Rapport d'information n° 443 (2022-2023) de M. Joël GUERRIAU et Mme Marie-Arlette CARLOTTI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 22 mars 2023

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N° 443

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mars 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur « Transformer les ressources humaines des armées : définir un modèle en cohérence avec nos ambitions stratégiques »,

Par M. Joël GUERRIAU et Mme Marie-Arlette CARLOTTI,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

L'ESSENTIEL

La programmation militaire 2024-2030 est annoncée comme une loi de transformation des armées. À l'issue d'un cycle d'audition avec des responsables des ressources humaines dans les armées, les rapporteurs du programme 212 ont identifié plusieurs points d'attention dont il est indispensable de tenir compte dans la programmation militaire à venir :

- le redressement progressif des effectifs du ministère des armées depuis 2016 n'a pas permis de compenser les déflations brutales engagées depuis la fin des années 1990 ;

- le format en ressources humaines des armées fixé par la prochaine programmation militaire doit être en cohérence avec l'ambition affichée d'être en mesure de répondre à l'hypothèse d'un engagement majeur ;

- le recrutement et la fidélisation des personnels constituent un défi majeur pour les armées en particulier dans les domaines de recrutement prioritaire du renseignement et de la cyberdéfense ;

- le projet de doublement des réserves opérationnelles ne pourra produire ses effets qu'à la condition d'être accompagné des moyens budgétaires nécessaires à sa mise en oeuvre.

- la crédibilité des ambitions inscrites dans la Revue nationale stratégique de novembre 2022 dépend du fait que la trajectoire en ressources humaines de la programmation militaires soit le reflet de nos choix stratégiques sur le modèle et le format de nos armées.

I. LES TRANSFORMATIONS PROFONDES DU MODÈLE DE RESSOURCES HUMAINES DES ARMÉES DEPUIS LA SUSPENSION DE LA CONSCRIPTION EN 1997 SE SONT TRADUITES PAR UNE DÉFLATION DE LEURS EFFECTIFS DE PLUS DE 200 000 POSTES EN VINGT-CINQ ANS

A. LES FORCES ARMÉES DANS LEUR ENSEMBLE ONT CONNU UNE RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DE LEURS EFFECTIFS DEPUIS LA PROFESSIONNALISATION ENGAGÉE EN 1997, MALGRÉ LA MISE EN oeUVRE D'UNE TRAJECTOIRE DE REDRESSEMENT PROGRESSIF DU FORMAT DE RESSOURCES HUMAINES DES ARMÉES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE (LPM) 2019-2025

1. La professionnalisation des armées décidée à la fin des années 1990 et les économies budgétaires engagées à la fin des années 2000 ont contribué à une réduction rapide et substantielle du nombre de personnels des armées entre 1997 et 2015

Le format actuel de ressources humaines du ministère des armées, qui atteint 272 571 postes en 2023, résulte des transformations profondes qui se sont produites pendant les deux décennies qui ont suivi le choix fait par le Président de la République 1 ( * ) de suspendre progressivement la conscription à partir de 1997.

Cette transition vers une armée de professionnels, ou professionnalisation, constitue une rupture avec le modèle antérieur fondé sur l'existence d'un service militaire hérité de la période révolutionnaire et progressivement modernisé, notamment par la loi du 21 mars 1905 2 ( * ) .

Au moment où le Président de la République fait le choix de suspendre la conscription, le service militaire n'est plus qu'une des modalités du service national, qui prendre d'autres formes depuis les années 1960 dont notamment celle du service de coopération ou du service civil en entreprise.

Pour autant, les appelés jouent encore en 1996 un rôle structurant dans les forces armées. Ils représentent un effectif de 189 000 personnes soit 40% des personnels militaires du ministère de la défense.

La loi de programmation militaire 1997-2002 3 ( * ) a organisé la transition vers une armée de métier en prévoyant la substitution progressive de professionnels aux appelés. À l'issue de la période de transition, à la fin de l'année 2002, les effectifs des forces armées ont été réduits de 29% soit une suppression de 137 000 postes en seulement cinq ans.

La professionnalisation a eu des conséquences importantes pour chacune des forces armées qui ont connu pendant la même période une restructuration significative : l'armée de terre a dissous 51 régiments et 218 établissements, la Marine nationale a désarmé une vingtaine de navires dont le porte-avion Foch et l'armée de l'air et de l'espace a fermé 10 bases aériennes sur les 42 qui existaient en 1996.

Réalisée dans un temps réduit, la manoeuvre de ressources humaines correspondant à la professionnalisation et les suppressions massives d'emploi afférentes constitue un succès opérationnel à mettre au crédit de l'administration de la défense. Comme le relevait le sénateur François Trucy, ancien rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget de la défense, « aucun ministère civil n'a, à ce jour, été en mesure de réussir une telle démarche » 4 ( * ) . Sans remettre en cause la pertinence du choix de la professionnalisation opéré il y a plus de vingt-cinq ans, les rapporteurs insistent sur le fait que les grandes orientations prises en matière de ressources humaines dans les armées doivent s'intégrer dans une stratégie globale en cohérence avec les ambitions stratégiques des forces armées.

Les effectifs du ministère de la défense ont été réduits de 29% en cinq ans entre 1997 et 2002 dans le cadre de la professionnalisation des armées

Dans le courant des années 2000, peu de temps après la mise en oeuvre de la restructuration profonde du modèle de ressources humaines constituée par la professionnalisation des armées, le ministère de la défense a été de nouveau largement réformé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), programme transversal de réforme de l'administration mis en oeuvre entre 2007 et 2012.

Les réformes structurelles engagées dans le cadre de la RGPP et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 se sont à nouveau traduites par d'importantes réductions d'effectifs. Entre 2009 et 2012, le ministère de la défense a ainsi été le ministère a connaître, après le ministère des affaires étrangères, le plus faible taux de remplacement des départs avec une proportion de seulement 13%.

Les forces armées ont connu pendant cette période un rythme soutenu de déflation de leurs effectifs avec une réduction de 7,1 % du nombre de postes entre 2009 et 2012, soit un taux d'effort supérieur à la moyenne de l'administration sur l'ensemble du budget général qui a été de 5,4 %.

Les réductions d'effectifs décidées à la fin des années 2000 et au début des années 2010 ont eu des conséquences importantes pour le modèle de ressources humaines des armées et les responsables des ressources humaines des différentes forces armées auditionnés par les rapporteurs leur ont indiqué que les effets des décisions prises pendant la période de la RGPP continuait de produire des effets déstabilisateurs sur la structure du personnel des armées.

Source : IGA, IGF, IGAS, septembre 2012, Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'État.

2. La loi de programmation militaire 2019-2025 a confirmé la dynamique de redressement relatif des effectifs du ministère des armées

L'année 2015 constitue un point d'inflexion déterminant pour l'évolution du format en ressources humaines des armées.

Alors que la loi de programmation militaire 2014-2019 5 ( * ) , dans le sillage des programmations militaires précédentes et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, prévoyait initialement une déflation 33 675 postes en six ans, les attaques terroristes perpétrées sur le territoire national ont provoqué une réaction qui a modifié cette trajectoire.

Dans un premier temps, l'actualisation législative 6 ( * ) de la programmation militaire en juillet 2015 a réduit l'objectif de réduction des effectifs pour le porter à 14 925 effectifs en moins sur la même période, soit une « moindre déflation » de 18 750 postes.

Dans un second temps, après de nouvelles attaques terroristes sur le territoire national intervenues en novembre 2015, le Président de la République a annoncé dans son discours devant le Congrès du 16 novembre 2015 une nouvelle rectification de la trajectoire en déclarant qu'aucune diminution d'effectifs ne se produirait dans la défense jusqu'en 2019, mettant fin à plusieurs décennies de déflation des effectifs du ministère de la défense. Cette trajectoire de redressement progressif a été poursuivie jusqu'à la fin de la période de la programmation militaire, avec un schéma d'emploi de 5 646 créations de postes dans le périmètre du ministère de la défense entre 2015 et 2019, soit une augmentation de 2 % des effectifs.

Adoptée en juillet 2018, la programmation militaire actuelle 7 ( * ) qui couvre la période 2019-2025 se situe dans la continuité de cette dynamique de redressement progressif du format de ressources humaines des armées en prévoyant la création de 6 000 équivalents temps plein (ETP) en sept ans. Entre 2019 et 2023, les effectifs du ministère des armées ont été augmentés de 3 575 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en cohérence avec la trajectoire affichée dans la programmation pluriannuelle.

En 2021, vingt-cinq ans après la décision d'engager la professionnalisation des forces armées, le ministère des armées a atteint un effectif de 271 268 postes (ETPT), soit une réduction globale de 208 144 postes depuis 1996, dont 70 804 après l'achèvement de la professionnalisation en 2002. À titre de comparaison, les plus de 200 000 postes supprimés représentent plus du double des effectifs du ministère de la justice et plus de vingt fois les effectifs du ministère de la culture en 2023 8 ( * ) .

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'après documentation budgétaire

3. La dégradation récente du contexte sécuritaire renforce la nécessité de mettre en cohérence le format de ressources humaines des armées avec nos ambitions stratégiques

La période récente a été marquée par le retour dans notre voisinage immédiat de la guerre de haute intensité 9 ( * ) , qui se caractérise par son caractère symétrique, et que l'armée de terre définit comme un « affrontement soutenu entre masses de manoeuvre agressives se contestant jusque dans la profondeur et dans différents milieux l'ensemble des champs de conflictualité (physique et immatériel) et dont l'objectif est de vaincre la puissance de l'adversaire » 10 ( * ) . La guerre de haute intensité se traduit notamment par des pertes humaines conséquentes de part et d'autre du champ de bataille, ce qui renforce le caractère stratégique de l'effectif des forces armées en présence et de leur profondeur.

Dès l'automne 2020, la guerre du Haut-Karabagh qui a opposé, dans notre voisinage, l'Arménie et l'Azerbaïdjan entre le 27 septembre et le 9 novembre 2020 a fait entre 6 000 et 10 000 morts en moins de deux mois 11 ( * ) .

La guerre russo-ukrainienne déclenchée par l'agression russe le 24 février 2022 se caractérise également par d'importantes pertes humaines dans chacune des armées belligérantes. Après un an de conflit, le nombre de victimes (morts et blessés), difficile à établir, est estimé à environ 100 000 dans chacune des deux armées 12 ( * ) .

pertes humaines dans l'armée arménienne en deux mois de conflit au Haut-Karabagh (2020)

victimes estimées dans l'armée ukrainienne en un an de conflit (février 2022-février 2023)

Ces bilans humains d'une particulière importance en dépit de la durée réduite des conflits contrastent avec le modèle de guerre asymétrique dont les forces armées françaises ont fait l'expérience dans la période récente notamment dans le cadre des opérations extérieures (OPEX) en matière de lutte contre le terrorisme.

En tout état de cause, toute comparaison avec les conflits susmentionnés ne saurait faire l'économie de la situation particulière de la France dont les intérêts vitaux sont placés sous la protection de notre posture permanente de dissuasion. Nonobstant, la Revue nationale stratégique présentée par le Président de la République en novembre 2022 consacre dans son objectif stratégique n°10 le fait que les armées « sont préparées à un engagement majeur et prêtes à s'engager dans un affrontement de haute intensité » 13 ( * ) .

Cet objectif ambitieux, qui est du reste une nécessité pour que notre dissuasion nucléaire ne devienne pas « notre nouvelle ligne Maginot » 14 ( * ) selon l'expression utilisée dans un récent rapport de nos collègues Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini, emporte des conséquences importantes en matière de ressources humaines.

Par conséquent, les rapporteurs insistent sur la nécessité que la future loi de programmation militaire indique clairement quelles sont les ambitions stratégiques de la France et surtout qu'elle fixe un format de ressources humaines des armées en cohérence avec ces ambitions.

À cet égard, si la Revue stratégique nationale de novembre 2022 a permis à la France d'afficher publiquement les objectifs stratégiques qu'elle se fixe pour les années à venir, un exercice plus vaste, et associant un plus grand nombre de parties prenantes, sur le modèle des précédents « livres blancs » régulièrement élaborés préalablement à l'adoption d'une loi de programmation militaire, aurait été utile pour garantir l'inscription de la trajectoire en ressources humaines des armées dans une stratégie globale et pluriannuelle construite à partir de nos objectifs opérationnels.

Dans un environnement stratégique dégradé, les rapporteurs soulignent le fait qu'il est impératif que les besoins opérationnels déterminent les moyens budgétaires mis à disposition des armées au risque d'un affaiblissement de la cohérence et de la crédibilité du format en ressources humaines de nos forces armées.

B. LES FORCES ARMÉES ET FORMATIONS RATTACHÉES ONT ÉTÉ AFFECTÉES DE MANIÈRE DIFFÉRENTIÉE PAR LES MUTATIONS SUCCESSIVES DU FORMAT EN RESSOURCES HUMAINES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE DEPUIS LA PROFESSIONNALISATION.

1. L'armée de terre, dont le modèle de ressources humaines a été révolutionné par la suspension de la conscription, connait une stabilisation de ses effectifs depuis le début de la programmation militaire actuelle

L'armée de terre est la force sur laquelle la professionnalisation a eu les conséquences les plus importantes en matière d'effectifs. En effet, au moment de la décision de suspendre la conscription, les différentes forces armées n'accueillaient pas les appelés dans les mêmes proportions.

Alors que, en 1996, la proportion des appelés dans l'effectif total était en moyenne de 40 % au ministère de la défense et de 26 % au sein de la Marine nationale, l'armée de terre accueillait 132 319 appelés soit 49 % de son effectif global.

La professionnalisation s'est donc traduite par une manoeuvre de ressources humaines particulièrement complexe pour l'armée de terre qui a permis le recrutement de nombreux militaires professionnels pour compenser le départ des appelés, l'effectif du personnel militaire professionnel de l'armée de terre passant de 105 978 en 1997 à 142 239 en 2002, soit une augmentation de 34 % en cinq ans seulement.

Parallèlement, la professionnalisation s'est traduite par une réduction des occasions pour les civils, en particulier des jeunes générations, de rencontrer l'institution militaire. En dehors des conséquences sur le lien armée-Nation, ce nouvel état de fait a des conséquences importantes en matière de recrutement pour l'armée de terre. L'impératif de jeunesse des armées impose en effet un flux d'entrées conséquent chaque année, de 12 000 recrutements dans l'armée de terre en 2022, ce qui constitue une difficulté renforcée par la disparition progressive de la période de service militaire à partir de 1997.

Postérieurement, l'armée de terre a fait face à une période de déflation rapide des effectifs dans le cadre de la RGPP qui s'est traduite par des départs massifs de cadres expérimentés dont les compétences ne peuvent être reconstituées qu'après une période de plusieurs années, en particulier dans les fonctions opérationnelles qui n'étaient pas identifiées comme prioritaires pendant cette période dont notamment la défense sol-air et les unités très spécialisées du génie.

La programmation militaire actualisée prévoit la réduction de 265 postes dans l'armée de terre entre 2019 et 2025

Enfin, après que l'armée de terre a connu un redressement de ses effectifs entre 2015 et 2018, la trajectoire initiale des effectifs de l'armée de terre fixée au moment de l'adoption de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 prévoyait la création de 1 046 postes supplémentaires dans l'armée de terre au cours de la période. À la suite des actualisations non législatives successives de la programmation militaire, ou ajustements annuels de la programmation militaire (A2PM), l'armée de terre a connu un infléchissement de la trajectoire de ses effectifs : la trajectoire actualisée à la fin de l'année 2022 prévoit une réduction de 265 postes dans l'armée de terre sur l'ensemble de la période .

Les rapporteurs seront attentifs à ce que cet écart important avec la trajectoire initiale, qui s'explique par les mouvements de redéploiement décidée en cours de programmation, soit pris en compte dans la prochaine loi de programmation militaire.

2. Le redressement relatif des effectifs de l'armée de l'air et de l'espace prévu par la programmation militaire actuelle intervient après une période de déflation qui continue de produire des effets sur le long terme

L'armée de l'air, devenue en juillet 2021 l'armée de l'air et de l'espace 15 ( * ) , accueillait encore 32 674 appelés du contingent en 1996 soit 35% de ses effectifs. La suspension de la conscription, en application de laquelle l'armée de l'air a cessé d'accueillir des appelés à partir de 2002, a eu pour effet une réduction significative du format en ressources humaines de l'armée de l'air étant donné qu'à moyen terme, elle n'a pas été compensée par le recrutement de militaires professionnels : en 2007, le nombre de militaires de l'armée de l'air était inférieur à celui de 1997. La professionnalisation s'est donc traduite par une réduction de 27 % des effectifs globaux de l'armée de l'air entre 1997 et 2007.

Les années 2000 ont été marquées par une nouvelle phase de déflation des effectifs, à l'image de l'ensemble des forces armées. Dans l'armée de l'air, les réformes mise en place entre 2008 et 2016 se sont traduites par la fermeture de 13 bases aériennes en métropole et 4 en outre-mer et par la réduction du nombre des états-majors et directions dont le nombre est passé de 14 à 6.

Cette phase de réduction des effectifs a créé un déficit structurel de main d'oeuvre dans certains domaines dont notamment la sécurité et la protection des bases aériennes (suppression de 30% des postes sur la période), le domaine des mécaniciens aéronautiques (suppression de 4 000  postes sur la période) ou encore dans le domaine de la gestion des ressources humaines (suppression de 600 postes de recruteurs et formateurs entre 2008 et 2015).

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'après des données du ministère des armées

La phase de déflation des effectifs de l'armée de l'air a été close à partir de 2016, et programmation militaire 2019-2025 a engagé une dynamique de redressement des effectifs de l'armée de l'air, en prévoyant un renforcement de l'armée de l'air notamment dans le domaine du renseignement et du spatial.

Dans sa version actualisée en 2022, la trajectoire des effectifs de l'armée de l'air et de l'espace prévoit la création de 1 586 postes supplémentaires sur la période 2019-2025 . Le renforcement du format de l'armée de l'air et de l'espace est orienté dans les domaines prioritaires dont notamment le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique et le domaine spatial, qui concentre 264 créations de postes sur la période de la programmation, notamment pour alimenter le commandement de l'espace (CDE), organisme à vocation interarmées créé en 2019 et placé sous l'autorité organique du chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace 16 ( * ) .

Mais il faut relever que 2024 et 2025 représentent 713 créations de poste, soit 45 % de l'augmentation prévue pour toute la LPM . Les rapporteurs seront donc vigilants pour s'assurer que la prochaine programmation intègre une trajectoire cohérente avec les priorités identifiées pour l'armée de l'air et de l'espace en matière d'effectifs.

3. Le format en ressources humaines de la Marine nationale peut être consolidé par la poursuite du redressement des effectifs en cohérence avec les investissements capacitaires qui seront inscrits dans la prochaine loi de programmation militaire

À l'image de l'ensemble des forces armées, la Marine nationale a transformé son modèle de ressources humaines au moment de la suspension de la conscription qui l'a privé d'une ressource représentant 17 906 appelés du contingent en 1996.

La réduction des effectifs engagée dans les années 1990 et prolongée dans les années 2000 a eu pour conséquence de renforcer le recours à l'externalisation ou à l'emploi de civils pour certaines fonctions préalablement assurée par des militaires, dont notamment les fonctions de soutien et le maintien de condition opérationnelle (MCO). C'est également dans ce contexte de déflation que la Marine nationale a fait le choix de développer des unités à équipage optimisé, notamment pour les porte-hélicoptères amphibies (PHA), puis réduits, notamment pour les frégates multimissions (FREMM).

La programmation militaire actuelle a fixé une trajectoire de redressement des effectifs de la Marine nationale. Après mise à jour par les A2PM, la trajectoire actualisée à la fin de l'année 2022 prévoyait un total de 1 088 créations de postes au sein de la Marine nationale sur la période 2019-2025 .

Mais les deux dernières années de la programmation (2024 et 2025) concentrent à elles seules 50 % des créations de postes prévues en sept ans . Les rapporteurs relèvent donc que l'effectivité du redressement des effectifs pendant la programmation actuelle est subordonnée au respect des objectifs ambitieux fixés pour les deux prochaines années.

Enfin la politique de ressources humaines de la Marine nationale se caractérise par le lien direct qui existe entre le format en ressources humaines de la Marine et les investissements consentis pour doter notre flotte militaire de nouveaux bâtiments.

Les ressources humaines de la Marine nationale se caractérisent par leur lien direct avec la trajectoire capacitaire de notre flotte militaire

Il est donc essentiel que la prochaine programmation militaire tire, sur le plan des ressources humaines, toutes les conséquences des choix capacitaires qui seront arrêtés. En particulier, les programmes du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) et du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE-3G) ne pourront être abouti qu'à la condition de constituer les viviers et de générer les compétences nécessaires pour doter les nouvelles capacités de la Marine d'un équipage adapté et dûment formé.

Les rapporteurs seront attentifs à ce que le format en ressources humaines de la Marine nationale soit en cohérence avec sa trajectoire capacitaire, et avec les nouvelles priorités inscrites dans la Revue nationale stratégique de novembre 2022 qui a consacré l'objectif pour la France de disposer, en autonomie, « de capacités permettant de surveiller et de comprendre les actions dans les grands fonds marins » 17 ( * ) .

II. LA PROCHAINE PROGRAMMATION MILITAIRE DEVRA À LA FOIS RÉPONDRE AU DOUBLE DÉFI DE LA FIDÉLISATION ET DE L'ATTRACTIVITÉ POUR LES PERSONNELS D'ACTIVE ET PERMETTRE LA TRANSFORMATION DE LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE

A. LA FIDÉLISATION DES PERSONNELS EST UN ENJEU DÉTERMINANT POUR PERMETTRE AUX ARMÉES DE DISPOSER DES EFFECTIFS ET DES COMPÉTENCES EN ADÉQUATION AVEC LEUR CONTRAT OPÉRATIONNEL

1. Le maintien dans les armées des compétences et des effectifs indispensables repose sur une politique active de fidélisation des militaires

Au-delà du défi chronique que représente le recrutement annuel d'environ 40 000 personnes chaque année par le ministère des armées, l'un des enjeux principaux rencontrés par le ministère consiste à rester attractif aux yeux de ses agents pour assurer la fidélisation des personnels civils et militaires des armées.

Durée moyenne de service pour les militaires sous contrat ayant quitté les forces armées en 2020 et 2021

Source : Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), décembre 2022, Revue annuelle de la condition militaire , 16 e rapport, tableau 56 (p.95)

En effet, outre la rentabilisation du processus de sélection et de recrutement des personnels, la fidélisation des militaires conditionne la constitution des viviers nécessaires pour permettre aux armées de disposer d'un encadrement intermédiaire et supérieur de qualité ou encore de techniciens expérimentés pour former et encadrer les jeunes recrues. Dans cette perspective, les armées portent une attention particulière à leur politique de fidélisation qui se traduit par plusieurs mécanismes ayant notamment pour objet d'assurer le renouvellement des contrats des militaires du rang ou encore de « carriériser » les sous-officiers, c'est-à-dire de faire accéder sur examen ou concours un militaire au statut de carrière. Dans la population des officiers, au sein de laquelle les militaires de carrières sont majoritaires 18 ( * ) , l'enjeu de la fidélisation est également prégnant dans la mesure où un nombre croissant d'officiers de carrière issus des grandes écoles militaires quittent les forces armées, représentant un taux de départ de plus de 15% dix ans après la sortie de l'école 19 ( * ) .

L'efficacité de la politique de fidélisation est suivie par plusieurs indicateurs, dont notamment le taux de renouvellement des emplois primo-contractuel qui est inscrit dans les documents budgétaire comme indicateur de performance 20 ( * ) . Ce taux, qui correspond à la proportion de renouvellements des contrats souhaités par les armées et acceptés par les intéressés, a atteint en 2021 90% dans l'armée de l'air et de l'espace et la Marine nationale et jusqu'à 98% dans l'armée de terre 21 ( * ) . Il témoigne de l'efficacité des instruments mis en place par les armées pour fidéliser leurs personnels militaires contractuels.

La durée moyenne de service des militaires sous contrat constitue un second indicateur de suivi de l'efficacité de la politique de fidélisation qui témoigne des marges de progression dont disposent encore les armées en matière de fidélisation. Dans l'armée de terre, qui concentre le plus grand nombre des militaires du rang avec un effectif 61 394 en 2021 soit 77% de l'ensemble des militaires du rang des armées, la cible d'une durée moyenne effective de 5 ans avait été fixée en 1979, avant la suspension de la conscription. Portée à 6,5 ans au moment de la professionnalisation à la fin des années 1990, l'objectif de durée moyenne de service pour les militaires du rang a été porté depuis à 8 ans. Malgré les taux importants de renouvellement des contrats pour les militaires que l'armée souhaite conserver dans ses rangs, l'objectif de 8 années de durée moyenne de service n'est pas atteint, la durée moyenne de service des militaires du rang de l'armée de terre ayant été en 2021 d'un peu plus de 5 ans.

En tout état de cause, il est à relever que si l'état actuel de la fidélisation dans les forces permet globalement de répondre aux besoins en ressources humaines, le ministère des armées fait face à des évolutions dans le rapport au travail et à l'institution militaire qui sont de nature à porter atteinte à l'objectif de fidélisation dans les années à venir.

En premier lieu, certains militaires font état de ce que le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) a qualifié de « sentiment diffus de déclassement » 22 ( * ) , lié à l'évolution de la perception de la fonction militaire dans la société.

Un nombre croissant de militaires perçoivent leur passage dans les forces armées comme une étape parmi d'autres dans leur parcours professionnel

En second lieu, parmi les militaires, indépendamment de leur grade, l'arrivée de nouvelle génération au sein des forces armées s'est traduite par un nouveau rapport à l'institution et une perception différente de la carrière professionnelle. Sans remettre en cause leur engagement au sein de l'armée, une proportion croissante des militaires envisagent désormais leur passage au sein de l'institution militaire comme une étape de leur parcours professionnel, voire comme un tremplin vers une activité civile plus rémunératrice.

La délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD) du ministère des armées a ainsi établi qu'en 2017, 62% des militaires de carrière interrogés pourraient envisager de quitter l'institution militaire, cette proportion atteignant même 70% pour les militaires ayant 11 à 20 ans d'ancienneté 23 ( * ) . La même étude met en exergue que les risques de départ de l'institution sont concentrés au sein des militaires ayant six à quinze ans d'ancienneté qui sont les plus critiques sur le déroulement de leur carrière.

Cette évolution de la perception des parcours professionnels au sein des armées est illustrée par un phénomène que plusieurs des gestionnaires auditionnés ont relevé de manière concordante et spontanée : le fait que la carriérisation ne constitue plus un objectif pour de nombreux sous-officier sous contrat alors qu'elle était perçue le plus souvent comme un but à atteindre il y a encore quelques années.

2. L'actualisation des grilles indiciaires et la poursuite du plan « famille » constituent deux leviers de fidélisation des personnels des armées

La prochaine programmation militaire devra anticiper les risques qui pèsent actuellement sur la fidélisation des personnels du ministère des armées et prévoir des instruments adéquats pour permettre aux forces de fidéliser les ressources humaines indispensables à la réalisation de leur contrat opérationnel.

En premier lieu, les rapporteurs relèvent à la suite de plusieurs des personnes auditionnées que l'évolution des grilles indiciaires des militaires depuis plusieurs années s'est traduite par un phénomène de tassement qui limite les incitations à la progression et, partant, fragilise la fidélisation des militaires.

Les rapporteurs seront dès lors attentifs à ce que la prochaine programmation fixe un cadre et une trajectoire budgétaire cohérente avec la nécessité d'actualiser les grilles indiciaires pour permettre de préserver le caractère d'escalier social et professionnel des armées.

En second lieu, de nombreux départs des forces armées s'expliquent moins par la volonté de quitter l'institution militaire que par le poids que les sujétions militaires font peser sur la vie personnelle et familiale des militaires. L'exigence de disponibilité et la fréquence des mobilités associées au statut militaire sont un facteur important dont il est impératif de tenir compte dans la politique de fidélisation du ministère des armées. Le taux de mutation avec changement de résidence dans la Marine nationale atteint en 2020 19%, ce qui est largement supérieur à la proportion globale dans la fonction publique civile qui est de 4%. Ces mobilités fréquentes ont des conséquences directes sur la vie familiale des militaires et la Marine nationale estimait en 2017 que le taux de chômage était de 32% pour les conjoints de marins dans l'année qui suit sa mobilité.

taux annuel de mutation avec changement de résidence dans la Marine nationale

taux de chômage pour les conjoints de marin dans l'année qui suit la mobilité

À ce titre, les rapporteurs seront particulièrement attentifs à ce que les efforts entrepris en faveur des familles de militaires dans le cadre du plan « famille », déployé parallèlement à la programmation militaire actuelle, soit poursuivis voire amplifiés pour permettre aux armées de compenser dans la mesure du possible les sujétions liées au statut militaire pour renforcer à la fois l'attractivité des armées et leur capacité à fidéliser leurs personnels.

B. L'ATTRACTIVITÉ DU MINISTÈRE DES ARMÉES DANS SES SECTEURS DE PRIORITÉ EST UN FACTEUR ESSENTIEL POUR PERMETTRE LE RECRUTEMENT DES EFFECTIFS NÉCESSAIRES DANS DES FILIÈRES CIVILES EN TENSION

1. Le ministère des armées est affronté à une forte concurrence sur le marché de l'emploi civil dans les domaines prioritaires du renseignement et de la cyberdéfense

La programmation militaire actuelle 24 ( * ) a consacré le renseignement et de la cyberdéfense comme étant les deux domaines prioritaires en matière d'augmentation des effectifs du ministère des armées, avec un objectif initial de 1 500 créations de postes dans le domaine du renseignement et de 1 123 créations de postes dans le domaine de la cyberdéfense sur l'ensemble de la période couverte par la programmation (2019-2025).

Depuis l'adoption de la programmation militaire, les besoins du ministère en ressources humaines dans ces deux domaines ont été confirmés et même renforcés. D'une part, à l'occasion de A2PM 2021, la cible de créations d'emploi dans le domaine de la cyberdéfense a été augmentée de 772 postes pour atteindre 1 895 emplois supplémentaires sur l'ensemble de la période. D'autre part, l'évolution du contexte stratégique décrit dans la Revue nationale stratégique de novembre 2022 a confirmé les besoins croissants des forces armées dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense, comme en témoigne l'annonce faite par le Président de la République en janvier 2023 d'une augmentation de 60% des crédits dédiés au renseignement au cours de la prochaine programmation militaire 25 ( * ) .

Créations de postes entre 2023 et 2025 prévues par la programmation actuelle

Créations de postes dans le domaine cyber

Créations de postes dans le domaine du renseignement

Dans le secteur du renseignement, les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont connu une évolution inverse à celle de l'ensemble du ministère des armées avec une augmentation de plus de 50% depuis 1997, pour atteindre 5 955 équivalents temps plein en 2022. Cette trajectoire de croissance des effectifs correspond donc à une tendance de long terme confirmée pendant les dix dernières années, avec une croissance de 19% sur la seule période 2012-2022.

Le maintien d'une trajectoire de croissance soutenue des effectifs pendant la prochaine programmation militaire impliquera un effort conséquent des services concernés pour attirer et fidéliser des compétences rares et recherchées notamment dans les domaines du numérique et de la cryptologie, le principal enjeu pour les armées étant de réussir à maintenir dans leur rang ces ressources rares dont les compétences sont valorisables dans le secteur privé.

Dans le secteur de la cybersécurité, le ministère des armées a identifié cinq domaines 26 ( * ) constitutifs d'un « périmètre RH cyber » qui représente un effectif de 4 108 emplois en 2022. Alors que le rythme des recrutements dans les domaines cyber s'est accéléré depuis le début de la programmation militaire, le ministère des armées, qui a créé en son sein un bureau « appui au recrutement cyber » (BARC) rattaché au commandement de la cyberdéfense (COMCYBER), est affronté à la très forte pression concurrentielle qui s'exerce sur le marché de l'emploi pour recruter des effectifs dans le domaine des systèmes d'information et de communication (SIC) en général et dans la filière de la cyberdéfense en particulier.

Si le ministère des armées dispose d'avantages comparatifs dans le secteur cyber, en particulier la variété des domaines d'intervention dont certains sont sans équivalent dans la sphère privée en matière de lutte informatique offensive (LIO) et de lutte informatique d'influence (L2I), le niveau des rémunération proposé par le secteur privé et le manque de lisibilité des carrières se traduisent par une difficulté pour les forces armées de fidéliser les personnels du périmètre cyber.

2. Le développement de la formation initiale au sein des armées et la valorisation des compétences les plus recherchées sont des vecteurs de consolidation des recrutements dans les secteurs prioritaires du ministère

Les trois forces armées ont développé des formations initiales dans le domaine cyber. Parmi les filières récemment mises en place, l'armée de terre a notamment créé en 2017 au sein du lycée militaire de Saint-Cyr-l'École, un brevet de technicien supérieur (BTS) « cyber » dont la capacité sera doublée à la rentrée 2023, en passant d'une à deux classes de 35 élèves.

La trajectoire inscrite dans la prochaine programmation militaire devra permettre de développer ces formations initiales dans le domaine cyber et la montée en puissance du mécanisme de l'allocation financière spécifique de formation (AFSF) qui permet de financer par une bourse les études d'élèves qui s'engagent à rejoindre l'armée à l'issue de leur formation.

En second lieu, les rapporteurs soulignent le risque réel de décrochage des rémunérations des personnels du ministère vis-à-vis du secteur privé , en particulier dans le domaine cyber pour lequel le marché de l'emploi civil est lui-même en tension. Pour les personnels militaires, la création au 4 e trimestre 2023 de la prime de compétences spécifiques des militaires (PCSMIL) dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) devra tenir compte de cette situation pour renforcer l'attractivité du ministère dans ses domaines de priorité. Pour les personnels civils, les rapporteurs relèvent qu'un des leviers pour renforcer la fidélisation des personnels contractuels dans le domaine du renseignement, notamment au sein de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), est de prévoir une trajectoire financière permettant une revalorisation annuelle de la rémunération de ces personnels de nature à limiter l'écart avec le secteur privé.

C. LE SUCCÈS DE LA TRANSFORMATION DES RÉSERVES OPÉRATIONNELLES ANNONCÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SUPPOSE LE DÉPLOIEMENT DE MOYENS EN COHÉRENCE AVEC LES AMBITIONS AFFICHÉES

1. Le doublement des effectifs de la réserve opérationnelle d'emploi s'inscrit dans un projet global de transformation des réserves pour les rendre plus lisibles et plus accessibles

Dans son discours aux armées du 13 juillet 2022, le Président de la République a annoncé un objectif de « doublement du volume des réserves opérationnelles des armées » 27 ( * ) , qui a été confirmé devant la commission par le ministre des armées.

Alors que la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1), ou réserve d'emploi, réunissait au 31 décembre 2021 un effectif total de 39 474 réservistes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve (ESR), la trajectoire annoncée par le Président de la République porterait donc à 80 000 l'effectif des réserves opérationnelles à horizon 2030.

Selon l'état-major des armées, cet objectif de doublement en volume serait réalisé sans préjudice de la durée d'emploi annuelle moyenne qui est en 2022 de 37 jours par réserviste, conformément à l'objectif fixé par la programmation militaire actuelle 28 ( * ) . Par conséquent, le doublement en volume des réserves ne saurait être financé par une réduction de la durée d'emploi des réservistes actuellement engagés dans la réserve. Parallèlement, ce doublement du volume de la réserve aura pour conséquence de doubler la contribution des réservistes au ministère des armées, qui passera de 4 000 équivalents temps plein (ETP) par jour en moyenne dans la situation actuelle à 8 000 à la fin de la prochaine programmation militaire.

Le projet de transformation des réserves annoncé par le Gouvernement doit permettre à chaque Français de participer à la protection de la Nation

Par surcroît, le ministre des armées, qui a déclaré en octobre 2022 que « contribuer à la défense de son pays doit devenir un droit » 29 ( * ) , a annoncé une transformation plus large du modèle des réserves ayant pour objectif de renforcer l'attractivité de la réserve et la fidélisation des réservistes, en assouplissant notamment les critères d'admissibilité physique et de santé.

Les rapporteurs relèvent dès lors que la constitution d'une réserve plus accessible et plus lisible pour les citoyens suppose une réforme et une fluidification des processus de recrutement et de gestion des réservistes, dont la complexité constitue un frein à l'engagement et au maintien dans la réserve de certains réservistes.

Les rapporteurs rappellent à cet égard que, dans un rapport en date de juillet 2016, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées préconisait de territorialiser la gestion de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) 30 ( * ) . Une telle gestion territorialisée permettrait à la fois de renforcer la présence militaire dans les zones devenues des « déserts militaires » et de renforcer l'attractivité de la réserve en renforçant la proximité entre le lieu d'emploi des réservistes opérationnels et leur lieu de résidence.

2. Le succès de la transformation du modèle de réserve des armées suppose que la prochaine programmation militaire prévoit une enveloppe budgétaire à la hauteur des objectifs annoncés

En premier lieu, les rapporteurs relèvent que la prochaine programmation militaire devra prévoir les conséquences budgétaires de la trajectoire de recrutement de nouveaux réservistes, en particulier en matière de dépenses de personnel.

À ce titre, alors que la durée d'emploi annuelle moyenne devrait rester stable, le doublement en volume de la réserve opérationnelle se traduira notamment par le doublement à terme des crédits de dépenses de personnel dédiés aux réservistes opérationnels d'emploi, qui s'élèvent à 185 M€ en 2023.

L'état-major des armées insiste sur la complémentarité entre les emplois des militaires de réserves et les emplois des militaires d'active. Par suite, la croissance en volume de la réserve opérationnelle n'entraînera aucun effet de substitution. À l'inverse, la gestion des 80 000 réservistes opérationnels à horizon 2030 se traduira par un besoin de recrutement estimé à 1 000 militaires d'active sur l'ensemble de la période .

En second lieu, la mise en oeuvre de la transformation annoncée du modèle de réserve suppose de prévoir des dépenses supplémentaires notamment pour équiper et former les réservistes opérationnels de premier niveau. La modernisation du processus de recrutement et de gestion annoncée pour permettre de renforcer l'accessibilité de la réserve impliquera également des dépenses dont l'intégration à la prochaine programmation militaire est une condition du succès du projet de transformation de la réserve opérationnelle annoncé par le Président de la République.

Trajectoire d'augmentation des moyens dédiés à la réserve opérationnelle pour tenir les objectifs fixés par le Président de la République pour la période 2024-2030

Recrutements de militaires d'active sur la période

De crédits budgétaires chaque année à la fin de la période

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 mars 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information du groupe de travail sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », dans la perspective de la loi de programmation militaire ? (M. Joël Guerriau et Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteurs).

M. Christian Cambon, président . - Nous examinons ce matin les conclusions de nos rapporteurs du groupe de travail sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » dans la perspective de la loi de programmation militaire (LPM).

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Dans l'attente de l'examen du projet de LPM 2024-2030, qui devrait être présenté en conseil des ministres dans les prochaines semaines, nous avons mené un cycle d'auditions préparatoires sur le modèle de ressources humaines du ministère des armées.

Notre groupe de travail a ainsi entendu les directeurs des ressources humaines de chacune des forces armées ainsi que des principales formations rattachées pour faire un point sur leurs effectifs actuels et sur leurs priorités pour les années à venir.

J'aimerais insister sur le caractère central des ressources humaines pour les armées. La guerre en Ukraine a remis en lumière l'importance de la force morale des militaires qui composent une armée. Les orientations prises, tant sur le nombre de militaires dans nos forces que sur leurs conditions de vie, se doivent d'être en cohérence avec notre modèle d'armée.

J'insiste sur l'importance des choix budgétaires de la prochaine LPM en matière d'effectifs des forces armées. Ils auront des conséquences structurelles et des répercussions dans chaque unité de nos forces et contribueront à déterminer, en définitive, la crédibilité de nos choix stratégiques.

Dans son discours aux armées du 20 janvier dernier, le président Macron affirmait que notre plus grand risque serait de ne pas nous donner les moyens de nos ambitions. Je souligne que ce jugement vaut aussi pour le format en ressources humaines de nos armées.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - J'aimerais revenir sur les vingt-cinq années qui nous séparent de la décision, prise en 1996 par le président Jacques Chirac, de suspendre la conscription, décision suivie par la loi de programmation militaire qui a organisé la transition vers une armée de métier.

Cette décision, jamais remise en cause depuis, continue d'avoir des répercussions majeures sur notre modèle d'armée. Elle est le symbole des décennies 1990 et 2000. La dissolution du Pacte de Varsovie a fait naître dans l'opinion publique comme dans l'esprit des décideurs, durant cette période, l'idée d'une fin de l'Histoire. Il était temps de bénéficier, selon l'expression consacrée, des dividendes de la paix, ce qui a justifié la réduction de nos investissements de défense.

Mais les temps ont changé : le président Emmanuel Macron parle désormais d'un « retour tragique de l'Histoire » et a annoncé un projet de LPM 2024-2030 ayant pour objet de nous préparer à la haute intensité. Or, en vingt-cinq ans, ce ne sont pas une, mais deux vagues de réduction brutale des effectifs auxquelles les militaires ont dû faire face.

La première, liée à la fin de la conscription, a supprimé 137 000 postes dans les armées en seulement cinq ans soit 25 % des effectifs. L'armée de terre a été la plus touchée par cette première vague.

La seconde a résulté de la révision générale des politiques publiques (RGPP) du président Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012. Les responsables des ressources humaines militaires nous ont tous indiqué qu'elle continuait d'avoir des effets dix ans après la fin de sa mise en oeuvre. La RGPP a supprimé 34 000 postes en cinq ans.

Ensuite, l'année 2015, durant laquelle la France a été endeuillée, à plusieurs reprises, par les attentats terroristes perpétrés sur notre territoire, marque le point d'inflexion de la trajectoire des effectifs de nos armées. Dès lors, un coup d'arrêt a été mis à la réduction des effectifs des armées par le Président François Hollande.

Il a eu lieu en deux temps : d'abord un redressement progressif des effectifs, jusqu'en 2018, qui a été prolongé par la LPM 2019-2025, avec la création de 6 000 équivalents temps plein (ETP) prévue. Il faut cependant souligner ces créations sont sans commune mesure avec l'amplitude des suppressions décidées durant vingt ans.

Ainsi, si nous avons bien créé 8 000 postes dans les sept années qui nous séparent de l'inversion de la courbe en 2015, ils sont loin de compenser les 52 000 postes supprimés dans les sept années précédentes. Restons donc conscients que nos forces armées comptent moins de militaires aujourd'hui qu'il y a dix ans.

En dépit des annonces récurrentes - réparation, remontée en puissance des effectifs de nos forces armées -, la trajectoire de redressement est moins rapide que ne l'était celle des suppressions de postes. Par conséquent, les choix que nous inscrirons dans la prochaine LPM seront déterminants.

En effet, il est impossible de dissocier les effectifs des objectifs opérationnels pour affronter les conflits de demain. Le nombre de militaires comme leurs qualifications relèvent du modèle d'armée que nous voulons pour notre pays, au même titre que les matériels et les armes.

Si les réductions brutales d'effectifs que je viens d'évoquer étaient cohérentes avec notre stratégie de l'époque d'un « modèle expéditionnaire » d'armée concentré sur les opérations extérieures (Opex), la revue nationale stratégique (RNS) de novembre dernier développe l'ambition d'un nouveau modèle, avec comme objectif exprès d'être en mesure de nous engager dans un conflit de haute intensité.

Il conviendra d'en tirer toutes les conséquences sur le plan des ressources humaines, reflet de nos choix stratégiques de fond. Ainsi, les retours d'expérience des guerres de haute intensité dans notre voisinage prouvent que ce type de conflit est particulièrement meurtrier.

Par exemple, en moins de deux mois, et particulièrement dans ses premiers jours, la guerre du Haut-Karabagh a fait entre 6 000 et 10 000 morts - je vous renvoie au rapport que nous avons présenté il y a quelque temps avec Olivier Cigolotti. En Ukraine, le nombre de victimes estimées pendant la première année du conflit est d'environ 100 000 dans chaque camp.

Certes, la situation de la France n'est pas comparable au regard de la dissuasion nucléaire. Cependant, dans la mesure où nous nous sommes fixé comme objectif d'être préparés à la haute intensité, nous devons disposer des moyens à la hauteur. En effet, selon la formule récemment employée par Jean-Marc Todeschini et Cédric Perrin, nos forces de dissuasion nucléaire ne doivent pas devenir notre « nouvelle ligne Maginot ».

Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que la future LPM, annoncée comme une loi de transformation des armées, en tire toutes les conséquences dans tous les domaines, particulièrement en termes d'effectifs.

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Dans la deuxième partie de ce rapport, nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux deux principaux défis que rencontre le modèle de ressources humaines de nos armées.

Je vais d'abord évoquer le recrutement des compétences de pointe, dont l'attraction reste le premier défi rencontré par nos forces armées. Cette difficulté se pose de manière particulièrement aiguë dans le renseignement et la cybersécurité, alors que ces deux secteurs font partie des priorités identifiées par la programmation militaire actuelle. Ils ont vocation à être renforcés par la future loi de programmation militaire.

Sans tenir compte d'une éventuelle accélération à venir, la trajectoire actuelle du ministère prévoit d'ores et déjà la création, entre 2023 et 2025, de 900 postes supplémentaires dans le domaine du renseignement et de 1 200 postes dans le domaine de la cyberdéfense.

Les annonces récentes du Président de la République sur l'augmentation de 60 % des crédits consacrés au renseignement. Le doublement du budget de la direction du renseignement militaire (DRM) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) confirme le fait que le renseignement demeurera un domaine prioritaire de recrutement dans les années à venir.

Or, le ministère des armées est affronté, dans ces domaines, à la forte pression concurrentielle qui s'exerce sur le marché de l'emploi. Dans un contexte de réduction du chômage particulièrement significatif dans ces filières à haute valeur ajoutée, l'attractivité du ministère en tant qu'employeur devient un enjeu stratégique pour pourvoir aux besoins identifiés en matière de ressources humaines.

Pour répondre à ce défi du recrutement des compétences de pointe, nous identifions deux leviers qui doivent être intégrés à la prochaine LPM.

En premier lieu, il faut accélérer le développement de la formation militaire spécifique à la cyberdéfense. Le succès du BTS cyber, créé par l'armée de terre au lycée militaire de Saint-Cyr-l'École, pourrait servir de modèle à l'ensemble des forces armées.

En second lieu, nous serons attentifs à ce que la partie indemnitaire de la rémunération des militaires, qui comportera dès la fin de cette année la prime de compétences spécifiques militaires (PCSMIL) soit adaptée aux enjeux de recrutement du ministère et en particulier à la concurrence du secteur privé pour attirer les compétences de pointe, notamment en matière de rémunération.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - Le deuxième défi structurel auquel font face les armées est celui de la fidélisation.

Alors que le recrutement annuel de plus de 40 000 personnels est nécessaire pour répondre à l'impératif de jeunesse des troupes, les forces armées doivent faire face à un phénomène général, qui n'est pas propre au secteur militaire, lié à l'évolution du marché du travail et, plus largement, aux réalités sociales. En effet, les responsables militaires auditionnés constatent tous une évolution dans le rapport des jeunes recrues à l'institution.

En effet, pendant longtemps, l'écrasante majorité des officiers et des sous-officiers voyaient comme une évidence de réaliser l'ensemble de leur parcours professionnel au sein de l'armée. Ce n'est plus le cas ! Un nombre croissant de militaires perçoivent désormais leur passage par les armées comme une étape parmi d'autres dans leur parcours professionnel. Ainsi, l'objectif d'une durée moyenne de service de huit ans pour les militaires du rang de l'armée de terre n'est pas atteint.

Cette évolution a des conséquentes déstabilisantes pour le ministère, qui doit perpétuellement renouveler la formation de ses recrues et dispose de moins en moins de personnels expérimentés pour ce faire.

C'est pourquoi la prochaine programmation militaire devra notamment tenir compte de deux leviers. Le premier est la politique de rémunération indiciaire. En effet, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), dont nous avions parlé lors de l'examen de notre avis sur le dernier projet de loi de finances, ne concerne que le volet indemnitaire de la rémunération. La réforme donc n'a visé que la simplification des primes, et non l'évolution de la solde, pourtant fondamentale ! Il s'agit d'être mieux payé. Plusieurs des militaires auditionnés nous ont confirmé que le tassement des grilles indiciaires réduisait considérablement l'incitation financière à monter en grade dans certaines armées.

En second lieu, alors que les forces armées continuent à attirer grâce à leur réputation et à l'intérêt de leur métier, un des principaux obstacles à la fidélisation réside dans la charge que représente les sujétions liées à la condition militaire.

C'est pourquoi il est essentiel que la prochaine programmation militaire prévoie les moyens nécessaires à la poursuite de la mise en place du plan famille, une réelle avancée. Alors que les enquêtes récentes sur le travail témoignent de l'importance croissante accordée à l'équilibre entre vies personnelle et professionnelle, la capacité des armées à fidéliser leurs personnels passe par une amélioration des conditions de vie du militaire et de sa famille. Ainsi, il y a 32 % de chômeurs, essentiellement des chômeuses, parmi les conjoints de marins dans l'année qui suit une mutation géographique. Le ministre a affirmé qu'il fera évoluer ce plan famille : nous y veillerons.

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Pour terminer, j'aimerais évoquer la question de la transformation de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1), c'est-à-dire de la réserve d'emploi composée de volontaires ayant signé un engagement à servir dans la réserve (ESR).

Les espoirs suscités par l'annonce du doublement du volume de la réserve opérationnelle par le Président de la République l'été dernier sont réels. Ils ont encore été renforcés par les déclarations du ministre Lecornu en fin d'année dernière, qui a évoqué un « droit à contribuer à la défense de son pays » pour l'ensemble des citoyens qui le souhaitent.

Cette transformation du modèle de la réserve opérationnelle devra être accompagnée d'une campagne massive de recrutement de réservistes volontaires, prolongée sur plusieurs années. Elle aura des conséquences directes, sur les plans opérationnel, logistique et financier, pour l'ensemble du ministère.

Nos interlocuteurs dans les forces armées ont insisté sur le fait que la croissance du nombre de réservistes annoncée par le pouvoir exécutif ne remet nullement en cause sa complémentarité avec les militaires d'active. Par conséquent, le projet de doublement des réserves, qui renforcera la résilience nationale en diffusant l'esprit de défense, devra être accompagné d'une enveloppe budgétaire en cohérence avec les objectifs affichés.

Alors que le coût annuel de la réserve est aujourd'hui estimé à environ 200 millions d'euros, la mise en oeuvre de la transformation envisagée devra s'appuyer sur une montée en puissance au moins équivalente des moyens engagés. À titre d'exemple, on estime que 1 000 postes de militaires d'active devront être créés pour gérer les 40 000 nouveaux réservistes recrutés pendant la période de programmation.

Les réformes envisagées ne trouveront leur pleine portée qu'à la condition d'être accompagnées par une trajectoire budgétaire croissante, qui doit impérativement être anticipée par la prochaine LPM. De ce point de vue, la question des réserves rejoint celle, plus générale, du format en ressources humaines des armées.

Alors que les annonces récentes semblent répondre aux attentes des forces armées, nous serons attentifs à ce que le projet de programmation du Gouvernement soit pleinement en cohérence avec nos ambitions stratégiques.

M. Christian Cambon, président . - La trajectoire des effectifs est éloquente. On peut même craindre que, sans les attentats, nous aurions poursuivi indéfiniment cette réduction des effectifs.

La fidélisation est également cruciale. Quant à la réserve, le principe d'un réserviste pour deux actifs est bel et bon, mais il faudra en voir l'application : avec quels crédits, et pour quelles missions ?

M. Cédric Perrin . - Au cours de notre récent déplacement à Brest, l'amiral commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique (Alfost) n'a cessé de nous le rappeler : « la question du matériel est, évidemment, fondamentale, mais celle des hommes est encore plus importante. Ne l'oubliez pas. » La perte observée, en quelques années, est affligeante.

M. Pascal Allizard . - Je souscris à la remarque de Cédric Perrin. Votre travail éclaire opportunément le sujet.

Vous avez mentionné la RGPP. Je suis passé par l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) en 2008. À l'époque, face à la Russie, nous étions dans la fin de l'Histoire. Au-delà de l'aspect budgétaire, interrogeons-nous sur notre manière collective de travailler et de réfléchir : la naïveté n'est pas permise sur ces sujets.

Nous avons évoqué la taxonomie avec le président d'Arquus ce matin : derrière elle se cachent des représentants d'intérêt, essentiellement à Bruxelles, qui nous nuisent directement, et qui sont financés par des puissances, supposément amies ou non - je rappelle que « Les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts » selon le général de Gaulle. Nous sommes, là aussi, victimes de notre naïveté. Le problème n'est pas que celui du budget : il s'agit de la conception de l'évolution du monde et de notre relation avec nos partenaires, qui peut se dégrader en raison d'intérêts divergents.

On ne se réarme pas en quelques mois, ni pour les matériels ni, a fortiori , pour l'humain. Il faudra faire passer des messages forts avec la LPM.

M. Alain Joyandet . - Je reviens sur les familles. Combien de militaires sont logés par le ministère ? Je pense aux gendarmes, pour les familles desquels les conditions de logement sont parfois un obstacle.

Sur la baisse, puis la remontée des effectifs, cela ne correspond-il pas à une profonde mutation de nos armées ? Ce « coup d'accordéon », après la suspension de la conscription, n'était-il pas nécessaire ? Les profils partis en 2008 et en 2010 sont bien différents de ceux dont on a besoin aujourd'hui, et il y avait des sureffectifs dans certains endroits. Il est parfois plus facile de trouver un jeune avec une nouvelle formation que de reformer un ancien. Certes, nous manquons sans doute d'effectifs, mais ceux dont nous aurons besoin ne sont pas les mêmes que ceux qu'on a laissés partir à l'époque sans les remplacer.

Mme Gisèle Jourda . - Avec Jean-Marie Bockel, nous avions commis un rapport mettant en avant le maillage territorial et le suivi des réservistes. Joël Guerriau a indiqué que le recrutement prévu risquait de dépasser les capacités d'encadrement, et nos recommandations sur l'intéressement des réservistes par la rémunération avaient été suivies d'effet. Ce qui ne l'a pas été, c'est le maillage territorial : on a bien souvent du mal à suivre les réservistes opérationnels de niveau 2 (RO2), anciens militaires, à la sortie de leur unité. Ce sujet mérite notre vigilance.

Par ailleurs, un autre phénomène passe souvent inaperçu. Il y a deux régiments dans l'Aude : le quatrième régiment étranger (4 e RE) et le troisième régiment de parachutistes d'infanterie de marine (3 e RPIMa). Leurs chefs sont aussi les délégués militaires du département. Or, dans un régiment opérationnel, on ne peut à la fois être déployé en OPEX et être à la tête de la délégation militaire du département.

Pour les familles, la fidélisation est cruciale pour les femmes, mais il ne s'agit pas que des épouses de militaires : je pense aussi aux femmes militaires et à la féminisation des effectifs. Le plan famille est une manière d'aider toutes les familles de militaires, quelle que soit leur configuration.

Enfin, vous n'avez pas évoqué les cadets de la défense, parfois affaiblis pour des raisons budgétaires. Ils sont pourtant un levier considérable pour amener les jeunes vers nos armées, dans le cadre du lien armée-Nation.

M. Christian Cambon, président . - Je rappelle que le rapport est enrichi par ces diverses observations intéressantes.

M. Pierre Laurent . - Au-delà de la question de la réserve, très importante, le lien armée-Nation concerne aussi le service national universel (SNU). On lit beaucoup de choses sur une éventuelle dimension défense du SNU, qui s'adresserait aux lycéens et durerait quinze jours, pris sur le temps scolaire. Avez-vous davantage d'informations ? Les militaires en parlent-ils ?

Je comprends que cette question est débattue par plusieurs commissions ; mais s'il y a un lien avec la défense, comment sommes-nous informés sur ce sujet ?

M. Rachid Temal . - Le plan famille est essentiel, tout comme le sujet du SNU, qui concerne le lien entre l'armée, la nation et la jeunesse. À un moment, nous risquons de payer le fait que le ministre a refusé des discussions stratégiques, qui auraient pu prendre la forme d'un livre blanc. C'est surprenant : nous allons engager des réflexions, en silo, sans vision globale ni cohérence. Or c'est bien la question, comme M. Allizard l'évoquait en mentionnant la fin de l'Histoire.

Une telle stratégie est indispensable : depuis la dernière loi de programmation, des événements essentiels ont eu lieu, avec un membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, disposant de la bombe nucléaire, qui a déclenché une guerre en Europe - personne ne pouvait l'imaginer -, ou encore avec les évolutions en Afrique ou dans l'Indopacifique.

Le ministre nous dit qu'il ne veut pas de Livre blanc, parce que cela ne servait à rien auparavant. Mais ce n'est pas un argument de fond. Il indique qu'il ne peut rien annoncer, car cela dépend du Président de la République. Une campagne est savamment instaurée dans les médias, mais à la fin il y a des problèmes de financement... Et le projet de loi arrivera le 4 avril ! On ne peut pas à la fois dire qu'il faut restaurer l'armée, lui donner des moyens, se préparer à l'avenir, et agir ainsi.

Par ailleurs, je ne sais pas ce qu'est une guerre de haute intensité, parce que je ne sais pas ce qu'est une guerre de basse intensité. En inventant des concepts qui ne veulent plus rien dire, on risque de perdre nos concitoyens. Une guerre, c'est une guerre : il y a des morts ; la déclencher ou non, mettre en danger ou non les militaires sur le théâtre des opérations, cela relève de la responsabilité du chef de l'État. Ce concept de haute intensité ne veut rien dire : on ne joue pas à un jeu vidéo ! Cette loi de programmation militaire dépend du fait que, plus que jamais, l'engagement de la France dans un conflit militaire est désormais possible. Comment faire pour que l'armée et le pays puissent tenir ? Voilà la vraie question ! Si le ministre pouvait répondre à ces questions lors de son audition, ce serait bien...

Mme Vivette Lopez . - Les difficultés en matière d'attractivité n'ont-elles pas été renforcées par la fin du service militaire, qui pouvait peut-être déclencher des vocations ? Je rejoins les propos de M. Joyandet concernant le plan famille et les logements, parfois vétustes. Et je partage également la position de M. Temal : les mots sont parfois incompréhensibles.

M. Joël Guerriau, rapporteur . - Nous vous remercions pour ces apports.

Tout d'abord, Alain Joyandet parlait des baisses d'effectifs par accordéon. La fin de la guerre froide a conduit à la transformation de nos modèles militaires : nous avons construit une armée dont le modèle était celui de l'intervention extérieure. Nous pensions ne pas être menacés par un conflit armé, la guerre ne se faisait pas en Europe, ce qui justifiait une baisse d'effectifs. Cela rejoint les propos de Vivette Lopez : sans service militaire, avec une armée de métier, il y a moins besoin d'encadrants. Or le projet de réserve opérationnelle et l'ambition de 40 000 réservistes, qui devront recevoir une formation permanente, demandent davantage d'encadrants.

L'arrêt du service militaire a permis de baisser le nombre d'encadrants, l'armée a été moins sollicitée du fait de la fin de la guerre froide, et les opérations extérieures ont demandé de moindres effectifs. Ces questions sont désormais totalement remises à plat par la guerre en Ukraine : la notion de défense est bien plus forte et prégnante.

Qu'entend-on par la notion de guerre de haute intensité ? Il s'agit d'une guerre avec des moyens d'une haute densité technologique, avec des savoir-faire et des profils tout à fait différents de ceux qu'on a connus dans le passé. D'où nos besoins de formation dans de nombreux domaines, comme le renseignement ou le pilotage de drones - de nombreux sous-officiers passent des brevets supérieurs de pilotage de drones, car il faut se préparer à cette nouvelle forme de guerre -, parfois en concurrence avec le civil, comme la cyberdéfense. Nous tombons alors dans la problématique de la comparaison des rémunérations : dans l'armée, elle est liée au grade, ce qui pose problème, car un jeune n'ayant pas atteint le grade suffisant ne peut pas bénéficier d'une rémunération comparable à celle qu'il toucherait dans le privé.

Je rebondis sur les propos de M. Allizard, rappelant les mots du général de Gaulle, selon qui les pays n'ont pas d'amis, mais que des intérêts. Nous en avons une illustration avec l'affaire des sous-marins australiens, qui montre combien nous devons être en mesure de nous défendre par nous-mêmes, sans forcément nos meilleurs alliés...

Le projet du SNU, conduit par le secrétariat d'État en charge de la jeunesse, portait sur 800 000 jeunes d'une classe d'âge. La secrétaire d'État souhaitait que ce sujet soit mis à l'ordre du jour, mais les choses ne semblent pas évoluer en ce sens... L'idée ne concerne pas tant l'armée que la citoyenneté. À l'issue du SNU, les jeunes peuvent choisir de s'orienter vers un engagement public, mais pas nécessairement vers l'armée. Ils peuvent notamment rejoindre la réserve.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - Nous avions publié un rapport sur les logements des militaires, dans une situation presque aussi catastrophique que ceux de la gendarmerie. À ce stade, il y a 42 000 logements et 44 000 hébergements pour le ministère des armées. Depuis quelques années, l'armée fait l'effort de ne plus vendre son patrimoine et de l'utiliser. Nous suivrons cette question, qui est en rapport avec le plan famille.

Les militaires ne nous ont pas parlé du SNU, qui est un sujet très important, d'autant que le temps pourrait être pris sur le temps scolaire. Nous avons des réserves, mais nous les émettrons lorsque le projet nous sera présenté.

Effectivement, la situation géopolitique a changé. Avec ce rapport, nous avons voulu lancer une alerte. Le graphique illustrant l'évolution des effectifs traduit des choix : dans l'armée de terre, la suppression de la conscription a provoqué la dissolution de 51 régiments, la fermeture de 218 établissements. Après la RGPP, il y a eu un départ massif des cadres expérimentés. Bien sûr, les métiers ont changé, le cyber ou les drones n'existaient pas à l'époque. Mais quand même, nous avons démuni les armées à ce moment, peut-être avec de bonnes raisons, et nous en subissons les conséquences.

Dans la marine, dans les années 1990 et 2000, on a désarmé une vingtaine de navires. Voilà la conséquence de la réduction des effectifs.

Quant à l'armée de l'air, c'est la même chose : 13 bases aériennes fermées en métropole et 4 en outre-mer, sur les 42 qui existaient. C'est énorme ! Le nombre d'états-majors et de directions est passé de 14 à 6. Les répercussions sur la structure profonde de nos armées ont été terribles. Dans l'armée de l'air, 30 % des postes assurant la sécurité et la protection des bases aériennes ont été supprimés, ainsi que 4 000 postes de mécaniciens aéronautiques, et que 600 postes de recruteurs et de formateurs.

Les guerres de haute intensité sont des guerres aux moyens technologiques puissants, mais ce sont aussi, malheureusement, des guerres très consommatrices d'hommes - excusez l'expression. Nous avons voulu sonner l'alerte : la géopolitique a changé, et il faut un autre état d'esprit. Il va falloir être très cohérents sur les effectifs pour proposer une autre forme d'armée : ces hommes et ces femmes sont très importants.

M. Jean-Marc Todeschini . - Il me semble qu'il ne faut pas faire de confusion entre la fin de la conscription - le président Chirac a eu raison, à l'époque, tout comme le gouvernement Jospin - et les conséquences de la RGPP pour la défense. Avez-vous rencontré des militaires regrettant la fin de la conscription ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - Nous ne faisons pas cette confusion. Il y a eu deux états d'esprit différents. Le président Chirac avait raison : le service militaire n'était plus adapté, et les jeunes n'en voulaient plus. La RGPP concernait non seulement la défense, mais tous les services publics. Au bout du bout, nous en sommes à ces résultats. Les militaires ne nous ont jamais dit regretter la fin de la conscription, mais ont signalé qu'ils continuaient à en subir les effets et à en assumer les conséquences, au niveau de la structure des armées et de la qualification des cadres. On a pris tardivement conscience qu'il fallait réagir en 2015, à cause des attentats...

M. Jean-Marc Todeschini . - M. Allizard l'a indiqué, la faute stratégique était de dire qu'il n'y avait plus d'ennemi à l'Est.

M. Christian Cambon, président . - Ceux qui ont fait leur service sont de cet avis : cela coûtait très cher avec une utilité limitée. C'est pour cela que le lien armée-Nation doit être repensé.

Nous remercions nos deux rapporteurs pour ce rapport qui témoigne du travail approfondi du Sénat pour la préparation de la LPM.

La commission adopte le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

M. Christian Cambon, président. - Je propose d'auditionner le ministre à deux reprises, une première fois au sortir du conseil des ministres pour qu'il nous présente le texte, et une seconde fois après l'examen du texte à l'Assemblée nationale, pour nous présenter le texte que nous étudierons.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Lundi 16 janvier 2023

- Le général Marc Conruyt , directeur des ressources humaines de l'armée de terre ;

- Le général Bruno Gardy , délégué interarmées aux réserves (DIAR).

Mardi 31 janvier 2023

- Général Manuel Alvarez , directeur des ressources humaines de l'armée de l'air et de l'espace.

Lundi 13 février 2023

- IGA Thierry Carlier , directeur général adjoint de la direction générale de l'armement (DGA) et IGHCA Benoît Laurensou , directeur des ressources humaines de la direction générale de l'armement (DGA) ;

- VAE Éric Janicot , directeur du personnel militaire de la Marine (DPMM).

Contribution écrite

- direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).


* 1 Conseil de défense du 23 février 1996

* 2 v. L. du 21 mars 1905 modifiant la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée et réduisant à deux ans la durée du service dans l'armée active

* 3 v. L. n°96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002

* 4 cf. Sénat, 22 novembre 2001, n°87 (2001-2002), commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, rapport sur le projet de loi de finances pour 2002, annexe n°43, « Défense », au rapport de M. François Trucy

* 5 v. L. n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale

* 6 v. L. n°2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense

* 7 v. L. n°2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

* 8 La loi de finances pour 2023 fixe des plafonds d'autorisation d'emplois respectivement de 92 753 ETPT et 9 111 ETPT pour les ministères de la justice et de la culture.

* 9 Pour une discussion critique de cette expression, cf. J.B. Jeangène Vilmer, « La haute intensité : limites du concept et implications pour la France », Le Rubicon, 30 juin 2022

* 10 Cf. Brennus 4.0, Lettre d'information du centre de doctrine et d'enseignement du commandement de l'armée de terre, n°8, août 2020

* 11 Cf. Sénat, 7 juillet 2021, n°754 (2020-2021), commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport d'information Haut-Karabagh : dix enseignements d'un conflit qui nous concerne, au rapport de M. Olivier Cigolotti et Mme Marie-Arlette Carlotti, p. 66

* 12 Cf. Sénat, 8 février 2023, n°334 (2022-2023), commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport d'information Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ?, au rapport de MM. Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini, p. 36

* 13 Cf. Revue nationale stratégique, novembre 2022, § 192

* 14 Cf. Sénat, 8 février 2023, n°334 (2022-2023), commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport d'information Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ?, au rapport de MM. Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini, p. 19

* 15 v. Ord. n°2021-860 du 30 juin 2021 portant changement d'appellation de l'armée de l'air

* 16 v. arrêté du 3 septembre 2019 portant création et organisation du commandement de l'espace

* 17 Cf. Revue nationale stratégique, novembre 2022, § 198

* 18 Les officiers de carrière représentent 74% des officiers dans l'armée de terre, 61% des officiers dans l'armée de l'air et de l'espace et 66% des officiers de marine dans la Marine nationale en 2021.

* 19 Cf. HCECM, septembre 2017, La fonction militaire dans la société française, 11 e rapport (rapport thématique), p. 65

* 20 Budget général, mission « Défense », programme 212 « Soutien de la politique de la défense », indicateur 1.2

* 21 Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2021, annexe, rapport annuel de performance de la mission « Défense », p. 246

* 22 Cf. HCECM, septembre 2017, La fonction militaire dans la société française, 11 e rapport (rapport thématique), p. 64

* 23 Cf. DICoD, mars 2017, Enquête sur l'attractivité de la fonction militaire, note annexée au 11 e rapport thématique du HCECM

* 24 Cf. L. du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, rapport annexé, point 3.1.3.4.

* 25 Cf. discours du Président de la République du 20 janvier 2023

* 26 Opérations dans le cyberespace ; gouvernance et appui aux opérations dans le cyberespace ; ingénierie capacitaire ; soutien aux opérations dans le cyberespace ; référents cyber de proximité.

* 27 Discours du Président de la République aux armées du 13 juillet 2022

* 28 Cf. L. du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, rapport annexé, point 3.1.4.1

* 29 Cf. communiqué de presse du ministre des armées du 6 octobre 2022

* 30 Cf. Sénat, 13 juillet 2016, n°793 (2015-2016), commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport d'information sur la garde nationale, au rapport de M. Jean-Marie Bockel et Mme Gisèle Jourda

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