B. PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES STATUTS

La République française compte 12 territoires ultramarins : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.

L'article 72-3 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 et modifié par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, précise le régime juridique applicable aux outre-mer français.

Cinq d'entre eux sont régis par l'article 73 de la Constitution : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte. Cette catégorie, composée des départements et régions d'outre-mer (DROM) et de collectivités uniques, regroupe les outre-mer dans lesquels l'organisation administrative, la répartition des compétences et le droit applicable sont identiques ou proches de ceux en vigueur dans l'Hexagone.

Ces collectivités sont toutes soumises au principe d'identité législative (les lois et règlements français y sont applicables dans les mêmes conditions que dans l'Hexagone, sauf si la loi ou le règlement en dispose autrement). Des adaptations sont en effet possibles par la loi pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires. Par ailleurs, le troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution permet de déléguer un pouvoir normatif, à la demande de ces collectivités, sur habilitation législative ou réglementaire 1 ( * ) , sauf dans les matières dites régaliennes.

Cinq collectivités sont régies par l'article 74 de la Constitution : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Ces territoires, désormais dénommés « collectivités d'outre-mer », bénéficient de statuts ad hoc définis par des lois organiques 2 ( * ) .

Avec une graduation importante selon les territoires, l'organisation administrative, la répartition des compétences et le droit applicable tendent à se différencier fortement du droit commun applicable dans l'Hexagone. Toutes ces collectivités ont pour dénominateur commun de détenir un pouvoir normatif propre dans un nombre plus ou moins étendu de domaines relevant de la loi ou du règlement.

L'appartenance à l'article 73 ou à l'article 74 n'est pas figée. L'article 72-4 de la Constitution précise les modalités selon lesquelles un changement de régime peut intervenir (consultation préalable des populations intéressées, loi organique). Ainsi, à la suite de l'adoption de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007, Saint-Barthélemy et Saint-Martin qui étaient deux communes du DROM de la Guadeloupe sont devenues deux collectivités d'outre-mer le 15 juillet 2007. Inversement, Mayotte qui était une collectivité d'outre-mer depuis 2003, est devenue un département à la suite des lois organiques n° 2009-969 du 3 août 2009 et n° 2010-1486 du 7 décembre 2010.

La Nouvelle-Calédonie est régie par un titre dédié, le titre XIII de la Constitution. Ces dispositions constitutionnelles transitoires découlent directement de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998. Une loi organique décline cet accord dont l'objet est notamment de prévoir les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté. Ce titre constitutionnalise également le corps électoral spécial appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des trois provinces qui la composent. Un statut civil coutumier est également reconnu.

Enfin, l'article 72-3 de la Constitution précise que « la loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton » 3 ( * ) .

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont placées sous l'autorité d'un représentant de l'État qui a le titre d'administrateur supérieur des TAAF. Elles sont composées de : l'île Saint-Paul, l'île Amsterdam, l'archipel Crozet, l'archipel Kerguelen, la terre Adélie et les îles Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan da Nova et Tromelin. Ces territoires ne comptent pas d'habitants permanents.

1. Guadeloupe

Statut

Département et région d'outre-mer (article 73 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE)

Compétences normatives

Régime de l'identité législative : lois et règlements nationaux applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations.

Possibilité d'habilitations à fixer ses propres règles dans certains domaines de la loi ou du règlement (exemple : loi du 27 mai 2009 : disposition législative d'habilitation en matière de politique énergétique)

Collectivités

Communes (32), EPCI (6), Département, Région

Focus : Le Congrès des élus départementaux et régionaux et des maires

Créé par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer, le Congrès des élus départementaux et régionaux et des maires de la Guadeloupe 4 ( * ) délibère de toute proposition d'évolution institutionnelle, et de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences.

En décembre 2019, le XVI ème Congrès a adopté une résolution prévoyant notamment « de demander au Gouvernement de réviser la Constitution afin de doter la Guadeloupe d'une loi organique pour tenir compte de sa situation spécifique et singulière ». À défaut d'une telle révision, il souhaitait que l'État permette à la Guadeloupe de fixer des normes à l'échelon local.

Il faut rappeler qu'en 2003, le projet de création d'une collectivité territoriale unique se substituant au département et à la région, demeurant régie par l'article 73 de la Constitution avait été rejeté par le referendum (72,98 % de « non »).

Sur la base d'un accord politique annoncé en mai 2021, le département et la région ont approuvé un contrat de gouvernance concertée, comprenant notamment la création de dix commissions mixtes Région/Département. Ce document engage à travailler conjointement sur les politiques publiques guadeloupéennes, afin de « rendre l'action publique plus cohérente, plus efficace et plus lisible » 5 ( * ) .

2. Guyane

Statut

Collectivité territoriale unique (article 73 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE)

Compétences normatives

Régime de l'identité législative : lois et règlements nationaux applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations

Possibilité d'habilitations à fixer ses propres règles dans certains domaines de la loi ou du règlement (pas d'habilitation demandée à ce jour)

Collectivités

Communes (22), EPCI (4), Collectivité territoriale

Focus : La collectivité territoriale de Guyane : vers un statut sui generis

Comme le permet l'article 73 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2003, la collectivité territoriale unique de Guyane (CTG) s'est substituée au département et à la région le 1 er janvier 2016. Elle est issue de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique à la suite du référendum populaire du 24 janvier 2010 (57,49 % de « oui » à la fusion du département et de la région). Ce référendum intervenait après celui du 10 janvier 2010 qui a vu la proposition d'une transformation de la Guyane en collectivité régie par l'article 74 de la Constitution rejetée à 70,22 %.

Plusieurs adaptations ou particularités législatives importantes peuvent déjà être notées. Ainsi, la loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905 n'a jamais été étendue à la Guyane. De même, il existe une reconnaissance juridique des populations autochtones avec la création d'un Grand conseil coutumier (GCC) des populations amérindiennes et bushinenges, placé auprès du représentant de l'État.

En juin 2020 6 ( * ) , le président de la collectivité, Rodolphe Alexandre, déclarait que, « dans les cinq prochaines années, la Guyane devra disposer d'un nouveau statut », qui serait sui generis .

Le 26 mars 2022, le congrès des élus de Guyane, qui réunit parlementaires, conseillers de l'Assemblée de Guyane et maires, a voté à l'unanimité en faveur « du processus pour une évolution institutionnelle menant vers une autonomie du territoire » et pour une consultation populaire. Un projet « adapté aux réalités guyanaises » doit être soumis au Président de la République par les élus avant la fin de 2022.

3. La Réunion

Statut

Département et région d'outre-mer (article 73 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE)

Compétences normatives

Lois et règlements nationaux applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations

Statut d'« identité législative renforcée » : impossibilité de recourir à la procédure d'habilitation législative (alinéa 5 de l'article 73 de la Constitution

Collectivités

Communes (24), EPCI (5), Département, Région

Focus : L'amendement Virapoullé

Le cinquième alinéa de l'article 73 de la Constitution, introduit par l'amendement dit « Virapoullé » lors de l'examen au Sénat de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, écarte spécifiquement pour La Réunion l'application des alinéas 3 et 4 du même article qui permet aux autres collectivités relevant de l'article 73 d'être habilitées à fixer elles-mêmes les règles applicables dans le domaine de la loi ou du règlement.

L'objet de l'amendement 85 rectifié bis dit « Virapoullé », et signé par les sénateurs Jean-Paul Virapoullé, Anne-Marie Payet et Jean-Jacques Hyest, indiquait que ce mécanisme d'habilitation à adopter des normes localement reviendrait « en réalité [à] un principe de spécialité législative, comme cela est le cas pour les collectivités d'outre-mer mentionnées à l'article 74 de la Constitution ». Cette disposition marque juridiquement, mais surtout politiquement, l'attachement renforcé de La Réunion au principe d'identité législative et exprime les craintes face à des volontés autonomistes.

Il faut aussi noter qu'à La Réunion, la loi ne permet pas la convocation d'un congrès des élus, qui est l'instance dédiée en Guadeloupe, Guyane et Martinique pour débattre des questions statutaires et institutionnelles.

Le rapport de Michel Magras précité de 2020 souligne que cette méfiance subsiste. Toutefois, ce même rapport pointe la question de l'application des compétences, les élus appelant en priorité à une simplification législative et administrative. Aussi, l'ancien président de la région, Didier Robert, dans une contribution écrite du 5 juin 2020, a demandé « le droit d'expérimenter des solutions locales à des problématiques locales et d'adapter les normes législatives et réglementaires aux réalités particulières de nos territoires ultramarins ». La suppression de l'amendement « Virapoullé » est de plus en plus souvent évoquée.

Enfin, Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion, a cosigné l'appel de Fort-de-France le 17 mai 2022.

4. Martinique

Statut

Collectivité territoriale unique (article 73 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE)

Compétences normatives

Régime de l'identité législative : lois et règlements nationaux applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations

Possibilité d'habilitations à fixer ses propres règles dans certains domaines de la loi ou du règlement (exemple : en 2013, habilitation à fixer des règles spécifiques en matière de transports intérieurs)

Collectivités

Communes (34), EPCI (3), Collectivité territoriale

Focus : L'expérimentation de la collectivité unique

Comme le permet l'article 73 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2003, la collectivité territoriale unique de Martinique (CTM) s'est substituée au département et à la région le 1 er janvier 2016. Elle est issue de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique à la suite du référendum populaire du 24 janvier 2010 (68,30 % de « oui » à la fusion du département et de la région). Ce référendum intervenait après celui du 10 janvier 2010 qui a vu la proposition d'une transformation de la Martinique en collectivité régie par l'article 74 de la Constitution rejetée à 79,31 %.

L'Assemblée de Martinique a une fonction délibérante, et élit parmi ses membres le conseil exécutif de la Martinique.

Le congrès des élus de Martinique, qui rassemble les élus territoriaux, les parlementaires et les maires, s'est réuni le 12 juillet 2022 à Fort-de-France sous la présidence de Lucien Saliber, président de l'Assemblée de Martinique, pour discuter des évolutions possibles en matière institutionnelle.

Le président du conseil exécutif Serge Letchimy, qui est à l'initiative de l'appel de Fort-de-France du 17 mai 2022, a déclaré à l'occasion de ce congrès que la Constitution française « doit offrir, à chacun de nos pays, bien plus que le choix sommaire et binaire entre l'article 73 et l'article 74 ».

À ce titre, une commission spéciale a été installée à la suite du congrès, qui prévoit notamment en novembre 2022 l'organisation d'un « débat des propositions d'évolutions institutionnelles transmises au Gouvernement pour permettre à la Martinique de répondre aux défis posés ».

5. Mayotte

Statut

Collectivité territoriale unique (article 73 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE) depuis le 1 er janvier 2014

Compétences normatives

Régime de l'identité législative : lois et règlements nationaux applicables de plein droit, sous réserve d'adaptations (pour les textes postérieurs

Possibilité d'habilitations à fixer ses propres règles dans certains domaines de la loi ou du règlement

Collectivités

Communes (17), EPCI (5), Département de Mayotte

Focus : Un statut départemental encore en cours de construction

Consultés par referendum le 29 mars 2009, sur la base de l'article 72-4 de la Constitution, les électeurs de Mayotte ont approuvé massivement 7 ( * ) le projet de transformation de la collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution en département relevant de l'article 73. Le 31 mars 2011, elle est ainsi devenue le 101 ème département français et le 5 ème département d'outre-mer relevant de l'article 73 de la Constitution. Le département exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer, sous réserve de quelques exceptions (en particulier la construction des collèges et lycées et la gestion des routes nationales).

Le principe d'identité législative est applicable aux textes postérieurs au 1 er janvier 2008 (avant la départementalisation), sauf dans les matières suivantes : fiscalité, propriété immobilière, cadastre, expropriation, urbanisme, construction, habitation et logement, protection et actions sociales, droit du travail et syndical, de l'emploi et de la formation professionnelle, entrée et séjour des étrangers.

Des adaptations importantes doivent aussi être notées en matière de minima sociaux, de droit de la nationalité ou d'entrée et de séjour des étrangers. Par ailleurs, un statut civil de droit local subsiste, inspiré du droit musulman et des coutumes.

Cette départementalisation inachevée ou progressive nourrit de nombreuses interrogations, voire déceptions au sein de la population et des responsables politiques mahorais. Cette situation explique notamment le rejet à l'unanimité des membres du conseil départemental, le 14 janvier 2022, de l'avant-projet de loi relatif au développement accéléré de Mayotte avant sa présentation en conseil des ministres. Le conseil départemental reprochait un manque d'ambitions du texte et une co-construction insuffisante avec les acteurs locaux.

6. Nouvelle-Calédonie

Statut

Collectivité sui generis (titre XIII de la Constitution)

Statut européen

Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) (annexe II du TUE et du TFUE)

Compétences normatives

Lois et règlements nationaux applicables seulement sur mention expresse et dans les seuls domaines de compétence de l'État

Transfert de compétences de l'État irréversible, sauf dans les domaines de la défense, de la sécurité, de la monnaie, de la justice (Accord de Nouméa du 5 mai 1998)

Initiative conjointe des lois du pays du Congrès et du gouvernement de Nouvelle-Calédonie

Collectivités

Communes (33), Provinces (Nord, Sud, Îles Loyauté)

Focus : Une révision constitutionnelle à venir

La Nouvelle-Calédonie est dotée d'un Congrès, qui est l'assemblée délibérante, chargé de voter des lois du pays, ainsi que d'un Gouvernement. Elle dispose aussi d'institutions coutumières : un Sénat coutumier compétent sur le statut et les coutumes canaques, et des conseils coutumiers dans chaque aire coutumière. Elle est également dotée d'un conseil économique, social et environnemental. Les lois du pays ont valeur législative et sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel. Les trois provinces ont également un pouvoir normatif dans certaines matières, notamment le code de l'environnement.

Le 3 ème referendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie a été organisé le 12 décembre 2021. Le "non" l'a emporté avec 96,50 % des voix. La participation a été de 43,87 %, du fait du boycott du scrutin par les indépendantistes kanaks du FLNKS. Ils ont annoncé qu'ils ne reconnaissaient pas ce résultat.

Ce referendum est le dernier acte du processus ouvert par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, qui met en place un processus d'émancipation inédit, d'une part, à travers des transferts de compétences et l'attribution d'un pouvoir législatif et, d'autre part, avec un processus d'autodétermination stricto sensu. Se pose désormais la question de l'après, l'accord de Nouméa ayant un caractère transitoire mais sans terme précis. Une révision constitutionnelle paraît donc inévitable, à la fois sur la question du statut et celle du corps électoral spécial.

En juin 2022, la commission des lois du Sénat a diligenté une mission d'information sur « l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Le 26 juin 2022, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé sur Twitter que l'État allait rouvrir le dialogue « avec l'ensemble des partenaires dans les prochaines semaines » sur l'avenir de la collectivité.

7. Polynésie française

Statut

Collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution)

Loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (modifiée à sept reprises)

Statut européen

Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) (annexe II du TUE et du TFUE)

Compétences normatives

Grande autonomie : compétence de principe attribuée à la Polynésie, compétences particulières en relations internationales, et compétences d'attribution pour l'État

Collectivités

Communes (48) Archipels/subdivisions (5), Collectivité

Focus : Les lois du pays

Le régime des lois du pays pour la Polynésie est différent de celui de la Nouvelle Calédonie. L'article 139 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie dispose que l'assemblée de la Polynésie adopte des actes dénommés « lois du pays » et « des délibérations » qui ont le statut d'actes administratifs.

Les lois du pays peuvent intervenir dans un nombre étendu de matières législatives (17). Elles peuvent déroger à deux principes généraux du droit : la non-rétroactivité des actes administratifs (applicabilité aux contrats en cours) et l'égal accès à l'emploi.

Le Conseil d'État est seul compétent pour connaître du contentieux des lois du pays (soit directement dans un délai d'un mois suivant la publication à titre d'information de la loi du pays au Journal officiel de la Polynésie française, soit par voie d'exception à l'expiration de ce délai, c'est-à-dire à l'occasion d'un litige).

En 2000, un projet de révision - finalement abandonné -, prévoyait un nouveau titre XIV dans la Constitution renvoyant à une loi organique pour permettre à l'assemblée délibérante d'adopter, sur le modèle calédonien, des lois de pays ayant valeur législative soumises avant publication au Conseil constitutionnel. Elle reconnaissait aussi une « citoyenneté polynésienne ».

Lors de son audition en 2020 à l'occasion du rapport de Michel Magras sur la différenciation 8 ( * ) , Édouard Fritch, président du gouvernement de la Polynésie française, a globalement exprimé sa satisfaction sur le statut tout en relevant la nécessité d'élargir le champ d'action en matière de relations extérieures.

8. Saint-Barthélemy

Statut

Collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution)

Loi organique du 21 février 2007

Statut européen

Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) (annexe II du TUE et du TFUE) depuis le 1 er janvier 2012

Compétences normatives

Lois et règlements applicables de plein droit sous réserve d'adaptations, sauf en matière de droit des étrangers et dans les domaines de compétences transférés

Collectivités

Une collectivité unique

Focus : Vers un statut proche de celui de la Polynésie ?

Dans une contribution écrite dans le cadre du rapport du Sénat sur la différenciation territoriale outre-mer (2019-2020), le président du conseil territorial Bruno Magras s'est dit en faveur d'un élargissement des compétences sur le modèle de la Polynésie. Cet élargissement doit être permis, selon lui, par une révision de la Constitution qui faciliterait les transferts de compétences aux COM, laissant à chacune la possibilité de les solliciter à son rythme, selon des procédures souples.

Par ailleurs, le contenu associé à la notion d'autonomie de l'article 74 de la Constitution mériterait d'être étoffé.

L'île de Saint-Barthélemy est devenue un pays et territoire d'outre-mer le 1 er janvier 2012. Elle a toutefois conservé l'Euro comme monnaie. En contrepartie, l'accord européen prévoit que le droit communautaire primaire et dérivé dans les domaines monétaires, financiers et bancaires est applicable à Saint-Barthélemy.

9. Saint-Martin

Statut

Collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution)

Statut européen

Région ultrapériphérique (article 349 du TFUE)

Compétences normatives

Lois et règlements applicables de plein droit, sauf dans les domaines prévus par la loi organique (comme la fiscalité, les transports routiers et maritimes)

Collectivités

Une collectivité unique

Focus : Une délimitation des compétences confuse, et une relation avec la partie néerlandaise à rééquilibrer

La particularité de l'île de Saint-Martin est la coexistence sur l'île d'une collectivité française et d'un pays constitutif du royaume des Pays-Bas, Sint Maarten, depuis la ratification du traité de Concordia le 23 mars 1648. Il n'existe pas de frontières physiques entre ces deux parties. Sint-Maarten est un pays et territoire d'outre-mer au regard de l'Union européenne, alors que la partie française est une région ultrapériphérique. Cette situation pose des difficultés importantes (coexistence de deux législations fiscales, sociales, commerciales sur un territoire très restreint sans frontières). Le rapport du préfet Philippe Gustin (2017) 9 ( * ) incite à rééquilibrer les relations entre les parties française et néerlandaise de Saint-Martin en renforçant la coopération bilatérale, par exemple via la relance du forum de dialogue dit « Q4 » qui regroupe les gouvernements français et néerlandais, la collectivité de Saint-Martin et le gouvernement de Sint Maarten.

En octobre 2020, la Première ministre de Sint Maarten et l'ancien président du Conseil territorial de Saint-Martin, Daniel Gibbs, ont marqué leur volonté d'accélérer les démarches pour la création du United Congress, qui serait un organe institutionnel conjoint.

Lors d'une audition sénatoriale en juin 2020 10 ( * ) , Daniel Gibbs avait regretté l'insatisfaisante délimitation de la répartition des compétences entre l'État et la collectivité : le transfert de la compétence en matière d'urbanisme, sans celui des compétences environnementales, a posé d'importantes difficultés dans la rédaction du plan de prévention des risques naturels (PPRN). Par ailleurs, il souhaitait une recentralisation des compétences dans le domaine de l'énergie, la collectivité ne disposant pas de l'expertise nécessaire en la matière.

Enfin, Louis Mussington, président du conseil territorial, a cosigné l'appel de Fort-de-France le 17 mai 2022.

10. Saint-Pierre-et-Miquelon

Statut

Collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution)

Statut européen

Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) (annexe II du TUE et du TFUE)

Compétences normatives

Régime de l'identité législative sous réserve d'adaptations et sauf dans les domaines de compétences de la collectivité : les lois de la République s'appliquent directement, sauf en matière douanière, fiscale et urbanistique (compétence du président du conseil territorial)

Collectivités

Communes (2)

Focus : Un statut à conserver

Le Conseil territorial exerce les fonctions du conseil départemental et du conseil régional. La collectivité comprend également un conseil économique, social et culturel.

Lors d'une audition sénatoriale en juin 2020 11 ( * ) , le président du conseil territorial Stéphane Lenormand n'a pas exprimé de volonté de modifier le statut ou les compétences de la collectivité. L'objectif est plutôt de parfaire la pratique du statut et d'apporter des aménagements à la marge. Il souhaiterait notamment que l'exécutif local puisse saisir le juge administratif pour avis, possibilité réservée aujourd'hui au représentant de l'État.

11. Wallis-et-Futuna

Statut

Collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution)

Statut européen

Pays et territoire d'outre-mer (PTOM)

Compétences normatives

Régime de spécialité législative : lois et règlements nationaux applicables seulement sur mention expresse

Exécutif assuré par l'État

L'assemblée territoriale délibère sur une quarantaine de domaines, conformément au décret du 22 juillet 1957

Collectivités

3 Royaumes/5 circonscriptions territoriales

Focus : Le statut le plus atypique de la République

Le statut de 1961 toujours en vigueur a transformé le protectorat de Wallis-et-Futuna en territoire d'outre-mer devenu collectivité relevant de l'article 74 de la Constitution. Spécificité institutionnelle, elle a conservé trois royaumes évoluant dans la République. Il faut noter que contrairement aux autres collectivités de l'article 74, Wallis-et-Futuna n'a pas fait l'objet d'une loi organique statutaire à la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

L'Assemblée territoriale est l'organe délibérant mais elle dispose d'attributions limitées. L'exécutif est assuré par le représentant de l'État qui est à la fois administrateur et chef du territoire. Il a un droit de veto sur les lois votées par l'Assemblée de Wallis-et-Futuna, sauf en ce qui concerne le foncier et les programmes de développement. L'autorité coutumière est associée à la gestion des affaires du territoire.

À l'occasion du soixantième anniversaire du statut de Wallis-et-Futuna le 29 juillet 2021, le Président de la République s'est dit prêt à une évolution du statut de la collectivité, qui, selon lui,  « gagnerait sans doute, à s'enraciner davantage dans la République ».

Lors d'une audition en juin 2020 12 ( * ) , le président de l'assemblée territoriale Atoloto Kolokilagi avait exprimé le souhait d'un transfert de l'exécutif à une entité locale élue, tout en soulignant que toute révision devrait associer les chefferies locales, et sollicité l'appui du Sénat pour la définition de son nouveau statut.


* 1 Sauf à La Réunion.

* 2 À l'exception de Wallis-et-Futuna dont le statut est toujours défini par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961.

* 3 Loi n° 55-1062 du 6 août 1955 portant statut des TAAF et de l'île de La Passion-Clipperton. Il existe en effet un « treizième » outre-mer : l'île de Clipperton, également désignée par l'appellation « La Passion-Clipperton ». Elle est placée sous l'autorité directe du Gouvernement, le ministre de l'outre-mer étant chargé de son administration. C'est un atoll inhabité situé dans l'océan Pacifique à 1 000 km au large des côtes du Mexique.

* 4 Ce n'est que depuis l'adoption de la loi dite « 3DS » du 21 février 2022, et à l'initiative d'un amendement sénatorial, que le Congrès de la Guadeloupe associe les maires avec voix délibérative. Auparavant, seuls les élus départementaux et régionaux et les parlementaires siégeaient.

* 5 https://www.cg971.fr/votre-collectivite/le-contrat-de-gouvernance-concertee/ (site du conseil départemental de la Guadeloupe)

* 6 Michel Magras, « Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? », n° 713, Sénat, 21 septembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-713/r19-713.html

* 7 Le « oui » l'emporte avec 95,24% des votants.

* 8 Michel Magras, « Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? », n°713, Sénat, 21 septembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-713/r19-713.html

* 9 Philippe Gustin, Rapport remis au Gouvernement « Repenser les Iles du Nord pour une reconstruction durable », 9 novembre 2017.

* 10 Michel Magras, « Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? », n° 713, Sénat, 21 septembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-713/r19-713.html

* 11 Michel Magras, « Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? », n° 713, Sénat, 21 septembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-713/r19-713.html

* 12 Michel Magras, « Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? », n° 713, Sénat, 21 septembre 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-713/r19-713.html

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