encadrement des mutations commerciales, suppression des locaux vacants, politiques collectives d'animation et de promotion, développement d'enseignes...). Aujourd'hui, les managers de commerce sont majoritairement recrutés par les collectivités territoriales (communes ou EPCI).

* 44 Programme 112 de la mission « cohésion des territoires ».

* 45 Mission « plan de relance » des projets de loi de finances 2021 et 2022.

* 46 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 47 Dispense d'autorisation d'exploitation commerciale en centre-ville, possibilité de suspendre au cas par cas des projets commerciaux périphériques, accès prioritaire aux aides de l'Agence nationale de l'habitat, éligibilité au dispositif « Denormandie dans l'ancien », accès aux permis d'innover et d'aménager multi-sites, renforcement du droit de préemption urbain et dans les locaux artisanaux.

* 48 81 ORT sont pluri-communales.

* 49 Article 95 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 50 La commune du programme ACV qui est située dans un espace peu dense est Bressuire.

* 51 Les trois communes du programme PVD situées dans un espace densément peuplé sont : Le Portel, Saint-Martin-Boulogne et Hendaye.

* 52 Les trois communes de plus de 20 000 habitants sont Challans (85), Le Moule (97) et Saint-Anne (97). Les trois communes dont le nombre d'habitants est inconnu sont situées à Mayotte : Bandraboua (97), Bandrele (97) et Ouangani (97). Le recensement de la population de Mayotte n'est pas encore effectif dans le millésime 2018. Ces 3 communes au recensement précédent comptaient respectivement 13 989, 10 282 et 10 203 habitants.

* 53 Les communes dans la catégorie « hors champ » sont situées en Outre-mer (l'étude sur les centralités a été conduite seulement en France métropolitaine).

* 54 Les communes dans la catégorie « hors champ » sont situées en Outre-mer (l'étude sur les centralités a été conduite seulement en France métropolitaine).

* 55 Il existe cinq communes dans le programme PVD qui n'exercent pas de centralité, au sens des critères retenus dans l'étude INRAE -CESAER). Il s'agit des communes de Crozant (23), d'Illoud (52), de Saint-Blin (52), de Barembach (67) et de Roquecor (82).

* 56 En particulier, les ventes en décembre 2019 ont diminué de 4 % à l'échelle nationale, et de 18 % à Paris.

* 57 Selon l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH), l'activité hôtelière a baissé de 4 à 30 % durant les semaines de février et mars 2019.

* 58 « Violences en marge des gilets jaunes : des commerçants en danger, un soutien minimal de l'État », rapport d'information n° 605 (2018-2019) de Mme Évelyne Renaud-Garabedian, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 26 juin 2019.

* 59 Insee première, n° 1866, juillet 2021, « Début 2021, l'activité s'améliore dans le commerce, après avoir plongé en 2020 ».

* 60 Insee, La situation du commerce en 2021, document de travail n° 2021-06, décembre 2021.

* 61 L'Observatoire des usages émergents de la ville, « Comprendre la ville de demain, anticiper ses évolutions et mesurer les bouleversements dans les modes de vie urbains », novembre 2017.

* 62 Ipsos, « Néo-ruraux : portrait des citadins venus s'installer à la campagne », 2003.

* 63 En 2020, l'Insee a toutefois calculé que seuls 28 000 Parisiens avaient quitté la capitale pour s'installer en province, dans une zone peu dense.

* 64 Insee, « Transmission et reprise d'entreprise : 80 700 emplois potentiellement en jeu dans les prochaines années », décembre 2018.

* 65 Art. 150-0 D ter du code général des impôts.

* 66 Art. 244 quater M du code général des impôts.

* 67 Voir par exemple : Avis n° 141 (2019-2020) de M. Serge BABARY, Mme Anne-Catherine LOISIER et M. Martial BOURQUIN, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020 (mission Économie).

* 68 Zones de revitalisation rurale (ZRR), zones d'aide à finalité régionale (AFR), zones d'aide à l'investissement des petites et moyennes entreprises (ZAIPME), zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE), bassins d'emploi à redynamiser (BER), bassins urbains à dynamiser (BUD), zones de développement prioritaire (ZDP).

* 69 Rapport d'information n° 41 (2019-2020), Sauver les ZRR : un enjeu pour 2020 de Rémy Pointereau, Bernard Delcros et Frédérique Espagnac.

* 70 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019.

* 71 Les communes concernées doivent répondre aux trois conditions cumulatives suivantes : la population municipale est inférieure à 3 500 habitants, la commune n'appartient pas à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois, la commune comprend un nombre d'établissements exerçant une activité commerciale inférieure ou égal à dix.

* 72 Les communes concernées doivent répondre à deux critères cumulatifs : conclure une convention ORT avant le 1 er octobre de l'année qui précède la première année d'application de l'exonération et présenter un revenu fiscal médian par unité de consommation inférieur à la médiane nationale des revenus fiscaux médians par unité de consommation (en 2018 : 21 620). Ce second critère ne s'applique pas pour les départements et régions d'outre-mer.

* 73 Selon les chiffres transmis par CMA.

* 74 Il s'agit de Frédérique Espagnac, Bernard Delcros, Anne Blanc et Jean-Noël Barrot.

* 75 Rapport d'information n° 41 (2019-2020), Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR) : un enjeu pour 2020 , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances.

* 76 CFE, CVAE, TFPB.

* 77 Équité et souplesse, pour un commerce en pleine mutation, Rapport d'information n° 358 (2020-2021) de M. Serge BABARY, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 10 février 2021.

* 78 L'omnicanalité peut se définir de la façon suivante : « La gestion des nombreux canaux et points de contact avec les clients, l'objectif étant de bénéficier de synergie et d'optimiser l'expérience des clients au travers des canaux ainsi que de la performance de l'ensemble des canaux. Les stratégies omnicanales les plus abouties sont les stratégies de distribution dites "phygitales", c'est-à-dire celles qui combinent les composantes physiques et digitales. », d'après Verhoef et al., 2015, cité dans O. Badot, J-F Lemoine, A. Ochs, « Distribution 4.0 », Pearson, 2018 .

* 79 Il est intéressant de constater à cet égard que, durant le confinement, les ventes en ligne des commerces physiques ont progressé trois fois plus vite que celles des « pure-players » , avec des pics à + 100 %, d'après la Fevad.

* 80 Selon la Fédération des commerces spécialistes de jouets et produits de l'enfant (FCJPE), ce sont plutôt entre 20 et 30 % des clients récupérant un colis qui fréquenteraient ensuite le commerce ayant servi de point relai.

* 81 Ces communes regroupent 37 % de la population française.

* 82 Statistiques fournies par la Fevad.

* 83 « Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ? », Rapport d'information de Mme Pascale Gruny, fait au nom de la délégation aux entreprises, n° 635 (2018-2019) - 4 juillet 2019.

* 84 En 2021, 1 082 établissements publics de coopération intercommunale et 472 communes bénéficiaient de la Tascom, à hauteur de 768,6 millions d'euros pour les premiers et de 29 millions d'euros pour les secondes.

* 85 « Équité et souplesse, pour un commerce en pleine mutation », Rapport d'information n° 358 (2020-2021) de M. Serge Babary, fait au nom de la commission des affaires économiques, - 10 février 2021.

* 86 34 % des communes de moins de 5 000 habitants disposent d'un supermarché, 13 % d'une grande surface de bricolage, 19 % d'un magasin d'équipement du foyer, 20 % d'un magasin de meubles.

* 87 Chiffres donnés respectivement dans le rapport n° 4968 de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le rôle et l'avenir des commerces de proximité dans l'animation et l'aménagement des territoires, présenté le 26 janvier 2022 par Sandra Marsaud (rapporteure) et Emmanuel Maquet (président) et dans la contribution écrite de la Fédération nationale des syndicats des commerçants des marchés de France (FNSMCF).

* 88 Ibidem.

* 89 Jean-Marc Callois, Des populations nourries par leurs territoires de proximité ? La pandémie Covid-19 révélatrice d'une révolution des circuits courts, Association Population & Avenir, 2022/1 n° 756.

* 90 L'activité des commerçants non-sédentaires requiert une autorisation d'occupation temporaire (AOT) dans les conditions prévues par le code général de la propriété des personnes publiques : autorisation d'installation accordée par la mairie ou un placier en contrepartie du paiement des droits de place, permis de stationnement délivré par l'autorité administrative chargée de la police de la circulation, permission de voirie accordée par l'autorité chargée de la gestion du domaine.

* 91 Loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes modifiée par la loi n° 95-96 du 1 er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats régissant diverses activités d'ordre économique et sociale et par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Ces dispositions sont désormais inscrites aux articles L. 123-29 à L. 123-31 et R. 123-208-1 à R. 123-208-8 du code de commerce.

* 92 Aux termes de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales, les conseils municipaux délibèrent sur la création, le transfert ou la suppression de halles ou de marchés communaux après consultation des organisations professionnelles intéressées, qui disposent d'un délai d'un mois pour émettre un avis. L'autorité municipale établit également un règlement spécifique. L'article L. 2224-18-1 du CGCT fixe les conditions dans lesquelles le titulaire d'une place de marché peut présenter au maire un successeur, en cas de cession de son fonds.

* 93 Modification du II de l'article L. 3332-17-1 du code du travail et du II de l'article L. 120-1 du code du service national.

* 94 Ce dispositif permet à des jeunes de 18 à 30 ans d'un niveau au moins bac+2 de mener des missions dans les collectivités territoriales.

* 95 Article L. 1233-6 du code général des collectivités territoriales.

* 96 Le décret n° 2021-1275 du 29 septembre 2021 a fixé les modalités de mise en oeuvre de la réserve citoyenne de la cohésion des territoires.

* 97 Article 219 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 98 L'article 47 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 prévoit qu'une licence IV peut être créée, pendant une durée de trois à compter de la publication de la loi, par déclaration auprès du maire dans les communes de moins de 3 500 habitants n'en disposant pas à la date de publication de la loi. Cette licence ne peut faire l'objet d'aucun transfert au-delà de l'intercommunalité concernée.

* 99 Modification législative nécessaire.

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