B. LES INFORMATIONS FACULTATIVES : UN DÉVELOPPEMENT PEU ENCADRÉ, EXPONENTIEL, SOURCE DE CONFUSION POUR LE CONSOMMATEUR MALGRÉ LA PERTINENCE DE CERTAINES INITIATIVES

Il existe désormais une véritable profusion d'informations facultatives sur les emballages des produits . Si la première justification de cette évolution réside bien entendu dans le souhait des consommateurs d'être mieux informés de ce qu'ils consomment et de l'impact de leurs achats, le faible encadrement de ces mentions valorisantes d'initiative privée, au premier rang desquelles les labels, a ouvert la voie à une inflation galopante de ces indications , qui peut se révéler parfois contreproductive (une « cacophonie informationnelle », génératrice d'un coût de traitement cognitif élevé et de stress, pour reprendre les mots de la professeure Mme Céline Gallen). De fait, certains emballages sont devenus illisibles .

Par exemple, les informations peu fiables décrédibilisent parfois les informations fiables. Autre exemple, « l'obésité » d'informations peut conduire paradoxalement le consommateur à ne traiter que les informations qu'il connaît et à finalement se désintéresser de nouveaux produits plus vertueux.

A contrario , certaines informations facultatives, encadrées par le droit et reconnues par les pouvoirs publics, jouissent d'une plus grande notoriété et d'une confiance plus forte de la part des consommateurs.

Ainsi que rappelé par l'Institut national de la consommation, il y a toujours eu un grand nombre d'informations (ou allégations) facultatives apposées par les fabricants sur les produits. Théoriquement en effet, toute information peut y figurer tant qu'elle n'induit par le consommateur en erreur, qu'elle n'est pas ambiguë ou déroutante, et qu'elle se fonde sur des données scientifiques pertinentes le cas échéant.

La possibilité pour les fabricants de communiquer sur les vertus de leurs produits auprès des acheteurs est garantie par la liberté d'entreprendre et par celle de communiquer , sous réserve que le fabricant ne trompe pas le consommateur. Ce cadre souple, s'il se justifie au regard de ces principes constitutionnels, ne connaît que quelques exceptions (les signes officiels de qualité, le label AB, certaines mentions valorisantes sont davantage régulés).

1. Seules quelques règlementations existent quant à l'affichage d'allégations relatives aux produits
a) Les allégations nutritionnelles et de santé

Si les fabricants bénéficient d'une grande liberté de communication auprès de leurs clients, l'intérêt général qui s'attache à la protection de la santé des consommateurs (et désormais à la préservation de l'environnement) a conduit à règlementer certaines allégations , pour éviter les tromperies.

Les allégations nutritionnelles (« -25 % de sel »...) et de santé (« le calcium est nécessaire au maintien d'une ossature normale »...) portant sur les denrées alimentaires sont ainsi encadrées au niveau européen par le règlement n° 1924/2006 , en vigueur depuis 2007.

Ce dernier prévoit notamment que la Commission européenne élabore des profils nutritionnels , c'est-à-dire une forme de classification des aliments en fonction de leur composition (nutriments qualifiants, disqualifiants, etc.), ces profils devant permettre de fixer les conditions d'accès aux différentes allégations (un aliment ayant un profil nutritionnel globalement défavorable ne devant pas pouvoir valoriser, à travers une allégation, un élément particulier de sa composition), dans une logique de protection du consommateur. Si la Commission ne les a jamais élaborés depuis 2009 32 ( * ) en raison de fortes divergences d'appréciation des États-membres, le règlement fixe tout de même un ensemble de règles ambitieuses :

La règlementation relative aux allégations nutritionnelles et de santé est donc relativement ambitieuse, comme nous l'avons constaté durant nos échanges avec les professionnels et les pouvoirs publics, puisqu'elle fixe le principe de « listes positives » (ce qui n'est pas sur la liste ou dans l'annexe n'est pas autorisé).

Pour autant, l'absence d'élaboration de profils nutritionnels par la Commission européenne peut générer certaines tromperies au détriment du consommateur. Les profils doivent en effet permettre de conditionner l'emploi d'allégations nutritionnelles en fonction de la qualité globale de la denrée ; en leur absence, des produits peuvent donc afficher « - 25 % de sel » ou « riches en fibres », tout en étant particulièrement défavorables sur d'autres aspects, sans que ces aspects ne soient portés à la connaissance de l'acheteur (d'autant que le Nutri-Score n'est que facultatif, cf. infra ).

Nous n'ignorons pas que certains nutriments indispensables au bon fonctionnement de l'organisme peuvent être apportés par des aliments au profil nutritionnel défavorable, et que conditionner l'emploi d'une allégation à un profil nutritionnel favorable risque d'encourager le consommateur à privilégier des produits très transformés où de tels nutriments auraient été ajoutés, au détriment de produits bruts ou de première transformation. C'est la raison pour laquelle, dans le sillage du rapport d'information 33 ( * ) de leur collègue M. Médevielle fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat en 2021, nous préconisons l'établissement rapide par la Commission européenne de ces profils nutritionnels afin de renforcer la protection du consommateur, tout en prévoyant un ensemble de dérogations (autorisées par le règlement 1924/2006) pour « tenir compte des recommandations scientifiques relatives à la consommation de certains nutriments 34 ( * ) ».

Recommandation n° 5 : élaborer rapidement les profils nutritionnels prévus par le règlement (CE) n° 1924/2006 permettant de conditionner l'emploi de certaines allégations nutritionnelles à la qualité globale de la denrée alimentaire.

b) Les allégations relatives aux produits cosmétiques

Le règlement (UE) n° 1223/2009 35 ( * ) relatif aux produits cosmétiques prévoit en son article 20 que les allégations « ne peuvent être utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques ou des fonctions qu'ils ne possèdent pas » et que la Commission adopte une liste de critères communs concernant les allégations pouvant être utilisées pour ces produits . C'est l'objet du règlement 36 ( * ) n° 655/2013, dont l'annexe énonce plusieurs critères visant à s'assurer de la véracité et de la sincérité des allégations utilisées. Il ne s'agit donc pas d'une « liste positive », mais plutôt d'un garde-fou contre les allégations exagérément fantaisistes et mensongères .

Peu d'interdictions sont édictées, si ce n'est les allégations indiquant que le produit a été autorisé ou approuvé par une autorité compétente dans l'Union, et les allégations qui laissent entendre qu'un produit procure un bénéfice particulier alors que, ce faisant, il satisfait simplement aux prescriptions minimales de la législation.

2. Une « jungle des labels » que le consommateur moyen est incapable de traverser

Il est désormais pertinent de s'interroger sur l'adéquation de cette profusion d'informations avec les attentes des consommateurs, et par conséquent l'efficacité réelle de ces diverses informations facultatives . Or l'intégralité des acteurs entendus déplorent la profusion de labels et de mentions valorisantes, qui rendent les étiquettes illisibles, et le fait qu'ils engendrent une grande confusion chez les consommateurs.

a) Des labels souvent peu compris

D'une part, il est acté que les consommateurs ignorent généralement si une information revêt un caractère obligatoire ou facultatif , sauf pour ceux qui sont les plus « militants » ou les plus motivés pour se renseigner sur les modalités d'attribution de ces informations (par exemple en fonction de soucis de santé, d'allergie, de convictions fortes, etc.). Tant les experts de la psychologie du consommateur que les associations de défense des consommateurs nous l'ont confirmé, d'autant que le consommateur est soumis à de fortes contraintes de temps lors de l'achat. Or, cette « confusion des genres » peut conduire dans certains cas à traiter toute information comme relevant du simple « marketing » du fabricant ou, au contraire, à crédibiliser exagérément toute mention valorisante.

Le résultat des groupes de discussion mis en place dans le cadre de l'étude CLCV/INRA mentionnée supra est instructif, et semble, du reste, pouvoir être étendu aux produits non-alimentaires : « les groupes de discussion ont mis en évidence une méfiance généralisée face aux informations délivrées sur les produits alimentaires, une crainte de l'arnaque et du mensonge, une suspicion envers plusieurs acteurs du système (fabricants, intermédiaires, distributeurs, voire pouvoirs publics). Dans notre enquête, les consommateurs ont accordé très peu de crédibilité aux informations délivrées par les industries agro-alimentaires ».

D'autre part, les consommateurs sont souvent ignorants de ce que recouvre tel ou tel label et, encore plus souvent, de ses critères d'évaluation ; ils n'ont soit pas accès au cahier des charges du label car il n'est pas rendu public (même les associations de consommateurs se voient opposer un refus de transmission dudit cahier par le fabricant), soit n'ont pas le temps ou la motivation pour approfondir le sujet. Ce constat est aggravé par le fait que le personnel en grande distribution n'est généralement pas formé à ces enjeux (sauf éventuellement dans les rayons à la découpe). Les représentants du secteur nous ont indiqué que le personnel en magasin avait souvent pour fonction principale le réassort des rayons et qu'à ce titre, il était impossible de leur confier ces nouvelles tâches. Nous demeurons pour autant convaincus que le commerce renouerait là avec sa fonction de conseils aux clients, d'autant que la capacité de conseiller le consommateur fait souvent partie des principaux axes mis en avant pour redynamiser le commerce physique face à la concurrence du commerce en ligne .

Or ces différents éléments contribuent à rendre particulièrement attractif, pour un producteur, le fait de communiquer via un label, compte tenu du faible risque qu'il court que la réalité de ses engagements soit dévoilée.

Des labels et mentions encore mal compris
par les consommateurs connaisseurs

Source : Kantar.

Par ailleurs, certains labels (même publics) sont tout simplement inconnus du grand public, faute d'une communication adéquate . La Commission nationale de la certification environnementale, en charge du label « Haute valeur environnementale » (HVE) a par exemple concédé en audition que le consommateur ne connaît pas ce label, seule la chaîne Grand Frais semblant le valoriser réellement (alors même que son cahier des charges est public et contrôlé). Selon une des associations de consommateurs entendue, les consommateurs peinent à pouvoir dire ce que recouvre réellement le label bio, une AOC ou une IGP.

Enfin, il arrive fréquemment qu'un produit présente sur son emballage à la fois des labels (supposés contrôlés) et des mentions valorisantes (qui relèvent de la liberté de communication du fabricant), ou à la fois un label public (AB, par exemple) et d'autres labels moins fiables .

Recommandation n° 11 : fiabiliser et crédibiliser les labels et renforcer leur compréhension par les consommateurs en :

- rendant obligatoirement publics les cahiers des charges d'un label privé ;

- adoptant une définition officielle, exigeante, de ce qu'est un label (cahier des charges accessible à tous, certification par un tiers indépendant 37 ( * ) , le cas échéant critères environnementaux portant sur l'ensemble du cycle de vie des produits, révision régulière des critères, contrôles fréquents). Éventuellement, réserver le terme « label » à ceux validés par les autorités publiques ;

- en formant davantage sur ces sujets le personnel de la grande distribution (à tout le moins sur les principaux SIQO et labels), dans une logique de « conseil » au client.

b) Des labels toujours plus nombreux

Les informations facultatives qui se situent le plus au coeur de ces débats sur la qualité de l'information apportée aux consommateurs sont sans conteste les labels privés et autres marquages , qui ne font l'objet que d'un très faible encadrement (il n'existe pas de définition officielle !) et dont la multiplication est impressionnante (à la différence, donc, du Label Rouge ou du label Bas-Carbone 38 ( * ) dont les modalités d'attribution sont fixées et/ou validées par les pouvoirs publics).

Sans qu'il soit possible de chiffrer le nombre exact de labels qui existent en France, tant la « jungle des labels » est vaste, il semble acquis que la majeure partie d'entre eux concernent l'environnement. Selon l'Ademe, il en existerait plus de 400 , participant de fait à entretenir une forme de confusion dans l'esprit des consommateurs.

En outre, l'attribution de labels est parfois prévue par la loi, sans pour autant que ces labels n'aient de lien avec les pouvoirs publics (c'est par exemple le cas des labels privés agricoles, hors SIQO, depuis la loi « Climat et résilience » 39 ( * ) . Lors de l'examen de ce projet de loi, le Sénat avait justement plaidé pour que ces labels bénéficient d'une forme de reconnaissance de l'État (en validant par exemple leurs cahiers des charges), mais le Gouvernement s'y était opposé, prenant donc le risque d'ajouter de la confusion à la confusion.

Les labels se multiplient donc dans tous les secteurs , poursuivant un objectif de différenciation de l'offre. Plusieurs exemples ont été avancés au cours de nos travaux. Par exemple :

• 85 % des références de charcuteries de porc présentes en libre-service en grandes surfaces porteraient le logo « Le Porc Français » ;

• les labels Energy Star et Blue Angel sont très utilisés dans le monde des équipements numériques ;

• un quart des références MDD d'Intermarché et de Netto sont porteuses de plusieurs logos et labels (incluant les labels « publics » comme les SIQO). Au total, la chaîne de distribution utilise environ 60 logos différents, comme « Bleu Blanc Coeur », « PEFC » (produits à base de bois), « Max Havelaar », les labels « Vegan », « Gluten free », etc. ;

• un tiers des adhérents de l'Union des industries du textile utilise un label, la moitié d'entre eux privilégiant Ecotec, l'autre moitié France Terre Textile ;

• certains produits ménagers affichent désormais le label « Sustainable Cleaning » (crée par l'association internationale de la savonnerie, de la détergence et des produits d'entretien) mis en place pour que les produits « respectent mieux l'environnement ».

Le terme de label recouvre plusieurs réalités

Selon le ministère de l'environnement, trois catégories principales de labels environnementaux se dégagent .

Premièrement, les labels auto-déclaratifs : les caractéristiques environnementales du bien ou service sont mises en avant par un producteur ou un distributeur, sous sa seule responsabilité.

Deuxièmement, les labels certifiés par un organisme tiers indépendant sur la base d'un cahier des charges . Certains de ces labels (mais pas tous) répondent aux exigences de la certification de produit prévue par les articles L. 433-3 et suivants du code de la consommation et sont contrôlés par un organisme certificateur.

Troisièmement, les labels conformes à la norme ISO 14 024 : ce sont des labels qualifiés « de type 1 » (comme l'EcoLabel), qui garantissent notamment que les critères portent sur l'ensemble du cycle de vie du produit, sur différents impacts environnementaux (changement climatique, eutrophisation, ressources naturelles non renouvelables...), que les cahiers des charges des labels sont révisés régulièrement, etc. Ces labels peuvent être publics ou privés.

c) Des labels aux exigences très hétérogènes

La principale difficulté que pose cette inflation de labels, et qui est à la racine du sentiment de confusion qu'elle engendre, réside dans la très grande hétérogénéité de ces labels :

• certains disposent d'un cahier des charges précis et ambitieux, d'autres se contentent de quelques aspects (plus ou moins concrets). Certains labels traitent des impacts environnementaux, d'autres de l'origine, d'autres encore de la rémunération du producteur.

• certains sont régulièrement contrôlés, d'autres non (sans que le consommateur ne soit informé du rythme de contrôle). Certains sont contrôlés « en interne », par le producteur à l'origine du label, tandis que d'autres sont contrôlés par un organisme extérieur ;

• certains cahiers des charges sont certifiés par un tiers indépendant, d'autres non . Certains labels s'engagent sur tout le cycle de vie du produit, d'autres sur certaines étapes seulement ;

• certains labels garantissent une logique de résultat, d'autres une logique de moyens (cf. infra , pour l'exemple des labels « commerce équitable » sur le cacao) ;

À ces labels s'ajoutent des marquages supplémentaires qui prennent davantage la forme d'un score : EcoScore, PlanetScore, Rémunérascore (avant une possible généralisation obligatoire dans les années à venir), etc.


* 32 L'article 4 du règlement prévoyait qu'elle le fasse d'ici le 19 janvier 2009.

* 33 Rapport d'information n° 346 (2020-2021) de M. Pierre MÉDEVIELLE, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 février 2021.

* 34 Résolution du Sénat du 8 mars 2021, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.

* 35 Règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.

* 36 Règlement (UE) n° 655/2013 de la Commission du 10 juillet 2013 établissant les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre pour pouvoir être utilisées.

* 37 À noter la définition ambitieuse que la Commission européenne entend donner à la certification dans la proposition de directive modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d'agir en faveur de la transition écologique : « un système de vérification par un tiers, ouvert, à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires, à tous les professionnels désireux et en mesure de se conformer aux exigences du système, qui certifie qu'un produit est conforme à certaines exigences et pour lequel le contrôle de la conformité est objectif, fondé sur des normes et procédures internationales, européennes ou nationales, et effectué par une partie indépendante tant du propriétaire du système que du professionnel ».

* 38 Décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018 créant un label « Bas-carbone ». À noter toutefois que ce label récompense des projets permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et non pas des produits en tant que tels.

* 39 Art. L. 640-2-1 du code rural et de la pêche maritime : « Les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés peuvent, dans le respect de la réglementation de l'Union européenne et sans préjudice de l'application de l'article L. 640-2, bénéficier de labels privés. Ces labels privés, issus d'une démarche collective, sont encadrés par un cahier des charges précis, qui garantit notamment une qualité particulière, des conditions de production respectueuses de l'environnement ou la juste rémunération du producteur agricole, distinguant ces produits des produits similaires habituellement commercialisés. La mise en oeuvre de ce cahier des charges et la conformité des produits qui bénéficient du label à ce même cahier des charges font l'objet d'un contrôle régulier ».

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