LISTE DES RECOMMANDATIONS
ET TABLEAU DE MISE EN oeUVRE

de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

AU NIVEAU INTERNATIONAL

1

Encadrer, au niveau mondial, le montant des opérations d'achat/vente de produits alimentaires (céréales, huiles, etc.), ainsi que leur nombre, pouvant être réalisées quotidiennement par les acteurs financiers.

États

2022-2023

Décision internationale

2

Contraindre les plus gros acheteurs de matières premières alimentaires et industrielles à être transparents sur le niveau des stocks qu'ils détiennent.

États

2022-2023

Décision internationale

AU NIVEAU LÉGISLATIF

3

Étendre à de nouvelles filières alimentaires la possibilité de demander au ministre d'exclure leurs produits du mécanisme de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte, sans que l'unanimité au sein de l'interprofession ne soit requise.

Transmettre au plus vite au Parlement le bilan de l'expérimentation du SRP+ 10.

État, Parlement

2022-2023

Véhicule législatif

4

Encadrer les seuils de déclenchement des clauses de révision automatique des prix (périodicité, plafond d'évolution du prix des matières premières, type de matières premières concernées).

État, Parlement

2022-2023

Véhicule législatif

5

Prévoir, dans le cas de l'option n° 3, que l'envoi des conditions générales de vente par le fournisseur soit accompagné d'une certification par le tiers de confiance, lorsque ces CGV font état d'une hausse du tarif liée à l'évolution du prix des MPA entrant dans la composition du produit. La certification permettrait d'attester que tel pourcentage de la hausse de tarif demandée est bien le reflet fidèle de la hausse du cours des MPA.

État, Parlement

2022-2023

Véhicule législatif

6

Établir par les services des ministères de l'agriculture et de l'économie un tableau de suivi de l'avancée des négociations et renégociations commerciales, transmis aux organes compétents du Parlement.

État

2022-2023

Décision du Gouvernement

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 19 juillet 2022, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier « Inflation tirée par les matières premières et règlementation des relations commerciales inadaptée ».

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons aujourd'hui le rapport du groupe de suivi de la loi Egalim relatif à l'inflation et à l'évaluation de la loi Egalim 2.

Vous le savez, il est du ressort du Parlement de contrôler l'application des lois que nous adoptons et d'en évaluer l'efficacité. Ce faisant, nous entrons parfaitement dans les prérogatives que nous confère l'article 24 de la Constitution, à savoir voter les lois et contrôler l'action du Gouvernement.

Ce rapport s'inscrit en outre dans une période un peu particulière, marquée notamment par plusieurs sorties médiatiques, qui ont rendu d'autant plus nécessaire la réalisation d'un bilan des négociations commerciales. Les auteurs de ces récentes prises de parole ont notamment insisté sur le fait que, dans la moitié des cas, les hausses de prix demandées par les industriels aux distributeurs seraient « suspectes » - je reprends les mots employés.

Il nous a donc semblé utile, à la suite de la demande d'une « mission flash » par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE), et de celle d'une commission d'enquête par notre collègue Françoise Férat, de nous pencher sur ce sujet et d'analyser les origines de l'inflation, afin de démêler le vrai du faux d'un débat qui intéresse au premier chef nos concitoyens. Je remercie le groupe de suivi de la loi Egalim, qui avait entamé ses auditions sur le bilan de la loi Egalim 2, d'avoir bien voulu prendre également en compte ces enjeux, et je cède sans plus tarder la parole à son président, Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le groupe de suivi de la loi Egalim a souhaité établir un premier bilan d'évaluation de l'application de la loi Egalim 2. Nous nous sommes également attachés, à la demande du groupe CRCE et en réaction aux prises de parole de Michel-Edouard Leclerc dans les médias, à vérifier si, oui ou non, la moitié des augmentations de tarifs demandées par les industriels aux distributeurs étaient suspectes.

Je tiens d'emblée à souligner les limites inhérentes aux travaux d'un groupe de suivi, comme le fait par exemple de ne pas pouvoir vérifier sur un plan comptable, produit par produit et entreprise par entreprise, un éventuel gonflement artificiel des tarifs demandés. Cela étant, nous avons interrogé l'ensemble des acteurs sur ce sujet, non seulement les industriels et les distributeurs, mais également les syndicats agricoles et les pouvoirs publics, comme le médiateur des relations commerciales, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le cabinet du ministre de l'agriculture. Cela nous a permis d'obtenir un bon aperçu de la situation.

Comme nous le savons désormais, en juin 2022, l'inflation s'est établie à 5,8 % sur un an en France. Son niveau s'explique principalement par l'envolée des prix de l'énergie, qui constitue la première cause d'amputation du pouvoir d'achat des Français, mais il résulte aussi de l'augmentation des prix des produits alimentaires, qui atteignait, elle aussi, environ 5,8 % le mois dernier. Il suffit de faire ses courses pour le constater. Sans prétendre à l'exhaustivité, voici quelques exemples marquants : hausse de 18 % des prix pour le poisson frais, de 12 % pour les volailles, ou encore de 7 % pour les légumes frais. S'agissant des produits non alimentaires, prenons l'exemple des chaussures dont le prix a augmenté de 5 % !

Les origines de cette inflation sont désormais bien connues : elles sont le reflet des hausses de tarifs demandées par les industriels, qui sont elles-mêmes le fruit d'une envolée inédite et spectaculaire du cours des matières premières agricoles et industrielles. Rappelons-le, ce phénomène ne date pas de 2022, puisqu'il avait commencé dès l'an dernier.

Cette envolée est déterminée par trois facteurs principaux : premièrement, la reprise économique vigoureuse de 2021, qui a entraîné une forte hausse de la demande, alors même que l'offre mondiale était encore trop désorganisée pour y répondre ; deuxièmement, les aléas climatiques extrêmes, comme le dôme de chaleur au Canada, le gel tardif en France, ou la sécheresse sur le pourtour méditerranéen ; troisièmement, la guerre en Ukraine qui a accéléré l'inflation plus qu'elle ne l'a créée. Le conflit a notamment eu des conséquences considérables sur les prix de l'énergie et des céréales.

Bien sûr, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme les importations massives de la Chine, la décision de l'Indonésie de réduire les exportations d'huile de palme, ou la décision de l'Inde de réduire ses ventes de blé.

Il faut bien garder à l'esprit que tous ces phénomènes se cumulent et qu'ils provoquent, en plus de leurs effets directs sur l'offre, un effet de panique : les entreprises et les États craignent une pénurie dont ils seraient plus victimes que leurs concurrents ou voisins et, de ce fait, constituent des stocks, ce qui contribue à l'inflation des cours.

Sans entrer dans le détail, voici quelques chiffres qui me semblent importants à retenir : le prix du gaz était 5,5 fois plus élevé au premier trimestre 2022 qu'en 2021 ; les prix des matières premières alimentaires importées sont en hausse de 41 % en mai 2022 ; ceux des céréales ont augmenté de 75 % et ceux des oléagineux de 96 % ; le prix du carton a flambé et progressé de 59 %, quand celui du verre s'est accru de 45 %, sans parler du coût du fret aérien et maritime, qui lui aussi s'est envolé. Nous avons tous en tête l'exemple des conteneurs dont la location coûte désormais 15 000 euros contre 2 500 euros un an plus tôt.

Bien entendu, il est probable que certains comportements sur les marchés financiers relèvent de la simple spéculation : comme sur tout marché, certains acheteurs ne se procurent de telles matières premières que pour les revendre à un tarif plus élevé ultérieurement, anticipant une hausse des cours en raison du contexte actuel de reprise économique et de tensions géopolitiques et climatiques. Si ces pratiques sont légales, elles posent incontestablement un problème moral lorsque ce sont les matières alimentaires qui font l'objet d'une telle spéculation. Pour réguler ces pratiques, il faut nécessairement une action coordonnée au niveau international, que ce soit au sein du G7, du G20, de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou de l'ONU, compte tenu de la mondialisation des échanges financiers.

L'une des pistes qui pourrait être envisagée, mais que nous n'avons pas pu expertiser, consisterait à rendre plus transparent le niveau des stocks de matières premières détenus par les acteurs privés, de telle sorte que le risque d'une pénurie soit correctement évalué, et plus seulement supputé.

Cela étant, l'importance du phénomène spéculatif et de la panique dans la hausse des cours ne doit pas être exagérée. Il y a de réelles causes économiques sous-jacentes, concrètes, qui expliquent l'envolée du prix des matières premières, et donc les demandes des industriels. Nous l'avons vu il y a quelques instants avec les exemples que j'ai donnés. En définitive, la spéculation ne semble expliquer qu'à la marge les phénomènes que nous constatons. L'inflation résulte bien davantage d'une demande supérieure à l'offre, des catastrophes climatiques et des tensions géopolitiques.

Je précise qu'en France la guerre en Ukraine explique pour moins d'un tiers la hausse globale des prix. C'est bien la preuve que ce phénomène préexistait au conflit. Notre commission s'alarmait d'ailleurs de cette inflation dès septembre 2021.

J'en viens maintenant aux hausses de prix qui seraient injustifiées ou « suspectes », pour reprendre l'expression employée dans les médias il y a quelques jours.

Le résultat de nos travaux est le suivant : il n'y a pas de phénomène massif de hausses injustifiées des tarifs des industriels en France. Il existe bien sûr des exceptions et, dans certains cas, il est probable que les fournisseurs ont tenté de gonfler le tarif demandé aux distributeurs. Je rappelle au passage que les industriels ont été soumis à neuf années de déflation.

Les acteurs que nous avons entendus se répartissent en deux catégories : il y a, d'une part, ceux qui considèrent clairement qu'il n'y a pas de phénomène généralisé de hausses de prix injustifiées en France. On y trouve bien entendu les industriels, mais aussi les pouvoirs publics ; il y a, d'autre part, les acteurs de la grande distribution, dont certains ont précisé que, finalement, certaines hausses seraient non pas suspectes, c'est-à-dire « mensongères » ou injustifiées, mais peu transparentes, insuffisamment justifiées par les industriels.

C'est une chose que les industriels n'aient pas fait preuve d'une transparence totale vis-à-vis des distributeurs, qui sont par ailleurs leurs concurrents en ce qui concerne les MDD (marques de distributeurs), c'en est une autre de subir une hausse de 10 % de ses coûts et d'en profiter pour demander 20 % de hausse des prix. Dans ce cas, effectivement, il y aurait matière à s'interroger sur le rôle joué par les fournisseurs dans l'augmentation des prix.

Considérant qu'ils ne disposaient pas de toutes les pièces justificatives leur permettant de vérifier si la hausse demandée était justifiée, les distributeurs, qui connaissent tout de même très bien la composition des produits et la situation des marchés, ont analysé ces hausses de tarifs ; ils les ont « reconstituées », pour contrôler si les dires des industriels correspondaient à la réalité. Lorsque nous le leur avons demandé, ils ont concédé qu'une fois ce travail accompli ils ne savaient pas si les hausses des prix étaient injustifiées dans la moitié des cas. Ils nous ont indiqué, à ce sujet, ne pas distinguer exactement ce qui relevait de l'augmentation des matières premières agricoles de ce qui relevait des matières premières industrielles. Nous émettons des doutes quant à cette affirmation, car tous les autres acteurs entendus ont été en mesure de nous dire ce qui découlait de l'une ou l'autre de ces catégories.

Sauf exception, et dans l'ensemble, les hausses de tarifs demandées par les industriels semblent donc légitimes, et ce au vu de l'explosion de leurs coûts en amont. Nous ne pouvons que regretter les fortes tensions qui existent aujourd'hui entre fournisseurs et distributeurs, situation qui appelle à ce que personne ne vienne souffler sur les braises.

Le niveau de tension est en effet inédit cette année. Pour rappel, les négociations commerciales ont normalement lieu une fois dans l'année et se terminent le 1 er mars. Au 1 er mars 2022, les industriels des marques nationales ont demandé des hausses de prix de 7,2 %, pour tenir compte du coût des intrants. Ils n'ont obtenu en moyenne qu'une hausse de 3,5 %, c'est-à-dire moins de la moitié de ce qu'ils réclamaient. Pour reprendre les mots entendus en audition, la hausse des tarifs qui a été acceptée n'a jamais été aussi forte depuis trente ans, mais elle n'a jamais été aussi éloignée du besoin des industriels...

Surtout, à peine ces négociations se sont-elles achevées qu'elles étaient déjà caduques en raison de la situation économique, climatique et géopolitique. De nouvelles négociations ont en conséquence été engagées, ce qui donne lieu depuis à de multiples renégociations commerciales, source de tensions importantes.

Par exemple, dans la période actuelle, les demandes de hausses de tarifs s'établissent à 10 % environ, tandis que les acteurs que nous avons auditionnés nous ont révélé que les renégociations devraient aboutir à des hausses de 4 à 5 %.

Il faut donc s'attendre à une poursuite de l'inflation à la rentrée, qui pourrait atteindre 7 % pour les produits alimentaires, voire davantage en fin d'année si de nouvelles renégociations ont lieu dans les mois à venir. Elle sera par ailleurs mécaniquement alimentée par les différentes hausses de revenus liées à l'indexation des pensions ou à la revalorisation du salaire minimum. Il faut également tenir compte d'une inflation plus structurelle, liée par exemple à la transition écologique de notre pays. Alors que l'inflation représente aujourd'hui trente euros de plus par mois environ pour le panier moyen d'un ménage, cela pourrait représenter une quarantaine d'euros à la rentrée.

Pour autant, je rappelle qu'aussi impressionnants soient les chiffres ils restent inférieurs à ceux que l'on constate dans les pays voisins, comme en Espagne, par exemple, où elle atteint 10 %.

Pour en revenir aux renégociations commerciales, notre groupe de suivi a pu constater différentes pratiques contestables, que nous détaillons dans le rapport.

D'une part, certains distributeurs semblent augmenter les prix dans les rayons, alors même qu'ils ont refusé en amont les hausses de tarifs demandées. Partant du principe que les consommateurs s'attendent à constater une inflation, ils y voient l'occasion d'engranger un gain net de marges. Plusieurs acteurs entendus ont également fait état d'un refus catégorique des distributeurs de prendre en compte les hausses de coûts liées aux matières premières industrielles, comme les emballages, l'énergie ou le transport. Certaines enseignes feraient en outre traîner en longueur les négociations, afin de gagner du temps et de vendre le plus longtemps possible à l'ancien tarif, négocié en mars.

D'autre part, certains industriels ne seraient pas très diligents en matière de transparence : ils justifieraient peu leurs demandes, et ne le feraient que lorsque la négociation est sur le point d'échouer. Par ailleurs, les hausses demandées vont parfois du simple au triple, d'un fournisseur à l'autre, pour le même produit. Ce serait notamment le cas pour les glaces, les bières et l'eau minérale.

Ce climat de tensions nous fait craindre de sérieuses ruptures d'approvisionnement dans les semaines à venir, car certains industriels, dont les PME, risquent de produire à perte. Il s'agit d'un risque non négligeable, qui fait bien entendu partie du jeu de poker menteur auquel se livrent les fournisseurs et les distributeurs, et qui a notamment été confirmé par certains acteurs issus des pouvoirs publics.

Je terminerai en vous indiquant que, face à cette situation, il ne nous semble pas que la politique consistant à signer des chèques en blanc soit pertinente. Ces cadeaux sont caducs presque immédiatement après qu'ils ont été concédés. Il est regrettable que, dans notre pays, l'État soit obligé de subventionner ainsi la consommation, notamment alimentaire. Cela montre notamment, nous semble-t-il, que le travail ne paie pas assez. Il faut valoriser le travail et le rémunérer à son juste niveau. Nous aurons certainement dans cette commission des divergences politiques quant aux solutions à apporter, mais il est clair que l'heure n'est plus à de simples sparadraps sur des jambes de bois !

J'ajoute que, conformément à ce que nous disions l'an dernier, la loi Egalim 2 ne peut produire ses effets qu'avec retard pour soutenir le revenu agricole : les hausses des coûts subies par les agriculteurs ne sont répercutées qu' a posteriori auprès de leurs acheteurs. Quand ces coûts augmentent chaque mois, l'effet retard se « paye » directement dans les comptes des exploitations agricoles, qui ont souvent bien du mal à y faire face.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Après l'analyse des facteurs expliquant l'inflation et justifiant les demandes de hausses de tarifs, nous allons étudier maintenant plus spécifiquement l'application de la loi Egalim 2 et de ses mécanismes. Après un bref bilan des négociations commerciales, je vous présenterai les axes d'amélioration de la loi.

Comme l'a indiqué Daniel Gremillet, pour les marques nationales, les négociations de mars 2022 ont débouché sur une hausse des prix de 3,5 %, bien loin de la hausse de 7,2 % demandée. Il semblerait d'ailleurs, selon certains industriels, que les besoins étaient en réalité plus proches des 10 %, mais que les demandes ont été moindres, parce que les conditions générales de vente ont été envoyées avant le début de la guerre en Ukraine.

La demande d'une hausse de 7,2 % des prix se justifierait pour 45 % par l'augmentation du coût des matières premières agricoles, pour 30 % par celle du prix des emballages, et pour 20 % par l'évolution du prix de l'énergie et des transports. Il faut d'ailleurs noter que 10 % des négociations ont fini dès décembre 2021, avant même l'entrée en vigueur de la loi Egalim 2.

Nous l'avons vu, une écrasante majorité des industriels ont utilisé le droit de rouvrir les négociations commerciales au-delà du 1 er mars pour soumettre de nouvelles demandes de tarifs, et ce afin de tenir compte de l'envolée des coûts de production. Or, mi-juillet, seule la moitié environ des renégociations pour les marques nationales sont achevées. Cela veut dire que, pour 50 % des demandes, l'ancien tarif court toujours, malgré l'augmentation continue du coût des matières premières. L'état d'avancement de ces renégociations varie d'un distributeur à l'autre, certains semblant plus disposés à valider des hausses de tarifs importantes, qui compensent même une partie de l'évolution du prix des matières premières industrielles, tandis que d'autres refusent catégoriquement de discuter de cette partie du tarif, et n'acceptent - éventuellement ! - que les hausses de prix liées aux matières premières agricoles.

Le débat est en effet complexe : si le besoin des fournisseurs est pris en compte, soit les prix augmentent de près de 10 % dans les rayons, soit la distribution rogne sur ses marges. Si le besoin n'est pas entièrement pris en compte, c'est l'industrie qui doit resserrer ses marges, déjà malmenées par dix ans de déflation.

Par ailleurs, si les négociations pour les marques nationales semblent traîner en longueur, celles qui touchent aux MDD ont été plus rapides et sont presque toutes conclues à l'heure actuelle. Plusieurs raisons expliquent cela : premièrement, les distributeurs craindraient davantage la rupture de rayons pour un produit sous MDD que pour une marque nationale, car les MDD sont la « marque de fabrique » de l'enseigne ; deuxièmement, les marges des distributeurs étant plus élevées sur les MDD, ils peuvent plus facilement concéder les hausses de tarifs demandées que dans le cas des marques nationales ; troisièmement, enfin, d'après les distributeurs, le niveau de transparence et de confiance aurait été plus élevé dans le cas des MDD qu'avec les multinationales produisant des marques nationales.

Daniel Gremillet en a parlé, le niveau de tensions entre industriels et distributeurs est inédit, chacun rejetant la faute sur l'autre : les premiers accusent les seconds d'être trop fermes et de gagner du temps pour instaurer un rapport de force déséquilibré, tandis que les seconds accusent les premiers de demander des hausses inconsidérées ou injustifiées. Or la situation actuelle intervient lors de la première année de mise en oeuvre de la loi Egalim 2, ce qui a contribué à tendre encore un peu plus les relations commerciales.

Pour rappel, la loi Egalim 2 a pour objectif de protéger le revenu agricole en sanctuarisant, de l'amont à l'aval, les matières premières agricoles : lorsque le coût des intrants pour les agriculteurs augmente, la loi dispose que le prix qui leur est payé doit être révisé à la hausse. De même, l'industriel qui paie plus cher les produits agricoles doit pouvoir répercuter ce surcoût auprès du distributeur. Pour cela, la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur est rendue non négociable. En outre, des clauses de révision automatique des prix doivent être insérées dans les conventions signées entre industriels et distributeurs, de sorte que, si le prix évolue entre l'agriculteur et l'industriel, il évolue également entre l'industriel et l'agriculteur.

Nous avons toujours eu, au Sénat, de sérieux doutes quant à l'efficacité d'un tel mécanisme en cascade : d'une part, cette loi ne concerne qu'une partie du revenu des agriculteurs ; d'autre part, nous avons constamment alerté sur le fait que, puisque les matières agricoles sont désormais sanctuarisées, la dureté des négociations se reportera sur les matières premières industrielles.

Eh bien, c'est exactement ce qu'il s'est passé : lors du « round n° 1 » des négociations, les hausses demandées au titre de l'évolution du prix du transport et de l'énergie ont, dans l'ensemble, été refusées ou n'ont été acceptées que de façon très réduite - sauf exception - et celles qui étaient relatives au prix des emballages ont été satisfaites à hauteur de seulement 20 %, ce qui correspond, selon les industriels, à environ 5 % du besoin pour les matières premières industrielles. Lors du « round n° 2 », toujours en cours, il semble qu'il n'y ait que très peu de hausses demandées au titre des matières premières industrielles qui soient acceptées par les distributeurs.

La prise en compte des matières agricoles est donc satisfaisante, quoiqu'elle intervienne toujours avec un effet de retard, mais, au-delà de cet aspect, l'application de la loi Egalim 2 reste perfectible.

Cette loi est, je le rappelle, inflationniste par définition, puisque son principe même consiste à pouvoir répercuter, de l'amont agricole jusque dans les tarifs payés par la distribution, l'évolution des matières premières agricoles. Les mécanismes qu'elle introduit créent donc une boucle d'inflation qui, si elle est relativement discrète lorsque les prix des intrants sont à peu près stables, peut prendre des proportions considérables lorsque le coût des intrants - alimentation pour animaux, engrais, machines agricoles, énergie... - évolue fortement à la hausse. Or, selon le principal syndicat agricole, l'indice des prix d'achat des moyens de production agricoles (Ipampa), qui agrège les différents coûts de production agricole, a justement augmenté de 24 points entre avril 2021 et avril 2022.

Nous avons identifié plusieurs axes d'amélioration de la loi Egalim 2.

Premièrement, une piste permettant de fluidifier les relations commerciales et d'accroître la transparence consisterait à prévoir que le tiers de confiance, chargé de certifier que la négociation n'a pas porté sur la part des matières agricoles, interviendra non pas à l'issue, mais dès le début ou au cours des négociations.

Je m'explique : pour que la part des matières agricoles soit non négociable, il faut que le distributeur sache ce qu'elle représente dans le tarif qui lui est soumis. L'industriel a le choix entre trois options pour la faire connaître : l'une d'elles consiste à faire appel à un tiers de confiance pour certifier, in fine , que la négociation a bien sanctuarisé la part des matières agricoles ; cela permet à l'industriel de ne pas dévoiler complètement le contenu de ses produits au distributeur. Il se trouve que 80 % des entreprises ont choisi cette option, mais tous les acteurs entendus ont indiqué que cette intervention post-négociation est trop tardive : elle oblige les parties à négocier « à l'aveugle » ou sur la base uniquement de ce qu'affirme l'industriel, ce qui n'est pas idéal compte tenu du niveau de défiance entre les parties, sans parler des tiers de confiance qui, plusieurs mois après la négociation, n'ont toujours pas envoyé leur certification.

Nous proposons que le tiers de confiance intervienne avant la fin des négociations : l'industriel pourrait par exemple accompagner ses conditions générales de vente d'un document certifiant que les hausses demandées au titre de l'évolution des matières agricoles sont bien fiables et sincères. Cela apaiserait les négociations et permettrait à ces dernières de débuter sur de bonnes bases.

Deuxièmement, nous pensons que les clauses de révision automatique des prix, librement définies par les parties, sont trop peu encadrées. En effet, elles ont engendré, à elles seules, une négociation dans la négociation. Souvent, leur contenu a été abordé à la toute fin des négociations, dans la précipitation. Ni les industriels ni les distributeurs ne semblent y avoir accordé une grande importance. Les seuils de déclenchement demandés par certaines enseignes de la grande distribution semblent irréalistes : clause qui ne s'active qu'au bout de neuf mois ou que si la hausse des intrants dépasse 50 %. Nous pensons donc utile de fixer un plafond d'activation et de préciser, soit dans la loi soit par voie réglementaire, une périodicité maximale, par exemple un trimestre. Sans cela, ces clauses ne s'activeront tout simplement jamais, ce qui videra une partie de la loi de sa substance.

Troisièmement, il nous semble regrettable que le Gouvernement ne se préoccupe pas davantage de cette situation. Un comité de suivi des négociations se réunit tous les jeudis, mais aucune décision importante ne semble en émaner. Certes, la charte d'engagement signée le 18 mars 2022 par les industriels et les distributeurs sous l'égide des ministres de l'agriculture et de l'économie a permis de rouvrir les négociations commerciales, qui étaient normalement achevées, mais non seulement elle n'engage que ceux qui le veulent bien, puisqu'elle n'est pas contraignante, mais en outre les engagements formels qui y figurent sont très vagues...

Il nous semble que le Gouvernement devrait à tout le moins disposer d'indicateurs fiables et objectifs et les transmettre au Parlement : ces indicateurs porteraient sur l'avancée des négociations, enseigne par enseigne, en distinguant selon que le produit est une marque nationale ou une MDD et en distinguant entre les PME et les multinationales. Sans cela, l'opacité règne, alors que ces négociations sont fondamentales à la fois pour la vie des entreprises et le pouvoir d'achat des Français.

Autre exemple du désintérêt manifeste du Gouvernement pour cette question : les lignes directrices de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) concernant les pénalités logistiques, permettant la bonne application de l'intention du législateur, n'ont été définies que le 11 juillet dernier, alors que l'encadrement de ces pénalités date d'octobre 2021 et que nous les avons redemandées en commission en mars dernier !

Enfin, il me semble nécessaire de dire un mot du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP+10). Nous ne savons toujours pas, trois ans après, ce que sont devenus les 600 ou 800 millions d'euros environ engrangés par la grande distribution. Nous avons bien entendu des hypothèses - nous pensons notamment que cette manne n'a pas été redistribuée aux agriculteurs, mais a plutôt servi à rendre compétitives les MDD et à fidéliser les clients sous forme de points et de remises -, mais nous nous heurtons toujours à un silence pudique des pouvoirs publics et des distributeurs sur ce sujet. Après des demandes répétées, le Gouvernement a enfin lancé une mission sur ce sujet...

Pourtant, le SRP+10 n'est pas efficace ou utile dans toutes les filières. Dans la filière « fruits et légumes », par exemple, les producteurs eux-mêmes demandent qu'il y soit mis fin. Aussi, puisque l'expérimentation se termine en avril 2023, nous pensons utile d'étudier, filière par filière, l'opportunité de supprimer ce dispositif, en fonction de son impact concret. Cette piste permettrait de concilier défense du pouvoir d'achat et défense du revenu agricole.

Ces différentes préconisations pourront trouver une traduction législative lorsque nous serons saisis d'un texte relatif à l'agriculture ou aux négociations commerciales.

Voilà, mes chers collègues, un résumé des travaux du groupe de suivi de la loi Egalim.

M. Laurent Duplomb . - Je veux saluer le travail de Daniel Gremillet et d'Anne-Catherine Loisier sur ce sujet d'importance. Nous avons adopté plusieurs lois sur les relations commerciales entre agriculteurs, industriels et distributeurs, mais ces derniers n'en font qu'à leur tête ; non seulement la grande distribution n'apporte rien à la France, mais elle détruit de la valeur. La loi Egalim 1 a amélioré les relations pendant quelques mois, puis, le naturel revenant au galop, la grande distribution a repris ses pratiques antérieures, comme en matière de pénalités logistiques.

La loi Egalim 2 a amélioré les choses, notamment pour ce qui concerne, justement, ces pénalités logistiques, mais encore faut-il appliquer ces dispositions et la DGCCRF devra le faire le plus sévèrement possible.

Néanmoins, malgré ces deux textes, la grande distribution n'aura guère changé ses pratiques. Elle n'accepte des augmentations de tarifs que pour la part liée aux matières premières agricoles, sans inclure l'emballage ni l'énergie. Cela met les exploitations en difficulté.

J'étais contre le mécanisme de SRP ; on l'a gardé pour des raisons idéologiques, mais c'est une erreur. Il détruit de la valeur et c'est encore la grande distribution qui s'enrichit au détriment de notre industrie agroalimentaire, donc de notre souveraineté, puisque nous perdons en compétitivité et augmentons nos importations, y compris en provenance de pays voisins.

M. Henri Cabanel . - C'est vrai, on peine à voir les effets concrets de ces deux lois prévues pour redresser le revenu des agriculteurs. Nous sommes face à une forteresse imprenable et nous jouons une partie de poker menteur. Je ne serai pas aussi sévère que Laurent Duplomb à l'égard de la grande distribution - on en a besoin -, mais il y a un déséquilibre entre les producteurs et les industriels d'un côté et la grande distribution de l'autre. Chaque maillon de la chaîne doit justifier auprès du maillon en aval sa demande d'augmentation de prix ; or, quand on demande de la transparence aux distributeurs, on n'en a jamais, ils ne donnent jamais de chiffres.

En ce qui concerne le SRP, un distributeur nous a avoué avoir engrangé 70 millions d'euros de plus-value, mais il n'a pas accepté de nous dire comment cette somme se ventilait. La situation actuelle est très compliquée - guerre en Ukraine et covid-19 -, nous devons donc tous faire des efforts, bien sûr, mais certains en font plus que d'autres. Le producteur a bénéficié de quelques augmentations de prix sur les matières premières agricoles, mais non sur les autres - or on connaît le prix de l'énergie - et il n'a aucune porte de sortie, il est obligé d'accepter ce qui lui est proposé. En bout de chaîne, le distributeur, lui, a une porte de sortie : il augmente ses prix pour les consommateurs, afin de compenser les hausses de ses coûts.

Par ailleurs, les coopératives d'achat des entreprises de grande distribution, qui sont internationales, passent au-dessus des lois Egalim 1 et 2.

M. Laurent Duplomb . - On est d'accord !

M. Henri Cabanel . - On met en danger notre agriculture, qui risque de s'écrouler ; nombre d'agriculteurs partant en retraite ne seront pas remplacés. En outre, le risque est la rupture d'approvisionnement de la part de l'industrie agroalimentaire, donc des pénuries dans les rayons. Alors, ce sera la panique.

Enfin, je suis d'accord avec vos propositions, mais encore faut-il que le Sénat soit entendu...

M. Pierre Louault . - C'est un travail important. Je partage l'analyse de Laurent Duplomb sur la grande distribution. Néanmoins, on dénonce souvent l'inefficacité des deux lois Egalim, alors qu'elles ne sont pas forcément inflationnistes, puisque l'on a une inflation moindre que dans d'autres pays d'Europe. En outre, la conjoncture empêche de faire une évaluation correcte de la loi Egalim 2, qui a apporté des améliorations au mécanisme de révision des prix agricoles, au point que les industriels, qui n'ont pas de mécanisme comparable, ont du mal à se faire entendre des distributeurs. Malheureusement, la grande distribution ne cède que devant les obligations réglementaires ou législatives. On constate une augmentation modérée des prix, mais tout le monde, notamment l'industrie, n'y trouve pas son compte.

Il faudrait examiner les marges des distributeurs, non pas produit par produit, mais au moins sur les produits essentiels. Or ils refusent d'ouvrir l'accès à leur comptabilité, qui, en outre, est généralement faussée.

En tout cas, cette mission n'est pas finie ; continuez, chers collègues !

M. Franck Menonville . - Dans ce contexte difficile, il faut objectiver les causes de l'inflation, ce que fait ce rapport. Les propos de M. Leclerc, qui impute l'inflation à certains acteurs économiques, sont scandaleux, car l'augmentation générale des prix est avant tout mondiale. Il ne faut pas désarmer la production agricole sur la planète.

Je souscris à vos analyses sur les lois ?Egalim ; ce que nous craignions s'est sans doute réalisé : nous avons transféré le point d'achoppement de la négociation commerciale du producteur agricole vers l'industriel. Il faudra apporter des correctifs.

Enfin, la grande distribution est aujourd'hui trop concentrée et détruit de la valeur. Il faut une loi de régulation économique pour encadrer les relations entre grande distribution et acteurs économiques et la loi Egalim 2 n'est pas suffisante à cet égard. Il faut renvoyer M. Leclerc dans ses cordes avec nos arguments.

M. Joël Labbé . - J'aurai deux réflexions.

La relocalisation de l'alimentation, si elle n'est pas une réponse à tout, constitue tout de même une réponse forte pour les producteurs. Nous aurions intérêt à organiser des filières courtes, car les magasins de producteurs et les AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) ont leurs limites.

Mon deuxième point a trait à la véritable transparence : où en est-on de l'étiquetage, sur le produit vendu, indiquant la part du prix revenant au producteur ? Le consommateur pourrait choisir en connaissance de cause.

Mme Sophie Primas , présidente . - Il va y en avoir, des mentions, sur les étiquettes...

M. Laurent Somon . - Il me semblerait plus intéressant de connaître la composition du prix des produits vendus en grande surface que la composition des produits vendus par les transformateurs aux distributeurs. Ces derniers exigent cette information sous prétexte de proposer les prix les plus bas aux consommateurs, mais en réalité c'est pour renvoyer la responsabilité de la hausse des prix aux industriels.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Nos auditions révèlent une opposition entre les marques de distributeurs et les autres marques. Une marque est une propriété d'entreprise ; elle permet de soutenir l'innovation et la recherche. Pour illustrer mon propos à partir d'un événement d'actualité, la MDD fait penser aux « suceurs de roue » du Tour de France : il s'agit de copier ce qui a été fait... Il n'est pas neutre que les tensions aient été bien plus fortes sur les marques que sur les MDD.

Au sujet des matières premières agricoles (MPA) et des matières premières industrielles (MPI), il faut faire attention. Des organisations représentatives, mais aussi des chaînes de distribution nous ont spécifié que certaines entreprises, souvent de petite taille, n'étaient pas en capacité d'adapter leurs tarifs aussi souvent que cela serait nécessaire pour faire face à une inflation aussi rapide : par là même, elles allaient se retrouver en grandes difficultés. Nous pourrions nous retrouver à faire face à la situation que nous avons évoquée. Le prix des MPA n'étant pas négociable, la non-prise en compte de la NPI est liée à la fragilité d'un certain nombre d'entreprises.

Nous avons voulu, par notre travail de fond, dépassionner les débats, démêler le vrai du faux. Nous avons vu les emballées médiatiques au sujet des 50 % d'augmentations suspectes. Nous n'étions pas en accusation ; nous voulions comprendre : qu'on nous cite des exemples concrets ! Nos auditions ont commencé sur l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, avant même la déclaration ayant trait à ces 50 % d'augmentations suspectes : n'oubliez pas de le répéter ! Notre travail de fond, effectué depuis Egalim 1, doit être continué.

Actuellement, la question de reconstituer les stocks en matière énergétique pour l'hiver 2022-2023 est prégnante ; nous aurions intérêt également à nous soucier des stocks alimentaires, que ce soit en France, dans l'Union européenne ou dans le monde. L'Europe s'est faite moins interventionniste : nous disposions de nombreux stocks publics à l'échelle du continent, la plupart ont complètement disparu. Désormais, les stocks sont privés : ils échappent davantage à notre connaissance. Dès lors que nous saisissons l'ampleur de notre fragilité, l'enjeu de repositionner dans nos pays des productions devient central. L'exemple actuel de la moutarde est facile : nous sommes complètement désarmés, ne disposant presque plus de graines de moutarde produites chez nous. Nous ne sommes pas contre les échanges, mais nous sommes entrés dans une ère de fragilité alimentaire.

Ce rapport d'étape est plus important qu'on ne pourrait l'imaginer par les temps de pénurie qui courent, où la sécurité alimentaire n'est pas garantie, la fragilité climatique venant s'ajouter aux fragilités géopolitiques.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Ce travail de suivi au sujet d'Egalim permet une compréhension collective et partagée des faits.

Actuellement, nous le voyons, la grande distribution ne joue pas le jeu de la filière : elle demeure dans la stratégie du prix bas, au risque de mettre en jeu la survie des entreprises, des producteurs et des marques nationales. La mauvaise volonté dans l'application des clauses de révision automatique témoigne de ce refus ; cela est propre à la France. Ce réajustement, à la hausse ou à la baisse, se fait plus spontanément chez nos voisins. Nous sommes cependant moins inflationnistes parce que les industriels, voire certains distributeurs, ont joué, selon la formule du médiateur, le rôle d'amortisseurs. Combien de temps vont-ils pouvoir le tenir ? À quel prix ?

Le débat souligne également la place des grandes centrales d'achat, qui plus est européennes, lesquelles viennent fausser nos tentatives de régulation.

Le débat, qui portait essentiellement sur les MPA, a été reporté sur les MPI. Les syndicats agricoles ne sont pas mécontents ; ils concèdent eux-mêmes que la loi Egalim pâtit d'une conjoncture inflationniste qui ne permet pas d'en voir réellement les effets.

Rien dans nos auditions ne vient étayer les dires de M. Leclerc au sujet des 50 % d'augmentations suspectes.

Pour conclure sur le sujet de l'affichage, je soulignerai l'enjeu du rémunérascore, prévu par Egalim. Pour le moment, il n'est pas mis en oeuvre en ce qui concerne la viande bovine : le sera-t-il ? Notre comité de suivi se penchera là-dessus.

Mme Sophie Primas , présidente . - La loi Egalim avait pour objectif d'augmenter le revenu des agriculteurs : la situation s'améliore, même si cela n'est pas encore totalement satisfaisant. Notez que je ne fais pas toujours des compliments au Gouvernement... Tout est brouillé, actuellement, par l'inflation.

La question du seuil de revente à perte va se poser à nouveau : où s'est envolé cet argent ?

L'enjeu du mois d'avril sera celui des promotions. Bruno Le Maire a posé la question de leur assouplissement éventuel ; la FNSEA l'a vite arrêté. Ce système de limitation des promotions n'existe pas dans le non-alimentaire, qui plus est de grande consommation. Les grands groupes, la plupart du temps non européens, ne sont pas à plaindre... mais ils possèdent des usines en France : il faut être vigilant. Face à ce système dont ils souffrent, ils regardent leurs outils de production en France en se posant des questions. Il ne faut donc pas complètement mettre le non alimentaire à part.

Les États généraux de l'alimentation, à l'origine, avaient pour objectif une montée en gamme. Nos concitoyens les plus modestes ont été laissés de côté, se tournant dès lors vers d'autres agricultures, notamment intra-européennes, posant la question de la compétitivité de l'agriculture française.

Dès ces États généraux, nous avions lancé plusieurs alertes : nous avons été peu écoutés. Nous parlions d'inflation trois jours avant le début de la guerre en Ukraine ; nos auditions mêmes ont précédé les déclarations de M. Leclerc. Nous tâchons d'avoir un temps d'avance, mais nous souhaiterions être davantage entendus.

Je remercie les rapporteurs.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

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