III. UNE INDISPENSABLE RÉFLEXION SUR LES NORMES

A. DES NORMES PARFOIS CONTRADICTOIRES

Les auditions menées par la mission d'information ont mis en lumière le poids des normes, parfois contradictoires, voire incohérentes, en matière de rénovation énergétique des bâtiments.

Son attention a aussi été attirée sur ce sujet par des élus consultés sur la plateforme du Sénat, qui soulignent « l'augmentation constante des nouvelles normes ou des obligations impactant les finances des collectivités », des « législations trop mouvantes », des « changements trop rapides ».

La simplification des normes applicables aux collectivités territoriales est en effet une priorité des élus locaux, comme l'a relevé le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation263(*). Elles représentent un coût pour les collectivités et un frein au développement des territoires : « Non seulement l'inflation normative complexifie les projets locaux, en retarde la réalisation, mais, en outre, elle en augmente significativement le coût, notamment pour les petites communes aux ressources techniques et financières limitées ».

Aux exigences liées à la baisse des émissions de CO2 s'est ajoutée récemment l'obligation de contrôler la qualité de l'air intérieur.

Comme l'a précisé à la mission d'information ATMO Grand Est dans le cadre du déplacement de la mission d'information en Meurthe-et-Moselle, le 13 avril 2023 : « Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation sur la surveillance de la qualité de l'air intérieur (QAI) dans certains établissements recevant du public (ERP) prévoit notamment l'intégration de campagnes de mesures réglementaires lors de la réalisation de travaux et la mesure annuelle par lecture directe du dioxyde de carbone »264(*). L'installation d'un système de ventilation performant est, en effet, indispensable pour maintenir un apport d'air neuf suffisant aux occupants et évacuer les polluants nocifs pour la santé.

Les associations de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), présentes dans chaque région, accompagnent les collectivités depuis de nombreuses années sur la thématique de la qualité de l'air intérieur. Elles informent et sensibilisent les collectivités sur les obligations réglementaires qui doivent être prises en compte dès la programmation d'un projet de rénovation ou de construction d'un bâti scolaire. ATMO Grand Est peut également mener des campagnes de mesures pour évaluer la qualité de l'air dans les locaux et mettre à disposition une base de connaissances issue de son expertise sur les mesures.

Source : document ATMO Grand Est

Les exigences réglementaires en matière de construction et de rénovation de bâtiments peuvent aussi être perçues comme relativement incohérentes. La vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes a ainsi indiqué à la mission d'information que la réglementation environnementale RE2020, qui s'impose à la filière construction, pour les projets de construction de bâtiments d'enseignement primaire et secondaire depuis le 1er janvier 2022, s'inscrit dans une logique de diminution de l'impact carbone ambitieuse et fixe des exigences de résultats plus élevés en matière de conception du bâtiment, de confort et de consommation d'énergie. Or ces exigences ne s'imposent pas aux bâtiments existants lorsqu'ils font l'objet de travaux de rénovation importants.

La transition énergétique d'un bâtiment illustre par ailleurs la difficulté de concilier des objectifs qui peuvent également paraître contradictoires, comme le montrent les questionnements dont peut faire l'objet l'action des architectes des bâtiments nationaux (ABF).

Les normes de préservation du patrimoine historique sont en effet régulièrement considérées comme un frein à la réalisation des objectifs en matière énergétique et climatique. Deux exemples ont été portés à l'attention de la mission d'information à propos des énergies renouvelables par des élus consultés en ligne :

- la pose de volets roulants fonctionnant à l'énergie solaire, « une avancée, mais cela a été un combat avec l'ABF » ;

- la pose de panneaux photovoltaïques, qui n'est pas admise lorsqu'un bâtiment scolaire est « situé dans le périmètre des ABF ».

S'agissant des panneaux solaires, le directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture faisait observer, lors d'une table ronde sur la rénovation écologique du bâti ancien, le 1er février 2023, que le ministère de la culture avait évolué sur ce point en organisant « l'installation et l'insertion de ces panneaux, de manière intelligente, dans les centres anciens ».

De même, l'isolation par l'extérieur est, à juste titre, exclue sur les bâtiments de caractère à des fins de préservation du patrimoine, ce qui conduit à un renchérissement du coût de leur rénovation parfois mal compris des élus locaux. Or la diminution des dépenses énergétiques nécessite une isolation de l'enveloppe des bâtiments et le choix de matériaux spécifiques.

Compte tenu de ces éléments de complexité, on peut imaginer le désarroi d'élus quand leur projet donne lieu à des avis divergents : « Sur les bâtis très anciens (1930), les experts ne sont pas d'accord sur ce qu'il convient de faire, certains disent d'isoler par l'extérieur, d'autres par l'intérieur, ne font pas la même proposition de matériaux isolants, et de plus les ABF ne sont pas d'accord pour modifier l'aspect extérieur du bâti. Nous sommes très démunis et ne savons pas finalement quelle est la meilleure solution ! »265(*).


* 263 Rapport d'information intitulé « Normes applicables aux collectivités territoriales : face à l'addiction, osons une thérapie de choc ! » n° 289 (2022-2023) - 26 janvier 2023 - de Mme Françoise Gatel et M. Rémy Pointereau, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, relatif à la simplification des normes imposées aux collectivités territoriales.

* 264 Note de l'ATMO Grand-Est - avril 23.

* 265 Témoignage d'un élu sur la plateforme du Sénat.