EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 1er juin 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous accueillons le ministre Stanislas Guerini, dans un contexte de baisse d'attractivité de la fonction publique territoriale. Le désenchantement des maires tient à la violence qu'ils subissent mais aussi à la difficulté qu'ils rencontrent pour remplir leurs fonctions administratives. Celles-ci nécessitent beaucoup d'expertise et d'être accompagné par du personnel, que je salue. Les maires sont des hussards de la République, une armée des ombres, mais ils ne pourraient agir sans les fonctionnaires territoriaux, dont il faut souligner le sens de l'intérêt général et du service public. Pour avoir été membres d'exécutifs locaux, nous savons ce que nous leur devons. Nous l'avons vu lors de la crise du covid ou lors des fortes chaleurs, quand il a fallu suivre individuellement les personnes âgées. Si les élus sont des inventeurs de possibles, les fonctionnaires sont des producteurs de possibles - et c'est parfois plus difficile.

Le rapport au travail change. En France, la fonction publique territoriale était très stable : les agents exerçaient le même métier durant toute leur carrière, souvent dans la même collectivité. Tout cela a bien changé, et il faut prendre en compte les nouveaux besoins. Il ne s'agit pas uniquement de régime indemnitaire ou de reconnaissance salariale - certes nécessaire - mais aussi de qualité de vie au travail, de prévention, d'aménagement du temps de travail.

Votre prédécesseur avait commandé un rapport à Philippe Laurent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, qui préconisait la création d'une marque Service public ; nous avons notamment entendu les représentants de la marque DEN.bzh.

Quelle est votre vision de la situation et comment avancer ?

Catherine di Folco, experte du statut de la fonction publique territoriale, Jérôme Durain et Cédric Vial travaillent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, avec un volet sur les secrétaires de mairie. Notre collègue Céline Brulin a porté, avec son groupe, une proposition de loi pour revaloriser leur métier.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. - Je vous remercie de cette invitation. Oui, il y a un lien entre les difficultés de nos élus locaux, leur désenchantement, et les enjeux de ressources humaines. L'action des élus locaux repose sur celle des fonctionnaires territoriaux. L'enjeu d'attractivité est la première priorité sur nos territoires. J'ai une pensée émue et solennelle pour ces agents du service public, dont je salue l'engagement, après plusieurs drames cette semaine. Cet engagement met les agents publics en première ligne face aux violences de notre société. Je vous remercie d'avoir initié ces travaux.

J'ai engagé des chantiers avec les employeurs territoriaux pour répondre au besoin d'attractivité et développer la marque employeur de la fonction publique territoriale.

Où sont les difficultés de recrutement ? En réalité, un peu partout : pour les agents de catégorie C et les agents en première ligne, notamment les métiers de la petite enfance ou du soin, pour des filières plus transversales dans des secteurs en tension comme le numérique, mais aussi pour des métiers support - je pense aux filières administratives avec les attachés.

Quelles en sont les causes ? Dans une société qui tend vers le plein emploi, tous les employeurs, publics comme privés, rencontrent des difficultés de recrutement. Il y a aussi un enjeu démographique. Des fonctionnaires recrutés quand Anicet Le Pors était ministre de la fonction publique partent à la retraite ; le cas des secrétaires de mairie l'illustre bien.

Il y a des problèmes d'attractivité intrinsèques à la fonction publique, notamment dans des zones marquées par la vie chère ou les problèmes d'accès au logement.

Quels chantiers faut-il engager ? Le premier, c'est la fiche de paie et la création d'une dynamique de rémunération. Nous devons être lucides. Plus d'un tiers des fonctionnaires territoriaux sont payés au niveau du Smic.

Le deuxième sujet est celui des conditions de travail. Il n'y a pas de grande démission mais une grande transformation du rapport au travail. Nous devons relever ce défi avec des promesses employeur.

Troisième axe, mieux faire connaitre les métiers de la fonction publique territoriale, car la clé d'entrée « métier » tire le fil des compétences. La révolution sera de raisonner en termes de gestion et de développement des compétences plutôt qu'en collant des étiquettes sur le front des fonctionnaires.

Les enjeux de carrière et rémunération sont déterminés par les modalités d'accès à la fonction publique, qui varient selon les statuts d'emploi ou les versants de la fonction publique. Parfois, ces différences créent des biais entre les employeurs sur un même bassin de vie. Un CHU peut recruter un agent sur titre pour intégrer la fonction publique hospitalière, alors que dans le secteur médico-social municipal, pour un même poste au sein de la fonction publique territoriale, le recrutement se fait par concours. Bref, le CHU lui « pique » des agents. Nous devons mettre à plat les conditions de recrutement. Cela ne signifie pas forcément supprimer le concours. Mon fil rouge est de défendre le statut dans ses origines et ses fondamentaux, mais aussi de professionnaliser certains concours, de les recentrer sur les compétences. Un maire me disait qu'il ne voulait pas se passer d'une personne ayant quinze ans d'expérience dans la petite enfance sous prétexte qu'elle a fait trois fautes à la dictée...

Parfois, il faut pouvoir recruter sur titre, ou recruter des apprentis. Le recrutement de 30 000 apprentis dans la fonction publique territoriale l'année dernière a été une petite révolution culturelle. L'apprentissage doit être une vraie voie de recrutement. À la fin d'un contrat d'apprentissage suffisamment long, en cas d'accord de l'employeur et de l'apprenti, on devrait pouvoir titulariser sur titre, sans concours.

Il y a aussi un enjeu sur les parcours de carrière. Il faut renforcer la formation, le développement des compétences et la reconnaissance des acquis de l'expérience, trop peu développée dans la fonction publique. Je ne suis pas un détracteur du statut : les conventions collectives de certains secteurs professionnels ont aussi plusieurs catégories. Mais dans la fonction publique, il est difficile pour un agent recruté en catégorie C de franchir le plafond de verre. Il faut plus de fluidité, apporter un choc de marge de manoeuvre aux employeurs territoriaux. Les rigidités sur les quotas de promotions, un temps adaptées, nécessitent d'être assouplies. Je m'y suis engagé.

Il y a des enjeux de rémunération, notamment de court terme. L'inflation globale atteint 6 %, mais l'augmentation des prix alimentaires touche particulièrement les agents relevant des grilles les plus basses. Je rencontre prochainement les organisations syndicales pour trouver des réponses sur le pouvoir d'achat, autour de trois principes. D'abord, l'oxygénation des grilles, bien trop écrasées : un agent de catégorie C en début de carrière met douze ans avant d'avoir une évolution indiciaire. Comment être attractif dans ces conditions ?

Il faut aussi dynamiser les carrières. Comment se motiver quand un collègue qui a quinze ans d'ancienneté ne gagne que 150 euros de plus ? Nous devons nous intéresser à la pente des courbes, angle mort de nos politiques de ressources humaines. Nous souhaitons aussi une logique de différenciation des carrières, qui fait débat, et avons intégré le principe d'un accélérateur de carrière dans la réforme de la haute fonction publique. Ce principe doit innerver l'ensemble de la fonction publique.

Enfin, il faut récompenser l'engagement et la performance, individuels et collectifs. Ce n'est pas un gros mot, et c'est compatible avec le statut.

Les transformations doivent pouvoir s'appréhender sur la fiche de paie. J'ai ouvert un chantier pour mettre l'agent au centre de la réflexion. Il faut une symétrie des attentions. Pour rendre un service public de qualité, il faut non seulement placer l'usager au centre, mais aussi l'agent, autour des promesses employeur. J'en citerai six, qui associent systématiquement les employeurs territoriaux, dès le début. Il faut arrêter de penser d'abord pour la fonction publique d'État et ensuite décliner pour la fonction publique territoriale.

Mme Françoise Gatel, présidente. - C'est une bonne idée.

Mme Catherine Di Folco. - Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - La première promesse employeur concerne le management. Il y a un enjeu managérial pour les cadres dirigeants et intermédiaires de la fonction publique, ce qui suppose de renforcer la formation initiale et continue. Cela concerne les concours et les écoles du service public - j'étais récemment à l'Institut national des études territoriales (Inet) - et nécessite de remettre à plat l'évaluation professionnelle.

Deuxième enjeu, simplifier et supprimer les irritants au quotidien qui mettent à mal l'attractivité de l'emploi public. Parfois, avant une mutation, on ne sait pas vous dire combien vous toucherez car les systèmes d'information et les ressources humaines ne suivent pas ! Il faut améliorer ces points.

Troisième enjeu, améliorer les conditions de travail, la santé au travail, la prévention de l'usure et de la pénibilité. Ce débat est lié à celui des retraites. Nous avons lancé une mission rassemblant l'inspection et des personnalités qualifiées, dont Michel Hiriar, président de la Fédération nationale des centres de gestion, afin de développer des outils collectifs et mutualiser la prévention. Nous réfléchissons aussi à une protection sociale complémentaire pour la santé et la prévoyance.

Quatrième promesse employeur, améliorer l'environnement de travail - télétravail, temps de travail, transformation des espaces de travail, sobriété énergétique. Ce peut être un objet de négociation avec les organisations syndicales.

Cinquième chantier, renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le Sénat a adopté, à l'unanimité moins deux abstentions, l'index d'égalité professionnelle dans la fonction publique et le principe de nominations équilibrées. Il faut aussi éradiquer les violences sexistes et sexuelles, et améliorer la santé des femmes au travail.

Sixième promesse, travailler sur le logement des fonctionnaires.

Voilà le fondement de notre campagne autour de notre marque employeur et de notre attractivité. Il ne s'agit pas seulement d'affichage. Nous avons lancé une campagne pour les trois versants de la fonction publique, « choisirleservicepublic.fr », pour mettre en synergie les mobilisations autour de cette marque et ses 300 métiers. Nous nous focalisons sur tous les métiers, et pas seulement sur quelques métiers extraordinaires exercés par une ou deux personnes ; ce sont les métiers du quotidien qui font l'extraordinaire du service public.

Il n'y a pas de fatalité. Certes, le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux, mais on peut faire bouger les lignes, montrer que la fonction publique bouge. J'ai relancé l'initiative d'un salon de l'emploi public, dans les trois versants de la fonction publique, qui a rassemblé 4 000 personnes. La fonction publique continue d'intéresser.

Mme Catherine Di Folco. - Je me réjouis que vous souhaitiez traiter différemment la fonction publique d'État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Cela rompt avec la tendance à vouloir toujours tout transposer de l'une aux autres. Dans la première, il n'y a qu'un employeur ; dans les deux autres, 50 000.

Certes, la rémunération ne fait pas seule l'attractivité, mais elle compte. Lorsque nous n'étions pas en plein emploi, la fonction publique était un refuge ; ce n'est plus le cas. Une personne qui entre sur le marché du travail regarde le chiffre sur la feuille de paie, et compare. Au 1er mai, le Smic a augmenté de 38 euros bruts ; cela entraîne un nouveau tassement dans la fonction publique pour les huit premiers échelons de la catégorie C. Il faudra attendre treize ans aux agents en début de carrière pour être augmentés ! Le tassement concerne même la catégorie B. Le premier échelon de la catégorie A n'est plus qu'à 130 euros bruts du Smic. Si ce dernier suit sa dynamique actuelle, le premier échelon de catégorie A sera égal au Smic en 2025. Cela pose un gros problème.

De même, il est plus intéressant pour un travailleur porteur de handicap d'être dans le privé que dans le public : il peut en effet percevoir une allocation compensant la perte de facultés, alors que le public impose de choisir entre la retraite pour invalidité ou un temps partiel sans compensation. Je connais une jeune femme atteinte d'une maladie handicapante qui veut travailler, mais ne peut le faire qu'à temps partiel, avec le traitement qui correspond. Dans le privé, elle aurait eu une compensation. Il faut y remédier.

M. Jérôme Durain. - La fonction publique est effectivement diverse. On pourrait dire qu'il y a deux divisions... Les questions autour de la « promesse employeur » ne se posent pas de la même façon dans de grandes collectivités ou dans les petites communes qui emploient les 19 000 secrétaires de mairie. Avez-vous pu réfléchir à ces myriades de collectivités qui n'ont qu'un ou deux agents ?

S'agissant de l'attractivité, la difficulté à recruter est générale. La société connaît de profondes mutations autour du sens du travail. L'atout de la fonction publique, c'est le sens du service public, l'intérêt général, mais aussi le statut. Face au Big Quit qui frappe le secteur privé, il faut travailler sur l'image du service public. Comment comptez-vous faire ?

M. Cédric Vial. - Effectivement, la trappe à bas salaire est le principal obstacle à l'attractivité, et à la motivation des agents en poste. Oui, il y a des changements sociétaux, et certains jeunes agents refusent d'être titularisés. Le statut n'est plus le graal qu'il était à l'époque du deal : moindre rémunération contre sécurité de l'emploi. Entre la sécurité et la liberté, les jeunes d'aujourd'hui préfèrent la liberté. Ils ont moins peur de perdre leur emploi que d'y rester malgré eux.

Se pose la question du concours, ADN de la fonction publique. Dans le privé, on entre dans l'emploi en fonction de ses diplômes et de son expérience. Dans le public, il n'est pas rare de rencontrer des agents de catégories B et C avec un bac+5. Cela ne facilite pas le management. Un secrétaire de mairie de catégorie C qui veut passer en catégorie B doit passer un concours où on lui demande une note de synthèse sur des sujets sans aucun rapport avec son quotidien... Comme demander à un ouvrier du BTP qui veut plus de responsabilités de passer un examen de couture !

La création d'un statut d'emploi particulier de secrétaire de mairie est une revendication de l'Association des maires de France (AMF). Le cadre d'emploi qui existait a été supprimé. Les secrétaires de mairie eux-mêmes ne veulent pas un emploi fonctionnel. Peut-on créer un statut spécifique qui ne passe ni par le cadre ni par l'emploi fonctionnel ?

S'agissant des rapports entre fonctions publiques, nos relations avec les préfectures sont de plus en plus étroites, mais les interlocuteurs se font de plus en plus rares ; leurs noms disparaissent même des courriers que nous recevons...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Oui, nous assistons à un véritable évanouissement !

M. Cédric Vial. - Serait-il possible, comme cela avait été fait lors de la disparition des perceptions, que les secrétaires de mairie aient un référent désigné à la préfecture ?

La nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été augmentée de 15 à 30 points pour les secrétaires de mairie de communes de moins de jusqu'à 2 000 habitants. Mais quid des secrétaires de mairies dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants ? Certes on peut désigner un directeur général des services (DGS) à partir de 2 000 habitants, mais cette fonction n'est accessible qu'aux agents de catégorie A. Comment corriger cela ?

Enfin, il n'existe pas de rémunération liée à la responsabilité. La NBI est liée à la fonction, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) aux qualités et à la motivation de l'agent. Or des agents de catégorie C, censés être affectés à des tâches d'exécution, se voient confier des responsabilités importantes lorsqu'ils sont secrétaires de mairie. Ne pourrait-on créer une prime de responsabilité comme pour les DGS ?

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci pour ces questions, nous sommes au coeur du sujet.

Madame Di Folco, les chiffres que vous donnez témoignent bien de l'importance du problème. Je les complète : avec l'augmentation du point d'indice de 5 %...

Mme Catherine Di Folco. - Il était effectivement gelé depuis longtemps.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, à part une timide parenthèse entre 2016 et 2017.

Avec l'augmentation du point d'indice, plus aucun fonctionnaire n'était payé au Smic. Mais la dynamique du Smic, qui a augmenté de 10 % en un an, a annulé cet effet. Nous avons pris des mesures pour qu'aucun agent public ne soit rémunéré en dessous, en utilisant l'indice minimum de traitement, et non, comme cela était l'usage, en bricolant le régime indemnitaire.

Aujourd'hui, 20 % des agents de la fonction publique - 36 % dans la fonction publique territoriale - sont au niveau du Smic. C'est le premier sujet à traiter, notamment dans nos discussions avec les organisations syndicales. Une augmentation du point d'indice réoxygène les grilles, mais l'augmentation en volume d'euros est inégalitaire : elle est bien inférieure en bas de grille que pour la haute fonction publique. Or nous devons concentrer nos efforts sur les agents les plus touchés par l'inflation, qui frappe plus douloureusement les bas salaires, car elle affecte particulièrement les produits de première nécessité.

Nous devons renforcer l'attractivité pour tous les agents publics, notamment ceux en situation de handicap. Nous avons augmenté leur nombre ; dans ce domaine, les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont en avance sur celle d'État.

Concernant l'intégration des apprentis en situation de handicap, nous sommes très en dessous des 6 %, mais nous agissons pour y remédier. Je suis toutefois preneur de vos exemples concrets. Il faut aussi traiter l'enjeu de l'adaptation des postes. C'est le rôle du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) mais il faut être conventionné pour en bénéficier, or toutes les collectivités ne le sont pas.

Monsieur Durain, vous avez parlé de deux divisions, à juste titre. Disons les choses : il y a parfois des logiques de compétition entre collectivités. Ce phénomène a été renforcé par le fait que, ces dernières années, nous avons fait beaucoup sur le plan indemnitaire, en misant sur la différenciation catégorielle, et peu sur le plan indiciaire. Résultat : la mobilité est empêchée, certains employeurs n'étant pas en mesure de s'aligner. Bien sûr, on peut dire que les employeurs sous-utilisent parfois les outils à leur disposition - j'avais évoqué en séance le Rifseep pour les secrétaires de mairie. Vous m'aviez invité, à raison, à agir sur le plan indiciaire. La convergence primes-points fait partie des discussions nécessaires ; elle doit être examinée en regard de la modulation des parcours de carrière et de la récompense de l'engagement.

Vous avez aussi soulevé l'enjeu de la mutualisation. Il existe 50 000 employeurs territoriaux, et les secrétaires de mairie ont parfois jusqu'à trois ou quatre employeurs. Des outils de mutualisation existent, y compris au niveau des intercommunalités. Nous pourrons débattre d'un meilleur encadrement de l'emploi par une intercommunalité ou par un centre de gestion, mais les textes existent ; il s'agit plutôt de mutualiser les bonnes pratiques.

Monsieur Vial, je vous rejoins sur les trappes à bas salaires. Quel est l'avantage qu'apporte le statut, demandez-vous. La stabilité de l'emploi est devenue quasiment un repoussoir : elle donne le sentiment d'être pieds et poings liés dans une carrière. Les professeurs en sont un bon exemple : certains voudraient rejoindre cette carrière sur le tard, notamment parce qu'ils y trouvent du sens, mais sont rebutés par la faible capacité de la fonction publique à valoriser leur expérience professionnelle - c'est un de mes axes de travail.

En revanche, un avantage rémanent du statut est la diversité des carrières proposées. Entre titulaires et contractuels, il y a une mauvaise différenciation, que nous travaillons à corriger : nous l'avons fait pour les congés maternité, et le projet de loi retraites prévoyait la prise en compte des services des contractuels titularisés - le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, mais je m'engage à trouver un autre véhicule pour concrétiser cette avancée. Mais il y aussi une bonne différenciation, que nous devons assumer : un contractuel est embauché pour une fonction donnée ; l'atout du statut, c'est une diversité de carrières qu'aucun autre employeur ne peut offrir.

Il faut savoir se passer des concours dans certains métiers pour recruter sur titre, notamment quand les compétences terrain priment. Mais le CNFPT et les centres de gestion considèrent qu'il faut être prudent : il est parfois intéressant de maintenir les concours, en les professionnalisant. Nous travaillons dans ces deux directions. Les groupes de travail avec les employeurs territoriaux ont abouti à de premières avancées : suppression des épreuves d'admissibilité pour les cadres d'emploi de la filière médicosociale, suppression des concours pour les assistants territoriaux socioéducatifs, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les cadres territoriaux de santé paramédicaux et les infirmiers territoriaux en soins généraux. Nous poursuivrons ce travail de bon sens issu du terrain.

En ce qui concerne les secrétaires de mairie, je pense, comme vous, que la recréation d'un emploi fonctionnel n'est pas souhaitable. Revenir à un cadre d'emploi spécifique conduirait à un trop grand cloisonnement : n'enfermons pas les secrétaires de mairie dans un parcours, encourageons plutôt la fluidité, par exemple avec les espaces France Services ou, à terme, des fonctions de DGS. Je crois à la notion d'affectation fonctionnelle, qui recouvre la technicité et l'engagement particuliers liés à l'exercice de ce métier. Nous débattrons en séance des possibilités de promotion et de valorisation dans la rémunération : je suis favorable à ce que vous proposez, mais il faudra étudier les modalités. En tout cas, exercer ce métier doit être facteur d'accélération de carrière, avec un niveau de rémunération cranté. Affectation fonctionnelle et accélération de carrière : telle est ma philosophie.

La question des interactions entre l'administration territoriale et l'État déconcentré est fondamentale. Le second doit être renforcé, après avoir rendu de 20 000 à 30 000 postes depuis vingt ou trente ans. Au niveau départemental, l'administration déconcentrée compte 50 000 agents, une puissance de feu moindre que par le passé, ce qui met parfois en difficulté ses partenaires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - « Parfois » est en trop...

M. Stanislas Guerini, ministre. - Dans un contexte de stabilité d'emplois - le programme d'Emmanuel Macron en 2022 n'était pas celui de 2017 et je n'ai pas pour mandat de réduire les effectifs -, nous devons, par la performance, dégager des marges de manoeuvre pour renvoyer des postes en administration déconcentrée. Nous visons 2 600 postes déconcentrés supplémentaires d'ici 2026. Nous donnons aussi une latitude d'action aux préfets de région avec les plateformes régionales RH et la règle des 3 % de marge de manoeuvre modulée. Bref, pas de big-bang de l'administration territoriale, mais des moyens renforcés et une animation à l'échelle des bassins de vie par les plateformes régionales et les comités locaux de l'emploi public, auxquels je crois beaucoup.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de décider la nomination dans chaque préfecture d'un sous-préfet chargé de l'accès aux services publics et de leur qualité. Nous renforçons aussi le réseau France Services en améliorant sa mutualisation avec les autres réseaux de services publics. Des postes d'animateur de ce réseau se développent, souvent à l'initiative des départements : l'État, qui finançait un demi-ETP par département, financera désormais un ETP complet. Ces animateurs me semblent avoir vocation à être les correspondants des secrétaires de mairie. Nous devons travailler en meute, si je puis dire, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

S'agissant enfin des NBI, nous en discuterons dans le cadre du débat global sur l'accélération de carrière des secrétaires de mairie. Parfois, les quinze points de NBI ne sont pas appliqués : il y a d'abord un problème d'effectivité de la loi sur ce point.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous pratiquons envers certaines structures de l'État, comme l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), une filature exigeante et bienveillante. Nous suivrons également de près ces questions.

Au-delà des moyens, il y a un enjeu d'articulation et de fluidité entre France Services et les services municipaux.

Oui, le statut apparaît aujourd'hui comme un élément d'emprisonnement, notamment pour les jeunes ; de même, dans le privé, certains refusent des CDI, leur préférant des CDD ou l'intérim, pour préserver leur liberté.

M. Antoine Lefèvre. - Dans ses travaux sur la formation dans la fonction publique territoriale, notre délégation s'est intéressée à l'Allemagne et à l'Autriche, où l'apprentissage est bien plus développé, y compris dans les métiers administratifs. En France, l'apprentissage est confiné aux centres techniques municipaux, or c'est une voie de découverte des métiers de la fonction publique territoriale pour les jeunes.

Pour retrouver de l'attractivité, il faut aussi une certaine fluidité dans le recours aux contractuels. Rapporteur spécial de la mission « Justice », j'ai eu l'occasion d'examiner les propositions du garde des sceaux pour faciliter leur recrutement dans la pénitentiaire. Vous avez parlé d'enfermement dans le statut, et il est vrai que les jeunes ne veulent pas être gardiens de prison toute leur vie. En revanche, ceux qui travaillent dans la sécurité peuvent être attirés par ce métier qui offre une plus grande diversité que celui de chef des vigiles dans un centre commercial, par exemple.

Concernant la meilleure prise en compte des parcours, je déplore, moi qui ai été maire, qu'un parcours antérieur dans le privé soit pénalisant pour la remise de la médaille d'honneur régionale, départementale ou communale. C'est symbolique, mais important.

Enfin, l'idée de créer un sous-préfet référent est peut-être bonne, mais attention à ne pas trop solliciter nos sous-préfectures.... Voyons d'abord l'effectivité.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons des solutions à vous proposer !

Mme Sylvie Robert. - Je partage beaucoup de constats et réflexions. Vice-présidente de la commission de la culture, je suis frappée de la manière dont on parle de la fonction publique : il y a un problème d'image. La fonction publique, territoriale ou d'État, peut être innovante, or ce n'est pas ce que l'on entend.

À Rennes, nous avions mis en place une plateforme de mobilité interne dont l'attractivité auprès des agents m'a frappée. C'est une promesse d'évolution ou de changement.

J'ai aussi pris connaissance avec intérêt des propositions formulées il y a deux ans par des étudiants de Sciences Po Paris et AgroParisTech, entre autres, pour rendre la fonction publique plus inspirante. À Rennes, j'avais mis en place un Bureau des temps, il y a fort longtemps. La conciliation des temps - ceux des services publics, des agents, des citoyens - est un enjeu important pour faire entrer les jeunes dans la fonction publique, or je ne vois guère de collectivités qui y travaillent.

Il faut aussi prendre en compte l'engagement, le sentiment d'être utile, auxquels les jeunes sont très sensibles.

En tant que vice-présidente de la région Bretagne, j'avais travaillé en 2008 sur la création de la 27ème Région, qui vise à faire évoluer les organisations par l'innovation publique. Il faudrait s'inspirer de ce type de projets pour montrer que la fonction publique est innovante.

En revanche, je suis assez dubitative sur le numérique. En tant que membre du collège de la Cnil, je constate qu'il reste beaucoup à faire en termes de bon usage du numérique et de cyberattaques.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je rappelle à ce propos que notre délégation a travaillé avec la délégation aux entreprises sur la cybersécurité dans les organisations. Au sein des collectivités, des hôpitaux et d'autres établissements, cette fonction monte en puissance. Il y a là un gisement de nouveaux métiers.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il est indispensable de développer l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Nous allons publier, au mois de juin, un décret refondu sur la titularisation des apprentis en situation de handicap, car la réglementation en vigueur est mal formulée et mal appliquée.

Mme Catherine Di Folco. - Il s'agissait, je crois, d'une expérimentation.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Le décret clarifiera les modalités et élargira l'application du dispositif.

Lorsque la volonté est partagée entre l'employeur et l'apprenti, après une durée d'apprentissage qui peut aller jusqu'à deux ans, il ne doit pas y avoir d'obstacle à la titularisation. Nous avons 30 000 apprentis dans la fonction publique, dont 12 000, bientôt, dans la territoriale. Les enjeux financiers sont connus, et j'ai maintenu l'engagement de mon ministère pour trois ans afin de donner de la visibilité. Il y a aussi des enjeux de cadre d'exercice. Nous avons sorti les apprentis du plafond d'emplois dans les ministères, et numérisé les contrats d'apprentissage - sur ce point, nous sommes en avance de phase sur le privé. C'est un des leviers possibles.

Concernant les contractuels, le travail sur la filière des métiers de la sécurité est un très bon exemple de ce qu'il faudrait faire, en matière d'accès à la fonction publique et de rémunération. Il faut raisonner par univers professionnel plutôt que par statut, pour développer des fluidités. Aujourd'hui, 25 % des surveillants pénitentiaires sont embauchés sans le bac. Le passage à la catégorie B est une revendication de longue date des organisations représentatives, mais en l'état ce serait une fausse bonne idée, car la catégorie B exige le bac. On risquerait ainsi de fermer les viviers. Il a donc été décidé, avec le garde des Sceaux, de permettre un recrutement au contrat en début de carrière, et d'élever par la suite le niveau des missions qui seront confiées à la filière pénitentiaire, notamment sur les enjeux de réinsertion et de réhabilitation ; ce qui justifiera, à terme, le passage à la catégorie B. C'est ainsi qu'il faut raisonner, et le garde des Sceaux a obtenu des arbitrages en ce sens, avec un retour favorable des organisations syndicales.

Monsieur Lefèvre, j'ignorais qu'un passage dans le privé interdisait de recevoir la médaille du travail : c'est symbolique, mais représentatif d'une philosophie selon laquelle quitter un temps la fonction publique serait condamnable.

M. Antoine Lefèvre. - C'est anti-fluidité !

M. Stanislas Guerini, ministre. - On peut très bien acquérir des compétences dans le privé à un moment donné, puis les mettre au service de la fonction publique.

Sur le recours aux cabinets de conseil, je suis pour la réinternalisation des compétences, mais les bonnes intentions sont parfois contreproductives. Les règles de déontologie imposées à ceux qui voudraient quitter le monde du conseil pour rejoindre la fonction publique sont telles qu'elles rendent impossible tout aller-retour entre le public et le privé. Cela vaut pour les fonctionnaires comme pour les ministres. Trop souvent, on présente un passage par le privé comme un abominable pantouflage. Attention à ces facilités populistes.

Mme Sylvie Robert. - Idem pour les élus !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Madame Robert, je partage toutes vos remarques. La façon dont on présente la fonction publique est essentielle. Arrêtons avec le fonctionnaire-bashing ! Dans le débat public, on ne parle des fonctionnaires que pour appeler à en supprimer : cela ne fait pas du bien. Il faut être lucide sur les difficultés, réelles, mais aussi rappeler les initiatives formidables, car nous sommes souvent en avance de phase. Je connais les laboratoires d'initiative territoriale - j'ai échangé, à l'IRA de Nantes, avec la 27ème Région. Nous n'avons pas à rougir de notre capacité d'innovation ; l'enjeu est désormais de fédérer et de se donner les moyens pour passer à l'échelle. C'est l'objet du fonds pour la transformation de l'action publique, pour lequel j'ai obtenu 330 millions d'euros sur les trois prochaines années, afin de mieux financer les initiatives déconcentrées et partenariales entre l'État et les collectivités territoriales, avec un guichet dédié à ces initiatives territoriales.

Mme Sylvie Robert. - Je l'ignorais. Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je ne reviens pas sur les plateformes territoriales.

Les défis à relever, les transformations en cours, voilà quel doit être l'axe de communication de la fonction publique. Nombre de fonctionnaires ont la nostalgie de la période du covid, de ce que nous avons su faire à cette période : nous avons su travailler différemment, piloter par objectifs clairs, en partant du terrain, fédérer les énergies, décloisonner, raccourcir l'échelle hiérarchique, réhabiliter le droit à l'erreur pour les agents, leur capacité à prendre des initiatives, à déroger aux règles... La Première ministre a rappelé aux préfets qu'ils avaient des capacités de dérogation, qui étaient sous-utilisées. On impose aux CHU de démontrer, tous les cinq ans, qu'ils pratiquent la chirurgie : c'est absurde. Évitons la paperasse administrative.

Aujourd'hui, les planètes sont alignées. Le Conseil d'État consacre son cycle d'études à toutes les dérogations autorisées pendant le Covid qui méritent d'être conservées. C'est une occasion exceptionnelle de simplification normative.

Quel que soit notre bord politique, sur ces sujets, nous parlons la même langue. Nous disons tous qu'il faut réinvestir, renforcer la puissance publique sur les territoires, que le laisser-faire n'est plus une option. L'ère du new public management, où l'on externalisait à tout va, est derrière nous, mais la fonction publique ne peut pas non plus agir seule dans son coin, sans imaginer de partenariats, y compris avec le privé.

La fonction publique doit être un levier pour les grandes transitions : c'est très engageant pour les jeunes générations. Nous avons lancé une formation approfondie, de trois jours, sur la transition écologique pour les cadres de la fonction publique d'État ; elle sera étendue aux deux autres versants. C'est un boulevard pour redonner du sens à l'action publique ! L'enjeu de la planification écologique dépasse tous les autres ; il peut irriguer toute notre action, y compris sur le sujet de la rémunération. Je souhaite mettre en place des plans d'intéressement dans la fonction publique pour récompenser la performance collective : la mobilisation pour la transition écologique pourrait être un critère. Nous pouvons devenir l'employeur le plus attractif du pays ! Les jeunes diplômés, de l'X ou de Sciences Po par exemple, réclament du sens, et les signaux faibles indiquent que le service public retrouve de la vigueur auprès d'eux. Les jeunes polytechniciens choisissent un peu moins la banque et le conseil, un peu plus le service public. Il n'y a jamais eu autant de candidats à l'Institut national du service public (INSP) que depuis la création de l'ENA.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La Première ministre a raison de rappeler aux préfets qu'ils ont la faculté de déroger. C'est un sujet cher à la délégation, qui a commis un rapport sur les services déconcentrés - mais ceux-ci ne peuvent déroger qu'avec l'accord de l'administration centrale ! Cela interdit toute action rapide. Il faut lâcher un peu de lest.

Mme Christine Lavarde. - La question de l'avenir des corps techniques, que nous suivons depuis longtemps avec Mme Di Folco, n'est toujours pas tranchée depuis la création de l'INSP. Vous nous jugerez conservatrices, mais pour nous, il faut conserver les filières techniques existantes, qui alimenteront demain le Cerema. Construire des routes et des ponts, ce n'est pas la même chose qu'être magistrat !

Les métiers de la fonction publique indispensables au vivre ensemble sont plus mal payés que leur équivalent dans le privé : professionnel de la petite enfance versus assistantes maternelles à domicile, policiers municipaux versus agents de sécurité, etc. Je suis élue d'un département urbain dense, où l'immobilier coûte très cher. Impossible pour eux, avec leurs rémunérations, de se loger là où ils travaillent.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument !

Mme Christine Lavarde. - Dans ma commune, les personnels des crèches sont contraints d'habiter parfois à plus de 100 km ! Nous cherchons désespérément des solutions pour améliorer leur rémunération, mais nous nous heurtons à la jurisprudence de la chambre régionale des comptes. Résultat, des centaines de berceaux sont gelés, le foncier est vide, les familles ne trouvent pas de solution de garde, car les postes restent vacants !

M. le ministre Jean-Christophe Combe n'a pas d'idées, semble-t-il. Peut-être en avez-vous ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au Sénat, nous n'en manquons pas !

Mme Nadine Bellurot. - Le binôme maire-secrétaire de mairie est crucial, notamment dans les communes rurales. En 2026 se tiendront les élections municipales. Or le mandat électif ne fait plus envie ; certains risquent de renoncer à se porter candidats s'ils n'ont pas la certitude d'avoir à leurs côtés un secrétaire de mairie pour les épauler. Il faut envoyer des signaux, susciter les vocations, pour inciter ceux qui sont prêts à se lever pour continuer à faire vivre notre République.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, et nous poursuivrons le débat sur les secrétaires de mairie.

Madame Lavarde, j'ai plein d'idées ! Certaines coûtent un peu d'argent... Sur les corps techniques, le travail mené ces derniers mois sera finalisé par la déléguée interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese), Émilie Piette. Je n'ai pas d'obsession de la symétrie entre administrateurs de l'État et ingénieurs de l'État. Ces derniers ont des spécificités à assumer, à valoriser. L'Insee, les Ponts et Chaussées, les Mines, les ingénieurs de l'armement partagent des éléments communs ; il faut offrir des carrières diversifiées, plus interministérielles, moins en silo. Une compétence technique d'ingénieur sur la transition écologique peut être exercée un jour au ministère de l'agriculture, demain à Bercy, ou dans une Dreal. L'enjeu maîtrise d'ouvrage est plus important que l'enjeu stratégique. Nous manquons d'ingénieurs : il faut plus de rameurs, moins de barreurs !

Parcours, convergence statutaire, grille de rémunération à harmoniser par le haut : voilà ce qu'il faut embarquer, pour une gestion harmonisée des corps d'ingénieurs de l'État, en respectant leurs spécificités. Nous conserverons ce qui marche. Le pilotage des carrières existe, par exemple aux Mines, même s'il est parfois un peu corporatiste...

Mme Christine Lavarde. - Il y a des passerelles vers les Ponts !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Quelle largesse !

Il faut renforcer notre attractivité, car les élèves qui sortent de l'X ne rejoignent pas tous la fonction publique, contrairement à ceux qui sortent de l'INSP. Je souhaite une gestion par pôles de compétence, autour des métiers de la data, de l'économétrie, de la transition écologique, qui pourrait être confiée à la Diese, pour favoriser la convergence, sans mélanger administrateurs et ingénieurs de l'État mais avec des parcours plus transversaux. Nous mènerons ce travail en 2023, pour lancer la réforme des corps techniques en 2024. Il y a un attendu sur l'aspect indiciaire. Pour les administrateurs de l'État, j'ai assumé une harmonisation par le haut, qui va de pair avec plus de rémunération variable.

Je vous rejoins sur les métiers qui peinent à recruter. En Seine-Saint-Denis, la question n'est pas de créer des emplois mais de les pourvoir, par exemple dans les services de protection maternelle infantile services de protection maternelle infantile (PMI). En attendant les transformations structurelles, nous avons besoin de démonstrateurs, pour avancer rapidement. C'est pourquoi je me réjouis du débat à venir sur les secrétaires de mairie. Nous travaillons également, avec Dominique Faure, sur le régime indemnitaire de la police municipale. Je songe aussi à la charte d'engagement pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Il faut éviter la mauvaise différenciation et assumer la bonne différenciation. Les enjeux territoriaux sont centraux, à commencer par celui de la vie chère. La cartographie de l'indemnité de résidence ne colle plus forcément à la réalité. Une remise à plat se chiffrerait en milliards d'euros, mais il faut pouvoir appréhender ces sujets, notamment la question du logement.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je souhaite avancer, dans trois directions. D'abord, le pilotage de l'offre, car on fonctionne, là encore, en silo. L'Armée a une politique du logement, l'Intérieur aussi, mais d'autres ministères n'en ont aucune. Dès juin, je lancerai avec Gabriel Attal et Olivier Klein le comité interministériel du logement des fonctionnaires pour mettre en place une offre plus désilotée, en embarquant les collectivités territoriales.

Deuxième axe, des baux spécifiques pour les fonctionnaires, dont l'accès au logement social ou intermédiaire se heurte à de nombreuses rigidités. Peut-être faudra-t-il faire évoluer la loi.

Troisième axe, augmenter l'offre de logement, notamment intermédiaire, réservé aux fonctionnaires. Des initiatives peuvent être prises. S'agissant du versant hospitalier, nous investissons, avec les ARS et l'APHP, 80 millions d'euros dans des programmes en contractualisant avec des opérateurs, y compris en libérant du foncier de l'État. Nous rencontrons les acteurs du logement pour voir l'offre à développer, avec une logique de logements réservés pour les soignants, les policiers ou les professionnels de la petite enfance. Limiter les déplacements est un enjeu à la fois de qualité de vie au travail, de pouvoir d'achat et d'écologie. Je ne reste pas les bras ballants !

Mme Christine Lavarde. - Merci pour cette réponse très complète, mais dans certaines zones, on se heurte à l'absence de foncier disponible. Le logement intermédiaire n'entre pas dans le quota SRU. Une commune qui se voit prélever 8 à 10 millions d'euros par an ne va pas construire du logement hors SRU !

Sur les rémunérations, il faut aller plus loin. Un exemple : les sapeurs-pompiers, qui sont des militaires, peuvent concentrer leurs astreintes sur trois jours, pendant lesquels ils dorment à la caserne, et passer le reste de la semaine chez eux, à 150 kilomètres de Paris. Les policiers municipaux exercent un métier très proche, mais ne peuvent se voir appliquer le même régime, puisqu'ils dépendent du code de la fonction publique. Il faut trouver des solutions alternatives quand on ne peut pas construire. À Boulogne, il n'y a pas de foncier !

Mme Françoise Gatel, présidente. - Les préfets disposent d'un quota du parc de logement social. Il faut en élargir l'accès aux fonctionnaires. Non pour leur accorder des avantages, mais pour que le service public puisse être rendu !

Mme Catherine Di Folco. - La suppression de la phase d'admissibilité pour certains concours de la fonction publique partait d'une bonne intention, mais pour le concours d'Atsem, ce fut une catastrophe. Le concours se résume désormais à un entretien de vingt minutes. Un candidat bien préparé, qui présente bien, aura 18/20 - mais il y a 300 candidats pour 50 postes. Pour être reçu, il faut 19 ou 19,5 ! Résultat, on a créé des cohortes de frustrés, recalés malgré un très bon entretien. La phase d'admissibilité permettait un écrémage.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Ma réponse sera de méthode : il faut partir de la situation du terrain, des critères d'admissibilité actuels, du nombre de candidats, et travailler avec les employeurs territoriaux.

Mme Catherine Di Folco. - J'alerterai la conférence des employeurs territoriaux. Certains ont sans doute, comme moi, fait passer ces concours.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il faudra aussi associer les syndicats...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation et pour cet échange franc et qualitatif sur des questions complexes. Il n'y a pas de solution miracle, et l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il faut être imaginatif pour apporter des réponses. Merci pour votre engagement, qui transparait dans vos propos. Vous êtes au coeur de l'efficacité de l'action publique, qui est le levier du rétablissement de la confiance et de la cohésion sociale. Merci.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci à vous.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Vous ferez l'objet d'une filature de notre part !

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