III. DES DÉFIS ACTUELS COMPARABLES AU RESTE DE L'EUROPE

A. UNE DÉMOGRAPHIE MÉDICALE ET PARAMÉDICALE EN TENSION

1. Un besoin considérable de personnels

Comme dans le reste du continent, l'un des principaux défis pour le système de santé est aujourd'hui le vieillissement de la population. L'espérance de vie atteint aujourd'hui 84,2 ans pour les femmes et 81,21 pour les hommes. Un Suédois sur cinq a aujourd'hui plus de 65 ans.

Or, dans ce contexte, le pays fait également face à un besoin important de personnels. En outre, l'association des médecins4(*) estime un besoin de compétences nécessaire de 36 % supérieur pour remplacer les départs à la retraite. Ainsi, selon certaines estimations, le besoin de personnels dans les secteurs de la santé et du soin représenterait 40 % de la population active, soit un chiffre inatteignable.

Selon l'autorité d'évaluation des soins, il n'y a aujourd'hui pas problème de ressources en Suède, avec un financement adéquat du système, mais un problème de manque de personnels. Cependant, alors que le pays compte un nombre important de médecins et infirmiers par habitant, la question semble être celle de l'allocation des ressources. La Suède se démarque cependant de la France, en cela que le besoin est massif parmi les professionnels paramédicaux et particulièrement chez les infirmiers.

2. Une nouvelle approche des carrières pour renouer avec l'attractivité ?

Les revendications des professionnels se portent là aussi sans surprise sur la question des conditions de travail et notamment, à l'hôpital, sur les rythmes de travail ou encore sur le niveau des rémunérations.

Pour rétablir l'attractivité, l'association de professionnels de santé Vårdförbundet a particulièrement insisté sur les besoins de recrutements dans certaines professions, comme les sages-femmes, les analystes de biologie médicale, les infirmiers et infirmiers spécialisés ou de radiologie, mais aussi interrogé l'opportunité d'une flexibilité sur les conditions de départ à la retraite, récemment modifiées.

L'association a souligné le besoin de maintenir le niveau de compétence dans le domaine du soin, mais aussi d'inciter les professionnels qui ont quitté le secteur à y revenir. Enfin, le temps plein comme norme de travail semble selon eux une nécessité.

La place des infirmiers semble un défi particulier identifié par les hôpitaux, comme l'a présenté l'hôpital universitaire Karolinska de Stockholm. Au-delà de la prise en compte de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, l'hôpital entend ainsi travailler sur l'ensemble de la carrière, en préparant mieux les interruptions comme les retours ou les évolutions. La question de la montée en compétence ou de l'orientation vers de nouvelles fonctions est centrale, avec notamment la possibilité d'un doctorat en soins infirmiers.

3. Le défi de l'intérim médical

Comme en France et dans d'autres pays d'Europe, le capacitaire théorique des établissements de santé n'est aujourd'hui pas atteint, faute de personnels en nombre suffisant. Depuis 2016, à Sankt Görans : le nombre d'intérimaires a été multiplié par 6 et 30 % des infirmiers d'urgence sont aujourd'hui contractuels. Ce problème semble concerner l'ensemble des établissements, et se retrouve y compris dans l'hôpital de pointe qu'est Karolinska.

Les professionnels rencontrés avec l'agence Medcura indiquaient ne plus tenir face au rythme imposé et aux sacrifices sur leur vie personnelle, et considérer leur départ des structures de soins vers l'intérim comme un signal envoyé au système de santé, dans le contexte d'une médecine aux exigences de rentabilité plus forte, des cadences élevées, avec une perte de sens pour les soignants et, surtout, une absence de maîtrise du rythme de travail.

Les services rencontrés ont indiqué vouloir être « indépendants de l'intérim ». Les réponses apportées tentent de rejoindre les préoccupations relatives à la qualité de vie au travail, avec la rénovation des espaces ou de nouvelles activités proposées. Les responsables de Karolinska ont particulièrement insisté sur la prise en compte de la santé des personnels et du bien-être au travail. L'accent est aussi mis sur des programmes de formation visant à donner des perspectives de carrière à l'ensemble des professionnels


* 4 L'association compte 56 000 membres ; 80 % des médecins suédois en sont membres.