B. LA NÉCESSAIRE ÉQUITÉ TERRITORIALE

À ce jour les zones rurales ou « peu denses » sont restées largement à l'écart du développement des services de mobilité du quotidien. Or, dans une perspective de décarbonation mais plus encore d'équité territoriale et de justice sociale, cette situation ne peut et ne doit perdurer. Dans les années à venir, ces zones doivent elles aussi recueillir leur part des bénéfices du nécessaire choc d'offre des transports du quotidien.

Comme l'illustre le graphique ci-après, en 2019, en nombre de déplacements, la part modale des transports en commun dans les territoires ruraux était extrêmement réduite alors que celle de la voiture individuelle atteignait 80 %, une proportion qui n'avait pas évolué au cours de la décennie précédente. La dépendance à la voiture individuelle n'est pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des ménages qui résident en zone rurale. Ainsi, en 2020, d'après le baromètre des mobilités du quotidien, le coût mensuel moyen des déplacements était-il 60 % plus élevé en zone rurale (141 euros) qu'en ville (90 euros).

Évolution des parts des modes de transport (en nombre de déplacements)
par tranche d'unités urbaines entre 2008 et 2019

Source : rapport d'information n° 313 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd'hui, janvier 2021.

Pourtant, et comme avait pu le souligner un rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective en 202123(*), « il n'y a pas de fatalité à ce que les espaces peu denses restent sans alternative au véhicule individuel et à l'autosolisme ». Certes les solutions de mobilité à mettre en oeuvre dans ces zones sont complexes, la détermination de leur modèle économique est souvent un défi et l'impératif d'intermodalité s'y trouve exacerbé. Cependant, s'il n'existe pas de « formule magique » et si chaque réponse doit être conçue sur mesure selon les configurations propres à chaque territoire, des solutions existent. Alors que les zones rurales supposent une logique de « cas par cas », de faire « dans la dentelle » et d'articuler étroitement différentes solutions de mobilité, la France a sans doute trop longtemps eu des difficultés à concevoir autre chose que des services réguliers de transport public, souvent inadaptés à la configuration de ces territoires.

Ainsi, d'après un rapport de l'Autorité de la qualité de services dans les transports (AQST) de 2019 sur la qualité de la desserte en transports publics réguliers depuis les zones rurales, la France serait, sur l'échantillon de pays étudiés, le pays dans lequel la qualité de la desserte programmée en transports en commun à partir des zones rurales est la moins bonne.

La mobilité en zones peu denses implique une combinaison complexe de solutions à adapter à chaque situation. Ces solutions peuvent le cas échéant associer cars express, covoiturage organisé, autopartage, transport à la demande (TAD), transport solidaire, utilisation des lignes régulières à vocation scolaire, mobilités actives, etc. Dans les zones rurales, une bonne part de la soutenabilité du modèle économique des solutions de mobilité réside dans leur complémentarité.

L'un des principaux enjeux de la mobilité en zones peu denses est de parvenir à connecter efficacement ces territoires avec les offres de transport en commun cadencées et plus lourdes déjà existantes, en réduisant au maximum le phénomène de rupture de charge. Ainsi, en zone rurale, l'objectif ne doit pas être de supprimer la voiture individuelle mais de réduire le nombre de kilomètres parcourus en voiture. Cette logique de rabattement est à privilégier en toutes circonstances et nécessite d'investir dans des pôles d'échanges multimodaux (PEM) et des parkings relais.

Concernant le développement de la mobilité active en zone rurale, et en particulier du vélo, il apparaît que, compte tenu du différentiel de vitesse entre les voitures et les vélos, les aménagements de voirie sécurisée sont encore plus indispensables et plus coûteux qu'en milieu urbain. La réalisation de tels investissements est incontournable pour stimuler un véritable décollage de la pratique du vélo en zone rurale.


* 23 Rapport d'information n° 313 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd'hui, janvier 2021

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