Rapport d'information n° 727 (2021-2022) de MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 juin 2022

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N° 727

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le fonds exceptionnel d' investissement outre-mer (FEI),

Par MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

AVANT PROPOS

Dans un précédent rapport 1 ( * ) fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI), publié en octobre 2016 et portant sur la période 2009-2015, les rapporteurs spéciaux avaient formulé dix recommandations :

1. réduire le nombre de thématiques entrant dans son champ d'intervention et mieux préciser leur intitulé afin d'éviter un risque de dispersion des aides du FEI ;

2. limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux deux priorités retenues pour chaque territoire afin de rendre plus lisibles les domaines d'intervention du fonds ;

3. privilégier les projets pour lesquels l'aide demandée représente au moins 40 % du coût total de l'opération afin d'éviter un « saupoudrage » des aides du FEI et de renforcer son effet déclencheur ;

4. prévoir que les services de l'État justifient le montant proposé lorsque celui-ci diffère du montant demandé par la collectivité et prévoir une obligation similaire lorsque le montant notifié par le ministère des outre-mer diffère de celui recommandé par les préfectures et hauts commissariats afin de renforcer la transparence du dispositif ;

5. stabiliser le montant des AE consacrées au FEI et pérenniser cet instrument au-delà de 2017 afin d'assurer une visibilité pour les collectivités territoriales porteuses de projet ;

6. dans un objectif de soutenabilité, poursuivre la hausse des CP dans les années à venir et préserver l'enveloppe votée en loi de finances initiale afin d'accompagner l'augmentation du niveau des engagements depuis 2013 et de limiter l'augmentation du niveau des charges à payer ;

7. compléter le décret du 30 décembre 2009 en fixant, d'une part, la date limite à laquelle la liste des opérations sélectionnées par le ministre chargé de l'outre-mer doit être rendue publique et, d'autre part, la date limite à laquelle les représentants de l'État doivent faire parvenir au ministère la liste des deux thèmes prioritaires retenus pour leur territoire afin de permettre aux collectivités territoriales de préparer plus en amont leurs dossiers de candidature ;

8. rappeler systématiquement dans la circulaire transmise chaque année aux préfets et hauts commissaires l'obligation de lancer un appel à projets auprès de l'ensemble des collectivités territoriales de leur DOM ou COM afin de permettre à un plus grand nombre de collectivités territoriales de présenter des projets ;

9. établir une liste des critères présidant au choix des projets et prévoir que chaque décision de rejet fasse l'objet d'une motivation lorsqu'il existe une divergence entre le classement proposé par les préfets et hauts commissaires en partenariat avec les collectivités territoriales et celui in fine retenu par le ministère et indiquer dans la circulaire transmise chaque année aux préfets et hauts commissaires le montant de l'enveloppe estimative envisagée pour chaque territoire afin de renforcer la transparence du dispositif ;

10. définir une liste d'indicateurs au niveau national et pour chaque projet afin de mieux évaluer l'impact socio-économique des opérations subventionnées.

Le présent rapport est donc l'occasion de réaliser un suivi de ces recommandations mais également d'analyser l'évolution du FEI sur la période 2016-2022, les problèmes persistants et les évolutions envisageables.

Enfin, les dernières annonces relatives aux crédits alloués au FEI portaient sur la période 2018-2022. Ce contrôle permettra donc de proposer des perspectives pour le quinquennat à venir.

Le suivi des recommandations du précédent rapport sera traité dans les parties ad hoc. Un tableau récapitulatif est également présenté en annexe.

L'ESSENTIEL

MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », ont présenté le mercredi 22 juin 2022 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI).

I. DES BESOINS CONSIDÉRABLES EN ÉQUIPEMENTS PUBLICS

A. UNE INSUFFISANCE STRUCTURELLE DES INFRASTRUCTURES EN OUTRE-MER

De manière structurelle, les infrastructures publiques en outre-mer présentent des déficits et défaillances qui s'expliquent par plusieurs facteurs et notamment :

- la topographie des territoires qui rend difficile les travaux de construction et d'entretien ;

- les risques naturels qui nécessitent des normes de construction spécifiques ;

- des investissements passés insuffisants.

La plupart des infrastructures publiques en outre-mer sont ainsi aujourd'hui insuffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins de la population, sont défaillantes ou présentes des coûts pour l'usager supérieurs à ceux constatés en métropole.

Écart des taux d'équipement entre les territoires d'outre-mer et la métropole en nombre pour 100 000 habitants

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE pour 2020. Les données relatives à l'outre-mer concernent les seuls territoires de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte

Ce constat général de besoins en équipements publics est ancien . Il avait déjà été établi par l'inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport de 2012 ainsi que dans un précédent rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le FEI, publié en octobre 2016 et portant sur la période 2009-2015. Aussi, force est de constater que malgré les outils d'aide à l'investissement développés depuis plus de 10 ans , et que les rapporteurs saluent, les besoins d'investissement sont toujours importants avec des écarts avec la métropole qui peinent à se réduire.

B. DES INVESTISSEMENTS EN HAUSSE MAIS QUI NE PERMETTENT PAS DE SATISFAIRE LES BESOINS

Les dépenses d'investissement par habitant des collectivités d'outre-mer sont en nette hausse depuis 2017 et se situent, pour les départements et les régions à des niveaux supérieurs à ceux constatés en métropole. Cependant, malgré un niveau de dépenses d'équipement global plus élevé en outre-mer qu'en métropole, les investissements réalisés ne suffisent pas pour faire face aux besoins importants en raison notamment :

- d'un retard important qui nécessite un surcroit d'investissement par rapport à la métropole ;

- d'un coût de construction et d'entretien des équipements publics supérieur en outre-mer par rapport à la métropole.

Dès lors, en raison de la situation financière dégradée des collectivités d'outre-mer, il est indispensable d'accroitre les moyens permettant aux collectivités locales de poursuivre et même d'amplifier leurs investissements.

II. LA CRÉATION DU FEI EN COMPLÉMENT D'AUTRES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER

A. UNE AIDE AU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS

Dans ce contexte, le FEI a été créé par la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (LODEOM) qui prévoit que l'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent des investissements sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.

Si les investissements pouvant bénéficier du FEI sont limités aux seuls équipements publics, les collectivités pouvant bénéficier des crédits du fonds sont, quant à elles, définies au sens large.

L'objectif premier de ce dispositif s'inscrit dans une démarche de rattrapage des niveaux socio-économiques entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

B. LE POIDS DU FEI PAR RAPPORT AUX AUTRES AIDES À L'INVESTISSEMENT

Le FEI est un outil complémentaire aux autres aides à l'investissement développées par l'État ou l'Union européenne qui revêtent plusieurs formes :

- crédits budgétaires du programme 123 (« conditions de vie outre-mer) de la mission « outre-mer » ;

- dotations d'investissement aux collectivités portées par la mission « relations avec les collectivités territoriales » ;

- crédits du plan de relance et du PIA ;

- fonds européens.

Le FEI, d'un montant annuel de 110 millions d'euros, représente 5,4 % du total des aides à l'investissement public en outre-mer (8,5 % hors plan de relance qui n'a pas vocation à être pérenne). Si ce poids relatif par rapport aux autres sources de financement est limité, le fonds reste, pour les rapporteurs spéciaux, un outil complémentaire indispensable en ce qu'il joue un effet levier sur les autres financements tout en offrant une souplesse de gestion et une rapidité de mise en oeuvre.

Poids du FEI dans le total des aides à l'investissement public allouées aux territoires d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires et de la DGCL (direction générale des collectivités locales)

III. LE FEI : UN OUTIL UTILE MAIS DONT LA GOUVERNANCE ET LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION RESTENT PERFECTIBLES

A. UNE GOUVERNANCE CENTRALISÉE QUI LAISSE PEU DE PLACE AUX ÉLUS LOCAUX

Le FEI est administré par le ministre chargé de l'outre-mer qui détermine chaque année, dans le cadre d'une circulaire annuelle, la nature des opérations susceptibles de bénéficier du FEI. Les représentants de l'État déterminent ensuite les thématiques prioritaires locales, lancent l'appel à projets auprès des collectivités et fixent, après analyse des dossiers reçus, une liste des opérations. Le ministre arrête in fine la liste définitive des opérations sélectionnées, à partir des listes transmises par les préfets et hauts commissaires, pour bénéficier d'une subvention.

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses de la DGOM

Les élus ne sont pas consultés dans les phases déterminantes de la procédure et leur consultation sur les projets envisagés reste variable selon les territoires, peu formalisée et non déterminante dans les sélections réalisées par les services déconcentrés puis par le ministre.

B. DES MODALITÉS DE SÉLECTION ET DE SUIVI DES PROJETS PERFECTIBLES

Le calendrier de sélection, très contraint , ne laisse pas aux collectivités le temps nécessaire à une préparation optimale des dossiers qu'elles souhaitent déposer et limite la procédure d'instruction des demandes.

Les critères de sélection , bien que précisés dans la circulaire annuelle, demeurent peu transparents d'autant que les études d'impact ne sont pas obligatoires à l'appui des dossiers déposés et que les décisions de rejet ne sont ni notifiées ni expliquées aux collectivités.

Enfin , le suivi des projets sélectionnés est essentiellement financier . Il est réalisé selon des modalités très variables d'un territoire à l'autre et ne comporte aucune évaluation ex-post de l'impact des équipements réalisés.

IV. DES CRÉDITS À PÉRENNISER ET UNE CONSOMMATION À AMÉLIORER

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DU FEI ET SA NÉCESSAIRE PÉRENNISATION APRÈS 2022

Les crédits alloués au FEI ont nettement augmenté depuis sa création en 2009 pour se stabiliser, depuis 2019, à 110 millions d'euros par an en autorisations d'engagement. Ce niveau doit être maintenu pour le prochain quinquennat au regard des besoins d'investissement des territoires d'outre-mer.

B. UNE SOUS CONSOMMATION AUX FACTEURS MULTIPLES QUI LIMITE D'IMPACT DU FEI

Cependant, le FEI continue d'enregistrer une sous consommation des crédits ouverts qui s'explique par un manque d'ingénierie mais également par une programmation, en début de gestion, inférieure aux crédits ouverts en LFI. Cette sous programmation, alors même que des projets ne sont pas sélectionnés bien qu'éligibles, permet ensuite, en cours de gestion, des redéploiements vers d'autres programmes budgétaires ou d'autres actions du programme 123 ainsi que le financement d'aléas de gestion. La pratique de redéploiements quasi systématiques à compter de 2019 pour financer des opérations d'investissement ne relevant pas du FEI ou des dépenses supplémentaires apparues en gestion interroge. En effet, le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels.

Évolution de la consommation des crédits FEI entre 2018 et 2021

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Recommandation n° 1 : Pour financer les constructions et rénovations scolaires de Mayotte sans recourir au FEI de manière indue, augmenter les crédits alloués à l'action 6 du programme 123 à due concurrence (DGOM, DB).

Recommandation n° 2 : Limiter à quatre le nombre des priorités retenues au niveau local afin d'éviter un phénomène de dispersion tout en s'adaptant au mieux aux besoins des territoires (DGOM, préfectures, hauts commissariats).

Recommandation n° 3 : Limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux priorités retenues pour chaque territoire (DGOM, préfectures, hauts commissariats).

Recommandation n° 4 : Formaliser les échanges avec les élus locaux en cours d'année au sein d'instances ad hoc afin d'associer les élus à la définition des priorités locales à retenir dans l'appel à projets de chaque territoire et de consulter les élus sur la priorisation de leurs dossiers (DGOM, préfectures, hauts commissariats).

Recommandation n° 5 : Prévoir un délai de trois mois minimum (contre deux en moyenne actuellement) entre la publication de la circulaire annuelle et la date limite de remontée des dossiers présélectionnés par les préfectures et hauts commissariats (DGOM).

Recommandation n° 6 : Rendre l'étude d'impact obligatoire pour les dossiers ne relevant pas de la sécurité des populations (DGOM).

Recommandation n° 7 : Notifier systématiquement les décisions de rejet des dossiers non sélectionnés en précisant les causes du rejet (DGOM, préfectures, hauts commissariats).

Recommandation n° 8 : Évaluer, ex-post, l'impact socio-économique des projets financés par le FEI (DGOM, préfectures, hauts commissariats) (DGOM, DB).

Recommandation n° 9 : Déterminer une nouvelle trajectoire pluriannuelle pour la période 2023-2027 en adéquation avec les besoins d'investissement des territoires d'outre-mer (DGOM, DB).

Recommandation n° 10 : Sanctuariser les crédits alloués au FEI lors de la LFI et mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion (DGOM, DB).

Recommandation n° 11 : Programmer l'intégralité des autorisations d'engagement ouvertes en LFI au titre du FEI en début de gestion (DGOM).

PREMIÈRE PARTIE
LA PERSISTANCE DE BESOINS CONSIDÉRABLES EN ÉQUIPEMENTS PUBLICS MALGRÉ UNE HAUSSE DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

I. UNE INSUFFISANCE STRUCTURELLE DES INFRASTRUCTURES EN OUTRE-MER

De manière structurelle, les infrastructures publiques en outre-mer présentent des déficits et défaillances qui s'expliquent par plusieurs facteurs et notamment :

- la topographie des territoires qui rend difficile les travaux de construction et d'entretien ;

- les risques naturels qui nécessitent des normes de construction spécifiques ;

- des investissements passés insuffisants.

Dans ce contexte, l'objectif de la présente partie n'est pas de faire un état des lieux exhaustif des besoins d'infrastructures (les données sur le sujet sont par ailleurs parcellaires et parfois anciennes) mais de pointer les problèmes structurels touchant la plupart des infrastructures publiques.

A. DES INFRASTRUCTURES DE RÉSEAUX LIMITÉES ET MAL ENTRETENUES

1. Des infrastructures de transport saturées

Le réseau routier présente une densité 2,6 fois plus faible en outre-mer qu'en métropole . En effet, on y compte en moyenne, toutes routes confondues, 6,2 kilomètres de route pour 1 000 habitants contre 16,3 kilomètres en métropole.

Évolution du nombre de kilomètres de route en métropole et en outre-mer,
entre 2013 et 2018, par type de route

Source : commission des finances du Sénat à partir du rapport « Chiffres clés du transport - édition 2020 » du Commissariat général au développement durable

De surcroit, ce différentiel perdure malgré une croissance du nombre de kilomètres construits supérieure en outre-mer par rapport à la métropole (entre 2013 et 2018, 20 % de route en plus en outre-mer contre 1,72 % en métropole). En Guyane, par exemple, le réseau routier est concentré le long du littoral et environ 10 000 habitants de l'intérieur ne sont pas desservis.

En sus de ce déficit d'infrastructures routières, il convient de souligner que le réseau secondaire se caractérise par un manque d'entretien et d'investissement générant une dégradation régulière de son état et, subséquemment, des conditions de transport (particulièrement à Mayotte).

Parallèlement, les réseaux de transports en commun publics sont encore très peu développés en dehors des villes. Dans les agglomérations les plus importantes, leur extension récente n'a pas toujours pris en considération les besoins des usagers notamment en termes d'amplitude horaire, de régularité et de fréquence et de nombreuses zones ne sont toujours pas desservies (exemple : les hauteurs de Tahiti en Polynésie française). Dans ce contexte, la part des transports en commun dans les déplacements domicile-travail reste très faible : 5 % à la Réunion contre 14,6 % en métropole.

2. Des réseaux d'eau et d'assainissement défaillants

La plupart des territoires d'outre-mer présente un retard structurel en équipements nécessaires au traitement, à l'assainissement et à l'adduction d'eau . Malgré le plan « Eau Dom » 2 ( * ) signé le 30 mai 2016 prévoyant que toutes les collectivités d'outre-mer compétentes pour la gestion de l'eau potable et de l'assainissement devaient signer un contrat de progrès avant le 31 décembre 2018, condition préalable au maintien des crédits d'investissement alloués par l'État, la situation en 2020 était encore préoccupante dans de nombreux territoires outre-mer.

Ainsi, d'après le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) relatif à « l'accès aux services publics dans les outre-mer » 3 ( * ) :

- à Mayotte 4 ( * ) et en Guyane, un quart de la population ne dispose pas d'eau potable à son domicile ou à proximité. Le traitement des eaux usées est parfois embryonnaire et toutes les communes ne sont pas dotées d'un réseau d'assainissement ;

- en Guyane , la contamination de l'eau des fleuves au mercure liée à l'orpaillage illégal est régulièrement constatée. Une étude de 2019 de l'institut de recherche pour le développement (IRD) fait état de l'imprégnation des poissons et des populations ;

- en Nouvelle-Calédonie , 7 % de la population n'a pas accès à l'eau potable et le traitement de l'eau n'est pas assuré pour 40 % des foyers de la côte Est ;

- à La Réunion , 52 % de la population est alimentée par des réseaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante ;

- en Martinique , le prix de l'eau par mètre cube est le plus élevé de France avec un prix d'environ 5,4 euros le mètre cube, en grande partie à cause des difficultés d'assainissement. En effet, le prix au mètre cube se compose d'une partie pour l'eau potable et d'une partie pour l'assainissement. En métropole, et selon les régions, les prix moyens totaux varient entre 2,2 et 4,8 euros 5 ( * ) ;

- en Guadeloupe , certaines localités ne sont pas raccordées à un réseau d'eau potable, des rotations dans la distribution d'eau étant alors mises en place pour réguler l'approvisionnement. 60 % de l'eau est perdue à cause d'un entretien lacunaire des réseaux de distribution. Les deux tiers des stations d'épuration ne sont pas conformes et seule la moitié des foyers vit dans une zone de raccordement au tout-à-l'égout. Les réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas étanches avec des rejets sans traitement dans le milieu naturel ;

- la moitié de la population de Polynésie française n'a pas l'eau courante.

B. DES ÉQUIPEMENTS SCOLAIRES ET MÉDICAUX DÉCONNECTÉS DES ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES

1. Une insuffisance d'équipements scolaires et petite enfance dans un contexte de croissance démographique

Les territoires d'outre-mer se caractérisent par une croissance démographique importante pour certains d'entre eux et une population jeune, en âge d'être scolarisée, plus importante qu'en métropole. Ainsi, en 2021, la part des 0/19 ans était de 23,6 % en métropole contre 32 % en outre-mer 6 ( * ) .

Dans ce contexte, avec des taux d'équipements scolaires pour 10 000 habitants égaux ou très légèrement supérieurs à ceux de métropole, les territoires d'outre-mer ne peuvent faire face aux besoins de scolarisation.

Il en résulte des classes surchargées voire des systèmes de rotation afin d'utiliser une même salle pour deux classes dans la même journée. Ce système de rotation concerne 60 % des écoles à Mayotte. Selon les chiffres du Défenseur des droits, les lycées et collèges sont en sureffectifs de 25 à 75 %.

Au-delà des établissements en nombre insuffisant, les syndicats d'enseignants, de parents et d'élèves dénoncent de manière régulière l'état de certaines infrastructures vieillissantes dans plusieurs établissements et des conditions d'hygiène et de sécurité ne respectant pas toujours les normes.

Parallèlement, le taux d'équipement en crèches est de 18 pour 100 000 habitants en métropole contre 13,2 pour 100 000 habitants en outre-mer alors même que la part des 0-4 ans représente 7,7 % de la population en outre-mer contre 5,2 % en métropole.

2. Des hôpitaux saturés et des établissements médico-sociaux trop peu nombreux

L'organisation sanitaire des cinq départements et régions d'outre-mer revêt une grande diversité. La Guadeloupe et la Martinique ont une capacité d'accueil et une activité hospitalières très légèrement inférieures à celles de la métropole. À l'inverse , en Guyane, à La Réunion et de manière encore plus marquée à Mayotte, les capacités d'accueil, rapportées à la population, sont nettement moins élevées et moins variées.

Ainsi, d'après les données du dernier rapport de la direction de la recherche, de l'évaluation et des statistiques (DREES) 7 ( * ) en nombre de lits de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) pour 100 000 habitants, la Martinique est le DROM qui se rapproche le plus de la métropole en 2018 (- 12 % d'écart), suivi par la Guyane (- 15 %), la Guadeloupe (- 17 %) et La Réunion (- 21 %). Pour Mayotte, l'écart reste toujours nettement plus important (- 56 %).

En psychiatrie, le nombre de lits d'hospitalisation complète en Guadeloupe et en Martinique, rapporté à leur population, est proche de celui de la métropole (84 lits pour 100 000 habitants). La Réunion et la Guyane ont des taux d'équipement plus faibles, tandis qu'à Mayotte il est quasi nul. Le taux d'équipement en hospitalisation partielle de psychiatrie des DROM est nettement plus bas qu'en métropole, sauf en Guadeloupe. En soins de suite et de réadaptation (SSR, moyen séjour), les écarts de capacités d'accueil en hospitalisation complète sont également marqués entre, d'une part, la métropole (160 lits pour 100 000 habitants), la Guadeloupe (158) et la Martinique (143), et d'autre part, La Réunion (93 lits pour 100 000 habitants), la Guyane (50) et Mayotte (0).

Dans ce contexte, les accès aux consultations et aux blocs opératoires sont saturés ce qui engendre une hausse des évacuations sanitaires . À titre d'exemple, à La Réunion, les évacuations sanitaires sont passées de 600 à plus de 1 000 par an sur quelques années, dont 60 % du fait d'usagers affiliés à la caisse de Sécurité sociale de Mayotte.

Par ailleurs, les territoires d'outre-mer sont également insuffisamment dotés en établissements médico-sociaux, surtout au regard des besoins de prévention liés à la jeunesse et au vieillissement à venir de certains territoires.

L'accompagnement des personnes handicapées et notamment des enfants est difficile en raison d'un manque de dispositifs d'accueil. Dans les DROM, les taux d'équipement en places d'accueil médicalisé pour adultes handicapés, en foyers de vie et en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), sont d'un tiers à la moitié inférieurs à la moyenne nationale.

Le déficit de places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes est également important : les équipements disponibles représentent 45 places pour 1 000 personnes âgées de plus de 75 ans à La Réunion, contre 101,4 en moyenne nationale. Mayotte ne dispose d'aucune structure d'accueil pour les personnes âgées dépendantes.

On constate ainsi que les structures d'hébergement des personnes âgées sont 3,7 fois supérieures en métropole alors que la part des personnes âgées de + de 75 ans est « seulement » 1,6 fois supérieure en métropole par rapport à l'outre-mer (9,6 % contre 5,9 %) 8 ( * ) .

C. DES PROBLÈMES DE LOGEMENT ET DE FRACTURE NUMÉRIQUE

1. Des logements sociaux en nombre insuffisant pour répondre aux besoins

Hormis la Guyane, les DROM sont des îles et archipels dans lesquels le foncier est rare et qui, pour des raisons de topographie, se prêtent parfois difficilement à la construction de logements. Par ailleurs, la situation géographique de ces territoires les expose également à des risques naturels importants générant ainsi une limitation, de fait, des terrains constructibles et renchérissant le coût de la construction. Par ailleurs, la croissance démographique importante de certains DROM (notamment Mayotte et la Guyane), de même qu'un niveau de vie inférieur à la métropole créent un besoin de logements sociaux considérable.

Il résulte de ce qui précède que 80 % des ménages des DROM sont éligibles au logement social alors que la part des ménages des DROM bénéficiant d'un logement social n'est que de 15 %.

Aussi, même si la part de logements sociaux dans les outre-mer atteint 21 % du parc de logements, pour une moyenne nationale de 15 %, les besoins ne sont pas satisfaits et la tension sur la demande de logements sociaux demeure très forte par rapport à l'offre disponible.

Part des logements sociaux

Source : commission des finances du Sénat à partir du rapport de la Cour des comptes « Le logement dans les DROM »

Dans ce contexte, l'État a mis en place un plan logement outre-mer pour la période 2015-2019 (PLOM 1) avec un objectif de construction et de réhabilitation de 10 000 logements par an. Cet objectif n'a cependant pas été atteint en raison, notamment, d'une insuffisante prise en compte des spécificités de chaque territoire.

Un deuxième PLOM, signé le 2 décembre 2019, a été lancé pour les années 2019-2022. À noter que contrairement au PLOM 1, ce deuxième plan n'a pas fixé d'objectifs quantitatifs. Cependant, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (loi EROM) 9 ( * ) et portant autres dispositions en matière sociale et économique prévoit, dans son article 3, que « la République s'assigne pour objectif la construction de 150 000 10 ( * ) logements dans les outre-mer au cours des dix années suivant la promulgation de la présente loi. Cet objectif est décliné territorialement, en tenant compte des besoins de réhabilitation ». Aucun bilan n'a encore été dressé concernant le PLOM 2.

2. Un accès au numérique très limité

Dès 2017, le Gouvernement s'est engagé à investir en faveur des territoires d'outre-mer dans le cadre du Plan France très haut débit en investissant 50 millions d'euros pour la continuité territoriale numérique dont 35 millions d'euros en loi de finances pour 2017 11 ( * ) .

Malgré ce volontarisme affiché, fin 2020, le taux d'éligibilité à la fibre des locaux situés dans les départements de Guadeloupe (22 %), Guyane (26 %) et Martinique (21 %) était très largement inférieur à la moyenne nationale (60 %). La fibre optique n'est, par ailleurs, pas disponible à Mayotte. Ces chiffres, extraits d'un rapport du groupe de réflexion Terra Nova d'avril 2021 12 ( * ) , mettent en exergue la fracture numérique dans les territoires d'outre-mer.

De surcroit, à la Réunion, où 83 % des locaux sont éligibles à la fibre, l'illectronisme touche 25 % de la population (contre 17 % à l'échelle nationale).

Enfin, à Mayotte, l'accès à un ordinateur et à Internet reste très marginal voire inexistant pour une large partie de la population. En Guyane, la fracture numérique entre le littoral et l'intérieur est aggravée par la faiblesse voire l'inexistence du réseau haut débit.

D. SYNTHÈSE SUR LES TAUX D'ÉQUIPEMENT EN INFRASTRUCTURES PUBLIQUES DES OUTRE-MER

La plupart des infrastructures publiques en outre-mer sont insuffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins de la population, sont défaillantes ou présentent des coûts pour l'usager supérieurs à ceux constatés en métropole.

Dans certains domaines (maternités, structures d'enseignement, hors enseignement supérieur) les taux d'équipements en outre-mer sont équivalents voire très légèrement supérieurs à la métropole mais ramenés aux besoins (population âgée de moins de 19 ans 13 ( * ) ou taux de natalité 14 ( * ) ) le taux devient alors nettement inférieur à celui de métropole.

Taux d'équipement comparés entre les territoires d'outre-mer
et la métropole en 2020

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE pour 2020. Les données relatives à l'outre-mer concernent les seuls territoires de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte.

Écart des taux d'équipement entre les territoires d'outre-mer et la métropole
en nombre pour 100 000 habitants

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE pour 2020. Les données relatives à l'outre-mer concernent les seuls territoires de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte

Ce constat général de besoins en équipements publics est ancien. Il avait déjà été établi par l'inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport de 2012 15 ( * ) qui précisait que, « toutes les études déjà réalisées s'accordent à reconnaître un important retard en équipements , plus ou moins fort selon les territoires. Ainsi, en dépit des efforts déjà effectués, par exemple à La Réunion, le manque d'infrastructures adaptées est patent. Le réseau de transports publics est notoirement insuffisant et les besoins sont particulièrement cruciaux dans les secteurs de l'eau et des déchets. [...] Le besoin en équipements éducatifs, sociaux et de santé est également considérable qu'il s'agisse d'équipements neufs ou de remise en état, suite notamment aux dégradations imputables aux conditions climatiques. La situation est rendue d'autant plus délicate que des surcoûts, dus essentiellement à l'importation des matériaux, pèsent sur chaque opération . Enfin, il convient également de tenir compte de la capacité des entreprises locales d'absorber des programmes d'investissement conséquents. En définitive, les besoins en équipements structurants se font plus que jamais sentir dans ces territoires ».

De même, dans un précédent rapport 16 ( * ) fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI), publié en octobre 2016 et portant sur la période 2009-2015, les rapporteurs spéciaux avaient souligné « le besoin élevé en équipements publics, en particulier dans les domaines liés à l'assainissement et l'adduction d'eau, à la gestion des déchets, à la prévention des risques sismiques et des risques naturels ou encore dans le secteur du logement » .

Aussi, force est de constater que malgré les outils d'aide à l'investissement développés depuis plus de 10 ans, et que les rapporteurs saluent, les besoins d'investissement sont toujours importants avec des écarts avec la métropole qui peinent à se réduire.

II. DES NIVEAUX D'INVESTISSEMENT EN HAUSSE MAIS NE PERMETTANT PAS DE SATISFAIRE LES BESOINS IMPORTANTS D'INFRASTRUCTURES PUBLIQUES

A. DES INVESTISSEMENTS GLOBALEMENT EN HAUSSE ET SUPÉRIEURS AUX NIVEAUX CONSTATÉS EN MÉTROPOLE....

1. L'investissement des communes d'outre-mer en hausse mais toujours à un niveau inférieur aux communes de métropole

L'investissement des communes 17 ( * ) d'outre-mer a augmenté de 12,6 % entre 2017 et 2020 passant de 232 euros par habitant à 261 euros alors que sur la même période l'investissement des communes de métropole est passé de 286 euros par habitant à 285 euros soit une légère contraction de 0,36 %.

Malgré cette hausse notable, en 2020, les niveaux d'investissement des communes d'outre-mer (261 euros) restent inférieurs de 8,3 % à ceux des communes de métropole (285 euros). Cet écart était de 18,8 % en 2017.

Évolution des dépenses d'équipement brutes des communes par habitant
entre 2017 et 2020

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

286

304

345

285

- 0,36

Outre-mer

232

267

302

261

12,60

France

284

302

344

284

0,07

Source : commission des finances du Sénat à partir des données
DGCL (direction générale des collectivités locales)

2. L'investissement des départements enregistre une baisse sur les dernières années mais demeure supérieur à celui des départements métropolitains

L'investissement des départements d'outre-mer est passé de 140 euros par habitant en 2017 à 129 euros en 2020 soit une baisse de 7,8 %. Pour autant, sur cette période, l'investissement des départements ultramarins est resté supérieur à celui des départements métropolitains qui, lui, a pourtant augmenté de 23,1 %.

Évolution des dépenses d'équipement brutes des départements par habitant
entre 2017 et 2020

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

84

89

102

103

23,10

Outre-mer

140

99

137

129

- 7,82

France

83

88

103

104

25,32

Source : commission des finances du Sénat à partir des données
DGCL (direction générale des collectivités locales)

Si on cumule l'investissement des communes et celui des départements les niveaux sont comparables entre l'outre-mer et la métropole.

Comparaison des dépenses d'équipement brutes cumulées des communes et
des départements par habitant entre l'outre-mer et la métropole

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

370

393

447

388

- 13,17

Outre-mer

372

366

439

390

- 11,13

Source : commission des finances du Sénat à partir des données
DGCL (direction générale des collectivités locales)

3. Un investissement des régions ultramarines très supérieur à celui des régions de métropole

L'investissement des quatre régions d'outre-mer 18 ( * ) est très nettement supérieur à celui des régions de métropole puisqu'il s'établit, en 2020, à 282 euros par habitant contre 41 euros pour les régions métropolitaines.

De surcroit, il enregistre une hausse de 7,2 % entre 2017 et 2020 alors que parallèlement l'investissement des régions en métropole a stagné.

Les dépenses d'équipement des régions sont donc 5 à 6 fois plus élevées, en moyenne, en outre-mer.

Évolution des dépenses d'équipement brutes des régions par habitant
entre 2017 et 2020

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

Régions métropolitaines

41

36

42

41

-

Guadeloupe

180

229

321

348

93,11

La Réunion

530

515

318

187

- 64,69

Martinique

223

201

275

272

22,13

Guyane

121

160

182

323

166,65

Moyenne régions OM

264

276

274

282

7,19

Total France

48

44

51

48

-

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL
(direction générale des collectivités locales)

Malgré quelques différences d'une région à l'autre, ces dépenses d'équipement sont essentiellement axées sur l'enseignement et les transports, ces deux domaines cumulés représentant, en moyenne, entre 35 et 85 % des dépenses d'équipement.

Ventilation par nature des dépenses d'équipement brutes des DROM
entre 2017 et 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

B. ...MAIS QUI NE PERMETTENT PAR DE RÉPONDRE AUX BESOINS ET QUI SONT LIMITÉS PAR LA SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

1. Un niveau insuffisant d'investissement pour faire face aux besoins...

Malgré un niveau de dépenses d'équipement global plus élevé en outre-mer qu'en métropole, les investissements réalisés ne suffisent pas pour faire face aux besoins importants susmentionnés. Plusieurs raisons expliquent cette situation :

- les équipements publics outre-mer affichent un retard important qui nécessite un surcroit d'investissement par rapport à la métropole ;

- la construction et l'entretien d'équipements publics présentent un coût supérieur en outre-mer par rapport à la métropole.

L'analyse des immobilisations des collectivités outre-mer est, à cet égard, assez parlante. En effet , en 2020, pour toutes les régions métropolitaines, les immobilisations des comptes 20 à 24 19 ( * ) sont comprises entre 1 760 et 2 435 euros par habitants alors que, pour la Guadeloupe et la Réunion, elles sont comprises entre 11 166 et 11 654 euros par habitant.

Cet écart ne s'explique pas par des immobilisations plus nombreuses en outre-mer (cf. partie supra sur les taux d'équipement) mais par des coûts d'acquisition 20 ( * ) plus élevés.

À titre d'exemple, selon l'union des syndicats de l'industrie routière française, le coût de construction d'une autoroute s'élève, en moyenne, à 6 millions d'euros pour un kilomètre. En montagne, ce chiffre s'élève à 42 millions d'euros. Le coût moyen de construction pour une route à 2x2 voies est de l'ordre de 5,4 millions d'euros hors taxes par kilomètre (valeur 2006) et un kilomètre de route départementale est estimée entre 2 et 5 millions d'euros.

Si l'on rapporte le nombre de kilomètres de routes gérées par la région de la Réunion (420 kilomètres dont 132 de voies rapides urbaines et 288 kilomètres de routes nationales) au montant brut 21 ( * ) des immobilisations du compte 2151 22 ( * ) (6,5 milliards d'euros 23 ( * ) ) en 2019, le coût d'acquisition des réseaux de voirie s'établit à 15,5 millions d'euros par kilomètre. Cet écart s'explique principalement par le surcoût des matériaux lié à l'importation et par les contraintes géographiques du territoire qui nécessitent la construction de nombreux ouvrages d'art.

Concernant les départements, alors que les dépenses d'entretien (fonctionnement et investissement), en 2015, par kilomètre de voirie étaient de 11 545 euros, en moyenne, pour les départements de métropole, ces dépenses atteignent 36 590 euros par kilomètre en outre-mer avec un pic de 143 750 euros pour Mayotte.

Dépenses d'entretien des voiries des départements en 2015

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL)

De manière plus générale, au-delà du seul domaine de la voirie , les coûts de construction en outre-mer sont supérieurs de 20 à 30 % 24 ( * ) en moyenne par rapport à la métropole.

Dans un avis publié en octobre 2018, l'Autorité de la concurrence a relevé, pour sa part, une différence des prix des matériaux de construction allant de 35 à 39 % entre Mayotte, l'île de la Réunion et la métropole soit un écart bien plus important que celui constaté pour le niveau général des prix, estimé à + 7 %. Plusieurs facteurs expliquent ces écarts :

- l'importation des matériaux ;

- des coûts de stockage des matériaux plus importants en raison de la rareté du foncier ;

- des normes métropolitaines inadaptées qui viennent s'ajouter à des normes spécifiques à l'outre-mer (ex : normes anti sismiques) ;

- un marché intérieur de petite taille dans un environnement concentré peu concurrentiel et donc favorable à la hausse des prix.

2. ...et contraint par des situations financières tendues ne permettant pas d'augmenter les capacités d'investissement

Les collectivités d'outre-mer dans leur ensemble (communes, départements, régions), malgré un niveau global de dépenses d'équipement supérieur à celui constaté en métropole présentent encore des taux d'équipement inférieurs et insuffisants pour répondre aux besoins de la population en équipements publics.

En effet, au niveau communal, la dette par habitant 25 ( * ) est passée de 837 euros à 982 euros entre 2017 et 2020 soit une augmentation de 17,3 %, quand, durant la même période, celle des communes de métropole a enregistré une baisse de 1,64 % passant de 969 à 953 euros par habitant.

Les marges d'autofinancement 26 ( * ) des communes outre-mer se sont également détériorées comparativement à celles des communes de métropole.

Enfin, le taux d'endettement 27 ( * ) des communes outre-mer, bien qu'inférieur à celui des communes de métropole a augmenté de près de 14 % en 4 ans.

Dette par habitant au niveau communal

(en euros)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

969,00

961,12

954,69

953,06

- 1,64

Outre-mer

837,00

829,06

857,49

981,86

17,31

France

965,00

956,88

951,58

953,98

- 1,14

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Marge d'autofinancement des communes

(en pourcentage)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

92,80

91,82

91,51

92,42

- 0,41

Outre-mer

100,00

97,56

97,55

101,15

1,15

France

93,10

92,02

91,72

92,73

- 0,39

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Taux d'endettement des communes

(en pourcentage)

2017

2018

2019

2020

évolution en %

France métropolitaine

82,90

81,92

78,38

79,75

- 3,80

Outre-mer

64,60

64,06

64,14

73,63

13,97

France

82,30

81,29

77,88

79,53

- 3,36

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

La situation financière des régions et CTU outre-mer est similaire avec des ratios qui se détériorent. En 2020, le taux d'endettement atteint en moyenne 122 % en outre-mer en raison de la situation très dégradée de la Guadeloupe et de la Réunion qui présentent des taux d'endettement respectivement de 142 et 232 %.

Enfin, l'encours de dette des DROM a augmenté de 21 % entre 2016 et 2020 alors que parallèlement leur capacité d'autofinancement (CAF) enregistrait une diminution de 29 %.

Évolution de la capacité d'autofinancement (CAF) et de l'encours de dette
dans les DROM entre 2017 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données DGCL (direction générale des collectivités locales)

Aussi, en raison de cette situation financière dégradée des collectivités d'outre-mer, il est indispensable d'accroitre les moyens permettant aux collectivités locales de poursuivre et même d'amplifier leurs investissements (par exemple en développant un subventionnement par le FEI à hauteur de 100 % pour les communes ayant signé un COROM).

DEUXIÈME PARTIE
LA CRÉATION DU FEI EN COMPLÉMENT D'AUTRES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER POUR FAIRE FACE AUX BESOINS D'ÉQUIPEMENTS PUBLICS

I. LA CRÉATION DU FEI : UNE AIDE AU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS

A. UNE AIDE CIBLÉE SUR CERTAINS INVESTISSEMENTS...

1. Un financement des seuls investissements publics

Pour faire face aux besoins en équipements publics et aux difficultés financières des collectivités d'outre-mer pour financer les investissements nécessaires, le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a été créé par l'article 31 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (LODEOM) qui prévoit que « l'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local ».

L'article 1 du décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009 pris en application de l'article 31 de la loi LODEOM rappelle d'ailleurs cet impératif en indiquant que « ces aides financent des opérations d'investissement individualisées portant sur la réalisation ou la modernisation d'infrastructures ou d'équipements publics à usage collectif participant de façon déterminante, de manière directe ou indirecte, au développement économique, social, environnemental et énergétique de ces collectivités ».

Ainsi, seuls des projets structurants réalisés par des personnes publiques et ayant un impact sur le niveau et les conditions de vie outre-mer peuvent être financés par le FEI.

2. Un objectif de rattrapage des niveaux socio-économiques des territoires d'outre-mer par rapport à la métropole

Cette contrainte résulte de l'objectif même du fonds, qui était rappelé dans l'exposé des motifs de la loi LODEOM, dont « les ressources s'inscrivent dans une démarche de rattrapage et sont affectées à la réalisation d'opérations portant sur des équipements publics collectifs structurants, qui ne sont pas programmées dans le cadre de toutes conventions de financements conclues entre l'État et les collectivités, notamment les contrats de projet et contrats de développement ».

B. ...MAIS UNE AIDE LARGEMENT OUVERTE À TOUTES LES COLLECTIVITÉS ET CUMULABLE AVEC D'AUTRES AIDES

1. Le FEI comme outil à disposition de toutes les collectivités d'outre-mer

Si les investissements pouvant bénéficier du FEI sont restreints et encadrés, les collectivités pouvant bénéficier des crédits du fonds sont, quant à elles, définies au sens large. En effet, l'article 31 de la loi LODEOM précise que cette aide peut être attribuée :

- dans les départements d'outre-mer, aux régions, aux départements, aux communes ou à leurs groupements ;

- dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, à ces collectivités, aux communes ou à leurs groupements ou, à Wallis-et-Futuna, aux circonscriptions ;

- en Nouvelle-Calédonie, à la Nouvelle-Calédonie, aux provinces, aux communes ou à leurs groupements .

Par ailleurs, pour chacune de ces personnes publiques, l'aide est cumulable avec celles dont elle peut bénéficier de la part de l'État ou d'autres collectivités publiques, au titre des fonds structurels européens ou du Fonds européen de développement (FED). Le FEI est donc apparu, dès sa création comme un outil complémentaire à d'autres sources de financement.

2. Le FEI peut également bénéficier à des organismes publics locaux par un système de subvention

Dans ce contexte, il convient de souligner que si les conventions de financement sont signées entre le ministère des outre-mer et les collectivités et les crédits versés aux collectivités porteuses des projets sélectionnés, un système en cascade peut également se mettre en place. C'est notamment le cas en Polynésie, pour le financement des investissements liés à l'installation de câbles numériques et de la fibre (FTTH 28 ( * ) ).

En effet, la convention a été signée avec le « pays » qui a donc reçu le financement en provenance du FEI avant de le verser, sous forme de subvention, à l'office des postes et télécommunications (OPT) 29 ( * ) de Polynésie, maitre d'ouvrage des travaux.

Dans ce cas, le dossier est réalisé par l'OPT mais déposé par le « pays ». Par la suite, le suivi financier d'engagement des fonds est mis en oeuvre par l'OPT qui le présente au « pays » ainsi qu'au haut-commissariat qui transmet ensuite les données à la DGOM.

II. LE POIDS RELATIF DU FEI PAR RAPPORT AUX AUTRES DISPOSITIFS D'AIDES À L'INVESTISSEMENT PUBLIC

L'État a mis en place de nombreuses aides fiscales à l'investissement. Ces instruments de défiscalisation représentent le principal soutien aux investissements productifs, notamment dans le secteur du logement. Ces dépenses fiscales dépassent les 6 milliards d'euros sur les deux programmes de la mission « outre-mer » et devraient s'établir, en 2022, à 6 417 millions d'euros. Cependant, ces dispositifs, bénéficiant essentiellement aux entreprises et personnes morales de droit privé, ne seront donc pas traités dans le présent rapport.

Concernant les aides à l'investissement public spécifiquement, les moyens alloués par l'État revêtent plusieurs formes :

- les crédits budgétaires du programme 123 (« conditions de vie outre-mer ») de la mission « outre-mer » ;

- les dotations d'investissement aux collectivités territoriales portées par la mission « relations avec les collectivités territoriales » ;

- les crédits du plan de relance et du PIA.

Enfin, les investissements publics en outre-mer peuvent également bénéficier de différents fonds européens.

A. LES AIDES EN PROVENANCE DU BUDGET DE L'ÉTAT

1. Les aides à l'investissement outre-mer portées par le programme 123 de la mission outre-mer

L'action 1 « Logement » du programme 123 a vocation à promouvoir un habitat décent par la construction de logements neufs, l'amélioration des habitations existantes et la résorption de l'habitat insalubre. Si une hausse des crédits de cette action entre 2021 et 2022 a été constatée, elle ne doit pas masquer la tendance baissière constatée entre 2015 et 2021 tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiements (CP). Sur la période 2012-2022, les crédits de la LBU ont diminué de 14 % en AE et de 6 % en CP soit respectivement 38,4 millions d'euros et 13,1 millions d'euros. Ainsi, les crédits alloués à cette action spécifique sont passés de 110 millions d'euros en AE et 86,6 millions d'euros en CP en LFI 2021 à 123,5 millions d'euros en AE et 114,4 millions d'euros en CP en 2022.

Ces aides axées sur la construction et la rénovation de logements sont complétées par les crédits alloués aux contrats de convergence et de transformation (CCT).

En effet, prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec la métropole, les contrats de convergence et de transformation (CCT) ont succédé aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins, à savoir zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion.

Ces contrats ont été signés le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les Régions Guadeloupe et La Réunion, le Département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, le 22 juin 2020 pour Saint-Martin 30 ( * ) . Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé le 14 avril 2021 pour la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV) jusqu'en 2022.

Ainsi, les crédits de l'action 2 visent à contribuer au développement économique, social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins en cofinançant les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer via notamment les contrats susmentionnés.

Au titre de la seule contractualisation, 188,3 millions d'euros en AE et 132,1 millions d'euros en CP ont été ouverts (soit les mêmes montants qu'en 2021 en AE et 4 millions d'euros de plus en CP).

Enfin, les crédits de l'action 6 couvrent essentiellement les dotations aux collectivités territoriales afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines, notamment en termes d'éducation, en prenant en compte les particularités de ces collectivités et en répondant, par des crédits spécifiques, aux handicaps structurels des outre-mer. Ils permettent également de maintenir la capacité financière des collectivités d'outre-mer par le versement de dotations (exemple des crédits COROM 31 ( * ) ou du soutien exceptionnel à la collectivité territoriale de Guyane afin d'améliorer la situation financière des collectivités et leur permettre ainsi de continuer à investir).

En 2022, les crédits de l'action 6 s'élèvent à 204,9 millions d'euros en AE et 199,5 millions d'euros en CP (dont 194 millions d'euros en AE et 188,4 millions d'euros en CP de transferts aux collectivités) soit respectivement une baisse de 6,8 % des AE (- 15 millions d'euros d'AE) et une hausse de 36 % des CP (+ 52,8 millions d'euros) par rapport à la LFI 2021.

2. Les dotations d'investissement en provenance de la mission « relations avec les collectivités territoriales »

Les dotations de soutien aux projets d'investissement des collectivités territoriales enregistrent une trajectoire à la hausse. Dans le détail, il s'agit de :

- la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ;

- la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ;

- la dotation politique de la ville (DPV) ;

- la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID).

Le montant total de ces dotations est ainsi passé de 0,9 à 2 milliards d'euros entre 2014 et 2020.

Concernant spécifiquement les outre-mer, en 2020, les montants alloués ont été les suivants :

- 30,4 millions d'euros au titre de la DETR pour financer 211 projets soit une moyenne de 144 115 euros par projet ;

- 6,1 millions d'euros au titre de la DPV pour financer 60 projets soit une moyenne de 101 569 euros par projet ;

- 8,5 millions d'euros au titre de la DSID pour financer 14 projets soit une moyenne de 610 168 euros par projet ;

- 19,3 millions d'euros au titre de la DSIL pour financer 63 projets soit une moyenne de 305 586 euros par projet.

Toute dotation confondue, les collectivités d'outre-mer ont donc bénéficié, en 2020, de 64,3 millions d'euros d'AE soit 3,2 % du montant total de ces dotations soit moins que leur poids dans la population totale française (4,2 %) alors même que ces collectivités présentent des difficultés financières et que leur niveau d'équipements publics est plus faible qu'en métropole.

3. Le plan de relance outre-mer et les crédits PIA (programme d'investissements d'avenir).

Les crédits du Plan de relance alloués à l'outre-mer devraient atteindre 1,5 milliard d'euros avec des engagements étalés entre 2021 et 2022 et au-delà de 2022, à la marge, pour des projets complexes d'infrastructures ou de rénovations lourdes.

Par ailleurs, afin de soutenir le développement des territoires d'outre-mer, un appel à manifestation d'intérêt intitulé "plan innovation outre-mer" a été lancé en 2020 dans le cadre du PIA . Treize lauréats ont été retenus fin 2021 pour un financement total de 1,2 million d'euros pour poursuivre le montage de leurs projets en vue d'un appel à projets qui sera lancé en 2022, doté de 14 millions d'euros.

Ainsi, l'ensemble des dispositifs nationaux susmentionnés représentent environ 1,3 milliard d'euros en AE en 2022. Déduction faite du plan de relance, le montant total des aides à l'investissement s'élève à un peu moins de 600 millions d'euros.

B. LES AIDES EN PROVENANCE DES FONDS EUROPÉENS

1. Les aides à destination des régions ultrapériphériques (RUP)

Les régions ultrapériphériques (RUP) 32 ( * ) bénéficient de quatre fonds européens structurels et d'investissement (FESI) : FEDER et FSE (au titre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale), FEAMP (au titre de la politique commune de la pêche et de la politique maritime intégrée), FEADER (au titre du pilier II de la Politique agricole commune).

Tous fonds confondus, les RUP françaises ont bénéficié, sur la période 2014-2020, d'un montant d'environ 4,9 milliards d'euros soit une moyenne annuelle de 685,7 millions d'euros qui viennent s'ajouter aux crédits budgétaires en provenance de l'État. Les montants des FESI alloués aux RUP françaises sont particulièrement importants. Ainsi, les six RUP françaises représentent 3,2 % de la population française , elles ont cependant reçu 17,4 % des FESI au niveau national .

Cette enveloppe est répartie comme suit :

- Réunion : 2,11 milliards d'euros ;

- Guadeloupe : 1,01 milliard d'euros dont 60 millions pour Saint-Martin ;

- Martinique : 801 millions d'euros ;

- Guyane : 608 millions d'euros ;

- Mayotte : 290 millions d'euros.

L'Union européenne a acté les montants du cadre financier pluriannuel (CFP) ainsi que les montants des fonds structurels pour la période 2021-2027. Il ressort que, entre 2021 et 2027, un financement supplémentaire de 1,9 milliard d'euros sera alloué aux RUP au titre du fonds européen de développement régional (FEDER).

2. Les aides à destination des pays et territoires d'outre-mer (PTOM)

Par ailleurs, les PTOM 33 ( * ) français (hors Saint-Barthélemy et les Terres australes et antarctiques françaises, non éligibles) ont reçu 106 millions d'euros au titre du fonds européen de développement (FED) territorial sur 2014-2020 soit une moyenne annuelle de 15,1 millions d'euros. Bien que limité, ce montant est en hausse de 27 % par rapport à l'exercice 2007-2014 . Cette hausse est d'autant plus notable que Mayotte a, au cours de cette période, quitté la catégorie des PTOM pour intégrer celle des RUP.

Le cadre financier pluriannuel (CFP) fixé par l'Union européenne est, en revanche, moins favorable concernant le FED puisque ce dernier sera de 27,2 milliards d'euros sur la période 2021-2027 contre 30,5 milliards d'euros pour la période précédente 2014-2020. La part du FED allouée aux seuls PTOM devrait cependant enregistrer une augmentation passant de 364,5 millions d'euros à 500 millions d'euros soit une hausse de 37 %.

Les principaux fonds européens représentent donc en moyenne 700 millions d'euros d'aides supplémentaires par rapport au 1,3 milliard d'euros en provenance du budget de l'État soit un total d'environ 2 milliards en AE.

C. L'ARTICULATION ENTRE LE FEI ET LES AUTRES DISPOSITIFS DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT PUBLIC

Le FEI, d'un montant annuel de 110 millions d'euros, représente 5,4 % du total des aides à l'investissement public en outre-mer . Si le calcul reste approximatif en raison de l'utilisation de moyennes annuelles pour les fonds européens et le plan de relance, des données 2020 pour les dotations en provenance de la mission « relations avec les collectivités territoriales » 34 ( * ) et du non retranchement, au sein des crédits de l'action 1 du programme 123, des crédits destinés à des organismes privés, l'ordre de grandeur est tout de même cohérent et évocateur.

Si ce poids relatif par rapport aux autres sources de financement est limité, le fonds reste, pour les rapporteurs spéciaux, un outil complémentaire indispensable en ce qu'il joue un effet levier sur les autres financements tout en offrant une souplesse de gestion .

Poids du FEI dans le total des aides à l'investissement public
allouées aux territoires d'outre-mer

(en millions d'euros)

années

Origine des crédits

AE

CP

2022

action 1 P123

123,5

114,4

2022

action 2 P123 (CCT)

188,3

132,1

2022

action 6 P123

194

188,4

2020

DETR

30,4

2020

DPV

6,1

2020

DSID

8,5

2020

DSIL

19,3

moyenne 2021/2022

Plan de relance

750

2022

PIA

14

moyenne 2014/2020

FESI à destination des RUP

685,7

moyenne 2014/2021

FED à destination des PTOM

15,1

Total moyen par an

2 034,9

FEI 2022

110

Poids du FEI sur le total des aides à

l'investissement en %

5,41

Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires et de la DGCL (direction générale des collectivités locales).

Ainsi, l'ensemble des dispositifs d'aide à l'investissement en outre-mer représentent environ, en moyenne, 2 milliards d'euros en AE par an. Déduction faite du plan de relance qui n'a pas vocation à être pérenne, ce montant est ramené à 1,28 milliard par an ce qui porte le poids du FEI à 8,5 % du total des aides à l'investissement et à 18,8 % hors financements européens.

1. L'articulation avec les crédits budgétaires : un dévoiement du FEI pour financer les constructions scolaires de Mayotte

La double particularité du FEI réside dans la possibilité pour l'État de soutenir des projets portés par l'ensemble des collectivités territoriales ultramarines, quel que soit leur statut juridique et d'être un outil complémentaire aux autres dispositifs de soutien à l'investissement (nationaux et européens).

La circulaire ministérielle adressée chaque année aux représentants de l'État dans les territoires ultramarins précise, à cet égard, aux préfets et hauts commissaires que « doivent être privilégiées les opérations permettant un effet levier sur l'octroi d'autres financements (bancaires ou européens) ou qui ne pourraient être réalisées sans l'attribution de FEI ».

Les co-financements avec d'autres crédits de l'État doivent être limités.

Cependant, une exception doit être mise en exergue concernant la construction d'équipements scolaires à Mayotte . En effet, en 2017, sur proposition du préfet de Mayotte, le FEI a été mobilisé à hauteur de 10 millions d'euros, afin de contribuer au financement des constructions scolaires du premier degré, compte tenu de l'ampleur des besoins en complément des crédits de l'action 6 du programme 123.

En 2018, une mission interministérielle placée auprès du préfet a conclu à un besoin de 50 millions d'euros pour 2019 et 2020 et de 67,1 millions d'euros en 2021 et 2022. Les arbitrages interministériels, intervenus début mai 2018 n'ayant pu, en cours d'année, dégager les ressources budgétaires supplémentaires correspondantes, le ministère des outre-mer a décidé de mobiliser l'enveloppe du FEI sur cette priorité, à hauteur de 20 millions d'euros en 2019.

La même année, une nouvelle mission interministérielle a expertisé les besoins du territoire dans ce domaine faisant état d'un besoin non couvert par les ressources du programme 123, de 13,8 millions d'euros. Le ministère des outre-mer a donc sollicité, en loi de finances pour 2021, cette ressource nouvelle à mobiliser sur le FEI afin d'abonder les crédits de l'action 6 alloués à Mayotte. Au total, 43,8 millions d'euros ont été mobilisés pour le financement des constructions scolaires à partir du FEI en sus des crédits de l'action 6.

Cette pratique, si elle s'explique par les besoins importants de Mayotte en termes de constructions et rénovations scolaires, n'est cependant pas totalement orthodoxe dans la mesure où les investissements scolaires relèvent normalement du programme 123.

Elle complexifie par ailleurs le suivi des fonds alloués à ce domaine. Dans ce contexte, il conviendrait de regrouper tous les crédits alloués aux investissements scolaires de Mayotte dans la seule action 6 du programme 123 :

- soit en augmentant les crédits de cette action au sein de la mission outre-mer ;

- soit à périmètre constant c'est-à-dire en diminuant le FEI pour une hausse équivalente de l'action 6.

Au regard des besoins de Mayotte en termes de constructions scolaires mais également de tous les territoires d'outre-mer en termes d'investissements publics, les rapporteurs privilégient la première solution avec une hausse des crédits de l'action 6 à hauteur de 15 à 20 millions d'euros par an ce qui représenterait moins de 10 % de l'action 6, 2,3 % des crédits du programme 123 et 0,75 % des crédits de la mission outre-mer.

Si le FEI « scolaire » est une pratique depuis 2017, il n'en demeure pas moins en contradiction avec le principe de limitation des cofinancements entre le FEI et les autres crédits du budget de l'État. Il est également révélateur des besoins importants dans ce domaine, besoins auxquels il est nécessaire de répondre par une hausse des crédits de l'action 6 du programme 123 et non par redéploiement des crédits du FEI dont l'objectif n'est pas de financer ce type d'investissements.

Recommandation n° 1 : Pour financer les constructions et rénovations scolaires de Mayotte sans recourir au FEI de manière indue, augmenter les crédits alloués à l'action 6 du programme 123 à due concurrence.

2. L'articulation avec le plan de relance et le PIA

Le FEI, le plan de relance et le PIA se complètent dans la mesure où ils répondent à des objectifs, stratégies et temporalités différents :

- le FEI est un dispositif budgétaire pérenne qui vise à accompagner les collectivités ultramarines dans la réalisation d'infrastructures destinées à rattraper le retard en matière d'équipements structurants . Il se distingue des investissements plus lourds financièrement et réalisés en pluriannuel, qui sont inscrits dans les contrats de convergence et de transformation.

- le plan de relance est un dispositif de court terme, très dynamique. Il a pour objectif central de favoriser la reprise, notamment en dopant la commande publique et n'a donc pas vocation à se substituer aux dispositifs de droit commun.

- le PIA finance depuis 10 ans des investissements prometteurs et innovants sur l'ensemble du territoire et dans des secteurs stratégiques pour l'État (transition écologique, compétitivité des entreprises, enseignement supérieur et recherche, souveraineté industrielle, économie numérique...). En outre-mer, les objectifs de ce programme visent à soutenir une diversification et une modernisation des économies ultramarines en accompagnant l'innovation dans les secteurs à forte valeur ajoutée.

TROISIÈME PARTIE
UN OUTIL UTILE MAIS QUI RESTE PERFECTIBLE DANS SA GOUVERNANCE ET SES MODALITÉS D'ATTRIBUTION

I. UNE GOUVERNANCE CENTRALISÉE QUI LAISSE PEU DE PLACE AUX ÉLUS LOCAUX

A. UN RÔLE PRÉPONDÉRANT DU MINISTRE ET DES REPRÉSENTANTS DE L'ÉTAT DANS LE CADRAGE DE LA PROCÉDURE

1. Le rôle du ministère et des représentants de l'État dans la définition des domaines prioritaires et dans la sélection des dossiers

Le FEI est administré par le ministre chargé de l'outre-mer qui détermine chaque année, dans le cadre d'une circulaire annuelle, la nature des opérations susceptibles de bénéficier, de manière prioritaire ou exclusive, d'une aide financière du fonds au titre de l'année suivante conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 30 décembre 2009 relatif au FEI.

Cette circulaire préparée par la DGOM et comportant une liste de domaines pouvant faire l'objet d'un financement du FEI, est adressée chaque année aux représentants de l'État dans les territoires ultramarins.

À partir de cette liste, les préfets et hauts commissaires définissent, sur la base d'un diagnostic territorial 35 ( * ) , les thématiques prioritaires en matière d'équipements structurants, qui constituent le cadre de l'appel à projets lancé dans chacun des territoires conduisant, in fine , aux dépôts de candidature puis à la sélection des opérations qui bénéficieront d'une subvention du FEI.

À l'issu de ces appels à projets annuels, les représentants de l'État dans les collectivités proposent au ministre chargé de l'outre-mer une liste, par territoire, d'opérations susceptibles de bénéficier d'une aide du fonds exceptionnel d'investissement, classées par ordre de priorité au regard des besoins de chacun des territoires concernés et de l'impact attendu des projets en termes de développement économique et social, de préservation de l'environnement, de développement durable et de promotion des énergies renouvelables.

Ainsi, la nature des opérations susceptibles de bénéficier des aides du fonds est arrêtée par le ministre. Les représentants de l'État déterminent ensuite les thématiques prioritaires locales, lancent l'appel à projets auprès des collectivités et fixent, après analyse des dossiers reçus, une liste des opérations. Le ministre arrête ensuite la liste définitive des opérations sélectionnées, à partir des listes transmises par les préfets et hauts commissaires, pour bénéficier d'une subvention.

Procédure de sélection des dossiers

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses de la DGOM

2. Un cadrage annuel qui laisse une latitude importante sur les domaines prioritaires

La circulaire annuelle susmentionnée a pour objectif de préciser les modalités de programmation de l'année N+1 et notamment les points suivants :

- la nature des opérations susceptibles de bénéficier d'une aide financière du FEI ;

- les projets devant faire l'objet d'un examen prioritaire ;

- les modalités financières ;

- le calendrier ;

- les conditions d'éligibilité.

Concernant les thématiques prioritaires , l'esprit des circulaires a largement évolué à partir de 2019. En effet, les circulaires relatives aux campagnes 2016, 2017 et 2018 listaient, de manière précise, les domaines prioritaires (entre 10 et 12 36 ( * ) ), les représentants de l'État devant, ensuite, cibler deux thématiques spécifiques, pour chacun des territoires. C'est d'ailleurs dans ce contexte, que les rapporteurs spéciaux, lors de leur précédent rapport, avaient recommandé de « réduire le nombre de thématiques entrant dans le champ d'intervention du FEI et mieux préciser leur intitulé afin d'éviter un risque de dispersion des aides du FEI ».

De même, spécifiquement sur les deux thématiques territoriales, le rapport de 2016 recommandait de « limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux deux priorités retenues pour chaque territoire afin de rendre plus lisibles les domaines d'intervention du fonds ».

Cependant, les circulaires diffusées à compter de 2019 ont présenté, contrairement à la recommandation susmentionnée, une approche extensive et non limitative des domaines prioritaires . Ainsi, alors que la circulaire relative à la campagne 2019 indique qu' « elle ne présente pas de priorités thématiques, celles-ci étant laissées à l'appréciation des représentants de l'État car elles peuvent différer selon les territoires », les circulaires pour 2020 et 2021 précisent seulement que les opérations inscrites aux contrats de projet du plan Eau DOM, celles répondant au plan Séisme Antilles et celles permettant une mise en conformité des infrastructures d'assainissement et de gestion des déchets doivent faire l'objet d'un examen prioritaire.

La circulaire de 2022 ne précise pas de thématique mais rappelle que l'objectif du FEI est de favoriser « l'émergence de projets innovants et/ou structurants susceptibles d'avoir un fort impact sur l'emploi et le développement économique et durable (eau, assainissement) et l'amélioration du quotidien des ultramarins (construction et rénovation scolaire et des équipements sportifs) ».

Dans ce contexte, la DGOM a précisé d'une part, que les circulaires antérieures à 2019, avec des listes comportant 10 à 12 domaines prioritaires étaient déjà peu limitatives et offraient un spectre très large d'opérations susceptibles de bénéficier du FEI et d'autre part, qu'à compter de 2019, le choix a été fait d'assumer pleinement cette ouverture en se basant désormais sur les Assises et le livre bleu outre-mer comme référence des axes prioritaires à retenir.

Il résulte de cette interprétation extensive des domaines prioritaires au sein de la circulaire, que, parallèlement, le nombre des priorités retenues annuellement pour chacun des territoires a sensiblement augmenté entre 2016 et 2021 passant de 2 à 6 ou 7 pour certains territoires (cf. annexe 1).

Cette pratique semble toutefois adaptée à la diversité des besoins que rencontrent certains territoires, notamment Mayotte, qu'un cadre limité à deux thématiques prioritaires pourrait défavoriser.

Elle permet également, selon la DGOM, de mieux tenir compte des besoins locaux remontés par les élus de chaque territoire.

À cet égard, les remontées des collectivités auditionnées sont contradictoires et mettent en évidence deux approches différentes . En effet, les collectivités les plus importantes ont fait part de leur souhait d'une logique limitative et sectorisée et revenir, ainsi, au système antérieur à 2019 d'une liste prédéfinie de la nature des projets éligibles.

À l'inverse, les plus petites communes préfèrent préserver un système totalement libre leur permettant de présenter de nombreux projets indépendamment de leur nature. Elles reconnaissent toutefois un réel avantage à l'établissement d'une liste préétablie de nature de projets éligibles qui permet alors de ne constituer et déposer que les projets qui ont une chance d'être sélectionnés.

L'absence de liste limitative dans la circulaire annuelle et le développement, au niveau local, de listes couvrant de plus en plus de domaines (priorités locales) incitent en effet les collectivités à déposer de nombreux projets, ce qui nécessite un travail en amont important et génère des rejets mal compris par les collectivités.

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux partagent la position de la DGOM de ne pas limiter les domaines éligibles au sein des circulaires annuelles à des fins de souplesse et d'adaptabilité à l'ensemble des territoires. Cependant, au niveau local, ils préconisent de limiter à quatre les priorités retenues afin d'éviter un phénomène de dispersion parfois déceptif pour les collectivités tout en s'adaptant au mieux aux besoins locaux.

Recommandation n° 2 : Limiter à quatre le nombre des priorités retenues au niveau local afin d'éviter un phénomène de dispersion tout en s'adaptant au mieux aux besoins des territoires.

De surcroit, les rapporteurs spéciaux réitèrent leur recommandation de limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux priorités retenues pour chaque territoire afin de rendre plus lisibles les domaines d'intervention du fonds et ainsi accroitre la transparence des critères de sélection.

En effet, l'analyse des projets sélectionnés en 2020 et 2021 met en exergue un certain nombre de dossiers sélectionnés mais ne rentrant dans aucune des priorités locales arrêtées dont le nombre a pourtant augmenté comme évoqué supra. Ainsi, à titre d'exemple, le FEI a permis de financer l'aménagement de plusieurs cimetières, la réhabilitation d'une maison France Service (alors que les établissements publics ne faisaient pas partie des priorités retenues), des travaux sur une caserne à Saint-Pierre et Miquelon, en 2020, alors que les priorités retenues étaient le développement économique et l'eau potable.

Aussi, pour plus de lisibilité pour les collectivités, les projets sélectionnés doivent être conformes aux priorités locales retenues.

Recommandation n° 3 : Limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux priorités retenues pour chaque territoire.

3. L'absence de consultation des élus dans les étapes structurantes de la procédure

Dès lors, à ce stade, les élus locaux ne sont pas consultés :

- pour établir la liste des opérations susceptibles de bénéficier, de manière prioritaire ou exclusive, d'une aide financière du fonds (rôle du ministère dans la circulaire annuelle) ;

- pour établir les thèmes prioritaires pour chaque territoire puisque ces derniers s'appuient désormais sur les travaux réalisés dans le cadre des Assises des outre-mer en 2018 (qui eux, en revanche, avaient été menés en concertation avec les populations et élus locaux) (rôle des représentants de l'État) ;

- pour établir une priorisation des dossiers qui seront remontés, par les représentants de l'État, au ministère.

B. UNE CONSULTATION À LA MARGE ET PEU FORMALISÉE DES ÉLUS LOCAUX SUR LES PROJETS ENVISAGÉS

1. Une consultation variable selon les territoires essentiellement axée sur les projets envisagés et non sur les thématiques prioritaires

Dans la pratique, dans la plupart des territoires d'outre-mer 37 ( * ) , les sous-préfets consultent les élus locaux durant l'année N-1 afin de lister les dossiers prioritaires pouvant s'inscrire dans les thématiques ciblés par le ministère.

Toutefois, ces échanges restent essentiellement informels et il n'existe pas d'instance dédiée pour lister les projets éligibles au FEI au sein d'un territoire.

En effet, l'identification des besoins est réalisée par des comités dont l'objectif premier n'est pas d'inventorier les projets FEI : comités d'élus, commissions locales d'évaluation, comité de l'eau et de la biodiversité...

Ainsi, en Martinique , plusieurs instances de gouvernance associant les élus locaux se réunissent tout au long de l'année (comité des financeurs, comité de l'eau et de la biodiversité...). Cela contribue à faire remonter des dominantes parmi les besoins en financement des collectivités locales. Lorsque les besoins exprimés ne sont pas éligibles au FEI l'examen des demandes est transféré vers d'autres possibilités de subvention.

À Mayotte , les représentants de l'État rencontrent tout au long de l'année les maires et présidents des collectivités dans le cadre de visites régulières. Ces échanges sont l'occasion d'évaluer les besoins et orientations des collectivités. Le sous-préfet à l'appui aux territoires (ou le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) sollicite une à deux fois par an les exécutifs des collectivités pour un bilan général.

À Saint-Pierre et Miquelon, il existe un dialogue de proximité et continu entre les services de l'État et les services des communes qui permet d'avoir une vision précise des projets prioritaires et structurants à présenter au FEI.

En Guadeloupe, avant le lancement de l'appel à projet, les démarches suivantes intervenant au cours des mois précédents permettent de détecter les thématiques prioritaires éligibles au FEI :

- les comités des élus ;

- les déplacements du corps préfectoral dans les collectivités majeures et les communes ;

- les commissions locales d'évaluation présidée par le Préfet, composées des représentants du Conseil régional, du Conseil Départemental, des EPCI et des communes.

En Guyane, les sous-préfets d'arrondissement échangent de manière informelle sur les projets prioritaires des collectivités.

2. Une nécessaire formalisation et systématisation des échanges avec les élus pour une meilleure transparence

Il résulte de ces consultations informelles dont la récurrence et les objectifs varient d'un territoire à l'autre que les élus s'estiment mal informés sur les priorités retenues au niveau local. Ils indiquent par ailleurs, de manière assez unanime, un manque de transparence global dans la procédure.

Dans ce contexte , une formalisation et une systématisation de ces échanges (récurrence annuelle des consultations, forme et modalités des remontées faites par les élus aux sous-préfets, comité ad hoc ...) paraissent nécessaires et pourraient être pertinentes et utiles notamment pour des raisons de traçabilité et de suivi de ces échanges mais également à des fins de transparence envers les collectivités porteuses de projets.

Cette formalisation permettrait également une association plus étroite des élus, dans le cadre de structures spécifiquement dédiées au FEI, et visant :

- à définir les thématiques locales prioritaires en fonction des besoins remontés par les élus . À cet égard, cette association renforcée des élus locaux se justifie par les attentes très fortes des populations sur certains projets et permettrait de répondre à des critiques formulées par les élus selon lesquelles les dossiers présentés, qui demandent un travail important en amont de la part des collectivités, sont parfois rejetés car non éligibles. Ainsi, une association des élus à la définition des thèmes prioritaires locaux permettrait d'éviter cet écueil en aidant les élus à mieux cibler les dossiers déposés dans le cadre de l'appel à projets ;

- à consulter les élus sur la priorisation de leurs projets qui aujourd'hui n'est pas toujours respectée sans que la décision de ne pas retenir un projet prioritaire ne leur soit expliquée.

Recommandation n° 4 : Formaliser les échanges avec les élus locaux en cours d'année au sein d'instances ad hoc afin d'associer les élus à la définition des priorités locales à retenir dans l'appel à projets de chaque territoire et de consulter les élus sur la priorisation de leurs dossiers.

II. DES MODALITÉS DE SÉLECTION ET DE SUIVI DES PROJETS QUI RESTENT PERFECTIBLES

A. LE LANCEMENT DES APPELS À PROJETS : UN CALENDRIER TRÈS CONTRAINT QUI LAISSE PEU DE TEMPS POUR RÉPONDRE ET POUR INSTRUIRE

1. Une communication tardive qui impose une préparation en amont des dossiers

À partir des orientations de la circulaire annuelle, les préfets et hauts commissaires définissent les thématiques prioritaires pour chaque territoire, qui constituent le cadre de l'appel à projets conduisant, in fine , à la sélection des opérations qui bénéficieront d'une subvention du FEI.

Le lancement et la communication des appels à projets 38 ( * ) sont ensuite réalisés au niveau déconcentré, par les préfets et hauts commissaires, à la suite de la réception de la circulaire.

Cette communication prend essentiellement deux formes :

- une publication sur le site internet de la préfecture ;

- une information directe des collectivités à l'adresse des cabinets et/ou des référents techniques.

En Martinique, un guichet unique dématérialisé de demandes de subventions a été mis en place sur lequel des dossiers peuvent être déposés toute l'année en prévision de la campagne FEI.

Malgré une communication large visant à sensibiliser le plus grand nombre de collectivités, les délais entre la publication de la circulaire et la date limite pour présenter les dossiers à la DGOM sont extrêmement courts et permettent de déposer uniquement des dossiers prêts en amont.

En effet, pour 2021, la circulaire a été publiée le 9 novembre 2020, les demandes de subventions devaient être examinées en décembre pour une remontée des propositions des représentants de l'État le 31 décembre 2020 au plus tard à la DGOM. En 2022, la note est parue le 1 er décembre, date à laquelle la nouvelle plateforme dématérialisée de dépôt des demandes (Subventia) a été ouverte aux porteurs de projets. Ces derniers avaient jusqu'au 31 décembre pour déposer leur demande et les services de l'État avaient ensuite jusqu'au 1 er février pour transmettre leur note avec la liste des projets pré sélectionnés.

Il résulte de ce calendrier que les collectivités n'ont que 3 à 4 semaines pour déposer leur demande de financement. De même, les services de l'État disposent d'un mois pour instruire les dossiers, les prioriser et opérer une première sélection à remonter au ministre.

Face à ces contraintes calendaires déjà existantes en 2016, les rapporteurs spéciaux avaient, dans leur précédent rapport, recommandé « de compléter le décret du 30 décembre 2009 en fixant, d'une part, la date limite à laquelle la liste des opérations sélectionnées par le ministre chargé de l'outre-mer doit être rendue publique et, d'autre part, la date limite à laquelle les représentants de l'État doivent faire parvenir au ministère la liste des deux thèmes prioritaires retenus pour leur territoire afin de permettre aux collectivités territoriales de préparer plus en amont leurs dossiers de candidature ». La DGOM a exprimé son désaccord avec cette recommandation estimant qu'il serait inopportun de prévoir une échéance réglementaire qui viendrait limiter la souplesse actuelle.

Dans ce contexte, il parait cependant indispensable aux rapporteurs spéciaux de desserrer ce calendrier qui ne permet pas un processus de sélection dans des conditions optimales mais également de l'avancer afin que la décision définitive intervienne en début d'année ce qui permettrait aux collectivités d'intégrer les projets financés dans le budget présenté au vote des organes délibérants.

Recommandation n° 5 : Prévoir un délai de trois mois minimum (contre deux en moyenne actuellement) entre la publication de la circulaire annuelle et la date limite de remontée des dossiers présélectionnés par les préfectures et hauts commissariats.

SUBVENTIA

Le ministère des outre-mer a ouvert le 1 er décembre 2021 une plateforme de transmission dématérialisée des dossiers de demande de subventions dans le cadre du FEI, dénommée SUBVENTIA.

Cette dématérialisation, qui s'inscrit dans le cadre de la transformation numérique des services de l'État, vise à faciliter le dépôt des dossiers en ligne par les porteurs de projets et leur instruction par les services de l'État.

Les demandeurs peuvent y trouver toutes les informations concernant les projets financés par le FEI, notamment les documents relatifs aux projets à financer, leur instruction, la décision d'attribution et y déposent leurs dossiers, justificatifs compris, attestant de l'avancement physique, du degré d'avancement financier de l'opération et de sa réalisation.

La base de données ainsi constituée est accessible tant par les équipes des préfectures et hauts commissariats que par l'administration centrale.

SUBVENTIA a pour objectif de faciliter les dépôts de dossiers, ainsi que leur instruction par les différents services de l'État, en supprimant les transferts de pièces administratives et en améliorant le service rendu.

Par ailleurs, les informations ainsi collectées permettront un suivi plus précis des opérations, notamment en alimentant plus systématiquement des tableaux de bord et des synthèses.

À noter que certains territoires (exemple : Martinique) disposaient déjà, avant l'ouverture de SUBVENTIA, d'un guichet unique dématérialisé des demandes de subventions sur lequel les collectivités pouvaient, tout au long de l'année, déposer leurs dossiers.

2. Une instruction limitée des dossiers en raison du calendrier contraint

Dans le cadre de comités locaux de programmation réunissant, sous l'autorité du représentant de l'État, les services techniques et financiers de l'État ainsi que les opérateurs de l'État concernés, un premier tri des dossiers de candidature est effectué.

La liste des propositions d'opérations susceptibles de bénéficier du FEI est ensuite transmise au ministère des outre-mer, classées par ordre de priorité « au regard des besoins de chacun des territoires concernés, et de l'impact attendu des projets en termes de développement économique et social, de préservation de l'environnement et de développement durable et de promotion des énergies renouvelables ».

Cette liste est accompagnée d'une note explicative par territoire, rédigée par les services déconcentrés de l'État, précisant pour chaque opération : l'objet et l'impact attendu, le coût prévisionnel global et le montant de la subvention sollicitée, le plan de financement prévisionnel (cofinancements) et, le cas échéant, les décisions accordant les autres aides, et l'échéancier de réalisation.

Toutefois, au regard, d'une part, des courts délais laissés entre la date limite de dépôt des dossiers et la date limite de renvoi de la liste établie à la DGOM et, d'autre part, du nombre de dossiers déposés (environ 300 en 2022) le travail d'instruction est, de fait, limité d'où la nécessité de contacts réguliers en amont entre les préfectures et les élus.

De surcroit, les dossiers, en application de l'article 2 du décret n°2009-1776, sont constitués des documents suivants ce qui nécessite un temps certain d'analyse des pièces :

- une présentation décrivant le contexte local, les effets attendus des projets ;

- le programme détaillé des travaux ;

- le calendrier de réalisation ;

- le justificatif de maîtrise foncière, et le plan cadastral, tout document d'urbanisme ;

- la délibération relative au plan de financement ;

- les autorisations d'engagement de travaux, au besoin ;

- en cas de cofinancement, les dépôts de demande.

En revanche, aucune étude d'impact n'est préalablement requise (cf. infra ).

B. DES CRITÈRES DE SÉLECTION PEU TRANSPARENTS ET PARFOIS CONTRADICTOIRES

Conformément à une recommandation formulée par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport publié en 2016 39 ( * ) , les principaux critères de sélection sont rappelés dans les circulaires annuelles.

1. La maturité des projets

La circulaire pour 2022, comme les circulaires précédentes, précise que la sélection des projets devra prioritairement se porter sur les opérations susceptibles de connaitre un début d'exécution matérielle dès l'année de sélection.

Ainsi, la maturité et l'opérationnalité des projets déposés sont des critères essentiels de sélection et nécessitent que soient analysés par les préfectures :

- la sécurité juridique du dossier afin de s'assurer de la maitrise préalable, par la collectivité, du foncier nécessaire à la réalisation de l'opération et de l'obtention des autorisations de travaux ;

- la cohérence du plan de financement avec notamment les engagements des co-financeurs ;

- l'avancement technique du dossier par la réalisation des études préalables et/ou l'existence d'un dossier de consultation des entreprises.

2. L'impact du projet sur le développement économique, social, environnemental et énergétique peu ou mal évalué en amont

Les circulaires annuelles précisent que l'objectif des financements du FEI est de favoriser les « projets susceptibles d'avoir un fort impact sur l'emploi et le développement économique et durable (eau, assainissement) et d'améliorer le quotidien des ultra-marins (constructions et rénovations scolaires...) ».

Cependant, et de manière contradictoire avec ce critère affiché, les études d'impact ne sont pas obligatoires à l'appui des dossiers . Toutefois, quand elles sont déposées par la collectivité porteuse, bien qu'étant d'inégale qualité, elles permettent d'éclairer la décision de sélection.

À l'inverse, certains impacts attendus sont désormais transmis dans Subventia. Ces éléments demeurent toutefois superficiels et sont vecteurs de peu d'informations réellement utiles à la prise de décision de sorte que l'avis des services internes des préfectures semblent, en l'état, plus pertinents pour orienter la sélection des opérations à financer.

Il est regrettable que la décision ne s'appuie pas sur une étude d'impact formalisée et systématique tout comme il est regrettable que l'analyse de cet impact soit réalisé, dans certains cas, par les seuls services préfectoraux et non par les collectivités porteuses mieux à même de déterminer les effets attendus d'un investissement sur la population de son territoire.

À l'inverse, ces études préalables ne paraissent pas indispensables pour certains investissements fondamentaux qui relèvent de la sécurité des populations (eau, assainissement, rénovation de bâtiments publiques...).

Dans ce contexte, l'étude d'impact devrait constituer un document obligatoire du dossier déposé . Toutefois, certains investissements, dont la liste pourrait être établie par le ministère en concertation avec les territoires, pourraient être soustraits à cette obligation d'étude d'impact.

Recommandation n° 6 : Rendre l'étude d'impact obligatoire pour les dossiers ne relevant pas de la sécurité des populations.

3. L'équité de financement par territoire qui engendre parfois une déconnexion avec les priorités locales

Ce critère n'est pas formalisé mais préside à la décision finale du ministère. Il en résulte que, au-delà de l'intérêt et de la maturité du projet, les services de la DGOM veillent, au moment de la sélection, à un juste équilibre des financements sur les différents territoires.

Si le ministère ne souhaite pas de territorialisation formalisée des crédits afin de garder une souplesse de gestion, il n'en demeure pas moins qu'il s'assure que chaque territoire voit un ou plusieurs de ces projets financés.

Dès lors, quand le projet prioritaire d'une commune présente un besoin de financement tel qu'il nécessiterait de ne pas sélectionner d'autres projets sur le même territoire, la décision est orientée vers un projet de moindre ampleur financière qui permettra de conserver des marges pour le financement d'autres projets, moins onéreux, mais ne répondant pas nécessairement aux priorités définies par les collectivités.

Cette logique explique que certains projets prioritaires n'aient pas été retenus au bénéfice de projets moins structurants pour la collectivité mais également moins onéreux, situation d'ailleurs remontées par les élus locaux auditionnés.

Cette approche pourrait se justifier dans l'hypothèse où les 110 millions d'euros d'AE annuelles seraient affectées dès le début de gestion. Or, en 2020 et 2021, sur les 110 millions d'euros d'AE ouvertes en loi de finances initiale, seuls respectivement 63,3 millions d'euros et 85,4 millions d'euros ont été programmés pour les projets sélectionnés.

4. Une nécessaire priorisation par les territoires eux-mêmes

Il résulte des différentes auditions menées que les priorités affichées par les élus locaux porteurs des projets ne sont pas toujours respectées (notamment pour les raisons évoquées supra ) lors de la décision finale opérée par le ministère sans que ces choix ne soient explicités aux collectivités.

Aussi, les rapporteurs estiment nécessaire de respecter les priorités fixées par les élus et, en cas de désaccord entre le ministère (ou les préfectures et hauts commissariat) et la collectivité :

- d'entamer un dialogue pour comprendre les points de divergence et la position de la collectivité (notamment dans des instances ad hoc, cf. recommandation n° 4) ;

- en cas de maintien de sa décision par le ministère (ou les préfectures et hauts commissariat) de formaliser le refus de financement en apportant des précisions sur les raisons de ce rejet.

Cette démarche permettrait également, à terme, aux élus de mieux orienter les demandes pour répondre aux attentes ministérielles ou de consolider les dossiers qui leur paraissent prioritaires et répondrait à une critique récurrente formulée par les élus locaux d'une procédure peu transparente dans laquelle le choix de ne pas sélectionner certains projets n'est pas, ou que très peu, expliqué.

Ce point avait d'ailleurs fait l'objet d'une recommandation dans le précédent rapport relatif au FEI (« prévoir que chaque décision de rejet fasse l'objet d'une motivation lorsqu'il existe une divergence entre le classement proposé par les préfets et hauts commissaires en partenariat avec les collectivités territoriales et celui in fine retenu par le ministère ») qui n'a pas été mise en oeuvre et que les rapporteurs spéciaux réitèrent.

Recommandation n° 7 : Notifier systématiquement les décisions de rejet des dossiers non sélectionnés en précisant les causes du rejet.

C. DES TAUX DE FINANCEMENT GLOBALEMENT ADAPTÉS

1. Un encadrement règlementaire

Le décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 31 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer prévoit dans son article 1 que les aides apportées par le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer ne peuvent excéder, en dehors des cas prévus à l'article 1 er du décret du 7 février 2001 40 ( * ) et pour les opérations réalisées dans les Terres australes et antarctiques françaises et les îles Wallis et Futuna, 80 % du coût total hors taxes des opérations.

Cependant, le décret n° 2001-120 du 7 février relatif aux subventions de l'État pour les projets d'investissements dans les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte a été abrogé par décret du 25 juin 2018. Depuis cette date, les règles régissant les plafonds des aides allouées au titre du FEI sont précisées chaque année dans la circulaire du ministre des outre-mer relative à l'élaboration de la programmation du FEI.

Dans ce contexte, le ministère des outre-mer a proposé, en 2021, de modifier le décret régissant le FEI afin de prendre en compte les innovations introduites par le décret de 2018 tout en conservant certaines spécificités.

Dans l'attente de la publication du décret modificatif, il est précisé dans la circulaire ministérielle :

- qu'en cas de cumul d'aides de l'État en sus du FEI, le taux de subvention maximal du FEI est de 80 % du montant total HT des dépenses éligibles ;

- que ce taux peut cependant être porté à 100 % du montant total des dépenses HT éligibles dans des cas exceptionnels.

Dans ce contexte, il conviendrait d'adopter un décret modificatif rapidement.

En pratique, le niveau de crédits FEI alloué à chaque projet dépend de l'expression du besoin formulée par la collectivité ayant déposé la demande et il est rare que le montant alloué s'éloigne substantiellement de la demande initiale. Ainsi, le plancher et le plafond de la subvention répondent à une demande du maitre d'ouvrage, appréciée par le préfet au regard de la capacité contributrice de la collectivité. À cet égard, il convient de souligner que le financement maximum (80 %) est souvent accordé permettant ainsi :

- un réel effet levier ;

- une diminution du risque de non réalisation des projets retenus pour financement insuffisant ;

- une limitation des financements croisés générateurs de retards dans l'aboutissement des travaux.

2. Des taux de financement majoritairement adaptés malgré des améliorations possibles

En 2021, le taux moyen de financement des projets sélectionnés se situe à 71,6 %. Sur les 97 projets financés au cours de cette année, 9 l'ont été à hauteur de 100 % dont 7 à Wallis et Futuna (réhabilitation de fale fono 41 ( * ) notamment), un en Polynésie pour les opérations CRSD 42 ( * ) et un à Saint-Martin pour la réhabilitation d'une médiathèque en abri anticyclonique.

23 projets ont été financés entre 80 et 98 % et 55 projets ont été financés à moins de 80 % dont 19 à moins de 40 %. Dans ce dernier cas, les cofinancements en provenance soit de fonds européens soit d'une autre collectivité, en sus du maitre d'ouvrage ont une part prépondérante. Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux rappellent que lors du précédent rapport relatif au FEI publié en 2016, ils avaient formulé une recommandation visant à « privilégier les projets pour lesquels l'aide demandée représente au moins 40 % du coût total de l'opération afin d'éviter un saupoudrage des aides du FEI et de renforcer son effet déclencheur ». En 2021, les projets financés à hauteur de moins de 40 % représentent 19,6 % du total des projets sélectionnés. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc cette recommandation comme mise en oeuvre même s'ils considèrent que le nombre de projets financés à moins de 40 % pourrait encore être diminué.

Par ailleurs, les rapporteurs ont constaté que quelques projets (5 en 2021) étaient financés à moins de 20 % (à titre d'exemple, la reconstruction d'un groupe scolaire en Guadeloupe ou le renforcement des berges en Guyane). Dans le cas de ces projets, le financement par le FEI représentait :

- une volonté de l'État de participer à des projets structurants pour les territoires concernés ;

- un effet levier pour faciliter l'obtention de financements européens représentant alors plus de 80 %.

Ce faible taux de financement se justifie pour certains dossiers dont le montant total représente plusieurs millions mais les rapporteurs insistent sur le fait que cette pratique doit demeurer exceptionnelle pour éviter notamment les risques susmentionnés liés aux financements croisés (non réalisation, retards...).

Les rapporteurs spéciaux notent cependant que dans plus de 90 % des cas, le taux de financement demandé est accordé (seulement 3 dossiers en 2021 ont été financés à des taux moindres) rendant ainsi sans objet la recommandation formulée dans le rapport de 2016 de « prévoir que les services de l'État justifient le montant proposé lorsque celui-ci diffère du montant demandé par la collectivité et prévoir une obligation similaire lorsque le montant notifié par le ministère des outre-mer diffère de celui recommandé par les préfectures et hauts commissariats afin de renforcer la transparence du dispositif ».

Exemple de projets financés à moins de 10 % par le FEI

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

Par ailleurs, certaines collectivités ont fait remonter la nécessité d'une systématisation d'un financement à 100 % pour certains projets particulièrement sensibles et nécessaires. Il s'agit notamment des investissements permettant de rétablir dans des délais raisonnables des situations acceptables pour la population (secteurs de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des déchets) ou des investissements permettant d'assurer la sécurité des personnels dans les districts au sein des TAAF.

La DGOM, à cet égard, rappelle que certains projets sont déjà financés à hauteur de 100 % mais n'est pas favorable à une systématisation de ce taux de financement notamment pour les investissements relatifs au secteur de l'eau dont la compétence relève des collectivités. Les rapporteurs spéciaux invitent cependant la DGOM à entamer une réflexion sur les investissements qui pourraient bénéficier, de manière systématique, d'un financement à 100 %.

Enfin, malgré le possible versement d'avances, les collectivités les plus fragiles financièrement et celles disposant d'une très faible voire nulle capacité d'autofinancement ont fait part de leurs difficultés à démarrer les projets sélectionnés et estiment qu'une avance avant le commencement des travaux permettrait de lancer les projets plus rapidement.

En effet, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l'article 4 du décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009, une avance peut être versée à une collectivité dès justification par cette dernière du commencement de l'exécution de l'opération. Le taux d'avance, normalement de 20 %, peut être porté à 50 % de manière exceptionnelle au vu de la capacité financière de la collectivité, de sa trésorerie et de l'importance de l'opération.

Si les rapporteurs spéciaux sont sensibles aux arguments des collectivités, ils soulignent néanmoins les difficultés, notamment règlementaires, pour mettre en place une avance avant le premier engagement juridique, de même que les difficultés budgétaires qui pourraient en résulter en cas de non commencement des travaux.

Il apparait donc que le niveau des avances de 20 %, pouvant être porté à 50 %, avec un versement après le premier engagement juridique, est satisfaisant en l'état. En revanche, l'information des collectivités concernant les possibilités d'obtention d'avances complémentaires par l'AFD, notamment, pourrait être améliorée.

D. UN SUIVI INCOMPLET DES DOSSIERS ET UNE ABSENCE D'ÉVALUATION EX-POST DES PROJETS SÉLECTIONNÉS

1. Un suivi différencié par territoire et essentiellement financier

Le suivi des dossiers est assuré au niveau des préfectures et hauts commissariats de chaque territoire. Ainsi, les procédures peuvent différer d'un territoire à l'autre. Il est essentiellement financier et gagnerait à être développé et systématisé concernant l'avancement des opérations afin d'identifier les causes de retard et les moyens pour y remédier.

En Martinique , des revues de projets en cours sont organisées par les sous-préfectures d'arrondissement environ tous les trimestres. Budgétairement, la préfecture procède deux fois dans l'année à une revue des projets engagés depuis plus de quatre ans afin d'identifier les opérations justifiant un retrait d'engagement (opérations achevées en sous-réalisation, opérations abandonnées, durée d'opération à proroger, etc.). Sur le terrain, les services techniques des DDI (DEAL, DAC, etc.) procèdent au suivi des travaux et à la certification des dépenses à subventionner.

À La Réunion, une fois les décisions d'attribution de subvention notifiées par le ministère, le suivi administratif et financier des projets retenus est effectué par le SGAR. Le suivi comporte les étapes suivantes : établissement des projets de convention, demande de pièces complémentaires nécessaires à l'engagement, engagement des subventions sur Chorus et suivi de la réalisation des projets pour le paiement des subventions. Ces différentes étapes dans le traitement des dossiers sont l'occasion d'échanges avec les collectivités concernées et font appel à la mobilisation des sous-préfectures en cas de difficulté sur un dossier.

À Mayotte , de 2016 à 2020, le suivi était essentiellement financier, l'avancement des opérations étant constaté par les demandes d'avance, acompte et solde des opérations. Depuis 2020, l'équipe de la plateforme d'ingénierie de Mayotte réalise un suivi de l'ensemble des opérations des collectivités (dont FEI), avec des constatations sur l'avancement des travaux et la mise en oeuvre des équipements. Dans le cadre de ce suivi, des visites sur site et des réunions de travail mensuelles sont organisées avec les équipes techniques des collectivités.

En Nouvelle Calédonie, le suivi des projets est assuré par les Commissaires délégués de la République au niveau de leur subdivision et le secrétariat général assure le suivi pour les opérations du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

À Saint-Pierre-et-Miquelon , les projets sont suivis par la préfecture qui assure le lien avec la DGOM au travers d'un reporting mensuel sur la consommation des projets, et avec les collectivités afin de recueillir les pièces nécessaires à l'établissement et à la signature des conventions ainsi que les justificatifs nécessaires aux paiements. Ce suivi des projets est abordé de façon systématique à l'occasion des bilatérales mensuelles entre le secrétaire général et les directeurs généraux des services des collectivités.

En Guyane , les projets sont suivis par le service en charge de l'engagement via le suivi des conventions et des points d'avancement annuels. Si le projet est instruit par un service métier, ce dernier réalise un suivi technique spécifique.

2. Une absence d'évaluation des projets ex-post

En revanche, les projets financés ne sont pas évalués ex-post afin d'analyser si l'investissement réalisé a eu les impacts attendus. Cette absence d'évaluation ex-post s'explique sans doute, en partie, par l'absence d'étude d'impact obligatoire lors de la procédure de sélection (cf. supra ).

Ainsi, rendre les études d'impact obligatoires, pour certains investissements, permettrait d'évaluer les projets dans un délai à déterminer après la mise en service des équipements.

Cette évaluation aurait le double avantage d'opérer une vérification entre l'impact attendu et les effets réels et d'aider les décisions à venir pour les appels à projets postérieurs.

Dans cet optique, les rapporteurs spéciaux avaient d'ailleurs recommandé, dans leur précédent rapport, de « définir une liste d'indicateurs au niveau national et pour chaque projet afin de mieux évaluer l'impact socio-économique des opérations subventionnées ».

Si des indicateurs existent, ils ne permettent pas cette évaluation de l'impact socio-économique des projets financés mais concernent uniquement les taux de consommation, les taux de chute des AE et le délai global de réalisation des projets. Aussi, les rapporteurs spéciaux renouvellent leur recommandation de mettre en place une évaluation ex-post des projets financés.

Recommandation n° 8 : Évaluer, ex-post , l'impact socio-économique des projets financés par le FEI.

QUATRIÈME PARTIE
DES CRÉDITS QUI DOIVENT ÊTRE PÉRÉNNISÉS ET DONT LA CONSOMMATION DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE

I. UNE MONTÉE EN PUISSANCE PROGRESSIVE ET UNE NÉCESSAIRE PÉRENNISATION APRÈS 2022

A. UNE AUGMENTATION PROGRESSIVE DES CRÉDITS OUVERTS

Depuis sa création en 2009, le FEI a enregistré des ouvertures de crédits à hauteur de 930,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 613,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cependant, l'ouverture de ces crédits a été irrégulière avant une stabilisation en 2019 soit dix ans après sa création.

Évolution des AE et CP ouverts en LFI depuis 2009 au titre du FEI

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
(projets annuels de performance)

1. 2009-2014 : une instabilité des crédits

Entre 2009 et 2014, les crédits ouverts, tant en AE qu'en CP, ont enregistré une évolution erratique de 10 à 164,5 millions d'euros en AE et de 19 à 102 millions d'euros en CP.

En 2009, année de sa création, le FEI a été abondé en cours de gestion par des crédits exceptionnels issus du plan de relance décidé en 2008 et mis en oeuvre à compter de 2009 à hauteur de 125 millions d'euros en AE et de 25 millions d'euros en CP par deux décrets de transfert :

- décret du 19 février 2009 : pour un montant de 75 millions d'euros en AE et de 15 millions d'euros en CP ;

- décret du 23 juin 2009 : pour un montant de 50 millions d'euros en AE et de 10 millions d'euros en CP.

Dès 2010, les crédits alloués au FEI ont donc connu une baisse significative, les AE passant de 164,5 millions d'euros en 2009 à 40 millions d'euros en loi de finances pour 2010. Cette diminution s'est confirmée en 2011 avec 10 millions d'euros d'AE ouvertes en LFI. Les CP ont, pour leur part, enregistré une baisse notable en 2011 en passant de 102 millions d'euros en 2010 (LFI et gestion) à 21,5 millions d'euros en loi de finances pour 2011.

Hors crédits destinés au financement des opérations mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance, le montant des AE consacrées au FEI stricto sensu est passé de 40 millions d'euros en loi de finances pour 2009 à 10 millions d'euros en loi de finances pour 2010, soit une diminution de 75 %.

En 2012, les AE et CP se sont établis à, respectivement, 17 et 19 millions d'euros, un niveau relativement faible consécutivement à l'année 2011 au cours de laquelle une seule opération a été lancée.

Enfin, en 2013 et 2014 les crédits ont été stabilisés à 50 millions d'euros d'AE et environ 26 millions d'euros de CP pour faire suite à l'engagement pris, en 2012, par le président de la République au cours de sa campagne de dégager « 500 millions d'euros pour l'investissement outre-mer » et « de lancer un programme d'investissements publics pour rattraper le retard des outre-mer en matière d'équipements structurants ».

Évolution des crédits ouverts en LFI pour le FEI entre 2009 et 2014

(en millions d'euros)

exercices

total des crédits ouverts

dont crédits ouverts en LFI

dont mouvements en cours de gestion

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2009

164,5

40,8

39,5

15,8

125

25

2010

40

102

40

17

0

85

2011

10

21,5

10

21,5

0

0

2012

17

19

17

19

0

0

2013

50

25,9

50

25,9

0

0

2014

50

25,5

50

25,5

0

0

total 2009/2014

331,5

234,7

206,5

124,7

125

110

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

2. 2015-2018 : une stabilisation des crédits à 40 millions d'euros en AE

Entre 2015 et 2018, les crédits alloués au FEI se sont stabilisés à 40 millions d'euros en AE.

Si cette stabilisation a été appréciable d'un point de vue de la visibilité pour les collectivités, elle s'est faite à un niveau inférieur à l'engagement du président de la République pour le quinquennat 2013/2017 de dégager 500 millions d'euros. En effet, sur cette période, 219,3 millions d'euros d'AE ont été ouvertes soit la moitié du montant annoncé ce qu'avaient d'ailleurs regretté les rapporteurs spéciaux dans leur rapport publié en 2016.

Évolution des crédits ouverts en LFI pour le FEI entre 2015 et 2018

(en millions d'euros)

exercices

total des crédits ouverts

dont crédits ouverts en LFI

dont mouvements en cours de gestion

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2015

39,3

25,7

39,3

25,7

0

0

2016

40

27,3

40

27,3

0

0

2017

40

34,8

40

34,8

0

0

2018

40

36

40

36

0

0

total 2015/2018

159,3

123,8

159,3

123,8

0

0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

3. 2019-2022 : une stabilisation des crédits ouverts à un niveau exceptionnellement haut

En 2018, le livre bleu outre-mer a défini quatre axes déclinés en actions pour l'outre-mer. L'action 1 de l'axe 2 (territoires accompagnés) prévoyait que le fonds exceptionnel d'investissement serait porté à 110 millions d'euros par an à compter de 2019 afin de permettre de mobiliser près de 500 millions d'euros sur le quinquennat en faveur de l'investissement public. Cet engagement a été tenu dès la LFI 2019 permettant, sur le quinquennat 2018/2022, d'atteindre un montant total d'AE ouvertes de 480 millions d'euros répondant ainsi à une recommandation précédente des rapporteurs spéciaux de « stabiliser le montant des AE consacrées au FEI et pérenniser cet instrument au-delà de 2017 afin d'assurer une visibilité pour les collectivités territoriales porteuses de projet ».

Évolution des crédits ouverts en LFI pour le FEI entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

exercices

total des crédits ouverts

dont crédits ouverts en LFI

dont mouvements en cours de gestion

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2019

110

65

110

65

0

0

2020

110

60

110

60

0

0

2021

110

67

110

67

0

0

2022

110

63,3

110

63,3

0

0

total 2019/2022

440

255,3

440

255,3

0

0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

La hausse des AE a été suivie par celle des CP conformément à la recommandation formulée par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport de 2016 invitant à « poursuivre la hausse des CP dans les années à venir et préserver l'enveloppe votée en loi de finances initiale afin d'accompagner l'augmentation du niveau des engagements depuis 2013 et de limiter l'augmentation du niveau des charges à payer ». Ainsi, depuis la création du FEI, toutes les demandes de versement formulées par les collectivités territoriales ont été systématiquement mises en oeuvre. Le niveau des charges à payer de la ligne en baisse constante confirme cet état de fait passant de 3,8 millions d'euros en 2018 à 1,3 millions d'euros en 2021.

B. LES PERSPECTIVES POST 2022

1. Une incertitude importante sur les montants à venir

L'article 31 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (LODEOM) précise que le montant (du FEI) est « fixé chaque année par la loi de finances » et le décret n°2009-1776 du 30 décembre 2009 pris en application de l'article 31 de la loi LODEOM n'apporte pas plus d'éléments de cadrage.

Il ressort de ces dispositions qu'il n'existe aucune trajectoire pluriannuelle pour le FEI dont le montant fixé annuellement ne dépend que des arbitrages annuels opérés dans le cadre des projets de lois de finances et d'une volonté politique sans corrélation directe avec les besoins réels d'investissement des collectivités outre-mer.

Dans le contexte particulier des élections présidentielles et législatives de 2022, aucune perspective n'a été fixée concernant l'évolution des crédits alloués au FEI à compter du projet de loi de finances pour 2023.

2. Un maintien à un niveau élevé des crédits ouverts pour le FEI qui parait nécessaire

Les rapporteurs soulignent la nécessité de définir une nouvelle trajectoire pluriannuelle dans le cadre des arbitrages budgétaires qui interviendront en juillet 2022 et de la définition d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques.

En effet, il leur parait indispensable de fixer un montant pluriannuel du FEI, pour le prochain quinquennat, en fonction des besoins réels constatés dans les collectivités outre-mer. Ces besoins ont été identifiés lors des Assises des outre-mer de manière générale mais le sont également, au niveau local, à travers différents documents (plans pluriannuels d'investissement des collectivités, plan eau, plan séisme Antilles, rapport de la délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports ( DRAJES) sur les équipements sportifs à Mayotte...) .

Une telle démarche a d'autant plus de sens que les programmes d'investissement des collectivités étant pluriannuels, la fixation d'une nouvelle trajectoire quinquennale est indispensable pour une meilleure visibilité des collectivités et une programmation efficiente.

Recommandation n° 9 : Déterminer une nouvelle trajectoire pluriannuelle pour la période 2023-2027 en adéquation avec les besoins d'investissement des territoires d'outre-mer.

II. UNE SOUS-CONSOMMATION RÉGULIÈRE QUI LIMITE L'IMPACT DU FEI ET LES SOLUTIONS À METTRE EN PLACE POUR Y REMÉDIER

A. UNE SOUS-CONSOMMATION IMPORTANTE AUX FACTEURS MULTIPLES

1. Une sous-consommation récurrente

Entre les LFI 2018 et 2022, 480 millions d'euros en AE et 291,3 millions d'euros en CP ont été ouverts pour le FEI conformément à l'engagement quinquennal du Gouvernement. Cependant, les quatre premières années d'exécution (2018-2021) révèlent une consommation inférieure aux objectifs avec 246,9 millions d'AE et 180,3 millions de CP consommés soit, en moyenne, respectivement 66,7 % et 79 % des crédits ouverts.

Ainsi, 123 millions d'euros d'AE et 47,7 millions d'euros de CP n'ont pas été consommés.

Évolution de la consommation des crédits FEI ouverts en LFI
entre 2018 et 2021

(en millions d'euros)

total des crédits ouverts

exécution

crédits non consommés

taux de consommation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018

40

36

36,7

29,2

3,3

6,8

91,75

81,11

2019

110

65

78,5

47,3

31,5

17,7

71,36

72,77

2020

110

60

50,7

55,2

59,3

4,8

46,09

92,00

2021

110

67

81

48,6

29

18,4

73,64

72,54

2022

110

63,3

total 2018/2022

480

291,3

246,9

180,3

123

47,7

66,73

79,08

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

Il convient cependant de souligner que cette sous consommation s'explique, en partie, par des règles et redéploiements budgétaires.

Premièrement, une partie de la réserve de précaution 43 ( * ) est imputée sur les crédits du FEI. Ainsi, entre 2018 et 2021, 15,5 millions d'euros en AE et 9,4 millions d'euros en CP ont été gelés.

Évolution de la réserve imputée sur les crédits FEI entre 2018 et 2021

(en euros)

AE

CP

2021

4 400 000

2 680 000

2020

4 400 000

2 400 000

2019

5 500 000

3 250 000

2018

1 200 000

1 080 000

Total

15 500 000

9 410 000

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses de la direction du budget

Par ailleurs, le choix a parfois été fait de redéployer des crédits ouverts au titre du FEI sur d'autres dépenses d'investissement structurants. Ainsi, 7 millions d'euros ont été mobilisés chaque année depuis 2019, pour le financement du volet « sport » des CCT.

De surcroit, en 2019 , un transfert de 7,5 millions d'euros est intervenu au profit du programme 214 du ministère de l'éducation nationale, pour un projet de collège à Saint-Martin s'inscrivant dans la dynamique de reconstruction après l'ouragan Irma (cette somme n'a donc pas été comptabilisée dans l'exécution 2019 du FEI). Il en est de même pour la construction d'un poste d'inspection frontalier en Guyane pour 1,4 million d'euros (le maître d'ouvrage de ce projet n'étant pas une collectivité mais le grand port maritime, ce projet ne relevait pas du FEI et les crédits ont été redéployés vers le port).

En 2020 , 14,3 millions d'euros ont servi au financement de la liaison routière entre Maripasoula et Papaïchton, en Guyane.

En 2021 , 15 millions d'euros ont été redéployés pour financer une partie du soutien exceptionnel de l'État à la collectivité territoriale de Guyane (CTG).

Enfin, le FEI a également servi de source de financement pour des dépenses supplémentaires, apparues en cours de gestion et relevant d'arbitrages interministériels. À ce titre, le ministère a financé en 2020, à partir des crédits ouverts pour le FEI et à titre exceptionnel :

- le déplafonnement du complément national du POSEI 44 ( * ) (pour la diversification agricole) pour 6,3 millions d'euros ;

- le financement de l'aide à la politique de santé en Polynésie française pour 10,1 millions d'euros ;

- le financement des observateurs de l'ONU (UNOPS) 45 ( * ) pour les opérations de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie (1,4 million d'euros en 2019, 1,1 million d'euros en 2020).

Si la réserve de précaution est une pratique obligatoire aux dérogations très limitées, la pratique de redéploiements quasi systématiques à compter de 2019 pour financer des opérations d'investissement ne relevant pas du FEI ou des dépenses supplémentaires apparues en gestion interroge . En effet, le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels.

En raison de ces redéploiements et de la réserve de précaution, les crédits réellement disponibles pour le FEI se sont élevés, entre 2019 et 2021, à respectivement 78 %, 52 % et 82 % des crédits ouverts en AE.

Utilisation des crédits FEI ouverts en LFI depuis 2019

(en euros)

Source : DGOM

Part des crédits, en AE, programmés, gelés, redéployés et annulés
entre 2019 et 2021

Source : Commission des finances à partir des données DGOM

Cette pratique, qui minore les crédits alloués au FEI, devrait donc cesser et les rapporteurs spéciaux préconisent fermement une sanctuarisation des crédits du FEI.

Dans ce contexte, il apparait important, pour les rapporteurs spéciaux, de figer l'enveloppe dédiée au FEI et de ne pas l'utiliser pour financer les aléas de gestion ou projets non financés par ailleurs.

Recommandation n° 10 : Sanctuariser les crédits alloués au FEI lors de la LFI et mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion.

2. Des AE non programmées lors de la sélection des dossiers qui expliquent largement la sous consommation du fonds

La sous consommation s'explique largement par un engagement des AE inférieur aux crédits ouverts en LFI.

En effet, comme mentionné supra, en 2020 et 2021, sur les 110 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale, seuls respectivement 63,3 millions d'euros et 85,4 millions d'euros ont été programmés pour les projets sélectionnés.

Ces niveaux de programmation interrogent donc sur les procédures et les critères de sélection dans un contexte où les élus auditionnés ont fait part de projets prioritaires non retenus pour un financement par le FEI ou, plus rarement, à des taux inférieurs à ceux demandés et ouvre la voie à de possibles redéploiements précoces.

Ainsi, on constate que les crédits de paiement ouverts présentent des taux de consommation corrects malgré la baisse enregistrée en 2021, qui s'explique en partie par l'impact de la crise sanitaire (cf. infra ), contrairement aux autorisations d'engagement qui présentent un décalage beaucoup plus important entre les ouvertures en LFI et la consommation, en raison, notamment, de leur non programmation en début de gestion.

3. Le manque d'ingénierie comme autre cause de la sous-consommation du FEI

Ce constat, partagé entre la DGOM et les élus locaux, n'est pas spécifique aux seuls projets financés par le FEI mais concerne l'intégralité des investissements en outre-mer.

En effet, comme les rapporteurs l'avaient déjà signalé dans leur rapport budgétaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2022 ou dans leur rapport pour suite à donner à celui de la Cour des comptes relatif aux financements de l'État en outre-mer, les collectivités d'outre-mer se caractérisent, assez généralement, par un manque d'ingénierie qui s'explique essentiellement par une prédominance des emplois de catégorie C et la rareté des emplois de catégorie A en capacité de porter et d'accompagner les projets.

Par ailleurs, la rareté du foncier, son insécurité juridique, de même que des contraintes en termes de normes de sécurité spécifiques aux territoires d'outre-mer (en raison notamment des contraintes géographiques intrinsèques : risques sismiques ou climatiques, topographie, insularité...) rendent le besoin en ingénierie encore plus prégnant.

Il en résulte des projets qui peinent à démarrer ou à s'achever.

4. Un impact réel mais relativement faible de la crise sanitaire sur l'avancement des projets sélectionnés

Sur les 426 projets sélectionnés entre 2016 et 2021 , 384 sont achevés ou en cours de réalisation dans les délais initialement envisagés et 31, soit 7,3 %, enregistrent un retard.

Ces retards s'expliquent en partie par la crise sanitaire mais pas uniquement. Ainsi, 13 projets ont été reportés en raison de la crise, cette cause pouvant parfois s'ajouter à d'autres problèmes spécifiques aux territoires (intempéries, mouvements sociaux dans les territoires...).

Par ailleurs, certains retards (5) résultent de problèmes liés aux prestataires (désaccords, contentieux).

Enfin, les rapporteurs spéciaux notent que 11 projets (soit 2,6 %) ont été abandonnés ou n'ont jamais été lancés sans que des explications aient pu être fournies plus précisément.

B. LES PISTES D'ÉVOLUTION AFIN D'AMÉLIORER LA CONSOMMATION DES CRÉDITS

1. Une programmation intégrale des AE en début de gestion ou la mise en place d'une session de repêchage de dossiers non sélectionnés en début d'année

Pour améliorer la consommation des crédits du FEI, il apparait donc indispensable, pour les rapporteurs spéciaux, de programmer l'intégralité des AE ouvertes en LFI. Cette programmation totale permettrait également de réduire les risques d'utiliser le FEI pour financer les aléas de gestion.

À défaut d'une ouverture intégrale en début de gestion, il pourrait être envisagé, sur la base des projets déposés en fin d'année N-1 lors de l'appel à projets pour l'année N, de procéder à une session de rattrapage en cours d'année afin de sélectionner des projets rejetés en première intention.

En effet, en fonction du motif de rejet, les porteurs de projets pourraient compléter, au besoin, leur dossier avant ce rattrapage ce qui permettrait d'augmenter les taux d'AE programmées.

Cette pratique permettrait d'augmenter les taux d'engagement des AE mais également d'éviter les redéploiements vers d'autres programmes ou d'autres actions du programme 123.

Recommandation n° 11 : Programmer l'intégralité des autorisations d'engagements ouvertes en LFI au titre du FEI en début de gestion.

2. Un appui à l'ingénierie à renforcer

En premier lieu , il conviendrait de renforcer les moyens humains alloués aux structures d'ingénierie . À cet égard, il serait nécessaire de formaliser, dans un document, les missions de ces structures afin d'y lister l'accompagnement exact qui peut être apporté aux collectivités dans la réalisation de leurs projets.

En deuxième lieu, il faudrait développer la communication sur l'existence de ces structures, leurs moyens et leurs missions afin de sensibiliser le plus largement possible les collectivités susceptibles d'y recourir.

Enfin, une coordination entre ces structures devra être mise en place. Ainsi, une commission pour chacun des territoires d'outre-mer et réunissant tous les acteurs de l'ingénierie pourrait utilement être créée afin d'analyser les dossiers, les orienter aux mieux vers la structure adéquate au regard de la nature du projet et calibrer le soutien à mettre en oeuvre au regard des besoins.

Dans cette même logique de coordination, la création d'un guichet unique auprès duquel les collectivités pourraient se renseigner pour connaitre les aides en ingénierie dont elles peuvent bénéficier pourrait faciliter, en amont, le travail de coordination entre les différents acteurs.

Une recommandation dans ce sens avait d'ailleurs été faite dans le rapport relatif aux financements de l'État en outre-mer 46 ( * ) .

3. Des conventionnements qui pourraient être prolongés

Après signature de la convention, la collectivité maitre d'ouvrage dispose d'un délai maximal de 6 mois pour démarrer les travaux et de 4 ans pour achever totalement l'opération après le commencement des travaux.

À défaut de commencement de l'opération dans un délai d'un an ou si une année s'est écoulée entre deux situations de travaux consécutives, la subvention sera frappée de caducité conformément aux dispositions de l'article 3 du décret n° 2009-1776 du 30 décembre 2009. Dans cette hypothèse, les préfectures et hauts commissariats ont cependant la possibilité de reconduire exceptionnellement la validité de la décision pour une année supplémentaire.

À défaut, la subvention sera définitivement perdue avec un retrait des engagements et un remboursement des éventuelles avances versées.

À cet égard, certaines collectivités auditionnées ont fait part aux rapporteurs spéciaux de l'annulation de leur subvention faute de travaux commencés dans un contexte d'appels d'offres passés dans les délais mais revenus infructueux faute de candidatures.

Actuellement, les conditions pour pouvoir bénéficier d'une prorogation de la convention initiale sont définies au niveau local et l'administration centrale n'assure pas de suivi de ces prorogations (nombre et critères de décision).

Sur les 426 projets sélectionnés depuis 2016, 7 ont fait l'objet d'un avenant de prorogation. Dans ce contexte, il pourrait être envisagé de définir précisément les conditions permettant de pouvoir bénéficier de ce dispositif, de manière homogène dans tous les territoires, et d'informer les collectivités des conditions à remplir pour y prétendre.

4. La question des crédits non consommés : une réaffectation envisageable mais très limitée

Dans les cas de conventionnements non suivis d'engagement des travaux et de décaissement des premiers paiements, les conventions peuvent exceptionnellement être prorogées (cf. supra ). Dans le cas contraire, les crédits sont annulés.

Dans ce contexte, plusieurs collectivités ont fait part de leur souhait de réaffecter ces crédits annulés à des projets sur leur territoire.

Cette réaffectation pourrait prendre deux formes :

- une augmentation des taux de financement des projets déjà sélectionnés ;

- une réaffectation sur des projets déposés par la collectivité, éligibles mais non sélectionnés en début d'année. Cette réaffectation pourrait avoir lieu en cours d'année au cours d'une session de rattrapage à mettre en place (cf. supra).

Si cette démarche va partiellement à l'encontre du principe voulu par la DGOM de non territorialisation des crédits afin de garder une certaine souplesse de gestion, elle permettrait cependant d'augmenter les taux de consommation du FEI.

Cette réaffectation ne peut toutefois être que très limitée en raison du principe d'annualité budgétaire. En effet, des AE non suivies d'engagement juridique en année N ne peuvent être utilisées en année N+1. Il résulte de ce principe, que pour réaffecter des AE sur d'autres projets du même territoire (ou d'un autre territoire), il faudrait que le projet sélectionné en année N soit abandonné au cours de la même année. Cette situation, rare, est alors majoritairement la conséquence d'une décision de la collectivité porteuse de renoncer à un projet sélectionné.

5. La question de la territorialisation des crédits à étudier

Actuellement, le FEI est géré par les services du ministère des outre-mer et non par les préfectures afin de ne pas figer les enveloppes par territoire.

L'argument principal du ministère réside dans le fait qu'une répartition au prorata de la population défavoriserait les territoires les moins peuplés mais présentant des besoins importants d'investissement (ex : Mayotte).

Les collectivités auditionnées sont, toutefois, favorables à une territorialisation des crédits afin notamment d'avoir une plus grande visibilité au moment du dépôt des dossiers.

Si l'argument de la DGOM quant à l'iniquité démographique s'entend il pourrait être dépassé par un calcul pondéré qui prendrait en compte le nombre d'habitants de chaque territoire, la capacité d'autofinancement moyenne des collectivités de ce territoire et enfin les besoins d'investissement (notamment en fonction des ratios d'équipement).

La DGOM évoque cependant la complexité d'une clé de répartition pondérée mais reconnait que cette territorialisation, et subséquemment une gestion déconcentrée des crédits, permettrait une gestion facilitée à son niveau.

Cette solution nécessiterait, en contrepartie, des remontées régulières des préfectures et hauts commissariats vers les services de la DGOM afin de pouvoir assurer un suivi centralisé.

Si les rapporteurs spéciaux ne se positionnent pas sur un schéma au détriment d'un autre, ils estiment cependant qu'une réflexion doit être initiée sur la faisabilité et la pertinence d'une gestion déconcentrée des crédits ainsi que sur les modalités et critères qui pourraient sous tendre cette déconcentration.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 juin 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH, rapporteurs spéciaux, sur le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI).

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons aujourd'hui une communication de nos collègues Georges Patient et Teva Rohfritsch, rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer », sur le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer.

Je vous informe par ailleurs, en ce qui concerne l'agenda de la commission, que nous essayons, avec M. le rapporteur général, d'organiser assez rapidement une table ronde sur le thème de l'inflation, la problématique ayant sensiblement évolué depuis notre dernière réunion sur le sujet.

M. Georges Patient , rapporteur spécial . - Le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI) avait fait l'objet d'un précédent rapport de la commission des finances du Sénat, publié en 2016, rapport qui formulait alors dix recommandations. Le présent contrôle a donc été l'occasion de réaliser un suivi de ces recommandations, mais également d'analyser l'évolution du FEI sur la période 2016-2022 et les problèmes persistant dans sa gestion et sa gouvernance.

Pour mémoire, le FEI a été créé en 2009 avec pour objectif principal d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, en outre-mer, des investissements portant sur des équipements publics collectifs.

En effet, de manière structurelle, les infrastructures publiques en outre-mer présentent des déficits et défaillances qui s'expliquent par plusieurs facteurs, notamment la topographie des territoires qui rend difficiles les travaux de construction et d'entretien, les risques naturels qui nécessitent des normes de construction spécifiques et des investissements passés très insuffisants.

Ainsi, les besoins d'équipements publics concernent aujourd'hui quasiment tous les domaines : les infrastructures de transport, les réseaux d'eau et d'assainissement, les logements, les équipements scolaires et les établissements de santé, pour ne citer que les plus importants.

Si, dans de rares domaines, comme les maternités ou les structures d'enseignement, les taux d'équipements en outre-mer sont équivalents voire très légèrement supérieurs à ceux de la métropole, quand ils sont ramenés aux besoins réels de la population au regard de l'évolution démographique et de la pyramide des âges des territoires d'outre-mer, les taux sont alors nettement inférieurs à ceux constatés en métropole.

Ce constat général de besoins en équipements publics est ancien. Il avait d'ailleurs déjà été établi par l'inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport de 2012, ainsi que dans le précédent rapport fait au nom de notre commission.

Aussi, force est de constater que malgré les outils d'aide à l'investissement développés depuis plus de dix ans, dont fait partie le FEI, que nous saluons, les besoins d'investissement sont toujours importants, avec des écarts avec la métropole qui peinent à se réduire.

De surcroît, malgré un niveau de dépenses d'équipement global plus élevé en outre-mer qu'en métropole, les investissements réalisés ne suffisent pas pour faire face aux besoins réels des populations. Cette situation s'explique par les retards importants en matière d'équipements publics en outre-mer, qui nécessitent un surplus d'investissements par rapport à la métropole, mais également par des coûts de construction et d'entretien des équipements publics supérieurs dans les territoires ultramarins, qui renchérissent le coût des investissements.

Aussi, en raison d'une situation financière dégradée des collectivités d'outre-mer, il est indispensable d'accroître les moyens permettant aux collectivités de poursuivre et même d'amplifier leurs investissements.

Le FEI est donc un outil indispensable qui doit permettre un rattrapage de niveau en équipements publics entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

Pour ces raisons, il nous paraît indispensable de pérenniser cet instrument. En 2018, le Gouvernement s'était engagé à mobiliser près de 500 millions d'euros sur le quinquennat en faveur du FEI. Si cet engagement a été tenu, il existe aujourd'hui une incertitude importante sur les montants qui seront ouverts lors des prochains projets de loi de finances. Il est impératif de fixer une nouvelle trajectoire pluriannuelle, pour le prochain quinquennat en fonction des besoins réels constatés dans les collectivités outre-mer.

M. Teva Rohfritsch , rapporteur spécial . - Pour atteindre les objectifs qui ont présidé à sa création, le FEI doit évoluer.

Premièrement, la consommation des crédits ouverts au titre du fonds doit être améliorée.

En effet, les quatre dernières années d'exécution (2018-2021) révèlent une consommation inférieure aux objectifs, avec 246,9 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 180,3 millions en crédits de paiement (CP) consommés, soit en moyenne, respectivement, 66,7 % et 79 % des crédits ouverts. Ainsi, 123 millions d'euros d'AE et 47,7 millions d'euros de CP n'ont pas été consommés.

Cette sous-consommation s'explique en large partie par la pratique de redéploiements, quasi systématiques à compter de 2019, destinés à financer des opérations d'investissement ne relevant pas du FEI ou des dépenses supplémentaires apparues en cours de gestion. Entre 2019 et 2021, ces redéploiements se sont élevés à 74 millions d'euros en AE. Or le FEI ne peut pas être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels.

Ces redéploiements ont été rendus possibles par des sous-programmations en début de gestion, alors même que les élus auditionnés ont fait part de projets éligibles prioritaires non retenus pour un financement par le FEI, ce qui pose question en termes de procédures et de critères de sélection.

Le présent rapport développe à cet égard plusieurs pistes pour améliorer les taux d'exécution du fonds, comme la programmation intégrale des crédits en début de gestion, un renforcement de l'appui à l'ingénierie ou encore la possibilité de prolonger de manière plus souple et plus transparente les conventionnements de financement en cas de retard dans le commencement des opérations.

Par ailleurs, la gouvernance et la gestion du fonds mériteraient également d'être améliorées.

Actuellement, le FEI est administré par le ministre chargé de l'outre-mer qui détermine chaque année, dans le cadre d'une circulaire, la nature des opérations susceptibles de bénéficier du FEI. Les représentants de l'État déterminent ensuite les thématiques prioritaires locales, lancent l'appel à projets auprès des collectivités et fixent, après analyse des dossiers reçus, une liste des opérations. Le ministre arrête in fine la liste définitive des opérations sélectionnées, à partir des listes transmises par les préfets et hauts commissaires, pour bénéficier d'une subvention.

Les élus ne sont donc pas consultés dans les phases déterminantes de la procédure et leur consultation sur les projets envisagés reste variable selon les territoires, peu formalisée et non déterminante dans les sélections réalisées par les services déconcentrés, puis par le ministre.

Par ailleurs, le calendrier de sélection, très contraint, ne laisse pas aux collectivités le temps nécessaire à une préparation optimale des dossiers qu'elles souhaitent déposer et limite la procédure d'instruction des demandes.

Les critères de sélection, bien que précisés dans la circulaire annuelle, demeurent peu transparents, d'autant que les études d'impact ne sont pas obligatoires à l'appui des dossiers déposés et que les décisions de rejet ne sont ni notifiées ni expliquées aux collectivités.

Enfin, le suivi des projets sélectionnés est essentiellement financier. Il est réalisé selon des modalités très variables d'un territoire à l'autre et ne comporte aucune évaluation ex post de l'impact des équipements réalisés.

Si des améliorations sont donc possibles et souhaitables, nous insistons encore une fois sur le caractère indispensable de cet outil, qui est complémentaire à d'autres sources de financement de l'investissement outre-mer, notamment les fonds européens.

Nous notons également que cet outil a déjà évolué depuis sa création en 2009, puisque cinq des dix recommandations du précédent rapport de la commission ont été mises en oeuvre et une est devenue sans objet. Souhaitons que les recommandations du présent rapport connaissent le même sort !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous mettez l'accent sur un sujet préoccupant. Selon la Constitution, notre République est décentralisée, mais dans les faits, l'on constate par exemple que pour le FEI, l'État a la mainmise totale. Cette absence d'échanges avec les élus d'outre-mer est absolument consternante. J'ai l'impression d'assister à des débats qui datent de dix ou quinze ans.

Il faut une pratique différente, ce qui dépend de la volonté des hommes aux responsabilités. Cette ambition doit être relayée par notre Haute Assemblée. Il ne s'agit pas de moyens en plus mais bien de faire en sorte que les moyens prévus, fléchés, soient bien dépensés. Vous avez mon plein soutien pour vos recommandations.

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je partage les remarques et recommandations de nos collègues rapporteurs spéciaux. Cette problématique des infrastructures est déterminante pour nos territoires, plus pour certains que pour d'autres.

Les enjeux sont énormes. Nous avons des populations jeunes à occuper, or il manque des salles de classe. Dans certains territoires, des systèmes de rotation ont dû être mis en place, ce qui est indigne du XXI e siècle. Il faut s'occuper aussi des moins jeunes pour éviter qu'ils ne sombrent dans la délinquance : nous avons besoin d'équipements sportifs et de loisirs.

Dans le renchérissement du coût des infrastructures, j'ajouterai la cause climatique.

J'insiste sur le fait qu'il y a une impérieuse nécessité à consommer tous ces budgets, mais beaucoup de nos territoires ont besoin d'une ingénierie spécifique pour y parvenir, et pas seulement de l'assistance des seuls services déconcentrés de l'État. Il y a sans doute quelque chose à inventer de ce côté-là. Je parle en tout cas pour mon territoire, Mayotte.

M. Claude Raynal , président . - Depuis huit ans que je suis au Sénat, j'ai l'impression d'assister aux mêmes débats sur ces sujets. Sans doute que des parlementaires plus anciens pourraient faire le même constat...

Cela n'est pas un sujet financier en soi. Il s'agit de mieux dépenser, avec une programmation pluriannuelle et des outils permettant de faire en sorte qu'elle soit bien réalisée. Il est aussi nécessaire de mieux associer les élus locaux, qui connaissent parfaitement les priorités pour leur territoire.

Je suis désolé de constater que l'on n'avance pas comme il faudrait le faire.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis frappé par un chiffre à la lecture du document que vous nous avez communiqué : le taux d'équipement en bibliothèques serait trois fois moins important dans les collectivités d'outre-mer qu'en métropole. Je trouve cela choquant. Ne faudrait-il pas privilégier des investissements dans les équipements éducatifs et culturels ?

M. Michel Canévet . - Quand je vois le surcoût des infrastructures dans les îles bretonnes, j'imagine ce qu'il en est dans les outre-mer !

Vous avez évoqué les rapports de l'IGA en 2012 et de notre commission des finances en 2016, mais il y a aussi eu un rapport de la Cour des comptes, en 2022, qui a également fait le constat de ce sous-investissement. Moi aussi, j'ai du mal à comprendre, d'autant que les problèmes sont parfaitement identifiés.

Avez-vous une vision de l'ingénierie qui serait la mieux adaptée ? En Guyane, par exemple, quels sont les types de projets prioritaires ?

M. Claude Raynal , président . - Je pose la même question à Teva Rohfritsch pour la Polynésie.

M. Didier Rambaud . - Un des grands acquis de mon mandat de sénateur aura été de mieux connaître les outre-mer.

Cependant ils présentent des caractéristiques diverses. Est-ce que votre constat s'applique à tous les outre-mer ou certains territoires s'en tirent-ils mieux ?

M. Arnaud Bazin . - On constate aussi un retard important en matière de structures d'hébergement des personnes âgées dépendantes. Peut-on avoir des éléments d'analyse à ce sujet ?

M. Christian Bilhac . - S'agissant de la gouvernance, trop centralisée, pourquoi ne proposerait-on pas de faire comme dans nos territoires hexagonaux pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), c'est-à-dire en associant mieux les élus locaux ?

Par ailleurs, est-ce que cette sous-consommation n'est pas liée aussi à la capacité d'autofinancement limitée des collectivités locales d'outre-mer ? N'y a-t-il pas une réflexion à mener de ce côté-là ? On proposerait moins de projets, mais on abaisserait les exigences en matière de capacité d'autofinancement.

M. Jean-Marie Mizzon . - Peut-on faire ce même constat de sous-consommation s'agissant d'autres fonds ou du plan de relance ?

M. Georges Patient , rapporteur spécial . - Est-ce que l'on doit traiter les collectivités relevant de l'article 73 ou de l'article 74 de la Constitution comme les territoires de l'Hexagone ? C'est la première question. Par ailleurs, il faut avoir conscience que les collectivités locales d'outre-mer n'ont pas toutes les mêmes problèmes. Par exemple, dans les Antilles, on assiste à un vieillissement de la population, contrairement à Mayotte, ce qui fait que les besoins ne sont pas les mêmes en matière d'équipements scolaires. Autre exemple, la Guyane a une superficie de 83 000 kilomètres carrés, contre 374 kilomètres carrés pour Mayotte : la problématique des infrastructures ne se pose pas dans les mêmes termes.

Pourtant, l'État central a tendance à traiter les outre-mer comme l'Hexagone et tous les outre-mer de la même façon : c'est une aberration ! Il faut mieux associer les élus locaux à la programmation. Certains territoires réclament également une évolution statutaire.

Il y a véritablement un risque d'explosion sociale : il n'y a qu'à voir les scores réalisés outre-mer par Marine Le Pen à l'élection présidentielle !

M. Teva Rohfritsch , rapporteur spécial . - M. Canévet l'a rappelé, notre travail fait aussi suite à l'enquête qu'a récemment réalisée la Cour des comptes à la demande de notre commission. Je renvoie nos collègues aux pages 21 à 28 de ce rapport, où la Cour pointe notamment un problème d'accessibilité du foncier lié à l'insécurité juridique.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a représenté une avancée certaine, mais il faut savoir qu'il n'y a qu'un seul agent pour couvrir toutes les collectivités locales d'outre-mer.

Comme vient de le dire M. Patient, les problématiques démographiques sont différentes selon les territoires : en Polynésie, 50 % de la population a moins de 25 ans !

Enfin, j'insiste, les arbitrages ne font pas l'objet d'une concertation suffisante. De surcroît, il y a trop peu d'explications sur les décisions de rejet ou d'acceptation.

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Ces dernières années, on a entendu beaucoup de discours sur la différenciation. Il s'agit désormais de les concrétiser.

La loi pour l'égalité réelle en outre-mer est allée dans le bon sens, mais il y a un tel enchevêtrement de programmes qu'il serait bon de revenir à quelque chose de plus simple. Le Sénat est l'endroit idéal pour mener ce travail.

Songez qu'à Mayotte les collectivités locales, succédant à un système de chefferie, datent de 1977, la décentralisation de 2003 et la départementalisation de 2011 : cela explique largement nos déficiences en matière d'ingénierie.

S'agissant des priorités, comment parler de bibliothèques, quand il n'y a ni eau ni assainissement ?

La question statutaire se pose également à Mayotte : nous sommes devenus la première collectivité unique en 2011, mais nous ne sommes allés au bout ni de la départementalisation ni de la régionalisation.

M. Claude Raynal , président . - La question statutaire n'est pas de la compétence de notre commission. Cependant, j'ai bien conscience que l'outre-mer n'existe pas en tant que tel. Il y a bien des outre-mer très différents. Aussi, pourrions nous pour nos prochains travaux de contrôle sur ce sujet, développer une approche plus territorialisée. En effet, les moyennes sont peu parlantes. Nous devons vraiment faire bouger les lignes.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du Ministre des outre-mer

- Mme Jennifer LORMIER, conseillère parlementaire ;

- M. Hugo LE FLOCH, conseiller budgétaire.

Table ronde avec les élus ultramarins et les directeurs généraux des services

- M. Dhinouraine M'COLO MAINTY, 1er adjoint au maire de Mamoudzou (Mayotte) ;

- M. Philippe RAMON, directeur général des services de Mamoudzou ;

- M. Houssamoudine ABDALLAH, maire de Sada (Mayotte) ;

- Mme Chaidati YSSOUFI, 1ère adjointe en charge du budget de Sada (Mayotte) ;

- M. Thierry HOFFMANN, directeur général des services de Sada (Mayotte) ;

- Mme Ericka BAREIGTS, maire de Saint-Denis de la Réunion, ancienne ministre des outre-mer (Réunion) ;

- M. Jean-Baptiste ROTSEN vice-président de l'EPCI Cap Nord Martinique et 2ème adjoint au maire de Sainte-Marie (Martinique) ;

- M. Roland LOE MIE, délégué aux finances et à la fiscalité de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) (Guyane).

Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT)

- M. Jean-François MARTIN, président directeur général de l'OPT de Polynésie.

Direction générale des outre-mer (DGOM)

- M. Marc DEMULSANT, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;

- Mme Gwenaëlle CHAPUIS, adjointe au sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;

- Mme Sabrina SCHPITZ, cheffe du bureau des finances et de la performance des outre-mer (sous-direction de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État).

Contributions écrites

- Préfecture de Guadeloupe ;

- Préfecture de Martinique

- Préfecture de Guyane ;

- Préfecture de Saint-Pierre et Miquelon ;

- Préfecture de la Réunion ;

- Préfecture de Mayotte ;

- Administration des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ;

- Haut-commissariat de Polynésie française.

ANNEXES

Annexe 1 : Liste des domaines prioritaires retenus pour chacun des territoires depuis 2016

Source : DGOM en réponse au questionnaire transmis

Annexe 2 : Suivi des recommandations formulées dans le rapport de 2016 relatif au FEI

Annexe 3 : Table de correspondance entre les nouvelles recommandations et celles formulées dans le rapport de 2016


* 1 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) par MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT, publié en octobre 2016.

* 2 L'objectif principal du plan Eau Dom était d'améliorer la gouvernance de l'eau en Outre-mer, renforcer l'ingénierie et le financement des projets en contrepartie de l'obtention de subventions supplémentaires.

* 3 Rapport de janvier 2020 de Michèle Chay et Sarah Mouhoussoune au nom de la délégation à l'outre-mer du CESE.

* 4 La gestion du Syndicat Intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (SIEAM) a fait l'objet de deux rapports de la Chambre régionale des comptes soulignant des investissements et un entretien des réseaux d'eau potable négligés pendant des années.

* 5 Données issues de l'observatoire des services publics de l'eau et de l'assainissement.

* 6 D'après les données de l'INSEE.

* 7 Les établissements de santé - édition 2020 - DREES.

* 8 Données issues de l'INSEE : population par tranche d'âge en 2021.

* 9 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

* 10 Cet objectif de 150 000 logements recouvre tous les logements, sociaux, intermédiaires ou autres bénéficiant d'un soutien de l'État par des aides à la pierre ou des aides fiscales.

* 11 Loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 12 Terra nova : baromètre des résultats de l'action publique - la France de la fibre optique, par Alexandre Mompeu-Lebel (16 avril 2021).

* 13 En 2021, la part des 0/19 ans était de 23,6 % en métropole contre 32 % en outre-mer : données issues de l'INSEE.

* 14 Taux de natalité de 20,08%o (en moyenne pour la Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane et Mayotte) contre 10,7 %o en métropole : données issues de l'INSEE.

* 15 Rapport de la mission d'audit du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) en outre-mer, septembre 2012.

* 16 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) par MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT, publié en octobre 2016.

* 17 Ratio = dépenses d'équipement brutes/ population : dépenses des comptes 20 (immobilisations incorporelles) sauf 204 (subventions d'équipement versées), 21 (immobilisations corporelles), 23 (immobilisations en cours, diminué des crédits des comptes 236, 237 et 238), 454 (travaux effectués d'office pour le compte de tiers), 456 (opérations d'investissement sur établissement d'enseignement) et 458 (opérations d'investissement sous mandat). Les travaux en régie (crédit du compte 72 en opérations budgétaires) sont ajoutés au calcul. Pour les départements et les régions, on rajoute le débit du compte correspondant aux opérations d'investissement sur établissements publics locaux d'enseignement (compte 455 ou 456 selon les nomenclatures).

* 18 Guadeloupe, Réunion, Martinique et Guyane.

* 19 Comptes 20 : immobilisations incorporelles, comptes 21 : immobilisations corporelles, comptes 22 : immobilisations reçues en affectation, comptes 23 : immobilisations en cours, comptes 24 : immobilisations affectées, concédées, affermées.

* 20 Les immobilisations sont comptabilisées à leur coût d'acquisition, ce coût étant déterminé par l'addition du prix d'achat, figurant dans l'acte, et des frais accessoires. Les frais accessoires sont des charges directement ou indirectement liées à l'acquisition. Il s'agit des droits de douane à l'importation, de la T.V.A. non récupérable par la collectivité, de l'éventuelle taxe d'aménagement à payer par la collectivité, ainsi que des frais de transport, d'installation et de montage nécessaire à la mise en état d'utilisation de l'immobilisation.

* 21 Avant amortissements.

* 22 Réseaux de voirie.

* 23 Chiffre issu de la balance comptable 2019 de la région de la Réunion.

* 24 Estimation issue du rapport de la Cour des comptes sur le logement dans les départements et les régions d'outre-mer - septembre 2020.

* 25 Dette / population : capital restant dû au 31 décembre de l'exercice. Endettement d'une collectivité à compléter avec un ratio de capacité de désendettement (dette / épargne brute) et le taux d'endettement.

* 26 Marge d'autofinancement courant = (DRF + remboursement de dette) / RRF : capacité de la collectivité à financer l'investissement une fois les charges obligatoires payées. Les remboursements de dette sont calculés hors gestion active de la dette. Plus le ratio est faible, plus la capacité à autofinancer l'investissement est élevée ; a contrario, un ratio supérieur à 100 % indique un recours nécessaire aux recettes d'investissement pour financer la charge de la dette.

* 27 Dette / RRF = taux d'endettement : mesure la charge de la dette d'une collectivité relativement à ses ressources.

* 28 Fiber to the home.

* 29 L ' office des postes et télécommunications (OPT) est l'opérateur public historique de la Polynésie française chargé du courrier postal, des télécommunications et des services financiers de base. Il a le statut d' établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

* 30 En raison de cette signature tardive les opérations prévues dans le cadre du CCT, et qui ont été engagées en 2019 pour un montant de 8,4 millions d'euros ont été rattachées en exécution, au précédent contrat de développement, signé le 30 juillet 2014 et modifié par avenant du 11 juin 2018.

* 31 Les contrats de redressement outre-mer (Corom), introduits par amendement à la loi de finances pour 2021, visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Doté d'une enveloppe de 30 millions d'euros sur trois ans (ouverture de 10 millions d'euros de CP par an), le dispositif Corom conditionne le versement des subventions au respect, par les collectivités, de leur engagement à redresser leur situation financière, à fiabiliser leurs comptes et à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.

* 32 Les RUP françaises sont : la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, la Martinique, Mayotte et Saint-Martin.

* 33 Les pays et territoire d'outre-mer français sont : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna et Saint-Barthélemy.

* 34 En raison de l'absence des données 2021.

* 35 Le diagnostic territorial, élaboré en 2012 à la demande de la DATAR (circulaire du 16 juillet 2012 relative à l'accompagnement méthodologique du diagnostic territorial stratégique préparatoire aux programmes post 2013) a été réactualisé en 2016 afin de préciser les axes prioritaires d'intervention du FEI. Cet exercice a été profondément renouvelé dans le cadre des assises des outre-mer en 2018 qui ont identifié les priorités d'intervention pour chaque territoire et de manière transversale pour l'ensemble des Outre-mer. Ces travaux constituent ainsi désormais le socle des appels à projet réalisés à compter de 2019.

* 36 Eau potable, assainissement, traitement et gestion des déchets, désenclavement du territoire, infrastructures numériques, développement durable, prévention des risques majeurs, équipements de proximité en matière sanitaire et sociale, infrastructures d'accueil des entreprises, constructions scolaires, tourisme et équipements sportifs.

* 37 Tous les territoires ont été interrogés par questionnaires sur les modalités de discussions mises en oeuvre pour déterminer les thématiques prioritaires éligibles au FEI.

* 38 Le rapport relatif au FEI publié en 2016 préconisait de « rappeler systématiquement dans la circulaire transmise chaque année aux préfets et hauts commissaires l'obligation de lancer un appel à projets auprès de l'ensemble des collectivités territoriales de leur DOM ou COM afin de permettre à un plus grand nombre de collectivités territoriales de présenter des projets », ce qui a été mis en oeuvre dans les circulaires annuelles.

* 39 « Établir une liste des critères présidant au choix des projets ».

* 40 L'article 1 du décret du 7 février 2001 prévoit que par dérogation aux dispositions de l'article 10 du décret du 16 décembre 1999 susvisé, le montant de la subvention de l'État peut : a) Être déterminé par l'application d'un barème fixé par arrêté pour les aides directes et mentionnées en annexe du présent décret. Le montant de la subvention de l'État ne peut toutefois excéder 100 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnelle hors taxe ; b) Porter le montant des aides publiques directes jusqu'à 100 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnable hors taxe dans les cas définis en annexe du présent décret.

* 41 Équivalent des maisons communales.

* 42 Contrat de redynamisation des sites de défense.

* 43 Prévue par l'article 51 de la LOLF, la réserve de précaution consiste à rendre indisponible, dès le début de la gestion, une fraction des crédits ouverts en lois de finances. Constituée en début de gestion par l'application, sur chaque programme, de taux de mise en réserve différenciés sur le titre 2 (0,5 % des crédits ouverts au titre des dépenses de personnel en 2020) et les autres titres des programmes du budget général (3 % en moyenne pour les autres dépenses en 2020), celle-ci constitue pour le Gouvernement une enveloppe de crédits plus facilement mobilisables pour faire face aux aléas survenant en cours de gestion.

* 44 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité : outil de mise à disposition d'aides européennes et nationales au secteur agricole pour les RUP.

* 45 United Nations Office for Project Services : bureau des Nations unies pour les services d'appui aux projets.

* 46 Rapport d'information n°637 du 24 mai 2022 sur « les financements de l'

en outre-mer » des sénateurs Patient et Rohfritsch.

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