IV. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR RÉSOUDRE L'IMPASSE FINANCIÈRE D'ILE-DE-FRANCE MOBILITÉS

A. LA RÉFORME GÉNÉRALE DU FINANCEMENT DES AOM RAPPORTERA À IDFM PLUS DE 8 MILLIARDS D'EUROS JUSQU'EN 2030

En prélude de ces développements concernant la situation particulière d'IDFM, il est important de préciser que l'AOM francilienne profitera largement de la réforme plus générale du modèle de financement des AOM recommandée supra.

Ainsi, la majoration de la taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme dont le rendement s'annonce dynamique, pourrait-elle, d'après les estimations réalisées par le rapport des inspections de mai 2023, rapporter à IDFM jusqu'à 200 millions d'euros par an, soit près de 1,5 milliard d'euros cumulés d'ici 2030.

IDFM se verrait également allouer au moins 1,3 milliard d'euros du nouveau Fonds pour le développement des transports du quotidien alimenté par une part du produit de la mise aux enchères des quotas carbone.

L'allègement de 50 % des remboursements liés aux avances « covid » pourra lui rapporter un milliard d'euros.

Au titre de son activité Transilien, IDFM bénéficiera de la réforme des péages ferroviaires à hauteur de plus de 3,6 milliard d'euros cumulés d'ici 2030.

L'AOM francilienne bénéficiera aussi des nouvelles taxes sur les plus-values immobilières et le e-commerce ainsi que de l'amélioration de la lutte contre la fraude.

Au total 87 % (8,3 milliards d'euros) du besoin de financement d'IDFM d'environ 9,5 milliards d'euros pourrait être couvert grâce à ces nouvelles ressources.

Recettes prévisionnelles cumulées que pourrait percevoir IDFM jusqu'en 2030
du fait de la réforme générale du modèle de financement des AOM

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. DES ÉCONOMIES SIGNIFICATIVES DOIVENT ÊTRE RÉALISÉES

1. 85 millions d'euros d'efforts de productivité annuels de la RATP et de la SNCF

La réforme du modèle de financement d'IDFM ne peut s'envisager sans un effort accru d'optimisation de ses dépenses de fonctionnement qui sont à 90 % contractualisées avec des opérateurs de transport. Les rapporteurs notent que l'AOM francilienne ne part pas de zéro et que des évolutions positives ont été engagées sur la question de la performance.

Les renégociations des conventions avec la RATP (en 2020) puis avec la SNCF (en 2021) ont été l'occasion de renforcer sensiblement les engagements de performance des deux principaux opérateurs partenaires d'IDFM. La RATP s'est engagée à réaliser des gains de performance nets de 1 % par an, soit environ 36 millions d'euros chaque année, contre 0,3 % dans la précédente convention. La SNCF s'est quant à elle engagée sur un objectif brut de 2,5 % par an, soit un effort de performance d'environ 50 millions d'euros chaque année. Ces objectifs de productivité sont intégrés dans le calcul de la rémunération forfaitaire129(*) prévue dans les conventions des deux opérateurs.

Gains de productivité réalisés par la RATP (2016-2022)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la RATP au questionnaire des rapporteurs

Principaux leviers mobilisés par la RATP pour tenir l'engagement
de performance pris dans le cadre de sa convention avec IDFM

- la performance des achats sur les prestations et matières achetées ;

- l'optimisation de la maintenance sur le matériel roulant, ainsi que sur les matériels et équipements des espaces voyageurs ;

- la modernisation et l'automatisation du réseau ;

- l'évolution de l'organisation du travail des fonctions opérationnelles ;

- l'optimisation des fonctions support ;

- la transition écologique et la mise en oeuvre du plan de sobriété énergétique.

Source : réponses de la RATP au questionnaire des rapporteurs

Concernant l'activité Transilien, la SNCF s'était ainsi engagée à réaliser 260 millions d'euros d'économies cumulées entre 2020 et 2023130(*) puis 40 millions d'euros en 2024 et 50 millions d'euros en 2025.

Les systèmes de bonus-malus incitatifs à la performance ont également été très sensiblement renforcés dans les conventions conclues par IDFM avec la RATP et la SNCF. Leur amplitude a en effet été multipliée par quatre, de 25 à 100 millions d'euros (de prime ou de pénalité pour les opérateurs).

La nouvelle convention signée avec la SNCF prévoit également un nouveau mécanisme de remboursement systématique des voyageurs par l'opérateur en cas de ponctualité inacceptable. Par ailleurs le plafonnement annuel des pénalités appliquées à la SNCF pour les trains qui ne circulent pas a été supprimé dans la nouvelle convention. Ce plafond, qui était auparavant fixé à 15 millions d'euros, était systématiquement atteint les années marquées par des mouvements sociaux.

Nouveau mécanisme de remboursement automatique par la SNCF
en cas de ponctualité inacceptable

La SNCF est désormais contractuellement tenue de rembourser les voyageurs en cas de ponctualité inacceptable sur une ligne ou sur un axe selon les règles suivantes :

- la moitié du prix d'un abonnement mensuel remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant trois à cinq mois (non consécutifs) au cours d'une année ;

- un mois d'abonnement complet remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant 6 à 9 mois (non consécutifs) au cours d'une année ;

- le prix d'un mois et demi d'abonnement remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant plus de 9 mois (non consécutifs) au cours d'une année.

Source : commission des finances du Sénat

La convention conclue avec la RATP prévoit quant à elle un système de restitution partielle du bénéfice généré par l'opérateur en cas de « superformance » de l'opérateur. Ainsi, IDFM se voit restituer 60 % des bénéfices réalisés par la RATP au-delà d'un seuil de 270 millions d'euros, puis 80 % pour les montants qui dépassent 310 millions d'euros.

Il est impératif que les efforts de performance des deux principaux opérateurs de transport partenaires d'IDFM soient poursuivis et amplifiés. Alors que dans leur rapport d'information précité de février 2022 les rapporteurs soulignaient les marges de manoeuvre d'efficience significatives qui pourraient être mobilisées par la SNCF, la Cour des comptes, dans un rapport de janvier 2021 a dressé un constat similaire au sujet de la RATP131(*).

2. L'ouverture à la concurrence permettra d'améliorer l'équation financière des réseaux d'IDFM

Alors que la mise en concurrence des réseaux Optile132(*) a permis de contenir le hausse des coûts de production des lignes de bus opérées en dehors du réseau de la RATP, IDFM est engagée dans un processus d'ouverture à la concurrence de ses réseaux de transports qui doit s'étaler sur près de vingt ans.

Source : IDFM

Le calendrier de l'ouverture à la concurrence des lignes opérées par la RATP est prévu par l'article L1241-6 du code des transports. La mise en concurrence doit intervenir :

- avant le 31 décembre 2024 pour les lignes de bus, le transport scolaire, le transport à la demande et le transport de personnes à mobilité réduite ;

- avant le 31 décembre 2029 pour les tramways ;

- avant le 31 décembre 2039 pour les métros et RER A et B.

Le calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes qui relèvent de SNCF Voyageurs est quant à lui prévu à l'article L1241-7-1 du même code :

- avant le 31 décembre 2032 pour les Transiliens ;

- entre le 1er janvier 2033 et le 31 décembre 2039 pour les RER C et D ;

- entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2039 pour le RER E.

Les nouvelles lignes du GPE seront quant à elles directement mises en concurrence.

Calendrier prévisionnel de la mise en concurrence
des lignes ferroviaires gérées par IDFM

Source : IDFM

IDFM escompte pouvoir réaliser à terme des gains de performance moyens de l'ordre de 15 à 20 % grâce aux processus d'ouverture à la concurrence en cours, les économies pouvant même aller jusqu'à 30 % pour certains postes de coûts133(*). SNCF Voyageurs estime que les coûts de production de l'activité Transilien pourraient être réduits de 10 % à la faveur de l'ouverture à la concurrence.


* 129 Destinée à couvrir les charges d'exploitation.

* 130 Dont une remise commerciale de 180 millions d'euros en 2023.

* 131 La gestion des ressources humaines de la RATP, Cour des comptes, janvier 2021.

* 132 L'organisation professionnelle des transports d'Île-de-France qui regroupe les entreprises privées qui exploitent les lignes régulières de bus en Île-de-France en dehors du réseau opéré par la RATP.

* 133 D'après les éléments cités dans le rapport Mobilités en Île-de-France de l'Institut Montaigne de juin 2022.

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