B. L'ACCUEIL EN PROTECTION DE L'ENFANCE : DES ORIENTATIONS DÉCIDÉES PAR LES LOIS DIVERSEMENT MISES EN oeUVRE

1. L'accueil dans l'entourage de l'enfant : la loi de 2022 restée lettre morte

Au sein de l'ensemble des enfants confiés à l'ASE, la proportion des enfants placés directement auprès d'un autre membre de la famille ou un tiers a décru de 7,4 % à 6,5 % de 2010 à 2021.

L'article 1er de la loi du 7 février 2022 renforce la priorité donnée à l'accueil de l'enfant par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance en rendant obligatoire l'évaluation de cette option préalablement à tout placement judiciaire. Plus d'un an après son introduction, cette disposition n'a pas été suivie d'effet. L'évaluation, réalisée par les services départementaux, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou des services associatifs habilités, exigent des moyens qui, à ce jour, font défaut.

De même, cet article prévoit un renforcement de l'accompagnement des tiers dignes de confiance par les services de l'ASE : la parution du décret devant préciser l'étendue de cet accompagnement se fait cependant attendre en raison des inquiétudes soulevées par les départements. Pourtant, les tiers dignes de confiance sont trop souvent laissés à eux-mêmes et la vérification des bonnes conditions d'accueil des enfants est aussi une impérieuse nécessité.

2. La non-séparation des fratries : un voeu pieux dans de nombreuses situations

L'article 5 de la loi du 7 février 2022 a réaffirmé le principe selon lequel l'enfant est accueilli avec ses frères et soeurs sauf si son intérêt commande une autre solution. Les auditions du rapporteur ont fait ressortir qu'il est encore très fréquent que les fratries soient séparées faute de place.

La stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance (2018-2022) prévoyait la construction de 600 nouvelles places dans des établissements accueillant des fratries par un financement de l'État dans le cadre de la contractualisation avec les départements. Il est encore difficile d'apprécier si l'objectif a été atteint mais des crédits budgétaires de l'État à hauteur de 38,3 millions d'euros ont été engagés de 2020 à 2022 témoignant de l'engouement des départements pour développer les structures adaptées. Les appels d'offres pour la création de villages d'enfants, spécialisés dans l'accueil des fratries, se multiplient ; toutefois, peu d'opérateurs sont aujourd'hui en capacité de proposer cette modalité d'accueil.

3. La fin de l'hébergement hôtelier : la loi produit déjà des effets dans la plupart des départements

Fin 2019, la proportion moyenne de mineurs accueillis à l'hôtel s'élevait à 5 % des jeunes pris en charge par l'ASE, ce qui représentait entre 7 500 et 10 500 jeunes protégés. Ces chiffres globaux cachaient cependant une grande variabilité : les départements avaient recours à l'hôtel pour une proportion des mineurs variant de 1 % à 18 %. L'accueil hôtelier concernait principalement des jeunes reconnus mineurs non accompagnés (MNA).

À l'initiative du Sénat, l'interdiction complète de l'accueil des enfants protégés à l'hôtel entrera en vigueur en février 2024. Cette application différée avait pour objectif de laisser aux départements le temps d'anticiper cette prohibition ; depuis l'adoption de la loi du 7 février 2022, les départements prennent effectivement les dispositions nécessaires pour éviter ce type d'hébergement inadapté aux mineurs protégés. De nombreux conseils départementaux ont lancé des appels à projet pour accroître leur capacité d'accueil.

La loi agit donc efficacement pour transformer l'accueil des enfants même si le regain des flux de personnes arrivant en France et se déclarant MNA complique la mise en oeuvre totale et uniforme de l'interdiction. Une dizaine de départements, dans lesquels la contrainte foncière est la plus forte ou les flux migratoires les plus directs, sont en difficulté pour bannir l'hôtel de leur offre d'accueil. Cette interdiction ne vaut cependant que pour les jeunes reconnus MNA et non pour les personnes mises à l'abri en attente d'une évaluation de leur minorité.

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