D. L'INCITATION AUX ÉCONOMIES D'ÉNERGIE A PU ÊTRE NÉGLIGÉE DANS LA CONCEPTION DES MESURES DE SOUTIEN

En premier lieu, le rapporteur spécial tient à rappeler qu'il avait été étonné de constater que le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité pour 2022 était partiellement désincitatif en matière d'optimisation de la consommation. En effet, après application du bouclier, il s'avérait que, s'agissant des contrats en option heures pleines / heures creuses, le tarif des heures creuses avait nettement plus augmenté (+ 8,1 %) que le tarif des heures pleines (+ 1,1 %). Le rapporteur spécial note que ce défaut a été corrigé par la CRE dans le calcul des TRVe et de l'application du bouclier en 2023. Cette évolution fait partie de la révision de la méthode de fixation des TRVe prévue par une délibération du 12 janvier40(*).

Les dispositifs mis en oeuvre n'effacent pas totalement, parfois même loin de là, le signal prix dans la mesure où leurs paramètres maintiennent dans tous les cas une exposition plus ou moins forte des bénéficiaires à la hausse des prix de l'énergie. Les boucliers ont plafonné les hausses des prix de l'énergie à 4 % en 2022 puis 15 % en 2023 pour les ménages, des niveaux certes très inférieurs à l'évolution qui aurait été celle des tarifs sans boucliers mais qui ne sont pas indolores, notamment pour les foyers modestes et les classes moyennes qui ne bénéficient pas par ailleurs du chèque énergie. À contrario, le signal prix résiduel maintenu par les dispositifs de boucliers s'est très probablement révélé insuffisant pour inciter les ménages plus aisés et cette mesure, de par son caractère général dénué de progressivité, s'est nécessairement traduite par une part non négligeable « d'effets d'aubaine ».

Les critères du dispositif d'amortisseur conduisent à exposer au moins 50 % de la consommation de ses bénéficiaires à la hausse des prix de marchés dans toute son ampleur, un pourcentage qui peut même être accru en cas d'application du plafonnement pour les contrats de fourniture aux prix les plus élevés.

Aussi, les dispositifs de soutien mis en oeuvre, parce qu'ils ne couvrent pas l'intégralité de la hausse des prix, maintiennent par défaut une forme d'incitation des consommateurs à réduire leur consommation. Cependant, en eux-mêmes, ils ne prévoient pas de mécanisme visant à encourager ces pratiques.

Dans son fonctionnement, le dispositif de « sur-amortisseur » destiné aux TPE comporte même une véritable dimension désincitative dans la mesure où, en garantissant un prix identique gelé toute l'année à 280 euros/MWh, il gomme les incitations horosaisonières qui habituellement font varier les prix entre les saisons d'été et d'hiver pour inciter à un déplacement de consommation vers les premières. Aussi, paradoxalement, ce mécanisme va conduire à renchérir les tarifs des factures de la saison d'été ce qui, au-delà de l'effet désincitatif lié à une diminution du signal prix en saison hivernale, risque de générer de l'incompréhension de la part des entreprises. Dans ce cas de figure, le Gouvernement a choisi de sacrifier la dimension incitative à l'impératif de lisibilité. Là encore, l'objectif risque de n'être que partiellement atteint lorsque les clients vont se rendre compte qu'ils payent leur électricité plus cher qu'habituellement au cours de la saison d'été.

Cependant, en dépit des limites des dispositifs en matière d'incitation aux économies d'énergie, la crise actuelle a vraisemblablement provoqué une vraie prise de conscience dans la mesure où l'on a observé pendant l'hiver 2022 une baisse de la consommation41(*) plus forte qu'anticipé.


* 40 Délibération n° 2023-03 de la Commission de régulation de l'énergie du 12 janvier 2023 portant communication sur la méthode de fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 41 Retraitée des effets météorologique.

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