N° 871

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires
et notre environnement »,

Président
M. Rémy POINTEREAU,

Rapporteur
M. Hervé GILLÉ,

Sénateurs

(1) Cette mission est composée de : M. Rémy Pointereau, président ; M. Hervé Gillé, rapporteur ; M. Daniel Breuiller, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Alain Cadec, Ludovic Haye, Éric Gold, Pierre Médevielle, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Claude Varaillas, vice-présidents ; M. Jean-François Longeot, Mme Kristina Pluchet, secrétaires ; MM. Jean Bacci, Michel Bonnus, Thierry Cozic, Mathieu Darnaud, Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Anne-Catherine Loisier, Sylviane Noël, M. Cyril Pellevat, Mme Sylvie Robert.

L'ESSENTIEL

Le rapport d'information de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement

Créée à l'initiative du groupe Socialiste Écologiste et Républicain (SER), cette mission d'information s'est donné pour but d'identifier les failles et incohérences de la politique publique de l'eau menée en France et proposer des solutions pour faire face au défi de la gestion partagée et durable d'une ressource plus rare et précieuse.

Sur proposition de son rapporteur Hervé Gillé (SER - Gironde), la mission d'information, présidée par Rémy Pointereau (LR - Cher), a adopté 53 recommandations visant à renforcer la capacité de notre modèle de gestion de l'eau à répondre aux défis hydriques, à anticiper avec les acteurs de terrain les bouleversements induits par le changement climatique et à réguler les conflits d'usage.

1. UN MODÈLE ANCIEN QUI A PERMIS DE RÉPONDRE AUX ATTENTES SOCIALES ET AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

A. UNE ARCHITECTURE ROBUSTE

La distribution de l'eau et son assainissement (le « petit cycle de l'eau ») sont le fruit d'une histoire plus que séculaire centrée autour de la commune, dont l'implication a permis de déployer et d'entretenir, en régie ou par délégation de service public, plus d'un million de kilomètre de canalisations fournissant une eau potable de très bonne qualité sanitaire à tous les Français. La loi « NOTRe » en 2015 a cependant acté le tournant intercommunal de la gestion de ces compétences, même si on observe un attentisme prudent dans le transfert des compétences aux EPCI d'ici au 1er janvier 2026.

Le succès des communes repose notamment sur un prix de l'eau très abordable pour les 99 % de la population qui y ont accès. En moyenne, il s'établit à 4,3 €/m3, soit une facture annuelle de 516 euros par foyer.

Ce prix moyen varie selon la taille de la collectivité gestionnaire, les modalités de gestion mais également la localisation.

B. L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L'EAU, OBJECTIF PRIORITAIRE

1. Un accès garanti à une eau d'une bonne qualité et un assainissement performant

L'eau que nous consommons satisfait des normes de qualité élevée et l'approvisionnement est garanti, y compris dans les zones rurales à habitat dispersé. L'eau distribuée satisfait dans l'immense majorité des cas aux normes de potabilité.

Sans perdre de vue l'excellente qualité sanitaire moyenne de l'eau destinée à la consommation humaine, les principales causes de non-conformité proviennent soit de la dégradation chronique ou accidentelle de la qualité de la ressource en eau (pollution agricole, rejets urbains ou industriels, infiltration d'eau de ruissellement), soit de la mauvaise protection ou d'un manque d'entretien des ouvrages de captage d'eau, mais également parfois de la défaillance du système de production d'eau potable ou encore de la contamination de l'eau au cours de son transport ou de de son stockage.

En ce qui concerne la performance des ouvrages d'épuration aux prescriptions nationales issues de la directive eaux résiduaires urbaines, elle s'élève à 92 %. En revanche, la performance de l'assainissement non collectif ne s'élève qu'à 61,3 %.

Cette situation est plus contrastée dans les outre-mer, où le rendement des réseaux est moins satisfaisant notamment en raison de leur vétusté et de la topographie qui complique leur entretien. Des « tours d'eau » (ou coupures programmées) y sont parfois instaurés pour faire face à la difficulté de couvrir en permanence les besoins de tous, dans un contexte qui peut être marqué par une surexploitation de la ressource.

2. Un combat en cours : les nouveaux polluants

Les réseaux d'assainissement, dont les performances progressent à mesure du perfectionnement des techniques dépolluantes, font cependant face depuis plusieurs années à une nouvelle frontière, celle des « nouveaux polluants ». Pour mesurer l'ampleur de la contamination potentielle des milieux aquatiques, il suffit de considérer que la production de produits chimiques a été multipliée par cinquante depuis 1950 et les projections optimistes indiquent qu'elle pourrait encore tripler d'ici à 2050.

Si les contaminants réglementés sont suivis de manière assez fine, ils ne représentent néanmoins qu'une part infime des micropolluants connus. De plus, les effets sur la santé humaine des expositions à long terme aux micropolluants présents dans les eaux, de même que leurs effets globaux sur l'environnement, restent encore à découvrir.

La mission d'information estime que l'effort premier doit porter sur la prévention, avec une analyse plus approfondie des substances avant mise sur le marché et une meilleure protection des aires de captage des eaux destinées à la consommation humaine. Le coût du traitement est au demeurant au moins trois fois supérieur à celui de la prévention.

2. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES ENJEUX QUANTITATIFS

A. LA GESTION DE L'EAU PERCUTÉE PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

On constate une accélération du phénomène de réchauffement depuis les années 1980. Depuis les années 1990, on observe une diminution de 14 % de la ressource en eau renouvelable.

L'épisode de sécheresse exceptionnel de l'été 2022 a mis en lumière les tensions hydriques que le changement climatique était susceptible de générer. La question de la gestion quantitative de la ressource se pose plus que jamais.

L'idée que les ressources en eau seraient toujours disponibles pour répondre à l'ensemble de nos besoins a vécu.

Sur la base des études existantes, il apparaît qu'à l'horizon 2050 :

- la variabilité saisonnière des précipitations pourrait augmenter avec une hausse de l'ordre de 15 % en hiver et une baisse de l'ordre de 10 % en été ;

- les débits moyens annuels pourraient diminuer de l'ordre de 10 % à 40 % ;

- la vitesse de recharge des nappes devrait diminuer de 10 à 25 % ;

- la hausse constante de l'évapotranspiration devrait se poursuivre et réduire le volume d'eau pouvant être utilisé par les plantes ;

- l'humidité du sol devrait aussi baisser.

B. LA VARIÉTÉ DES BESOINS À SATISFAIRE

Les volumes des prélèvements et la part d'eau consommée varient selon les usages. Ainsi, le refroidissement des centrales électriques représente plus de la moitié des prélèvements d'eau douce chaque année en France (51 %), mais la grande majorité de cette eau est rejetée dans le milieu. Si les volumes d'eau prélevés par l'agriculture ne dépassent généralement pas 10 % des volumes totaux (hors production électrique), ce secteur est la première activité consommatrice (57 %) avec une part importante non restituée aux milieux aquatiques.

Après une hausse entre 1998 et 2004, puis une baisse entre 2005 et 2011, la consommation domestique moyenne d'eau potable est constante. Depuis 2012, elle est de l'ordre de 146 litres d'eau par jour et par habitant.

Ces multiples besoins doivent être satisfaits dans le cadre d'une gestion quantitative équilibrée, assurant aussi ceux des milieux aquatiques. Dans une perspective d'épisodes de sécheresse récurrents, la pression s'accroît pour protéger les zones humides, favoriser la recharge des nappes phréatiques ou encore restaurer les habitats.

Cette gestion quantitative équilibrée conduit également à anticiper les risques d'inondation. Les plans de prévention des risques naturels et les programmes d'actions de prévention contre les inondations y contribuent significativement. La mise en oeuvre de ces outils s'appuie sur un changement de paradigme : la fin du « tout tuyau » pour privilégier la gestion à la source des eaux pluviales et la mise en oeuvre de solutions fondées sur la nature telles que la désimperméabilisation.

3. DES DÉFIS MULTIPLES ET PROTÉIFORMES

A. UN PETIT CYCLE EN VOIE DE DÉGRADATION

Au rythme actuel, il faudrait plus de 150 ans pour renouveler l'intégralité des réseaux d'eau des villes de taille moyenne et de leurs communautés, et 140 ans pour les réseaux d'assainissement collectif. Ce vieillissement se traduit par des fuites équivalentes à un taux de perte moyen de 20 %.

À ce problème récurrent, est venu s'ajouter, durant l'été 2022, celui de la rupture d'approvisionnement. 600 arrêtés de restriction des usages de l'eau ont été pris par les préfets. La solidarité intercommunale et les interconnexions ont permis de faire face au manque d'eau en organisant des ravitaillements et des transferts d'eau.

B. UNE ÉQUATION FINANCIERE EN ATTENTE DE RÉSOLUTION

L'équation financière devient critique face à l'augmentation des besoins et l'insuffisance des ressources financières. La mission a constaté à quel point la trajectoire des besoins de renouvellement du patrimoine de l'eau s'est détériorée entre 2017 et 2022. Selon l'UIE, le déficit total annuel d'investissement pour le petit cycle est estimé à 4,2 Mds € par an.

Or les ressources financières ne permettent pas de couvrir l'ensemble des besoins liés au petit comme au grand cycle. Les recettes annuelles issues de la facturation, de l'ordre de 14 Mds €, permettent de couvrir les dépenses d'exploitation mais non l'ensemble des dépenses d'investissement du petit cycle. Les redevances perçues pour les agences de l'eau (2,2 Mds €) sont par ailleurs insuffisantes. Le Plan eau prévoit donc une augmentation de 475 millions € pour investir tant dans le petit cycle que dans le grand cycle. Le bilan de la taxe GEMAPI est contrasté. Quant aux aquaprêts, seule la moitié de leur enveloppe a été consommée.

C. UNE AGRICULTURE EN PREMIÈRE LIGNE

En France, l'agriculture représente 10 % des prélèvements d'eau dans les milieux mais 57 % du total des consommations. Ce chiffre peut s'élever à 80 % en été.

L'eau est en effet un élément fondamental au développement d'une plante. Si le climat rend parfois nécessaire la pratique de l'irrigation, l'agriculture française demeure très majoritaire une « agriculture pluvieuse » : seuls 6,8 % de la surface agricole utile (SAU) sont irriguée.

L'irrigation permet le maintien d'une production agricole dans certaines zones, une stabilisation des rendements et donc du revenu agricole. Elle est de plus en plus nécessaire au maintien des prairies. Elle a fait l'objet d'améliorations techniques constantes, avec une amélioration de 30 % de son efficacité depuis 1990 et des marges de progrès de l'ordre de 30 à 40 %.

La pratique de l'irrigation est encadrée, économiquement par l'application de redevances sur les prélèvements d'eau et par le coût des installations, et règlementairement par le régime des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA). Une réglementation plus exigeante est mise en oeuvre dans les zones de répartition des eaux (ZRE) connaissant un déficit structurel de ressource. Des analyses de volumes prélevables doivent être conduites avant toute répartition de quotas entre irrigants. La tendance est à la baisse de ces volumes.

La question sensible des retenues

Une retenue désigne une installation permettant de stocker de l'eau en surface. Ces installations sont très variées par leur mode d'alimentation et leurs finalités. Il existe entre 125 000 et 600 000 plans d'eau en France, tous n'étant pas à vocation agricole.

Les retenues collinaires, qui stockent l'eau de pluie par l'effet du ruissellement le long d'un bassin, sont l'une des modalités de stockage les plus communes en agriculture.

Les retenues de substitution, sont des ouvrages destinés à prélever l'eau en hiver, pour ensuite l'utiliser en été. Elles permettent de sécuriser les productions agricoles en diminuant les impacts des prélèvements.

Les projets de réserves, péjorativement dénommées « bassines », génèrent de fortes critiques : eutrophisation, évaporation, risque de dégrader les milieux, captation de la ressource au profit des seuls irrigants et d'un modèle d'agriculture intensive exportatrice, mobilisation importante de fonds publics.

L'analyse des projets de réserves et les échanges lors du déplacement dans les Deux-Sèvres conduisent la mission à souligner :

- la question indispensable de la concertation locale autour de la gestion de l'eau et des usages, dans le cadre d'un outil désormais bien connu, le PTGE ;

- la judiciarisation croissante des projets, avec des délais de jugements finaux peu compatibles avec la sécurisation des porteurs de projet ;

- le rôle primordial des élus locaux dans l'animation de la concertation et dans le soutien, ou non, aux projets de réserves ;

- l'importance des études d'impact des projets d'ouvrages et plus précisément de l'analyse de l'état des ouvrages de stockage d'eau préexistants sur un territoire ;

- Le rôle central des pouvoirs publics dans l'accompagnement du dialogue local, dans la régulation des tensions, et dans le nécessaire maintien de l'ordre républicain sur les territoires.

D. UNE MULTIPLICATION DES CONFLITS D'USAGE

1. Une gestion de l'eau territorialisée qui s'avère complexe

Jusqu'aux lois MAPTAM et NOTRe, toutes les collectivités pouvaient intervenir dans la gestion de l'eau. La suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions ainsi que le transfert aux EPCI de la nouvelle compétence GEMAPI, atténué et complexifié par des dispositions législatives postérieures, viennent brouiller la répartition des compétences.

Ainsi, la mission note la situation d'insécurité juridique dans laquelle se trouvent désormais les départements souhaitant poursuivre leur engagement financier et d'ingénierie sur la question du grand cycle. La technicité de la gestion de l'eau conduit à ce que la promesse d'une démocratie de l'eau ne soit finalement que peu tenue :

Les élus locaux sont trop souvent dépossédés des termes du débat et n'interviennent bien souvent qu'en bout de chaîne, pour valider formellement des orientations dessinées par les techniciens ;

Le citoyen demeure faiblement informé de l'étendu de la construction technico-administrative entourant la gestion du petit cycle : le « miracle de l'eau du robinet » reste difficile à percer et la facture d'eau difficile à déchiffrer ;

- Les associations d'usagers demeurent, quant à elles, sous-représentées au sein des CLE.

2. Des conflits d'usage insolubles ?

La sécheresse historique de l'été 2022 a été l'occasion de tester le dispositif sécheresse rénové des pouvoirs publics. Ce dispositif, qui repose sur 3 outils (arrêté d'orientation de bassin, arrêté-cadre départemental ou interdépartemental, arrêtés de restriction temporaire des usages), prévoit quatre niveaux de gravité allant de la vigilance à la crise, ce dernier niveau signifiant l'interdiction de la plupart des usages de l'eau pour les acteurs économiques.

En creux du retour d'expérience, il convient d'anticiper de forts conflits d'usage. C'est d'ailleurs ce risque que le guide sécheresse du ministère de la transition écologique entend prendre en compte en instaurant une gestion différenciée des différents secteurs consommateurs d'eau, selon les niveaux d'alerte.

Cependant, le risque est grand de voir de multiples conflits d'usage poindre :

- Conflit entre le secteur agricole et les autres secteurs de la vie économique ;

- Conflits entre les agriculteurs irrigants et non irrigants, les premiers pouvant sécuriser davantage leurs productions, quand les seconds pourraient à terme accumuler de lourdes pertes et se voir potentiellement exclus de l'attribution de volumes prélevables en diminution structurelle ;

- Conflits relatifs aux usages prioritaires des grands ouvrages : soutien à l'étiage, irrigation, tourisme etc.

Finalement, un risque de « bataille des dérogations » semble bien réel, chaque secteur estimant nécessaire de sécuriser un accès minimal à la ressource, faisant valoir tantôt le coté stratégique de leurs productions, tantôt les conséquences économiques d'une interruption de l'accès à l'eau en été. De fait, toutes ces filières ont de bonnes raisons de défendre leur accès à l'eau et ont d'ores et déjà fait des efforts de sobriété.

Toutefois, en cas de crise aigüe, tous ne pourront faire l'objet de dérogations, et la mission considère que l'État devrait expliciter sans tarder les usages prioritaires en cas de crise généralisée. Ces usages sont de deux ordres pour la mission :

 

La couverture en eau potable pour les besoins essentiels de la population et des services publics

 

Le refroidissement des centrales nucléaires

Enfin, pour assurer sa pérennité sur l'ensemble des territoires, l'agriculture devra mobiliser l'ensemble des leviers à sa disposition, ce qui ne saurait se résumer à une simple politique de stockage de l'eau en hiver. À ce titre, les principes de l'agroécologie constituent un puissant vecteur d'adaptation transformante de l'agriculture.

4. DES RECOMMANDATIONS POUR RÉARMER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L'EAU

A. UNE GOUVERNANCE PARTICIPATIVE PAR BASSIN

Une politique de l'eau efficace passe par un renforcement de la gouvernance. La mission préconise d'organiser celle-ci autour de deux grands principes :

- la sobriété hydrique ;

- la recherche de contrats d'engagements réciproques entre acteurs par bassin et sous-bassin.

Elle propose de conforter la place du Comité national de l'eau (CNE) en lui donnant des missions d'expertise propre et de médiation, de développer la fonction de médiation des comités de bassin, de créer des commissions locales de l'eau (CLE) dans chaque sous-bassin et de leur permettre l'adoption de SAGE de préfiguration dotés d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs contraignants.

Des propositions concernant les collectivités territoriales

- Prise en compte de l'eau dans les documents d'urbanisme (SRADDET et SCOT), soumis à avis des comités de bassin et des CLE

- Affirmation d'un rôle d'ingénierie des départements et création d'une mission d'appui à l'ingénierie dans les outre-mer

- Mise à jour des schémas départementaux d'interconnexion d'eau potable

- Réalisation sous 5 ans par les maîtres d'ouvrage d'un diagnostic stratégique de connaissance de leur patrimoine et d'analyse financière adossée à un PPI

- Imposer un taux de rendement-cible des réseaux et pénaliser les fuites

- Regrouper les petites unités d'assainissement

- Favoriser les stratégies d'infiltration d'eau de pluie et de désimperméabilisation

- Mutualiser l'exercice de la GEMAPI

B. DES CONNAISSANCES SUR L'EAU PLUS FINES ET DAVANTAGE PARTAGÉES

Dans le contexte du changement climatique, il est indispensable de disposer de suffisamment de données et de modèles fiables pour parvenir à une gestion durable de l'eau, en y associant les citoyens. Dans cette optique, la mission a formulé 8 propositions :

- Préserver et renforcer les dispositifs existants de surveillance quantitative dans les aquifères et les cours d'eau, en veillant à la comparabilité des mesures dans le temps.

- Renforcer la connaissance par le BRGM du fonctionnement des nappes, en priorisant la vingtaine de nappes exploitées dans des secteurs en tension.

- Effectuer un comptage en temps réel des prélèvements d'eau destinés à l'eau potable et à l'irrigation, ce qui implique l'installation de compteurs communicants.

- Étoffer les contrôles sanitaires de la qualité de l'eau pour disposer d'un suivi fin des contaminants et identifier les polluants émergents.

Mobiliser les moyens de l'État et de ses établissements publics pour élaborer des méthodologies fiables de prévision des disponibilités futures de l'eau.

Assurer une actualisation régulière des projections d'évolution de la ressource en eau par bassin au sein des SDAGE puis par sous-bassin.

Mettre en place une météo locale de l'eau par bassin versant, consultable par chacun.

Élaborer des outils simples de calcul de la consommation d'eau par foyer, sur le modèle d'Ecowatt dans le cadre d'une fiche globale d'empreinte environnementale.

Les retenues agricoles : stop ou encore ?

Sur les retenues agricoles, la mission écarte l'idée d'un moratoire, qui n'est en réalité qu'une interdiction générale déguisée et formule 6 recommandations :

- Garantir des procédures claires s'inscrivant dans des délais raisonnables d'autorisation et de déclaration des ouvrages de retenue.

- Fonder les autorisations non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques et renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d'évaporation.

Conditionner les retenues à des contrats d'engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques et mettre en place un suivi fin du fonctionnement des retenues et de leurs effets une fois bâties.

Privilégier un portage public des projets de retenue, par des collectivités ou des syndicats mixtes et dans une optique de multi-usages.

Généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d'eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective devant veiller à une distribution équitable des droits d'eau aux exploitations du territoire.

- Permettre l'installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinée à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par chaque comité de bassin.

C. LA MOBILISATION DES MOYENS TECHNIQUES D'AMÉLIORER LA GESTION DE L'EAU

- Encourager la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) par l'allongement de la durée de validité des autorisations, l'encadrement de l'avis des ARS dans un délai défini ainsi qu'une obligation de motiver les avis défavorables et enfin un recours accru aux subventions des agences de l'eau.

- Exploiter au mieux les interactions entre eau et énergie en développant les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et le solaire flottant et en confortant la filière hydroélectrique par la renonciation à la remise en concurrence fragmentée des concessions.

D. LE RENFORCEMENT DU LEVIER FINANCIER

Il n'y aura pas de politique de l'eau ambitieuse sans moyens financiers ambitieux. La mission propose donc :

Pour la mise aux normes de l'assainissement individuel, la mise en place d'une provision forcée au moment des cessions immobilières.

Pour récompenser les services d'eau et d'assainissement performants, une forte modulation des redevances selon les taux de fuite ou les taux de non-conformités des rejets des stations.

Pour encourager les usagers à faire des économies, une tarification progressive, couplée à une tarification sociale pour les plus modestes.

Pour renforcer les capacités financières des agences, la suppression du plafond mordant, mais aussi le fléchage d'une nouvelle ressource destiné à financer la biodiversité.

Pour davantage de justice territoriale, un soutien financier spécifique aux offices de l'eau ultramarin et la relance de la réflexion sur la solidarité interbassins.

Pour plus d'efficacité, une mutualisation de la GEMAPI à l'échelle du bassin versant.

Pour les particuliers, un crédit d'impôt pour les récupérateurs d'eau de pluie.

Pour protéger les captages d'eau potable, une meilleure application du principe pollueur-payeur et la mise en oeuvre de paiements pour services environnementaux sur l'ensemble des périmètres de protection.

AVANT-PROPOS

Indispensable à une multitude d'activités humaines essentielles, dans notre vie quotidienne mais aussi pour la production alimentaire et celle d'énergie, nécessaire dans les processus industriels ou encore pour le transport par voie fluviale et le tourisme, l'eau est également au coeur de l'équilibre des milieux et de la préservation de notre environnement.

Réguler les quantités d'eau disponibles et garantir sa qualité sont des objectifs que se sont fixés toutes les civilisations depuis des millénaires, en prenant en compte les contraintes topographiques et climatiques. Toute politique de l'eau est en effet contingente et dépend fortement de ce que la nature, localement, apporte et de ce dont elle a besoin.

De ce point de vue, la France hexagonale connaît une situation privilégiée : pays tempéré, il bénéficie d'un bon niveau de précipitations et de massifs montagneux qui sont autant de châteaux d'eau naturels. Notre pays s'est également doté d'infrastructures de gestion de l'eau permettant de prévenir les crues lors de fortes précipitations ou de gérer les périodes d'étiage. Le sud de la France, de climat méditerranéen, s'est ainsi adapté de longue date à la gestion des sécheresses. Notre pays dispose également d'un système de distribution de l'eau potable et d'assainissement des eaux usées globalement performant.

Or, le réchauffement climatique fait craindre une dégradation rapide de notre système de gestion de l'eau. La sécheresse hors norme de l'été 2022 a fait prendre conscience de notre fragilité devant les évolutions des cycles hydriques. La quasi-totalité de l'hexagone a été touchée par des mesures de restriction et environ 2 000 communes ont connu des difficultés d'approvisionnement en eau potable. Parallèlement, la prise de conscience de la nécessité de protéger nos nappes phréatiques, nos rivières et plus largement nos milieux humides, qui rendent des services écosystémiques indispensables, conduit à avoir une approche de plus en plus prudente des prélèvements et des aménagements hydrauliques.

Alors que la gestion de l'eau ressemblait depuis des décennies à un « long fleuve tranquille », nous sommes entrés dans une période de turbulence. En témoignent l'attention médiatique tout à fait nouvelle sur l'eau depuis l'été 2022, et la contestation de plusieurs projets, le plus emblématique étant la construction de retenues agricoles dans les Deux-Sèvres, qui a fait l'objet d'une manifestation violente à Sainte-Soline fin octobre 2022.

D'une affaire de spécialistes, confiée à des experts recherchant le consensus, la politique de l'eau devient un enjeu conflictuel et un champ de bataille idéologique où s'affrontent plusieurs visions sur la place respective de l'homme et de la nature et sur les stratégies que nous devons mettre en oeuvre.

Devenue plus conflictuelle, la politique de l'eau est aussi extrêmement complexe. Elle dépend largement de facteurs locaux. Selon la nature des sols, le relief mais aussi les types de culture ou encore le degré d'aménagement des cours d'eau, des territoires pourtant voisins peuvent vivre des situations très disparates. La mise en oeuvre des politiques de l'eau relève par ailleurs très largement des initiatives des collectivités territoriales, dont les priorités politiques ne sont pas partout les mêmes.

Pour tenir compte des réalités territoriales, la France dispose depuis les années 1960 d'une organisation administrative robuste qui a fait ses preuves, structurée par bassin hydrographique autour des agences de l'eau et des comités de bassin.

Mais devant la multiplication des crises, une inquiétude apparaît de plus en plus : les outils que l'on a mis en place depuis des décennies pour gérer l'eau sont-ils encore adaptés ; notre politique de l'eau n'est-elle pas à revoir de fond en comble ?

Pour répondre à cette question, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) du Sénat a demandé, en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat, la constitution d'une mission d'information sur le thème : « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ». Une mission de 21 membres, issus de l'ensemble des groupes politiques du Sénat, a ainsi été mise en place le 8 février 2023 et a procédé à la collecte de documentation, de nombreuses auditions et plusieurs déplacements, pour entendre experts et acteurs du monde de l'eau jusqu'en juin 2023.

L'objectif de la mission a consisté à évaluer la politique de l'eau, ses objectifs, ses moyens financiers et organisationnels, et à analyser les changements qui pourraient lui être apportés.

Ses travaux s'inscrivent dans le prolongement du rapport de la délégation à la prospective du Sénat, remis en novembre 2022, intitulé « Comment éviter la panne sèche, huit questions sur l'avenir de l'eau en France »1(*).

Ils ont été percutés par l'actualité. Le 30 mars 2023, le Président de la République en personne a présenté lors d'un déplacement dans les Hautes-Alpes un Plan eau de 53 mesures visant à mieux se préparer pour faire face aux futures sécheresses, en allant vers une stratégie de sobriété, et en renforçant les instruments de notre politique de l'eau. Il s'est donc agi aussi pour la mission d'analyser ce plan et ses conditions de mise en oeuvre.

Après avoir effectué un état des lieux, notre mission a pointé le risque d'être débordés par les conflits de l'eau, avant de proposer de réarmer la politique publique de l'eau en France.

Elle formule à son tour 53 propositions, de niveau législatif, réglementaire, ou relevant parfois de la simple bonne pratique administrative, pour véritablement « changer de braquet » et accélérer nos réponses collectives aux débordements qui viennent, si nous ne faisons rien.

Il y a urgence, car l'eau n'est plus un long fleuve tranquille.

I. UNE ARCHITECTURE DES POLITIQUES DE L'EAU QUI A FAIT SES PREUVES

A. UNE ORGANISATION COLLECTIVE DE LA GESTION DE L'EAU ANCIENNE ET ROBUSTE

1. La commune, échelon de base de la gestion de l'eau

Avant la généralisation de la distribution de l'eau potable à domicile, le puits, la fontaine publique ou encore la source et la rivière font partie intégrante de l'univers mental quotidien des Français. La « corvée d'eau » est une tâche pénible, mais indispensable à la satisfaction des besoins domestiques en eau : la ressource est alors située à l'extérieur du domicile et son acheminement est un fardeau. En contrepartie, le point d'eau revêt une forte dimension sociale, qui contribue à tisser des liens quotidiens pendant la collecte et l'attente qu'elle est susceptible de générer. L'alimentation en eau est l'affaire de l'individu. C'est l'époque de l'homme qui va à l'eau, et non l'inverse. Le « coût de l'eau » se mesure alors en temps et en distance.

La figure du porteur d'eau, immortalisée par Sébastien Mercier dans les Tableaux de Paris, est la première ébauche d'un rapprochement entre la collecte de l'eau et sa consommation, par délégation à un tiers. Naturellement, ce système n'est proposé qu'à ceux qui peuvent financièrement y accéder. Notre gestion actuelle de l'eau est l'héritière de ce type de commerce et le service public de l'eau n'est autre que l'histoire du perfectionnement, de la systématisation et de l'invisibilisation de ces services.

a) Les progrès vers une eau potable à domicile et un assainissement collectif

On doit à la Révolution française, en 1790, d'avoir fixé le principe qui conditionnera l'émergence des progrès de l'adduction d'eau et mettra fin à la pénibilité de subvenir à ses besoins en eau : la production et la distribution d'eau potable relèvent de la responsabilité des communes. L'urbanisation croissante et la concentration de la population au sein de villes de plus en plus denses sera l'aiguillon du progrès des raccordements et de la desserte en eau potable. Les villes sont en effet les premières à se préoccuper de leur alimentation en eau, en prenant conscience de la nécessité d'une prise en charge collective. En menant à bien des travaux publics de grande ampleur, elles sécurisent et facilitent l'accès à une ressource essentielle : c'est un moment charnière, qui voit l'eau se transformer en enjeu de société et se détacher de la sphère individuelle.

Ce choix de gestion publique locale par la commune s'explique d'une part, par de puissants facteurs économiques : la fourniture d'eau potable est l'exemple parfait du monopole naturel local. L'adduction d'eau à domicile suppose en effet un réseau de distribution unique, car il serait absurde et inefficace de dupliquer cette infrastructure coûteuse. D'autre part, des raisons techniques expliquent également ce choix organisationnel d'un service chargé de l'eau qui opère à une échelle locale, celle de la commune, qui est l'unité première de rassemblement de la population. Dans la mesure où le coût de l'acheminement de l'eau croît plus que proportionnellement avec la distance desservie, la gestion à l'échelle du territoire vécu est apparue comme la plus pertinente.

Les progrès de l'hygiène, tout au long du siècle de Pasteur, conduisent les communes à développer des réseaux et des unités de traitement de plus en plus performants et coûteux. C'est également l'époque où la préoccupation du devenir des eaux usées se fait jour : les limites du « tout à la rue » apparaissent avec une évidence de plus en plus forte. Les épidémies meurtrières de choléra qui ponctuent le XIXe siècle démontrent la nécessité et l'urgence de disposer de réseaux d'assainissement enfouis pour évacuer et traiter les eaux usées avant rejet dans les milieux, afin d'éviter qu'elles ne souillent et contaminent les eaux destinées à la consommation humaine. Un rapport du Sénat de 19642(*) synthétise bien l'esprit qui sous-tend la préoccupation croissante pour l'assainissement : « La lutte contre la pollution commence par l'épuration des effluents urbains. Et cela parce que cette pollution est, en volume et en nocivité, considérable ; et aussi parce qu'il est difficile de mettre en action une politique de répression au regard des personnes privées, alors qu'une large tolérance serait accordée aux collectivités publiques. »

Pour faire face à la demande croissante d'une eau de qualité et atteindre une taille critique pour rentabiliser les investissements, la possibilité est offerte aux municipalités, d'abord timidement, de se regrouper.

Les premières tentatives d'intercommunalisation sont instaurées dans l'objectif de mutualiser certains services publics locaux : les commissions syndicales pour la gestion des biens indivis avec la loi municipale du 18 juillet 1837 et les ententes intercommunales prévues par la loi du 5 avril 1884, qui autorise les conseils municipaux à « provoquer entre eux une entente sur les objets d'utilité communale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes respectives3(*) ». Ces modalités d'association préfigurent les premières coopérations fonctionnelles entre communes.

Mais il faut attendre le syndicat de communes, structure créée par la loi du 22 mars 1890, pour qu'apparaisse la pierre angulaire de l'intercommunalité de gestion. Ce syndicat, qui prendra par la suite la dénomination de syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU), repose sur l'association de deux ou plusieurs communes, qui mettent en commun des moyens en vue d'assumer ensemble des obligations auxquelles elles ne peuvent faire face seules ou à un tarif supérieur pour l'usager. Ce type d'intercommunalité a notoirement favorisé le déploiement et l'extension de réseaux d'eau à des échelles de gestion optimisée, accompagnant la technicisation croissante du traitement et de la distribution de l'eau.

Cette souplesse de gestion conforte les communes dans leur rôle d'autorité organisatrice de la distribution de l'eau. Les communes bénéficient pleinement alors de l'effet levier induit par les moyens accrus du fait cette mutualisation, selon le principe : « faire ensemble mieux et à moindre coût pour le contribuable, ce que chaque commune seule ne peut faire ou ferait moins bien et à un coût plus élevé ». En outre, l'accroissement continuel des obligations législatives et réglementaires dans les domaines de l'eau et de l'assainissement conduit certaines communes à déléguer la gestion de ce service public à des entreprises privées. Depuis lors, l'histoire de la gestion de l'eau en France est marquée par la coexistence d'une gestion en régie assurée par les communes et syndicats intercommunaux et d'une gestion déléguée à des entreprises privées.

En France, la première expérimentation de la mise en place d'un service de distribution de l'eau à domicile revient aux frères Périer, qui fondent en 1777 la Compagnie des eaux de Paris, sur le modèle de ce qui existe alors à Londres. Mais c'est durant la seconde moitié du XIXsiècle, sous l'impulsion des idées libérales qui prévalent alors, que l'on assiste à l'essor de compagnies privées chargées du développement de la distribution d'eau potable, avec la Compagnie Générale des Eaux (CGE), créée le 14 décembre 1853 par décret impérial et la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage (SLEE) qui voit le jour le 2 février 1880. L'émergence de sociétés financées par des capitaux privés en mesure d'accompagner le besoin croissant d'infrastructures de l'eau ne va pas sans provoquer des débats sur l'opportunité d'une gestion privée de l'eau.

Les choix de gestion, publique ou privée, varient dans le temps car ils sont sensibles aux évolutions institutionnelles et politiques. L'élection du maire et du conseil municipal au suffrage direct, en 1884, constitue à cet égard un tournant, avec l'avènement de ce que l'on a coutume d'appeler le « socialisme municipal » : la gestion en régie sera prônée par des maires soucieux de conserver la maîtrise de leurs infrastructures. Après la Première Guerre mondiale, plusieurs compagnies sont créées mais connaissent des faillites retentissantes, faute d'avoir prévu des formules de révision des prix : l'inflation et la fragilité du franc au sortir de la guerre contribueront ainsi au perfectionnement des contrats de concession. Contrairement à l'électricité, l'eau échappe en revanche à la grande vague de nationalisations de la Libération : les communes ne sont pas remises en cause en tant qu'autorités organisatrices du service de l'eau potable. Pendant la période de reconstruction et les Trente Glorieuses, l'exode rural crée d'importants besoins en infrastructures qui favorisent le retour en grâce de la gestion déléguée. Il semblerait enfin que, depuis 2010, nous assistions à une forme de « remunicipalisation » et de métropolisation, avec plusieurs grandes villes qui décident de reprendre la compétence eau en régie, à l'instar de Paris, Bordeaux, Lyon, Brest, Grenoble, Montpellier, Nice ou encore Rennes. De même, un mouvement de renégociation des contrats de délégation arrivant à échéance s'est amorcé, signe d'une plus grande implication des communes dans le domaine de l'eau. La gestion de l'eau est un objet politique et historiographique à part entière, riche d'enseignement quant au rapport de notre pays à l'eau et à la perception politique des enjeux hydriques.

Les obligations communales en matière d'eau et d'assainissement

C'est le code général des collectivités territoriales (CGCT) qui constitue le socle juridique et normatif de l'action des communes dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.

L'article L. 2224-7-1 du CGCT définit la compétence obligatoire des communes en matière d'eau potable : « Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable ». Leur compétence est en revanche facultative en matière de production, de transport et de stockage ; ces compétences peuvent être confiées par délégation au secteur privé.

Les communes sont tenues d'adopter un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution comprenant un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution de l'eau potable. Ce schéma tient compte de l'évolution de la population et des ressources en eau disponibles.

Depuis la « loi Barnier » du 2 février 1995 qui a renforcé l'information des consommateurs et l'obligation de transparence des services de l'eau, les communes sont également tenues de publier chaque année un rapport sur le prix et la qualité du service public (RPQS) qui rend compte aux usagers et au public du prix et de la qualité du service rendu pour l'année écoulée.

L'article L. 2224-8 du CGCT pose quant à lui le principe de la compétence obligatoire des communes en matière d'assainissement des eaux usées.

Ces dernières assurent le contrôle des raccordements au réseau public de collecte, la collecte, le transport et l'épuration des eaux usées, ainsi que l'élimination des boues produites. Elles sont également responsables du contrôle des installations d'assainissement non collectif, à l'instar des fosses septiques et des micro-stations d'épuration à la parcelle.

Les communes sont chargées d'établir un schéma d'assainissement collectif qui détaille les ouvrages de collecte et l'organisation du transport des eaux usées.

Au final, les communes sont parvenues, au-delà des attentes, à répondre aux besoins en approvisionnement des populations et au défi de l'assainissement, par elles-mêmes ou via la gestion déléguée. Le défi de l'eau potable accessible à tous, enjeu primordial de santé et d'hygiène publique, continue d'être relevé chaque jour par des services municipaux et des entreprises dont l'expertise technique a fait école à l'international. 99 % de la population est desservie par une eau potable de grande qualité sanitaire, et l'assainissement urbain a progressé à pas de géant grâce à la mobilisation de moyens colossaux et aux performances techniques en constante progression.

Le petit cycle de l'eau tel que nous le connaissons est ainsi le produit d'une histoire plus que séculaire : selon l'Union des industries et des entreprises de l'eau (UIE), le réseau d'eau potable français s'étend sur 956 000 km (dont 48 % en milieu urbain et 52 % en milieu rural) et le réseau des eaux usées couvre un linéaire de plus de 326 000 kilomètres, avec 88 % de celui-ci situé en zone urbaine et 12 % en zone rurale. L'UIE estime par ailleurs la valeur du patrimoine des infrastructures de l'eau et de l'assainissement en France à plus de 450 milliards d'euros4(*), soit 17 % du PIB français ! C'est dire l'effort considérable qui a été consacré à la constitution de ce réseau souterrain.

b) Le transfert programmé de la compétence aux intercommunalités

Les changements législatifs intervenus récemment remettent cependant en cause la commune comme autorité organisatrice des services publics de l'eau et de l'assainissement. La « loi NOTRe » du 7 août 2015 accroît ainsi le rôle des intercommunalités en matière d'eau et assainissement, en instaurant, selon un calendrier progressif, le transfert de ces compétences aux EPCI à fiscalité propre d'une taille d'au moins 15 000 habitants, dans un souci d'efficacité et de mutualisation pour faire face au contexte de renchérissement et de technicisation croissante du traitement de l'eau.

La loi du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a assoupli ces délais de mise en oeuvre. Initialement prévu au 1er janvier 2018, les communes ont pu s'opposer, avant le 1er juillet 2019, au transfert obligatoire de ces deux compétences, ou de l'une d'entre elles, si au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population ont délibéré en ce sens. En ce cas, le transfert de compétences ne prend effet qu'au 1er janvier 2026. La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a apporté une nouvelle souplesse aux communes, limitée et encadrée, en prévoyant la possibilité de subdéléguer les compétences eau et assainissement à une commune membre de la communauté de communes ou à un syndicat infra-communautaire.

Force est de constater une forme d'attentisme prudent, voire de l'inquiétude chez certains élus locaux par rapport au transfert obligatoire, perceptible lors de l'échange avec les élus locaux lors du déplacement dans le Cher le 22 mai 2023. Cette réticence se reflète dans les statistiques : en effet, au 1er octobre 2022, seulement 329 communautés de communes sur 992 exercent la compétence liée à l'eau, 420 ont en charge l'assainissement collectif et 723 sont compétentes en matière d'assainissement non collectif. Mais si l'on rapporte ces données à la population couverte, l'exercice intercommunal de la compétence eau concerne en réalité 76 % de la population. Pour l'assainissement, ce taux s'élève même à 80 %. Le sujet est épineux et de nombreux textes sont régulièrement soumis au législateur pour redonner la liberté aux communes de décider si elles jugent opportun ou non de transférer ces compétences.

Les divergences tarifaires qui existent entre les communes constituent l'un des facteurs qui permet d'expliquer la sensibilité du sujet : si le prix moyen de l'eau facturée est modéré, la variabilité des tarifs pratiqués par les services gestionnaires de l'eau peut être extrêmement forte. Le risque exprimé par certains élus d'une augmentation de la facture pour les usagers est donc réel, compte tenu de l'harmonisation des tarifs qu'implique le transfert des compétences à l'intercommunalité.

Les tarifs de l'eau en France

Selon l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement, le prix global moyen au 1er janvier 2021 du service de l'eau est évalué à 4,30 € TTC par m, redevances incluses. Ce montant se décompose de la manière suivante :

Source : Sispea, résultats 2020, Observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement

Cela correspond à une facture annuelle moyenne de 516 € par ménage, soit une mensualité d'environ 43 €. Ce prix moyen varie selon la taille de la collectivité gestionnaire5(*), selon les modalités de gestion6(*) ou encore la localisation, ainsi que l'illustre la carte ci-après.

Aux termes de l'article L. 2224-12-4 du CGCT, la facture comporte une partie variable dont le montant est calculé en fonction de la consommation réelle, et peut en outre comprendre une partie forfaitaire et indépendante du volume, l'abonnement, pour couvrir les charges fixes du service et les caractéristiques de branchement. Toutefois, à titre exceptionnel, lorsque la ressource en eau est abondante et qu'un nombre limité d'usagers est raccordé au réseau, le préfet peut autoriser une tarification ne comportant pas de part proportionnelle au volume d'eau consommé.

En moyenne, en 2020, la part fixe représente 17 % de la facture d'eau potable et 9 % de la facture d'assainissement collectif, avec d'assez fortes disparités puisque la fourchette tarifaire de l'abonnement s'établit entre 0 € et 158 € selon une enquête du CLCV datant de 20197(*).

Pour tenter d'atténuer cet effet de rattrapage et le caractère potentiellement inflationniste de l'exercice intercommunal de la compétence, la « loi 3 DS » a prévu la possibilité pour l'intercommunalité de financer, par le moyen de son budget général, les budgets eau et assainissement des eaux usées dans deux cas de figure : lorsque l'importance des investissements nécessaires entraînerait une augmentation excessive des tarifs pour les usagers ou pendant la période d'harmonisation des tarifications de l'eau et de l'assainissement à l'issue de la prise de compétence par l'intercommunalité.

Sans prendre position sur ce sujet éminemment politique, qui voit s'affronter les tenants de la commune comme cellule souche de la démocratie territoriale et les partisans de l'intercommunalité comme espace de projet et de mutualisation à une échelle économiquement et administrativement efficiente, la mission d'information souhaite que les débats passionnés que soulève ce sujet puissent prendre en compte la nécessaire sécurisation de l'accès à l'eau dans un contexte où l'abondance de la ressource ne va plus de soi.

Quel que soit le gestionnaire qui aura finalement la préférence du législateur pour la gestion du petit cycle de l'eau ou que le choix se porte sur des compétences eau et assainissement qui s'exercent de manière indifférenciée au sein du bloc communal, il est nécessaire de se préparer à la nouvelle donne hydrique en anticipant de profonds bouleversements quant à la manière de gérer efficacement et durablement l'alimentation en eau potable de la population. Il pourrait être opportun de renforcer le « civisme de l'eau » pour que chaque usager prenne conscience qu'il est à la fois le bénéficiaire et le responsable de cette richesse commune et partagée.

2. Une politique structurée par les agences de l'eau à l'échelle des bassins hydrographiques
a) Les planificateurs de l'eau : les agences de l'eau et les comités de bassin

Une fois acquis et consolidé le principe de la gestion communale de la distribution de l'eau potable et du traitement des eaux usées avant restitution au milieu, le législateur prend conscience, dès les années 1960, que la lutte contre la pollution des eaux et l'équilibre aquatique des milieux impliquent d'imaginer une nouvelle échelle de gestion et une instance de concertation, de décision et de financement dédiée.

Ainsi que le souligne le rapport du Sénat préalable à l'examen de la « grande loi sur l'eau » de 19648(*), « la complexité des problèmes de l'eau : besoins, ressources, pollution, leur dispersion sur l'ensemble du territoire, les interférences qui se manifestent entre eux, qu'il s'agisse de prélèvements ou de pollution, tant d'autres facteurs encore de diversité et d'imbrications nécessitaient la mise en place, aux divers niveaux, d'organismes d'étude, de confrontation, de proposition et de décision. La programmation dans le domaine de l'eau est une oeuvre commune qui exige, pour être fructueuse, la connaissance appropriée des besoins, une vue précise de leur évolution, l'appréciation des ressources en volume et en qualité, ce qui pose implicitement le problème de la pollution et de la régénération des eaux, le sens enfin de l'aménagement du territoire au sens large du terme. »

Cette loi a contribué à l'émergence d'une organisation de la gestion de l'eau autour de six grands bassins hydrographiques, issus d'un découpage selon les lignes de partage des eaux, par grands bassins versants rattachés aux principaux fleuves français. Le bassin versant est constitué par l'aire de collecte des eaux, considérée à partir d'un exutoire : cette région est limitée par le contour à l'intérieur duquel toutes les eaux de surface et souterraines s'écoulent vers cet exutoire. Ainsi défini, le territoire métropolitain est constitué de six bassins versants :

- Adour-Garonne ;

- Artois-Picardie ;

- Loire-Bretagne ;

- Rhin-Meuse ;

- Rhône-Méditerranée-Corse ;

- Seine-Normandie.

Par ailleurs, dans un souci de cohérence de l'action publique, chaque territoire d'outre-mer accède également par la suite au statut de bassin : c'est le cas pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte.

Cette approche n'allait cependant pas de soi. Les parlementaires ont hésité avant d'opter pour la solution hydrographique, animés du souci de trouver le juste équilibre entre une approche nationale jugée trop éloignée du terrain, trop coupée des problématiques locales et le choix de la circonscription d'action régionale, dont la structure administrative existait, mais qui ne résolvait pas la question de la coordination à l'échelle du bassin.

Le cheminement intellectuel qui a conduit à la création de ce nouvel espace de gestion est illustré par Maurice Lalloy, rapporteur pour le Sénat : « cette entité, satisfaisante pour l'esprit, dès lors que l'on parle d'aménagements hydrauliques et qui est le bassin hydrographique ; mais notons aussitôt son point faible : il ne correspond à aucune organisation administrative et n'a de ce fait aucun lien direct avec les administrations régionales ou départementales. Bien plus, les limites du bassin hydrographique ne coïncident pas avec les limites administratives des régions, de sorte que de nombreuses circonscriptions régionales administratives sont écartelées entre deux ou trois bassins hydrographiques. C'est cependant à la notion de bassin que s'est ralliée votre commission spéciale, estimant que dans une telle affaire c'est le point de vue technique qui est prééminent et que cette considération doit primer toutes les autres ».

Ce choix visionnaire a contribué à l'émergence d'une gestion efficiente de l'eau, à une échelle hydrographiquement cohérente, qui s'appuie sur des moyens administratifs et financiers dédiés. Cette organisation a d'ailleurs fait florès à l'international, comme l'a souligné devant la mission d'information Guillaume Choisy, directeur général de l'Agence de l'eau Adour-Garonne : « l'organisation de la gestion de l'eau par bassins, que nous avons été les premiers à mettre en oeuvre, a été reprise par 77 pays d'Europe, d'Amérique latine, d'Asie, ou encore d'Afrique, avec des modes d'organisation parfois différents ».

Pour ancrer territorialement cette innovation, la loi de 1964 crée des établissements publics de l'État ad hoc, les agences financières de bassin - qui deviendront par la suite les agences de l'eau - chargées d'une mission d'intérêt général visant à gérer et à préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques. Les agences collectent les redevances des usagers de l'eau et financent des projets favorisant la préservation et la reconquête du bon état de la ressource. Le modèle de gestion repose sur une vision de l'eau comme bien commun et s'articule autour d'une logique subsidiaire, évolutive et adaptative.

La gouvernance des agences de l'eau s'appuie sur une instance de concertation originale, le comité de bassin, souvent dénommé « parlement de l'eau », chargé d'animer la concertation entre les usagers de l'eau, les élus et l'État, de débattre et de définir les grands axes de la politique de l'eau au niveau du bassin. En fonction du périmètre géographique couvert par chaque bassin, les comités de bassin sont composés de 80 à 190 membres, pour un mandat de six ans, renouvelable deux fois.

Cette répartition reflète l'idée selon laquelle la gestion optimale de la ressource nécessite que l'ensemble des acteurs concernés soient impliqués, se concertent et participent aux décisions qui sont prises en matière de gestion de l'eau. Les membres sont répartis en quatre collèges : l'État et les établissements publics ; les parlementaires et les collectivités territoriales ; les usagers économiques (agriculture, pêche, tourisme, industrie, production d'électricité, sociétés d'aménagement, etc.) et les usagers non économiques (association agréée de protection de la nature, conservatoire régional d'espaces naturels, instance cynégétique, association agréée de défense des consommateurs, etc.).

La composition de chaque comité de bassin, à l'exception du comité de bassin de Corse, est arrêtée par le préfet coordonnateur de bassin. Tous les trois ans, le comité élit en son sein un président et des vice-présidents. C'est l'agence de l'eau correspondant à la circonscription qui assure le secrétariat du comité de bassin. Parmi les grandes missions assignées aux comités de bassin, les principales consistent à fixer la stratégie de l'eau et des milieux aquatiques du bassin à travers les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), délibérer et voter le programme d'intervention de l'agence de l'eau ainsi que le taux des redevances, dans la limite des taux plafonds fixés par la loi.

   

Adour-Garonne

Artois-Picardie

Loire-Bretagne

Rhin-Meuse

Rhône-Méditerranée

Seine-Normandie

Collège des élus (1° de l'article L 213-8 du code de l'environnement)

Parlement

2

2

2

2

2

2

Régions

5

2

8

2

6

6

Départements

11

4

19

7

15

21

EPTB, EPAGE, des syndicats mixtes ou autres groupements compétents dans le domaine de l'eau

7

6

7

7

8

6

Communes et EPCI

28

17

39

21

34

38

Communes ou EPCI présidant une CLE

1

1

1

1

1

1

Total collège des élus

54

32

76

40

66

74

Collège des usagers non économiques de l'eau
(2° de l'article L. 213-8 du code de l'environnement)

27

16

38

20

33

37

Collège des usagers économiques de l'eau
(2°bis de l'article L. 213-8 du code de l'environnement)

27

16

38

20

33

37

Collège des représentants
de l'État et de ses établissements publics
(3° de l'article L. 213-8 du code de l'environnement)

27

16

38

20

33

37

TOTAL COMITÉ
DE BASSIN

135

80

190

100

165

185

Source : d'après l'article D. 213-19 du code de l'environnement

Au cours de ses travaux, la mission d'information a relevé la remarque récurrente selon laquelle chaque catégorie d'usagers estime être sous-représentée au sein des comités de bassin. Plutôt que de conclure à une mal-représentation, elle préfère y voir le signe d'une composition propice à la concertation et à la délibération, qui oblige ses membres à confronter leurs points de vue afin de dégager une vision commune sur les grandes orientations de la politique de l'eau.

Le tour d'horizon des figures centrales de la gestion par bassin hydrographique serait incomplet si n'était évoqué le rôle clef du préfet coordonnateur de bassin. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de l'environnement, c'est le préfet de la région où le comité de bassin a son siège qui assure cette fonction d'animation et de coordination de la politique de l'État sur l'eau en matière de police et de gestion des ressources. Il assure l'unité et la cohérence des actions déconcentrées de l'État dans la région et dans les départements concernés.

Le préfet coordonnateur de bassin exerce cette compétence en lien avec le comité de bassin et le conseil d'administration de l'agence de l'eau. Il dispose par ailleurs de pouvoirs de gestion de crise : il peut, par arrêté, prendre des mesures coordonnées dans plusieurs départements pour faire face à des situations d'urgence (menace ou conséquence d'accidents, risque de sécheresse, risque d'inondations ou risque de pénurie). Il préside en outre la commission administrative de bassin, qui l'assiste dans l'exercice de ses compétences.

Ainsi que l'a indiqué André Flajolet, président du comité de bassin de l'Agence de l'eau Artois-Picardie au cours de son audition devant la mission d'information, c'est sur ce triptyque d'acteurs que repose le succès de la gestion globale du grand cycle de l'eau, dans l'intérêt de tous : « le pilotage de la gestion de l'eau en France a la chance de compter sur des outils performants, à savoir les agences de l'eau, les comités de bassins et les préfets coordonnateurs de bassin. »

Dans une logique de renforcement de la place des élus dans les instances de gouvernance de l'eau, votre rapporteur estime cependant souhaitable de faire évoluer la présidence des conseils d'administration des agences, en mettant en place une co-présidence dévolue à l'un d'entre eux.

En s'appuyant sur cette organisation robuste et à l'efficacité éprouvée, la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau a perfectionné la planification dans le domaine de l'eau. Par ce texte, le législateur a renouvelé sa confiance dans la capacité des acteurs de terrain à concilier des exigences souvent contradictoires. Le paradigme d'action hérité de 1964 est conforté : la gestion de la ressource en eau continue à reposer sur une logique décentralisée et consensuelle.

b) La planification de l'eau : les SDAGE et les SAGE

Cette loi instaure des outils afin de pallier l'absence d'une véritable gestion prévisionnelle de l'eau, en créant une police unique et générale de contrôle de la qualité des eaux et du niveau de la ressource et en prescrivant l'élaboration d'un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour chacun des bassins hydrographiques, qui fixe les orientations fondamentales de la gestion équilibrée de la ressource en eau.

Cette gestion décentralisée de l'eau peut enfin s'exercer à une échelle plus fine à travers les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), document cadre pour orienter les décisions des acteurs du territoire concernant l'eau à l'échelle d'un sous-bassin, d'un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou d'un système aquifère.

Facultatif et entretenant nécessairement un rapport de compatibilité avec le SDAGE, le SAGE décline les orientations du SDAGE et fixe les actions territorialisées en tenant compte des spécificités hydrographiques du périmètre qu'il couvre. Il comporte :

- un plan d'aménagement et de gestion durable (PAGD) de la ressource, fixant les objectifs, orientations et dispositions du SAGE et ses conditions de réalisation ;

- un règlement, accompagné de documents cartographiques, qui édicte les règles à appliquer pour atteindre les objectifs fixés dans le PAGD ;

- un rapport environnemental, décrivant et évaluant les effets notables possibles du SAGE sur l'environnement.

Fruit de la volonté des élus locaux et des acteurs d'un territoire donné, le SAGE et les objectifs de protection qu'il définit disposent d'une forte portée juridique une fois approuvé par le préfet désigné pour coordonner le bassin versant du SAGE : il s'impose aux décisions administratives prises dans le domaine de l'eau, aux documents d'urbanisme et également, au travers de son règlement, aux tiers.

Le SAGE est élaboré par une commission locale de l'eau (CLE), instance créée par le préfet, ou, dans certains territoires, par un établissement public territorial de bassin (EPTB). La CLE, présidée par un élu local, est composée de trois collèges, dont les représentants sont nommés par arrêté préfectoral :

- 50 % de représentants des collectivités territoriales et établissements publics ;

- 25 % de représentants des usagers (chambre d'agriculture, chambre de commerce et d'industrie, associations de consommateurs, de protection de l'environnement et de riverains), d'organisations professionnelles et de syndicats ;

- 25 % de représentants de l'État et de ses établissements publics (dont agence de l'eau et Office français de la biodiversité).

Les CLE, qui favorisent un dialogue au plus près des territoires et participent à la nécessaire concertation entre les parties prenantes autour de la gestion de l'eau, sont encore trop méconnues. Leur création est de fait subordonnée à l'existence d'un SAGE ou d'une démarche de projet visant à élaborer un tel schéma, ce qui est loin d'être le cas partout : en janvier 2021, seuls 54,4 % du territoire sont couverts par un ou plusieurs SAGE.

Le rôle de cette instance de démocratie participative est cependant amené à croître : la Cour des comptes préconise dans son rapport annuel9(*) de renforcer l'influence des CLE en les impliquant mieux dans la gestion de crise et en les adossant aux établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) ou établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) afin de renforcer leur rôle, tout en garantissant leurs moyens d'agir et leur indépendance. La mesure n° 33 du plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau (« Plan eau ») vise à généraliser le système des CLE au sein des territoires non couverts par les SAGE, afin de favoriser le dialogue entre les parties prenantes et instaurer le portage politique d'un projet de territoire pour organiser le partage de la ressource.

La mission d'information voit d'un bon oeil le développement de cette démocratie locale de l'eau : tout ce qui concourt à l'implication croissante des acteurs autour de la ressource en eau renforce les capacités d'adaptation à l'incertitude concernant l'état de la ressource à long terme.

Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

Prévu aux articles L. 212-1 et suivants du code de l'environnement, le SDAGE est un document de planification, établi pour une période de 6 ans, qui définit :

- les grandes orientations pour garantir une gestion visant à assurer la préservation des milieux aquatiques et la satisfaction des différents usagers de l'eau ;

- les objectifs de qualité à atteindre pour chaque cours d'eau, chaque plan d'eau, chaque estuaire et chaque secteur du littoral, ainsi que les objectifs de qualité et de quantité pour chaque nappe souterraine ;

- les dispositions nécessaires pour prévenir toute détérioration et assurer l'amélioration de l'état des eaux et des milieux aquatiques.

Un programme de mesures (PDM) accompagne le SDAGE. Il regroupe des actions techniques, réglementaires et organisationnelles à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs du SDAGE. Il évalue par ailleurs le coût de ces actions.

Le SDAGE est élaboré par le comité de bassin, après un état des lieux de la ressource en eau du bassin, l'identification des principaux enjeux propres au bassin et une évaluation des actions déjà menées.

Le PDM est établi par le préfet coordonnateur de bassin qui s'appuie sur les services déconcentrés de l'État et les établissements publics.

Ces documents sont préparés en concertation avec les acteurs de l'eau, mis à disposition du public pour recueillir ses observations (pendant une durée minimale de six mois) et soumis à l'avis des partenaires institutionnels dans le cadre d'une consultation. Ils sont ensuite formellement approuvés par le Préfet coordonnateur de bassin.

Source : Agence de l'eau Adour-Garonne

3. Un cadre national visant à garantir l'effectivité du droit à l'eau pour tous.

Faire de l'eau, de toutes les eaux, un bien commun dont l'État est le garant : le choix de cette approche novatrice explique pour partie les succès rencontrés par notre pays dans l'atteinte de l'objectif d'une eau de qualité en quantité pour l'ensemble des usages et des usagers. Le législateur l'a affirmé avec force, au sein de l'article principiel qui ouvre le titre du code de l'environnement consacré à l'eau et aux milieux aquatiques et marins, à l'article L. 210-1 : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. »

Ce cadre a contribué à faire de l'eau, le plus universel des éléments, sous nos latitudes du moins, une richesse naturelle placée sous la protection de chacun. En clair : les usagers ont des droits sur la ressource en eau, mais également des devoirs vis-à-vis de sa protection.

a) De l'accès à l'eau pour tous à la sécurité hydrique

Tout au long du XXsiècle, la capacité de la France à répondre à la demande volumétrique en eau allait de soi et la résilience hydrique aux sécheresses ne faisait guère de doute. L'expertise des acteurs de l'eau et le cadre normatif évolutif dans lequel s'inscrit la gestion de la ressource ont certes nourri des débats - souvent - et des inquiétudes - parfois -, mais c'est là le propre d'une société démocratique. En revanche, la confiance des usagers dans la disponibilité et la qualité de la ressource n'a jamais été véritablement entamée.

La promesse selon laquelle « l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique a le droit d'accéder à l'eau potable [...] dans des conditions économiquement acceptables par tous10(*) » a été globalement tenue, grâce à une organisation efficiente des services en charge de la distribution de l'eau et au volontarisme du bloc communal en matière de politique sociale de l'eau (allocation eau, chèque eau, tarification sociale, aide préventive, aide à la résorption des impayés, etc.). Mais également, il faut le rappeler avec force, du fait de l'abondance de la ressource, de sa distribution relativement équilibrée et du climat tempéré dont bénéficie notre pays : si l'un des éléments de l'équation venait à changer, comme c'est le cas sous l'effet du changement climatique, cette promesse pourrait être bien plus onéreuse à tenir.

Cette sécurité hydrique est assurée par le grand nombre d'acteurs composant l'écosystème de l'eau, sous l'oeil vigilant de l'État, qui fixe les règles du jeu, le cadre du financement, les outils dont dispose la police de l'eau ainsi que les valeurs sanitaires auxquelles doit satisfaire l'eau pour être considérée comme potable. L'État établit le cadre et assure la fluidité des rapports entre les acteurs de l'eau, tout en respectant le principe de concertation entre ces acteurs. Mais en cas de conflit ou lors des épisodes où la disponibilité de la ressource ne permet plus de satisfaire tous les usages, c'est l'État qui, en dernier ressort, assure la répartition des ressources en eau.

Cette volonté de l'État d'organiser les différents usages de l'eau est ancienne et trouve son origine dans la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux. Le rôle unificateur de l'État dans la réglementation des usages y est affirmé avec force, à travers un régime d'autorisation préalable qui préfigure la police de l'eau qui se développera au cours du siècle suivant. Parmi les mesures instaurées, les plus notables sont le pouvoir conféré au préfet de statuer sur l'établissement de tout ouvrage intéressant l'écoulement des eaux, l'encadrement du droit des riverains d'user de l'eau courante qui borde ou traverse leur propriété dans les limites déterminées par la loi et des servitudes dans l'intérêt du service de la navigation.

Ce cadre est ensuite complété par la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique qui dispose que « nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État », disposition aujourd'hui codifiée à l'article L. 511-1 du code de l'énergie. La ressource en eau, les cours d'eau et les milieux aquatiques deviennent progressivement des objets juridiques à part entière, faisant l'objet de prescriptions particulières (obligations et interdictions, autorisations préalables, et plus tardivement compensation des atteintes et remise en état). Comme dans les autres domaines de la vie en société, l'eau est ainsi de plus en plus saisie par le Droit.

b) Les grands principes de la gestion de l'eau fixés par le législateur

On doit à la loi sur l'eau de 1964 d'avoir fixé les fondements de l'organisation administrative de la gestion de l'eau dont les grandes lignes sont restées inchangées : la concertation entre usagers, élus, État et services déconcentrés en constitue toujours la clé de voûte. La loi du 3 janvier 1992 sur l'eau et celle du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) ont parachevé l'édifice normatif et donné corps aux trois grands principes qui sous-tendent l'action publique dans le domaine de l'eau : l'eau paye l'eau, le principe pollueur-payeur et la solidarité amont-aval.

Le principe selon lequel l'eau paye l'eau est de niveau législatif, codifié à l'article L. 210-1 du code de l'environnement : « les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. » Cela signifie que ce sont les usagers, et non les contribuables, qui supportent, par leurs factures d'eau et les redevances auxquelles ils sont assujettis, l'essentiel des dépenses induites par l'eau qu'ils consomment. L'application de ce principe implique que le budget des services de l'eau et de l'assainissement soit autonome du budget des communes, les dépenses devant être équilibrées par les recettes. En somme, il revient à considérer que tout l'argent provient de l'eau et que tout l'argent bénéficie à l'eau.

Si ce principe d'affectation stricte n'a jamais été véritablement respecté dans toute sa rigueur, force est de constater que les évolutions législatives récentes ont fini par le rendre en partie incantatoire. Aujourd'hui l'eau paye l'eau et la biodiversité, et même les autres politiques si l'on tient compte du « plafond mordant » qui écrête les recettes des agences de l'eau et conduit au versement de l'excédent au budget général de l'État. Ce mécanisme budgétaire est générateur d'effets pervers : son existence même a contraint nombre d'agences de l'eau à diminuer le montant de leurs taxes et redevances, pour n'avoir pas à reverser les recettes excédentaires et devoir ainsi se justifier auprès de leur comité de bassin. Ce mécanisme contribue donc à abaisser la valeur réelle de l'eau. Les agences de l'eau, dont les missions ont été élargies à la biodiversité, ne disposent que de recettes assises sur la consommation et les prélèvements d'eau, ce qu'a résumé André Flajolet : « si toutes les agences de l'eau payent pour la biodiversité, la biodiversité ne paye jamais pour elle-même. Ainsi, une redevance « biodiversité », proposée par les directeurs des agences de l'eau, permettrait aux agences de remplir leurs nouvelles missions ».

Le principe pollueur-payeur est un principe juridique et économique instauré par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », codifié à l'article L. 110-1 du code de l'environnement : « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ». Il repose sur l'hypothèse que les pollueurs doivent supporter les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs propres activités, y compris le coût des mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer cette pollution, ainsi que les coûts liés à la réparation. Il vise à persuader qu'il est dans l'intérêt des pollueurs d'éviter de causer des dommages environnementaux puisqu'ils sont tenus pour responsables de la pollution qu'ils génèrent.

Dans le domaine de l'eau, ce principe est mis en oeuvre au travers de taxes et de redevances sur les activités et les usages susceptibles de générer une pollution des milieux aquatiques. Tous ceux qui utilisent de l'eau en altèrent la qualité et la disponibilité, c'est pourquoi toute personne inscrite au service des eaux doit s'acquitter de la redevance en fonction de sa consommation et de son impact. L'argent collecté permet de financer des actions de réduction de la pollution et de gestion durable de l'eau.

Des critiques s'élèvent toutefois quant à la pertinence des assiettes de redevances et du découplage parfois patent entre le pollueur et le payeur. Ainsi, la contribution des ménages est beaucoup plus élevée que celle des agriculteurs et des industriels, alors que les pollutions qui leur sont respectivement imputables sont sans commune mesure. Lors de son audition, UFC-Que Choisir a souligné devant la mission d'information que 88 % des redevances pour pollution étaient payées par les consommateurs, contre 7 % par les agriculteurs et 5 % par les industriels. De fait, le système contraint bien souvent à payer pour la pollution du fait d'autrui, ce qui amène certains à considérer que « c'est l'eau domestique qui paye l'eau ». Une réforme des redevances est cependant en cours d'élaboration pour corriger ces importants différentiels qui dévoient l'efficacité du principe pollueur-payeur.

La solidarité amont-aval est un principe qui découle logiquement de l'organisation en bassin versant de la politique de l'eau : l'ensemble des habitants d'un bassin ont intérêt à la bonne gestion des cours d'eau, qu'il s'agisse de prévenir ou d'atténuer le risque d'inondation, mais aussi en vue d'assurer le partage de la ressource et oeuvrer à la restauration des milieux aquatiques. Par exemple, l'existence de zones d'expansion de crue en amont diminue la vulnérabilité des populations en aval. La solidarité est également nécessaire pour coordonner les efforts et partager de façon équitable les mesures à mettre en oeuvre à l'échelle du bassin versant.

Cette solidarité, notamment financière, peut trouver à s'exprimer au sein d'une structure ad hoc, à l'instar d'un établissement public territorial de bassin (EPTB) ou d'un établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE). La péréquation qui s'y opère permet aux communes de l'aval de rétribuer le service rendu par les communes de l'amont. La gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), qui sera évoquée plus loin, est l'un des principaux instruments de cette solidarité.

Il apparaît cependant que cette solidarité est fragile : certaines grandes villes bénéficient de moyens considérables pour gérer leurs systèmes d'endiguement, quand des territoires peu peuplés ont parfois un linéaire considérable de cours d'eau à gérer. Les mécanismes de cohésion à l'échelle du bassin ne sont pas toujours en mesure d'instaurer cette solidarité. Frédéric Molossi, co-président de l'Association nationale des élus des bassins (ANEB), a ainsi plaidé devant la mission d'information pour un « système de gouvernance capable d'introduire des mécanismes de péréquation et de solidarité amont-aval et urbain-rural, sans que la question ne soit renvoyée uniquement à l'échelle des collectivités ».

La cohérence de l'édifice législatif et réglementaire relatif à l'eau s'est cependant effritée au fil du temps et du morcellement croissant des dispositions intéressant la politique de l'eau. Bien malin qui, aujourd'hui, est en mesure de connaître l'ensemble des textes et des normes traitant, à un titre ou un autre, de la gestion durable de la ressource, de sa qualité, des régimes de prélèvement, de sa répartition, de son régime fiscal ou encore de la protection des milieux aquatiques.

Cette complexité et cette fragmentation nuisent à la clarté et à la compréhension des choix publics en matière de politique de l'eau. Sans aller jusqu'à recommander un code de l'eau, la mission d'information plaide pour une simplification des mesures relatives à l'eau, afin que chacun puisse appréhender, en tant qu'usager mais aussi en tant que citoyen, l'étendue de ses droits et devoirs.

Contrairement à d'autres pays, la France n'a pas fait le choix de créer un ministère de l'eau. En fonction de l'angle sous lequel est abordée la ressource, l'eau fait l'objet d'une gestion pluri-ministérielle, depuis le ministère de l'environnement à titre principal et la direction de l'eau et de la biodiversité sur laquelle il s'appuie afin de concevoir et mettre en oeuvre les politiques pour garantir la préservation et un usage équilibré de la ressource en eau, à celui de l'agriculture pour le stockage et l'irrigation, de la santé pour les normes sanitaires et la qualité des eaux, sans oublier l'intérieur pour la défense contre les incendies.

Mentionnons enfin le Comité national de l'eau (CNE), créé en 1965 et placé auprès du Premier ministre, qui constitue l'instance nationale de consultation sur la politique de l'eau. Il comprend 166 membres nommés pour six ans, dont des représentants des usagers, des collectivités territoriales, de l'État et de ses établissements publics, de présidents de CLE et de présidents de comités de bassin. Il est consulté sur les grandes orientations de la politique de l'eau, sur les projets d'aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national ou régional, ainsi que sur l'élaboration de la législation ou de réglementation en matière d'eau.

Cet organisme contribue, par ses avis et son implication auprès des pouvoirs publics, à une meilleure compréhension des enjeux hydriques, au recueil des remarques formulées par les acteurs de l'eau avant l'élaboration de nouvelles normes. Il organise les débats d'orientation préalables à la définition de la politique de l'eau : c'est l'instance démocratique où se forgent les premiers consensus nécessaires à la gestion apaisée de la ressource, très en amont, avant même l'intervention du législateur. La mission d'information tient à souligner la qualité du travail accompli par le CNE et la pertinence de son regard sur les enjeux de l'eau, pour trouver les solutions les plus pertinentes aux défis que nous aurons à relever à l'avenir : la période de « l'eau facile » est derrière nous et toute instance contribuant à la réflexion collective ne sera pas de trop.

4. Un droit de l'eau qui s'inscrit dans le cadre européen

Si la construction européenne est un phénomène récent rapporté au temps long de l'histoire de l'eau, l'échelon de coopération communautaire est cependant rapidement apparu comme pertinent pour répondre aux exigences de plus en plus fortes des citoyens en matière de qualité de l'eau, tant pour l'eau potable que pour l'environnement. Le mauvais état de la ressource dans un pays peut affecter la qualité des eaux de ses voisins : l'élaboration d'un cadre de gestion unifié, avec des exigences de qualité partagées, n'est ainsi pas apparue contraire au principe de subsidiarité.

a) Un droit européen qui irrigue de plus en plus le droit national

Les pollutions de l'eau ne connaissant pas les frontières, les États-membres ont reconnu dès les années 1970 la compétence de l'Europe et la pertinence de son action pour apporter des réponses à ces problèmes. À l'origine, la législation européenne sur l'eau s'est attachée à la protection des masses d'eau utilisées par l'homme11(*) (eau potable, eaux de baignade...). Puis, dès les années 1990, une série de directives sectorielles ont été adoptées pour réglementer les sources de pollution12(*) (rejets d'origine urbaine, agricole et industrielle).

Mais la pièce maîtresse de cet ensemble législatif, regroupant les principales obligations concernant la gestion de l'eau dans l'Union européenne, est la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, communément dénommée directive-cadre sur l'eau (DCE). L'entrée en vigueur de ce texte législatif européen a permis de redonner cohérence et une ligne directrice aux politiques décidées au niveau communautaire dans le secteur de l'eau. Ainsi que l'a souligné notre collègue Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat du projet de loi de transposition de la directive, « la multiplication des textes devenait un handicap avec pas moins d'une trentaine de directives ou décisions communautaires adoptées depuis 1975. L'un des objectifs poursuivis est de simplifier ce paysage réglementaire et l'article 22 de la directive-cadre abroge, progressivement, sept directives auxquelles elle se substitue ».

Ce texte, adopté sous présidence française, repose sur quelques idées fortes, notamment celle selon laquelle « l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel », mais également qu'il est « nécessaire d'intégrer davantage la protection et la gestion écologiquement viable des eaux dans les autres politiques communautaires, telles que celle de l'énergie, celle des transports, la politique agricole, celle de la pêche, la politique régionale, et celle du tourisme » et qu'il convient que « les États-membres se fixent comme objectif de parvenir au minimum à un bon état des eaux en définissant et en mettant en oeuvre les mesures nécessaires dans le cadre de programmes de mesures intégrés tenant compte des exigences communautaires existantes. Lorsque le bon état des eaux est déjà assuré, il doit être maintenu. Pour les eaux souterraines, outre les exigences relatives au bon état, il convient de détecter et d'inverser toute tendance à la hausse, significative et durable, de la concentration de tout polluant ».

La DCE s'articule autour de trois principes majeurs, qui lient intimement préservation du milieu et satisfaction des usages, notamment en fixant des objectifs de réduction, voire de suppression, des rejets de substances dangereuses :

- elle prévoit, sur le modèle français qui fut une source d'inspiration pour le législateur européen, une gestion décentralisée de l'eau : le bassin hydrographique devient l'entité gestionnaire de base. La directive repose également sur des programmes de mesures minimums, qui doivent répondre aux exigences de l'ensemble de la législation européenne pour la gestion de l'eau. Elle assure également qu'une coordination transfrontalière soit mise en oeuvre pour les fleuves internationaux comme le Rhin, la Meuse ou l'Escaut ;

- elle repose sur une approche combinée, permettant de lutter contre la pollution par deux moyens simultanés : fixation de valeurs-limites d'émission et définition d'objectifs généraux de qualité. Un délai de 15 ans est prévu pour parvenir au bon état général des eaux européennes, souterraines et de surface. La directive prend assez largement en compte les critères économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que les réalités géographiques, voire climatiques, des bassins hydrographiques, comme autant de contraintes permettant de définir des objectifs moins stricts ou des processus dérogatoires pour parvenir aux résultats fixés. Cette échéance sera par ailleurs plusieurs fois repoussée pour tenir compte de la difficulté à faire face aux pressions croissantes sur la ressource : l'atteinte du bon état de l'ensemble des masses d'eau est aujourd'hui fixée pour 2026 ;

- elle s'appuie sur une application claire et concrète du principe du pollueur-payeur à travers l'idée que l'eau doit payer l'eau. La récupération des coûts des services liés à l'eau doit tenir compte des situations locales et notamment des conditions sociales, environnementales et économiques. Cette approche subsidiaire laisse aux États davantage de marges de manoeuvre pour déterminer les instruments juridiques adéquats et les politiques à mener pour la préservation de la ressource en eau. La DCE introduit enfin un principe résolument novateur en matière de qualité de l'eau : elle fixe des obligations de résultat et non plus seulement de moyens.

Source : Les grandes étapes de la règlementation sur l'eau, eaufrance.fr

La France a opéré la transposition dans son droit interne des dispositions de la DCE à travers la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, dont les neuf articles tirent les conséquences juridiques en procédant à des aménagements de structure et de périmètre, notamment en rattachant les masses d'eaux souterraines et les eaux maritimes intérieures et territoriales aux bassins hydrographiques, en renforçant le principe de coordination avec les autorités étrangères compétentes pour la gestion des bassins transfrontaliers et en associant plus étroitement le public aux prises de décision dans le domaine de l'eau.

Mais la modification législative la plus importante concerne le SDAGE, dont la centralité dans la gestion de l'eau est affirmée et consacrée. Le schéma directeur fixe désormais des objectifs de qualité et de quantité des eaux et indique comment sont pris en charge par les utilisateurs les coûts liés à l'utilisation de l'eau, en distinguant au moins le secteur industriel, le secteur agricole et les usages domestiques. De plus, les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles au SDAGE. Le comité de bassin doit désormais recueillir l'avis du public sur le projet de SDAGE et l'autorité administrative doit enfin établir un programme pluriannuel de mesures contribuant à la réalisation des objectifs et des dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux.

Les objectifs de DCE ont ensuite été complétés et modifiés par d'autres textes européens, notamment la directive du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, la directive du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau et la directive du 31 juillet 2009 établissant des spécifications techniques pour l'analyse chimique et la surveillance de l'état des eaux.

b) De profondes évolutions en cours d'élaboration à Bruxelles

Il convient d'insister sur les dernières évolutions du droit européen et les discussions en cours pour actualiser la législation européenne, aux profondes conséquences sur la gestion de l'eau dans les États-membres :

- la directive (UE) 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive eau potable, a fixé de nouvelles règles pour protéger la santé humaine de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine, en garantissant leur salubrité et leur propreté.

Elle renforce également les exigences en matière d'hygiène pour les matériaux en contact avec l'eau potable, comme les canalisations. Elle vise à favoriser l'accès de chacun, dans tous les territoires, aux eaux destinées à la consommation humaine. Elle introduit enfin une approche fondée sur les risques, avec l'obligation d'établir des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux, afin d'identifier les dangers et événements dangereux susceptibles de se produire sur l'ensemble du système de production et de distribution d'eau, de la ressource en eau au robinet du consommateur, et de mettre en place un plan de mesures de maîtrise des risques.

Ce texte a été transposé par l'ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l'accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

- la Commission européenne a également présenté le 22 octobre 2022 une refonte de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires (DERU), adoptée en 1991. Cette législation, qui s'applique à toutes les agglomérations de plus de 2 000 habitants, a permis de protéger efficacement l'environnement contre les effets néfastes des rejets d'eaux usées d'origine urbaine et de certaines industries.

Mais son actualisation est devenue nécessaire afin de mieux traiter la pollution provenant des petites agglomérations et des eaux pluviales. Le champ d'application de la directive pourrait concerner toutes les agglomérations dès 1 000 habitants (ou équivalents habitants). Les États-membres auraient également à s'assurer que tous les ménages soient raccordés aux systèmes de collecte lorsqu'ils existent.

La proposition de directive introduit une nouvelle responsabilité élargie des producteurs, sur le modèle de celle existant pour la gestion des déchets. Les producteurs devront contribuer aux coûts de traitement quaternaire dans le cas de mise sur le marché de l'Union européenne de produits rejetant des micropolluants en fin de cycle de vie. La contribution financière sera établie sur la base de la quantité et de la toxicité des produits mis sur le marché. Sa mise en application serait néanmoins laissée à l'appréciation des États-membres.

Enfin, les réflexions et travaux en cours au niveau européen sur la restauration de la nature et sur la protection des sols, s'ils devaient aboutir avec le degré d'ambition voulu par la Commission européenne, ne manqueraient pas d'avoir de profondes répercussions sur le cadre normatif de la gestion de l'eau.

B. UN OBJECTIF PRIORITAIRE D'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L'EAU

Les acteurs de l'eau en France ont longtemps été animés de la conviction que la ressource était abondante et suffisante pour assurer la conciliation apaisée de l'ensemble des usages. Avec un tel cadre conceptuel, l'accent a logiquement été mis sur l'amélioration continue et adaptative de la qualité de l'eau distribuée et rendue au milieu, en surveillant plus particulièrement les phénomènes susceptibles d'altérer la qualité des eaux et les nouvelles substances mises sur le marché et susceptibles de se retrouver dans les eaux.

1. La bataille gagnée de la fourniture d'eau potable

Grâce aux communes qui ont joué le jeu de l'extension des réseaux, au financement des coûts du service par la facture d'eau, aux agences de l'eau qui ont assuré la mutualisation des efforts à l'échelle du bassin, à l'État qui détermine les normes de potabilité pour l'ensemble du territoire et en assure le contrôle, mais aussi à l'Europe qui a mis l'accent sur le nécessaire bon état des eaux souterraines et de surface, l'eau que nous consommons satisfait des normes de qualité élevée et l'approvisionnement est garanti, y compris dans les milieux très peu denses et les zones rurales à habitat très dispersé.

a) L'accès universel à l'eau, un droit à conforter pour les publics les plus fragiles

Le droit à l'eau est une réalité pour la grande majorité de la population française. En effet, près de 99 % des personnes sont aujourd'hui raccordées à un réseau de distribution d'eau. Malgré tout, on estime à encore 235 000 le nombre de personnes privées aujourd'hui en France d'un accès continu et sécurisé à l'eau, principalement les personnes sans domicile fixe et les ménages contraints de vivre dans un logement insalubre ou de fortune. Les efforts déployés par les collectivités territoriales et les associations caritatives permettent néanmoins de réduire la fracture hydrique et de rapprocher ces publics de l'indispensable accès à l'eau pour les besoins vitaux et l'hygiène.

L'échelon européen est également moteur pour promouvoir et améliorer l'accès de tous à l'eau : à cet égard, la directive eau potable du 16 décembre 2020 impose aux États-membres de mettre en oeuvre « les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l'accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier les groupes vulnérables et marginalisés », dans un contexte de crise sanitaire ayant amplifié l'importance de l'hygiène individuelle et collective, notamment pour le respect des gestes barrières. L'ordonnance de transposition de la directive en droit interne13(*) ajoute au code de la santé publique une disposition14(*) selon laquelle « toute personne bénéficie d'un accès au moins quotidien à son domicile, dans son lieu de vie ou, à défaut, à proximité de ces derniers, à une quantité d'eau destinée à la consommation humaine suffisante pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie ».

C'est principalement aux communes et aux EPCI qu'il revient de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l'accès de toute personne à l'eau destinée à la consommation humaine, afin de « garantir l'accès de chacun à l'eau destinée à la consommation humaine, même en cas d'absence de raccordement au réseau public de distribution d'eau destinée à la consommation humaine, y compris des personnes en situation de vulnérabilité liée à des facteurs sociaux, économiques ou environnementaux », à travers notamment la mise en place et l'entretien de fontaine d'eau potable. Pour ce faire, les communes et EPCI doivent identifier, sur leur territoire, les personnes n'ayant pas accès, ou ayant un accès insuffisant, à l'eau potable ainsi que les raisons expliquant cette situation.

b) Une eau potable à haute qualité sanitaire

S'agissant de la qualité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, force est de constater que l'eau distribuée satisfait dans l'immense majorité des cas aux normes de potabilité.

Ainsi, selon la direction générale de la santé (DGS), la population alimentée depuis 2014 par une eau dont la teneur maximale en nitrates est inférieure à la limite de qualité s'élève à plus de 99 %. En ce qui concerne les pesticides, la qualité de l'eau du robinet en France vis-à-vis des pesticides s'est améliorée entre 2018 et 2020, la proportion de personnes alimentées par une eau respectant en permanence les limites de qualité pour les pesticides étant passée de 90,6 % à 94,1 %, mais on relève cependant une diminution de ce pourcentage entre 2020 et 2021, pour s'établir à 82,6 %. Cette situation s'explique notamment par les nouvelles molécules recherchées et un meilleur ciblage des contrôles sanitaires : selon la DGS, les données 2021 mettent en évidence une amélioration de la connaissance de la qualité de ces eaux, sans permettre de véritablement constater une dégradation récente de la qualité de l'eau distribuée en France, sur laquelle il ne sera possible de se prononcer que dans les prochaines années. Pour preuve, le nombre de personnes concernées par des restrictions d'utilisation de l'eau distribuée pour les usages alimentaires est stable, à environ 11 000 personnes.

La qualité microbiologique de l'eau distribuée en France s'améliore progressivement : les non-conformités sont essentiellement le fait des réseaux de distribution de petite taille, alimentant peu d'habitants. Le graphique ci-après illustre la part de la population alimentée par de l'eau respectant en permanence les limites de qualité fixées par la réglementation pour les paramètres microbiologiques :

Source : synthèses « La qualité de l'eau du robinet en France » de 2014 à 2021

https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau

Au final, sans perdre de vue l'excellente qualité sanitaire moyenne de l'eau destinée à la consommation humaine, il ressort de l'audition de la DGS que les principales causes de non-conformité proviennent soit de la dégradation chronique ou accidentelle de la qualité de la ressource en eau (pollution agricole, rejets urbains ou industriels, infiltration d'eau de ruissellement), soit de la mauvaise protection ou d'un manque d'entretien des ouvrages de captage d'eau, mais également parfois de la défaillance du système de production d'eau potable ou encore de la contamination de l'eau au cours de son transport ou de de son stockage (temps de séjour important ou stagnation dans les réseaux de distribution, défaut d'entretien des canalisations et des réservoirs, entrée d'eau parasite, retours d'eau, etc.).

Quoi qu'il en soit, la qualité de la surveillance sanitaire et la réactivité de la réponse publique en cas de dépassements ou de non-conformité sont de nature à asseoir la confiance que l'on peut placer dans la qualité sanitaire des eaux distribuées15(*). La mission d'information tient cependant à marquer son étonnement quant au fait que les molécules recherchées à l'occasion des contrôles sanitaires ne soient pas identiques d'une région à l'autre. Les listes des molécules sont établies par chaque agence régionale de santé et non par le ministère chargé de la santé. Ce dernier justifie cette différenciation territoriale par le nombre élevé de molécules autorisées et utilisées et la diversité des contextes régionaux.

Par une instruction en date du 18 décembre 2020, le ministère chargé de la santé a proposé une méthodologie à destination des ARS pour harmoniser les modalités de sélection des pesticides et de leurs métabolites à analyser dans le contrôle sanitaire de l'eau au robinet, en tenant compte des activités et usages agricoles locaux (quantité de substances actives vendues et surfaces cultivées), de la probabilité de les retrouver dans les eaux et de leur toxicité sur la santé humaine.

Si les usages agricoles varient effectivement d'un territoire à l'autre, les écarts observés posent cependant une question d'équité territoriale : en 2020, l'UFC-Que Choisir relevait ainsi qu'en Île-de-France 495 molécules étaient recherchées, contre seulement 12 dans l'Aisne, département dont 57 % du territoire est couvert par des terres arables, avec une forte prédominance des céréales et des cultures industrielles. Un tel écart ne semble justifié par aucune considération objective et la mission d'information plaide pour la surveillance d'un plus grand nombre de substances lors des contrôles réalisés dans les départements les moins bien lotis.

Le suivi sanitaire de la qualité de l'eau

En France, un double suivi sanitaire de l'eau est effectué : en premier lieu, une surveillance exercée par les personnes responsables de la production et de la distribution de l'eau (PRPDE) ; et dans un second temps, un contrôle sanitaire effectué par les agences régionales de santé (ARS).

I. La surveillance des personnes responsables de la production et distribution de l'eau (PRPDE) ou autocontrôle

La surveillance au titre de l'autocontrôle se compose :

- d'une vérification régulière des mesures prises pour protéger la ressource utilisée ;

- d'une vérification du fonctionnement des installations ;

- de la réalisation d'analyses effectuées en différents points en fonction des dangers identifiés dans le système de production et de distribution de l'eau ;

- de la réalisation régulière d'une étude caractérisant la vulnérabilité des installations de production et distribution d'eau vis-à-vis des actes de malveillance pour les unités de distribution les plus importantes.

L'ensemble des informations ainsi collectées est consigné dans un fichier sanitaire, qui est le support du suivi de l'exploitation.

II. Le contrôle sanitaire externe mis en oeuvre par les ARS

Le contrôle sanitaire comprend :

- la réalisation d'un programme de prélèvements et d'analyses d'eau en différents points des installations de production et de distribution d'eau ;

- l'expertise sanitaire des résultats d'analyse ;

- l'inspection des installations de production et de distribution d'eau ;

- la prise de décision relative aux mesures de l'administration (autorisations, gestion des non-conformités, etc.) ;

- le contrôle de la surveillance exercée par la personne responsable de la production et distribution de l'eau ;

- l'information sur la qualité de l'eau.

Les programmes de contrôle des ARS mettent en oeuvre les dispositions de la directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, transposées au sein du code de la santé publique (CSP). Ils portent sur des paramètres microbiologiques, physico-chimiques ou radiologiques afin de s'assurer que les eaux sont conformes aux exigences de qualité réglementaires et ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs.

La construction des programmes est encadrée par un arrêté du 11 janvier 2007 qui édicte quelques règles générales et propose des analyses types à réaliser. Comme le rappelle l'ANSES dans son avis du 30 janvier 2019 relatif à l'évaluation de la pertinence des métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, « la réglementation ne fournit pas de liste indicative nationale de pesticides à rechercher dans le cadre du contrôle sanitaire. Chaque ARS propose donc une liste en fonction notamment des spécificités des usages agricoles locaux, des quantités de pesticides vendues, du contexte pédoclimatique, etc. ».

Ce contrôle sanitaire donne lieu chaque année à la réalisation de près de 320 000 prélèvements d'eau et de plus de 18,5 millions d'analyses. L'ensemble des résultats alimentent une base de données mise en place en 1994, la « SISE-Eaux d'alimentation » et accessible au public sur le site : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau.

Concrètement, les prélèvements et les analyses sont réalisés par des laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire des eaux au titre du CSP et retenus par les ARS après mise en concurrence. En 2017, 34 laboratoires étaient agréés, pour une analyse médiane de 159 molécules. À cette date, 764 pesticides font l'objet d'au moins un agrément - sachant qu'on estime qu'il existe un peu plus d'un millier de pesticides.

Parmi ces 764 pesticides, moins de 10 % étaient des métabolites, c'est-à-dire des molécules issues de la dégradation de leur molécule mère ou de leur transformation dans les sols au fil du temps.

III. Les exigences de qualité

En France, les exigences de qualité sont classées en deux groupes :

- des limites de qualité pour les paramètres dont la présence dans l'eau induit des risques immédiats ou à plus ou moins long terme pour la santé de la population. Ces limites de qualité concernent, d'une part, les paramètres microbiologiques et d'autre part, une trentaine de substances indésirables ou toxiques (nitrates, métaux, solvants chlorés, hydrocarbures aromatiques, pesticides, sous-produits de désinfection, etc.) ;

- des références de qualité pour une vingtaine de paramètres indicateurs de qualité, témoins du fonctionnement des installations de production et de distribution. Ces substances, qui n'ont pas d'incidence directe sur la santé aux teneurs normalement présentes dans l'eau, peuvent mettre en évidence un dysfonctionnement des installations de traitement ou être à l'origine d'inconfort ou de désagrément pour le consommateur.

IV. La gestion des dépassements des exigences de qualité

La gestion des situations de non-respect des exigences de qualité des eaux distribuées au robinet est encadrée par la réglementation : elle repose sur l'appréciation par l'ARS de la situation et des risques encourus par la population.

En cas de dépassement d'une limite de qualité, la personne responsable de la production et distribution de l'eau doit immédiatement informer le maire et les autorités sanitaires (ARS), procéder à une enquête afin de déterminer les causes du problème et porter les résultats de celle-ci à la connaissance du maire et de l'ARS. Elle doit également prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir la qualité de l'eau. En cas de risque pour la santé, l'exploitant, en liaison avec l'ARS, diffuse des recommandations d'usage à la population, en particulier aux groupes de population les plus sensibles.

Une dérogation aux limites de qualité est, sous conditions, possible pour trois ans, renouvelable au maximum deux fois, soit un total de neuf ans.

Ensemble des dispositifs administratifs et techniques
garantissant la sécurité sanitaire des eaux distribuées

c) Un bilan quantitatif et qualitatif plus mitigé dans les territoires ultramarins

Ce bilan satisfaisant de la fourniture d'une eau potable répondant aux normes sanitaires pour la très grande majorité des usagers tout au long de l'année ne doit cependant pas occulter la situation plus contrastée des outre-mer, où le rendement des réseaux est moins satisfaisant notamment en raison de leur vétusté et de la topographie qui complique leur entretien. Des « tours d'eau » (ou coupures programmées) y sont parfois instaurés pour faire face à la difficulté de couvrir en permanence les besoins de tous, dans un contexte marqué par une surexploitation de la ressource.

La situation diffère bien entendu d'un territoire à l'autre, mais des récurrences ont pu être relevées au cours de l'audition du 16 mai consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer :

- la vétusté des réseaux : en Guadeloupe, sur 120 millions de mètres cubes d'eau prélevés annuellement, principalement au niveau des eaux superficielles, plus de 50 % des prélèvements sont perdus en raison des fuites qui émaillent le réseau d'approvisionnement ; en Martinique, malgré l'abondance de la ressource, le taux de rendement du réseau est fortement réduit par une quantité importante de fuites - ce rendement est de l'ordre de 40 %, ce qui conduit à un prélèvement de la ressource largement supérieur aux besoins de la population ;

- la pollution de la ressource au niveau des aires de captage : elle émane, au premier chef, de l'utilisation de pesticides tels que le chlordécone pour les territoires où la banane est cultivée, mais également de rejets industriels générés notamment par les producteurs de rhum et les distilleries. À La Réunion, sur les 12 aires d'alimentation de captage, 6 sont affectées par un problème de pollution ;

- une pression démographique importante aggravée par le contexte insulaire : à Mayotte, la saison des pluies s'est cette année illustrée par une très faible pluviométrie, qui n'a pas permis la recharge des nappes ni le remplissage des retenues, ce qui contraint fortement les services de distribution d'eau, contraints de mettre en oeuvre des « tours d'eau » ; une usine de dessalement est à l'étude pour réduire la dépendance à l'eau de surface et aux précipitations ;

- d'importantes fragilités concernant l'assainissement non collectif : en Guyane, plus de 90 % des installations sont non conformes et à La Réunion, sur les 175 000 dispositifs d'assainissement individuel, environ 90 % présentent des problèmes de conformité ou de fonctionnement, ce qui constitue un risque significatif du point de vue sanitaire comme environnemental. Par ailleurs, les installations sont le plus souvent rudimentaires ;

- enfin, les impayés d'eau réduisent la capacité financière des services d'eau : en Guadeloupe par exemple, le taux de recouvrement de la facturation ne dépasse pas 40 %, ce qui obère les investissements nécessaires à la progression du rendement des réseaux.

Il semble dès lors primordial de renforcer l'effort de solidarité en direction des territoires ultramarins, en accompagnant les offices de l'eau dans leur stratégie de réhabilitation des réseaux et de remise en état des installations d'assainissement non collectif, de promouvoir également une stratégie de sensibilisation de la population quant à la pollution occasionnée par des installations non conformes, d'accompagner en ingénierie les défis spécifiques qui se posent aux territoires ultramarins, en n'oubliant que la performance de la politique de l'eau et la qualité de la ressource font partie des critères à l'aune desquels les politiques publiques sont jugées et évaluées par nos concitoyens ultramarins.

2. La bataille presque gagnée de l'assainissement

L'assainissement, qui désigne l'ensemble des moyens de collecte, de transport et de traitement d'épuration des eaux usées avant leur rejet dans les cours d'eau, est une préoccupation relativement récente des pouvoirs publics : c'est seulement à partir des années 1960 que le déploiement de stations d'épuration performantes est systématisé sur l'ensemble du territoire16(*). C'est ce qui explique notamment que l'âge moyen des réseaux d'assainissement est moindre que ceux des réseaux d'eau, l'équipement en assainissement collectif ayant débuté quelques décennies après celui en eau potable.

a) Un système dual qui repose sur la distinction entre collectif et non collectif

L'assainissement constitue la dernière étape du petit cycle de l'eau : après leur consommation et en raison de l'altération de qualité qui en résulte, les eaux usées font l'objet d'un traitement avant rejet, dans le but de limiter les pressions d'origine anthropique sur les écosystèmes aquatiques. L'eau potable et l'assainissement sont en définitive un seul et même sujet : la qualité de l'eau rendue aux milieux conditionne en effet le traitement nécessaire pour la potabilisation dans les territoires où la ressource ne provient pas des nappes.

Aux termes de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, les communes doivent assurer le contrôle des raccordements au réseau public de collecte, la collecte, le transport et l'épuration des eaux usées, ainsi que l'élimination des boues produites. Il s'agit en ce cas de l'assainissement collectif, qui comprend toutes les habitations raccordées à un réseau public de canalisations destinées à acheminer les eaux usées à une station d'épuration pour traitement avant rejet au milieu naturel. Un règlement du service public d'assainissement, qui définit les prestations assurées par le service et les obligations de l'exploitant, des usagers et des propriétaires, est remis à chaque usager. Le service public d'assainissement collectif (SPAC) contrôle la qualité d'exécution du raccordement au réseau communal d'assainissement. Ce contrôle, valable 10 ans, est effectué en cas de nouveau raccordement ou de modification sur un raccordement existant.

Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif (ANC). En fonction de la topographie et de la densité de l'habitat, l'assainissement non collectif peut constituer la solution technique et économique la plus adaptée, notamment en milieu péri-urbain et rural.

Il convient de relever que toute habitation relève, par défaut, de l'assainissement non collectif tant qu'un collecteur d'eaux usées n'a pas été posé et mis en service sur la voie publique dont elle est riveraine. Notons qu'il n'est pas possible de déroger à l'obligation de traitement des eaux usées : en cas de non-raccordement au réseau collectif, chaque habitation est tenue de s'équiper d'un système d'assainissement individuel autonome (fosse septique ou microstation par exemple). En revanche, dès lors qu'un collecteur est posé, le raccordement à l'assainissement collectif est obligatoire sous deux ans, sous peine de pénalités financières. À titre exceptionnel, le non-raccordement et l'éligibilité à l'ANC peuvent être reconnus, de façon transitoire ou définitive, par le service chargé de l'assainissement collectif. Ces prolongations de délai ne doivent toutefois pas excéder dix ans.

Selon le SISPEA, 12 623 services d'assainissement collectif assurent en 2020 au moins une des trois missions principales de la compétence « assainissement » (collecte, transport, dépollution) et on dénombre environ 20 000 stations de traitement des eaux usées en France. À la même date, on estime qu'environ 9 459 communes ne sont pas desservies par l'assainissement collectif, généralement parce qu'elles relèvent de l'assainissement non collectif. On estime à environ 5 millions le nombre d'installations d'assainissement non collectif, qui concernent 15 à 20 % de la population.

Source : Répartition spatiale des services publics d'assainissement collectif par département,
rapport SISPEA 2020

Selon le ministère de la transition écologique17(*), 13,5 milliards d'euros ont été consacrés en 2019 à la gestion des eaux usées en France. La dépense intérieure de gestion des eaux usées est constituée à 90 % de dépenses relatives à l'assainissement collectif, pris en charge par les gestionnaires des services, régies ou délégataires. Les ménages sont les premiers contributeurs à ce poste de dépense de protection de l'environnement, à hauteur de 45 % via la facture d'assainissement, devant les entreprises (22 %), en dehors de celles qui sont spécialisées dans l'assainissement des eaux usées. Au niveau national, on estime que le taux de renouvellement des réseaux de collecte des eaux usées s'élève à 0,46 %.

Il convient de souligner que la performance des réseaux d'assainissement a contribué à l'amélioration de la santé publique et à la qualité des milieux aquatiques. Le traitement des eaux résiduaires urbaines à grande échelle et la progression du taux de raccordement des ménages, des entreprises et des industries a eu un effet notable sur la réduction de la pollution des cours en aval des pôles urbains. Au 1er janvier 2020, la performance des ouvrages d'épuration aux prescriptions nationales issues de la directive eaux résiduaires urbaines, mesurée par le taux de conformité de la performance des ouvrages d'assainissement collectif18(*), s'élève à 92 %. Au niveau européen, ce taux est de l'ordre de 90 %.

b) Des performances d'assainissement perfectibles pour mieux répondre aux exigences européennes

Malgré ce pourcentage satisfaisant, la Commission européenne a adressé en octobre 2017 une mise en demeure à la France pour non-respect de la directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines (DERU) visant 364 agglomérations, sur la base de la performance de leur système d'assainissement au titre de l'année 2014. En mai 2020, la procédure a été complétée par un avis motivé visant 169 de ces agglomérations. Le 9 juin 2021, la Commission européenne a annoncé sa décision de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, en indiquant qu'une centaine d'agglomérations d'assainissement n'étaient toujours pas pleinement en conformité avec la directive.

Il s'agit de la cinquième procédure contentieuse visant la France pour non-respect de la DERU, engagée par la Commission européenne depuis 1998, pour avoir trop tardé à mettre aux normes ses agglomérations d'assainissement de plus de 2 000 équivalents habitants. La Commission souligne notamment que le traitement des eaux usées exige non seulement l'élimination de la matière solide, mais aussi la dégradation des substances organiques par l'utilisation de bactéries. Les communes et EPCI concernés par ce contentieux ont été informés par le Gouvernement de l'avancement de la procédure et invités à transmettre toute donnée utile pour répondre aux griefs de la Commission européenne et faire cesser ces situations de non-conformité.

De même, une quinzaine d'agglomérations ne satisfont pas aux exigences de la directive relative à la protection des zones sensibles contre les nutriments, tels que l'azote et le phosphore, qui peuvent nuire aux réserves d'eau douce et au milieu marin. La révision en cours de la directive sur les eaux résiduaires urbaines, qui structurera l'assainissement des États-membres pour les trente prochaines années, ne manquera pas de rendre cette situation encore plus sensible. La mission d'information insiste à cet égard sur la nécessité d'accompagner les agglomérations concernées pour qu'elles satisfassent aux exigences de qualité des eaux usées traitées, afin d'éviter non seulement une sanction financière de la France mais également en vue de favoriser le retour et le maintien du bon état des écosystèmes aquatiques.

En parallèle, la performance de l'assainissement non collectif19(*) ne s'élève qu'à 61,3 %. Mal entretenues ou défectueuses, les installations individuelles peuvent constituer un danger pour la santé des personnes ou un risque de pollution de l'environnement. Le système reposant sur de nombreuses petites installations individuelles, que chaque propriétaire doit entretenir régulièrement, son efficacité dépend de la qualité de cet entretien, de la régularité de la vidange et de l'efficience du contrôle des installations.

Le service public d'assainissement non collectif (SPANC) est chargé de vérifier le bon fonctionnement et l'entretien de chaque installation au moins tous les dix ans. Pour financer le fonctionnement de ce service, les propriétaires disposant d'une installation d'assainissement non collectif sont assujettis à la redevance d'assainissement non collectif, dont le montant est fixé de façon à couvrir entièrement le coût d'exploitation du SPANC. Des marges d'amélioration et de progrès restent à accomplir, notamment en matière de connaissance et de cartographie des installations, d'accompagnement des propriétaires pour l'entretien des leurs installations, d'élimination des matières de vidange et de contrôle, afin d'améliorer sensiblement la performance de l'assainissement non collectif, qui constitue un réel point noir.

Une piste pour améliorer le taux de conformité des installations pourrait notamment consister à rendre obligatoire, au sein du diagnostic d'assainissement non collectif remis à l'acheteur au moment de la vente, le détail des travaux nécessaires à l'amélioration de l'assainissement individuel ainsi que le montant estimatif de leur réalisation

Le diagnostic d'assainissement non collectif

L'article L. 1331-11-1 du code de la santé publique, introduit par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 et complété par la loi « Grenelle II » de 2010, prévoit, lors de la vente d'un immeuble à usage d'habitation non raccordé au réseau public de collecte des eaux usées, la fourniture obligatoire depuis le 1er janvier 2011 par le propriétaire-vendeur de ce diagnostic, daté de moins de trois ans, délivré par le service public d'assainissement non collectif.

En revanche, si le contrôle des installations d'assainissement non collectif est daté de plus de trois ans ou inexistant, sa réalisation est à la charge du vendeur. Une fois le bien vendu, le nouveau propriétaire de la maison devient responsable de l'entretien régulier de son installation. En cas de non-conformité attestée par le diagnostic, les travaux de mise aux normes doivent être effectués au plus tard un an après l'achat du bien.

Dans certains cas, le coût de remise en état d'une installation d'assainissement non collectif peut être supérieur 10 000 euros, ce qui constitue bien souvent un obstacle à la réalisation des travaux. Pour s'assurer de la réalisation des travaux, une somme pourrait être provisionnée sur le montant de la vente pour la mise en conformité de l'installation non conforme et ainsi garantir les fonds nécessaires à la remise en état. Il pourrait s'agir d'une solution efficace pour améliorer progressivement le taux de conformité des installations, sans faire peser de charge nouvelle sur les propriétaires.

Un dernier point a enfin retenu l'attention de la mission d'information : si les gestes éco-responsables pour économiser l'eau commencent à entrer dans les moeurs, les réflexes pour préserver le système d'assainissement des eaux usées le sont moins. D'après l'enquête nationale de 2021 « Les Français et l'eau20(*) », seuls 62 % des Français sont conscients qu'il n'est pas recommandé de jeter n'importe quoi dans le système d'assainissement car cela pollue les ressources et perturbe le processus de dépollution. C'est d'autant plus inquiétant que cette proportion diminue nettement par rapport à la précédente enquête (69 %).

Le Plan eau prévoit à cet égard une sensibilisation dès le plus jeune âge aux enjeux de l'eau et à la sobriété, ce qui est fondamental pour renforcer la prise de conscience de la nécessité de préserver la ressource en eau. Cette sensibilisation pourrait utilement promouvoir des gestes et des réflexes facilitant le traitement des eaux usées, comme la nécessité de ne pas jeter les lingettes dans les toilettes, car elles bouchent les canalisations, ou de ne pas y verser de produits toxiques car ils sont dangereux pour les exploitants et endommagent la qualité des rivières.

3. Le combat en cours contre les nouveaux polluants

Les réseaux d'assainissement, dont les performances progressent à mesure du perfectionnement des techniques dépolluantes et épuratoires, font cependant face depuis plusieurs années à une nouvelle frontière, celle des « nouveaux polluants ». Un nombre croissant d'études indique en effet que l'eau que nous consommons contient, en quantité infime mais néanmoins décelable et potentiellement toxique, des micropolluants et des substances à caractère de perturbateur endocrinien dont les effets sur la santé humaine, les écosystèmes et la biodiversité restent à évaluer.

a) Une bombe sanitaire à retardement : les nouveaux polluants

Les analyses chimiques des eaux réalisées en laboratoire sont préoccupantes : les résultats mettent en évidence la présence de résidus médicamenteux, de micro-plastiques, de pesticides et de leurs métabolites, de parabènes, de phtalates, de métaux lourds ainsi que de PFAS21(*). Le nombre considérable de nouvelles entités chimiques mises sur le marché et l'absence d'évaluation fondée sur le cycle de vie de la molécule, depuis sa mise sur le marché jusqu'à la dégradation dans les milieux, contribuent à l'acuité du phénomène ainsi qu'à son insuffisante connaissance. Chaque année, des millions de tonnes de substances chimiques sont produites, parmi lesquelles beaucoup ont des effets biologiques évidents - certaines sont d'ailleurs précisément conçues à cet effet.

Un micropolluant émergent est une molécule organique ou synthétique qui n'est pas couramment surveillée, susceptible de présenter des effets adverses sur la santé ou l'environnement. Il peut s'agir d'une molécule nouvellement synthétisée, utilisée en grande quantité, mais aussi d'une molécule suscitant depuis peu l'intérêt et l'interrogation de la communauté scientifique et des autorités, avec souvent un décalage dans le temps par rapport à l'utilisation de la molécule, ainsi que l'illustrent le cas des PFAS et du S-Métolachlore.

Pour mesurer l'ampleur de ce risque de pollution et de contamination des milieux aquatiques, il suffit de considérer que la production de produits chimiques a été multipliée par cinquante depuis 1950 et les projections optimistes indiquent qu'elle pourrait encore tripler d'ici à 205022(*). Nous sommes en présence d'un phénomène qui englobe un très grand nombre de molécules : plus de 350 000 substances chimiques ont d'ores et déjà été recensées dans l'environnement ! On dénombre plus de 100 000 substances commercialisées en Europe, dont 30 000 en quantité supérieure à une tonne par an. Les réglementations nationales et européennes sont inadaptées à ce phénomène, car elles reposent sur des listes limitées de composés à rechercher, dont l'actualisation intervient souvent bien après les premières détections dans les milieux aquatiques et terrestres. Il convient de préciser qu'il existe un délai incompressible entre l'identification d'une molécule d'intérêt et l'élaboration d'une méthodologie de surveillance exploitable à l'échelle nationale, que le laboratoire d'hydrologie de l'ANSES évalue à deux ans.

De plus, selon les masses d'eau inspectées, les contaminations peuvent se produire bien longtemps après le déversement ou la dispersion dans les milieux : certaines substances, comme l'atrazine, herbicide très largement utilisé en grandes cultures avant d'être interdit voici près de vingt ans, constituent encore, de nombreuses années près leur interdiction, la première cause de déclassement des eaux souterraines, parce qu'extrêmement rémanentes.

La recherche des pesticides et de leurs résidus dans les eaux

Parmi les substances (une cinquantaine) pour lesquelles la directive européenne prévoit un suivi des valeurs paramétriques, certains sont des substances uniques, à l'instar de l'arsenic ou du chrome, d'autres sont des familles de substances, et notablement les pesticides.

Le cadre européen prévoit une valeur paramétrique par pesticide (0,10 microgramme par litre) ainsi qu'une valeur pour la somme des pesticides (0,50 microgrammes).

Les métabolites de pesticides, lorsqu'ils sont jugés pertinents c'est-à-dire susceptibles de présenter des risques sanitaires inacceptables pour le consommateur, sont inclus dans ces valeurs. La législation européenne ne précise toutefois pas les critères permettant de qualifier un métabolite comme pertinent. Une instruction DGS du 18 décembre 2020, rappelle que tous les métabolites sont par défaut considérés comme pertinents en France, tout en proposant, pour la première fois, une méthode d'identification des métabolites à risques.

Les valeurs paramétriques issues de la législation européenne ne constituent cependant pas une norme sanitaire. Comme le rappelle le ministère de la santé dans son bilan de la qualité de l'eau au robinet de décembre 2022, « Contrairement aux autres limites de qualité, ces limites ne sont pas fondées sur une approche toxicologique et n'ont donc pas de signification sanitaire ; elles ont pour objectif de réduire la présence de ces composés au plus bas niveau de concentration possible. »

La gestion des risques sanitaires est principalement fondée sur des limites établies, sur le fondement des connaissances disponibles dans la littérature scientifique, par l'ANSES, comme l'indique le bilan susmentionné : « La gestion des risques sanitaires est notamment basée sur ces limites de qualité réglementaires et les « valeurs sanitaires maximales (Vmax) » établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. La consommation pendant la vie entière d'une eau contenant un pesticide à une concentration inférieure ou égale à la Vmax n'entraîne, sur la base des critères toxicologiques retenus et en l'état actuel des connaissances, aucun effet néfaste pour la santé. Si la concentration en pesticide est supérieure à la Vmax, des restrictions de consommation sont prononcées ».

Ainsi, selon que l'on se fonde sur les valeurs de la règlementation européenne ou sur les Vmax, les interprétations de la qualité de l'eau varient sensiblement :

- pour 2021 (dernières données disponibles), 17,4 % de la population française soit 11,5 millions d'habitants, a été alimenté par une eau du robinet au moins une fois non conforme au regard de la règlementation. Ce chiffre est en forte augmentation - il s'établissait à 6 % de la population en 2020 - du fait de l'ajout de nouveaux métabolites dans les programmes de contrôle des ARS.

- en revanche, seulement 0,02 % de la population, soit 11 000 habitants, a été alimenté par une eau pour laquelle au moins une molécule de pesticide est supérieure à sa Vmax, et a ainsi fait l'objet de restrictions des usages alimentaires de l'eau.

Un long travail d'analyse des métabolites est engagé depuis plusieurs années, conduisant à confirmer ou infirmer progressivement leur caractère pertinent ou non, afin de déterminer leur Vmax lorsque cela est possible. Ce travail permet d'affiner au fur et à mesure les programmes d'analyse du contrôle sanitaire mis en oeuvre par les ARS.

En ce qui concerne les métabolites du chlorothalonil, pesticide utilisé de 1970 à 2019, classé cancérogène probable par les autorités sanitaires européennes - dont le métabolite R471811 non recherché jusqu'à présent - ils ont été identifiés dans environ un tiers des relevés effectués par l'ANSES à des niveaux supérieurs à la règlementation européenne (0,1 microgramme par litre).

L'ANSES n'a pas encore établi de Vmax pour ce métabolite, ce qui rend l'analyse de ce résultat complexe dans la mesure où en l'absence de cet indicateur, il n'est pas possible d'estimer le degré avéré de dangerosité des concentrations observées. Ce métabolite avait fait l'objet d'un avis du 26 janvier 2022 de l'ANSES, portant sur quatre métabolites au total. Deux, dont le Chlorothalonil R471811, ont été déclarés pertinents à cette occasion.

Au 30 janvier 2019, l'ANSES avait procédé à l'analyse de 22 métabolites pertinents, parvenant à déterminer une Vmax pour 18 d'entre eux.

Si les contaminants réglementés sont suivis de manière assez fine, ils ne représentent néanmoins qu'une part infime des micropolluants connus, qui eux-mêmes ne constituent qu'une petite partie des contaminants présents, parce qu'ils sont inconnus ou non suivis. Certaines molécules sont toxiques à partir de quelques nanogrammes, voire picogrammes, par litre. En outre, les processus de transformation au cours du temps des composés organiques sont encore mal appréhendés par la science. Enfin, la diminution de la ressource en eau sous l'effet du changement climatique entraînera une augmentation de la concentration des polluants et la hausse de la température des eaux favorisera la solubilisation des polluants et les transferts.

La capacité de détection des micropolluants a progressé de façon spectaculaire ces dernières années, ce qui renforce de façon substantielle notre connaissance de la composition des eaux. Selon Christophe Rosin, chef de l'unité chimie des eaux au laboratoire d'hydrologie de l'ANSES à Nancy23(*), « avec le développement des nouvelles technologies, nous disposons d'instruments de plus en plus performants, qui nous permettent de quantifier des concentrations de plus en plus faibles. Nous sommes ainsi passés à la détection, dans les années 1960-1970, de concentrations de l'ordre d'un milligramme par litre, soit environ un kilogramme de sucre dans une piscine olympique, à un microgramme par litre, qui représente un sucre dans cette même piscine, pour atteindre aujourd'hui l'échelle du nanogramme par litre, soit quelques grains de sucre dans le même volume d'eau ». La progression de la connaissance et l'affinage des outils de mesure contribuent à une vision beaucoup plus fine et exhaustive de la composition chimique des eaux, qui constituent probablement le bien commun le plus surveillé. À cet égard, une évidence doit être rappelée : plus l'on cherche, plus l'on trouve.

Les effets sur la santé humaine des expositions à long terme aux micropolluants présents dans les eaux restent encore à découvrir et les problématiques de reprotoxicité, de cancérogénicité, de mutagénicité, de génotoxicité, de neurotoxicité et d'immunotoxicité se posent de façon aigüe du fait de l'imperfection de nos connaissances scientifiques à ce stade. Comme l'a souligné Jeanne Garric devant l'OPECST, directrice de recherche émérite à l'INRAE, « nous ne disposons ni des outils ni de l'imagination nécessaires pour anticiper les conséquences de ce que nous sommes en train d'introduire dans la nature. » Cette contamination aux micropolluants est caractérisée par des mélanges extrêmement complexes, une exposition chronique permanente à travers tout l'environnement, sachant que l'homme est au sommet de la chaîne trophique ; prédateur ultime, nous récupérons de ce fait l'ensemble de la pollution accumulée par les autres éléments de la chaîne alimentaire.

b) La nécessité d'une réponse en deux temps : levier technologique et prévention à la source

Ce diagnostic assez sévère sur la qualité des eaux au regard des micropolluants émergents doit servir d'aiguillon à l'action des pouvoirs publics, à un effort de recherche accru des organismes scientifiques et à l'innovation technique des systèmes d'assainissement et de dépollution, en déployant des mesures préventives et correctives qui ciblent en priorité les substances dont les effets sur la santé humaine ou animale sont les plus néfastes à court et moyen termes, en diminuant la concentration des substances prioritaires et en éliminant les substances dangereuses. Cependant, d'après le principe selon lequel la meilleure pollution est celle qui a été évitée, l'effort premier doit porter sur la prévention, avec une analyse plus approfondie des substances avant mise sur le marché et une meilleure protection des aires de captage des eaux destinées à la consommation humaine. La direction de l'eau et de la biodiversité estime ainsi que le coût du traitement est au moins trois fois supérieur à celui de la prévention.

L'enjeu majeur de la protection des captages

La protection des captages d'eau potable et son corollaire, la lutte contre les pollutions diffuses, sont des problématiques majeures pour la qualité des eaux, plus particulièrement en raison de l'émergence des micropolluants. La France compte près de 33 150 captages utilisés pour l'alimentation en eau potable, deux tiers à partir de nappes souterraines, un tiers à partir d'eaux de surface. Ils couvrent une superficie équivalente à environ 3 % de la surface agricole utile (SAU).

Les collectivités et les gestionnaires des réseaux d'eau potable ont de longue date mis en oeuvre des mesures de protection des aires de captage, dans une logique de prévention à la source de la dégradation de la qualité des eaux mais l'approche unifiée au niveau national n'est apparue que récemment.

I. L'émergence récente de la protection des aires de captage

Depuis la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, l'instauration des périmètres de protection des points de prélèvement d'eau pour l'alimentation est obligatoire. Les périmètres de protection du captage (PPC immédiate, rapprochée, éloignée) visent à assurer la protection de la ressource en eau, vis-à-vis des pollutions de nature à rendre l'eau impropre à la consommation. C'est la collectivité qui engage la procédure qui conduit à un arrêté de déclaration d'utilité publique (DUP).

L'aire d'alimentation de captages (AAC) désigne la surface sur laquelle l'eau qui s'infiltre ou ruisselle alimente le ou les captages. Ce zonage a pour objectif de désigner la zone où des actions seront mises en place pour la protection de la ressource en eau et la lutte contre les pollutions diffuses.

Source : Office international de l'eau

Sous l'impulsion du droit européen, et notamment sur le fondement de l'article 7 de la DCE, des efforts ont été entrepris pour l'établissement d'un cadre plus uniforme de protection des aires de captage. La directive-cadre européenne sur l'eau impose, sans dérogation possible depuis 2015, que toutes les masses d'eau utilisées pour le captage d'eau potable respectent les normes de qualité (< 50 mg nitrates/l et < 0,1 ug pesticides/l).

II. Les moyens d'action à disposition des collectivités

Plusieurs outils règlementaires ont été instaurés pour limiter les atteintes à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, à travers :

- les périmètres de protection des captages d'eau potable (articles L. 1321-2, R. 1321-13 et R. 1321-14 du code de la santé publique)

- les zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) qui peuvent également être mobilisées - le préfet arrête la zone de protection de l'aire d'alimentation du captage (ZP-AAC) et le programme d'actions à mettre en oeuvre dans cette zone par les agriculteurs exploitants et propriétaires de terrains ;

- la mise en oeuvre de zones d'actions renforcées (ZAR) lorsque la teneur en nitrates est supérieure à 50 mg/l (R. 211-81-1 du code de l'environnement)

Par ailleurs, les agences de l'eau accompagnent financièrement les collectivités pour la protection des aires de captage.

III. Une politique à conforter pour passer à la vitesse supérieure

Aujourd'hui, malgré l'intérêt de cette architecture normative, la qualité de l'eau prélevée en France au regard des nouvelles formes de pollution est préoccupante : on considère ainsi que 3 000 captages sont aujourd'hui dégradés et plus de 7 800 captages ont été fermés depuis 20 ans.

La mauvaise qualité de l'eau, due notamment aux nitrates et aux pesticides, en est la première cause (39 % des abandons), devant la rationalisation des réseaux (22 %), les débits trop faibles (12 %), les problèmes techniques ou de vétusté (9 %), une protection impossible (7 %) et les causes administratives (9 %).

Plusieurs acteurs ont évoqué devant la mission d'information que l'approche française restait trop souvent axée sur des mesures palliatives, à travers le financement de la dépollution, plutôt que viser une meilleure protection des captages. Les performances des services de l'eau en matière de traitement peuvent également induire des biais quant à la perception de l'acuité du problème.

Parmi les pistes à explorer pour renforcer la protection des aires de captage, il pourrait être opportun de développer les zones de protection élargies, car c'est un outil efficace qui a démontré sa pertinence et qui permet de limiter le traitement des eaux. L'idée pourrait être d'aboutir à zéro pesticide de synthèse au sein des aires de captage d'ici 10 à 15 ans. Une autre piste pourrait consister à développer les paiements pour services environnementaux dans les aires d'alimentation, avec des engagements contractuels des agriculteurs moyennant rémunération.

En tout état de cause, il est nécessaire que la lutte contre les micropolluants s'inscrive dans les priorités des agences de l'eau et de l'OFB.

Les actions mises en oeuvre pour mieux connaître et agir vis-à-vis de ces micropolluants sont inscrites dans le plan d'action national sur les micropolluants, piloté par le ministère de la transition écologique, sur la période 2016-2021. Un nouveau plan pour réduire cette pollution à la source est actuellement en préparation, qui visera notamment à établir une meilleure connaissance des micropolluants en n'effectuant plus de surveillance substance par substance, mais par famille de substances, pour une plus grande efficacité.

Plus spécifiquement, un plan d'action PFAS 2023-2027 a été publié en janvier dernier, afin accélérer la production des connaissances scientifiques sur ces polluants dits « éternels », pour réduire les risques à la source et mettre en oeuvre une meilleure surveillance des milieux. On peut déplorer cependant que la surveillance des eaux potables ne sera systématisée qu'à partir de 2026 et que les mesures préventives n'incluent pas de façon de systématique la surveillance des sols et l'interaction ruissellement et contamination des masses d'eau souterraines et de surface.

En ce domaine, non seulement la qualité du suivi et de l'évaluation des mesures prises, mais également les moyens financiers seront centraux à la réduction de ce type de pollution émergente. La mission d'information plaide pour des ambitions fortes dans ce domaine, dans une logique de prévention et d'action à la source, le plus en amont possible, conformément à l'approche « une seule santé ».

C. LA MONTÉE EN PUISSANCE RAPIDE DES ENJEUX QUANTITATIFS

1. Des ressources en eau douce jusqu'ici suffisantes
a) Des précipitations abondantes et des réserves en eau dans les cours d'eau et les nappes ....

Avec un niveau de pluviométrie moyenne d'un peu plus de 900 mm de pluie par an, la France hexagonale ne manque pas d'eau.

Au total, on enregistre de l'ordre de 500 milliards de m3 de précipitations sous forme de pluie et de neige, dont 40 % environ, soit 200 milliards de m3, sont considérées comme des pluies efficaces, qui s'infiltrent dans les sols ou vont dans les cours d'eau, et 60 %, soit 300 milliards de m3, sont soit absorbés par la végétation soit évapotranspirés.

Derrière les moyennes nationales, se cachent toutefois des particularités géographiques et saisonnières :

l'influence océanique ou encore le relief favorisent les précipitations, conduisant les façades maritimes et les régions montagneuses à recevoir plus de précipitations que la moyenne ;

- les précipitations se répartissent inégalement selon les saisons et leur régularité est moins forte au sud qu'au nord de la France.

Les pluies efficaces sont collectées ensuite sur chaque bassin versant, la limite entre ces derniers étant la ligne de partage des eaux, le plus souvent une ligne de crête. Ces bassins sont très différents par leur taille, la caractéristique des sols et des sous-sols et la rapidité selon laquelle l'eau part vers son exutoire, qui est en général la mer ou l'océan, parcourant un réseau hydrographique dense et fortement ramifié de 270 000 kilomètres de cours d'eau composé des grands et petits fleuves et de leurs multiples affluents et sous-affluents24(*).

La course de l'eau vers la mer est ralentie par une multitude de retenues d'eaux naturelles ou artificielles, des grands barrages hydroélectriques aux plus petits étangs. Le nombre des étangs est estimé à 120 000 pour une capacité de stockage d'environ 1,5 milliard de m3 d'eau, deux chiffres qui seraient sous-évalués, selon Étangs de France lors de son audition par la mission.

Par ailleurs, l'eau s'infiltre dans les nappes phréatiques, qui sont des réservoirs d'eaux souterraines stockées à faible profondeur dans des roches poreuses et perméables qui composent les zones aquifères. Les nappes ont des fonctionnements très variables. Les nappes libres, non bloquées par une couche imperméable, sont très réactives, l'eau s'y infiltrant rapidement mais pouvant aussi en sortir rapidement, ce qui n'est pas le cas pour les nappes captives, dont le renouvellement peut suivre un cycle pluriannuel. En s'infiltrant, l'eau se purifie, le sol jouant un rôle de dépolluant naturel.

Selon le Centre d'information sur l'eau, on estime à environ 2 000 milliards de m3 les réserves d'eau dans nos nappes mais toutes ces réserves ne sont pas exploitables. En outre, une bonne gestion de la ressource suppose de ne pas prélever plus que la capacité de renouvellement des nappes, pour ne pas les assécher durablement. Or, le rythme de recharge des nappes est difficile à estimer. La variable surveillée est plutôt celle du niveau des nappes : lorsque celle-ci baisse, son exploitation est considérée comme n'étant plus durable.

Compte tenu du haut niveau de précipitations, de leur répartition sur l'année et de la capacité de stockage naturel de l'eau dans les nappes, nous avons longtemps vécu avec l'idée qu'en France, l'accès à l'eau ne serait jamais un problème.

b) ... permettant de multiples usages de l'eau

L'eau disponible dans la nature ou retenue dans nos ouvrages hydrauliques nous permet de l'utiliser pour de multiples finalités.

L'utilisation de l'eau est comptabilisée selon deux modalités :

le prélèvement d'eau : c'est la quantité que l'on a besoin de puiser dans la nature. Il représentait en 2020 un peu plus de 30 milliards de m3, dont un peu moins de 6 milliards sont puisés en sous-sol dans les nappes.

la consommation d'eau : c'est la quantité prélevée qui n'est pas restituée immédiatement au milieu sous la même forme ou prélèvement net, qui représentait un peu plus de 4 milliards de m3 en 2020.

Il faut noter qu'en tout état de cause, l'eau consommée finira par être restituée au milieu naturel, le cycle de l'eau étant un cycle continu.

Prélèvement et consommation d'eau : une méthodologie de classement discutable

Le suivi quantitatif des prélèvements est effectué à travers la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE), à partir des données collectées par les agences de l'eau à l'occasion de l'établissement des redevances pour prélèvement. Les prélèvements de moins de 10 000 m3 (7 000 m3 dans les zones de répartition des eaux) sont exonérés de redevance et donc non comptabilisés.

L'eau retenue dans les barrages et turbinée pour la production hydroélectrique, soit de l'ordre de 700 milliards de m3 par an, n'est pas non plus comptabilisée dans les prélèvements.

La consommation d'eau identifie les prélèvements nets, correspondant à la partie de l'eau prélevée et non restituée aux milieux aquatiques après usage : il s'agit principalement de l'eau évaporée ou incorporée dans le sol, les plantes ou les produits.

Pour les centrales nucléaires assurant le refroidissement de leur circuit tertiaire en milieu ouvert, soit à peu près la moitié du parc, les prélèvements sont considérés comme immédiatement et intégralement restitués. Leur consommation est donc nulle. Pour les centrales fonctionnant en circuit fermé, avec des tours aéroréfrigérantes, on estime que 22 % des prélèvements d'eau sont évaporés et donc consommés.

Pour les activités industrielles, on considère que seulement 7 % de l'eau est consommée, le reste étant restitué.

Pour l'eau destinée à l'irrigation agricole, on considère que 18 % de l'eau est consommée par les systèmes d'irrigation gravitaire (le reste retournant au milieu), mais la consommation est de 100 % pour les systèmes d'irrigation non gravitaire.

Pour l'eau potable, seule l'eau perdue dans les fuites est considérée comme consommée, soit environ 20 %. L'eau restituée après épuration n'est pas comptée dans la consommation, même si la station d'épuration est située loin du point de captage.

Compte tenu des différents modes de comptabilisation de notre utilisation de l'eau, la répartition des prélèvements et des consommations est très différente et il faut toujours avoir à l'esprit les limites et biais des méthodologies retenues.

Prélèvements et consommation d'eau en France, en m3

Source : Le Monde25(*)

(1) L'eau potable

Essentielle à la vie quotidienne, l'alimentation en eau potable nécessite de prélever un peu plus de 5 milliards de m3 de prélèvements par an. La demande en eau potable est relativement stable durant l'année, avec toutefois une hausse pendant la période estivale. Le besoin de disposer d'une eau de qualité conduit à privilégier les prélèvements dans les nappes, d'où proviennent les deux tiers environ de l'eau potable. Par ailleurs, le besoin en eau potable fait l'objet d'une satisfaction essentiellement par des ressources locales, afin d'éviter des investissements coûteux dans des infrastructures de transport d'eau sur longue distance. L'équilibre entre la ressource disponible et les consommations est donc à appréhender sur chaque territoire.

Selon le Centre d'Information de l'Eau, les postes les plus importants de la consommation d'eau potable étaient la douche et les bains (39 %), puis les sanitaires (20 %), le lavage du linge (12 %), la vaisselle (10 %), l'arrosage (6 %), la cuisine (6 %). La boisson ne compte que pour 1 % de l'ensemble de la consommation d'eau potable.

La consommation moyenne par habitant est en baisse tendancielle, sous l'effet de l'amélioration technique des équipements de la maison (lave-linge, lave-vaisselle), mais ce mouvement semble désormais stoppé, autour d'environ 50 m3 par an et par personne.

Les moyennes cachent toutefois de fortes disparités régionales, en particulier entre les départements du nord de la France, où la consommation par personne varie de 30 à 50 m3 et ceux du sud où l'on se situe plutôt autour de 50 à 70 m3, selon les chiffres du rapport de la délégation à la prospective du Sénat précité. Ce rapport mentionne cependant que les données sont « probablement faussées par les flux touristiques ».

(2) L'eau pour l'agriculture

Les enjeux de l'eau pour l'agriculture font l'objet d'une analyse détaillée plus loin dans le présent rapport. A ce stade, on peut cependant noter que l'eau est indispensable au déploiement de l'activité agricole.

Elle est d'abord fournie par la nature elle-même, à travers les pluies qui humidifient le sol, permettant au système racinaire des plantes de la capter pour l'utiliser.

L'eau est aussi apportée par des aménagements d'hydraulique agricole, qui complètent les apports naturels, voire les suppléent lorsqu'ils sont défaillants. Les besoins en eau des plantes sont variables, mais se concentrent fortement sur la période estivale, pendant laquelle l'agriculture peut représenter plus de 80 % des consommations d'eau. Les 3,2 milliards de m3 d'eau consommés par le secteur agricole le sont principalement entre mai et septembre.

Les différents territoires agricoles sont loin d'être logés à la même enseigne en matière de disponibilité de l'eau. Comme le note en effet le ministère de la transition écologique : « la ressource en eau estivale est inégalement répartie, les grands fleuves arrosant généreusement les régions qu'ils traversent (Rhône, Loire). À l'inverse, certains sous-bassins recèlent de faibles ressources en eau renouvelables, tout en faisant face à une forte consommation estivale : Mayenne-Sarthe-Loir, Charente, les côtiers aquitains et charentais, et, dans une moindre mesure, Tarn-Aveyron et Corse. Dans ces secteurs, la part d'eau consommée par l'usage agricole en période estivale dépasse 90 % ».26(*)

(3) L'eau pour le refroidissement des centrales électriques

Si de l'eau est nécessaire pour le fonctionnement des circuits primaire et secondaire des centrales nucléaires, il s'agit de petites quantités utilisées en circuit fermé (reproduisant un cycle vapeur - eau liquide). En revanche, de grandes quantités d'eau froide sont nécessaires pour faire fonctionner le circuit tertiaire destiné à dissiper la part de la puissance thermique issue du réacteur qui ne peut être transformée en énergie électrique.

Le refroidissement en circuit ouvert prélève beaucoup d'eau mais la restitue à une température plus élevée. L'enjeu est alors de disposer en entrée de circuit d'un milieu capable de supporter des prélèvements importants d'eau froide et en sortie, de permettre de mélanger l'eau échauffée à une eau froide en grande quantité pour ne pas augmenter excessivement la température dans le milieu naturel. En aval du système de refroidissement, l'eau est restituée en quasi-totalité au milieu, à une température supérieure à la température de l'eau lors de son prélèvement (l'échauffement de l'eau est de l'ordre de 10 à 15 degrés, ramenée à quelques degrés après mélange avec l'eau prélevée en aval). L'ASN définit, pour chaque centrale, les températures maximales des rejets après mélange, à l'aval de la centrale, avec un écart de 3° C maximum par rapport à la température du cours d'eau en amont. Les centrales en circuit de refroidissement ouvert se situent donc de manière privilégiée en bord de mer ou dans les zones estuariennes, comme la centrale du Blayais en Gironde visitée par la mission.

Les centrales dont le refroidissement est assuré en circuit fermé prélèvent 25 fois moins d'eau que celles en circuit ouvert mais en évaporent une part non négligeable. L'eau restituée l'est sensiblement à la même température, ce qui limite les risques de réchauffement des milieux naturels. Même si leurs besoins en eau sont moindres, le refroidissement nécessite tout de même une garantie d'approvisionnement en eau douce et des volumes importants, ce qui implique d'implanter les centrales le long de cours d'eau à débits élevés et assez stables.

(4) L'eau pour l'industrie

La production industrielle a besoin d'eau comme matière première, comme solvant ou encore pour le nettoyage et le refroidissement. Comme le note le rapport de la délégation à la prospective précité : « historiquement, nombre de sites industriels se sont d'ailleurs développés à proximité des cours d'eau pour une multitude de raisons : utiliser l'énergie motrice de l'eau, utiliser le cours d'eau pour s'approvisionner ou pour acheminer les marchandises produites, utiliser l'eau dans le processus de production ou rejeter les effluents de l'activité industrielle ».

La principale activité industrielle à mobiliser de la ressource en eau est la chimie avec 50 % du total des prélèvements industriels. La fabrication de papier et celle des produits alimentaires comptent respectivement pour 15 % de ces prélèvements27(*).

L'activité de production d'eaux minérales naturelles présente la particularité d'avoir besoin d'une eau de qualité, puisée dans des nappes étroitement surveillées, avec un objectif de stabilité des apports des différents minéraux.

Les eaux minérales naturelles

On recense 89 sources d'eaux minérales naturelles en France, exploitées par des usines employant environ 8 000 personnes, et situées principalement en milieu rural. L'eau est puisée dans des aquifères profonds peu sensibles aux variations saisonnières.

Néanmoins, des inquiétudes s'expriment souvent sur la concurrence entre usages et le risque de surexploitation des nappes au détriment des usages locaux destinés à l'alimentation des réseaux d'eau potable ou encore de l'équilibre des milieux naturels.

Le ratio entre la quantité d'eau prélevé et la quantité d'eau embouteillée est de l'ordre d'1,5 litre prélevé pour 1 litre mis en bouteille. Ce ratio est en amélioration de 25 % depuis dix ans. Les volumes mis en bouteille chaque année s'élèvent à 4,6 millions de m3 d'eau par an, soit à peine 1/1000e des prélèvements d'eau potable.

Les prélèvements effectifs sont bien en dessous des autorisations de prélèvement, si bien qu'une augmentation de production serait possible. Toutefois, dans le cadre des mesures de sécheresse, même si l'impact de mesures conjoncturelles sur des nappes profondes est probablement très faible, des réductions de prélèvements sont demandées aux industriels. Par ailleurs, la sensibilité du sujet de l'eau doit conduire à maintenir un suivi strict des prélèvements d'eau des minéraliers, pour ne pas risquer la dégradation quantitative des aquifères. Le secteur des eaux minérales naturelles est emblématique de l'équilibre à trouver entre enjeux économiques, le chiffre d'affaires du secteur s'élevant à 2,5 milliards d'euros par an, et les enjeux de protection de la ressource.

(5) L'eau pour la navigation et les canaux

Le bon fonctionnement du réseau de canaux et de voies fluviales navigables nécessite de réguler leur débit par des prélèvements dans les milieux naturels. Ceux-ci sont estimés à environ 5 milliards de m3 par an.

Lors de son audition par la mission, Voies navigables de France (VNF), établissement public chargé de la gestion de 80 % des voies fluviales et canaux navigables de France, rappelait qu'il avait la responsabilité de 6 700 km de fleuves, rivières canalisées et canaux artificiels ainsi que d'un parc de 4 000 ouvrages, dont des ouvrages de retenue d'eau qui stockent pas moins de 150 millions de m3.

Sur les fleuves comme la Seine, le Rhin, la Saône, la Moselle, la Meuse et sur les cours d'eau du bassin Artois-Picardie, ce sont les barrages de régulation des niveaux d'eau qui permettent à ces fleuves et rivières d'être constamment alimentés en eau. La régulation des débits permet la navigation mais pas seulement. Elle stabilise l'approvisionnement en eau potable, l'alimentation des centrales nucléaires, la production hydroélectrique, mais permet aussi l'irrigation ou le maintien d'activités de loisir.

L'efficacité de l'utilisation de cette eau dépend du bon état des infrastructures. Or, le vieillissement de celles-ci ainsi que les besoins supplémentaires liés à la volonté de développer le transport fluvial entraînent la nécessité de mobiliser d'importants moyens financiers. VNF a annoncé un programme décennal de 330 millions d'euros d'investissements pour optimiser les réserves d'eau des barrages réservoirs et des canaux. Rien que sur les ouvrages existants, leur modernisation permettrait de se rapprocher de leur capacité de stockage initial de 190 millions de m3. Le dragage des canaux est aussi une opération utile pour rétablir le bon fonctionnement des voies navigables.

Les sécheresses ont jusqu'à présent eu un impact limité sur les possibilités de navigation. Durant l'été 2022, 85 % du réseau de VNF est resté ouvert. Il faut cependant noter que cette même année, le taux de chargement des navires a été contraint et la circulation sur le Rhin a dû être réduite durant deux semaines, faute d'un débit adéquat pour y laisser circuler des péniches à plein chargement.

Face à des étiages plus prononcés, les besoins de prélèvements d'eau pour l'alimentation de canaux pourraient donc être amenés à augmenter.

(6) L'eau pour les loisirs et le tourisme

Comme le remarquait le rapport de la délégation à la prospective du Sénat précité : « le secteur des loisirs et du tourisme, qui assure environ 10 % du PIB national, est aussi très dépendant de la disponibilité de l'eau, soit qu'il utilise l'eau comme support, soit qu'il prélève l'eau comme ressource ». Ce rapport citait ainsi :

l'activité de pêche de loisir, pratiquée par environ 1,5 million de personnes et organisée par 3 600 associations de pêche au sein desquelles environ 40 000 bénévoles sont mobilisés ;

le tourisme de plan d'eau ou de rivière, forme de tourisme vert particulièrement prisée, et qui fonctionne essentiellement en période estivale, est aussi dépendant de la capacité à conserver une ressource en eau de bonne qualité et en quantité suffisante, ce qui n'a par exemple pas été le cas à l'été 2022 sur les lacs de retenue du Verdon et de la Durance, au taux de remplissage particulièrement faible ;

- les sports d'eau vive, comme le canoë-kayak, sont aussi tributaires du maintien du débit des cours d'eau sur lesquels ces activités sont pratiquées ;

- la pratique du ski est en partie dépendante de la disponibilité de l'eau sous forme de neige, moins abondante notamment en début et fin de saison. Or, le ski, qui génère 10 millions de visites en France par an, assure une part importante de l'activité économique de départements comme la Savoie ou la Haute-Savoie. La neige de culture, fabriquée à partir de retenues d'eau d'altitude, couvre près de 30 % des pistes en France (contre 60 à 70 % en Autriche et en Italie) et assure environ 10 % de l'enneigement total des pistes sur une saison. La fabrication de neige de culture nécessite environ 25 millions de m3 d'eau prélevés par an, cette eau étant restituée aux milieux à travers la fonte de printemps.

les courses hippiques, qui ont besoin techniquement d'arroser les pistes, non pour des raisons d'agrément visuel, mais pour éviter des sols trop durs ou trop inégaux, risquant de blesser les chevaux ;

le golf, dont les « greens » sont extrêmement fragiles et ne se renouvellent que sur plusieurs saisons de suite. Les enjeux concernant les golfs sont abordés en fin de rapport.

2. La disponibilité de la ressource en eau remise en cause par le changement climatique
a) Des besoins en eau par nature sans limite

On a longtemps vécu avec l'idée que les ressources en eau seraient toujours disponibles pour répondre à l'ensemble de nos besoins, et que les ajustements à réaliser seraient limités.

Cette conviction est ébranlée par la succession des crises de l'eau, qui font prendre conscience de la nécessité d'aller vers moins de prélèvements et moins de consommations d'eau.

À cet égard, les prélèvements sont en baisse tendancielle depuis les années 2000. En 2020, ils s'établissent à 30,4 milliards de m3, soit une réduction de 1,3 % par an28(*), mais répartie de manière inégale selon les secteurs. Les prélèvements ont été réduits en 2020 de 42 % par rapport à ceux de 1994 pour les activités industrielles et de 13 % par rapport à ceux de 2003, pour la production d'eau potable. Le volume d'eau prélevé pour le refroidissement des centrales, se contracte en moyenne de 2 % par an depuis 2005. Si les prélèvements pour la navigabilité des canaux sont restés très stables sur la période 2008-2020, celle pour les usages agricoles tend à varier en fonction des précipitations. Ayant atteint un point bas en 2014 avec 2,1 milliards de m3, en raison d'une forte pluviométrie estivale, ces prélèvements s'établissent à 3,4 milliards de m3, en 2020. Sur la période 2010-2020, le prélèvement moyen par hectare irrigué diminue de 1 924 à 1 902 m3.

Pour autant, peut-on préjuger d'une réduction généralisée des besoins en eau dans tous les secteurs ? À système de culture inchangé, les agriculteurs pourraient avoir besoin de mobiliser davantage d'eau. Dans le secteur résidentiel, les économies d'eau marquent aussi le pas. Le rapport de la délégation à la prospective précité soulignait par ailleurs que l'on dénombre « environ 3 millions de piscines privées en France (dont 50 % de piscines enterrées). 15 % des maisons individuelles environ en disposent et le phénomène ne cesse de progresser, en particulier dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, où précisément l'eau manque à la saison chaude. Chaque piscine consomme de l'ordre de 15 m3 par an, pour un volume moyen d'eau stockée de l'ordre de 50 m3 ». Dans le secteur de l'énergie, le développement de nouvelles tranches nucléaires nécessitera aussi de mobiliser davantage d'eau pour le refroidissement.

En réalité, les besoins en eau sont par nature sans limite, et la consommation d'eau dépendra davantage de la disponibilité de la ressource.

b) Diminution et variabilité de la ressource en eau dues au changement climatique

Il ne fait aucun doute que le changement climatique bouleverse les cycles de l'eau. Les projections du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) retiennent comme hypothèse centrale (scénario dit SSP2-4.5) à l'horizon 2100 une hausse de 2,7° C de la température du globe par rapport à la moyenne 1850-1900. Or, le réchauffement au-dessus des terres est près de deux fois plus important qu'au-dessus des mers. Le Gouvernement invite désormais à travailler sur un scénario qui conduirait la température moyenne en France à augmenter de 4 °C d'ici la fin du siècle.

La France se situe en effet dans la zone qui va être affectée par le déplacement de la zone de convergence intertropicale. Le sud de l'Europe est ainsi appelé à être plus aride.

Les projections climatiques de Météo-France dans le cadre de l'étude DRIAS-202029(*) font l'objet d'une déclinaison en matière de disponibilité de l'eau à travers l'étude DRIAS-Eau qui contient des projections hydrologiques des eaux de surface et souterraines. Un portail est d'ailleurs mis à disposition du public pour présenter ces projections sur les différents territoires.

Par ailleurs, le projet Explore2, porté par l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE) s'inscrit dans la suite de la première étude prospective nationale Explore 2070 (2010-2012) portée par le ministère de la transition écologique. Lancé en juin 2021 et financé par le ministère de la transition écologique et l'OFB, Explore2 a pour objectif, d'ici 2024, d'actualiser les connaissances sur l'impact du changement climatique sur l'hydrologie, et aussi d'accompagner les acteurs des territoires dans la compréhension et l'utilisation de ces résultats pour adapter leurs stratégies de gestion de la ressource. D'autres études locales ont pu être aussi engagées sur différents grands bassins hydrographiques (Moselle-Sarre-Rhin, Chiers-Meuse, Durance, Garonne, etc.), afin de quantifier les impacts futurs sur les territoires.

Effectuer des projections n'est pas facile, du fait de la variété du territoire national en termes de climat, d'hydrogéologie et d'occupation du sol. Les changements projetés pour le climat sont certes structurés selon un gradient Nord-Sud mais avec la nécessité de prendre en compte des facteurs locaux.

Sur la base des études existantes, il apparaît qu'à l'horizon 2050 :

l'évolution du cumul annuel de précipitation serait faible et de signe incertain ;

- la variabilité saisonnière des précipitations pourrait augmenter avec une hausse de l'ordre de +15 % en hiver et une baisse de l'ordre de -10 % en été, l'étude Explore 2070 table sur une baisse de précipitations en été de l'ordre de 16 à 23 % ;

- une augmentation de la fréquence des précipitations extrêmes de l'ordre de +10 % est également attendue. Or, les phénomènes de précipitations extrêmes (épisodes cévenols) ne sont pas favorables à l'infiltration de l'eau : sur des sols secs, celle-ci ruisselle ;

- on devrait en conséquence constater une diminution significative globale des débits moyens annuels à l'échelle du territoire, de l'ordre de 10 % à 40 %, particulièrement prononcée sur les bassins Seine-Normandie et Adour-Garonne. En 2022, ce sont près de 1 400 cours d'eau ont connu des ruptures d'écoulement ou des assecs à la fin du mois d'août, soit trois fois plus qu'en 202130(*) ;

- la vitesse de recharge des nappes devrait aussi diminuer de 10 à 25 %, avec globalement deux zones plus sévèrement touchées : le bassin versant de la Loire avec une baisse de la recharge comprise entre 25 et 30 % sur la moitié de sa superficie et surtout le sud-ouest de la France avec des baisses comprises entre 30 et 50 %. Le BRGM constate d'ores et déjà une dégradation du niveau de remplissage sur une longue période de la nappe de la Beauce, des nappes du Roussillon, de la nappe du Carbonifère (secteur nord de Lille) ;

- en outre, la hausse constante de l'évapotranspiration de l'ordre de 17 % sur la période 1970-202131(*) devrait se poursuivre et réduire le volume d'eau pouvant être utilisé par les plantes ;

- l'humidité du sol devrait aussi baisser : les valeurs d'humidité des sols superficiels étaient inférieures à la normale de 20 % à 60 % sur une grande partie de la métropole en entrée d'hiver 2022.

Les tensions sur les nappes phréatiques :
l'épisode 2022-2023 en passe de devenir la norme ?

Les nappes se rechargent en hiver et durant l'automne, mais assez peu le reste de l'année. Il est donc important de bénéficier d'une pluviométrie significative à partir du mois d'octobre. Or, cela n'a pas été le cas durant l'hiver 2022-2023.

La période de recharge des nappes sur 2022 et 2023 a été déficitaire sur une grande partie du territoire. « La situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays32(*) : 66 % des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles en mai (68 % en avril 2023) avec de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas. En juin et pour le prochain trimestre, les niveaux des nappes devraient rester en baisse. Les épisodes de recharge devraient rester ponctuels et peu intenses et impacter uniquement les nappes réactives, sauf événements pluviométriques exceptionnels. »33(*)

En juin, les pluies intervenues en mai avaient à peine amélioré la situation ; La baisse du niveau des nappes pourrait constituer désormais un phénomène ordinaire et non plus une situation exceptionnelle, comme le montre le bulletin de situation publié par le BRGM pour le mois de mai 2023 :

c) La perspective de multiplication des sécheresses

Il faut donc s'attendre à la multiplication des phénomènes de sécheresse. D'après Météo-France, la surface des sécheresses a augmenté, passant de valeurs de l'ordre de 5 % dans les années 1960 à plus de 10 % de nos jours. Météo-France dresse le constat d'une corrélation entre la hausse des températures et les déficits de précipitations, d'une part, et l'apparition de sécheresses de plus en plus précoces et intenses, d'autre part. Elle observe également une plus grande volatilité des ressources en eau.34(*)

Finalement, la sécheresse de 2022 considérée comme « extrême pourrait n'être qu'un épisode moyen d'ici la fin du XXIe siècle »35(*).

Nous sommes donc exposés à des phénomènes très perturbants :

- des sécheresses-éclair, combinant températures anormalement élevées, vent desséchant et absence de précipitation ;

- des sécheresses hivernales, entraînant un non-remplissage des nappes et une accumulation insuffisante d'humidité dans les sols ;

- des sécheresses prolongées, le déficit de précipitations pouvant s'observer sur plusieurs années consécutives.

Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France, a insisté lors de son audition sur le fait que « l'année 2022 montre l'importance de prendre en compte la variabilité naturelle des phénomènes climatiques et météorologiques : pour s'adapter efficacement aux évolutions à venir, il ne faut pas se fonder sur des prévisions moyennes établies tous les trente ans, mais sur les événements extrêmes. » Par ailleurs, il a ajouté que « l'analyse [de Météo-France]36(*) des évolutions saisonnières montre une tendance à la hausse des précipitations en hiver et une tendance à leur baisse en été, ce qui confirme, avec une quasi-certitude, l'aggravation du risque de sécheresse des sols et d'une multiplication des événements du même type que celui que nous avons connu au cours de l'été 2022. »

Qu'est-ce que la sécheresse ?

« On distingue trois types de sécheresse :

- la sécheresse météorologique : déficit de précipitation ;

- la sécheresse agricole ou édaphique : déficit d'eau du sol ;

- la sécheresse hydrologique : déficit des eaux de surface et souterraines.

Depuis l'été 2021, la France métropolitaine subit une sécheresse météorologique préoccupante qui s'est poursuivie en début d'année 2023. Depuis août 2021, tous les mois sont déficitaires en pluie à l'exception des mois de décembre 2021, juin 2022 et septembre 2022. Cette situation se traduit par un assèchement des sols, sans retour à la normale depuis la sécheresse de l'été 2022.

La sécheresse estivale 2022 qui est liée à un déficit des précipitations en période de végétation entre avril et octobre combinée à une forte anomalie de température et donc de demande évaporative est une sécheresse agricole.

[...] [Le] déficit de précipitations ne permet pas une recharge satisfaisante des nappes, (dont le niveau était déjà particulièrement bas après la sécheresse de cet été), alors que l'hiver permet habituellement aux sols de se gorger d'humidité, aux nappes souterraines et rivières de retrouver leurs niveaux habituels. Cette période dite « de recharge des nappes » est cruciale pour que les stocks d'eau se reconstituent. Ainsi la sécheresse hivernale 2023 qui est liée à un déficit des précipitations pendant la période de recharge des nappes entre septembre et mars est une sécheresse hydrologique. »

Source : Extrait - Météo-France

3. Une gestion quantitative équilibrée « écologiquement » indispensable

Si l'eau est vue comme une ressource, elle est aussi un élément essentiel à l'équilibre écologique et le maintien de ces équilibres est un des objectifs assignés par le code de l'environnement à la politique de l'eau. L'obligation de protéger et de restaurer les milieux aquatiques est également prévue par la directive-cadre sur l'eau (DCE).

L'insuffisance d'eau est en effet dommageable aux usages mais surtout aux milieux. Le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques, les zones humides ou encore la continuité écologique jouent par ailleurs un rôle important pour pouvoir retenir les volumes d'eau et créer une bonne liaison avec les eaux souterraines, telles que la nappe d'accompagnement du cours d'eau. Sacrifier les milieux pour mobiliser davantage d'eau n'est donc pas une bonne stratégie à long terme.

a) La restauration des zones humides

À l'interface des milieux terrestres et aquatiques, les surfaces des zones humides représentent des réservoirs d'importance écologique. Ces zones tampons revêtent différentes géologies : prairies, tourbières, marais, forêts alluviales, mares, rives des étangs et des cours naturels.

De l'ordre de 13 millions d'hectares sur le territoire de la métropole37(*), leur surface tend à régresser, sous l'effet d'une double tendance, ancienne et récente. D'une part, elles ont fait l'objet d'un processus d'assèchement depuis le Moyen Âge, en particulier pour assainir les marais et prévenir les maladies. D'autre part, le cycle d'évapotranspiration de l'eau a été fortement perturbé par les épisodes de sécheresse, conduisant également à des assèchements naturels. Enfin, les aménagements urbains mais aussi ruraux (drainage, destruction de haies) ont conduit à assécher certaines zones. Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la moitié des zones humides françaises ont disparu entre 1960 et 1990.

Lorsque les sites ont échappé à l'urbanisation et au drainage des terres, leur intégrité n'en est pas moins menacée.38(*) Sur la période 2000-2020, « 21 % des zones humides se sont fortement dégradées, 37 % se sont dégradées, 31 % sont restées stables, et seulement 7 % se sont améliorées et 4 % se sont fortement améliorées. » Ceux dont l'état est le plus préoccupant sont les sites de vallées alluviales et du littoral atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, ainsi que des plaines intérieures.

Cette tendance s'est accélérée les dix dernières années (2010-2020) avec 41 % des sites humides emblématiques en France qui ont vu leur état se dégrader. Les sites de plaines intérieures et de vallées alluviales sont particulièrement concernés par cette tendance à la dégradation (respectivement 53 % et 49 %).

Or, les zones humides fournissent de multiples services notamment en termes de rétention des crues, d'épuration de l'eau, de réservoir de biodiversité, ou encore de stockage de carbone. Selon l'étude du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ces territoires « accueillent 30 % des espèces rares ou menacées, la totalité des amphibiens, la moitié des oiseaux ou encore le tiers des espèces végétales remarquables. [...] Entre 1980 et 2021, la présence des oiseaux d'eau hivernants réguliers (cygnes, oies, canards, plongeons, ardéidés, grèbes, rallidés et limicoles), comptabilisée sur les 533 principales zones humides françaises, a progressé de 124 % » 39(*).

Ces zones humides jouent un rôle de filtrage de l'eau avant que celle-ci n'atteigne les aquifères. Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce rôle de purification ferait économiser 2 000 €/ha sur le traitement de l'eau potable40(*). Les tourbières recouvrant 3 % de la surface de la terre stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts de la planète. Enfin, les zones humides fournissent les produits alimentaires issus de la pêche et de l'agriculture (riz, céréales etc.).

Le cadre de leur protection est organisé par le quatrième plan national en faveur des zones humides 2022-2026, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016, la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030 et les politiques publiques de préservation et de gestion des sites Ramsar41(*) et sites Natura 2000. À titre d'illustration, 2 431 sites Ramsar ont été labellisés dans le monde dont 501 en France pour une surface de plus de 3,7 millions d'hectares, la Baie d'Audierne étant le dernier site à avoir été désigné, le 4 septembre 2021.

b) La recharge des nappes souterraines

La recharge des nappes souterraines contribue au bon fonctionnement de l'écosystème. La recharge artificielle, technologiquement maîtrisée, consiste à « augmenter les volumes d'eau souterraine disponibles en favorisant, par des moyens artificiels, son infiltration jusqu'à l'aquifère. »42(*). Le volume accru de ressource disponible est alors utilisable en période de basses eaux pour compenser certains prélèvements affectant les écoulements de surface ou pour restaurer l'état quantitatif et/ou qualitatif des eaux souterraines. « Ces pratiques de recharge maîtrisée des aquifères participent au rééquilibre des nappes surexploitées, mais aussi au maintien des zones humides, au soutien des débits d'étiage, assurant un débit de base « réservé » qui répond aux exigences spécifiques des écosystèmes aquatiques (recharge environnementale). [...].

Cette technique n'est cependant pas adaptée à tous les territoires. Il faut en effet être en présence à la fois, d'un aquifère susceptible de pouvoir assurer le stockage d'une quantité d'eau suffisante pour que sa recharge présente un intérêt (cartes établies par le BRGM) et d'un cours d'eau situé à proximité de l'aquifère à recharger, en capacité de fournir à certaines périodes de l'année, le volume et la qualité d'eau nécessaire pour le stockage envisagé. »43(*)

Le BRGM a illustré son propos lors de son audition par le projet sur la Garonne, dont l'objectif est de dériver via des canaux une partie des eaux hivernales en surplus de la Garonne, afin de la réinjecter dans des zones éloignées de la plaine alluviale. Cette technique vise à ce que cette eau revienne vers la Garonne lors des périodes d'étiage, et participe au soutien du débit d'étiage

Une autre expérience, celle de la ville d'Hyères, illustre les enjeux économiques de recharge des nappes. Cette ville dont la population quadruple en été et dont les nappes phréatiques surexploitées subissent des intrusions d'eau de mer, a mis en place en 2011, avec SUEZ le projet « Aqua Renova ». Un de ses objectifs consiste notamment à restaurer la nappe alluviale du bas Gapeau sur le continent, en repoussant l'eau salée par réalimentation, en particulier par infiltration d'eau douce, puisée dans une masse d'eau proche. Ce procédé qui s'inspire de la nature en s'appuyant sur les capacités épuratoires des sols, garantit la bonne hauteur des nappes tout au long de l'année. La ville a ainsi pu regagner 97 % d'autonomie en eau grâce cette réalimentation de la nappe associée à une modernisation de son réseau de distribution44(*).

Projet Aqua Renova

Source : Groupe Suez

c) La restauration des habitats et la continuité écologique

Outre la restauration des zones humides, celle des habitats des espèces vivant dans les milieux aquatiques telles que les poissons, les amphibiens et les crustacés, est indispensable à leur cycle de vie et à l'équilibre écologique des milieux. 21 % des 1 372 espèces aquatiques évaluées en métropole et en outre-mer, sont éteintes ou menacées en juin 202045(*). Parmi les espèces les plus menacées, on dénombre les crustacés (28 %), suivis des poissons (18 %), des sélaciens (13 %) et des amphibiens (11 %).

La préservation de leur habitat requiert la mise en oeuvre d'actions contre la prédation de certaines espèces exotiques envahissantes, la pollution localisée et diffuse des cours d'eau, l'artificialisation des berges, le drainage des zones humides, l'acidification des océans ainsi que contre les obstacles à l'écoulement.

La question de la continuité écologique est particulièrement sensible et se concrétise par deux obligations :

• la première obligation est issue de l'article 214-18 du code de l'environnement qui impose un débit minimal ou débit réservé en cas d'installation d'un ouvrage pour la meilleure protection et circulation des espèces: « Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. »46(*). On doit donc faire primer le maintien d'un certain débit sur tout autre usage ;

• la seconde obligation consiste à supprimer les seuils et barrages faisant obstacle à l'écoulement des eaux sur les fleuves, rivières et ruisseaux, qui peuvent aussi dans certaines circonstances, nuire également à la qualité de l'eau, par la création de zones d'eaux stagnantes qui se réchauffent et sont peu oxygénées, avec le développement d'algues (phénomène d'eutrophisation).

Surtout, les seuils et barrages empêchent de nombreuses espèces aquatiques de remonter les fleuves et les rivières pour atteindre les zones favorables à leur reproduction, croissance et alimentation. L'OFB alerte sur l'impact négatif des obstacles qui fragmentent les cours d'eau : « Le ralentissement des écoulements et le piégeage des sédiments grossiers dus à la présence d'ouvrages transversaux altèrent les habitats aquatiques en les rendant uniformes et pauvres en substrats. Les habitats sont modifiés - milieux courants qui deviennent lentiques -, et donc moins, ou plus du tout, adaptés aux espèces censées les coloniser. Par ailleurs l'isolement de ces espèces peut conduire à un appauvrissement génétique. »47(*)

Le maintien des ouvrages est alors subordonné à la création d'aménagements autorisant la remontée des cours d'eau par les espèces aquatiques (passes à poissons). Mais ceux-ci sont chers et ne peuvent être réalisés partout. Par ailleurs, la stratégie mise en oeuvre est de rétablir la course de l'eau dans un lit au faciès varié, et aux berges connectées aux variations des niveaux d'eau. On dénombre donc de nombreuses expériences de suppression de retenues d'eau dans le lit du cours d'eau ou de seuils, afin de restaurer la morphologie du lit et des berges du cours d'eau.

Selon l'OFB, leurs impacts en matière de biodiversité et de qualité physico-chimique portent sur une température de l'eau plus faible48(*), une plus faible concentration de pollutions et de nutriments, une meilleure autoépuration grâce aux organismes vivants détritivores qui vont se multiplier avec la reprise de la course de l'eau et la variabilité des débits.

En janvier 2020, 101 500 ouvrages ont été inventoriés en France dont 99 003 en métropole, soit en moyenne un obstacle tous les 5 km, sur les cours d'eau nationaux49(*). Or, 10 % des obstacles à l'écoulement seraient de nature à avoir un impact sur la continuité écologique, et être susceptibles d'effacement, arasement partiel ou de mise en place de dispositifs de gestion d'éléments mobiles ou de franchissement piscicole. Selon la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM), 7 800 ouvrages ont été « partiellement détruits » et 4 300 ont été « totalement détruits » en l'espace de douze années dont environ 10 000 chaussées de moulins.

La politique d'effacement des obstacles afin de garantir la continuité écologique donne lieu à un débat tout autant politique que scientifique50(*).

D'une part, le lien de causalité entre certains seuils de rivière et l'état de conservation de certaines espèces est parfois remis en cause. D'autre part, la continuité écologique conduit à concilier plusieurs objectifs si différents, qu'ils peuvent être parfois inconciliables. Il s'agit d'assurer la protection des espèces et la restauration des milieux aquatiques et la conservation du patrimoine culturel et paysager, tout en permettant le développement des énergies renouvelables, en particulier l'hydroélectricité et le développement de la production aquacole.

S'agissant des aspects quantitatifs, Pierre Potherat, géologue, décrit les conséquences de ces destructions sur les rivières de la Seine amont et de l'Ource (Côte d'Or) : « Au début du XXIème siècle, avec l'application de la continuité écologique, l'effacement planifié des ouvrages a entrainé la vidange de leurs retenues d'eau amont. La force érosive du courant aidant, l'abaissement de la cote au fil de l'eau s'est accru et, en été, dans la partie amont des cours d'eau, la nappe alluviale a fini par être complètement vidangée en raison d'une recharge de moins en moins efficace au fil des ans. Les assecs estivaux sont devenus plus fréquents et plus prolongés dans le temps. La nappe profonde qui bénéficiait de l'apport de la nappe alluviale a peiné à maintenir son niveau au préjudice de plusieurs sources du versant. [...] »51(*)

Lors de son audition devant la mission, la FFAM faisant valoir l'ancienneté des chaussées de moulins, remontant au haut Moyen Âge52(*), a insisté sur leurs apports écologiques. « Ces petits barrages rehaussent le niveau des eaux et ralentissent les écoulements sur l'essentiel du réseau hydrographique français. Ils préservent des centaines de millions de m3 d'eau douce à l'occasion des sécheresses estivales, amortissent les phénomènes de crue et jouent un rôle clé dans le stockage des eaux de pluie dans les nappes alluviales et profondes de nos vallées. »

À la suite de la politique de rectification des rivières dans les années 1960 à 1970 et de la destruction des petits ouvrages à partir des années 2010, la FFAM constate une montée d'eau plus rapide lors des fortes pluies. Les eaux de ruissellement ne s'écoulent plus lentement dans les vallées mais à grande vitesse et les nappes alluviales ne sont plus alimentées comme auparavant.

Face aux objections récurrentes sur l'aménagement ou l'effacement d'ouvrages, le Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité a dès 2018, tenu à démentir certaines affirmations concernant l'aspect quantitatif du cycle de l'eau53(*). Tout d'abord, le Conseil indique qu'il est inexact d'affirmer que la suppression des petits seuils et donc des retenues associées ne permet plus de soutenir les étiages. En effet, le faible volume de ces retenues ne permet de soutenir l'étiage que pendant une courte durée de quelques heures. En outre, les phénomènes de sédimentation et d'évaporation tendent à diminuer l'effet de soutien à l'étiage de ces retenues54(*).

En outre, le Conseil affirme également que les seuils ne protègent pas du risque d'inondation. En effet, la plupart des seuils ne disposent pas de la capacité de stockage nécessaire pour réguler les crues de forte intensité. Ils peuvent éventuellement la retarder mais ne pourront pas en modifier l'ampleur. Un tel effet nécessiterait une gestion spécifique de vidanges préalables à l'arrivée d'une crue, à l'instar des barrages qui sont en temps normal partiellement remplis afin de pouvoir écrêter les crues55(*).

Outre la nécessité de disposer de suffisamment d'eau pour maintenir la biodiversité et l'équilibre écologique, un usage industriel et agricole et piscicole de la ressource, raisonné et respectueux des milieux aquatiques, est nécessaire.

4. Prévenir les excès d'eau
a) Une urgence à agir, les PPRI et PAPI

Les effets du changement climatique sur l'intensité des pluies ainsi que les conséquences d'une imperméabilisation croissante des sols tendent à accroître le risque inondation.

En effet il existe une corrélation entre température et humidité de l'air. Une augmentation d'un degré de l'air le conduit à porter 7 % de vapeur d'eau en plus56(*). L'équilibre entre humidité et température est subtil et complexe à atteindre. « Il y a alors une demande évaporative plus forte, comme si l'atmosphère aspirait plus d'eau du sol et des lacs, les asséchant ainsi plus rapidement, et induisant de plus longues périodes sans pluie, génératrices de sécheresses. Les précipitations plus intenses augmentent le risque d'inondations pluviales, qui ne concernent désormais plus seulement les personnes vivant à proximité des rivières, mais tout le monde. Comme nous l'ont montré les événements dramatiques de juillet 2021 en Allemagne, ces inondations sont accompagnées par une forte érosion, avec pour corollaire une perte de la zone la plus fertile des sols et des risques de pollution accrus »57(*).

Or, 17,1 millions d'habitants58(*) sont exposés à ce risque, dont 16,8 millions en métropole, soit un Français sur quatre et un emploi sur trois qui sont aujourd'hui potentiellement exposés59(*) .

Deux outils permettent de mieux connaitre, contrôler et gérer les risques de crues. Il s'agit, d'une part, des plans de préventions des risques naturels (PPRn), appelés PPRI, s'agissant des inondations et, d'autre part, des programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI).

Si le PPRI élabore les règles de construction dans les secteurs susceptibles d'être inondés, le PAPI prévoit les travaux destinés à réduire les effets des crues ainsi que les aides financières qui peuvent y être attachées, telles que le fonds Barnier60(*).

Le PPRI est un document d'urbanisme réglementaire d'utilisation du sol, qui prend en compte le risque d'inondation61(*). Il cartographie les zones à risques et les réglemente en fonction du risque par des dispositions d'urbanisme (inconstructibilité), des dispositions constructives à respecter, ou encore des dispositions d'usage (amarrage des citernes). Il constitue la base juridique d'un refus de permis ou d'extension de maisons existantes. Il est annexé au PLU(i) comme servitude d'utilité publique.

En revanche, le PAPI est un document contractuel62(*) visant à réduire les conséquences des inondations. Créée en 2002, cette démarche partenariale indépendante entre les EPCI-FP et l'État s'appuie sur une approche globale de la gestion des inondations, à l'échelle d'un bassin. Elle couvre la prévention jusqu'à la gestion de crise63(*). Le PAPI rassemble plusieurs actions telles que la révision du PPRI, la réalisation d'ouvrages hydrauliques de défense (digues) ou de ralentissement des écoulements.

Le cahier des charges du PAPI a été mis à jour en 2020, tendant à réaffirmer le rôle de l'État tout en amplifiant la déconcentration de la labellisation des PAPI. D'une part, un référent État pour chaque PAPI est désormais désigné par le préfet. D'autre part, les dossiers d'un PAPI d'un montant inférieur à 20 millions d'euros sont labellisés au niveau du bassin hydrographique tandis que ceux d'un montant supérieur à 20 millions d'euros le sont au niveau national64(*). Ces programmes bénéficient également d'un soutien financier de l'État accru pour l'animation des PAPI, s'établissant à 65 000 € au lieu de 24 000 €65(*).

En 2022, on recensait 224 PAPI labellisés, par la CMI ou par une instance locale66(*), dont 116 « PAPI complets » (comportant un programme d'actions et généralement des travaux)67(*) et 120 programmes d'études préalables68(*). Ils représentent un montant total d'opérations de 2,6 milliards d'euros dont 1,1 milliard de cofinancement par l'État, notamment au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », pour 934 millions d'euros69(*). Ces PAPI couvrent plus de 17 000 communes contre 11 117 communes couvertes par un PPRN Inondations approuvé et 381 par un PPRN Littoral approuvé70(*).

La question de l'articulation des PPRI et PAPI avec les nouveaux outils issus de la transposition de la directive « inondations » de 2003, les plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) et les stratégies locales de gestion des risques d'inondation (SLGRI)71(*) s'est posée. Rappelons que le PGRI met en oeuvre, pour six ans, à l'échelle du district hydrographique, la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI)72(*). Il définit les objectifs de la politique de gestion des inondations et les dispositions pour les atteindre. Il est lui-même décliné à l'échelle du bassin par la SLGRI qui adopte une nouvelle démarche par rapport à la mise en oeuvre des PPRI considérés comme plus segmentés. Bien que le PGRI et la SLGRI ne réglementent pas directement l'urbanisme, le PAPI doit respecter le PGRI et le SLRGI tandis que le PPRI doit être compatible avec le PGRI.

Communes couvertes par un PAPI par type de PAPI

Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

La Caisse centrale de réassurance (CCR) a évalué l'impact du PPRI et du PAPI sur la sinistralité en 2020. Les résultats démontrent que les communes dotées exclusivement d'un PPRI voient leur sinistralité diminuer de 23 %. Si la commune complète son dispositif de prévention des inondations avec un PAPI, la fréquence des sinistres est réduite de 51 %.73(*)

Ce constat doit toutefois être nuancé à la lecture du rapport du CGEDD et de l'IGA, relevant des difficultés de mise en oeuvre du dispositif : « Le dispositif des PAPI bénéficie d'une image globalement très favorable. Il est adossé à une politique technique fondée sur une vision globale, cohérente, moderne et ambitieuse, [...]. Néanmoins l'ambition même du cahier des charges, tout en étant compris comme totalement légitime dans sa vision théorique, est contrariée par les nombreuses difficultés de mise en oeuvre, qui provoquent des délais que les populations concernées peinent à comprendre. Il n'existe pas une cause principale de ces difficultés, mais souvent les effets cumulés de nombreux problèmes.

La mission a constaté les défis à surmonter tout au long de la vie des projets, à commencer par la constitution d'une gouvernance à la bonne échelle, la réunion des multiples compétences requises et l'identification à l'amont des enjeux et de leur priorisation. À l'inadéquation des moyens humains des porteurs de projets au regard des ambitions affichées, peuvent s'ajouter, entre autres, des ambiguïtés et incompréhensions sur l'accompagnement que peut apporter l'État, la confrontation de temporalités perçues différemment selon les acteurs et le contexte, et des débats non arbitrés sur la proportionnalité aux enjeux. »74(*)

Ces différents outils sont aujourd'hui accompagnés de nouvelles solutions d'adaptation fondées sur la nature, symbole d'un changement de paradigmes.

b) Un changement de paradigmes : la fin du « tout tuyau » et le développement de solutions fondées sur la nature

La politique du « tuyau » développée à partir du XIXe siècle, qui vise à évacuer l'eau vers aval à l'aide de canalisations a très vite démontré ses limites. En effet, la gestion en aval des eaux pluviales se heurte désormais à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des inondations, à la saturation des réseaux et au ruissellement qui en découle. En outre, l'augmentation du nombre de tuyaux et leur dimensionnement est onéreuse pour les collectivités et les aménageurs.

La gestion quantitative et qualitative de l'eau ne peut se résumer à une question de débit ainsi que nous le rappelle Florence Habets, hydroclimatologue. « On arrive aujourd'hui à vouloir contrôler les débits minimaux et maximaux pour maintenir les usages, traitant les rivières comme des tuyaux, branchant et débranchant des connexions et des bassines, tel un super Mario Bross, plombier de l'environnement ! »75(*)

Ce constat rappelé lors des auditions devant la mission conduit à observer un changement de paradigme de la gestion des eaux pluviales. « Auparavant pensée comme une gestion de tuyaux, la compétence est progressivement appréhendée comme une gestion d'espaces. Cela amène à faire évoluer la gestion des espaces verts ainsi que les politiques d'urbanisme, pour gérer les eaux pluviales à la parcelle. Cette évolution est due à la prise de conscience que les impacts du changement climatique et de l'artificialisation des sols sur les eaux pluviales ainsi que la vétusté des réseaux entraîneraient des coûts que ne peuvent supporter les services, particulièrement en l'absence de financement dédié. »76(*)

En conséquence, la politique publique incite à la gestion à la source des eaux pluviales afin que la pluie soit gérée au plus près de son point de chute, à la parcelle. Dans cet esprit, l'arrêté du 21 juillet 201577(*) pose comme principe la gestion des eaux pluviales « le plus en amont possible, pour limiter les apports d'eaux pluviales dans le système de collecte ».

Cette politique de gestion à la parcelle conduit également à favoriser l'absorption des sols pour éviter tout ruissellement et à ne pas prévoir de nouvelle imperméabilisation des surfaces.

La politique de gestion des eaux pluviales à la parcelle est donc associée à la mise en oeuvre de techniques favorisant l'infiltration dans les sols78(*). Se sont alors développées des solutions d'adaptation qui visent à une « renaturation » du cycle de l'eau qui « apporte aussi d'autres bénéfices via la mise en oeuvre diffuse d'ouvrages d'infiltration à la source souvent végétalisés (noue, jardin, arbre d'alignement, parking et chaussées perméables, ...) : aménité paysagère, support de biodiversité, régulation des îlots de chaleur urbains, amélioration du cadre de vie.... »79(*)

L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)80(*) définit ces solutions comme étant : « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité »81(*). Ces actions consistent en notamment en :

- la préservation, la restauration et la création de zones humides et la restauration hydromorphologique des cours d'eau ;

- la végétalisation du territoire du bassin versant ;

- la végétalisation et la désimperméabilisation en milieu urbain ;

Il convient d'y ajouter les pratiques agroécologiques.

Force est de constater que l'artificialisation des sols rend plus vulnérables les populations, les activités implantées en zone à risques et les milieux naturels au changement climatique. En effet, elle tend à accroître le risque d'inondations, d'érosion, de glissements de terrain, de coulées de boues et de sécheresses. Au cours de la dernière décennie, entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne en France82(*).

Ainsi l'article 2224-10 du code de l'environnement impose aux communes de délimiter « [...] 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ; [...] ». La loi ALUR 83(*), et la loi Biodiversité84(*) prévoient également des dispositions contre l'imperméabilisation.

S'agissant du futur, la loi climat et résilience du 22 août 202185(*) a fixé un rythme d'artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 réduit de moitié par rapport à la décennie précédente afin d'atteindre à horizon 2050 une artificialisation nette de 0 % (ZAN), c'est-à-dire au moins autant de surfaces « renaturées » que de surfaces artificialisées. L'adoption par les deux assemblées de la proposition de loi sénatoriale de mise en oeuvre des objectifs ZAN86(*) tend à résoudre les difficultés d'application du texte relayées par de nombreux élus et acteurs. La proposition de loi tend à un meilleur partage de l'effort de réduction de l'artificialisation entre l'État et les territoires ainsi que des conditions adaptées afin de permettre aux communes, en particulier rurales, de pouvoir réaliser les projets essentiels à leur développement.

Le BRGM a mené plusieurs projets en lien avec la désimperméabilisation, rappelés ci-dessous.

Extrait de la réponse du BRGM sur les projets de désimpermébilisation

- DésiVille - outils d'aide à la Désimperméabilisation des sols artificialisés : développements méthodologiques pour l'évaluation du potentiel de désimperméabilisation et catalogue de solutions applicables en Ville (Responsable, Cécile Le Guern BRGM Nantes).

- À Toulouse les méthodes développées dans le projet Phoebus déployées à Rennes pour évaluer la profondeur de la nappe et les contraintes d'infiltration sont adaptées et appliquées sur le territoire. Le projet CAPITOUL vise à faciliter l'instruction des permis de construire et l'accompagnement des pétitionnaires (service Eau & Aménagement de la Direction du Cycle de l'Eau), étudier les potentiels de désimperméabilisation en lien avec l'infiltrabilité des sols, concourir au zonage pluvial sectorisé, annexé au PLUIH, dont les prescriptions seront notamment basées sur la capacité d'infiltration des sols.

- URB'EAU à Lille : scénarios de politique d'aménagement urbain comprenant désimperméabilisation et déconnexion de réseau : impact sur les aquifères sous-jacents.

- À Bordeaux, le BRGM étudie la possibilité d'infiltrer les eaux pluviales et les stocker en aquifère urbain pour une réutilisation à des fins non potables. Le projet est constitué d'une étude multicritère de faisabilité d'implémentation des solutions et d'un démonstrateur (2022-2024).

- Le projet SOILval (2021) vise une meilleure reconnaissance de la valeur des sols, de leur qualité en contexte de lutte contre l'artificialisation des sols et de gestion économe de l'espace suite aux objectifs de Zéro artificialisation nette (ZAN) fixés par l'Europe d'ici 2050. En France cet objectif s'inscrit dans le cadre du ZAN prévu par le Gouvernement français au travers du Plan Biodiversité (2018) et concrétisé par l'adoption de la loi dite climat et résilience du 22/08/2021.

Source : BRGM

Le CEREMA accompagne les acteurs dans cette politique d'infiltration à la source. Il propose un outil de conception et de dimensionnement des ouvrages en ligne87(*), des formations, des observations d'ouvrages in situ et des modélisations numériques afin de comprendre et extrapoler les réelles performances des ouvrages.

En outre, le CEREMA est en train de concevoir un laboratoire vivant des Solutions Fondées sur la Nature (SFN) à Trappes. « Différentes techniques de reconstitution et de construction de sols seront mises en oeuvre, pour illustrer les moyens de désimperméabiliser et de renaturer les sols. Concernant la gestion des eaux pluviales, des ouvrages à l'échelle 1 proposant des techniques alternatives au tout tuyau seront aménagés. La déconnexion maximale des bâtiments et surfaces imperméabilisées sera visée. [...] »88(*)

L'ensemble des expériences de solutions fondées sur la nature visant à favoriser l'infiltration appelle plusieurs observations.

En premier lieu, cette nouvelle politique d'infiltration et de « renaturation » devrait toutefois conduire à une réflexion de l'ensemble des acteurs sur les priorités d'usage, comme le souligne Emma Haziza, hydrologue et présidente et fondatrice de Mayane, lors de son audition devant la mission. En effet, il peut apparaître paradoxal de vouloir végétaliser massivement les villes afin de rafraichir l'air et de poser une interdiction d'arrosage, y compris ce qui vient d'être planté.

En second lieu, les techniques d'infiltration connaissent des limites, comme le souligne le CEREMA. « [...] une infiltration totale des eaux pluviales à la source (c'est la politique du « zéro rejet ») n'est pas toujours possible en fonction des contraintes de site, et dans ces cas il est difficile de s'affranchir d'un réseau : un sol peu perméable (par exemple d'ancien marais), une nappe phréatique superficielle, ou des contraintes géotechniques dans le proche sous-sol (anciennes carrières, présence de gypse, réseaux de transports, ....) et/ou de pollution. Une politique d'infiltration à la source reste possible, mais de façon maîtrisée et souvent partielle en tout cas pour les pluies courantes (et pas forcément possible pour les pluies exceptionnelles qui devront être gérées par d'autres ouvrages via des réseaux séparatifs). »89(*)

Certains plébiscitent un recours aux diverses solutions fondées sur la nature afin de faire jouer leurs complémentarités et synergies, en fonction des territoires et non les mettre en concurrence, pour une approche globale des enjeux, ainsi que le fait valoir l'ATEP, auditionnée par la mission : « [...] Cette vision de l'infiltration, très fréquemment plébiscitée, fait que l'on cherche à adapter la ville à cette volonté d'infiltrer au lieu de chercher à gérer les eaux pluviales en fonction des contraintes des collectivités et des communes. De plus, les solutions ont beau être nombreuses, non seulement elles sont mises en concurrence au lieu d'être juxtaposées et considérées dans leur singularité technique, et surtout elles alimentent une espèce de politique mono-solution. Il faut penser complémentarité et efficacité par rapport à la typologie des territoires concernés.

Au regard du contexte territorial, il faut privilégier une approche croisée des solutions de gestion de l'eau à la parcelle, dont on en distingue trois principales : infiltration, évapotranspiration et valorisation. »90(*)

II. FAIRE FACE À LA MULTIPLICATION DES CONFLITS DE L'EAU

A. LA MISE SOUS PRESSION DES ACTEURS DE L'EAU

1. Le risque de dégradation de la gestion du petit cycle
a) Le vieillissement des réseaux et les fuites

Une fois installés, les réseaux d'eau et d'assainissement doivent faire l'objet d'efforts de maintenance et de renouvellement. Or, selon les données les plus récentes du système d'information sur l'eau91(*), le taux de renouvellement des réseaux d'eau potable s'établissait à 0,78 % en 2022 et le taux de renouvellement des réseaux de collecte des eaux usées s'élevait à 0,70 %. À ce rythme, l'Association Villes de France indiquait à la mission qu'il faudrait plus de 150 ans pour renouveler l'intégralité des réseaux d'eau des villes de taille moyenne et de leurs communautés, et 140 ans pour les réseaux d'assainissement collectif.

On observe donc un vieillissement du réseau qui se traduit pour les réseaux d'eau potable par des fuites. En moyenne, un litre sur cinq mis en distribution n'arrive pas jusqu'au consommateur et revient au milieu naturel en raison des fuites du réseau, soit un taux de perte de 20 % au niveau national

Certaines collectivités ont pris à bras le corps cette problématique et ont entrepris de renforcer l'entretien de leur réseau en mettant en place des plans anti-fuites :

- approfondissant leur connaissance de leur réseau et de sa cartographie, avec une précision au moins inférieure au mètre ;

- réalisant un diagnostic permanent ainsi que des campagnes régulières d'écoute de fuites et/ou en divisant le réseau en « sous-réseaux » pour détecter les fuites ;

- intervenant rapidement en cas de fuite détectée et localisée ;

- renouvelant les conduites les plus sujettes aux fuites ;

- prévoyant un système de pénalités au délégataire (lorsque le service est délégué) en cas de mauvais rendement du réseau (< 80% en urbain et < 70% en rural), associé à dispositif de bonifications/primes proportionnelles aux bons résultats ;

- instituant une obligation de provision pour le renouvellement des réseaux.

Ainsi certains territoires affichent des taux de rendement supérieurs à 80 %, tels que le syndicat des eaux de Dunkerque ou le syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF), respectivement de 93 %92(*) et 90 %. Ces taux sont considérés comme assez proches du maximum pouvant être atteint techniquement, une petite quantité de fuites étant inévitable même pour un réseau très performant.

Le SEDIF gère un réseau de 8 000 km de transport et de distribution, enterré sous voirie majoritairement en site urbain. Son schéma directeur prévoit le renouvellement de 1 128 km de canalisations et l'abaissement à 47 ans de leur âge moyen en 2025. Le taux de renouvellement s'établit aujourd'hui à 1,15 % du linéaire, soit près de 100 km par an. Le SEDIF développe la sectorisation (compteurs) et l'instrumentation (pré-localisateurs) du réseau afin de délimiter rapidement et précisément les fuites non visibles. Il poursuit l'instrumentation par des équipements de mesures et de modulation de pression.

Le syndicat de l'eau Dunkerquois gère 1 600 km de réseau d'eau potable. Son plan de lutte contre les fuites repose également sur une solide connaissance de son réseau qui est renouvelé annuellement à hauteur de 1 %. Il a recours à un diagnostic des priorités d'intervention (travaux de renouvellement)93(*). Son expertise de terrain, qui accompagne les choix des opérations de renouvellement, s'appuie sur le « scan » des canalisations, la sectorisation94(*) et la campagne permanente de recherche de fuites95(*). Au total, plus de 400 km de canalisations sont inspectées par an. Le syndicat utilise également des outils innovants, tels que la « Smart ball », « e-pulse » ou « Acwarobotics ».

Les outils innovants de lutte contre les fuites du Syndicat des eaux
de Dunkerque :
« Smart ball », « e-pulse » ou « Acwarobotics »

« Ce sont des méthodes d'investigation innovante d'une canalisation car permettant de définir les caractéristiques du réseau à partir de l'intérieur d'une canalisation.

Un objet connecté est envoyé dans le réseau puis récupéré en bout de tronçon. Une « balle » émettrice dans le cas de la « smart ball » parcourt le réseau et diagnostique en continu le linéaire parcouru en permettant d'enregistrer les modulations de signaux et restitue ces informations.

Une analyse numérique des informations collectées permet de mettre en évidence des anomalies du réseau et donc d'anticiper les travaux (intervention avant une casse ou une fuite).

La technique « e-pulse » également utilisée en 2019 sur des tronçons de canalisation permettant de déterminer l'état structurel du tronçon et de détecter d'éventuelles fuites. Il s'agit de générer un bruit sur la conduite qui va engendrer une onde dans le tronçon inspecté. Cette onde est suivie sur son parcours par plusieurs détecteurs qui récupèrent le signal. Ce signal est ensuite interprété numériquement, ce qui permet d'avoir une indication sur l'état intérieur de la conduite avec la mise en évidence d'éventuelles anomalies (fuites).

Plus récemment un robot intégrable en canalisation d'eau potable et capable d'enregistrer lors de son passage en canalisation, les données nécessaires à la caractérisation de l'état de la canalisation a été testé.

b) Les ruptures d'approvisionnement en cas de sécheresse

Si l'approvisionnement en eau potable prélève généralement une faible proportion de la ressource présente dans la nature, les sécheresses prolongées peuvent conduire à des ruptures. L'année 2022 étant la seconde année la moins pluvieuse depuis 1959, marquée par le second été le plus chaud depuis 1900, le risque s'est concrétisé.

Le rapport commun de l'IGEDD, l'IGA et le CGAAER sur le retour d'expérience de la sécheresse de l'été 202296(*) a mis en évidence les vulnérabilités du système de production et de distribution d'eau potable face au changement climatique.

Le bilan qu'il tire est édifiant. Certes, sept communes seulement ont arrêté totalement la distribution d'eau pendant plusieurs jours, et une a distribué une eau non conforme, mais :

1 052 communes ont dû mettre en place au moins une mesure de gestion dérogatoire pour assurer la continuité du service sur tout ou partie de leur territoire (transport d'eau par citernes, interconnexion de secours, baisses de débit et de pression de l'eau distribuée, exceptionnellement coupures d'eau temporaires) ;

1 093 communes n'en ont pas eu besoin, mais sont passées près de la rupture.

La plupart des communes concernées sont des petites communes, rurales ou de montagne, mais la menace pèse aussi sur les agglomérations, où les solutions de secours seraient bien plus difficiles à mettre en oeuvre. Le rapport cite notamment la ville de Nantes, menacée par une remontée exceptionnelle d'un bouchon vaseux dans l'estuaire de la Loire, mais aussi Guéret ou Belfort.

En outre, 222 collectivités ont été confrontées à des problèmes de qualité d'eau directement ou indirectement liés à la hausse des températures (présence de cyanobactéries ou de trihalométhanes).

Interrogée par la mission, l'association Intercommunalités de France a insisté sur la nécessaire mutualisation des services d'eau à l'échelle intercommunale, indiquant que « la solidarité intercommunale a permis de faire face au manque d'eau en organisant des ravitaillements par camion-citerne. Le renforcement des interconnexions voire la construction de nouveaux captages font partie des axes de travail dans les programmations pluriannuelles des investissements portées par les intercommunalités. L'échelle intercommunale permet de disposer de l'ingénierie et des moyens financiers pour ces travaux. »97(*)

c) Les problèmes spécifiques du petit cycle dans les outre-mer
(1) Un accès à l'eau restreint

Selon l'Insee, près d'un tiers des habitants du territoire de Mayotte n'ont pas accès à l'eau courante, depuis des années, notamment en raison de capacités de production insuffisantes pour répondre à la demande (Cf. infra). La situation s'aggrave en 2023, avec une sécheresse inédite depuis 26 ans. La saison des pluies quasi inexistante n'a pas permis de recharger les nappes98(*) et les retenues collinaires99(*). Des « tours d'eau », ou coupures programmées100(*), sont organisés plusieurs fois par semaine, la demande en eau potable étant supérieure à la ressource disponible101(*)

En Guadeloupe, le quart des habitants n'avait pas accès à l'eau tous les jours, en 2021. « La ressource en eau est affectée par les effets du dérèglement climatique : une récente période de sécheresse a nécessité un apport supplémentaire en eau, principalement pour les agriculteurs de Grande-Terre. La politique d'irrigation, reposant notamment sur l'utilisation de barrages, mise en place par la collectivité départementale, a permis de répondre en grande partie à ce besoin en eau. »102(*) Le manque d'eau affecte également les activités vitales des villes, et notamment les écoles, les entreprises et les hôpitaux103(*).

En conséquence, les dispositifs de stockage des eaux pluviales et de l'eau potable se multiplient dans les établissements d'enseignement, de santé ou EHPAD en Guadeloupe. Des « tours d'eau » sont organisés dans les zones les plus sensibles104(*). Toutefois, l'organisation prescrite n'est pas toujours respectée par les différents opérateurs, conduisant à des coupures d'eau chez les habitants plus longues que prévu. Or, les ruptures d'approvisionnement en eau potable touchent majoritairement des populations de catégorie sociale défavorisée105(*). L'achat de bouteilles d'eau représente un coût très lourd pour ces populations.

Si l'eau est abondante en Guyane106(*), 15 % de la population n'a pas accès à l'eau potable. En effet, le manque d'infrastructures transforme l'eau en une ressource peu accessible. Ce constat concerne essentiellement les habitations, dites informelles, qui se développent dans 32 quartiers prioritaires, répartis dans six communes, regroupant 40 % de la population. Dans ces habitats, l'accès à l'eau pose de grandes difficultés. Afin de recevoir de l'eau potable, les habitants ont recours à des branchements illégaux, ce qui détériore les réseaux. Pour mieux répondre à ce problème, la Communauté d'agglomération du Centre Littoral (CALC) a dû installer des bornes fontaines monétiques afin de distribuer de l'eau potable dans l'espace public à condition d'acheter une carte prépayée donnant droit à la consommation d'un certain volume d'eau. Les maires ont accueilli positivement ce dispositif qui offre un meilleur service de proximité.

La Réunion bénéficie d'une forte pluviométrie107(*) de décembre à avril qui contribue à 80 % à la recharge de la ressource. Toutefois, la saison sèche s'installe sur l'île de juin à octobre, voire novembre, durant laquelle l'accès à la ressource en eau peut localement atteindre une situation de tension, à l'ouest et au sud de l'île.

La Martinique fait figure d'exception puisque 99,9 % des Martiniquais ont accès à l'eau potable. Si l'eau y est abondante, elle est en revanche inégalement répartie dans le temps et peut manquer pendant la saison sèche108(*). Elle est aussi inégalement répartie sur le territoire, puisqu'elle provient en grande majorité du nord de l'île, alors que 76 % de la population se concentre au centre et dans le sud de la Martinique.

(2) Des réseaux peu performants

L'accès restreint à la ressource en eau potable à Mayotte s'explique aussi par des infrastructures inadaptées, vieillissantes ou inexistantes. Les aménagements hydrauliques ne répondent pas à la demande et les capacités de stockage sont insuffisantes. L'habitat informel est très touché par le manque d'accès au réseau. L'usine de dessalement d'eau de mer de Pamandzi présente également plusieurs dysfonctionnements, provoquant une sous-production d'eau pour la consommation.

Des travaux ont été effectués à Mayotte, dans le cadre du Plan urgence Eau109(*), sans pouvoir remédier à l'obsolescence du réseau et aux fuites importantes. Les investissements nécessaires ont alors été programmés dans le plan pluriannuel d'investissements 2022-2026. Ce dernier prévoit la mise en service de nouveaux forages, une unité mobile de traitement, une nouvelle usine de dessalement110(*) sur Grande-Terre ainsi qu'une troisième retenue collinaire avec une nouvelle usine de potabilisation. Le montant total des investissements prévu est de 287 millions d'euros111(*). S'agissant du réseau d'assainissement à Mayotte, le PPI de Mayotte intègre ce volet afin de se conformer aux obligations fixées par la directive eaux résiduaires urbaines (DERU) pour un montant total d'investissements de 181 millions d'euros112(*).

Outre les aléas climatiques, l'accès limité à l'eau potable en Guadeloupe est notamment dû à la vétusté du réseau d'eau « hors d'âge, certaines conduites ont 80 ans »113(*). Le taux de fuites est de 50 %. Des dysfonctionnements des stations d'épuration de toutes tailles114(*) ainsi que des défaillances des contrôles ont été constatés. Seuls 40 % de la population sont rattachés au réseau d'assainissement collectif. 85 % des systèmes d'assainissement non collectif ne sont pas conformes. « Le Plan Eau DOM prévoyait une enveloppe de 35 millions d'euros, qui s'est avérée insuffisante au regard des investissements à réaliser pour réhabiliter les dispositifs d'eau potable. [...] La résolution de l'ensemble des dysfonctionnements constatés en matière d'eau potable, sans compter l'assainissement, nécessiterait un budget estimé à environ 800 millions d'euros »115(*). L'Office de l'eau, au sujet des investissements insuffisants précise « Nous ne disposons d'aucune lisibilité sur la remise en état des systèmes défaillants, pourtant l'ARS prend régulièrement des arrêtés d'interdiction d'accès aux eaux de baignade. »116(*)

La Guyane est dépourvue d'un grand nombre d'infrastructures (pompages, traitements, réseaux de distribution...), en raison de difficultés géographiques et techniques (absence d'électricité, usure prématurée) ou par manque de moyens. Le territoire accuse un retard de développement des infrastructures de traitement des eaux usées avec un assainissement collectif qui ne peut couvrir la totalité des agglomérations en raison de fortes disparités territoriales. En outre, 90 % du parc d'assainissement non collectif n'est pas conforme. Un dispositif d'aides aux particuliers a été mis en place. Des petites unités de traitement compactes et décentralisées ont été mises en place117(*).

Un constat similaire peut être dressé pour la Martinique. Les réseaux se caractérisent par un mauvais état général. Beaucoup de conduites d'eau potable sont vieillissantes, causant des fuites. Le taux de rendement du réseau est estimé à environ 40 %118(*). Il en résulte un prélèvement en eau largement supérieur aux besoins réels de la population. Des travaux devront être engagés dans les années à venir afin de restaurer la qualité des installations.

S'agissant des performances des stations martiniquaises de traitement des eaux usées pour l'assainissement collectif, elles doivent être impérativement améliorées. « [...] Seules 15 % des stations d'assainissement collectif satisfont les critères de conformité. On constate des défauts d'entretien ou encore des problèmes de sous-dimensionnement. Les dispositifs d'assainissement non collectif représentent 60 % du parc et 90 % d'entre eux présentent un problème de non-conformité dont la résolution requiert, pour les particuliers concernés, un investissement de 10 000 à 12 000 euros ; or, la majorité de la population ne peut assumer de telles dépenses. » Cela conduit à une pollution des masses d'eau, en particulier côtières.

La situation des réseaux à La Réunion est plus nuancée. D'importants investissements ont été réalisés entre 2016 et 2021 en faveur de la potabilisation de l'eau. Durant cette période, 18 des 26 unités actuellement en fonctionnement ont été créées. Toutefois, l'état des infrastructures et le rendement des réseaux de distribution sont encore très hétérogènes sur le territoire119(*). Le rendement moyen du réseau ne s'élève en 2020 qu'à 61,6 % et les masses d'eau en bon état écologique sont en nombre réduit. Plus de la moitié de la population est alimentée exclusivement par des captages d'eaux superficielles. Ces dernières années, de nombreuses communes ont engagé des travaux visant à diversifier les ressources et à mobiliser davantage les eaux souterraines, de manière à améliorer la sécurité sanitaire des eaux distribuées à la population.

(3) Une qualité d'eau inégale

En Guadeloupe, la qualité de l'eau n'est pas optimale, notamment en raison de sa concentration ponctuelle en chlordécone. En 2019, 2,6 % des habitants, soit 12 000 personnes, n'avaient pas accès à l'eau potable en raison de sa contamination. La Guadeloupe est également confrontée aux rejets industriels générés, notamment, par les producteurs de rhum et les distilleries. Le milieu côtier est de plus en plus impacté par l'échouage de sargasses. « Dans le Nord de Grande-Terre, la surexploitation des phréatiques a généré un biseau salé irréversible [...] et les milieux aquatiques sont dégradés « en raison de la non-conformité des dispositifs d'épuration »120(*).

La Martinique est confrontée aux mêmes problèmes. Le chlordécone a été utilisé dans les bananeraies polluant ainsi les eaux martiniquaises. Les distilleries font l'objet d'une attention et sont incitées à modifier leurs pratiques. Un groupement d'intérêt public a été constitué, à l'initiative de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), afin de lutter contre la prolifération des sargasses.

La qualité de l'eau guyanaise est menacée par l'orpaillage illégal, qui émet des rejets de mercure particulièrement néfastes pour les populations autochtones et pour l'écosystème. Selon l'Office de l'eau de Guyane, 77 % des masses sont impactées par l'activité aurifère qui libère du mercure dans l'eau.

À Mayotte, l'accès restreint à l'eau potable entraîne un risque sanitaire. Les ménages qui ne disposent pas de l'eau courante s'approvisionnent dans une rivière ou dans un ruisseau avec des risques de maladies hydriques, gastroentérites ou diarrhées. La part de ces ménages est en hausse de 37 % entre 2012 et 2017, selon l'INSEE.

Quant à La Réunion, elle est confrontée à la difficulté de maintenir la qualité de la ressource dont la tendance récente est à la dégradation. L'état écologique de 87 % des masses d'eau est inférieur à « bon ». D'après les données publiées par l'ARS, 46 % des abonnés sont alimentés par des réseaux qui ne garantissent pas une sécurité sanitaire suffisante, en raison de l'absence de traitement de clarification avant désinfection. 4 % des abonnés sont alimentés par des réseaux pour lesquels le risque sanitaire est avéré (détection de parasites pathogènes) ou permanent (absence de désinfection). Si la présence de nitrates reste faible, celle des pesticides est repérée dans 27 % des captages. Les régions Est et Sud sont les plus concernées, en lien avec une activité agricole plus intensive

(4) Des problèmes financiers

Mayotte a mis en place une tarification de l'eau potable progressive par tranches121(*). Les consommateurs modestes payent proportionnellement moins que les « grands » consommateurs, dont la tranche marginale est majorée. Toutefois, cette tarification aboutit à des effets d'éviction lorsque des familles partagent un même abonnement desservant plusieurs habitations informelles. Les pratiques de partage des compteurs d'eau par solidarité, conduisent à une majoration du tarif. Cette tarification pèse financièrement sur de nombreuses familles en situation de précarité, sans tarification sociale associée. « En moyenne, l'eau représente 17 % du budget des ménages, et jusqu'à 20 % à 25 % pour les populations les plus précaires. »122(*)

Contrairement à Mayotte, la Guyane a mené des expérimentations de tarification sociale dans le cadre de la loi Brottes du 15 avril 2013. La communauté d'agglomération du centre littoral (CALC) de Guyane a instauré une tarification plafonnée applicable à une partie des abonnés du service public. En 2019, elle a également mis en place des « Chèques Ô » afin d'aider les habitants précaires à payer leur facture et lutter contre les impayés.

Outre l'accessibilité à la ressource en Guadeloupe, une problématique financière se pose. Le prix moyen de l'eau en Guadeloupe est un des plus chers (6,52 euros le m3 dont 3,43 euros le m3 en moyenne, pour le prix de l'eau potable. Pour autant, 40 000 compteurs d'eau individuels, soit 40 % du parc, dysfonctionnent et doivent être remplacés, ne permettant pas de constater la consommation réelle et donnant souvent lieu à contestation.

On assiste donc à une explosion des impayés123(*) ainsi qu'à un « effondrement du recouvrement »124(*). En conséquence, le directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe alerte la mission : « Nous rencontrons de grandes difficultés qui tiennent à la combinaison de deux facteurs : on a une utilisation excessive de la ressource - 120 millions de m3 d'eau prélevés dont la moitié est perdue en fuites - et nous ne recouvrons que 40 % de nos factures. Nos redevances encaissées sont donc faibles. »

La Martinique ne dispose pas non plus de marge de manoeuvre en termes de tarification. Le coût du service d'eau s'élève à 2,73 €/m3 pour l'eau potable et à 2,71 €/m3 pour l'assainissement.

(5) Une gouvernance fragilisée

L'Office de l'eau à Mayotte est en cours de création. Ce dernier devrait permettre une meilleure gestion de l'eau. En attendant, les missions y afférentes sont réparties entre la DEAL, le syndicat mixte (SMEAM) et l'Office français de biodiversité. Or, la chambre régionale des comptes de Mayotte a constaté dès 2020 des problèmes internes et des difficultés financières du SMEAM125(*).

Le remplacement des régies locales en Guadeloupe, notamment le SIEAG, par un Établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé « Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe » (SMEAG), créé le 1er septembre 2021, « a pour ambition d'assurer une meilleure gouvernance des réseaux, [...], de restaurer la confiance et renouer le dialogue par l'écoute et la personnalisation des échanges126(*). » Toutefois, il ne semble pas tenir ses promesses, selon l'association Consommation, Logement, Cadre de Vie (CLCV). « La CLCV qui participe activement, avec d'autres associations a fait part de ses inquiétudes et du fait que les réflexions et propositions avancées restent lettre morte de la part du nouveau syndicat. »127(*)

Quant à la compétence de la gestion de l'eau en Martinique, elle est répartie, depuis 2017, entre trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) correspondant à un découpage nord-centre-sud du territoire. Ceux-ci sont confrontés à des problèmes financiers et d'ingénierie interne128(*). Certains plaident donc en faveur d'une gestion unique de l'eau afin d'une part, d'harmoniser le prix de l'eau, et d'autre part, de mettre fin à l'opposition d'un Nord bien pourvu et d'un Sud dépendant, en menant une politique de distribution de l'eau et de solidarité à l'échelle de la Martinique.

2. Le financement de l'eau en question

Le financement de la politique de l'eau se heurte à un effet ciseaux avec l'augmentation d'une part, des dépenses (exploitation et investissement), et d'autre part, une réduction des ressources financières.

a) Un mur d'investissement pour le renouvellement du patrimoine

Sur la période 2013-2016, les dépenses d'exploitation et d'investissement se sont respectivement établies à 8,9 Mds € et 6,1 Mds €, soit une progression de 4 % et 8 % par rapport à 2009.129(*)

Ces chiffres conduisent à s'interroger sur le financement de la politique de l'eau. Le rythme de dépenses d'investissement est loin de permettre le renouvellement nécessaire du patrimoine de l'eau.

Rappelons que la valeur de celui-ci est estimée à 450 Mds €. Il est composé des branchements, des linéaires de réseau, des captages et forages, des stations de traitements, des réservoirs, pour la partie eau potable, et des branchements, linéaires de réseau, postes de refoulement et usines de traitement pour la partie assainissement collectif.

Or, la trajectoire des besoins de renouvellement du patrimoine de l'eau et de l'assainissement ainsi que celle liée à la gestion des eaux pluviales, s'est détériorée entre 2017 et 2022130(*). Le déficit total annuel d'investissement est passé entre 2017 et 2022, de 3 Mds € à 4,2 Mds € par an131(*) (Cf. tableau ci-après). Cette dégradation provient d'un sous-investissement des services d'eau, des services d'assainissement et de la méconnaissance du patrimoine.

(1) Le renouvellement du patrimoine lié au service d'eau potable

S'agissant des investissements des services d'eau potable, le déficit annuel s'établirait à 1,8 Md € pour l'entretien des 956 000 km de linéaires et des 27 millions de branchements132(*).

Ce déficit s'explique principalement par une contraction des investissements de 10 % entre 2011 et 2016, après une décennie de forte augmentation133(*).

Besoin de renouvellement patrimoine eau et assainissement
et déficit d'investissement sur la période 2009-2014

Source : UIE134(*)

Besoin de renouvellement patrimoine eau et assainissement
et déficit d'investissement sur la période 2013-2016

Source : UIE135(*)

(2) Le renouvellement du patrimoine lié au service d'assainissement collectif

Concernant les investissements des services d'assainissement collectif, le déficit annuel d'investissement est estimé à 1,4 Md € pour les besoins d'entretien des 326 000 km de linéaires, 20 millions de branchements et des 22 331 usines de traitement des eaux usées.

Il s'explique principalement par une réduction des investissements de plus de 22,5 % entre 2009 et 2016, après une décennie de forte progression pour mise aux normes DERU136(*).

Le renouvellement des usines de traitement des eaux usées représentent plus d'un tiers du besoin de financement. Ces 22 331 usines en 2020 sont de capacités très inégales. Plus de 90 % de la capacité totale de traitement est réalisée par moins de 20 % d'entre elles137(*).

Ces chiffres fournissent des ordres de grandeur et risquent d'être réévalués à la hausse. En effet, il convient, par exemple, de tenir compte de l'effet de l'augmentation des températures sur la corrosion due à l'augmentation de la sulfato-réduction et de l'hydrolyse de la matière organique.

(3) Le renouvellement du patrimoine lié à la gestion des eaux pluviales et le coût du traitement des micropolluants

Il existe également un sous-investissement significatif en matière de gestion des eaux pluviales, évalué à 1 Md € par an. Ces investissements concernent les linéaires de réseau et bassins de retenue d'eaux pluviales.

b) Un besoin de ressources financières croissant pour financer le grand cycle

L'interdépendance des petit et grand cycles de l'eau conduit à ne négliger aucune action concernant l'un ou l'autre, afin d'en éviter les impacts financiers à venir. L'augmentation des risques de sécheresses, d'inondations, conduisent à devoir renforcer les investissements dans le grand cycle. Les dépenses en matière de protection et restauration des écosystèmes aquatiques et des zones humides, de lutte contre les pollutions émergentes et diffuses, de conservation des eaux superficielles et souterraines, de maîtrise de la qualité des rejets, sont amenées à augmenter rapidement et fortement.

Les besoins du grand cycle sont de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros, approchant le milliard d'euros. Selon l'UIE, les dépenses atteignaient déjà en 2016, 600 M € par an, soit 17 % de la politique de l'eau, pour la restauration des cours d'eau et de la qualité de l'eau138(*).

Le rapport du député Christophe Jerretie et du sénateur Alain Richard139(*) sur les redevances des agences de l'eau et les atteintes à la biodiversité140(*) a examiné les besoins d'investissement annuel du grand cycle de l'eau pour atteindre les objectifs assignés par la DCE et pour restaurer la biodiversité. Il établit un ordre de grandeur, respectivement pour ces deux objectifs à 250 M € et 200 M €141(*). Il évalue les « besoins complémentaires » à 400 M €. En effet, il convient d'intégrer les nouvelles politiques telles que la ZAN, prendre en compte les nouvelles dépenses de fonctionnement y afférent et anticiper les nouveaux besoins, notamment en matière de dépollution.

c) Un effort d'investissement pour l'agriculture

Confronté au changement climatique, le secteur agricole doit faire face à de nombreux coûts tels que celui de l'énergie, de l'eau, des assurances liées à la sinistralité, des intrants, du matériel et surtout ceux liés au changement de son modèle. Ce sont des coûts nouveaux ou supplémentaires.

Une étude de 2022142(*) du CGAAER évalue à un peu plus de 2,7 Mds € les coûts liés au changement climatique pour l'agriculture, d'ici 2050, et répartis de la manière suivante :

• 920 millions d'euros par an pour les surcoûts liés à l'eau ;

• 1 milliard d'euros par an pour les surcoûts liés à l'augmentation des aléas ;

• 600 millions d'euros par an, pour le surcoût de renouvellement du verger français (10 % du verger/an) ;

• et 150 millions d'euros par an pour le conseil, au rythme de 50 000 exploitations par an (ou a minima au rythme des nouvelles installations : 13 000/an, 39 millions d'euros/an) » ;

• et 2 millions d'euros, pour le surcoût de mise au point de diagnostics « climat »143(*).

S'agissant du surcoût lié à l'eau, le CGAAER estime que le besoin de stockage en eau global pourrait doubler en raison de l'évapotranspiration, d'ici 2050, passant de 3 milliards à 6 milliards de m3 d'eau pour un coût de 6 euros par m3, soit un montant de 18 milliards d'euros d'investissement. Dans cette hypothèse les agriculteurs supporteraient des dépenses supplémentaires d'investissement ainsi que des frais de fonctionnement liés au stockage de l'eau, estimés à 920 M €/an.

Concernant les surcoûts générés par une hausse de la sinistralité, l'hypothèse retenue est celle du doublement des aléas actuels, d'ici 2050, en tenant compte des travaux du GIEC. Cette tendance menace les agriculteurs d'une perte de valeur en raison des dommages restant à leur charge, en deçà du seuil prévu par l'assurance récolte. Il convient également d'y ajouter les charges liées aux primes d'assurances. Ces coûts sont estimés à 1 Md €144(*).

L'adaptation au changement climatique pourrait conduire à la relocalisation de certaines filières laitière, viticole, des fruits et légumes, ou en arboriculture. Le CGAAER constate que le taux de renouvellement des vergers est insuffisant et devrait être doublé pour s'établir à 10 %. Son coût est évalué à 600 M € pour 13 500 hectares renouvelés par an145(*).

d) Des ressources financières insuffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins

La question du financement devient cruciale, voire problématique à trois égards.

Le premier constat porte sur l'augmentation rapide et forte des besoins de financement du petit cycle qui fait face à un « mur d'investissement » pour entretenir son patrimoine (respectivement 4,4 Mds € et 5 Mds € pour l'eau potable et l'assainissement), et du grand cycle, dont les défis à relever en matière de changement climatique sont autant inévitables qu'essentiels.

Le second point abordé ci-dessous est l'insuffisance des financements actuels pour faire face aux besoins de demain, ce qui conduit à un effet ciseaux, mettant en péril la politique de l'eau.

La dernière observation concerne la répartition de la charge de ce financement. Elle repose essentiellement aujourd'hui sur la facture de l'eau, et complémentairement sur des taxes, emprunts et capacités d'autofinancement. Les usagers du petit cycle contribuent à la quasi-intégralité du financement de la politique de l'eau, alors que ce modèle n'est ni pérenne, ni équitable.

(1) Un financement du petit cycle contraint par la structure de ses recettes
(a) La facture d'eau

Le principe de l'eau paie l'eau signifie que les services publics d'eau et d'assainissement (SPEA) sont financés par les usagers des services de l'eau par le biais de leur facturation. Les recettes moyennes annuelles de la facturation s'élevaient à 13,6 Mds € hors taxe sur la période 2013-2016146(*) sur 15,40 Mds € de recettes totales moyennes annuelles147(*). Leur progression moyenne annuelle entre 2009 et la période 2013-2016 a été de 13 %148(*), malgré une diminution des volumes consommés. Cette hausse est due à l'augmentation progressive des tarifs de l'eau potable.

Le prix moyen TTC de l'eau pour une consommation de référence de 120 m3 par an est passé de 3,78 €/m3 en 2012 à 4,04 €/m3, en 2016 puis 4,30 €/m3 en 2020149(*).

Outre la part proportionnelle pour la distribution d'eau et son assainissement et éventuellement une part fixe150(*), s'ajoutent sur la facture, des redevances perçues par les agences de l'eau pour la préservation des ressources en eau, la lutte contre la pollution, la modernisation des réseaux de l'assainissement collectif. Elles sont donc collectées auprès de tous les usagers qui prélèvent de l'eau ou altèrent sa qualité, selon le principe du pollueur-payeur, prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Rappelons que l'article L. 213-10 du code précité définit six types de redevances en vigueur, pour :

- « pollution de l'eau d'origine domestique et non domestique ;

- prélèvement sur la ressource en eau ;

- modernisation des réseaux de collecte ;

- pollutions diffuses ;

- stockage d'eau en période d'étiage ;

- et protection du milieu aquatique. »

Sur la période 2013-2016, la recette moyenne annuelle issue des redevances pour les agences et des offices de l'eau s'établissait à 1,97 Md €, perçue au titre des atteintes à la ressource et à la biodiversité151(*).

Un audit interne des agences de l'eau152(*) en 2021 a émis plusieurs observations. Tout d'abord il a relevé « la perte de légitimité des redevances » et « la réduction du consentement à payer en raison de l'élargissement du champ d'intervention des agences dans des domaines peu soumis à redevance »153(*). Si l'extension de leur périmètre d'intervention à la biodiversité marine, ne contrevient pas au principe de l'eau paie l'eau, c'est-à-dire tacitement seulement l'eau, celui à la biodiversité terrestre « a rencontré un refus de la part des acteurs de bassin »154(*), demandant de nouvelles ressources financières pour pouvoir la financer.

En outre, cet audit a réitéré le constat du rapport IGF-CGEDD, selon lequel « [...] la redevance pour pollution domestique ne s'inscrit pas dans la logique du principe pollueur-payeur et n'incite pas à investir dans des systèmes d'assainissements performants [...] Les usagers de l'eau potable sont distincts de ceux qui sont responsables du rejet [...] ».155(*) »

Il a enfin constaté une « application inéquitable du principe préleveur-payeur du fait de taux de redevance du prélèvement très différents entre usagers d'une même ressource. [...] L'usager domestique de l'eau potable porte l'essentiel de la contribution financière aux autorisations d'engagement, en acquittant 86 % du produit total [de cette] redevance.156(*) »

En outre, il faut ajouter éventuellement les redevances perçues pour le compte de VNF, soit un montant moyen annuel de 22 M € sur la période 2013-2016157(*). Enfin, la facture est soumise à la TVA, fixée à 5,5 % sur la partie « eau potable » et 10 % sur la partie assainissement collectif.158(*)

(b) Les financements du petit cycle par les agences de l'eau en réduction

En retour de la perception des redevances auprès des différents usagers, les agences ont consacré un montant global moyen annuel de 1,85 Md €159(*) sous différentes formes pour l'ensemble de la gestion de l'eau, sur la période de 2013-2016, afin financer les collectivités, industriels, agriculteurs, associations de pêche et de protection de la nature dans l'accompagnement et la valorisation de leurs projets.

S'agissant du petit cycle, 67 % des aides des agences étaient dédiées, en 2016, à la lutte contre les pollutions en finançant notamment la construction ou l'amélioration de stations d'épuration et de réseaux de collecte des eaux usées.

Évolution des aides et dépenses des agences de l'eau en milliers d'euros

 

2013

2014

2015

2016

Lutte contre la pollution

1 443

1 389

1 305

1 275

Gestion des milieux aquatiques

475

520

520

546

Conduite et développement des politiques

90

91

93

90

Dépenses courantes et autres dépenses

233

244

232

239

Contribution à l'OFB et reversement au budget de l'État

187

382

354

356

Total

2 428

2 626

2 502

2 505

Source : L'eau et les milieux aquatiques : chiffres clés - édition 2016, SOeS / Onema, CGDD, 2016 ; Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Agences de l'eau, 2017

Toutefois, on observe une contraction des dépenses des agences pour le petit cycle, de 4,4 % en 2016 par rapport à 2008, en s'établissant à près de 1,3 Md 160(*). Elle s'explique principalement par la baisse des investissements dans les usines de traitement des eaux usées, à partir de 2010, à la suite de la mise en conformité aux normes DERU.

Évolution des aides agences consacrées
aux services d'eau et d'assainissement en milliers d'euros

Source : UIE161(*)

Les financements accordés par les agences sur le petit cycle de l'eau sont encadrés. L'audit interne des agences de l'eau162(*) précité a rappelé que « les cadrages MTE ont identifié plusieurs politiques d'intervention ayant un rapport efficacité/coût insuffisant et ont demandé leur arrêt (aides à l'assainissement non collectif, primes de performance épuratoire, aides au bon entretien des cours d'eau, aides au renouvellement d'équipement, aides au fonctionnement ...) [...] les travaux [de renouvellement de réseaux d'eau potable et d'assainissement] devraient être financés par chaque autorité organisatrice ou concessionnaire du service public marchand de l'eau et de l'assainissement, sur ses fonds propres, grâce à l'amortissement de ses équipements et au provisionnement de leur renouvellement, opérations comptables obligatoires [...] »163(*).

Flux Financiers en fonction des acteurs du petit cycle de l'eau

Source : UIE164(*) Données 2015

(2) Le financement du grand cycle en augmentation mais insuffisant

Un mauvais état du grand cycle de l'eau impacte les SPEA en les contraignant à augmenter leurs dépenses de traitement de la pollution de l'eau brute et corrélativement à chercher de nouvelles ressources, par l'augmentation du prix du service, des subventions ou l'emprunt. En effet, la surexploitation des nappes en amont ou l'absence de maîtrise de la qualité des rejets de l'assainissement en aval pèse sur la gestion du petit cycle. Or, selon l'Observatoire des SPEA, « l'essentiel des investissements réalisés visent des actions curatives et les investissements en faveur de la préservation des milieux restent encore insuffisants. »165(*)

(a) Les financements par les agences de l'eau du Grand cycle en augmentation

Selon une étude de l'UIE, les aides des agences de l'eau qui représentaient 1,9 Md € en 2016, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2008166(*) , a davantage profité au grand cycle qu'au petit cycle.

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, on observe une tendance à une augmentation des aides au grand cycle par rapport au petit cycle. En 2008, ces dernières comptaient pour 88 % des aides des agences en 2008 contre 79 % en 2016 tandis les aides des agences au grand cycle ne représentaient que 12 % en 2008 pour attendre 21 % en 2016167(*).

Évolution des aides des agences de l'eau
consacrées au petit et grand cycle de l'eau en milliers d'euros

Source : UIE

Outre la biodiversité marine et terrestre, les agences ont fait de l'adaptation au changement climatique168(*) un objectif premier en y consacrant 40 %169(*) de leurs aides sur la période 2019 à 2024170(*).

S'agissant de la restauration et gestion des milieux, habitats et écosystèmes, les 11e programmes d'intervention des agences de l'eau (2019-2024) prévoient des aides à hauteur de 1,6 Md € sur la ligne dont certains travaux concernent la GEMAPI. En 2021, elles ont dépensé 314 M € en faveur de ces actions contre 227 M € en 2020171(*). Toutefois, le rapport précité d'audit interne des agences de l'eau constate que « le montant des dépenses d'interventions prévues [est] insuffisant pour assurer l'atteinte du bon état des masses d'eau et contribuer au bon état de la biodiversité »172(*).

(b) La taxe GEMAPI, un bilan contrasté

Les collectivités territoriales ont perçu 274,9 M € issus de la taxe GEMAPI, levée par les EPCI à fiscalité propre, en 2021. Ce montant a été multiplié par 11 entre 2017 et 2021. Son produit a enregistré une hausse de 35 % entre 2020 et 2021173(*).

Toutefois, le bilan de son rendement financier est contrasté. D'une part, cette taxe étant facultative, seule la moitié des EPCI la prélève. D'autre part, son produit par habitant n'atteint pas le plafond réglementaire de 40 €. Il s'est établi en 2021 de 7,5 €.174(*)

En outre, de nombreuses intercommunalités sont encore en phase d'études pour définir des programmes de travaux. Les Intercommunalités de France ont tenu à souligner qu'en dépit de cette taxe, « les programmes de travaux pour la prévention des inondations ne pourront pas être financés par les intercommunalités seules et nombreuses sont celles qui soulignent le retrait des financeurs extérieurs (départements, régions, FEDER, etc.). Des intercommunalités dont Val de Garonne Agglomération et Hérault Méditerranée soulignent la difficulté du chiffrage et la fréquente sous-estimation du chiffrage initial pour les besoins en investissementSur la GEMA, le financement est également insuffisant car les exigences des agences de l'eau sont importantes, générant des surcoûts par rapport aux projets initiaux, et les financements peu disponibles pour le fonctionnement. »175(*)

(3) Des financements complémentaires

Force est de constater qu'une forte contrainte financière pèse sur la politique de l'eau. Elle a été rappelée lors de la table ronde des agences de l'eau organisée par la mission, notamment par Thierry Vatin, directeur général de l'Agence de l'eau Artois-Picardie : « [...] Il manque aux six agences de l'eau un budget annuel global d'environ 400 millions d'euros, qui permettrait d'atteindre nos objectifs et remplir nos missions dont le champ a été élargi. Ce manque a été identifié dans le rapport parlementaire Jerretie-Richard.

En 2018, nous avons perdu 200 millions d'euros avec l'instauration du plafond mordant. Or, avec notre onzième programme, nous endossons de nouvelles missions touchant la biodiversité, ou encore les milieux marins.

Ainsi, nous n'avons pas suffisamment de moyens pour répondre aux enjeux qualitatifs et quantitatifs liés à la ressource en eau. Ces moyens manquent tant pour le soutien du petit cycle de l'eau que pour celui du grand cycle de l'eau, étroitement associé à l'atteinte de nos objectifs de bon état de l'eau ».176(*)

Laurent Roy, directeur général de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a mentionné également le retrait des départements dans le financement des projets, lors de son audition devant la mission : « La capacité d'aide des agences de l'eau a diminué d'un peu moins de 15 % entre notre dixième programme, achevé en 2018, et notre onzième programme qui s'étend sur la période 2019-2024. En effet, il nous a été demandé de baisser nos recettes parce que ce sont des impôts. De plus, depuis la loi de finances initiale (LFI) de 2018, le financement de l'Office français de la biodiversité (OFB) est assuré presque exclusivement par les agences de l'eau. Ce financement était auparavant assuré par le budget de l'État, via le programme 113.

La diminution de la participation des départements aux cofinancements est hétérogène. Depuis que les départements ne bénéficient plus de la clause générale de compétence, seuls les départements qui l'ont souhaité ont poursuivi ces cofinancements, dans un cadre optionnel, au titre de leurs politiques territoriales. Dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, seule la moitié des départements a maintenu ses cofinancements. »177(*)

Cela conduit les collectivités à trouver des financements complémentaires.

(a) La capacité d'autofinancement en réduction

Selon les rapports annuels de l'Observatoire des Finances et de la Gestion publique locale, les fonds de réserve Eau des collectivités tendent à se contracter d'année en année. Évalués à 3,4 Mds avant la crise du Covid, ils n'atteindraient qu'1 Md € en 2023.

(b) Une augmentation du recours à l'emprunt
(i) Le nécessaire recours à l'emprunt

Sur la période 2013-2016, le montant annuel moyen des recettes issues de la facture d'eau (13,6 Mds € HT) complété par les subventions publiques en baisse (1,80 Md €) a été insuffisant pour financer l'ensemble des coûts des services de l'eau, de l'ordre de 15,68 Mds €. Les collectivités ont eu recours à l'emprunt à hauteur de 0,30 Md € par an.

Si on peut se féliciter que l'endettement annuel moyen affiche en forte réduction de 81 % sur la période par rapport à celui constaté en 2009 (1,4 Md €)178(*), c'est sous réserve que les investissements nécessaires aient été effectués. Or, la capacité de désendettement pour l'eau potable et l'assainissement étant respectivement de 3 ans et d'un peu plus de 4 ans179(*) , soit bien en dessous du seuil critique des 15 ans, cela peut signifier un rythme de renouvellement peu soutenu du réseau.

Durée d'extinction de la dette des collectivités
associée aux services d'eau potable et d'assainissement collectif en années

 

2010

2020

Eau potable

2,6

3

Assainissement collectif

6,3

4,04

Source : Office français de la biodiversité, DSUED/SEMA d'après les données Source de la donnée

(ii) Les aquaprêts en quête de développement

L'aquaprêt est un dispositif financier de la Banque des Territoires créé à la suite des Assises de l'eau. Il permet d'emprunter en bénéficiant de taux et d'une durée d'amortissement favorables pour des projets initialement relevant du petit cycle puis de la GEMAPI à partir de juillet 2019.180(*).

Sont également éligibles les projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUT), d'irrigation des cultures, de désimperméabilisation des sols. En revanche, en sont exclus la création de retenues et bassines pour irrigation et le dessalement.

1. Des conditions avantageuses

La ressource prépondérante est le fonds d'épargne (livret A) à hauteur de 75 %, ce qui marque l'aquaprêt de certaines spécificités (durée, personnes éligibles et quotité de financement) qui en font une offre particulièrement avantageuse par rapport à ceux de la Société de financement local (SFIL) et de la Banque européenne d'investissements (BEI).

En effet, la durée de l'aquaprêt est de 25 à 60 ans181(*). Toutefois, sur les durées de moins de 40 ans, la BEI reste plus compétitive en raison de son taux fixe.

S'agissant des personnes éligibles182(*), le champ d'application du dispositif est très large car il concerne les collectivités territoriales (commune, département, région), les groupements de communes (EPCI), les régies locales dotées de la personnalité morale, les SDIS, les groupements d'intérêt public, les sociétés publiques locales, les entreprises publiques locales réalisant l'investissement conduit dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) ou d'une délégation de service public (DSP).

La quotité de financement est de 100 % du besoin de financement jusqu'à 5 M € et de 50 %, au-delà183(*).

Le taux initial était celui du livret A majoré de 75 points de base avec une enveloppe de 2 Mds € sur la période 2019-2022. Le renouvellement de l'aquaprêt sur la période 2023-2027, avec une enveloppe supplémentaire de 2 Mds, tend à rendre encore plus attractive l'offre avec une majoration du taux du livret A de 0,40 %, ce qui donne un taux de l'aquaprêt actuellement de 3,40 %184(*). Il s'agit du taux le plus bas proposé par la Caisse des Dépôts et Consignations.

2. Un dispositif en attente de développement

En dépit de durées, conditions d'éligibilité et quotités de financement avantageuses, force est de constater que seule la moitié de l'enveloppe soit 1 Md €, a donné lieu à des signatures de prêts185(*).

S'agissant de la portée de l`aquaprêt, s'il peut financer 100 % d'un projet non subventionné, il a représenté, en fait, un peu plus d'un tiers du financement de projets186(*). La Banque des Territoires estime donc son effet de levier à 2,5. Toutefois, ce dispositif voit sa portée limitée par la faible moyenne du montant des prêts, qui varie entre 1 M € et 1,5 M € par dossier187(*). Dans le cas d'infrastructures de prévention des inondations (GEMAPI), l'effet de levier escompté serait toutefois de 4.

Parmi les explications avancées, certains évoquent la méconnaissance du dispositif par les maires bien que les principaux emprunteurs soient les communes et les EPCI. Les communes et EPCI représentent 50 % des demandes chacun. En termes de montants, les EPCI ont emprunté au titre des aquaprêts 755 millions d'euros, soit 75 %.

Répartition des aquaprêts sur la période 2019-2022

 

Montant

(M €)

Montant

(%)

Nombre de dossiers

Dossiers

(%)

Montant moyen (M €)

Associations

4

0 %

1

0%

4,0

Communes

174

17%

400

46%

0,4

Départements

39

4%

8

1%

4,9

EPCI

755

76%

449

52%

1,7

Régions

2

0%

1

0%

2,0

SEM + SPL

25

3%

9

1%

2,8

Total général

1 000

 

868

   

Source : Banque des Territoires

Certains élus mentionnent leur réticence à s'endetter sur plus de 40 ans pour assumer la transition écologique. La Banque des Territoires souligne l'importance des subventions dans le financement des projets aux yeux des élus, par rapport à l'emprunt. Elle observe « un raisonnement économique des élus biaisé par une volonté d'obtenir à tout prix des subventions. Les élus ont tendance à privilégier des durées d'emprunt courtes, pour limiter les impacts sur le prix de l'eau et les impôts »188(*). La variabilité du taux de l'aquaprêt dans un contexte de forte volatilité du taux du livret A qui est passé en quelques mois de 0,5 % à 3 %, renforce cette réticence à emprunter.

Le financement d'un projet et non d'un budget global d'investissement pluriannuel peut, en outre, être à certains égards, plus contraignant pour l'emprunteur. En effet, l'obtention de l'aquaprêt requiert la mise en cohérence de la durée du prêt et la durée de vie technique ou économique des équipements, conduisant à une démarche sous-optimale du financement189(*).

La Banque des Territoires constate également des difficultés à rassembler l'ensemble des documents nécessaires à l'instruction d'un dossier190(*) ou encore à trouver les compétences nécessaires à la réalisation des travaux pour finaliser le projet.

3. Un nouvel élan attendu avec la nouvelle génération d'aquaprêt

Outre le taux bonifié (Cf. supra), la Banque des Territoires, sur la période 2023 - 2027 :

- ouvre une enveloppe de 15 M € de crédit d'ingénierie pour aider les collectivités à élaborer et mettre en oeuvre leurs projets ;

- propose une offre d'accompagnement191(*), de l'inspiration à la mise en oeuvre, pour faciliter la prise de décision et le passage à l'action des collectivités avec un point d'entrée numérique la forme d'un site internet dédié mis en ligne au 1er semestre 2023 ;

double l'enveloppe de prêts mobilisables pour la gestion de l'eau et la GEMAPI ;

- et propose des prêts à taux fixes (selon des barèmes mis à jour mensuellement) pour des durées comprises entre 25 à 40 ans.

(c) Fonds européens

Le rapport sur le financement des SPEA précité évalue à 0,44 Md € le montant moyen annuel de financement provenant de l'Union européenne dans le cadre de fonds européens structurels et d'investissement favorisant la cohésion économique, sociale et territoriale et le développement rural et durable. Ils permettent la sensibilisation des populations avec le FEDER, l'accompagnement financier des agriculteurs dans l'évolution de leurs pratiques pour utiliser moins de produits phytosanitaires avec le FEADER, ou encore celui des pêcheurs dans l'adoption de pratiques durables avec le FEAMP ou l'aide aux entreprises de réinsertion spécialisées dans l'entretien des cours d'eau avec le FSE.

Toutefois, l'UIE rapporte une sous-consommation des fonds de l'ordre de 96 % sur la période 2014-2016.

Sous-consommation des fonds européens

« Pour la période 2014-2020, l'enveloppe budgétaire des fonds européens alloués à la France s'élève à plus de 26 Mds € répartis entre trois fonds (FEDER, FEADER et FEAMP). Au sein de cette enveloppe, environ 15 Mds € sont dédiés, entre autres, à la mise en oeuvre de la DCE.

Cependant, malgré la disponibilité de ces financements pour des investissements dans les petit et grand cycles de l'eau, la France n'a consommé que 4% des crédits européens disponibles sur la période 2014-2016 (soit 600M€ en trois ans), contre 47% pour l'Allemagne par exemple.

[...] en France, la faible consommation des crédits européens s'explique par le transfert de la gestion de ces fonds de l'État vers les régions. En effet, depuis 2014, le conseil régional est devenu « l'autorité de gestion » de ces fonds européens. C'est l'interlocuteur direct des porteurs de projet et le responsable de la sélection et de l'instruction des dossiers, et du respect des règles d'éligibilité pour les fonds FEDER, FEADER et FSE. Le transfert de la gestion des fonds européens de l'État vers le conseil régional a nécessité un transfert de personnel qui s'est achevé au 1er janvier 2016. Il a également nécessité l'embauche de personnel supplémentaire, ce qui a pris du temps. De plus, la gestion du FEADER, dont les montants sont élevés, était entièrement nouvelle pour les régions, contrairement à celle du FEDER qui était déjà en partie décentralisée. Enfin, l'eau n'est pas affichée comme une thématique prioritaire pour l'utilisation des fonds européens, ce qui n'incite pas les régions à utiliser ces fonds pour financer des projets eau et assainissement.[...] »

Source : Extrait de l'étude de l'UIE sur le modèle économique de l'eau en France

(d) Le Fonds Barnier, un nouvel élan ?

Le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM) vise à soutenir des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs, dont les inondations.

Ainsi, les opérations inscrites dans un programme d'actions de prévention des inondations (PAPI) sont éligibles à un financement du fonds Barnier, entre 40 % et 50 % selon le type d'opération. Par ailleurs, les inondations et submersions marines représentent 73 % du total des dépenses du fonds relatives aux différentes mesures de prévention, depuis 2009192(*).

Le financement du fonds étant fragilisé en raison d'une diminution de sa trésorerie et de l'augmentation inévitable de ses dépenses dans les années à venir, son budget a été rattaché au budget de l'État193(*). Son financement devrait donc en être facilité. En outre, les crédits qui lui sont consacrés ont été augmentés de 137 à 205 millions €194(*).

L'équation financière semble donc complexe à résoudre. Avec une capacité d'autofinancement et d'emprunt réduite, les collectivités ont le choix entre augmenter le prix de leur service et/ou réduire leurs dépenses.

e) Les autres enjeux financiers
(1) Les conséquences financières collatérales du changement climatique, le coût assurantiel des risques liés à l'eau

Outre les besoins d'investissement énumérés ci-dessus, il convient d'évaluer les coûts assurantiels de la sinistralité dans le cadre du régime des « CATastrophes NATurelles » dit Cat-Nat, notamment en cas de sécheresses ou d'inondations. 

Ceux-ci s'établissent, pour tous périls confondus, à 43,8 milliards d'euros sur la période de référence de 1982 à 2019. Ainsi que l'indique le graphique ci-dessous, le risque inondation est le plus important (53 % de la sinistralité)

Répartition par péril de la sinistralité

Source : CCR(2022), « Les Catastrophes Naturelles en France- Bilan 1982-2021 » page 61.

La Caisse centrale de réassurance (CCR) dénombre, sur la période de référence, 3 099 communes par an faisant l'objet d'au moins un arrêté de reconnaissance de catastrophes naturelles en raison des inondations195(*). Sur la même période, la quasi-totalité des communes a fait l'objet au moins une fois, d'un arrêté de catastrophe naturelle pour inondation196(*). Les territoires les plus touchés étant ceux de la côte atlantique, la côte méditerranéenne, les communes du Sud-Est et le bassin du Rhône.

Quant à la sécheresse, elle représente un « phénomène à déroulement lent », dont les dommages ne manifestent pas immédiatement197(*). La CCR a comptabilisé depuis 1989, 1 617 communes en moyenne, faisant l'objet chaque année d'au moins un arrêté de reconnaissance de catastrophes naturelles pour le péril sécheresse198(*). Elles appartiennent principalement au Sud-Ouest, à la région Centre, à l'Ile-de-France et au département du Nord.

Nombre de communes reconnues par exercice au titre de la sécheresse

Source : CCR Les Catastrophes Naturelles en France- Bilan 1982-2021

Toutefois, ce chiffre moyen ne reflète pas la tendance à la hausse avec les sécheresses de 2018, 2019 et 2020, et 2022 ayant conduit à la reconnaissance respectivement de 4 060 communes, 2 916, 2 445 et 3 312 communes199(*).

Selon la CCR, ces déclarations de sinistre ont conduit à l'augmentation significative des coûts moyens de reconnaissance200(*) sur les vingt dernières années, soit une multiplication par 2,4 pour la sinistralité due aux inondations et de 3,4 en cas de péril sécheresse.

Selon une projection de France Assureurs201(*) portant sur la période 2020-2050, le coût cumulé du risque inondation202(*) augmenterait de plus de 80 %, en s'établissant à 50 milliards d'euros sur la période 2020-2050, contre 27,6 milliards d'euros sur la période 1989-2019203(*).

S'agissant du péril sécheresse, il triplerait pour atteindre 43 milliards d'euros contre 13,8 milliards d'euros sur la période précédente. Les cinq départements les plus touchés et contribuant le plus à cette hausse de la sinistralité serait la Haute-Garonne (23 %), la Gironde (19 %), les Bouches-du-Rhône, le Tarn-et-Garonne et le Tarn (8 %)204(*).

(2) Des coûts environnementaux potentiels supplémentaires

Afin de compléter des besoins de financement de la politique de l'eau, il convient de prendre en compte l'ampleur des externalités négatives des usages de l'eau à l'aune de l'application du principe pollueur-payeur. L'UIE livre un ordre de grandeur des coûts environnementaux liés au manque d'actions pour atteindre le bon état écologique des masses d'eaux au plus tard le 1er janvier 2027 et supportés par les usagers et l'environnement. Bien que difficiles à estimer, ils seraient de l'ordre de 4,2 Mds € par an, selon l'UIE205(*), dont la plus grande partie n'est pas de nature compensatoire (3,7 Mds €)206(*).

3. Le risque d'insuffisance du système d'information sur l'eau
a) Des avancées en matière de diffusion des informations

La connaissance de la ressource apparait comme un élément essentiel dans les arbitrages d'usage et de conservation.

Météo-France dispose d'un réseau de 2 100 points de mesure réalisée en propre concernant la pluviométrie, l'humidité de l'air et du sol ainsi que l'enneigement, le vent et le rayonnement solaire.

L'estimation de l'humidité des sols et du stock nival en montagne est issue d'une modélisation. Elle appuie les services de l'État dans la connaissance et la gestion de la ressource en eau, à l'échelle nationale et territoriale, notamment par l'accès à certains services de son Extranet207(*) et par le bulletin de situation hydrologique (BSH) sur les précipitations, l'humidité des sols et le stock nival.

En revanche, les débits des rivières sont suivis par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et l'OFB, au travers de son Observatoire national des étiages (Onde), tandis que les eaux souterraines sont surveillées par le BRGM.

Rappelons que Météo-France appuie également, depuis 2015, la DGALN et contribue aux réflexions des cellules interministérielles de crise de sécheresse et des comités d'anticipation et de suivi hydrologique (CASH). Elle collabore avec l'INRAE, le BRGM et le GIEC. Elle a développé un outil de recherche commune, Climadiag. Elle participe à différents programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) destinés à approfondir les connaissances dans des domaines identifiés comme stratégiques, tels que le climat (avec « Traccs » (Transformer la modélisation du climat pour les services climatiques), lancé au mois de mars 2023 ou l'eau (avec « OneWater »).

Météo-France a également développé des services météorologiques dédiés aux activités commerciales, tels que le service Prévil'Eau en matière d'hydrologie et le système ISOP (Information et Suivi Objectif des Prairies) en matière d'agrométéorologie208(*). Elle a enrichi le portail Drias d'une rubrique « eau » et a créé un nouveau portail, Rdais eau, le 23 mars 2023 fournissant les données des simulations hydrologiques, réalisées dans le cadre du projet national Explore 2209(*). Elle interviendra dans le tout nouveau dispositif Ecowatt de l'eau, pour fournir des informations sur l'humidité des sols ou les précipitations au niveau des différents échelons du territoire.

Convenant des progrès réalisés en matière d'information, il apparait que la connaissance relative à la gestion de l'eau est perfectible à un double égard. D'une part, certaines données ne sont pas totalement renseignées. D'autre part, lorsque les données sont acquises, leur mutualisation, ainsi que la coopération entre services, n'est pas générale et systématique.

b) Des lacunes en matière d'acquisition des données

Force est de constater que le patrimoine des ressources en eau et sa gestion sont en partie méconnus. À titre d'illustration, aucune nouvelle donnée sur le nombre de bassins de rétention d'eau depuis 2004210(*) n'a été fournie. En outre, il n'existe aucune donnée récente sur leur capacité de stockage au niveau national, ainsi que l'observe le rapport du CGEDD de 2017211(*).

La connaissance des nappes reste à approfondir pour éviter toute surexploitation dommageable. Le BRGM en fait le constat: « Il y a un potentiel sous nos pieds non ou peu exploité car mal connu aujourd'hui. Les règles d'exploitation des nappes profondes sont à développer en même temps que leur connaissance.

Pour les nappes sans lien avec les eaux de surface (rivière ; zones humides) la législation indique uniquement qu'il faut regarder la conductivité ou la salinité par exemple. Mais des règles plus précises seraient nécessaires. Des modèles maillés sont indispensables pour assurer une bonne gestion de ces aquifères.

Pour les nappes sous couverture (à recharge complexe, qui peuvent être soumises à des cycles de plusieurs années) il est nécessaire de proposer des indicateurs de gestion durable, ceci fait l'objet d'un projet PEPR OneWater soumis récemment par le BRGM. [...]

Enfin, une meilleure remontée des données de prélèvements (et notamment les informations temporelles) est fondamentale pour permettre des modélisations plus fines et donc une meilleure gestion de la ressource en eau. Il faudrait connaitre ces prélèvements sur une base a minima mensuelle avec une localisation précise du lieu du prélèvement et de sa profondeur. Des modifications législatives ou réglementaires sont nécessaires en ce sens. »212(*)

L'audition des Étangs de France a révélé une sous-estimation du nombre des étangs en France (100 000) ainsi que de leur surface (120 000 ha) et leur capacité de stockage (1,5 milliard de m3 d'eau). En effet, le nombre d'étangs connus régularisés est très bas. Ainsi, seul le quart des étangs de la Nièvre est recensé. La cartographie des cours d'eau peut également s'avérer erronée.

En matière de GEMAPI, le CEREMA a relevé des lacunes concernant la base de données BANATIC (base nationale de données sur l'intercommunalité)213(*), en ce qui concerne la fiabilité et l'exhaustivité des données qui y sont renseignées. Ainsi la « qualité de remplissage de BANATIC très hétérogène selon les départements » et le « périmètre des syndicats mixtes peut s'avérer erroné »214(*).

Outre l'absence de données, c'est aussi la méconnaissance de certaines fonctions du milieu qui est avancée comme obstacle à une gestion optimale de l'eau. En l'espèce, Les Étangs de France ont déploré que la contribution des étangs à la biodiversité au titre de leurs fonctions de stockage des masses d'eau, de régulation de l'eau, de recharge des nappes, d'infiltration de l'eau, d'épuration et d'habitats pour les micro-organismes ne soient pas reconnues.

c) Une mutualisation des données et outils et la coopération entre services sous-optimale

Votre rapporteur relève également l'absence de croisement de certaines données, telles que les évolutions climatologiques et les évolutions de la ressource en eau. L'approfondissement de la connaissance sur les modélisations de comportements des bassins en fonction des niveaux pluviométriques est nécessaire.

Il est également permis de s'interroger sur l'organisation de l'information et la coordination des actions des différents services dans le domaine de la gestion l'eau. Ainsi en matière de crues, Météo-France publie des bulletins quotidiens à destination des services de prévision des crues (SPC) et élabore une carte de vigilance tandis que le service Vigicrues dépend du SCHAPI (Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations). Dans le domaine agricole, outre les services déjà mis en oeuvre215(*), il apparait que Météo-France pourrait être plus sollicitée216(*).

C'est pourquoi votre rapporteur observe que la mutualisation des connaissances, des méthodes, des processus et des outils ainsi que les niveaux d'information et de communication des différents acteurs concernés ne sont pas optimaux...

Le même constat s'applique aux travaux de recherche. Ils ne répondent pas toujours à une demande publique coordonnée. Toute démarche coordonnée suppose néanmoins l'élaboration de référentiels communs, qui n'est pas systématique.

Ces questions de mutualisation et de coordination sont cruciales pour des raisons stratégiques d'anticipation et de gestion des crises mais également pour des raisons économiques qui en découlent. S'agissant de la survenance de crues, Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France a indiqué « Nous savons que les précipitations extrêmes deviennent plus intenses, mais nous ne sommes pas encore capables de les traduire dans le cycle de l'eau en termes d'inondations : les phénomènes de crues sont très complexes, car ils résultent d'une multitude et d'une conjonction de facteurs : le ruissellement urbain, le débordement des cours d'eau et des nappes, la fonte des neiges... La DGPR a entamé des travaux pour améliorer notre maîtrise des risques d'inondations217(*)

d) Une connaissance du patrimoine de l'eau parfois insuffisante

La connaissance patrimoniale diffère le plus généralement selon la taille du territoire et ses moyens. L'association Intercommunalités de France relève qu'elle est « limitée » « dans les petits services »218(*). L'étude précitée de Datalab219(*) s'est intéressée à la connaissance patrimoniale des réseaux d'eau potable et d'assainissement collectif portant notamment sur les plans des réseaux, leur inventaire, la date de leur pose et la localisation des ouvrages.

Comme l'indique le graphique ci-après, 12 % des services d'eau potable (5,2 % de la population et 6 % du réseau) n'atteignent pas le seuil de conformité réglementaire d'un service vis-à-vis de l'existence de son descriptif détaillé ci-dessus220(*). Il s'agit généralement des plus petites collectivités.

C'est dans le domaine de l'assainissement collectif que la méconnaissance des réseaux est la plus importante. 47 % des services sont non conformes (pour 46 % de la population et 46 % du réseau).

Certains font toutefois figure d'exception et ont développé une connaissance approfondie des nappes à l'instar du Syndicat d'eau de Dunkerque. Ce dernier utilise la modélisation numérique de la nappe de l'Audomarois ainsi que la connaissance des interactions avec le milieu, grâce à la modélisation de la définition des volumes prélevables. Ce système permet de préserver l'intégrité de l'hydrosystème. Il a également mis en place un dispositif de gestion active de la nappe garantissant ainsi un niveau de la nappe est très satisfaisant.

Répartition des services, populations couvertes et linéaires de réseau au regard de la conformité concernant la connaissance des réseaux, en 2017, en %
(AEP : Alimentation en eau potable)

Source : Datalab

En conclusion, l'enjeu est le perfectionnement de l'ensemble des systèmes de connaissance à l'échelle des bassins versants, que ce soit en termes de ressources ou d'usages. L'approfondissement de la connaissance des usages et celle de la gestion des stocks, notamment au niveau des nappes profondes, doit se poursuivre. Or, « la connaissance des usages est en effet loin d'être aussi complète que celle de l'hydrologie naturelle. »221(*)

B. L'AGRICULTURE EN PREMIÈRE LIGNE DE LA BATAILLE DE L'EAU

1. Pas d'agriculture sans eau
a) L'agriculture a besoin d'importantes quantités d'eau

Les plantes ont besoin de cinq éléments pour se développer :

- de lumière, fournie par le soleil ou de manière artificielle. La lumière permet aux plantes de fabriquer du glucose, indispensable à leur croissance ;

d'air, contenant notamment de l'azote, de l'oxygène et du dioxyde de carbone. En utilisant l'énergie lumineuse, les plantes allient chimiquement le dioxyde de carbone et l'eau pour créer du glucose et de l'oxygène, c'est la photosynthèse ;

d'eau, indispensable à la photosynthèse et contenant des éléments nutritifs nécessaires à la croissance ;

- de nutriments et principalement d'azote, de phosphore et de potassium. Ces éléments sont absorbés par les racines des plantes. Les engrais fournissent le complément et participent à accélérer la croissance de la plante ;

d'espace pour croitre, développer leur système racinaire indispensable à l'absorption de l'eau et des nutriments.

Ces cinq éléments permettent de comprendre nombre d'enjeux actuels entourant l'agriculture : fixation du carbone, répartition de l'espace agricole ou encore problématique de l'accès à la ressource en eau.

Les besoins en eau des différentes cultures interviennent en quantités variables et à des moments de l'année qui ne sont pas identiques, même si l'essentiel du besoin en eau est concentré durant la période de pousse.

Comme l'indique l'INRAE dans ses contributions écrites, il n'est pas aisé d'obtenir des données relatives à la consommation moyenne d'eau des principales productions céréalières. Les besoins en eau sont en effet variables selon les conditions climatiques, les variétés utilisées ou encore le type de sol.

L'agriculture représente un peu moins de 10 % des prélèvements d'eau dans les milieux naturels, mais l'eau d'irrigation est considérée comme très majoritairement consommée car elle est absorbée par la végétation et ne réalimente donc pas, ou peu, les réserves en eau (cours d'eau, nappes phréatiques). Sachant que 90 % de l'eau consommée en agriculture l'est aux fins d'irrigation, on peut estimer qu'environ 51 % de l'eau consommée en France est destinée à l'irrigation agricole.

Selon le ministère de la transition écologique, l'agriculture peut représenter jusqu'à 80 % des consommations d'eau du pays en été. Dans un contexte de tensions autour de la disponibilité de la ressource dans certains territoires, des conflits d'usage peuvent dès lors émerger.

Les prélèvements d'eau destinés à l'agriculture peuvent s'effectuer dans les eaux de surface ou bien par pompage dans les nappes phréatiques. Pour réduire la pression sur la ressource en été, certains agriculteurs irrigants disposent de réserves dites de substitution alimentées par des pompages effectués hors saison sèche.

Dans une moindre mesure que l'agriculture stricto sensu, l'industrie agroalimentaire est également consommatrice d'eau. Selon les données communiquées par l'Association de la transformation laitière (ATLA) l'industrie laitière consomme 70 millions de m3 d'eau par an. Mais elle est aussi elle-même fortement productrice d'eau non conventionnelle, issue du processus de concentration du lait. C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle est la principale filière du monde agricole et agroalimentaire à encourager l'évolution du cadre règlementaire relatif à la réutilisation des eaux usées, y voyant un potentiel de réutilisation de 16 millions de m3 par an, contre seulement 5 millions actuellement222(*), et permettant ainsi une baisse de la pression sur la ressource en eau puisée dans le milieu.

Répartition des volumes d'eau utilisés en agriculture en milliards m3/ an

Source : Secrétariat général de la Planification écologique

b) L'irrigation est consubstantielle à l'agriculture

L'histoire de l'agriculture se confond avec celle de l'irrigation. Les traces les plus anciennes d'activités agricoles ont été retrouvées au niveau du croissant fertile, zone unique qui a vu certaines des premières civilisations du monde émerger, serpentée par le Jourdain, l'Euphrate, le Tigre et le Nil. Il n'est pas étonnant que ce soit également dans cette région que l'on retrouve les plus anciennes traces d'irrigation, vers 5 000 av. J.-C.

Hérodote évoque, dans son Enquête, le légendaire lac Moeris, creusé, écrit-il, par la main de l'homme, complété de canalisations souterraines de manière à guider les flots du Nil223(*). Même si la recherche a depuis établi qu'il est peu probable que ce lac ait été en réalité artificiel, ce témoignage nous enseigne que l'homme a toujours cherché à maitriser et orienter les eaux à son profit.

En 2000, le système d'irrigation de Dujiangyan, en Chine, a été classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce système d'irrigation construit au IIIe siècle av. J.-C. « continue de réguler les eaux de la rivière Minjiang et de les distribuer sur les terres fertiles des plaines de Chengdu224(*) ».

Plus proche de nous, l'héritage du Pont du Gard témoigne encore de nos jours de l'ingéniosité humaine dans la conduite et l'utilisation de l'eau. Destiné prioritairement à alimenter Nîmes en eau potable, à un débit de 400 litres par seconde, les agriculteurs des abords de l'aqueduc romain de 49,5 kilomètres de long furent autorisés, au IIIe siècle, à percer la base du canal pour irriguer leurs champs. Dès ces époques lointaines, les questions d'accès et de partage de l'eau existaient donc bien.

Selon les chiffres de la FAO, l'agriculture représentait en 2021 dans le monde 72 % des consommations d'eau et l'agriculture irriguée couvrait 20 % de la superficie totale de terres cultivées, mais fournissait 40 % de la production alimentaire mondiale totale. On observe un stress hydrique élevé dans les zones intensément irrigués et densément peuplées, ce qui explique les tensions de plus en plus vives autour que la question du partage de l'eau225(*). Dans les pays en développement, l'utilisation de l'eau pour l'irrigation demeure vitale pour sécuriser la production alimentaire.

L'irrigation ne concerne qu'une part réduite des surfaces exploitées en France. L'essentiel de l'apport en eau pour les productions agricoles repose sur une « agriculture pluvieuse ». L'irrigation n'intervient que là où les apports naturels en eau sont insuffisants et dans les territoires subissant des épisodes de sécheresse fréquents.

D'après les données du recensement agricole de 2020, 6,8 % de la surface agricole utile (SAU) est irriguée, soit plus de 1,8 million d'hectares sur environ 27 millions d'hectares à vocation agricole. L'irrigation est en légère progression par rapport au recensement de 2010 : il y a une décennie, 5,7 % de la SAU était irriguée. Il convient de noter une diversification des cultures irriguées avec une baisse notable des surfaces de maïs irriguées, de 40 % en 2010 à 34 % en 2020226(*). Les fruits et légumes représentent 15 % du total des surfaces irriguées. 50 % des surfaces de vergers et 60 % des surfaces de légumes sont irriguées.

Les conditions climatiques influent sur les besoins en irrigation. Ainsi, moins de 1 % des surfaces sont irriguées dans le Nord-Est et en Normandie, contre près de 20 % en basse vallée du Rhône, dans le Sud-Ouest ou en Alsace227(*).

Répartition des surfaces irriguées en 2020

Source : Agreste

Les finalités de l'irrigation varient selon les territoires et les cultures. Elles sont de trois ordres : amélioration de la production (Sud-Ouest et zones à pluviométrie aléatoire), sécurisation des rendements en cas de sécheresse (Centre, Bassin Parisien) et amélioration de la qualité des productions (semences, maraîchage, horticulture, vergers, cultures contractuelles).

Comment détermine-t-on le besoin en eau d'une culture ?

La détermination des besoins en eau d'une culture se fonde sur plusieurs paramètres :

• détermination de l'évapotranspiration de référence d'une culture en fonction de paramètres donnés ;

• détermination du besoin maximal en eau (ETM), qui résulte d'une pondération de la valeur obtenue grâce à l'étape précédente par un coefficient cultural dépendant du stade de développement de la plante ;

• détermination des stocks d'eau dans le sol (réserve utile) utilisables (RU) et facilement utilisables (RFU) par une plante, qui dépend de la texture de ce sol ;

• calcul des apports en eau à l'échelle de la parcelle à l'aide d'un pluviomètre, permettant de différencier l'irrigation de la pluviométrie ;

• réalisation du bilan hydrique, consistant à comparer à la semaine la différence entre l'ETM et les apports en eau issus des pluies et de l'irrigation, avec les valeurs de RFU. Si le bilan aboutit à une valeur inférieure à la RFU, un apport supplémentaire par irrigation est possible ; si la valeur est supérieure à la RU, les apports sont trop importants et l'irrigation doit être réduite.

L'irrigation contribue grandement à la régularité de la production agricole et donc à la performance économique des exploitations.

 
 

Par ailleurs, l'irrigation des prairies est en train de devenir un enjeu fort du maintien de l'élevage. Comme l'indique le délégué interministériel au Varenne agricole de l'eau dans sa contribution écrite, « l'élevage est grandement fragilisé par les sécheresses : le maintien de la productivité des prairies dans des conditions de plus en plus sèches est une grande difficulté. Ces prairies sont la base de l'alimentation dans l'élevage allaitant, et tiennent un rôle central de biodiversité de puits de carbone, mais également pour le maintien d'une agriculture de polyculture élevage qui permet un transfert de fertilité vers les cultures ».

Le maïs, culture très consommatrice d'eau, mais très productive

Originaire d'Amérique du Sud, cette plante tropicale, originellement téosine, dont la domestication remonte à plus de 9 000 ans, s'est répandue sur tous les continents par l'intermédiaire des conquistadores, qui pensaient avoir découvert du « blé d'Inde ». Hybridée et faisant l'objet d'un constant travail de sélection, ses rendements sont passés de 10 à 50 quintaux par hectare à 80 à 130 quintaux. Ses utilisations se sont multipliées puisque le maïs peut servir à l'alimentation humaine comme animale et, plus récemment, à l'industrie de la chimie du végétal (matériaux-bio-sourcés, bioéthanol, biogaz) ainsi qu'à l'industrie pharmaceutique (l'amidon servant dans la production de médicaments).

La pousse du maïs nécessite beaucoup d'eau. Sachant qu'environ 32 % de l'irrigation est destinée à la production de maïs grain et de maïs semences, et que 7 % l'est pour le maïs fourrage et autres cultures fourragères, il est possible d'estimer la consommation annuelle totale du maïs à un peu moins d'1 milliard de m3.

Il n'est, en revanche, pas aisé de déterminer un volume type d'eau consommée par hectare, dans la mesure où la consommation d'eau est fonction des conditions climatiques locales, des variétés choisies, de l'intensité de l'irrigation, ou encore de la nature du sol. Comme le souligne l'INRAE, il est plus pertinent de parler de fourchette de consommation.

Plusieurs estimations sont disponibles, permettant d'avoir une idée de cette fourchette de consommation. La FAO estime le besoin en eau du maïs à 5 750 m3 par hectare228(*), et le CNRS aboutit au chiffre de 4 994 m3 pour le maïs grain et 4 268 m3 pour le maïs fourrage229(*). Enfin, la compagnie d'aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc (BRL) fournit des chiffres concernant les cultures irriguées en 2019 en Occitanie et aboutit à un besoin en eau du maïs grain de 7 610 m3 par hectare230(*).

En somme, la fourchette pertinente pour estimer le besoin en eau du maïs semble être comprise entre 4 500 et 7 500 m3 d'eau par hectare.

Cette fourchette représente le besoin en eau, et non les quantités irriguées. En Occitanie en 2019, la BRL évalue le besoin annuel d'irrigation du maïs à 4 730m3 par hectare en année médiane.

Ce chiffre de 4 730 m3 n'est pas très éloigné des besoins d'autres cultures : ainsi, le besoin annuel d'irrigation pour la production de cerises est de 3 230 m3, il est de 7 870 m3 pour le kiwi, 5 000 à 6 000 m3 pour la pêche, 5 590 m3 pour la poire et la pomme, 7 730 m3 pour la luzerne ou encore 3 410 m3 pour le sorgho. D'autres cultures ont, en revanche, des besoins bien moindres, et notamment le blé dur, 1 390 m3, ou bien le colza, 2 290 m3, ces cultures exprimant des besoins au printemps.

Enfin, lorsqu'une comparaison de la quantité moyenne d'eau nécessaire à la production d'un kilogramme de matière sèche est effectuée, la productivité du maïs apparait assez clairement. Selon le CNRS, 238 litres d'eau sont nécessaires à la production d'un kg de maïs fourrage et 454 litres pour le maïs grain. Ce chiffre est de 590 pour le blé et la pomme de terre ou encore de 900 pour le coton.

La véritable difficulté concernant la production de maïs (dont une partie importante de la production est destinée à l'alimentation animale) tient en réalité à sa temporalité : ses besoins en eau sont au maximum en juillet et août, au moment où cette dernière est la plus rare.

Quantité moyenne d'eau nécessaire (en litres) pour fabriquer
1 kg de matière sèche

Source : CNRS

Une des priorités du monde agricole et de la recherche technique est depuis longtemps celle de l'usage efficient de l'irrigation, ce qui, depuis plusieurs décennies maintenant, passe par l'amélioration des techniques et du matériel employés. Selon l'Association de coordination technique agricole (ACTA), le profil d'équipement des exploitations agricoles en matériel d'irrigation, en pourcentage de la surface équipée, est le suivant :

• enrouleur : 70 % ;

• pivot, rampes : 20 % ;

• couverture intégrale : 2 à 5 % ;

• irrigation localisée dit goutte-à-goutte : 5 à 7 %.

Le taux d'utilisation de systèmes d'aide à la décision pour le pilotage de l'irrigation est, quant à lui, estimé à 17 %.

C'est bien souvent le coût à l'hectare qui préside au choix du mode d'irrigation, ainsi que le type de culture visée. Pour irriguer une surface de 30 hectares de maïs, l'investissement nécessaire s'élève à 40 590 euros à l'aide d'un enrouleur, 46 650 euros à l'aide d'un pivot et monte à 118 900 euros pour du goutte-à-goutte enterré. À ces coûts d'acquisition s'ajoutent des charges fixes, opérationnelles, ou encore de main d'oeuvre231(*). Le goutte-à-goutte est le système le plus coûteux, et l'est encore plus lorsqu'il est enterré. Il n'est donc rentable que pour des cultures pérennes à forte valeur ajoutée comme la vigne ou encore l'arboriculture.

De manière générale, l'irrigation s'est perfectionnée depuis les années 1980. Dans sa contribution écrite, l'ACTA retrace les progrès qu'elle enregistre depuis 40 ans :

Années 1980-1990 : mise en place des réseaux d'avertissement dans les principaux bassins d'irrigation ; utilisation du bilan hydrique manuel, bilanomètre ; premières expérimentations et diffusion des sondes tensiométriques à colonne d'eau ; premières campagnes de contrôle et réglage des installations d'irrigation ;

Années 1990-2000 : développement des gouteurs autorégulants en microirrigation (maitrise des variations de pression) ; - poursuite du développement des avertissements irrigation via le bilan hydrique ; - développement des sondes tensiométriques de type diélectrique (plus fiables) ; références expérimentales sur les volumes, doses et fréquences d'irrigation sur différentes cultures (maïs, sorgho, soja, tournesol,...) ; lancement des rampes basse pression et rampes frontales en complément des installations pivot ; lancement d'Irrinov, méthode de pilotage de l'irrigation des cultures ; travaux sur le réglage optimal des canons d'irrigation ; développement du logiciel Lora pour étudier la répartition optimale de l'eau sur les cultures de l'exploitation et du territoire.

Années 2000-2010 : développement des canons à retour lent pour une meilleure régularité ; poursuite du développement des sondes tensiométriques ; apparition des premières sondes capacitives (gain de précision) ; développement d'Irriparc (réglage du canon, secteur arrosé et espacement entre passages, en fonction du vent, force et direction) ; mise en place de l'UMT Eau Arvalis-Inra en vue de la mise au point de simulateurs de gestion de l'eau à l'échelle du territoire ; réactualisation des courbes de réponse à l'eau sur les différentes espèces (maïs, sorgho, soja, tournesol, etc.) en vue de re-paramétrer les logiciels de gestion de l'eau ; mise à jour du modèle de culture STICS avec ces nouvelles références pour tester de nouveaux scénarios de répartition de l'eau ; utilisation de la télédétection pour la gestion de l'irrigation dans le bassin Adour-Garonne (projet InfoAgri) ;

Années 2010-2020 : retour de la micro-irrigation sur le marché avec le GAG enterré ; mise en place d'essais comparatifs sur les systèmes d'irrigation (GAG/aspersion) ; perfectionnement des outils Lora et Azalee (outils d'aide au choix d'assolement pour une meilleure gestion des volumes d'eau d'irrigation) ; développement d'Irré-Lis, bilan hydrique numérisé.

Ce perfectionnement de l'irrigation a été mis en évidence à l'occasion des auditions conduites par le rapporteur de la mission d'information. Auditionné, André Bernard, vice-président de Chambres d'agriculture France et président de la Chambre régionale d'agriculture de Provence-Alpes-Côte d'Azur, indiquait « quand j'ai commencé mon activité, je prélevais dans le canal quelques heures par semaine entre 5 000 et 7 000 mètres cubes par hectare ; aujourd'hui, 2 500 à 3 000 mètres cubes à l'hectare, voilà ce qu'on a réussi à faire en une génération ».

Dans sa contribution écrite, le délégué interministériel au Varenne agricole de l'eau souligne lui aussi que l'efficacité de l'irrigation a progressé de 30 % entre 1990 et 2010, selon des études de l'INRAE.

L'INRAE a produit en 2017 une étude pour le ministère de l'agriculture, mettant en évidence qu'il reste encore de très importantes marges de manoeuvre pour économiser l'eau, par l'amélioration des matériels d'irrigation et de leur pilotage. Ces économies seraient de l'ordre de 30 à 40 % si toutes les mesures d'économies disponibles étaient prises (rajeunissement du parc d'irrigation, développement du goutte-à-goutte, développement de capteurs et de logiciels d'avertissement à l'irrigation).

La poursuite de la modernisation des outils d'irrigation est d'ailleurs rendue nécessaire au regard des conséquences du changement climatique sur les cultures déjà irriguées. Comme le souligne le délégué interministériel, « À systèmes agricoles fixes, les besoins en eau d'irrigation augmentent en valeur absolue du fait du changement climatique (chaleurs, évapotranspiration plus intense) ».

Le goutte-à-goutte : solution pour une plus grande efficience de l'irrigation ?

Le goutte-à-goutte est souvent présenté comme la solution permettant d'économiser de grandes quantités d'eau, et de parvenir à une irrigation très efficiente, notamment par la réduction des pertes liées à l'évaporation. La réalité est plus nuancée. Plusieurs essais menés aboutissent à des économies d'eau de l'ordre de 10 % par rapport à un système par enrouleur, voire à l'absence de différences statistiquement significatives232(*).

L'ACTA indique que la plus-value de ces systèmes dépend en réalité des conditions climatiques et de la nature du sol. Celle-ci serait plus importante dans des conditions très chaudes et venteuses, sur le modèle israélien, mais beaucoup plus modeste dans le cas de sols profonds à la réserve hydrique plus importante.

Enfin, la perception de nombre d'agriculteurs de l'efficacité des systèmes de goutte-à-goutte tient aussi au simple effet du changement de matériel et du changement de conduite. Les matériels les plus récents sont les plus efficients, et les changements de conduite, allant vers un pilotage rationalisé de l'irrigation, aboutissent le plus souvent à d'importes économies d'eau.

c) Comme tout prélèvement d'eau, ceux destinés à l'irrigation agricole sont encadrés

L'usage de l'eau à des fins agricoles n'est ni gratuite, ni dénuée d'encadrement.

L'article L. 213-10 du code de l'environnement instaure en effet une série de redevances liées aux prélèvements, au stockage de l'eau, ainsi qu'aux pollutions du milieu233(*). En particulier, l'article L. 213-10-9 instaure une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau à partir d'un certain seuil fixé à 10 000 m3 et réduit à 7 000 m3 en ZRE. Ce sont les agences de l'eau bénéficiaires de cette redevance qui fixent les montants, dans la limite des plafonds définis par la loi. Ainsi, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne facture-t-elle les prélèvements d'eau à 1,42 centime d'euro par m3 hors ZRE et 2,13 en ZRE234(*).

Outre les redevances, le coût de l'eau en agriculture est principalement constitué du coût de construction des infrastructures nécessaires à l'irrigation et du coût de l'énergie et de la maintenance. Dans sa contribution écrite, Irrigants de France, se référant à une étude Arvalis, estime le coût moyen de l'irrigation de 20 à 30 centimes d'euros par m3.

Si le coût de l'eau constitue une forme de régulation, l'irrigation agricole fait aussi et surtout l'objet d'une régulation réglementaire concernant les prélèvements.

L'article R. 211-21-1 du code de l'environnement dispose que pour la mise en oeuvre d'une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau conformément aux objectifs fixés par l'article L. 211-1 du même code, les volumes d'eau dont le prélèvement est autorisé permettent, dans le respect des exigences de santé, de salubrité publique, de sécurité civile et d'alimentation en eau potable de la population, de satisfaire ou de concilier les différents usages anthropiques et le bon fonctionnement des milieux aquatiques dépendant de cette ressource.

La régulation des prélèvements s'opère, dans le cas général, dans le cadre des procédures de déclaration ou d'autorisation des ouvrages ayant vocation à prélever et stocker de l'eau235(*).

De plus, un encadrement spécifique des prélèvements est prévu concernant les zones en situation de déficit quantitatif. Cet encadrement a été largement revu et approfondi par le décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse, qui faisait suite à l'épisode de sécheresse de 2019 et aux recommandations de deux rapports d'inspection du CGEDD et du CGAAER. Il a été complété, enfin, par le décret n° 2022-1778 du 29 juillet 2022 relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux.

Dans ces zones, sous-bassins ou fractions de sous-bassins en zone de répartition des eaux ou identifiés dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) comme sous-bassins en déséquilibre quantitatif ou montrant un équilibre très fragile entre la ressource et les prélèvements, conformément à l'article R. 213-14 tel qu'issu du décret du 23 juin 2021 susmentionné, la ressource fait l'objet d'une évaluation des volumes prélevables, pilotée et coordonnée par le préfet coordonnateur de bassin. Par suite, il arrête les volumes prélevables et leur répartition par usage. Le décret du 29 juillet 2022 susmentionné vient compléter l'article R. 213-14 en ouvrant la possibilité au préfet coordonnateur de bassin de mener des évaluations des volumes pouvant être disponibles pour les usages anthropiques hors période de basses eaux236(*).

L'article R. 211-21-1 précise que les autorisations sont délivrées au regard de la ressource disponible qui est constituée, pour un usage donné, de la part du volume prélevable pour cet usage, ainsi que des volumes d'eau stockés par prélèvements ou captation du ruissellement hors période de basses eaux et des volumes transférés à partir d'une autre ressource en équilibre.

Qu'est-ce qu'un volume prélevable ?

L'article R. 211-21-1 du code de l'environnement donne une définition du volume prélevable. Il s'agit du volume maximum que les prélèvements directs dans la ressource en période de basses eaux, autorisés ou déclarés tous usages confondus, doivent respecter en vue du retour à l'équilibre quantitatif à une échéance compatible avec les objectifs environnementaux du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux.

Ce volume prélevable correspond au volume pouvant statistiquement être prélevé huit années sur dix en période de basses eaux dans le milieu naturel aux fins d'usages anthropiques, en respectant le bon fonctionnement des milieux aquatiques dépendant de cette ressource et les objectifs environnementaux du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux237(*).

Pour les eaux de surface, constituées des cours d'eau et de leurs nappes d'accompagnement, l'évaluation du volume prélevable prend en compte le régime hydrologique du cours d'eau, ses relations avec les nappes ainsi que l'état biologique et le fonctionnement des milieux aquatiques dépendant des eaux de surface, c'est-à-dire des zones humides, des milieux annexes dépendant des débordements ou du ruissellement et des milieux avals, le cas échéant, littoraux. Elle intègre le volume de réalimentation éventuel des cours d'eau.

Pour les eaux souterraines, l'évaluation prend en compte le rythme de recharge des nappes de fonctionnement annuel ou pluriannuel. Le volume prélevable en eaux souterraines ne dépasse pas la capacité de renouvellement de la ressource disponible, compte tenu des besoins d'alimentation en eau des écosystèmes aquatiques de surface et des zones humides directement dépendants.

Le concept de « volume prélevable » est relativement nouveau. La détermination du volume prélevable, qui se fait sous la responsabilité des CLE, est le point central de l'établissement des demandes d'autorisations uniques de prélèvement des organismes uniques de gestion collective (OUGC). Les méthodes pour déterminer ce volume évoluent au fil des connaissances scientifiques. Deux principales méthodes existent à ce jour.

La première est celle employée par le BRGM, qui, partant d'objectifs quantitatifs déterminés par les SAGE, mobilise des modèles prédictifs très avancés pour aboutir à un volume prélevable respectant les objectifs de retour à l'équilibre quantitatif. C'est sur cette méthodologie, bien établie et faisant l'objet d'actualisations périodiques en fonction de l'état des connaissances, que repose l'AUP actuelle de l'Établissement public du Marais poitevin (EPMP), qui remplit la fonction d'OUGC sur tout le marais, incluant notamment les bassins de la Vendée et de la Sèvre Niortaise.

Une seconde méthodologie, plus récente, complexe et globale est la méthode HMUC. Cette dernière analyse le régime Hydrographique actuel, influencé par l'homme et désinfluencé, c'est-à-dire à l'état naturel. Elle analyse les besoins de l'ensemble des Milieux aquatiques, recense les Usages actuels et futurs et intègre le Climat actuel et futur. Par le croisement de HM et de UC, elle aboutit à une détermination des volumes prélevables. Cette méthodologie a été introduite dans le SDAGE Loire-Bretagne 2016-2011 et l'Agence de l'eau a élaboré un guide méthodologique pour mener à bien de telles études. Elle est désormais préconisée par les pouvoirs publics pour aboutir à une détermination plus fine des volumes prélevables dans les zones en tension comme le Marais poitevin. Cette méthodologie rencontre cependant de fortes difficultés de mise en oeuvre sur certains types de sols, notamment les secteurs sédimentaires infiltrants, au sein desquels, contrairement aux sols imperméables, le débit des cours d'eau est plus ou moins important, voire même quasi nul par effet de l'infiltration dans le sol vers les nappes, selon le lieu de relevé. La mesure des volumes prélevables y est dès lors plus complexe et moins fiable. C'est le cas sur le périmètre du SAGE Sèvre Niortaise.

Le décret de juillet 2022 relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux, précédemment mentionné, introduit pour la première la notion de volumes prélevables en période de hautes eaux, ce qui constitue un nouveau défi méthodologique, et probablement une source de futurs contentieux.

L'encadrement des prélèvements d'eau fait l'objet de dispositions particulières au sein des zones de répartition des eaux (ZRE). L'article R. 211-71 du code de l'environnement définit une ZRE comme une zone caractérisée par une insuffisance, autre qu'exceptionnelle, des ressources en eau par rapport aux besoins. Ces zones sont définies par arrêté du préfet coordonnateur de bassin. Dans ces zones, et conformément à l'article R. 211-73 du même code, le seuil à partir duquel le prélèvement par l'intermédiaire d'ouvrages, installations ou travaux est soumis à autorisation est abaissé à 8 m3 par heure. Les autres prélèvements sont soumis à déclaration. Au sein de ces zones, l'autorité administrative peut, conformément à l'article L. 211-3 du code de l'environnement, constituer d'office un organisme unique de gestion collective (OUGC), qui aura pour mission de répartir entre tous les irrigants de son périmètre les volumes prélevables de l'année. Pour ce faire, l'OUGC sollicite auprès de l'autorité administrative une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau pour l'irrigation et fournit le projet du premier plan annuel de répartition entre les préleveurs irrigants du volume d'eau susceptible d'être prélevé238(*). À la suite du décret du 23 juin 2021, les demandes d'autorisation unique de prélèvements doivent désormais comporter, au sein d'une étude d'impact :

1. les informations concernant l'historique sur les cinq à dix dernières années des volumes prélevés, ainsi que toutes les informations de nature à justifier les besoins de prélèvements ;

2. les informations disponibles sur les ouvrages de stockage pour l'irrigation, existants et envisagés, destinés à permettre la substitution des prélèvements en période de basses eaux par des prélèvements effectués en dehors de cette période ;

3. un argumentaire justifiant que les volumes demandés sont compatibles avec le respect du bon fonctionnement des milieux. Lorsque l'étude d'évaluation des volumes prélevables a été réalisée, cet argumentaire est élaboré au vu de cette étude ;

4. le cas échéant, le programme de mesures de retour à l'équilibre, issu d'une concertation territoriale239(*).

Par suite, un arrêté préfectoral portant autorisation unique de prélèvement est notifié, comprenant de nombreuses prescriptions parmi lesquelles :

1. la durée de l'autorisation, qui ne peut excéder 15 ans ;

2. le volume d'eau maximal annuel prélevable ;

3. les dates des périodes de prélèvements ;

4. la déclinaison de la répartition du volume en fonction de l'origine de la ressource et de la période de prélèvement ;

5. les modalités d'ajustement annuel des répartitions en fonction de l'état de la ressource ;

6. l'échéance prévue du retour à l'équilibre, dans les bassins en déséquilibre structurel en basses eaux240(*).

Par ailleurs, le plan annuel de répartition des prélèvements, outil opérationnel et stratégique de gestion de la répartition annuelle des prélèvements entre les irrigants des différentes zones de gestion, élaboré par l'OUGC en lien avec les services déconcentrés de l'État, fait également l'objet d'une approbation par le préfet241(*).

Selon un rapport du CGAAER d'août 2020, on compte au total 49 OUGC, essentiellement portés par des chambres d'agriculture242(*). Le ministère de la transition écologique explique qu'historiquement les sous-bassins versants ont opéré des choix différents dans leur politique d'encadrement des prélèvements. Le bassin Adour-Garonne, au sein duquel on observe une forte conflictualité autour des enjeux de l'eau, s'est orienté vers une régulation s'appuyant les ZRE, tandis que le bassin Rhône-Méditerranée a très tôt fait le choix d'élaborer des plans de gestion de la ressource en eau PRGR, devenus PTGE.

Carte des ZRE

Source : Ministère de la transition écologique

Enfin, l'agriculture, comme les autres activités consommatrices d'eau, est concernée par les restrictions d'eau dans le cadre des arrêtés sécheresse, avec des possibilités d'adaptations locales pour certaines cultures considérées comme stratégiques, telles que les semences ou encore certains plants pour cultures pérennes. Le guide de mise en oeuvre des mesures de restriction des usages de l'eau en période de sécheresse243(*), qui indique notamment les restrictions minimales à mettre en place selon les niveaux d'alertes, prévoit ainsi une interdiction d'irriguer entre 9 h et 20 h en situation d'alerte renforcée244(*) et une interdiction totale d'irriguer en situation de crise. Ces interdictions ne s'appliquent pas à l'irrigation issue de prélèvements à partir de retenues de stockage déconnectées de la ressource en eau en période d'étiage, sauf dispositions locales contraires245(*).

Quand l'augmentation de l'efficacité de l'irrigation conduit à une augmentation de la consommation d'eau : le paradoxe de Jevons

Des travaux académiques montrent que l'impact d'une amélioration de l'efficacité du système d'irrigation sur la consommation d'eau dépend de trois effets :

- l'effet technique permet de diminuer la consommation d'eau du fait de l'amélioration du matériel. C'est le point central des politiques de gestion d'eau d'irrigation. Il peut par ailleurs générer un effet revenu grâce à l'eau économisée ;

- l'effet productivité renvoie à l'augmentation de la productivité de l'eau en raison d'un matériel d'irrigation plus efficace. Cet effet crée une incitation à utiliser davantage d'eau, annulant alors l'effet technique. C'est le paradoxe de Jevons, ou effet rebond246(*) ;

- l'effet de la variation du coût de l'irrigation créé par l'amélioration de l'efficacité du matériel. Le coût de l'irrigation, en plus du coût initial de l'investissement, est essentiellement composé du coût de l'eau et de celui de l'électricité. L'amélioration de l'efficacité de l'irrigation emporte souvent une augmentation du coût énergétique, et donc du coût réel de l'irrigation247(*).

Ces analyses, fondées sur des travaux empiriques, tendent à montrer que si l'amélioration de l'irrigation vise à une plus grande sobriété des usages de l'eau, la mise en place de régulations contraignantes et notamment des quotas de prélèvements est souvent nécessaire. Cette régulation est d'ores et déjà, pour partie, à l'oeuvre, notamment au sein des zones en tension identifiées par les SDAGE, des ZRE, ou par l'intermédiaire de contrats d'engagement, à l'image de ce qui est mis en place dans les Deux-Sèvres concernant la construction de réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre Niortaise248(*).

2. La question sensible des retenues
a) Le terme de retenue d'eau recouvre des réalités et finalités différentes

La France stocke peu l'eau lorsqu'on la compare à ses voisins européens. Comme l'indique le rapport d'information des sénateurs Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman, Alain Richard et Jean Sol sur l'avenir de l'eau, seulement « 4,7 % du flux annuel d'eau est stocké en France (nos barrages ont une capacité de 12 milliards de m3 pour une pluie efficace de 190 à 210 milliards de m3), alors que l'on atteint presque 50 % en Espagne (54 milliards de m3 sur 114 milliards de m3 de pluies efficaces) »249(*).

Pour sécuriser leur accès à l'eau, de nombreux agriculteurs disposent de réserves grâce à des ouvrages et installations de stockage, dont l'objectif est de retenir l'eau pour l'utiliser ultérieurement en fonction des besoins.

Le guide juridique de construction de retenues du ministère de la transition écologique les définit comme : « toutes les installations ou ouvrages permettant de stocker de l'eau (réserve, stockage d'eau, plan d'eau, étang, retenues collinaires, retenues de substitution) quel que soit leur mode d'alimentation (par un cours d'eau, une nappe, par une résurgence karstique ou par ruissellement) et quelle que soit leur finalité (agricole, soutien à l'étiage, usage AEP, maintien de la sécurité des personnes, autres usages économiques). »250(*)

Les retenues à usage tout ou partie agricole peuvent donc prendre des formes très variées, avec des modalités de fonctionnement et de gestion très diverses. C'est d'ailleurs cette grande diversité, le manque de données consolidées à l'échelle nationale, ainsi que la diversité des situations hydrologiques locales qui rendent difficile, pour ne pas dire impossible la réponse à une question très médiatique pouvant se résumer ainsi : « Pour ou contre les retenues d'eau ? ».

Les différents types de réserves d'eau à usage agricole

1. Réserve alimentée par pompage dans la nappe

2. Réserve alimentée par pompage dans la rivière

3. Retenue collinaire alimentée par ruissellement (déconnectée du réseau hydrographique)

4. Retenue en dérivation

5. Retenue en barrage sur cours d'eau

Omniprésentes dans le débat public depuis plusieurs années déjà, les retenues d'eau sont paradoxalement des objets peu connus par les citoyens mais aussi par les pouvoirs publics eux-mêmes. Il n'existe en effet pas, à ce jour, de recensement exhaustif du nombre de retenues d'eau par catégorie. Si les grands barrages sont, pour d'évidentes raisons, bien connus, il n'en va pas de même des centaines de milliers de plans d'eau. Dans sa contribution écrite, le ministère de la transition écologique indique qu' « il manque actuellement en France un panorama réel et précis des volumes prélevés et stockés, ainsi que des impacts cumulés sur la ressource en eau ». Le délégué interministériel au Varenne agricole de l'eau, dans sa contribution, indique la même problématique. Dès lors, il devient complexe de poser les bases d'un débat éclairé, sans disposer d'un état des lieux précis faisant consensus.

Dans le cadre des actions conduites suite au Varenne agricole de l'eau, un recensement des plans d'eau supérieurs à 0,1 hectare a été effectué, aboutissant à l'identification de 350 000 plans d'eau, pour beaucoup non utilisés et qui nécessiteront un important travail de caractérisation. Une publication de 2017 de l'OFB évoquait le chiffre de 125 000 ouvrages de stockage, pour un volume total d'environ 3,8 milliards de m3 stockables251(*). Une estimation transmise par le CNRS avance le chiffre de 600 000 plans d'eau en France, dont 98% d'origine humaine252(*).

Les retenues collinaires sont l'une des modalités de stockage de l'eau les plus communes en agriculture. L'eau de pluie d'un versant ruisselle jusqu'à un bassin, dans lequel elle est alors stockée. Il n'existe pas de décompte officiel des retenues collinaires. Elles seraient des dizaines de milliers, voire très probablement davantage. Elles ont connu un fort développement, largement incontrôlé, dans les années 1980 et 1990, et dont les effets sont difficilement mesurables. Ces retenues, souvent de taille modeste, sont susceptibles, notamment, d'impacter les débits à l'étiage puisque récoltant l'eau ruisselant en hiver comme en été.

Il existe aussi des réserves alimentées par pompage dans la nappe ou dans les cours d'eau. La géologie et la topologie vont commander la structure de l'ouvrage.

Les retenues de substitution, en développement ces dernières années, sont des ouvrages destinés à prélever l'eau en période de hautes eaux, en hiver, pour ensuite l'utiliser en été, période de basses eaux, en substitution partielle ou totale aux prélèvements estivaux.

À noter qu'il existe d'autres types de plans d'eau comme les retenues en dérivation d'un cours d'eau, souvent destinées à l'eau potable, ou encore les retenues en barrage sur les cours d'eau, dont les plus importantes servent plusieurs usages, à l'image du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes.

Le ministère de l'agriculture recense actuellement 164 projets de réserves, essentiellement pour les retenues de substitution individuelles de volume modeste (en moyenne de 140 000 m3). Les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine concentrent à elles deux près de 50 % des projets.

b) La construction d'ouvrages destinés à prélever et stocker l'eau est très encadrée

La construction d'ouvrages ayant vocation à prélever et stocker l'eau est très encadrée par le code de l'environnement. Pour assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, les Installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) sont soumis à déclaration ou autorisation, conformément à l'article L. 214-1 du code de l'environnement.

L'article L. 214-2 du même code précise que les IOTA sont définis dans une nomenclature qui détermine le régime de police, déclaration (D) ou autorisation (A), délivrée après enquête publique, auquel elles sont soumises. Le régime dépend des dangers que ces installations présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource et les écosystèmes aquatiques253(*).

Conformément à l'article L. 214-3, l'autorisation est l'autorisation environnementale, régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier. Elle intègre l'autorisation administrative pour les IOTA ainsi que les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), complétée des études de volumes prélevables pour les prélèvements d'eau en zone en tension et de l'évaluation environnementale, comportant une étude d'impact254(*).

Les IOTA soumis à autorisation sont ceux susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles255(*).

Les IOTA soumis à déclaration sont ceux qui n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code de l'environnement, relatifs aux règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer et aux pouvoirs de l'autorité administrative pour assurer le respect de ces règles.

Comme l'indique le guide juridique de construction de retenues susmentionné, « un projet doit être appréhendé de façon globale, en prenant en compte l'ensemble de ses impacts sur l'eau et les milieux aquatiques. Il peut relever de plusieurs rubriques ; dans ce cas, si l'opération se trouve soumise selon les rubriques concernées à la fois au régime de l'autorisation et à celui de la déclaration, le régime de l'autorisation prévaut en raison du caractère cumulatif des effets sur la ressource et les milieux aquatiques. »

Pour déterminer le régime juridique applicable à un projet de retenu, il convient de répondre à sept questions correspondant à autant de rubriques :

- quelle sera la superficie du plan d'eau occasionné par la retenue ?

- le prélèvement sera-t-il effectué dans une Zone de répartition des eaux (ZRE) ?

- comment sera alimentée la retenue ?

- la retenue sera-t-elle située dans le lit mineur ou majeur d'un cours d'eau ?

- quelle sera la hauteur de la retenue et le volume d'eau stocké ? Lorsque la capacité de la retenue est supérieure à 200 000 m3, le régime applicable est celui de l'autorisation.

- la retenue sera-t-elle située sur une zone humide ?

- quels seront les travaux d'entretien réalisés sur la retenue ?

Ainsi, une retenue sera soumise au régime de l'autorisation si sa superficie est supérieure ou égale à 3 hectares, et à la déclaration dans le cas contraire. De même, si le projet de retenue se situe en ZRE, dès lors que le prélèvement envisagé est supérieur ou égal à 8 m3 par heure, le régime de l'autorisation trouvera à s'appliquer.

Le régime de construction des réserves d'eau est donc strict, de même, par la suite, que les modalités de prélèvements destinés à alimenter ces réserves, particulièrement au sein des ZRE.

c) Des projets, sources de tensions

Réclamée par le monde agricole, pour faire face aux nouvelles conditions hydro-climatiques, la construction de nouvelles réserves fait l'objet de vives controverses et de conflits locaux qui rencontrent un écho médiatique croissant.

Les différents projets existants de retenues d'eau ont des caractéristiques différentes256(*) et sont désignés sous le vocable péjoratif de « bassines ». Plusieurs critiques récurrentes, de différents ordres, sont faites à l'encontre de ces ouvrages.

La question de la « privatisation de l'eau », bien commun, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'environnement est l'une de ces critiques. En effet, il est souvent reproché aux réserves de mobiliser une grande quantité d'eau pour un nombre restreint d'agriculteurs pratiquant l'irrigation. Au sein même des irrigants, tous n'ont pas accès aux réserves. Et de fait, l'essentiel de l'agriculture étant une « agriculture pluvieuse », ces projets concernent par définition une petite partie des exploitations agricoles. Cette critique semble cependant méconnaitre, à tout le moins dans certains cas, certaines réalités locales. Ainsi, le projet de construction de 16 réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre Niortaise, a-t-il pu être qualifié d'inéquitable puisque profitant à une extrême minorité d'agriculteurs. Le chiffre de 6 % a été parfois avancé. En réalité, le projet, qui fait l'objet de nombreux soutiens au sein de la profession agricole, bénéficiera à 93 exploitations raccordées ainsi qu'à 104 exploitations non raccordées par effet de ricochet257(*), soit un total de 529 agriculteurs. Au total, ce sont donc 25 % des agriculteurs du territoire qui bénéficieront de ces réserves. Par ailleurs, outre l'encadrement très fort relatif à la construction puis à l'exploitation de ces ouvrages, l'alimentation en eau potable des habitants demeurant naturellement la priorité absolue, conformément à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, les irrigants devront s'acquitter des redevances liées à leurs prélèvements, sans compter les importants coûts liés au projet lui-même.

Un corollaire de la première critique est celle consistant à affirmer que l'agriculture irrigante serait une agriculture intensive dédiée à l'exportation. Le terme d' « agriculture intensive » peut faire débat quant aux réalités qu'il recouvre, selon les derniers chiffres issus du recensement agricole de 2020, on observe une diversification des cultures irriguées et une baisse notable des surfaces de maïs irrigué, de 40 % en 2010 à 34 % en 2020258(*). Les fruits et légumes représentent 15 % du total des surfaces irriguées, suivi d'une diversité de cultures comme le blé (12 %), les cultures permanentes (7 %), les cultures fourragères (7 %) ou encore les pommes de terre (5 %). Certaines de ces cultures, sur certains territoires, ont une vocation exportatrice, comme le maïs, exportations participant à la balance commerciale française ainsi qu'à la sécurisation alimentaire de certains pays. Il ne semble pas possible d'établir un constat unique et général. Par exemple, les productions agricoles du bassin de la Sèvre Niortaise ne sont que très faiblement destinées à l'exportation, l'essentiel de la production de maïs grain est destiné aux quatre usines d'aliments présentes sur le territoire, et l'agriculture en polyculture-élevage y étant assez développée.

Une deuxième critique récurrente est relative à la mobilisation d'importants fonds publics pour la construction des retenues, surtout lorsque ces dernières sont portées par des entités privées et non publiques. Les subventions, provenant essentiellement des agences de l'eau, après avoir fait l'objet d'un moratoire, sont désormais encadrées par l'instruction gouvernementale du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l'eau. Cette instruction précise que « Les financements seront limités, pour les ouvrages à vocation d'irrigation agricole, aux seuls ouvrages ou parties d'ouvrage correspondant à la substitution des volumes prélevés à l'étiage par des volumes prélevés en période de hautes eaux ou en provenance d'autres masses d'eau. Pour les ouvrages multi-usages (eau potable, soutien d'étiage, irrigation, autres usages, etc.), les agences de l'eau pourront éventuellement financer des parties d'ouvrage allant au-delà de la substitution, dans des conditions encadrées par le projet de territoire (...) » Le taux maximum d'aide, limité par l'encadrement européen, s'élève à 70 %, et peut être complété, le cas échéant, par des financements d'autres financeurs (les réserves de la Sèvre Niortaise bénéficient par exemple d'une enveloppe de France Relance). Par ailleurs, l'article 74 du règlement 2021/2115 du 2 décembre 2021 dispose d'une part que « les États membres ne peuvent octroyer une aide pour un investissement destiné à l'amélioration d'une installation d'irrigation existante ou d'un élément d'une infrastructure d'irrigation [...] lorsque l'investissement a une incidence sur les masses d'eaux souterraines ou de surface dont l'état a été qualifié de moins que bon dans le plan de gestion de district hydrographique pertinent » et d'autre part que « les États membres ne peuvent octroyer une aide à un investissement se traduisant par une augmentation nette de la zone irriguée ayant une incidence sur une masse donnée d'eau souterraine ou de surface que si : l'état de la masse d'eau n'a pas été qualifié de moins que bon, dans le plan de gestion de district hydrographique pertinent, pour des raisons liées à la quantité d'eau ». Reste que les crédits publics mobilisés sont bel et bien importants, ceci relevant du programme d'intervention défini par une agence de l'eau, lui-même orienté par les directives de la double tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de l'économie et des finances. Ce financement largement public légitime d'autant plus le droit de regard de l'autorité administrative sur les projets de réserves.

Une autre critique, faisant l'objet d'âpres débats, tient à la proportion de l'eau stockée s'évaporant, et donc perdue. Il n'est à ce jour pas possible de présenter un pourcentage global d'évaporation pour la simple raison que celle-ci dépend de nombreux facteurs comme la profondeur de la réserve, sa surface, la température de l'eau, du degré d'humidité de l'air ou encore le climat plus ou moins venteux. Une publication de 2008 estime le taux d'évaporation des petites retenues du bassin de Ségura en Espagne à 27 %259(*). Ces données semblent cependant largement contredites par les mesures répétées effectuées dans certaines réserves en France. Par exemple, selon les premières données transmises issues des relevés de la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon, la fourchette serait de 3 à 7 %, sachant qu'une partie de cette évaporation est compensée par la pluie. La mesure de l'évaporation entre 2016 et 2021 des réserves du Sud-Vendée, pour lesquelles un recul plus grand existe, confirme cet ordre de grandeur. Un rapport d'avril 2022 du délégataire des réserves conclut : « Malgré le côté pessimiste de la mesure des pertes affectées à l'évaporation, les résultats restent cohérents et comparables au calcule théorique si on prend en compte l'effet de la pluie. La moyenne des calculs théoriques est de 2 % en solde évaporation-pluie, les mesures font état d'un pourcentage de perte de 0 à 6 % avec une explication des extrêmes et une moyenne hors valeurs extrêmes de 3 à 4 %. Il est donc raisonnable de retenir une valeur de 3 à 5 % de perte sur l'ensemble de la campagne sur les réserves de substitution du Sud-Vendée ».

Enfin, et de manière plus fondamentale, c'est bien l'impact général sur le milieu des réserves, prises individuellement ainsi que, surtout, collectivement, qui est critiqué. Cet impact est difficilement quantifiable au regard de la variété des situations hydrologiques et géologiques des territoires. L'état des nappes, profondes ou de surface, tout comme celui des cours d'eau est variable d'un territoire à l'autre, même si la tendance est à l'amélioration, du point de vue quantitatif comme qualitatif260(*). De manière générale, il est logique et indéniable que la présence de retenues d'eau impacte le milieu dans lesquelles elles s'inscrivent. Dans leurs contributions écrites, l'INRAE explique : « Une expertise scientifique collective de 2016, pilotée par les chercheurs d'INRAE, a analysé la littérature scientifique sur l'impact cumulé des retenues d'eau. L'expertise a montré que la présence de retenues sur un bassin versant influence toujours le milieu aquatique : elles entraînent une modification du régime hydrologique, et une baisse des débits d'autant plus forte que l'année est sèche ; elles constituent des pièges à sédiments, en particulier pour les particules les plus grossières, ce qui induit une évolution du lit de la rivière, incision ou colmatage selon les cas ; les retenues entraînent en général un réchauffement du cours d'eau, et favorisent l'eutrophisation en leur sein (pouvant entraîner la prolifération d'algues et la production de toxines). Enfin, les retenues modifient les communautés aquatiques, en changeant leurs conditions de vie et en réduisant la connectivité du milieu et donc le déplacement des espèces dans le réseau hydrographique. Le mode d'alimentation d'une retenue (par pompage dans la nappe ou la rivière, par ruissellement, en dérivation du cours d'eau ou en barrage du cours d'eau) et son usage (eau prélevée ou pas) module ces impacts, difficiles à quantifier quand de nombreuses retenues sont présentes sur un bassin versant. » L'impact des réserves est donc certain, mais il convient, à l'occasion de projets de construction de nouveaux ouvrages, de réaliser des études territorialisées de ces impacts, en prenant en compte les très nombreux ouvrages préexistants.

d) Réserves de la Sèvre Niortaise, réserves du Sud-Vendée, lac de Caussade, trois exemples emblématiques de projets de retenues de substitution
(1) Les réserves du bassin versant de la Sèvre Niortaise et Mignon

Le « seuil du Poitou » où sont situés les Deux-Sèvres, se caractérise par un sol avec une couche sédimentaire fine et un socle granitique proche de la surface. En conséquence, les nappes phréatiques sont des nappes libres peu profondes, qui se remplissent et se vident rapidement (nappes à faible inertie, dites aussi nappes réactives).

Le bassin de la Sèvre Niortaise se situe dans une zone à forts enjeux liés à l'eau, celle du Marais poitevin, dont l'ensemble des zones de gestion sont classés en ZRE. L'eau y est répartie en trois aquifères principaux, comprenant quatre masses d'eau dont trois sont classés en état médiocre au regard des objectifs de la DCE261(*). La problématique y est quantitative comme qualitative.

Suite à la condamnation de la France en 1999 par la Cour de Justice de la Communauté européenne (CJCE) pour mauvaise application de la directive Oiseaux sur le secteur du Marais poitevin, liées à une gestion de l'eau entraînant la destruction des zones humides et des habitats naturels des oiseaux, la loi Grenelle II de l'Environnement (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement) a créé l'établissement public du marais poitevin (EPMP) établissement public d'État dont le Conseil d'administration est présidé par le préfet de région. L'EPMP exerce le rôle d'OUGC et définit des règlements d'eau, en application du SDAGE Loire-Bretagne et du SAGE Sèvre Niortaise Marais poitevin, qui vise deux objectifs : mieux gérer l'eau en période d'étiage et améliorer la qualité des eaux et la biodiversité.

En 2011, la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres et Coop de France Poitou-Charentes ont créé la Société coopérative anonyme de l'eau pour porter la maîtrise d'ouvrage d'un projet collectif de réserves de substitution devant s'implanter dans les zones de gestion Sèvre Niortaise amont, Sèvre Niortaise moyenne, Lambon et Mignon-Courance.

Localisation des 16 réserves de substitution du projet de la Coop de l'eau

Source : Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres

Répartition des surfaces irriguées du bassin en 2018

Source : EPMP

Le territoire couvert par le CTGQ Sèvre Niortaise-Mignon compte 1 743 exploitations agricoles (2017) avec une surface agricole utile (SAU) d'environ 150 000 ha, soit 73 % de la superficie totale du territoire. En 2018, la superficie des 244 exploitations irrigantes disposant d'une autorisation d'irriguer représentait environ 35 000 ha. 55 % de ces exploitations avaient au moins un élevage. Dans le territoire d'implantation des réserves stricto sensu, on dénombre 847 exploitations, dont 210 irrigantes, soit environ 25 %262(*).

Les surfaces destinées à la production de maïs (grain et ensilage) représentent plus du tiers des surfaces irriguées, en baisse, avec, parallèlement, une hausse des cultures de protéagineux, légumineuses ainsi que les cultures spécialisées (semences, maraichage, plantes à parfum, aromatiques et médicinales).

La demande d'autorisation environnementale (AE) a été déposée le 20 juillet 2016 en préfecture, et visait initialement à la construction de 19 réserves sur le périmètre des départements de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne, chiffre qui sera ramené à 16 dans le cadre de la concertation locale.

Le projet initial a fait l'objet d'une forte opposition locale, comme en témoignent les très nombreuses observations (environ 450) issues de l'enquête publique.

Les oppositions locales se sont notamment traduites par des recours dirigés contre les arrêtés interdépartementaux successifs, ainsi que par le refus de la part de cinq maires de délivrer les permis d'aménager.

La préfecture des Deux-Sèvres a engagé une médiation afin d'aboutir à un consensus pour lancer la construction de premières réserves. Une mission d'expertise CGEDD/CGAAER a été menée pour appuyer le préfet dans la recherche d'un compromis. Sur la base des conclusions des experts des conseils généraux et des réflexions conduites dans le cadre de groupes de travail associant l'ensemble des acteurs locaux, un protocole d'accord a été signé le 18 décembre 2018 avec la quasi-totalité des acteurs.

Le protocole d'accord du 18 décembre 2018

Fruit d'un important travail de concertation, un protocole unique en France a été signé le 18 décembre 2018, destiné à mettre en place les conditions et les structures nécessaires une forte évolution de l'agriculture du territoire.

Le porteur de projet concède une réduction du nombre de réserves (de 19 à 16) ainsi que du volume global du projet, de 15,9 millions de m à 12,7 millions de m, avec une baisse de 20 % des volumes prélevés à l'étiage263(*)

.

Par ailleurs, ce protocole comporte :

l'élaboration d'un schéma directeur en faveur de la biodiversité aquatique et terrestre et d'un observatoire des pratiques agricoles et de la biodiversité accessible au grand public ;

l'obligation pour tous les irrigants du bassin, raccordés ou non aux réserves, de réaliser un diagnostic complet de leur exploitation et de suivre des formations ;

la nécessité pour les exploitants de réaliser des actions en faveur de la biodiversité (haies, bandes enherbées, jachères...), de faire évoluer leurs pratiques agricoles et de réduire significativement l'usage des produits phytopharmaceutiques (-50 % d'ici 2025) ;

une suppression progressive des volumes d'eau accordés aux irrigants qui ne respectent pas leurs engagements, le règlement de l'OUGC ayant été révisé pour intégrer ce principe très novateur.

Au total, c'est toute une architecture, lourde, contraignante et plutôt transparente, comprenant les services de l'État, la chambre d'agriculture, l'EPMP et la Coop de l'eau qui a été mise en place à l'occasion du protocole.

La principale critique de certains acteurs, qui ne se réduisent pas aux seules associations de protection de l'environnement, est relative au choix laissé aux agriculteurs irrigants dans leurs engagements individuels. En effet, si le protocole prévoit un tronc commun d'engagements obligatoires, relatifs au diagnostic des exploitations et à la formation des agriculteurs, les engagements individuels se divisent en trois groupes, parmi lesquelles les irrigants choisissent. Certains acteurs ont fait observer à la mission que les engagements choisis peuvent s'apparenter à des engagements « a minima », notamment la mise en place de bandes enherbées ou de corridors écologiques, plutôt qu'une réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Un acteur résume la critique en indiquant que le protocole comporte « trop de « ou » et pas assez de « et » ».

Cette situation conduit la mission à émettre des doutes quant à l'atteinte de l'objectif ambitieux de réduction de 50 % de l'usage des produits phytopharmaceutiques d'ici 2025. Très peu d'informations sont à ce jour disponibles, ce qui suscite les critiques de certains signataires du protocole d'accord.

Le préfet coordonnateur de bassin Loire-Bretagne a labellisé le projet comme « projet de territoire pour la gestion de l'eau » (PTGE) au sens de l'instruction ministérielle du 7 mai 2019, en février 2020. Un arrêté préfectoral, le troisième, portant prescriptions complémentaires à l'autorisation « loi sur l'eau », a été signé en juillet 2020.

État des volumes avant et après la signature du protocole

À ce jour, seule la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon, où la mission d'information s'est déplacée pour y rencontrer l'ensemble des acteurs, est sortie de terre264(*)

.

Cette réserve de 240 000 m3 bénéficie à cinq exploitations, deux céréalières, deux laitières et une d'élevage, employant un total de 25 agriculteurs sur une surface de 350 hectares. Selon la DDT, les engagements individuels, outre le diagnostic obligatoire des exploitations, pris par les agriculteurs irrigants sont les suivants :

- 600 mètres de bandes enherbées ;

- 2,5 hectares de jachères ;

- 9 630 mètres de haies.

Selon les informations à disposition de la mission, l'ensemble des diagnostics et des formations ont été réalisés et 70 % des engagements tenus dès 2022, avec pour horizon 100 % fin 2023265(*), conformément à l'obligation de mettre en oeuvre les engagements dans les deux années suivant la mise en service de l'installation. Par ailleurs, tous les points de prélèvement des agriculteurs raccordés et non raccordés ont été équipés de débitmètres télécommunicants.

Il est à noter que les engagements concernant la réserve de Saint-Soline266(*) sont également en cours de réalisation, avant même le début des travaux.

Source : Annexe n°1 au Contrat Territorial de Gestion Quantitative Sèvre Niortaise - Mignon

Au total, la direction départementale des territoires (DDT) des Deux-Sèvres a indiqué à la mission qu'entre 2017 (projet initial) et aujourd'hui (projet finalisé après protocole et recours juridiques), la réduction du volume des prélèvements prévus à terme est de l'ordre de 22,1 % (pour un total de 13,955 millions de m3)267(*).

De manière générale, à l'échelle de l'ensemble du bassin du Marais poitevin, la trajectoire des prélèvements autorisés en vue de l'irrigation pour la période 2021-2026, prévoit une forte baisse des autorisations, de l'ordre de 33 % en cinq ans.

Trajectoire de réduction des volumes de prélèvement autorisés sur le périmètre de l'OUGC du Marais poitevin

Source : EPMP

Un projet mobilisant à la fois des fonds publics
et d'importants fonds propres des agriculteurs irrigants

Un contrat territorial de gestion quantitative (CTGQ) signé en juillet 2019 prévoit un financement de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à hauteur de 28,9 M € (pour un coût global du projet de 60 M €) et 0,9 M € du MASA (sur la partie réseau de distribution - 1ère tranche). Des crédits d'un montant de 7,9 M € du FEADER (dans le cadre du PDR ex-Poitou Charentes), un temps envisagés, n'ont pas été mobilisés par le Conseil régional, et des crédits « France relance » s'y substituent partiellement268(*).

Au total, le reste à charge pour le porteur de projet demeure élevé, représentant 38 % des 60 M € totaux, avec un prix de l'eau s'établissant à 10 centimes d'euro pour les agriculteurs non raccordés, et 30 centimes d'euro pour les agriculteurs raccordés. Les mesures de sécurisation supplémentaires requises aux abords des ouvrages, l'augmentation générale du prix des matériaux ainsi que des taux d'intérêt conduisent à une hausse du coût final du projet, posant la question, sans financements publics supplémentaires, du prix final de l'eau et donc de la soutenabilité du projet ainsi que de l'adhésion des agriculteurs irrigants.

Sollicité au total à trois reprises, le BRGM a confirmé que les volumes prélevés en période hivernale ne présentent pas d'impact négatif pour les milieux ; il a également confirmé un impact positif des réserves en période d'étiage.

Le troisième et dernier rapport du BRGM en date du 17 juin 2022269(*) porte sur le projet amendé à l'issue du protocole d'accord du 18 décembre 2018 et de la décision du tribunal administratif (TA) de Poitiers du 27 mai 2021. À l'issue de la simulation effectuée par le BRGM, celui-ci indique qu'en période d'étiage :

· « En additionnant les gains de débits sur les quatre cours d'eau alimentant le Marais poitevin (Sèvre Niortaise, Guirande, Courance et Mignon), on pourrait observer une augmentation du débit entrant dans le Marais poitevin de +200L /s à +300L/s via les cours d'eau, soit +5% à +6% du débit initial (simulation de référence). Il est probable que la hausse attendue des piézométries en été avec le projet de la Coopérative conduise également à un meilleur soutien des niveaux d'eau du Marais poitevin en période d'étiage. »

· « Comparé à la simulation du projet 2016 de la Coopérative, les piézométries en période d'étiage sont localement plus élevées sur le bassin Mignon-Courance avec la simulation du projet 2021 de la Coopérative, et légèrement plus élevées sur le bassin de la Sèvre amont. »

En période hivernale :

· « Les prélèvements en hiver pour le remplissage des retenues ne sont pas sans effets sur le milieu, bien qu'ils interviennent à une période de l'année où les nappes et les rivières sont moins vulnérables. Sur le bassin du Mignon et de la Courance, les rabattements piézométriques dus aux pompages hivernaux du projet 2021 de la Coopérative dépassent souvent 50cm sur la nappe libre du Jurassique supérieur par rapport à la simulation de référence. Le débit entrant dans le Marais poitevin serait diminué de -200 L/s à - 300L /s entre la simulation 2021 et la simulation de référence, soit -1% des 25m3/s à 30m3/s observées en moyenne en janvier sur la période 2000-2011. »

· « Les prélèvements pour le remplissage des réserves seront réglementés par des seuils hivernaux de gestion. Si, sur les indicateurs, les seuils piézométriques ou de débit de cours d'eau ne sont pas respectés, aucun prélèvement ne sera effectué. Cela permettra, par exemple en cas de déficit de recharge des nappes de limiter l'incidence du plan de prélèvement hivernaux sur le milieu ; pendant le remplissage, les piézométries et les débits devront donc rester supérieurs aux seuils de remplissage évalués lors de la constitution de l'étude d'impact du projet et indiqués dans le Protocole d'accord. »

Il convient de noter que l'ensemble des analyses du BRGM se fonde sur un modèle prenant en compte les années 2000-2010, seul modèle existant. Même si, en audition, il a été indiqué que cette décennie était considérée comme une « décennie classique », la simulation ne prend pas en compte les impacts pouvant résulter du changement climatique.

Le projet de réserve fait toujours l'objet d'une âpre bataille contentieuse

Le projet porté par la société coopérative de l'eau des Deux-Sèvres, fondé initialement sur la création de 19 réserves de substitution, a fait l'objet d'une AE délivrée le 23 octobre 2017270(*), qui a été déférée à la censure du TA de Poitiers en 2018 à l'initiative de plusieurs associations, de même que l'arrêté complémentaire du 20 juillet 2020.

Par un jugement « avant-dire droit »271(*) du 27 mai 2021, le TA a suspendu l'exécution de l'AE et de son arrêté complémentaire (actant une diminution du nombre d'ouvrages, de 19 à 16), pour 9 des 16 réserves, estimant que leur dimensionnement excédait les limites fixées par le SAGE Sèvre Niortaise Marais poitevin272(*).

Les associations requérantes ont fait appel de ce jugement avant-dire droit, contestant le fait que 7 des 16 réserves n'aient pas été jugées illégales.

Un arrêté du 22 mars 2022, complétant les deux précédents, prend acte de la modification du projet par le pétitionnaire. Cet arrêté a fait l'objet d'un nouveau recours devant le TA de Poitiers. Tenant compte des évolutions du projet consacré par cet arrêté, le TA a finalement rejeté les trois requêtes concernant les trois arrêtés précités, par un jugement au fond rendu le 11 avril 2023. Le pétitionnaire bénéficie donc bien d'une AE lui permettant d'exploiter régulièrement les 16 réserves du projet. Un appel, non suspensif, du jugement de fond a été déposé.

Il faut noter que l'appel du jugement avant-dire droit est toujours pendant devant la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux. La date de l'audience n'est pas encore connue.

Au total, les contentieux relatifs aux réserves courent depuis désormais cinq ans, ce qui constitue un important facteur d'insécurité et de découragement pour tous les acteurs portant le projet.

Finalement, le projet de réserves de substitution de la Sèvre Niortaise semble souffrir d'un paradoxe : il est probablement le plus connu et le plus controversé projet à ce jour en France, alors même qu'il est aussi probablement le projet le plus abouti, le plus travaillé dans la mesure de ses impacts sur le milieu, et le plus engageant en termes d'évolution des pratiques agricoles. Il court le risque de devenir, comme l'ont montré les violences extrêmes du 25 mars 2023 à Sainte-Soline, un objet totémique de conflictualité entre des acteurs aux positions de plus en plus antagonistes. À ce titre, le patient et constant travail de médiation et de concertation mené par les services de l'État doit impérativement se poursuivre, notamment par l'intermédiaire de la Commission d'évaluation et de surveillance ainsi que par l'enrichissement de l'Observatoire en ligne des pratiques agricoles et des actions en faveur de la biodiversité mises dans le cadre du protocole, tout en restant ferme quant à la sécurité des personnes et des biens sur un territoire de plus en plus marqué par des années de conflit et par l'épisode extrême du 25 mars 2023.

(2) Les réserves du bassin versant du Sud-Vendée

La Vendée héberge de nombreuses retenues destinées à l'irrigation agricole du secteur de la plaine calcaire du Sud-Vendée. Elles ont en commun avec les réserves des Deux-Sèvres d'être situées dans le secteur du Marais poitevin.

Des dégradations de la bâche de deux retenues ont été signalées dans la nuit du 8 au 9 août 2022, mais les projets, décidés et mis en service entre 2007 et 2019, ont pu être menés à bien sans heurts majeurs.

Dans le cadre d'un programme de substitution sur le bassin des Autizes (2007-2011) et de deux contrats territoriaux de gestion quantitative pour la Vendée et le Lay (2007-2017), 25 retenues de substitution ont vu le jour : dix sur les Autizes, dix en Vendée et cinq pour le Lay, pour une capacité de stockage de 11 millions de m3 d'eau, soit près de deux fois plus que celle du projet de la Sèvre Niortaise.

Elles ont été construites pour mettre fin aux prélèvements désordonnés des agriculteurs via leurs forages individuels, la nappe ayant atteint un niveau critique en 1995. Elles n'ont fait l'objet d'aucun recours en justice, ce qui peut s'expliquer à la fois par le caractère précoce de la démarche et par le fait qu'elle visait à répondre à une situation initiale dégradée, constat partagé par l'ensemble des acteurs.

En 2021, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, dans un document de 253 pages273(*), dresse un premier bilan de l'impact de ces réserves. L'analyse conclut notamment que :

• « L'analyse des volumes autorisés sur les trois secteurs met en évidence une réduction de la pression de prélèvement printemps-été permettant d'atteindre les volumes cibles de chacun des territoires » ;

« Les actions menées dans le cadre des autres économies d'eau à réaliser, sous pilotage de la Chambre d'Agriculture de la Vendée, présentent une efficience et un degré d'adhésion des irrigants hétérogènes. Ainsi, la mesure agro-environnementale de désirrigation n'a pu aboutir274(*), une solution alternative a donc été trouvée à travers une diminution des volumes autorisés de prélèvements, inscrite dans l'arrêté préfectoral d'autorisation de prélèvements de 2015 » ;

« Depuis la signature des contrats, les systèmes d'irrigation n'ont que peu évolué. Il en est de même pour la Surface Utile Agricole irriguée. La principale évolution des pratiques agricoles repose sur les types de cultures. Sur l'ensemble des trois territoires, les volumes des réserves de substitution couplés à la gestion collective ont permis de retarder et de limiter les restrictions de prélèvements. Cette sécurisation a facilité la diversification des cultures avec une diminution des superficies en maïs au profit des cultures spécialisées à plus forte valeur ajoutée » ;

« Le nombre de conversion d'exploitation agricole vers l'agriculture biologique n'a pas permis d'atteindre les objectifs inscrits dans les contrats. Toutefois, il est important de préciser que de nombreuses exploitations agricoles s'étaient rapprochées de la chambre d'agriculture de Vendée pour une conversion totale ou partielle de leurs parcelles. Ainsi, en raison des délais nécessaires à de tels changements, la période d'évaluation semble courte pour être conclusive sur les bassins Lay et Vendée. (...) Concernant la part de la superficie en agriculture biologique par rapport à la Surface Agricole Utile totale (SAU totale), les années 2017 à 2019 font ressortir une très forte conversion des superficies agricoles » ;

« Les différentes analyses mettent en évidence une remontée de la nappe sur l'ensemble des piézomètres consécutivement à la construction et aux modes de gestion des réserves de substitution » ;

« Pour les secteurs du Lay et de la Vendée, les différentes analyses mettent en évidence une remontée du niveau du marais sur l'ensemble des limnimètres en lien avec le début de la gestion sur les différents territoires et la construction des réserves de substitution ».

Ainsi, il apparait que les réserves ont permis une rationalisation de l'usage de l'eau se traduisant par une amélioration notable de l'état quantitatif des milieux. En revanche, on ne constate pas une baisse de l'irrigation ni une amélioration notable des systèmes d'irrigation, ce qui plaide pour un encadrement strict des prélèvements, ce qui a été effectué par arrêté préfectoral. L'ensemble des constats figurant dans ce bilan souligne d'une part que la construction de réserves de substitution peut être pertinente à l'échelle d'un territoire, et d'autre part, l'importance de la formalisation en amont des obligations des irrigants et d'un suivi de la mise en oeuvre des engagements. En effet, le respect des engagements de l'ensemble des parties prenantes est un gage de l'adhésion du public à ces projets et de leur crédibilité.

(3) La retenue d'eau sur le bassin versant du Tolzac (lac de Caussade)

Le projet de construction d'une retenue d'eau sur le bassin versant du Tolzac, dans le Lot-et-Garonne est un projet ancien, qui remonte aux années 1980. Le territoire d'implantation du projet est couvert par le plan de gestion des étiages (PGE) du Tolzac, lequel prévoit la construction d'une retenue d'une capacité de 700 000 m3. Le SDAGE Adour-Garonne 2016-2021 prévoit également, sous certaines conditions, et notamment celles de la comptabilité avec le maintien ou l'atteinte du bon état des eaux et de la réalisation d'une analyse coût/bénéfice, la possibilité de réalisation de nouvelles réserves.

Ainsi, le projet prévoyait la création d'un barrage sur le ruisseau du Caussade permettant un stockage de 920 000 m3 sur 20 hectares, 47 % du total étant destinés à l'irrigation de 24 exploitations agricoles et 25 % destinés au soutien d'étiage du Tolzac, régulièrement asséché en période estivale275(*).

Déposé en juin 2017, le dossier d'autorisation environnementale a fait l'objet d'un avis favorable du commissaire enquêteur après enquête publique, d'un avis favorable du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), d'un avis défavorable du conseil national de la protection de la nature, d'un avis réservé de la mission régionale de l'autorité environnementale Nouvelle Aquitaine et enfin d'un double avis défavorable de la direction régionale Nouvelle Aquitaine de l'Agence française pour la biodiversité.

Le projet est finalement autorisé par l'arrêté préfectoral du 29 juin 2018 portant autorisation de création et exploitation de la retenue d'eau de « Caussade » sur la commune de Pinel-Hauterive. Cet arrêté est contesté devant la juridiction administrative par les associations France Nature Environnement et Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest le 17 septembre.

Le lendemain, les ministres de la transition écologique et solidaire et de l'agriculture demandent à la préfète de Lot-et-Garonne de retirer son autorisation, au regard des risques contentieux du projet ainsi que du risque d'enlisement du dossier. Par un arrêté du 18 octobre, la préfète retire l'arrêté initial. Cette décision a également fait l'objet d'un recours, de la part du Syndicat Départemental des Collectivités Irrigantes de Lot-et-Garonne (SDCI 47).

Par un jugement au fond le 28 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux donne raison aux associations de protection de l'environnement, en rejetant la requête du SDCI 47. Entre-temps, le barrage fut tout de même édifié par le porteur de projet. Enfin, par un arrêt du 23 févier 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux confirme que le projet n'est pas compatible avec les orientations du SDAGE Adour-Garonne, que l'autorisation initiale était illégale, et que la préfète était fondée à la retirer par l'arrêté du 18 octobre 2018276(*).

S'engage alors un bras de fer entre trois parties prenantes, le porteur de projet, les associations de protection de l'environnement et les services de l'État. Un arrêté du 3 mai 2019 porte mise en sécurité de l'ouvrage, cessation définitive de travaux, suppression de l'ouvrage de retenue dite de Caussade, remise en état du site et sanctions administratives, faisant suite à un arrêté du 18 mars 2019 de mise en demeure de la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne, maître d'ouvrage, à un courrier du 18 avril 2019 de la préfète à cette même chambre d'agriculture ordonnant la cessation définitive des travaux, la suppression de l'ouvrage et la remise en état des lieux, aurait pu signer la fin des débats autour de l'ouvrage. Cet arrêté n'a, à ce jour, pas trouvé à s'appliquer, ce qui a conduit l'association FNE à déposer une plainte auprès de la Commission européenne le 26 juillet 2019.

Le climat de tension autour de l'ouvrage atteint un tel niveau que, selon la presse locale, des gendarmes venus poser des scellés sur les pelleteuses puis sur les panneaux du site ont été contraints de reculer face aux agriculteurs présents sur place. Malgré les inquiétudes fondées quant au risque de rupture de l'ouvrage, et aux impacts sur les habitations environnantes, la retenue a été remplie.

En mai 2020, une mission d'inspection interministérielle est chargée, outre d'une évaluation technique de la réalisation de l'ouvrage de « proposer une méthode de concertation et un processus de décision de nature à permettre le nécessaire retour au cadre légal dans une approche partagée avec l'ensemble des acteurs concernés. » Dans son rapport, la mission souligne que la réalisation illégale de l'ouvrage a été entreprise « sans recourir ni à des entreprises de travaux publiques ni à l'appui d'un bureau d'étude agréé ». Elle note que malgré les arrêtés préfectoraux susmentionnés : « Cette situation irrégulière perdure, dans un climat relationnel très dégradé, ponctué en outre depuis la fin du printemps 2020 par une série d'épisodes de nature judiciaire... Il convient en conséquence d'admettre que la recherche d'un dialogue apaisé constitue un objectif qui peut apparaître très difficilement accessible dans un tel contexte. » La mission a par ailleurs émis plusieurs recommandations de sécurisation de l'ouvrage, notamment dans l'hypothèse d'une crue.

Depuis lors, la situation n'a pas trouvé de dénouement, pour un projet à vocation multi-usage, largement soutenu par les acteurs locaux.

Le 3 février 2023, FNE et ses fédérations locales ont engagé la responsabilité pour faute de l'État devant le tribunal administratif de de Bordeaux.

Le 17 avril 2023, une experte de haut niveau a été nommée par arrêté de la Première ministre, pour « définir et porter une stratégie d'action concertée à l'échelle du bassin-versant du Tolzac », pour une durée de trois ans. L'ouvrage, désormais construit, et faisant l'objet d'un soutien très large de nombreux acteurs du territoire, y trouvera probablement sa pérennisation.

Ces trois exemples témoignent de la complexité et de la conflictualité que peut atteindre la question de l'accès et de la répartition de l'eau dans certains territoires, mais aussi de l'utilité des réserves de substitution et la possibilité de leur acceptation, si le cadre d'un dialogue constructif est posé et si des objectifs de baisse de la pression sur la ressource sont partagés.

Ils soulignent plusieurs points, qui sont communs à de nombreux projets de retenues sur les territoires :

· la question centrale et indispensable de la concertation large, inclusive, sur la base d'un constat initial partagé, ne préjugeant pas, à l'avance, de telle ou telle issue et ne se résumant pas à la seule question agricole. Ce cadre de consultation est désormais connu des acteurs des territoires, il s'agit de celui des PTGE. Dans sa contribution écrite, le ministère de la transition écologique souligne que « dans la démarche PTGE, « tout se joue au début » : le PTGE doit être un pacte de confiance entre parties prenantes », et rappelle la préconisation d'une « approche systémique de la gestion locale de l'eau » ;

· la question du rôle des pouvoirs publics dans l'accompagnement du dialogue local, dans le soutien à la fixation d'objectifs partagés, mesurables et contrôlables, mais aussi dans leur capacité ou non à faire respecter l'autorité de l'État sur les territoires, de ses décisions et des décisions judicaires ;

· la judiciarisation grandissante de ce type de projet, avec parfois, des délais de jugement finaux pouvant être excessivement longs, l'exemple des Deux-Sèvres en témoigne, peu compatibles avec la sécurisation des porteurs de projet ;

· le rôle primordial des élus locaux dans le soutien et l'aboutissement, ou non, de projets suscitant a minima du débat, voire de la conflictualité ;

· sur un aspect plus technique, il pose aussi la question de la remobilisation, de la rénovation de l'existant. Dans son avis sur le projet du lac de Caussade, l'Agence française pour la biodiversité notait qu'un inventaire réalisé sur le bassin versant aboutissait à un total de plus de 700 retenues déjà existantes. Aussi, les projets de construction de nouvelles retenues devraient comporter un important volet de type « éviter, réduire, compenser », visant à étudier les alternatives crédibles à la construction de réserves, permettant d'atteindre des objectifs finaux similaires.

Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE)

Créés dans le cadre des Assises de l'eau, les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) sont des outils de planification concertée portant sur l'ensemble des usages de l'eau sur un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, activités récréatives...). Les PTGE s'insèrent notamment dans la logique de protection, d'amélioration et de restauration du bon état de la masse d'eau concernée dans le respect de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau sur l'eau. Les PTGE doivent donc être construits en cohérence avec les SDAGE277(*) à l'échelle des bassins versants, et avec les SAGE lorsqu'ils existent, à l'échelle des sous-bassins278(*).

L'instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de l'eau des retenues de substitution, faisant suite à la conférence environnementale des 19 et 20 septembre 2013, pose les bases des PTGE, dénommés « projets de territoire » et instaure le principe de la participation au financement des ouvrages de stockages d'eau par les agences de l'eau à la double condition suivante :

l'élaboration d'un projet de territoire ;

• la finalité de substitution des prélèvements d'eau à l'étiage par des prélèvements hors étiage.

L'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l'eau, élaborée suite aux travaux de la cellule d'expertise relative à la gestion quantitative de l'eau pour faire face aux épisodes de sécheresse, abroge l'instruction susmentionnée pour venir poser le cadre actuel des projets de territoire, renommés « projets de territoire pour la gestion de l'eau » (PTGE).

L'instruction définit le PTGE comme suit : « Un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) est une démarche reposant sur une approche globale et co-construite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d'un point de vue hydrologique ou hydrogéologique. Il aboutit à un engagement de l'ensemble des usagers d'un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc.) permettant d'atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s'y adaptant. Il s'agit de mobiliser à l'échelle du territoire des solutions privilégiant les synergies entre les bénéfices socio-économiques et les externalités positives environnementales, dans une perspective de développement durable du territoire. Le PTGE doit intégrer l'enjeu de préservation de la qualité des eaux (réductions des pollutions diffuses et ponctuelles)».

Elle précise le rôle de l'État, à savoir favoriser l'émergence de PTGE au regard des enjeux quantitatifs ou des besoins de dialogue entre acteurs pour parvenir à co-construire un projet dépassant les situations de blocage. Le préfet coordonnateur de bassin définit les situations dans lesquelles la conduite des PTGE doit être encouragée. Ce dernier, ou un préfet référent, est le garant de la pluralité des acteurs composant le comité de pilotage du PTGE. Il valide le diagnostic, se prononce sur le programme d'action et approuve les volumes d'eau associés. Il s'assure que le PTGE est compatible avec les orientations du SDAGE. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) sont également associées aux concertations.

Suite aux travaux du Varenne agricole de l'eau, un additif à l'instruction du 7 mai 2019, datant du 17 janvier 2023, a été publié. Cet additif revient sur les points fondamentaux pour la réussite de la démarche, sur la mise en place de la gouvernance, l'élaboration du programme d'action et l'accompagnement par les services de l'État durant tout le processus, ainsi que dans les situations de blocages.

Selon les données transmises par le ministère de la transition écologique, en mai 2023, 72 PTGE sont validés (dont 66 en Rhône-Méditerranée), 36 en cours de concertation et 12 en émergence. Dans sa contribution écrite, le délégué interministériel au Varenne agricole de l'eau indique « On observe que les PTGE sont essentiellement développés dans 3 bassins, au sud et centre du pays : Rhône-Méditerranée, Adour-Garonne et Loire-Bretagne. Le poids très important de Rhône-Méditerranée est liée à l'antériorité de la démarche via les anciens PRGE, sous l'égide de précédents SDAGE ».

Les PTGE sont ainsi des outils connaissant un fort développement sur les territoires confrontés à des problématiques autour de la ressource en eau. Ils peuvent permettre, le cas échéant, d'éviter le classement d'une zone en ZRE. Ils servent ensuite à alimenter, pour leur partie gestion quantitative, les CTGQ élaborés par les agences de l'eau. Le CTGQ est le bras armé de l'intervention financière des agences de l'eau sur un territoire donné, dans l'objectif de l'atteinte du bon état quantitatif, et, de plus en plus, qualitatif, des masses d'eau. C'est dans le cadre de CTGQ que des réserves, sous certaines conditions, notamment celle de la substitution, peuvent se voir attribuer des financements publics.

C. LE RISQUE DE PERTE DE CONTRÔLE DE LA POLITIQUE DE L'EAU

1. Une gestion de l'eau territorialisée extrêmement complexe et fortement dépolitisée
a) Une décentralisation incomplète, complexe et instable

Jusqu'aux lois de 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et de 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), toutes les collectivités pouvaient intervenir dans la gestion de l'eau.

Dans une recherche de territorialisation et de rationalisation de l'action publique, la loi MAPTAM a confié aux EPCI la nouvelle compétence GEMAPI et la responsabilité de la mise en oeuvre d'une partie des actions de préservation du grand cycle de l'eau, et la loi NOTRe a supprimé la clause de compétence générale des départements et des régions, les départements se trouvant privés de fondement juridique pour intervenir en matière de gestion de l'eau.

Or, le territoire des EPCI, comme du reste celui des régions et des départements, ne correspond pas à celui des sous-bassins versants, échelle pourtant pertinente pour la gestion du grand cycle de l'eau. Des interventions législatives sont venues assouplir, autrement dit, complexifier, les dispositions de la loi MAPTAM concernant le transfert de la compétence GEMAPI. La situation actuelle est donc celle d'un « entre-deux » qui nuit à la lisibilité de l'action territoriale en la matière. Ce cadre instable est susceptible d'alimenter des tensions locales, comme l'a illustré la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2023, citant l'exemple de l'EPTB Saône et Doubs sont les désaccords quant aux modalités de mise en place de la compétence GEMAPI ont paralysé l'établissement pendant deux années et entrainé le retrait de six départements et l'arrivée de 19 communes, conduisant finalement à une baisse des contributions des adhérents.

La complexité de cette construction juridique tient notamment au fait que la compétence GEMAPI ne recouvre d'une partie de la gestion de la ressource.

À ce titre, le Cercle français de l'eau (CFE) préconise une réelle clarification des compétences non rattachées à la compétence GEMAPI et qui, faute de définition juridique, ont pris le nom de compétences « hors-GEMAPI ». Elle permettrait également d'identifier celles que peuvent mener les EPTB, notamment dans le cadre de la gestion quantitative de la ressource en eau, de la gestion du soutien d'étiage. Le CFE résume ainsi l'objectif : « Il est actuellement nécessaire d'identifier qui fait quoi à quelle échelle avec quel plan de financement ».

Par ailleurs, si les EPTB disposent de la maîtrise d'ouvrage, ces derniers demeurent dépendants des financements des agences de l'eau et des EPCI. À ce titre, la mission regrette que les départements n'aient plus de base juridique pour intervenir en financement ou en appui technique. Certains départements ne souhaitent pas se désengager de la question du grand cycle et se trouvent dès lors en situation d'insécurité juridique. Le département de la Gironde est ainsi maître d'ouvrage du schéma stratégique départemental de l'eau potable et concourt, par ses financements, à la mise en oeuvre du SAGE des nappes profondes porté par l'EPTB SMEGREG. Par un jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Dijon a en revanche annulé l'autorisation de programme de 5,25 millions d'euros adoptée par le département de Côte-d'Or. La mission note d'ailleurs avec satisfaction que le Plan eau, en son point 35, ouvre la voie au retour de l'intervention financière et technique des départements, ce qui devra nécessaire passer par une modification législative.

Répartition des missions du grand cycle de l'eau prévue
par l'article L. 211-7 du code de l'environnement

Compétences GEMAPI

Compétences hors GEMAPI

1. L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique

 

2. L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau

 
 

3. L'approvisionnement en eau potable

 

4. La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols

5. La défense contre les inondations et contre la mer

 
 

6. La lutte contre la pollution

 

7. La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines

8. La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides, ainsi que des formations boisées riveraines

 
 

9. Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile

 

10. L'exploitation, l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants

 

11. La mise en place et l'exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques

 

12. L'animation et la concertation dans les domaines de la prévention du risque d'inondation ainsi que de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère

Source : d'après la Cour des comptes, Rapport public annuel 2023

b) Une démocratie de l'eau limitée par la technicité de la matière

Les comités de bassin, décrits à juste titre comme des « parlements de l'eau », au regard de la composition en quatre collèges de leurs représentants, ont pu être décrits abruptement comme de simples « chambres d'enregistrement » de décisions élaborées au sein des instances techniques des agences de l'eau. Le programme d'intervention de l'agence de l'eau, formellement validé par le comité de bassin, est, au regard de la multiplicité et de la technicité des enjeux, largement élaboré par des experts. Finalement, l'élu local est trop souvent dépossédé des termes du débat, et de nombreuses collectivités demeurent en retrait relatif des instances de concertation et de gouvernance de l'eau. Dans sa contribution écrite, le Cercle français de l'eau évoque une « quasi-communautarisation de l'eau » ainsi qu'une « connaissance non partagée et non débattue ».

Si les élus peinent à s'approprier les termes du débat, les citoyens en sont encore plus éloignés et ignorent, pour la plupart, l'étendue de la construction technico-administrative entourant la gestion du petit et du grand cycle de l'eau. Le « miracle de l'eau du robinet » reste à bien des égards difficile à percer, tout comme la facture d'eau difficile à déchiffrer.

À ce titre, au regard des tensions croissantes que la France sera amenée à connaitre autour de la disponibilité de la ressource, des actions de communication et de pédagogie semblent absolument indispensables. Elles existent déjà par endroit, mais gagneraient à être massifiées à l'échelle nationale. C'est l'objet du point 7 du Plan eau, qui a notamment débouché en juin 2023 à la campagne de communication « Chaque geste compte, préservons nos ressources », visant à informer les citoyens sur les gestes simples permettant de réduire la consommation d'eau, à savoir :

• installer un mousseur sur les robinets et un pommeau de douche économe ;

• vérifier et réparer les fuites ;

• prendre une douche plutôt qu'un bain ;

• installer un récupérateur d'eau de pluie ;

• installer un goutte-à-goutte pour ses plantes de jardin ;

• planter des plantes peu gourmandes en eau.

Une page dédiée du site Gouvernement.fr détaille ces mesures et offre la possibilité aux citoyens de calculer leur consommation annuelle d'eau. Comme l'indiquait le ministre Christophe Béchu lors de son audition devant la mission d'information, le 28 juin « Imaginez si l'on dépose chez vous chaque matin les 100 bouteilles d'eau d'un litre et demi correspondant à votre consommation journalière, chacune indiquant l'usage à laquelle elle est destinée. Sur ces bouteilles, une destinée être bue, quatre à préparer la nourriture, vingt pour la chasse d'eau etc. » Par cette image parlante, on comprend l'effort de communication à réaliser auprès du public.

Cette campagne s'accompagne du lancement, fin juin, d'une nouvelle fonctionnalité du site internet PROPLUVIA, permettant à chaque citoyen, en renseignant son adresse, de connaitre la situation de l'eau dans son secteur, et notamment l'état des restrictions en été.

Ces plans et outils de communication sont bienvenus, mais ils gagneraient aussi à s'accompagner d'un volet permettant au citoyen au comprendre les fondamentaux de gestion de l'eau, ou, à tout le moins, celle du petit cycle.

Concernant la lisibilité de la facture d'eau, un effort de pédagogie est ici aussi nécessaire. La mise en ligne récente de la page internet « En avoir pour mes impôts », sur le site du ministère de l'économie et des finances279(*), pourrait inspirer le ministère de l'écologie et, pourquoi pas, le conduire à créer une page internet « En avoir pour ma redevance ».

Le corollaire de cette information du citoyen est son implication, notamment par l'intermédiaire des associations d'usagers ou encore de protection de l'environnement. À ce titre, il a souvent été mentionné la trop faible représentation des acteurs non économiques au sein des instances de l'eau. Si un décret de 2020 a permis un rééquilibrage au sein des comités de bassin, il n'en va pas de même pour les commissions locales de l'eau. Ces dernières se composent pour au moins 50 % de représentants des collectivités territoriales, pour 25 % des représentants des usagers de l'eau, le reste étant les représentants de l'État. Au sein de ces 25 %, la représentation des usagers ou des associations demeure trop faible.

Par ailleurs, la mission note que le développement des CLE sur l'essentiel du territoire demeure lent et hétérogène selon les endroits. Pourtant, la CLE reste l'instance la plus pertinente de concertation à l'échelle des bassins versants, permettant de mettre tous les acteurs autour de la table et de définir un socle d'objectifs partagés. Sans aller jusqu'à la production systématique et l'obligation d'un SAGE, qui pourrait aboutir, dans certains territoires, à la constitution de « SAGE-papier », la généralisation des CLE, pouvant, le cas échéant, passer par l'étape intermédiaire que constitue le PTGE280(*), est amenée à devenir une nécessité au regard des enjeux à venir dans la gestion quantitative et qualitative de l'eau. Le scénario idéal pourrait être le continuum PTGE - SAGE - EPTB, pour la mise en oeuvre.

Les principaux freins à une meilleure couverture du territoire par les SAGE demeurent, d'une part, leur lourdeur excessive, avec des délais de mise en place de huit à dix ans, alors même que les SDAGE doivent être actualisés tous les six ans et que donc, un SAGE pourrait s'avérer périmé avant même son adoption. D'autre part, et en lien avec le premier point, c'est également la dépolitisation de l'enjeu qui peut amener à ne pas s'engager dans une démarche longue et complexe qui, le cas échéant, pourrait au contraire finir par devenir très politique, les visions quant à la gestion de la ressource étant très souvent divergentes. Aussi, la simplification des SAGE souhaitée par le Gouvernement dans son point 34 du Plan eau semble aller dans le bon sens, tout comme la généralisation des CLE figurant au point 33.

2. Des conflits d'usage insolubles ?
a) Les enseignements tirés du retour d'expérience sur la gestion de l'eau lors de la sécheresse 2022 : une gestion globalement positive mais perfectible

En mars 2023, un rapport commun IGEDD, IGA et CGAAER tire les leçons de l'épisode historique de sécheresse de 2022. Ce rapport fait suite à un rapport du CGEDD de décembre 2019, suite à l'importante sécheresse de 2019. Ce dernier avait tiré un constat assez sévère de la gestion par les services de l'État de cet épisode de sécheresse : hétérogénéité et déclenchement tardif des mesures prises, manque de coordination entre départements, critique des dérogations accordées, peu transparentes, trop faible association des parties prenantes, manque de moyens de contrôle, etc.

Suite à ce retour d'expérience, un nouveau guide national sécheresse a été publié en 2021, clarifiant les étapes de vigilance et d'alerte, invitant à une meilleure coordination interdépartementale, précisant le régime des dérogations, incitant à une meilleure communication et transparence entre les acteurs. L'épisode historique de sécheresse de l'été 2022 constitua le premier test pour la mise en oeuvre de ce guide, et des évolutions règlementaires l'accompagnant.

Le constat général est celui d'une architecture de gestion de crise qui a fonctionné, notamment au regard de l'intensité de la sécheresse.

Ce dispositif s'articule autour de trois outils à trois niveaux :

· un arrêté d'orientation de bassin (AOB) qui définit les principaux généraux de la gestion de la sécheresse ;

· un arrêté-cadre départemental ou interdépartemental mentionnant les mesures de restriction graduées et temporaires à prendre selon quatre niveaux de gravité sur la ou les zones d'alerte considérées ;

· des arrêtés de restriction temporaire des usages pris par les préfets de département au niveau des zones d'alerte. La concertation des acteurs autour de ces arrêtés est assurée par un comité ressource en eau (CRE).

La mission commune note que tous les AOB ont été pris avant l'été 2022 et que les trois quarts des arrêtés cadres ont été mis à jour, même si certains départements ne disposaient toujours pas, au moment de la sécheresse, d'arrêté cadre, conduisant les préfets à élaborer dans l'urgence des critères de déclenchement des différentes phrases. Elle note également que « Le guide national sécheresse lui-même s'est avéré, de l'avis de la grande majorité des interlocuteurs de la mission, un outil utile et pertinent qui a servi de référence avant et pendant la gestion de la crise. »

Le comité d'anticipation et de suivi hydrologique (CASH)

Émanation du Comité national de l'eau, instance placée auprès du ministre chargé de l'environnement, le CASH est chargé :

• d'échanger et d'informer sur la situation hydrologique à court et long termes afin d'accompagner les territoires dans l'anticipation du risque de sécheresse, la gestion des crises et la résorption de façon structurelle des phénomènes répétés de sécheresse ;

• de proposer au Comité national de l'eau, dans le contexte du changement climatique, des recommandations et des actions préventives ou compensatrices rendues nécessaires par la situation hydrologique ainsi que des actions destinées à résorber de façon structurelle le déficit quantitatif.

Outre son président, le comité d'anticipation et de suivi hydrologique comprend 43 membres nommés par arrêté du ministre chargé de l'environnement, dont 14 représentants du collège de l'État et de ses établissements publics, 29 membres désignés par le Comité national de l'eau (14 représentants les collectivités territoriales, 15 représentant les usagers). D'autres représentants de l'État et de ses établissements publics, parmi lesquels des représentants des préfets coordonnateurs de bassin, de Météo-France et du BRGM peuvent être associés à ce comité pour contribuer à la caractérisation de la situation hydrologique dans les territoires et apporter leur expertise.

Depuis quelques années, le CASH se réunit au printemps pour étudier une carte du risque sécheresse, à l'échelle départementale, concernant l'été à venir. Cette carte est réalisée avec le concours de Météo-France, du BRGM, du SCHAPI et de la plateforme AQUI-FR, et a pour but une meilleure identification des risques dès la sortie de l'hiver. Elle prend en compte trois types de données : des scénarios de projections disponibles (comme la sécheresse des sols à trois mois produite par Météo-France), des observations de débits des cours d'eau et des données de déficits pluviométriques passés. Cette carte aboutit à classer les départements selon trois niveaux de probabilité de risque : sécheresse possible, probable ou très probable.

Pour 2022, elle a permis de mieux anticiper la crise à l'été dans certains départements, même si le retour d'expérience a pu considérer que débuter les projections en avril était trop tardif d'une part, et que d'autre part, la carte issue de ces travaux mériterait d'être communiquée à plus grande échelle, notamment aux acteurs économiques.

Sources : article D. 213-10-1 du code de l'environnement et Retour d'expérience sur la gestion de l'eau lors de la sécheresse 2022

En revanche, quelques lacunes et voies d'amélioration ont été pointées par la mission parmi lesquelles :

- « une hétérogénéité du calendrier de déclenchement des phases de vigilance, d'alerte ou de crise. Cela a conduit à ce que des secteurs soient soumis à des restrictions alors que d'autres, sur le même bassin versant, en amont ou en aval, ne l'étaient pas. Ces situations ont pu générer un vif sentiment d'iniquité entre acteurs de départements voisins, et sont difficiles à justifier ». L'élaboration d'arrêtés cadres interdépartementaux est ainsi encouragé, ce qui permettrait d'homogénéiser les différentes phases sur des mêmes bassins ;

- la transparence et la justification des dérogations accordées localement. La mission rapporte des incompréhensions face à une stratégie jugée excessivement sévère pour les uns et plus accommodante pour les autres. Les restrictions ont ainsi été considérées comme particulièrement fortes pour les stations de lavage de voitures, et au contraire, laxistes concernant les golfs. La mission suggère ainsi de renforcer les lignes directrices nationales concernant les mesures de restrictions et les contours des dérogations pouvant s'appliquer. Cet aspect est en effet fondamental car les conflits d'usage en période de tension, voire de crise sont nécessairement appelés à s'accroître ;

- dans la même perspective d'anticipation des conflits d'usage, le retour d'expérience invite à clarifier les obligations de lâchers d'eau pour le soutien d'étiage concernant les retenues les plus importantes, multi-usages ;

- enfin, une marche demeure à franchir dans le recueil efficace des données pertinentes, leur compilation claire, concise et non équivoque, en vue d'être portées à la connaissance du préfet, puis transmises au niveau national, pour alimenter le suivi interministériel.

Dans le détail de la gestion opérationnelle, la mission pose le constat de situations parfois perfectibles et formule des recommandations pour les sécheresses à venir et notamment :

- une meilleure anticipation de la période estivale par la réunion des comités ressource en eau en sortie d'hiver, pour faire le bilan de la recharge hivernale et anticiper les mois à venir ;

- une réduction des délais à quatre jours entre le dépassement de seuil et la prise de mesures ;

- rendre obligatoires à moyen terme les compteurs télérelevés sur les différents usages et notamment agricoles et poursuivre la recherche et la régularisation des forages non déclarés ;

- modifier le guide national sécheresse pour harmoniser progressivement les conditions de déclenchement des différentes phases de gestion des sécheresses, en incluant systématiquement les relevés ONDE et piézométrique ;

mieux contrôler l'efficacité des mesures de gestion prises, tout en veillant à ce qu'elles soient claires et contrôlables. Réfléchir sur les sanctions applicables en cas de non-respect des mesures ;

améliorer la communication à l'égard du public et des acteurs du territoire ;

- mettre l'échelon interministériel en ordre de marche en permettant la bonne remontée des données et en concevant un plan de résilience « sécheresse et rupture d'alimentation en eau potable à grande échelle ».

Enfin, la mission propose des perspectives pour réduire la vulnérabilité du territoire aux sécheresses, parmi lesquelles :

- à terme, réserver le bénéfice des dérogations aux restrictions des usages de l'eau aux acteurs engagés dans une réduction des prélèvements telle que posée par les Assises de l'eau de juillet 2019 ;

- encourager la démarche PTGE ;

- encourager la politique de réutilisation des eaux usées ;

-  réaliser des diagnostics de vulnérabilité de l'alimentation en eau potable et encourager au regroupement du service à des échelles supérieures.

Le ministère de la transition écologique indique que ces recommandations, 18 au total, sont d'ores et déjà en cours de mise en oeuvre avec notamment la réunion des comités ressource en eau en sortie de l'hiver 2023 pour faire le bilan de la recharge hivernale, globalement mauvaise, et anticiper les difficultés estivales. Une stratégie nationale de contrôle a également été mise en place et les campagnes de communication sont en train de monter en puissance. En outre, l'outil PROPLUVIA sera modernisé dans les prochaines semaines.

b) Anticiper une augmentation inévitable des conflits d'usage

En creux du rapport du retour d'expérience concernant la sécheresse 2023, il y a bien la montée en puissance des inévitables conflits d'usage. Ces conflits, déjà bien présents sur de nombreux territoires, pourraient faire courir le risque à la France de voir se développer, en été, une véritable « guerre de l'eau » entre différents acteurs aux préoccupations très souvent légitimes.

À ce titre, le guide sécheresse propose un tableau des mesures générales de restriction des usages de l'eau, illustrant la volonté de prise en compte des différents usages de l'eau dans différents secteurs pour répondre à différent besoins. Cette gestion différenciée est indispensable, mais nécessite la plus grande transparence au niveau local pour être comprise, tout comme l'exigence de contreparties.

Extrait du tableau des mesures minimales de restriction des usages de l'eau
Légende des usages : P= Particulier, E= Entreprise, C = Collectivité,
A= Exploitant agricole

Source : Guide national sécheresse

Il faut noter que les principaux utilisateurs de l'eau touchés par les mesures de restrictions en cas de sécheresse sont les agriculteurs, qui sont aussi les principaux consommateurs d'eau en été, à des niveaux atteignant parfois les 90 % du total de la consommation de certains territoires.

Les risques sont grands de voir émerger des conflits entre le secteur agricole et d'autres secteurs de la vie économique, voire de citoyens, qui pourraient s'estimer lésés au regard de l'ampleur des consommations agricoles, des possibilités de stockage autorisées et des dérogations permises pour certaines cultures stratégiques ou à forte valeur ajoutée.

Il existe aussi des risques de conflits entre des agriculteurs irrigants et des agriculteurs non irrigants, les uns pouvant sécuriser leur production quand les autres doivent composer avec les aléas du climat. Le risque est aussi celui, à mesure que les volumes prélevables vont diminuer, d'exclure les nouveaux entrants de l'irrigation. En effet, un agriculteur se situant en ZRE ne peut devenir irrigant, adhérer à un OUGC, et se voir attribuer des quotas de prélèvements que dans la mesure où des quotas sont encore attribuables. Or, rien n'est moins sûr au regard des conséquences attendues du changement climatique sur le niveau des nappes et des cours d'eau, entrainant nécessairement une réduction, déjà observable, des volumes prélevables, à tout le moins en été.

En outre, on peut souligner les risques de conflits entre les agriculteurs irrigants eux-mêmes, entre ceux qui, connectés à une réserve, peuvent sécuriser leurs productions malgré les restrictions, et ceux qui, irrigants non connectés, se voient restreindre, voire interdire toute irrigation. À ce titre, il n'est pas étonnant que des projets de réserves, essentiellement de substitution, soient en cours en France, les agriculteurs irrigants identifiant bien le risque qu'une multiplication des arrêtés de restriction des usages de l'eau, année après année, ferait peser sur leur exploitation281(*). Or, si un rapport du CGAAER, cité supra, estime que les besoins de l'agriculture en eau devraient passer de trois à six milliards de m3 par an en retenant trois milliards de m3 supplémentaires par du stockage hivernal, force est de constater que les contraintes financières, de disponibilité de la ressource, d'emprise foncière ou encore d'acceptabilité sociale ne seront pas réunies pour mener à bien une telle entreprise de doublement des consommations, et que si la profession agricole ne mise que sur le stockage de l'eau comme outil de résilience face au changement climatique, d'âpres conflits d'usage sont à attendre. Autrement dit, tous les irrigants ne pourront pas avoir leur réserve, sauf à emprunter la voie tracée par l'agriculture espagnole.

Par ailleurs, le risque de conflit entre les usages et entre les territoires, notamment pour les grands ouvrages, est à prendre au sérieux et à anticiper dès aujourd'hui, conformément aux recommandations du retour d'expérience. Ce retour d'expérience souligne qu' « outre le fait que le multi-usage ne doit pas empêcher de sécuriser des usages prioritaires pour certaines retenues (refroidissement de centrales nucléaires par exemple comme à Cattenom ou Golfech), il ne peut ou ne devrait pas pouvoir servir les intérêts d'une seule partie du territoire (amont) au détriment des besoins de l'aval. », citant notamment la gestion de l'axe Aveyron, qui aurait privilégié l'usage touristique. Le rapport poursuit en indiquant que dans ces situations de crise, « le préfet représentant de l'État conserve la responsabilité de la sécurité de la population à l'échelle de son territoire de compétence et peur donc prendre des mesures restrictives des libertés publiques, dès lors qu'elles sont proportionnées au risque contre lequel elles doivent lutter. En ce sens, il peut ordonner des lâchers d'eau s'il juge que les besoins prioritaires de l'aval de la retenue concernée sont mis en danger sans ces lâchers ». La mission partage ce souci d'assurer la couverture des usages les plus prioritaires en cas de crise aigüe et souscrit à la recommandation visant à réexaminer les conventions et la gouvernance de la gestion des retenues les plus importantes pour clarifier les obligations de lâcher d'eau pour le soutien d'étiage.

Enfin, le risque de la « bataille des dérogations » est bien réel, chaque acteur économique faisant valoir sa spécificité et son faible impact sur le milieu. Nombre d'acteurs économiques ont fait part à la mission des enjeux autour de l'eau s'attachant à leur secteur et des efforts de sobriété déjà effectués :

• la Fédération des professionnels de la piscine et du spa (FPP), indique, dans sa contribution écrite, « que les piscines ne représentent que 0,15 % de l'eau utilisée en France et la FPP travaille activement afin de réduire encore cette utilisation. En 25 ans, l'utilisation de l'eau d'une piscine a ainsi été réduite de 45 % » ;

• la Fédération française du golf (FFG) souligne que « en cas de sécheresse, seules les surfaces de jeu appelées « greens » sont arrosées la nuit. Elles ne représentent qu'1 à 2 % de la surface totale de jeu ». Les greens bénéficient donc bien d'une dérogation, sauf en cas de pénurie d'eau potable, au regard du poids économique que représente le golf et des coûts que représenteraient la perte de cette surface de jeu. La FFG indique que même si le nombre de parcours est passé de 558 à 610 en France, la consommation totale de l'ensemble des parcours a légèrement décru, s'établissant à un peu moins de 29 millions de m;

l'Union française des semenciers (UFS) indique que la production de semences représente 400 000 hectares en France, dont 40 % sont irrigués et quasiment 100 % en période de sécheresse. Sur les 2,9 milliards de m3 consommés par l'agriculture, 200 millions sont destinés à la production de semences, avec un risque d'augmentation de ce volume compte tenu du changement climatique. Face à cela, la filière ne reste pas inactive et indique que « 38 % des axes de recherche portent sur la tolérance à la sécheresse, aux stress thermiques (gel, fortes températures), aux cycles de développement, aux irrégularités du climat, aux nouvelles maladies ». L'impact d'un moindre accès à l'eau touche la recherche comme la production :

- la recherche est touchée à travers une perte du matériel de recherche pour l'année suivante, une perte de matériel génétique sur les premières générations, des retards dans les programmes de recherches et des coûts induits en augmentation ;

- la production est naturellement impactée par de fortes baisses des rendements, comme l'été 2022 a pu l'illustrer : 10 à 50 % de pertes de rendement sur le maïs, 25 à 30 % pour les légumineuses à graines, 30 à 60 % pour les légumes secs, etc. D'où la nécessité pour la filière semencière d'obtenir des dérogations pour une culture particulièrement exigeante et stratégique pour l'ensemble des filières végétales françaises ;

l'interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage (VALHOR), rencontrée par la mission à l'occasion de son déplacement au Salon international de l'agriculture (SIA) 2023, a souligné également l'importance de l'accès à l'eau, notamment au stade de la production (horticulteurs, pépiniéristes, semenciers), ce seul collège de l'interprofession comptant 2 900 entreprises employant 16 500 personnes et générant un chiffre d'affaire de 1,4 milliard d'euros par an. Dans sa contribution écrite, l'interprofession indique que, concernant les exploitations horticoles et les pépinières, qu' « une plante ne peut survivre sans eau au-delà de 48h ». Elle souligne par ailleurs, concernant l'arrosage des espaces verts qu' « avec l'augmentation du stress hydrique, il est aberrant de ne pas donner une seconde vie aux eaux usées, là où c'est possible ».

Finalement, même si la mission a conscience de l'importance de toutes les activités précédemment mentionnées, qui seraient nécessairement impactées en cas de restrictions totales sans possibilité d'aménagement, elle soutient que l'État devrait se préparer plus activement aux scénarios de crises sévères et expliciter sans tarder les usages absolument prioritaires en cas de crise généralisée. La mission identifie deux secteurs fondamentaux : la couverture en eau potable pour les besoins essentiels de la population et des services publics, et le refroidissement des centrales nucléaires.

À ce titre, la mission souscrit à la recommandation 15 du retour d'expérience précédemment mentionné, invitant à un travail interministériel d'élaboration d'un plan de résilience « sécheresse et rupture d'alimentation en eau potable à grande échelle ».

Enfin, au-delà de la préparation des crises aigües, un effort considérable de sobriété en eau, en partie débuté, doit être mis en place par l'ensemble des usagers de l'eau, en particulier les plus gros consommateurs.

Aussi, si l'agriculture souhaite assurer sa pérennité et sa résilience sur l'ensemble des territoires, les leviers à mobiliser seront nécessairement multiples et ne sauraient se résumer à une politique ambitieuse de stockage de l'eau en hiver. Dans ses contributions écrites, l'INRAE indique « Les exploitants agricoles, pour pouvoir préserver une capacité de production, devront combiner une série de mesures permettant d'adapter leurs systèmes de production à un climat modifié mais aussi de réduire la vulnérabilité de leurs productions. Ces leviers d'adaptation concernent l'ensemble de la filière et des territoires ».

Les différentes formes d'adaptation au changement climatique
de l'agriculture

Source : Contributions écrites de l'INRAE

Vers une agriculture résiliente : le levier de l'agroécologie

Dès lors qu'il est acté que la politique de stockage l'eau n'est qu'un levier parmi d'autres de résilience des productions agricoles, il en va de l'intérêt même des agriculteurs d'interroger en profondeur leurs pratiques agricoles, leur utilisation d'intrants, leur travail du sol et leur gestion du paysage. Si le stockage de l'eau permet d'améliorer la résilience immédiate de l'agriculture, les principes de l'agroécologie constituent un autre levier, transformant, de la résilience de l'agriculture française.

Ces principes peuvent se résumer en plusieurs points :

• valoriser le recyclage de la biomasse, en vue d'optimiser la décomposition de la matière organique et le recyclage des nutriments ;

• renforcer les systèmes agricoles à travers l'amélioration de la biodiversité (en créant des habitats pour les ennemis naturels des ravageurs, par exemple) ;

• fournir les conditions de sol les plus favorables à la croissance des plantes ;

• minimiser les pertes d'énergie, d'eau, de nutriments et de ressources génétiques en améliorant la conservation et la régénération des ressources en sols et en eau et de l'agrobiodiversité ;

• diversifier les espèces et les ressources génétiques de l'agroécosystème dans le temps et dans l'espace, de la parcelle au paysage ;

• renforcer les interactions biologiques et les synergies entre les composantes de l'agrobiodiversité, favorisant ainsi les processus et services écologiques clés.

Une publication de 2022 de l'INRAE examine l'effet des pratiques agricoles et du paysage sur la biodiversité, les fonctions écologiques et les rendements agricoles sur un site d'étude à long terme du sud-ouest de la France. Celle-ci montre que les pratiques agricoles qui diminuent la biodiversité agricole limitent par ailleurs le potentiel de rendement des cultures. A contrario, il est démontré que la biodiversité agricole contribue autant aux rendements des cultures et que les pratiques agricoles. Elle souligne également qu'augmenter l'hétérogénéité des paysages agricoles est un levier d'action considérable pour maintenir la stabilité des rendements agricoles face à des évènements climatiques défavorables plus fréquents282(*).

Une note d'analyse de France Stratégie de 2020283(*) souligne par ailleurs que « les exploitations agroécologiques284(*) présentent en général des résultats économiques à moyen terme supérieurs à ceux d'exploitations conventionnelles. C'est particulièrement le cas des exploitations en agriculture biologique (AB) ». Elle souligne en outre que les aides de la PAC ne sont pas proportionnées au service environnement rendu par les exploitations. Par exemple, les montants d'aide à l'hectare en grande culture pour les référentiels MAEC systèmes sont supérieurs à ceux du référentiel bio, alors que c'est bien ce dernier qui est porteur de la plus grande exigence environnementale.

III. UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE L'EAU À RÉARMER

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE DE LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉVOLUER NOS MODÈLES

1. Des concertations qui ont mis l'accent sur la sobriété et le partage de la ressource
a) Des Assises de l'eau au Plan eau
(1) L'objectif de sobriété affirmé par les Assises de l'eau

En matière de consommation d'eau, la préoccupation de sobriété est ancienne : depuis plusieurs décennies, des campagnes grand public de lutte contre le gaspillage utilisent le levier comportemental pour faire la promotion de mesures d'économie et d'éco-gestes. La majorité des usagers a aujourd'hui intégré le fait que l'utilisation raisonnée de l'eau était une piste d'adaptation privilégiée pour faire face à la moindre disponibilité spatiale et temporelle de la ressource. C'est le cas notamment de certains industriels, qui, pour réduire leur dépendance hydrique et les pertes de chiffre d'affaires imputables aux variabilités d'une ressource thermosensible, investissent dans des processus de production plus économes en eau : c'est ainsi qu'entre 1994 et 2020, les prélèvements d'eau douce pour les usages industriels ont diminué en moyenne de 1,6 % par an285(*).

Ces dernières années, la conscience accrue de la réduction des volumes disponibles pour l'ensemble des usages sous l'effet du changement climatique a incité les pouvoirs publics à changer d'échelle et à organiser des concertations spécifiques pour répondre aux défis de la gestion de l'eau, afin de favoriser le principe d'une sobriété choisie, plutôt que d'en arriver à des rationnements subis. Le premier temps des concertations s'est déroulé entre avril 2018 et juillet 2019, avec les deux séquences des Assises de l'eau, autour de trois objectifs principaux : protéger et restaurer les milieux aquatiques ; économiser et partager ; améliorer la qualité des services aux usagers. Ces concertations ont rassemblé l'ensemble des acteurs de l'eau : collectivités territoriales, entreprises, organisations professionnelles agricoles, associations de protection de la nature, associations de défense des consommateurs, chercheurs et hydrologues...

• La première séquence portait sur le petit cycle de l'eau et l'enjeu majeur de la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement : elle a notamment abouti à un objectif de réduction des fuites d'eau, à la nécessité d'une meilleure connaissance patrimoniale des réseaux - notamment dans les territoires ruraux - pour accélérer le renouvellement des installations d'eau en divisant par deux la durée du cycle de renouvellement des canalisations. Le principe de la généralisation de la tarification sociale de l'eau a également été affirmé, mesure qui sera instaurée par l'article 15 de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019, qui a ouvert à toutes les collectivités la possibilité de mettre en place une tarification sociale ou toute autre mesure en faveur de l'accès à l'eau.

• La seconde séquence était consacrée à la ressource en eau face au changement climatique, qui a notamment mis en évidence la nécessité de mieux protéger les captages d'eau potable, en y favorisant l'agriculture biologique et des pratiques agricoles qui utilisent moins de pesticides, à travers un plan d'action spécifique pour chacun des 1 000 captages prioritaires. Pour promouvoir une mise en oeuvre plus volontariste de cette mesure, une expérimentation d'un dispositif de paiement pour service environnemental a été retenue, avec une dotation spécifique de 150 millions d'euros.

Un objectif de réduction des prélèvements d'eau de 10 % en 5 ans et de 25 % en 15 ans a également été fixé, pour tous les usages (domestiques, agricoles, industriels), ainsi qu'un triplement des volumes d'eaux non conventionnelles réutilisées d'ici 2025, mais il ne s'agit que de trajectoires indicatives, sans caractère contraignant. La mise en oeuvre de la tarification incitative a également été encouragée, mais elle est restée à ce jour sans mise en oeuvre pratique.

Les Assises de l'eau ont eu le mérite d'inscrire les questions hydriques à l'agenda politique national et de mobiliser les acteurs de l'eau autour d'une vision-cadre et des objectifs partagés. Cet exercice original, cohérent avec l'organisation déconcentrée, démocratique et partenariale de la gestion de l'eau, a esquissé la première feuille de route à l'aune des projections hydrologiques tirées des travaux et simulations du GIEC. Les Assises de l'eau ont pris acte des défis auxquels se préparer : sobriété, investissements massifs dans le petit cycle de l'eau, anticipation des conflits d'usage et meilleure gestion des stress hydriques, protection indispensable de la ressource à la source, réutilisation, etc.

(2) La recherche d'un nouveau paradigme pour l'eau agricole : le Varenne de l'eau

La séquence généraliste des Assises de l'eau a été suivie du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, qui s'est déroulé de juin 2021 à janvier 2022 avec l'objectif d'apporter une réponse concertée aux enjeux de gestion de l'eau et d'adaptation au changement climatique auxquels est confrontée l'activité agricole. La méthode s'est voulue transversale, avec un double pilotage assuré à la fois par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

Des groupes de travail ont été constitués autour de trois axes stratégiques : se doter d'outils d'anticipation et de protection de l'agriculture dans le cadre de la gestion des aléas climatiques ; renforcer la résilience de l'agriculture dans une approche globale en agissant notamment sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et d'élevage, les infrastructures agroécologiques et l'efficience de l'eau d'irrigation ; partager une vision raisonnée des besoins et de l'accès aux ressources en eau mobilisables pour l'agriculture sur le long terme. Ces travaux ont constitué la matrice intellectuelle de la réforme de l'assurance récolte, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, qui repose sur un dispositif à trois étages : les aléas courants, assumés par les agriculteurs ; les aléas significatifs, dédommagés par l'assurance multirisque climatique des agriculteurs assurés et les aléas exceptionnels, pris en charge par la solidarité nationale pour tous les agriculteurs286(*).

Le Varenne agricole de l'eau reposait sur le pari qu'il est possible de parvenir à une gestion apaisée, équilibrée et durable de l'eau pour les usages agricoles en mobilisant tous les leviers : sobriété, résilience, évolutions de pratiques culturales, mais aussi en constituant de nouvelles retenues là où cette solution apparaît pertinente. Ainsi que l'a indiqué le préfet délégué interministériel chargé du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau, Frédéric Veau, devant la mission d'information, « le Varenne a cherché à trouver un équilibre entre l'adaptation et l'accès à la ressource, en fonction des réalités territoriales ». Lors de la conclusion du Varenne de l'eau par le Premier ministre le 1er février 2022, 24 mesures ont été annoncées.

Parmi les mesures intéressant au premier chef la gestion de l'eau, le Varenne de l'eau a conclu à la nécessité d'inventorier les plans d'eau d'une superficie supérieure à 0,1 hectare, dans l'objectif de mieux mobiliser les ouvrages hydrauliques existants. Ce travail a été entamé et a conduit à estimer, grâce à un système de relevé satellitaire, qu'il existait au plan national environ 350 000 plans d'eau. Ce travail de recensement du patrimoine hydraulique se poursuit désormais par l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) afin de déterminer la propriété des réservoirs, l'état des installations et d'inventorier les exploitations agricoles à proximité intéressées par l'utilisation de ces réserves en constituant une banque de données qui puisse être exploitable au niveau territorial.

Des moyens financiers ont été mobilisés pour accompagner les acteurs agricoles dans leur stratégie d'adaptation hydrique au changement climatique : 100 M € pour financer l'acquisition d'équipements et de matériels innovants, comme le pilotage intelligent des stockages d'eau et des systèmes d'irrigation performante et économe en eau, et 100 M € pour le soutien à l'innovation afin d'accélérer la transition des filières agricoles et alimentaires, dont une partie est consacrée au soutien aux investissements dans les projets collectifs pour l'amélioration ou la création d'infrastructures hydrauliques innovantes. Des expérimentations sont également prévues pour améliorer la connaissance des eaux non conventionnelles à travers la création d'un observatoire dédié à la réutilisation des eaux usées et le rôle du préfet a été renforcé afin d'améliorer les modalités de concertation, le calendrier et la prise de décisions nécessaires à l'émergence des PTGE, pour une gestion territorialisée de l'eau et la détermination des volumes prélevables hiver comme été sans menacer les milieux. Enfin, le site internet Propluvia287(*), alimenté par les services du ministère de la transition écologique, a été modernisé pour mieux informer le grand public des mesures de restrictions d'eau en vigueur dans leur département.

b) Le Plan eau pour faire face à l'urgence et préparer l'avenir

Cet exercice prospectif axé sur l'eau agricole a été poursuivi pour l'ensemble des usages par le Conseil national de la refondation dédié à l'eau, lancé le 29 septembre 2023 à Marseille par le ministre de la transition écologique, afin de tirer le bilan des objectifs issus des Assises de l'eau et du Varenne agricole, mais également ceux inscrits au sein des plans d'action plus sectoriels (nitrates, produits phytosanitaires, etc.). L'enjeu de cette séquence, préalable à l'annonce de mesures concrètes, était de clôturer le cycle de réflexion et de concertation autour de l'eau, en synthétisant les travaux et constats passés à l'aune de cinq enjeux - atténuation et adaptation au changement climatique, restauration de la biodiversité, préservation des ressources et santé-environnement. 

C'est à l'issue de cette séquence qu'a été présenté le plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau, par le Président de la République, à Savines-le-Lac le 30 mars 2023.

Le Plan eau décline 53 mesures autour de deux temporalités :

- à court terme, pour éviter cet été les mêmes difficultés que celles rencontrées lors la sécheresse de l'été dernier, en accompagnant notamment les 2 000 communes ayant rencontré des difficultés d'approvisionnement, avec une stratégie d'anticipation et des plans de sobriété ;

- à moyen et long termes, un plan d'action principalement financé par les agences de l'eau, qui bénéficieront pour ce faire d'une augmentation de 475 M € de leur plafond de recettes et du déplafonnement de leurs dépenses, à compter de la loi de finances pour 2024.

Il repose sur un objectif de baisse de 10 % des prélèvements d'eau dans tous les secteurs, par rapport à 2019. Il s'agit en réalité d'un objectif moins ambitieux que celui fixé en 2019 à l'occasion de la seconde séquence des Assises de l'eau, puisque l'échéance est reportée de 2025 à 2030.

Pour mener à bien cette ambition, cinq leviers d'action devront être mobilisés :

- accélérer la sobriété partout et dans la durée, en diminuant de 10 % les volumes prélevés d'ici 2030 dans tous les secteurs, avec une attention particulière aux 50 sites industriels ayant le plus fort potentiel de réduction et en soutenant les pratiques agricoles économes en eau à compter de 2024 à hauteur de 30 M € ; en planifiant mieux les efforts à travers les PTGE et la détermination de trajectoires de réduction des prélèvements ; en installant des dispositifs hydro-économes au sein des administrations publiques ; en favorisant l'installation de compteurs permettant la télétransmission des volumes consommés et en mesurant plus finement les volumes prélevés ;

- optimiser la disponibilité de la ressource, en sécurisant l'approvisionnement en eau potable par la réduction des fuites, avec un effort particulier de 180 M € au bénéfice des 170 collectivités ayant des taux de fuite supérieurs à 50 % ; en valorisant les eaux non conventionnelles (avec un objectif de réutilisation de 10 % des eaux usées traitées) ; en améliorant le stockage dans les sols, les nappes et les ouvrages et en créant un fonds hydraulique agricole ;

- préserver la qualité de l'eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels en prévenant les pollutions et en restaurant le grand cycle de l'eau pour améliorer la fonction « filtre » de la nature dans le cadre de solutions fondées sur la nature et la désimperméabilisation, en consacrant 50 M € à la mise aux normes des stations d'épuration prioritaires et en élaborant une stratégie nationale de recharge maîtrisée des aquifères ; en soutenant les pratiques agricoles à bas niveau d'intrants sur les aires d'alimentation de captage, qui représentent 3 % de la surface agricole utile ;

- mettre en place les moyens d'atteindre ces ambitions, en améliorant la gouvernance de la gestion de l'eau, en rétablissant un signal-prix de l'eau efficient avec l'instauration d'une tarification progressive, afin que le coût de la ressource intègre des paramètres de sobriété, dans une logique de responsabilisation des acteurs. À cette fin, le CESE a été saisi d'une mission visant à évaluer les évolutions nécessaires pour instaurer une tarification progressive de l'eau. L'empreinte eau devrait par ailleurs être intégrée dans l'affichage environnemental à compter de 2024 ;

- mieux répondre aux crises de sécheresse, avec la mise à disposition d'outils d'anticipation et d'information en temps réel ; la création de commissions locales de l'eau au niveau de chaque sous-bassin versant, en facilitant l'intervention des conseils départementaux en matière d'assistance technique et financière aux communes.

Sur le fond, force est de considérer que le Plan eau constitue en réalité plus une feuille de route qui doit être déclinée par différents véhicules législatifs et règlementaires, que des mesures directement opérationnelles. Les mesures annoncées doivent se traduire en politiques publiques concrètes, en financements adaptés et en accompagnement effectif des acteurs. L'enjeu de sobriété est proclamé avec force, mais les cibles sont plus lointaines et moins-disantes que celles déterminées à l'occasion des Assises de l'eau.

De plus, quelques angles morts sont à regretter : le volet assainissement est peu abordé alors que la révision de la directive eaux résiduaires urbaines et la montée de l'enjeu des micropolluants pèseront de façon sensible sur les services d'assainissement. L'instauration d'une tarification progressive se heurtera également au problème de la consommation au sein de l'habitat collectif et à la difficulté de déterminer les volumétries pertinentes pour chaque type d'usages. À ce jour, le plan n'est qu'un ensemble de possibles, un catalogue de mesures issues des précédents cycles de concertation, dont la traduction concrète est toujours attendue par les acteurs. De plus, les moyens financiers continueront de reposer sur les usagers de l'eau, sans que rien ne soit fait pour corriger la distorsion de sur-financement des utilisateurs domestiques.

La mission d'information espère donc que les promesses du Plan eau seront tenues sur la durée, pour faire face à la nouvelle donne hydrique, et que les mesures seront mises en cohérence pour garantir la lisibilité et la tenue du cap qui a été fixé. Les outils législatifs devront d'ailleurs être forgés avec le Parlement, notamment lors de l'examen de la loi de finances. Enfin, il serait opportun de renforcer les moyens humains des agences de l'eau, bras armé de l'État pour la conduite de la politique de l'eau : l'accompagnement territorial accru que le Plan eau leur confie intervient après une « décennie noire » pour leurs effectifs et une diminution de leur plafond d'emplois de l'ordre de 25 %. Il est indispensable que les agences de l'eau puissent bénéficier des moyens de leurs ambitions pour s'acquitter du mieux possible des missions croissantes qui leur sont confiées.

Les aspects financiers du Plan eau

Le Plan eau du Gouvernement prévoit la mobilisation de moyens supplémentaires pour les agences de l'eau : 475 millions d'euros par an (mesure n° 38). En outre, 100 millions d'euros par an sont prévus (mesure n° 31) sur le Fonds vert pour financer des projets de renaturation et de désimperméabilisation des collectivités territoriales.

Les 475 millions d'euros par an sont totalement fléchés vers les priorités suivantes :

• L'agriculture pour 160 millions d'euros :

- 30 millions d'euros pour le soutien aux pratiques agricoles économes en eau (mesure n° 4) ;

- 30 millions d'euros pour le fonds d'investissement hydraulique agricole (mesure n° 21) ;

- 100 millions d'euros pour diverses mesures d'accompagnement de la transformation des pratiques agricoles (mesure n° 27) : revalorisation des MAEC, aides au bio et protection des aides de captage (50 M €), expérimentation de paiements pour services environnementaux (30 M €) et acquisitions foncières des collectivités (20 M €) ;

- aucune enveloppe n'est en revanche spécifiée pour financer les aides des agences de l'eau à la récupération des eaux de toiture des bâtiments agricoles (mesure n° 19).

• Les collectivités pour 230 millions d'euros :

- 180 millions d'euros pour le plan anti-fuites et la sécurisation de l'alimentation en eau des collectivités territoriales (mesure n° 14) ;

- 50 millions d'euros pour la mise aux normes des stations d'épuration prioritaires (mesure n° 29) ;

- aucune enveloppe n'est toutefois indiquée pour financer l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) sur la réutilisation dans les communes littorales (mesure n° 18), ni pour financer la deuxième génération d'aquaprêts de la Banque des Territoires (mesure n° 41).

• Les autres priorités font l'objet d'une enveloppe de 85 millions d'euros ainsi répartie :

- 50 millions d'euros pour la préservation des zones humides (mesure n° 20) ;

- 35 millions d'euros de solidarité interbassin au bénéfice de l'outre-mer (mesure n° 40).

2. Les collectivités territoriales mises à contribution
a) Les collectivités et leurs groupements, acteurs majeurs du petit cycle

Depuis le début des années 1990, la progression continue du fait intercommunal a été mise en oeuvre par un législateur soucieux de limiter les inconvénients de l'émiettement communal : améliorer la qualité des services publics au bénéfice de tous les citoyens et promouvoir l'équité territoriale, de Dunkerque à Marseille et de Brest à Strasbourg, sont les principaux facteurs qui expliquent le développement de l'intercommunalité. Le relèvement des seuils démographiques, l'augmentation des compétences obligatoires et facultatives des intercommunalités, l'instauration d'une gouvernance politique, financière et administrative adaptée au fonctionnement démocratique de ce nouvel échelon institutionnel ont contribué à faire de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) un espace de gestion reconnu des habitants et de la collaboration du bloc communal une réalité au quotidien.

Les grandes lois de réforme territoriale des années 2010288(*), souvent présentées comme « l'acte III de la décentralisation », ont renforcé cette dynamique en parachevant la carte intercommunale, qui inclut désormais la quasi-totalité des communes françaises, exception faite de quatre communes insulaires289(*). Au 1er janvier 2023, la France métropolitaine et les départements d'outre-mer comptent 1 254 EPCI à fiscalité propre, soit 21 métropoles, 14 communautés urbaines, 227 communautés d'agglomération et 992 communautés de communes290(*). Les intercommunalités se sont vu confier trois domaines socles de compétences : le développement économique, l'aménagement de l'espace et la préservation de l'environnement.

Si la logique subsidiaire qui a prévalu dans les premiers temps, avec le souci d'une gestion efficace au meilleur niveau, a permis d'assurer la fluidité des relations entre élus du bloc communal, le renforcement des compétences des intercommunalités, la taille croissante des EPCI (phénomène des intercommunalités dites « XXL ») et l'enchevêtrement des compétences interrogent sur l'avenir de la commune rurale, qui continue par ailleurs à bénéficier d'un capital sympathie élevé des habitants.

Ainsi que l'a montré un précédent rapport du Sénat291(*), « l'agrandissement du périmètre intercommunal et l'extension des compétences obligatoires des EPCI à fiscalité propre soulèvent la question de la proximité d'exercice de certaines compétences. Les élus communaux regrettent que le renforcement de l'intercommunalité s'accompagne du transfert de compétences communales, transformant les communes en « coquilles vides ». Ce constat renforce chez certains élus municipaux le sentiment d'une « subordination » des communes envers l'intercommunalité mais également, notamment en milieu rural, d'une perte d'identité des communes et de leurs habitants, la peur d'un déclassement, en raison de leur éloignement aux services publics. Cette perte de proximité est d'autant plus mal vécue dans un contexte d'agrandissement des régions et des intercommunalités. Or certaines compétences communales ne peuvent être transférées au niveau intercommunal en raison de la proximité que réclame leur exercice. »

L'exercice des compétences eau et assainissement est un cas d'école de cette complexité politique à déterminer l'échelon pertinent de gestion. Cette question a nourri de nombreux débats politiques et, aujourd'hui encore, le sujet fait périodiquement l'objet d'initiatives parlementaires292(*) pour assouplir ou abroger le transfert obligatoire de ces compétences à l'intercommunalité, décidé lors de l'examen de la loi « NOTRe ». Les conditions dans lesquelles le transfert de ces compétences a été décidé au cours de la discussion parlementaire de la loi « NOTRe » expliquent pour partie l'acuité du sujet : c'est par un amendement déposé en première lecture, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, que le Gouvernement a fait adopter le transfert obligatoire de l'eau et de l'assainissement aux EPCI.

L'une des modifications les plus structurantes en matière de gestion de ces compétences est ainsi intervenue sans que les assemblées aient pu correctement expertiser l'ampleur de ce bouleversement. Le ministre au banc a justifié sa position par un souci d'efficacité et de rationalisation, dans le cadre d'une logique uniforme : « L'attribution de la compétence eau aux communautés de communes à titre obligatoire, comme c'est déjà le cas pour les métropoles et les communautés urbaines [...] vise à permettre un exercice plus efficient de cette compétence. La gestion de l'eau et de l'assainissement est actuellement assurée par près de 35 000 services d'eau et d'assainissement sur le territoire national. À plusieurs reprises, et très récemment encore dans son rapport public annuel de 2015, la Cour des comptes a dénoncé la dispersion, l'hétérogénéité et la complexité de l'organisation territoriale des services publics d'eau et d'assainissement. Cette organisation enchevêtrée de services communaux, intercommunaux et de syndicats techniques parfois très anciens, dont certains remontent au début du siècle dernier, ne coïncide pas nécessairement avec les bassins de vie ou les bassins hydrographiques. En outre, l'organisation reste très morcelée entre les compétences eau potable, assainissement collectif et assainissement non collectif. Sur les 13 225 services publics d'eau potable référencés dans l'Observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement, 74 % sont gérés par le niveau communal. La réduction du morcellement et de la dispersion de cette compétence exige donc l'attribution à titre obligatoire de celle-ci à chaque catégorie d'EPCI à fiscalité propre, dont les communautés de communes. Cette attribution n'interdit évidemment pas, dans un second temps, le transfert de cette compétence à des syndicats mixtes.293(*) »

En l'état actuel du droit, le transfert des compétences en matière d'eau potable et d'assainissement doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2026, au bénéfice de l'ensemble des communautés de communes. Il apparaît cependant que 663 communautés de communes n'exercent toujours pas la compétence « eau » au 1er octobre 2022, ce qui dénote l'absence de consensus majoritaire au sein des organes délibérants des communautés de communes. Sans se prononcer sur l'opportunité de rendre le transfert facultatif, la mission d'information constate que la gestion intercommunale à plus vaste échelle facilite la nécessaire interconnexion des réseaux qui permet d'accroître la résilience des systèmes de distribution de l'eau potable.

Le rapport consacré au retour d'expérience sur la sécheresse 2022 précité chiffre à un peu plus de 2 000 le nombre de communes ayant connu des ruptures d'approvisionnement en eau potable ou des risques de rupture l'année dernière. Mais tous les services d'eau n'ont pas été logés à la même enseigne. Le rapport indique notamment qu'« en situation de crise, les services d'eau potable de plus petite taille, que ce soit des syndicats ou des communes isolées n'ayant pas transféré la compétence à une structure intercommunale et n'ayant pas mis en place des interconnexions, ne disposent pas de la taille critique financière et technique pour mettre en place en urgence des solutions alternatives et se voient donc contraintes au pic de la crise à la distribution de bouteilles ou au citernage. »

Il semblerait donc qu'il y ait une corrélation entre la taille du service d'eau potable et sa capacité à répondre efficacement aux stress hydriques, dans la mesure où « en regardant plus particulièrement les 539 communes qui ont dû faire du citernage ou de la distribution de bouteilles, 80 % sont des communes isolées ou qui ont transféré la compétence à un syndicat de petite taille ». Selon ce retour d'expérience, il ressort de la sécheresse de l'été 2022 que « la question de la cohérence du périmètre de la structure exerçant la compétence est primordiale, et qu'une taille critique est à définir pour chacune d'entre elles (en fonction de la nature de la ressource, de son abondance et des recours ou de la multiplicité des points d'approvisionnement disponibles en cas de crise). L'échelle intercommunale et la stabilité législative sur ce point ne sauraient donc être remises en cause, tout en recherchant le périmètre le plus adéquat pour répondre aux enjeux des bassins concernés (délégation par la communauté de communes de l'exercice de la compétence à un syndicat infra-communautaire ou transfert à un syndicat supra-communautaire). »

En tout état de cause, la mutualisation, l'interconnexion des réseaux et la solidarité sont des réponses éprouvées, qui permettent de faire face aux situations de crise. Mais à moyen terme, la mission d'information considère que la meilleure stratégie d'adaptation consiste à réaliser des diagnostics de vulnérabilité de l'alimentation en eau potable, à accompagner les collectivités les plus exposées à ce risque de rupture et à réaliser les investissements nécessaires à la sécurisation de l'approvisionnement en eau. Sur cet aspect, l'intercommunalisation des compétences « eau » et « assainissement » est certainement la solution la plus pertinente dans les territoires caractérisés par une urbanisation en continuité, mais ce n'est pas forcément le cas partout, en particulier dans les territoires de montagne où le relief complique l'enfouissement d'importants linéaires de canalisation et au sein des intercommunalités étendues et très peu denses.

Quoi qu'il en soit, les communes et leurs groupements sont en première ligne pour répondre au défi de l'approvisionnement en eau en période de sécheresse et de stress hydrique. À cette fin, les services de distribution d'eau potable auront à anticiper ces phénomènes tout au long de l'année et à diversifier autant que possible les points de captage pour réduire leur dépendance et assurer leur résilience.

b) Des collectivités de plus en plus mises à contribution dans la gestion du grand cycle
(1) La prise de compétence GEMAPI

Au-delà du petit cycle, les collectivités territoriales ont un rôle croissant dans la gestion du grand cycle de l'eau. En témoigne la récente prise de compétence, exclusive et obligatoire, par le bloc communal de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), qui recouvre l'entretien et l'aménagement des cours d'eau, canaux, lacs et plans d'eau, la défense contre les inondations ainsi que la protection et la restauration des milieux aquatiques et des zones humides.

Comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son étude annuelle de 2010294(*) intitulée « L'eau et son droit », quelques années avant la mise en oeuvre de la GEMAPI, « la législation française a toujours traité séparément la gestion de l'eau et la prévention des inondations, rattachée aux textes relatifs aux risques naturels. Dans ces derniers, elle distingue les mesures de prévention, en amont des catastrophes, qui ont pour objet de délimiter les zones exposées aux risques et de prévoir les interdictions ou prescriptions qui s'imposent aux collectivités publiques et aux personnes privées et les mesures de sauvegarde, qui visent l'organisation opérationnelle des secours après une catastrophe. »

La compétence GEMAPI

La gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) est une compétence confiée par le législateur aux intercommunalités depuis les lois de décentralisation dites « Maptam » et 2005 « NOTRe », dans l'objectif d'en finir avec le morcellement et l'absence de cohérence des mesures de prévention du risque inondation. Les EPCI exercent cette compétence obligatoire depuis le 1er janvier 2018. Cette compétence est par ailleurs exclusive depuis la fin de la période de transition fixée au 1er janvier 2020.

Auparavant, l'exercice de ces missions incombait, de manière facultative, à diverses collectivités territoriales (régions, départements, communes et intercommunalités), mais aucune n'en était spécifiquement responsable. Désormais, c'est un seul échelon territorial, l'intercommunalité, qui est responsable en matière d'urbanisme, de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, pour favoriser les synergies entre politiques d'aménagement du territoire et de gestion de l'eau.

Afin de répondre à l'inquiétude que cette nouvelle compétence a suscitée auprès de nombreux élus locaux, le cadre en a été précisé et assoupli par la loi du 30 décembre 2017, en ouvrant notamment la possibilité pour les départements et les régions de continuer à exercer certaines missions en accord avec les EPCI bénéficiaires et la possibilité pour ces EPCI d'adapter la gouvernance territoriale autour de cette compétence.

I. Que recouvrent les compétences GEMAPI ?

Les actions entreprises par les intercommunalités dans le cadre de la GEMAPI sont définies à l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Elles concernent :

- l'aménagement des bassins versants ;

- l'entretien et l'aménagement des cours d'eau, canaux, lacs et plans d'eau ;

- la défense contre les inondations et contre la mer ;

- la protection et la restauration des zones humides.

Concrètement, les actions les plus structurantes en matière de prévention des inondations pour les territoires consistent en :

- la surveillance, l'entretien et la réhabilitation des digues qui sont des ouvrages passifs faisant rempart entre le cours d'eau en crue ou la mer et le territoire devant être protégé ;

- la création et la gestion d'aménagements hydrauliques destinées à stocker les masses d'eau prélevées du cours d'eau en crue aux fins de stockage provisoire dans les zones d'expansion de crue prévues à cet usage.

II. Les évolutions institutionnelles induites par la GEMAPI

Dans la mesure où le territoire hydrographique ne recouvre pas le périmètre des intercommunalités, la GEMAPI s'est accompagnée de la création et du renforcement d'organes spécifiquement chargés de la coordination des actions entreprises pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations :

- l'établissement public territorial de bassin (EPTB) a été refondé en tant que syndicat mixte ayant pour vocation d'assurer la coordination des « actions GEMAPI » sur une échelle territoriale plus large, celle du bassin versant. L'EPTB est également juridiquement fondé à assurer les actions en question par transfert de compétence des intercommunalités ou par le mécanisme juridique de la délégation de compétence quand ces autorités ne sont pas membres de l'EPTB ;

- l'établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) a vu le jour en tant que syndicat mixte spécialisé dans les actions GEMAPI, regroupant les intercommunalités à une échelle plus restreinte, correspondant à celle d'un sous-bassin versant.

III. Les sources de financement de la GEMAPI

En premier lieu, le code général des impôts donne la possibilité aux EPCI à fiscalité propre d'instituer et de percevoir une taxe facultative pour financer des actions en matière de GEMAPI. Ces derniers votent un produit final attendu, et non un taux. Le produit voté est réparti entre les contribuables assujettis aux taxes directes locales proportionnellement aux recettes que chacune d'elles a procurées l'année précédente sur le territoire de l'EPCI. Les taux d'imposition sont obtenus en divisant le produit réparti par les bases nettes d'imposition respectives.

La recette de cette taxe, dédiée exclusivement à la prise en charge de cette compétence, est plafonnée à 40 € par habitant. Le montant moyen de cette taxe s'élevait en 2020 à 6 € par habitant et seulement 55 % des intercommunalités l'ont mise en place. En 2021, son rendement à l'échelle nationale s'élève à 274,9 M €, soit une moyenne de 7,5 € par habitant assujetti. Cette taxe se caractérise par un fort dynamisme des recettes perçues, avec une multiplication par 11 entre 2017 et 2021.

Évolution des produits de la taxe GEMAPI

L'EPCI peut lever la taxe GEMAPI pour financer sa contribution statutaire à un syndicat mixte, à condition que le montant annuel de la taxe ne dépasse pas le montant de la contribution statutaire affectée par le ou les syndicats mixtes au financement des charges de fonctionnement et d'investissement résultant de l'exercice des missions rattachées à la compétence GEMAPI.

Malgré son rendement croissant, cette ressource ne suffit cependant pas à financer les projets de génie civil, dont les montants excèdent de beaucoup son produit. Bien souvent, elle ne suffit qu'à financer des études.

D'autres soutiens financiers sont mobilisables pour accompagner la mise en oeuvre des actions GEMAPI :

- les EPCI peuvent solliciter les agences de l'eau pour obtenir des subventions destinées à soutenir des actions de restauration des zones humides, des rivières, des lacs, des lagunes et du littoral, ainsi que pour la dépollution des milieux aquatiques ;

- le dispositif aquaprêt, géré par la Caisse des dépôts et des consignations, a été élargi à la GEMAPI depuis janvier 2019 ;

- le fonds de prévention des risques naturels majeurs permet de financer une part importante de la GEMAPI dans les territoires qui sont confrontés à des risques élevés d'inondation et de submersion marine, dans le cadre des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI).

IV. Une compétence complexe à financer dans certains territoires

La question du financement des compétences GEMAPI au sein d'EPCI à risques forts d'inondation et à faible densité de population reste sensible.

Il est souvent fait reproche que le montant de cette taxe, dans les territoires à faible densité de population, est inéquitable fiscalement pour les ménages mais surtout ne permet pas d'assurer les investissements nécessaires.

Il existe aujourd'hui un réel enjeu de nécessaire solidarité à l'échelle du bassin versant et le long du cours d'eau pour la gestion des risques d'inondation, entre des collectivités densément peuplées qui peuvent prendre en charge les actions de protection et celles pour qui la faiblesse de l'assiette ne permet pas de couvrir le financement d'ouvrages onéreux.

La fiscalité actuelle est inadaptée et les agences de l'eau n'interviennent que dans des proportions limitées - les 60 à 70 % de financements restants sont complexes à trouver. La question de l'intervention financière de l'État pourrait être une piste à explorer, dans une logique de péréquation et de solidarité territoriale.

Il s'agit d'une évolution majeure de la gouvernance du grand cycle de l'eau, avec une importante responsabilité confiée aux intercommunalités et aux structures « gémapiennes », intensive en ingénierie et en moyens d'intervention, qui implique la prise en charge d'investissements substantiels, dont le financement peut s'avérer extrêmement coûteux et impossible à couvrir totalement par la taxe qui peut être levée par les EPCI. D'autant que le système actuel ne répond que très imparfaitement aux impératifs de solidarité et de péréquation : dans le régime commun, l'entretien des digues et des barrages est pris en charge par l'intercommunalité où ces ouvrages sont implantés, alors qu'ils bénéficient à l'ensemble des collectivités en aval.

De plus, ce choix interroge quant à la désignation de l'échelon pertinent pour élaborer et conduire une politique de prévention efficace contre les inondations : celui-ci est rarement intercommunal et bien plus souvent le périmètre hydrographique du bassin versant. La sécurité face aux inondations, dont l'État était le garant depuis le XIXe siècle sans qu'une obligation règlementaire ne l'édicte expressément, se trouve devoir être assumée aujourd'hui par les intercommunalités, à travers la gestion de l'inconstructibilité en zone inondable, la construction et le maintien en bon état des systèmes d'endiguement et l'anticipation des effets des crues grâce aux bassins écrêteurs et aux ouvrages hydrauliques de régulation des eaux.

Au regard des difficultés qu'elle génère dans certains territoires, on peut déplorer que la GEMAPI est une révolution inachevée. De plus, le transfert de la compétence n'est pas intervenu sans heurts : la Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2023, parle d'un « contexte [...] marqué par des difficultés liées au transfert compliqué de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) aux EPCI ». L'AMF, dans son courrier d'observation à la Cour des comptes, regrette de son côté que « l'État continue de procéder à des transferts insidieux, ce fut le cas de la GEMAPI [...] sans réelle compensation. »

Au-delà du levier fiscal, qui ne permet pas de répondre à l'ensemble des défis et dont la manipulation n'est pas aisée dans tous les territoires, la mission d'information plaide pour que les transferts de compétences ne conduisent pas au désengagement de l'État et s'accompagnent des moyens adéquats, grâce à une authentique compensation des charges nouvelles qui pèsent sur les collectivités territoriales et leurs groupements. En présence de dépenses et d'investissements qui profitent bien au-delà du seul financeur, l'État doit jouer son rôle de financeur de la solidarité territoriale.

(2) La gestion des eaux pluviales ou l'anomalie d'une compétence inflationniste sans recette dédiée

La maîtrise de l'excédent d'eau passe également par une amélioration de la gestion des eaux pluviales. Sous l'effet conjugué du changement climatique, de la variabilité temporelle accrue des précipitations et du rythme d'imperméabilisation des sols, le ruissellement des eaux pluviales est amené à croître dans des laps de temps plus brefs, ce qui accroît sensiblement le risque d'inondations. Il contraint également le traitement des systèmes d'assainissement pendant les fortes pluies, dont la capacité de traitement de pointe en temps de pluie peut être dépassée, pouvant entraîner des rejets d'eaux usées non traitées dans les milieux. La volumétrie en jeu est considérable, puisque l'on considère à l'échelle nationale qu'environ 500 milliards de m d'eau proviennent de la pluie et de la neige. Les montants le sont tout autant, puisqu'on estime à 650 M € chaque année le coût minimal des dommages liés aux inondations en France295(*).

La compétence des communes en matière de gestion des eaux pluviales urbaines (GEPU) est définie à l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel « la gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines. » Ce service est notamment chargé d'assurer le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines.

Depuis le 1er janvier 2020, la gestion des eaux pluviales urbaines est une compétence facultative des communautés de communes. Contrairement au service public d'assainissement, qui constitue un service public industriel et commercial (SPIC), la gestion des eaux pluviales urbaines est un service public administratif (SPA) qui ne peut être financé par une redevance et reste ainsi à la charge du budget général de la collectivité ou du groupement qui en assure l'exercice. Le financement du service fait ainsi l'objet d'une participation forfaitaire du budget général en investissement et en fonctionnement, versée au budget annexe de l'assainissement296(*). La montée en puissance du coût prévisionnel de la gestion des eaux pluviales pour les collectivités conduira nécessairement à faire évoluer cette modalité de financement qui contrevient au principe selon lequel l'eau paye l'eau.

Trois grands enjeux se détachent pour les communes gestionnaires : les eaux pluviales et le ruissellement comme vecteur de pollution ; comme facteur d'inondation et comme ressource. L'atteinte du bon état écologique des masses d'eau, mis en avant par la DCE, suppose en effet de réduire sensiblement l'ensemble des flux de pollutions déversées par temps de pluie dans les milieux récepteurs.

La croissance rapide du tissu urbain pendant la seconde moitié du XXe siècle, génératrice d'une forte augmentation des surfaces imperméabilisées, a considérablement accru les volumes et les débits ruisselés, ce qui a conduit à une insuffisance des exutoires traditionnels et des systèmes d'assainissement par lequel les eaux pluviales ont longtemps été évacuées. Des techniques alternatives sont apparues, avec le stockage temporaire des eaux de pluie permettant de retarder l'écoulement avant l'exutoire et l'infiltration dans les sols.

Aujourd'hui, les modalités d'évacuation des eaux pluviales peuvent reposer sur :

un système séparatif, qui consiste à réserver un réseau à l'évacuation des eaux usées domestiques et certains effluents industriels tandis que l'évacuation des eaux météoriques est assurée par un autre réseau ;

un système unitaire, soit l'évacuation de l'ensemble des eaux usées et pluviales par un seul réseau généralement pourvu de déversoirs d'orages permettant le rejet direct d'une partie des eaux dans le milieu naturel ;

- un système mixte, c'est-à-dire un réseau constitué, suivant les zones, d'un système unitaire et d'un système séparatif ;

des techniques dites alternatives, qui visent à conférer aux surfaces sur lesquelles se produit le ruissellement un rôle régulateur fondé sur la rétention et l'infiltration.

Un rapport du CGEDD d'avril 2017297(*), intitulé « Gestion des eaux pluviales : dix ans pour relever le défi », pointe le fait que « les enjeux de la pollution urbaine, notamment pour la conformité aux directives européennes, se déplacent des eaux usées vers les eaux pluviales. [...] En effet, l'amélioration du traitement des eaux usées collectées par temps sec révèle maintenant l'importance des rejets de temps de pluie, y compris pour les paramètres les plus classiques de la pollution. La part principale de cet enjeu concerne les réseaux dits unitaires où eaux pluviales et eaux usées sont mélangées. » Partant du constat que les différentes stratégies mises en oeuvre ont conduit à la constitution d'un système de plus en plus complexe de gestion des eaux pluviales et que la connaissance du patrimoine pluvial est trop parcellaire, ce rapport invite à mieux définir les politiques concernant les eaux pluviales et le ruissellement, à mieux les articuler entre elles, à en améliorer les mécanismes de financement à travers une stratégie réaliste d'investissement et propose notamment d'établir une compétence unifiée, dans le cadre d'un schéma directeur unique, exercée via l'élargissement du SPIC d'assainissement financé par des recettes hybrides.

En 2019, les Assises de l'eau ont conclu à la nécessité de promouvoir une gestion intégrée des eaux pluviales et de maîtriser le ruissellement des eaux au plus près de leur point de chute, à travers l'adoption d'ici à 2026, par chaque commune ou groupement de communes compétent, d'un schéma directeur de gestion des eaux pluviales et un zonage pluvial qui privilégie l'infiltration ainsi que la mention, dans les rapports annuels sur les prix et la qualité des services publics d'eau et d'assainissement, des dépenses et contributions financières liées à la gestion des eaux pluviales urbaines.

En novembre 2021, le Gouvernement a annoncé un plan national d'actions pour la gestion des eaux pluviales, qui couvre la période 2022-2024 et reprend les principales recommandations du rapport précité du CGEDD : mieux intégrer la gestion des eaux pluviales dans les politiques d'aménagement du territoire, réduire leur impact sur la qualité des milieux aquatiques et faire de ces eaux une ressource pour favoriser l'adaptation des villes au changement climatique. Parmi les mesures phares figurent l'intégration de la question des eaux pluviales dans les documents d'urbanisme (SCoT et PLU(i) notamment), le déploiement d'outils de planification spécifiques à la gestion des eaux pluviales et l'amélioration de la connaissance sur les rejets de temps de pluie issus des réseaux unitaires ou mixtes de collecte des eaux usées. Quant au Plan eau, il préconise un large soutien des agences de l'eau à la récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles.

La mission d'information estime que le zonage pluvial298(*) est un bon outil d'aménagement et d'aide à la décision afin de limiter les nuisances et pollutions générées par le ruissellement, mais également de promouvoir un modèle de « ville éponge », plus résiliente face aux stress hydriques et aux pics de chaleur et qui réduit les volumes d'eau à gérer par les collectivités. En revanche, le modèle économique de cette gestion reste à trouver : les interactions de la gestion des eaux pluviales avec d'autres services urbains - assainissement des eaux usées, voiries, espaces verts, aménagement - complexifient les modalités de son financement.

Dans un premier temps, la possibilité de lever une taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines (TGEPU) avait été instituée par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 et précisée par la loi de 2010 dite « Grenelle 2 », mais elle été supprimée par la loi de finances pour 2015, au motif que peu de collectivités s'étaient saisies de cette possibilité. Les agences de l'eau interviennent bien en accompagnement des collectivités - dans le cadre du 11e programme d'intervention des agences de l'eau (2019-2024), 859 M € d'aides sont consacrés à la gestion des eaux pluviales - mais le reste à financer est très important. Selon l'Union nationale des entreprises et des industries de l'eau (UIE), « chaque année, environ 200 millions d'euros sont dépensés par les collectivités locales et 100 millions d'euros par les agences de l'eau - ce montant devrait passer à 150 millions par an - et de l'ordre de 300 millions par an pour un mix entre des dépenses d'exploitation et un peu de dépenses d'investissement ». L'UIE estime ainsi que le déficit annuel d'investissement pour les eaux pluviales est de l'ordre d'un milliard d'euros.

Le principe d'un financement des eaux pluviales qui reste à la charge du budget général, au lieu d'une redevance affectée, ne contribue pas à la prise de conscience des acteurs de l'importance de la désimperméabilisation des sols et du traitement des eaux pluviales au plus près de l'endroit où elles tombent. L'absence de recette dédiée et le fait que la charge de gestion des eaux pluviales soit supportée exclusivement par les contribuables locaux et les consommateurs d'eau, brouille par ailleurs la distinction entre les eaux usées et les eaux pluviales, ces dernières pouvant être une ressource et une opportunité pour accroître la résilience des villes. Le principe d'une taxe affectée présente un autre avantage : elle incite les propriétaires des parcelles à l'origine des plus forts déversements à développer des dispositifs de rétention à la source des eaux de ruissellement, afin de réduire la taxe à laquelle ils sont soumis.

La mission d'information recommande enfin la généralisation de la gestion des eaux à la parcelle, là où c'est possible, et notamment le développement de la récupération des eaux de pluie, avec un soutien plus volontaire de la part de l'État et des agences de l'eau pour l'équipement des ménages, afin de sortir du « tout-tuyau » et l'évacuation systématique des eaux en dehors du tissu urbain.

B. ORGANISER LA MOBILISATION GÉNÉRALE AUTOUR DE L'EAU

Devant le risque d'une crise structurelle de l'eau et de conflits à répétition, le catastrophisme n'est pas de mise, mais le déni ne doit pas l'être non plus. La France peut compter sur une ressource en eau renouvelable, mais notre pays doit repenser la manière de l'utiliser dans les territoires et ne peut se contenter d'ajustements à la marge.

Ce diagnostic, partagé assez largement par l'ensemble des acteurs de l'eau entendus par la mission d'information, appelle une mobilisation forte autour de l'eau, en activant une multitude de leviers, détaillées ci-après :

- d'abord, le levier de la gouvernance doit être renforcé, en faisant en sorte d'impliquer et de responsabiliser tous les acteurs de l'eau à la bonne échelle territoriale, sans écarter le citoyen, qui considère bien souvent l'eau comme une question lointaine et technique. Des modifications législatives et réglementaires seront peut-être nécessaires, même si l'arsenal législatif existant est déjà bien fourni et la pertinence d'une nouvelle loi sur l'eau ne fait pas consensus. Incontestablement, elle constituerait un signal de l'importance que l'on souhaite accorder à cet enjeu. Mais les changements législatifs attendus relèvent plus d'ajustements techniques que de modifications de l'architecture générale de la politique de l'eau, si bien qu'une grande loi sur l'eau, à l'instar de celles de 1964, 1992 et 2006, paraît peu utile ;

- le levier de la connaissance et de la recherche est indispensable : la collecte de données et la construction de modèles prédictifs et d'outils d'aide à la décision permet d'éviter d'être pris de court par les modifications saisonnières et climatiques du régime hydrique ;

- le levier technologique est le plus souvent mis en avant. Il est utile, mais on ne peut attendre de la seule technologie la réponse à tous nos problèmes. Le « techno-solutionnisme » ne saurait être l'unique voie à emprunter ;

- enfin, le levier financier est à conforter. On a trop longtemps compté sur les investissements du passé pour s'affranchir de la nécessité d'en faire de nouveaux. Or, nous arrivons à un stade où une meilleure gestion de l'eau coûtera nécessairement davantage. Tout l'enjeu est de déterminer les enveloppes à mobiliser et qui doit être mis à contribution, en apportant les bonnes incitations aux utilisateurs de l'eau.

1. Le levier de la gouvernance : mieux planifier et clarifier les responsabilités
a) Donner un cap à la politique nationale de l'eau et conforter l'État dans ses fonctions régaliennes
(1) Renforcer la gouvernance nationale de l'eau

Une bonne gouvernance de l'eau commence par la définition d'une stratégie lisible, comprise et partagée. La mise en oeuvre des politiques de l'eau est forcément locale, tant les différences de situation entre territoires est forte. Mais cette volonté légitime de différenciation ne peut prospérer que dans un cadre global.

Les Assises de l'eau, le Varenne agricole de l'eau et maintenant le Plan eau jouent ce rôle. Ce dernier apparaît toutefois plus comme une réponse à l'urgence créée par la sécheresse de 2022 et les perspectives de sécheresse de 2023. Par ailleurs, s'il a fait l'objet d'une large concertation avec les acteurs de l'eau, il est encore insuffisamment connu et approprié par le grand public. Enfin, il est insatisfaisant dans une démocratie parlementaire qu'il n'ait pas fait l'objet d'un débat dans les assemblées et donné lieu à une validation par un vote des orientations qu'il fixe. Par ailleurs, il convient d'effectuer un suivi de ces documents d'orientation stratégique dans la durée, pour en évaluer les effets réels, et éventuellement ajuster les échéances ou les outils.

Afin de donner ce cap à la politique de l'eau, il serait utile de moderniser le code de l'environnement pour y affirmer deux orientations très consensuelles de la politique de l'eau qui guideraient la mise en oeuvre sur le terrain des actions des multiples intervenants : agences de l'eau, EPTB et EPAGE, collectivités :

1er axe : la sobriété. Elle s'impose du fait des perspectives de raréfaction de la ressource en eau et des risques de dégradation des milieux et des services rendus par la nature. La définition d'un objectif de baisse de 10 % de nos prélèvements et de nos consommations constitue un signal. Plus profondément, ce sont des changements de pratiques qu'il faut encourager, pour aller vers davantage de résilience en étant capable de davantage économiser l'eau ;

2axe : la contractualisation. La mise en oeuvre de la sobriété et l'adaptation au changement climatique nécessitent des efforts de chacun et un accompagnement financier vers de nouvelles pratiques. L'acceptabilité d'efforts concomitants pourrait passer par des « contrats d'engagement réciproques » déclinant les actions mises en oeuvre par les différents acteurs du territoire : services d'eau potable, profession agricole, gestionnaires des réserves hydroélectriques ou pour la navigation, collectivités territoriales, agences de l'eau. L'échelle pertinente, dans un premier temps, est celle des bassins avant de descendre à celle des sous-bassins.

Ensuite, il conviendrait de renforcer le cadre de la gouvernance nationale de l'eau en confortant le rôle du Conseil national de l'eau (CNE). La dernière mesure du Plan eau prévoit précisément un compte rendu de son état d'avancement au moins tous les six mois, dont le cadre naturel serait le CNE. Organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de l'environnement, il associe un maximum de parties prenantes mais est peu connu du grand public.

Il pourrait se voir reconnaître une place plus éminente par une évolution de son positionnement institutionnel. Sans pour autant en faire une Autorité administrative indépendante (AAI), il pourrait être transformé en Haut Conseil, sur le modèle du Haut Conseil de la Santé Publique ou du Haut Conseil pour le Climat, chargé d'apporter son éclairage sur l'ensemble des aspects de la politique de l'eau.

Il pourrait ainsi disposer de capacités propres d'expertise, collecter des données, commander des études, s'adjoindre un conseil scientifique et formuler des propositions. Il serait toujours un Parlement de l'eau, réunissant l'ensemble des parties prenantes, mais il serait un Parlement de l'eau outillé pour mener à bien ses missions de conseil et d'appui.

Il serait ainsi davantage encore qu'aujourd'hui le garant d'une politique de l'eau ambitieuse à l'échelle nationale, sans qu'il soit pour autant nécessaire de créer, comme cela a été suggéré à la mission, un ministère de l'eau.

Son nouveau positionnement l'amènerait à être également bien placé pour jouer un rôle de médiateur en cas de conflit entre institutions chargées de mettre en oeuvre la politique de l'eau ou de projets d'une certaine ampleur, une médiation de premier niveau devant toutefois être assurée par les comités de bassin, par eux-mêmes ou en désignant un interlocuteur présentant des garanties de compétence et de neutralité.

(2) Réaffirmer les missions régaliennes de l'État

La recherche d'une réduction des atteintes à la qualité de l'eau est une exigence de la DCE et engage la responsabilité de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Il ne s'agit pas de sur-réglementer et d'aller au-delà des textes européens déjà exigeants, mais de ne pas baisser la garde sur la qualité de l'eau.

L'élévation des températures et l'aggravation des étiages vont mécaniquement détériorer l'état des masses d'eau, en réduisant l'effet de dilution des polluants à émissions constantes. Leur concentration pourrait être accrue pendant la saison estivale.

Par ailleurs, la prise de conscience de l'effet délétère sur la santé et sur l'environnement de polluants persistants jusqu'ici peu surveillés doit conduire à renforcer les exigences réglementaires et d'élargir la liste des substances recherchées.

Ce constat justifie pleinement la suggestion figurant dans le présent rapport consistant à « étoffer les contrôles sanitaires de la qualité de l'eau pour disposer d'un suivi fin des contaminants et identifier les polluants émergents, tant dans l'eau potable que dans l'environnement ».

Par ailleurs, l'État a son rôle à jouer dans le contrôle de l'application de la réglementation à travers la police de l'eau. Celle-ci a pour objectifs de préserver les milieux aquatiques et la ressource en eau, d'en rétablir la qualité et d'en concilier les usages. Toutes les eaux sont concernées : douces, salées et saumâtres, souterraines ou superficielles.

La police de l'eau désigne à la fois l'ensemble des activités d'instruction et de contrôle de la protection et de la qualité de l'eau dépendant de l'État, et les personnels chargés de ce contrôle.

Elle s'exerce dans le cadre d'une stratégie de contrôle élaborée dans chaque département au sein de la Mission interservices de l'eau et de la nature (Misen), placée sous l'autorité du préfet et du procureur de la République, et s'appuie sur des réseaux d'alerte et de mesure, ainsi que sur des laboratoires d'analyses. Depuis la réforme de juillet 2013, les attributions relatives à l'eau et à la nature ont été regroupées.

En matière de police judiciaire, les fonctionnaires ou agents publics ont la qualité d'inspecteurs de l'environnement lorsqu'ils sont commissionnés par le préfet et assermentés, en relation avec le procureur de la République. Cela concerne notamment les services déconcentrés de l'État : services de police de l'eau des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et services de police de l'environnement des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), l'Office français de la biodiversité (OFB), les personnels des parcs nationaux, du Conservatoire du littoral, mais aussi la police et la gendarmerie, les maires et agents de police municipale. Disposant de certaines prérogatives de police judiciaire (constatation, visite domiciliaire, audition, investigations), ils sont amenés à identifier les auteurs présumés d'infraction et à dresser des procès-verbaux constatant ces infractions. Les procureurs de la République décident des suites à donner à ces constats d'infraction, et peuvent, dans les cas les plus graves, ordonner des poursuites devant le tribunal correctionnel ou de police.

En matière administrative, la police de l'eau, effectuée par les mêmes agents, sous l'autorité du préfet, instruit, suit et révise les demandes d'autorisation et de déclaration relatives à la loi sur l'eau, fixe les prescriptions visant à limiter les atteintes à la ressource en eau et aux milieux aquatiques et contrôle la conformité des travaux, installations et activités réalisés par rapport aux autorisations administratives obtenues. Des sanctions administratives sont proposées en cas de constat d'infraction.

Un rapport du CGEDD sur l'exercice de la police de l'eau et de la nature dans les services déconcentrés et les opérateurs de l'État publié fin 2018299(*) estimait à 3 700 ETP les effectifs qui contribuent à la police de l'eau et de la nature. L'OFB estime à 480 ETP ses effectifs consacrés à la police de l'eau. Les services de l'État (DDTM et DREAL) n'y consacreraient en revanche qu'un peu moins de 200 agents.

Le rapport d'information sur la gestion des conflits d'usage en situation de pénurie d'eau adopté par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale300(*) publié en 2020 pointait la faiblesse des contrôles (à peine 6 000 contrôles des mesures sécheresse en 2019 sur toute la France) et la rareté ainsi que la modicité des sanctions (seulement 250 suites judiciaires ou administratives en 2019).

Enfin, le rapport de l'IEGDD et de l'IGA sur l'organisation territoriale de l'État en matière de politique de l'eau et de la pêche en eau douce publié en mars 2022301(*) insistait sur la nécessité de mettre en place une organisation plus efficiente et plus lisible de la police de l'eau. Le rapport suggérait également de confier une partie des missions de police aux collectivités territoriales.

La mission ne s'engage pas dans cette voie et souhaite que la fonction de contrôle reste une attribution régalienne de l'État, qui doit l'assurer de manière effective et homogène sur le territoire, pour éviter tout sentiment d'injustice.

La complexité des réglementations mais également celle des situations concrètes conduit parfois à ne pas bien identifier ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Les contrôles effectués dans le cadre de la police de l'eau peuvent donc conduire à des conflits d'interprétation. Il convient de renforcer l'approche par le dialogue et la pédagogie, ne faisant pas de la sanction l'aboutissement privilégié des procédures, mais le dernier recours à l'issue d'un processus contradictoire.

La mission formule donc les propositions suivantes :

1 - Fixer dans la loi l'objectif de sobriété hydrique.

2 - Définir un cadre général de contrats d'engagements réciproques à l'échelle des bassins et sous-bassins.

3 - Engager une réflexion sur la transformation du CNE en Haut Conseil doté de fonctions propres d'expertise.

4 - Confier aux comités de bassin une mission de médiation dans les conflits de l'eau, et permettre au CNE de jouer un rôle de médiateur national, lorsque la médiation à l'échelle des bassins n'est pas possible.

5 - Conforter la police de l'eau, pour assurer un contrôle effectif du respect du cadre législatif et réglementaire qui s'impose aux utilisateurs de l'eau.

b) Renforcer la structuration par bassin et sous-bassin

Fixée par la loi et les textes européens, l'approche par bassin hydrographique constitue le cadre de la politique de l'eau depuis un demi-siècle en France. Elle est considérée comme globalement performante et n'est pas remise en cause. Elle est un cadre pertinent pour identifier les enjeux et organiser la planification à travers les SDAGE.

Mais il est nécessaire de développer une approche plus fine, par sous-bassin, afin de mettre en oeuvre des politiques de l'eau qui soient pertinentes au plus près du terrain. La réalité est en effet fort différente d'un sous-bassin à l'autre.

Or, la structuration des sous-bassins est très hétérogène. Les acteurs de l'eau sont plus ou moins bien organisés et n'ont pas partout pris à bras-le-corps l'enjeu de la gestion collective de l'eau. Seulement la moitié du territoire est ainsi couvert par un SAGE.

En ce sens, le livre bleu de l'Association nationale des élus de bassin (ANEB)302(*) publié fin 2022 demandait clairement de « donner aux acteurs locaux les moyens d'un déploiement, sur tout le territoire national, de stratégies solidaires de gestion globale de l'eau aux échelles hydrographiques adaptées ». Il faisait reposer la gouvernance de l'eau sur quatre piliers :

- l'élaboration d'ici 2025 d'une carte des « bassins hydrographiques de planification » correspondant aux sous-bassins versants couvrant tout le territoire ;

- l'installation d'une Commission locale de l'eau (CLE) dans chaque sous-bassin, chargée non seulement comme aujourd'hui de préparer les SAGE mais aussi des concertations et des médiations et donnant son avis sur les actions et programmes du territoire ;

- l'élaboration d'un SAGE dans chaque sous-bassin, mais en laissant la possibilité aux CLE, compte tenu de la complexité et de la lourdeur de la préparation des SAGE, de travailler dans un premier temps sur des sujets prioritaires en dehors de la démarche des SAGE ;

- la mise en place sur chaque sous-bassin d'un EPTB ou d'un EPAGE capable de porter la maîtrise d'ouvrage publique afin de mettre en oeuvre les SAGE et d'être le support des CLE. Lorsque plusieurs EPTB existent sur un même sous-bassin, un schéma de coopération entre EPTB est établi.

Le Plan eau ne va pas aussi loin, en ne proposant (mesure n° 33) qu'une généralisation des CLE par sous-bassin et une modernisation des SAGE (mesure n° 34) qui seraient encouragés et non rendus obligatoires.

Imposer un schéma un peu trop rigide, sans laisser les territoires s'auto-organiser, ne garantit vraisemblablement pas une bonne gouvernance locale de l'eau. La prise en compte des nouveaux enjeux doit résulter d'une prise d'initiative locale, qui suit la prise de conscience de la nécessité de s'organiser face aux risques d'excès d'eau, d'insuffisance d'eau ou de dégradation de sa qualité.

Par ailleurs, le temps nécessaire à la réalisation des SAGE et leur complexité dissuade souvent de se lancer dans la démarche, ou conduit à disposer de plans difficilement applicables, faute de moyens de mise en oeuvre. Plutôt que de devoir attendre qu'un SAGE soit achevé pour qu'il commence à produire ses effets, on pourrait envisager de créer des SAGE simplifiés, qui comprendraient un état prévisionnel des ressources et définirait les trajectoires en matière de prélèvements pour chaque usage et en matière de protection qualitative de la ressource.

La mission préconise donc de :

6 - Soutenir la création de CLE à l'échelle de chaque sous-bassin, associant toutes les parties prenantes, et compétentes pour la planification à long terme comme pour la gestion de crise, animées de préférence par les EPTB et EPAGE s'ils existent (mais sans les rendre obligatoires) et à défaut par les services de l'État.

7 - Permettre aux CLE d'adopter des SAGE simplifiés ou SAGE de préfiguration, assortis d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs contraignants.

c) Faciliter l'implication des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des politiques de l'eau

La mise en oeuvre pratique des politiques de l'eau repose très largement sur les collectivités territoriales, qui ont la maîtrise d'ouvrage des équipements du petit cycle de l'eau mais aussi largement de ceux destinés à agir sur le grand cycle.

(1) La question de l'intercommunalisation des compétences eau et assainissement

La taille des collectivités peut être en obstacle dans la capacité à mettre en oeuvre effectivement les mesures nécessaires à une gestion efficace de l'eau. La réponse privilégiée devant cette difficulté a été d'aller vers l'intercommunalisation des compétences. C'est ainsi le cas pour l'eau potable et l'assainissement qui doivent être transférés à l'échéance de 2026.

Si l'échelle intercommunale est sans doute pertinente, elle entraîne des effets de bord négatifs qui ne peuvent être ignorés : mutualisation des ressources pouvant pénaliser les communes ayant bien géré leur eau et constitué des réserves, au profit de communes ayant des réseaux fuyards et dont le prix de l'eau avait été maintenu à des niveaux artificiellement bas, convergence vers des tarifs globalement plus élevés, perte de contrôle des élus locaux sur la prise de décision, charges supplémentaires liées à la création de structures massives contrebalançant les économies d'échelle permises par le regroupement. Le chapitre du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes consacré à la gestion quantitative de l'eau303(*) constate même que l'attribution de la compétence eau aux intercommunalités a pu conduire à un recul de la coopération entre communes : ainsi, la Communauté d'agglomération de Vannes a choisi d'exercer directement sa compétence et de sortir du syndicat départemental « Eau du Morbihan ».

À l'inverse, la gestion purement communale peut aussi avoir ses faiblesses, notamment pour faire face aux crises, ce que soulignait le rapport sur le retour d'expérience de la sécheresse 2022 précité.

La mission « flash » de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale sur l'exercice des compétences relatives à l'eau et à l'assainissement par les communes et leurs groupements304(*), qui a rendu ses conclusions, recommande de « laisser les communes déterminer la meilleure solution pour l'exercice de ces compétences » (eau et assainissement), ce qui conduit à revenir sur leur intercommunalisation obligatoire.

La mission ne prend pas position sur ce sujet, même si de nombreuses voix se sont élevées pour recommander la plus grande souplesse afin de ne pas imposer un modèle national qui n'a pas de pertinence partout. Il n'y a cependant pas consensus : ainsi, Intercommunalités de France, comme le CNE, recommandent de ne plus différer l'intercommunalisation de la compétence eau et de conserver l'échéance de 2026, tandis que l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux de France recommandent le maintien de la possibilité de gestion communale.

(2) La question de la prise en compte de l'eau par les documents d'urbanisme

Par leur rôle de planification de l'utilisation de l'espace, assuré par les règles d'urbanisme qu'elles définissent, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent avoir un impact fort sur la gestion de l'eau.

Les documents d'urbanisme peuvent imposer vis-à-vis des documents d'orientation des politiques publiques ou des autres documents d'urbanisme de rang inférieur des obligations plus ou moins exigeantes :

- la prise en compte impose simplement de ne pas ignorer l'existence du document d'urbanisme ;

- la compatibilité contraint à ne pas faire obstacle aux objectifs du document d'urbanisme en question ;

- enfin, la conformité, niveau le plus élevé, force à suivre les prescriptions du document d'urbanisme.

Les relations entre documents de planification vont dans les deux sens : les SDAGE et les SAGE, par exemple, peuvent avoir une influence sur la manière dont les documents d'urbanisme doivent être écrits.

Or, la prise en compte de l'eau dans l'ensemble des documents d'urbanisme s'avère extrêmement ténue, et ce à tous les niveaux.

À l'échelle des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), comme en atteste une étude de l'association Amorce305(*) publiée en juin 2023, des objectifs liés à la ressource en eau sont souvent définis, soit directement, soit indirectement au travers des objectifs concernant la biodiversité et les ressources naturelles. Mais, la même étude souligne que « pour aucun des SRADDET analysés, l'eau n'est présentée comme un axe majeur ». Seul fait exception le SRADDET des Pays-de-la-Loire, dont l'une des sept grandes orientations s'intitule « Faire de l'eau une grande cause régionale ». Les enjeux de l'eau s'imposent donc mollement aux documents d'urbanisme de rang inférieur. En outre, l'étude pointe le faible lien fait entre SDAGE et SRADDET, qui n'est sans doute pas étranger au fait que les périmètres de ces documents sont différents, les premiers couvrant un bassin hydrographique et les seconds une région administrative. Une telle faiblesse est considérée comme regrettable dans la mesure où « le SRADDET représente une opportunité pour mieux travailler en transversalité autour d'une stratégie commune ». L'association Amorce préconise donc de renforcer les objectifs et actions sur l'eau figurant dans les SRADDET, en les déclinant par sous-bassin versant.

À l'échelle des Schémas de cohérence territoriale (SCoT), l'eau pourrait aussi être mieux prise en compte, indirectement en bénéficiant du renforcement de sa place au sein des SRADDET, les SCOT devant prendre en compte leurs objectifs et être compatibles avec leurs règles générales, mais aussi directement, par eux-mêmes. En application de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme, les SCOT doivent être compatibles avec « les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux » des SDAGE ainsi qu'avec les « objectifs de protection » définis par les SAGE. Or, le rapport de compatibilité est plus souple qu'un rapport de conformité. Il impose simplement une absence de contradiction. En pratique, le lien entre problématiques de l'eau et SCoT s'avère léger.

Enfin, à l'échelle des PLU ou PLUI, la prise en compte des questions d'eau se fait à travers l'exigence de compatibilité avec le SCoT, et en l'absence de SCOT par une exigence de compatibilité directement avec les SAGE et SDAGE.

Dans l'application quotidienne des règles d'urbanisme, la question de l'eau s'impose toutefois de plus en plus. Ainsi, devant les risques de manques de disponibilité en eau, certains maires ont annoncé refuser les nouvelles demandes de permis de construire ou encore s'opposer aux déclarations préalables de travaux, notamment pour des piscines, voire pour des nouveaux bâtiments d'habitation. Ils peuvent s'appuyer sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui précise que « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». L'insuffisance d'eau porte en effet atteinte à la salubrité. Mais l'interdiction est juridiquement fragile si l'eau est encore disponible et son absence ne constitue qu'une perspective future éventuelle. Les piscines ne représentent d'ailleurs que 0,15 % des consommations d'eau et les restrictions à leur construction n'apportent qu'une réponse marginale à l'insuffisance structurelle de ressource.

La Fédération nationale des SCOT suggère de hiérarchiser nos besoins en termes d'urbanisme. Par exemple, une demande de permis pour l'extension d'une crèche, d'un cabinet médical ou d'une école, des constructions manifestement indispensables à l'intérêt général, pourrait être prioritaire par rapport à un permis de construire pour une maison individuelle avec piscine.

La prise en compte de la thématique de l'eau dans les SCoT

Les SCoT constituent le bon niveau de prise en compte des enjeux de l'eau. Leur périmètre couvre cependant fréquemment une pluralité de sous-bassins versants, ce qui complexifie cette prise en compte.

Les questions relevant du petit cycle de l'eau au sein des SCOT :

Si la question des réseaux d'eau et d'assainissement est davantage prise en compte de manière opérationnelle à travers les PLU et PLUI, les SCoT peuvent intégrer des orientations relatives à la planification et à l'organisation des réseaux d'eau et d'assainissement, notamment en prescrivant la réalisation de schémas directeurs de gestion des réseaux d'eaux pluviales pour toutes les communes d'un même territoire.

Certains SCoT peuvent également inclure des dispositions visant à promouvoir la gestion durable de l'eau et de l'assainissement. Cela peut impliquer l'encouragement de pratiques d'infiltration et de gestion des eaux pluviales, telles que la récupération et l'infiltration des eaux de pluie, afin de limiter les rejets dans les réseaux d'assainissement et de préserver la ressource en eau. Par exemple, le SCoT du Grand Douaisis impose la gestion à la parcelle des eaux pluviales pour toutes les nouvelles opérations d'aménagement ou le SCoT de l'Agglomération Messine qui a engagé une action sur la désimperméabilisation en zone urbaine.

Les SCoT peuvent également identifier les zones nécessitant des infrastructures de distribution d'eau et de collecte des eaux usées, en tenant compte des besoins actuels et futurs des territoires. Cette approche permet d'anticiper les besoins en matière de réseaux et de dimensionner les infrastructures en conséquence.

Les questions relevant du grand cycle de l'eau au sein des SCOT :

Les SCOT appréhendent la prévention des risques d'inondation en identifiant les zones à risques et en réglementant les capacités et contraintes d'urbanisation dans ces secteurs, en interdisant les constructions ou en imposant des dispositifs d'infiltration.

Ils intègrent la question de la préservation de la ressource en eau en raison de la pression sur son accès et des enjeux de disponibilité.

Ils peuvent prendre en compte les risques de pollution de l'eau et inclure des mesures pour prévenir la contamination des ressources en eau, notamment par la réglementation de la localisation des activités industrielles et urbaines qui pourraient représenter une menace pour la qualité de l'eau.

Ils peuvent (mais n'en ont pas l'obligation) identifier des périmètres de protection des eaux de captage, qui sont ensuite intégrés aux PLU.

Enfin, ils favorisent la préservation des milieux et des espaces naturels liés à l'eau, tels que les cours d'eau, les lacs, les zones humides, en identifiant ces zones comme des éléments patrimoniaux et en définissant des mesures de protection et de gestion durable.

Certaines agences de l'eau accompagnent la rédaction du volet eau des SCOT. La prise en compte plus fine des questions d'eau dans les documents d'urbanisme est en effet génératrice de coûts supplémentaires pour les collectivités chargées de les établir.

La rédaction des SCoT et des PLU et PLUI est devenue particulièrement lourde et doit prendre en compte un écheveau de contraintes de plus en plus puissantes, et même parfois contradictoires (par exemple l'obligation de construire des logements supplémentaires, tout en préservant les terres agricoles). Mieux prendre en compte l'eau dans les documents d'urbanisme pourrait ainsi ne pas passer par l'ajout d'une ligne supplémentaire dans le cahier des charges qui leur est imposé, c'est-à-dire sans modification de la réglementation actuelle sur le contenu des documents d'urbanisme, mais par une association des CLE en amont de la rédaction des SCoT. Parallèlement, les comités de bassin territorialement compétents pourraient être davantage associés à la rédaction des SRADDET. Ces instances pourraient, à l'issue du processus de rédaction, formuler un avis sur ces documents de planification.

Schéma simplifié d'articulation entre documents de planification ayant un impact sur l'eau (source : association Amorce)

(3) Se doter d'une ingénierie territoriale performante

Dans la mesure où l'État n'est plus en mesure d'assurer l'assistance technique des collectivités territoriales pour la mise en oeuvre de leurs actions sur l'eau, et où le portage de projet demande de compétences spécialisées, seules des collectivités de taille suffisante sont en mesure d'agir dans le domaine de l'eau. Les départements ont longtemps joué un rôle important.

D'abord, ils peuvent apporter une aide technique et financière aux communes et à leurs groupements. Certains toutefois choisissent de se désengager et ne subventionnent plus les travaux portant sur l'eau potable ou l'assainissement.

Ensuite, ils assuraient une coordination des interventions sur le grand cycle de l'eau, voire géraient des infrastructures hydrauliques. Or, ils ont perdu leur clause générale de compétence. S'ils peuvent encore gérer leurs infrastructures historiques - certains sont propriétaires de barrages qui servent au soutien d'étiage, comme le barrage de Vinça dans les Pyrénées-Orientales - ils n'ont en principe plus la possibilité d'être les pilotes de l'ingénierie locale sur l'eau. Le rapport de la Cour des comptes précité rappelle ainsi que le tribunal administratif de Dijon, fin 2021, a annulé un programme du Conseil départemental de Côte-d'Or destiné à financer des études de maîtrise d'oeuvre pour des projets d'investissement dans le domaine de l'eau.

Or, comme l'ont indiqué les représentants de l'Association des départements de France (ADF) devant la mission : « le département est souvent le seul acteur local capable de mettre en place des solutions durables, à la juste échelle, pour améliorer la production et la distribution d'eau potable. Ainsi, est-il le principal pilote des projets d'interconnexion des réseaux, permettant de sécuriser la ressource en réduisant les réseaux fuyards. En outre, nombreux sont les départements propriétaires historiques de sites naturels abritant des sources d'importance et d'infrastructures telles que des retenues d'eau permettant de stocker des réserves d'eau en période d'excès et d'en relâcher en période d'étiage. L'expertise historique des départements et l'ingénierie y afférente sont aussi précieuses pour les communes et intercommunalités démunies sur le plan des moyens pour assumer leurs propres missions de gestion de la ressource ».

La mesure n° 35 du Plan eau en tire les conséquences en prévoyant de faciliter les conditions d'intervention des conseils départementaux en matière d'assistance technique et financière. Concrètement, un article supplémentaire pourrait être intégré au code général des collectivités territoriales, précisant que le département « peut exercer la maîtrise d'ouvrage des travaux nécessaires à la mise en oeuvre du schéma départemental de l'eau dans les domaines de la production d'eau potable, de la création ou de l'aménagement de réserves d'eau ou d'interconnexion de réseaux, dès lors que ces travaux excèdent le périmètre d'un syndicat ou d'une intercommunalité à fiscalité propre compétent en matière d'eau ». En outre, devant la complexité des choix entre les modes de gestion des services d'eau et d'assainissement et dans le suivi des contrats de délégation de service public, un dispositif d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) pourrait être proposé aux autorités organisatrices de l'eau, pour les aider à faire les bons choix, en s'appuyant sur l'ingénierie départementale.

Les offices de l'eau d'outre-mer ont par ailleurs pointé lors de leur audition le déficit d'ingénierie interne aux autorités organisatrices de l'eau mais aussi au sein du secteur privé. La mise en oeuvre de projets d'amélioration des réseaux de distribution de l'eau potable ou encore des systèmes d'assainissement est alors freiné non pas par des raisons financières, mais simplement par l'absence de ressources humaines mobilisables. Ce goulot d'étranglement retarde, voire bloque la mise à niveau des réseaux, qui est pourtant urgente. La constitution d'une mission nationale d'appui disposant des compétences nécessaires pourrait constituer une réponse pertinente.

La mission formule donc plusieurs préconisations :

8 - Associer en amont les CLE à l'élaboration du « volet eau » des SCoT et demander l'avis des CLE sur le projet de SCoT avant son adoption.

9 - Associer en amont les comités de bassin à la rédaction des objectifs et règles générales des SRADDET et demander leur avis sur le projet de SRADDET avant son adoption.

10 - Sécuriser juridiquement les possibilités laissées aux départements de piloter les politiques locales de l'eau, en assurant la maîtrise d'oeuvre d'études et de travaux d'intérêt départemental ; leur permettre de mettre à disposition des communes et intercommunalités une ingénierie de qualité.

11 - Créer une mission d'appui pour les maîtres d'ouvrages des projets liés à l'eau dans les outre-mer, pour pallier le déficit d'ingénierie privée mobilisable.

2. Le levier de la connaissance et de la recherche
a) Consolider la surveillance de la ressource et des usages de l'eau

La France dispose d'un appareil de recueil de données sur l'eau relativement riche, qu'il s'agisse de données sanitaires sur l'eau destinée à la consommation humaine, ou de données quantitatives sur les précipitations, le niveau des cours d'eau ou celui des nappes. Les prélèvements d'eau dans les milieux naturels sont également connus lorsque des redevances pour prélèvement doivent être acquittées par les bénéficiaires des autorisations, industriels, services d'eau potable ou encore agriculteurs irrigants. Disposer des données est une première étape pour gérer intelligemment la ressource.

Il existe toutefois plusieurs écueils au sein du système d'information sur l'eau, déjà pointés dans le rapport d'information de la délégation à la prospective du Sénat :

- si beaucoup de données sont publiques et consultables, dans le cadre du système d'information sur l'eau306(*), toutes les données sur l'eau n'y figurent pas, notamment celles issues des instruments privés de surveillance (par exemple les piézomètres des entreprises d'eaux minérales) ;

- la collecte de données n'est pas toujours exploitable pour le suivi fin des phénomènes étudiés : ainsi, les stations hydrométriques qui mesurent la hauteur d'eau sont destinées surtout à prévenir les inondations (vigicrues), mais sont moins adaptées à la mesure des étiages et au suivi des périodes de basses eaux ;

- les stations de mesures sont parfois fermées ou déplacées, ce qui complique la comparaison dans le temps des données ;

- les données relatives aux prélèvements d'eau sont encore incomplètes puisque les petits forages ne font pas l'objet de redevances et donc pas de comptage des quantités extraites du milieu naturel ;

- la connaissance du fonctionnement des nappes, de leur caractérisation et de leurs singularités mérite d'être améliorée ; en ce sens, Michèle Rousseau, PDG du BRGM, indiquait le 15 mars dernier à la mission qu'il est « difficile d'évaluer les quantités d'eau exploitables dans les eaux souterraines : nous connaissons l'existence des nappes, leur étendue, mais moins leur profondeur et la quantité d'eau stockée, qui dépend beaucoup de la qualité et de la porosité du substrat rocheux ». Mais cet effort n'est pas à faire partout de manière identique. Lors de la même audition, Pierre Pannet, directeur adjoint du BRGM précisait que « le plus important est la connaissance du stock disponible et la quantité d'eau potentiellement exploitable, surtout pour les secteurs en tension. Une vingtaine de bassins versants mériteraient de disposer de modèles de gestion de l'eau plus précis afin de déterminer le stock et définir des scénarios d'usage de l'eau » ;

- le recueil des données ne se fait pas suffisamment en temps réel : on ne sait ainsi pas de manière suffisamment précise à quelle période les prélèvements d'eau sont effectués lorsque les compteurs ne sont pas communicants et la seule information importante étant la quantité prélevée, sans précision de date, ni d'horaire.

Or, la capacité à gérer les crises, mais aussi à définir des politiques locales de gestion durable de l'eau passe par la mise à disposition de données objectives les plus précises possibles auprès des instances de concertation et de décision. Le travail de la police de l'eau pourrait aussi être facilité par la mise en place d'obligations plus strictes de collecte de données pesant sur les utilisateurs de l'eau.

Le comptage des consommations d'eau devrait progressivement être étendu aux petits forages, même s'ils ne donnent pas lieu à redevance.

L'ambition d'un recueil des données en temps réel suppose d'obliger tous les propriétaires d'équipements de pompage à se doter dans un délai raisonnable, qui peut être estimé à cinq ans, de compteurs communicants radio-relevés ou télé-relevés.

La mission formule à cet égard les recommandations suivantes :

12 - Préserver et renforcer les dispositifs existants de surveillance quantitative dans les aquifères et les cours d'eau, en veillant à la comparabilité des mesures dans le temps.

13 - Renforcer la connaissance par le BRGM du fonctionnement des nappes et de leurs singularités, en priorisant la vingtaine de nappes exploitées dans des secteurs en tension.

14 - Effectuer, au moins du début du printemps à la fin de l'été, un comptage en temps réel des prélèvements d'eau destinés à l'eau potable et à l'irrigation, afin de mieux appréhender les besoins quantitatifs en période de crise.

15 - Étoffer les contrôles sanitaires de la qualité de l'eau pour disposer d'un suivi fin des contaminants et identifier les polluants émergents, tant dans l'eau potable que dans l'environnement.

b) Développer les outils prédictifs

Si la description factuelle de la pluviométrie, de l'humidité des sols, du remplissage des nappes et des réserves de surface, du débit des cours d'eau, des prélèvements nets ou encore de la teneur de l'eau en polluants constitue la première pierre de la connaissance de l'eau, une deuxième étape est nécessaire : celle de la compréhension du système complexe de circulation et de stockage de l'eau, de la prévision saisonnière et de la modélisation des équilibres entre les ressources disponibles et les besoins.

Or, ces modèles sont complexes, et les variables, nombreuses, sont incertaines. La mise à jour de l'étude Explore 2070 (dite Explore2) est attendue en 2024 pour affiner les prévisions par bassin versant en matière de pluviométrie, d'évapotranspiration ou encore de débit des cours d'eau. Des scénarios prospectifs sont élaborés à l'échelle des grands bassins versants. Il s'agit ensuite de les décliner sur le millier de sous-bassins versants recensés sur le territoire. Les études correspondantes sont coûteuses. Par ailleurs, leurs méthodologies peuvent être contestées, ce qui fragilise leurs conclusions et ouvre la voie à des contestations lors des phases de concertation.

La poursuite d'efforts de recherche destinés à affiner la modélisation de l'avenir des systèmes hydriques, à l'échelle la plus fine, est sans doute nécessaire. Cette modélisation doit prendre en compte les usages de l'eau et la manière dont ceux-ci modifient les systèmes hydriques. En outre, il est nécessaire d'étudier les possibilités de transition socio-écologiques vers davantage de sobriété. C'est ainsi l'objet du programme national de recherche sur l'eau « OneWater - Eau bien commun », copiloté par le CNRS, le BRGM et l'INRAE. Lancé en 2022 et prévu pour durer 10 ans, ce programme vise par exemple à acquérir des informations sur la partition des précipitations entre évaporation, ruissellement et infiltration ou encore à évaluer l'impact cumulé des pollutions physiques, chimiques et biologiques.

La mission apporte donc les préconisations suivantes :

16 - Mobiliser les moyens de l'État et de ses établissements publics pour élaborer des méthodologies fiables de prévision des disponibilités futures de la ressource en eau.

17 - Assurer une actualisation régulière des projections d'évolution de la ressource en eau par bassin au sein des SDAGE puis par sous-bassin, dès que les résultats de l'étude Explore 2 seront connus.

c) Renforcer la sensibilisation du public à la question de l'eau

Longtemps restés éloignés de la question de l'eau, vue comme technique et relevant de spécialistes, nos concitoyens s'y intéressent désormais avec inquiétude, depuis les derniers épisodes de sécheresse.

La plateforme Eaufrance307(*) apporte de nombreuses informations. Elle donne par exemple accès aux bulletins de situation hydrologique, mais aussi aux données sur l'eau potable et l'assainissement recensées dans le système d'information des services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA).

Cependant, la compréhension du cycle de l'eau et plus encore sa déclinaison territoire par territoire ne sont pas accessibles à tous. Les écarts à la moyenne du remplissage des nappes ou encore des débits des rivières ne sont pas faciles à interpréter.

Il est nécessaire de faire des efforts de pédagogie et d'explications, d'autant plus que des efforts sont demandés à tous lors de la mise en oeuvre des restrictions, interdisant l'arrosage des pelouses ou encore le lavage des voitures et le remplissage des piscines. Une météo locale de l'eau pourrait compléter les informations météo traditionnelles, pour mieux informer la population sur la pluviométrie, l'évapotranspiration, la sécheresse des sols et les éventuels risques de tension sur la ressource.

La sensibilisation à l'eau du grand public peut aussi passer par une meilleure mesure de la consommation et l'incitation à des efforts de réduction des consommations domestiques par les petits gestes du quotidien. Une fiche récapitulative de l'empreinte eau de chaque ménage pourrait être éditée chaque année. Les services d'eau le font souvent. Cette fiche pourrait dans le futur s'intégrer à un bilan global de l'empreinte environnementale des ménages couvrant l'énergie, l'eau et les déchets.

La mission apporte donc les préconisations suivantes :

18 - Mettre en place une météo locale de l'eau, déclinée par bassin versant, consultable par chacun

19 - Élaborer des outils simples de calcul de la consommation d'eau par foyer, sur le modèle d'Ecowatt pour la consommation d'énergie, pouvant être articulée à une fiche globale d'empreinte environnementale

3. Le levier technologique utile mais pas décisif

La mobilisation de solutions technologiques, parfois peu complexes, peut répondre à l'enjeu d'économie d'eau et d'amélioration de sa qualité. Elles doivent naturellement être encouragées, tout en ayant conscience que les technologies à elles seules n'apportent pas l'intégralité des réponses attendues.

a) La réutilisation des eaux usées
(1) Définition et pratique de la réutilisation.
(a) Qu'est-ce que la réutilisation ?

La réutilisation des eaux usées (REUT)308(*) sortant de stations de traitement des eaux usées (STEU) consiste à ne pas rejeter cette eau directement après traitement dans le milieu naturel mais à la diriger par des canalisations vers des utilisateurs finaux pour différents usages : irrigation agricole, arrosage de golfs, arrosage des espaces verts, nettoyage de voirie, etc..

La réutilisation permet de fournir une ressource alternative au prélèvement d'eau dans les nappes ou les milieux. Elle contribue à faire baisser la pression sur la ressource, qui peut être forte en période estivale. En situation de sécheresse, les stations d'épuration continuant à traiter les eaux usées domestiques, la réutilisation permet d'apporter une réponse aux restrictions d'usage de l'eau.

(b) La réutilisation peu mobilisée en France

La réutilisation est à ce jour encore peu développée en France. On considère qu'on réutilise 0,6 % de l'eau sortant des stations d'épuration, contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne, 60 % à Malte et 80 % en Israël, qui fait figure de champion en la matière.

Un panorama de la REUT entre 2015 et 2017 produit par le CEREMA recensait seulement 145 cas de REUT en France309(*), essentiellement en zone littorale (par exemple REUT pour l'irrigation agricole à Noirmoutier) et selon différents schémas (voir ci-après).

Concrètement, la réutilisation :

- nécessite la réalisation d'une infrastructure de distribution de l'eau usée traitée en sortie de station (canalisations sous pression) ;

- peut nécessiter un traitement supplémentaire par rapport aux eaux directement rejetées dans l'environnement310(*).

(2) La prise de conscience de la nécessité d'aller vers plus de réutilisation
(a) Des objectifs de développement de la réutilisation

Les Assises de l'eau de 2019 avaient fixé l'objectif de tripler la REUT à l'horizon 2025. Le Varenne agricole de l'eau de 2022 avait aussi identifié la REUT comme un levier à mobiliser.

Si la REUT atteignait 10 % des quantités traitées en sortie de stations d'épuration, on pourrait mobiliser annuellement de l'ordre de 400 à 500 millions de m3, soit 15 % des besoins de l'irrigation agricole. Le volume réel d'eaux réutilisées pourrait cependant être bien inférieur si cette technique n'était mobilisée principalement que pendant la saison chaude, dans la mesure où les volumes traités par les stations d'épuration sont relativement stables dans le temps et où la mobilisation d'eaux usées traitées en hiver n'est pas nécessaire.

Le Plan eau du Gouvernement fait de la REUT un levier important de la nouvelle politique de l'eau, avec 4 mesures sur les 53 proposées qui visent à développer la développer d'ici 2027 :

• mesure n° 15 : lever les freins réglementaires (mais dans le respect de la préservation de la santé) ;

• mesure n° 16 : accompagner les porteurs de projet avec un guichet unique et un accompagnement de France Expérimentation ;

• mesure n° 17 : créer un observatoire de la réutilisation (cette mesure était déjà prévue dans le cadre du Varenne agricole de l'eau) ;

• mesure n° 18 : lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) de projets de REUT (en priorité dans les zones littorales).

(b) Un cadre juridique assoupli

La réglementation encadre les possibilités de mettre en oeuvre la REUT. Un arrêté ministériel du 2 août 2010 définit les possibilités de réutilisation des eaux usées traitées311(*) pour l'irrigation agricole et l'arrosage des espaces verts. Un arrêté du 25 juin 2014 a assoupli les conditions de la REUT, sans pour autant provoquer une augmentation des usages.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 11 février 2020 a modifié l'article L. 211-9 du code de l'environnement renvoyant à un décret le soin de préciser des usages possibles plus étendus, au-delà des seules utilisations agricoles ou de l'arrosage des espaces verts, dans un cadre toutefois considéré comme expérimental et non pérenne.

L'encadrement réglementaire de la REUT est désormais fixé par le décret n° 2022-336 du 10 mars 2022312(*), après qu'un premier projet de décret qui avait reçu un avis défavorable de l'ANSES313(*) ait été retiré. Le décret définit la procédure à suivre pour mettre en oeuvre un projet de REUT :

- un dossier doit être déposé par le porteur de projet (producteur ou utilisateur des eaux usées traitées) en vue d'obtenir une autorisation préfectorale ;

- la durée d'instruction du dossier par les services de l'État dans le département est limitée à 6 mois ;

- l'autorisation n'est valable qu'à titre expérimental, pour une durée maximale de 5 ans ;

un avis simple du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et un avis conforme de l'ARS sont exigés.

Le porteur de projet doit prouver l'absence de risque sanitaire, ce qui peut être difficile. L'ANSES avait en effet produit une évaluation des risques liée à la REUT en 2012. Elle estimait qu'il n'était pas possible de conclure à l'absence de risque sanitaire lié à l'aspersion d'eaux usées traitées314(*), imposant une approche fondée sur le principe de précaution.

(3) Pour un développement mesuré de la réutilisation
(a) La réutilisation n'est pas une solution miracle

La réutilisation est aujourd'hui possible et dispose d'un potentiel de développement, y compris pour la production d'eau potable, à condition de lever un certain nombre de freins. Néanmoins, il faut avoir conscience des limites de cet instrument, qui se répartissent en trois catégories :

- premièrement, la réutilisation réduit le soutien d'étiage apporté par la restitution d'eau en sortie de station d'épuration. Il convient donc de s'assurer que les projets ne sont pas néfastes au cycle de l'eau, ce que prescrit au demeurant le décret de 2022 ;

- deuxièmement, il convient de trouver un équilibre économique de la réutilisation, notamment afin de prendre en charge le coût des investissements supplémentaires et le coût de fonctionnement des installations de réutilisation (énergie, traitements supplémentaires). Si l'eau réutilisée est facturée plus cher que les quelques centimes par 1000 m3 facturés au travers des redevances pour prélèvement dues par les agriculteurs, ces derniers refuseront de s'y engager ;

- troisièmement, il est nécessaire de lever certaines réserves à l'utilisation d'eau usée traitée. Les agriculteurs peuvent être réticents à utiliser une ressource encore chargée en polluants, qui pourrait dégrader la qualité de leur production. Cette question est particulièrement sensible concernant les productions légumières ou encore les semences. D'une manière générale, rassurer sur l'innocuité de la réutilisation constitue un impératif majeur. Une surveillance sanitaire renforcée par rapport à l'utilisation d'eau brute doit donc être mise en place.

(b) Quelques propositions pour lever les freins à la réutilisation

Solution d'appoint, la réutilisation peut aussi constituer une solution pérenne dès lors qu'elle est mise en oeuvre dans des zones en déficit structurel. Certaines collectivités souhaitant sécuriser l'accès en eau durant les différentes périodes de l'année se sont lancées dans des projets ambitieux, parmi lesquels on peut citer le projet Jourdain aux Sables-d'Olonne, qui vise à récupérer environ 1,5 million de m3 par an dans un territoire très touristique auquel il pourrait manquer 8 millions de m3 par an à l'horizon 2030. L'originalité du projet Jourdain réside dans le fait que les eaux usées, une fois passées par un processus d'affinage, sont ensuite injectées dans le réseau d'eau potable.

Le secteur littoral est celui où la réutilisation est la plus pertinente, puisqu'on remplace un rejet direct d'eau en mer par un recyclage de l'eau pour des besoins locaux. La réutilisation est ainsi à encourager prioritairement dans les exutoires de bassin plutôt que dans les têtes de bassins versants.

Schéma des possibilités de REUT (source : Cerema 2017)

Pour lever les freins à la réutilisation, plusieurs propositions peuvent être faites par la mission :

20 - Passer d'une logique d'autorisation à titre expérimental à une logique d'autorisation pérenne, en allongeant leur délai de validité pour permettre l'amortissement des investissements bien au-delà des cinq ans, limite fixée actuellement par la réglementation.

21 - Maintenir l'exigence d'avis conforme des ARS, mais en obligeant les ARS à se prononcer dans un délai défini et de motiver les avis défavorables au-delà de simples considérations générales, afin de ne pas faire du principe de précaution un facteur de blocage complet des projets.

22 - Conforter les ressources financières des agences de l'eau consacrées à cofinancer les études et travaux de mise en oeuvre de projets de réutilisation. Les taux de soutien théoriques vont de 50 % à 80 %, ce qui peut paraître élevé, mais en pratique, ils peuvent être plus faibles. Ainsi, le projet Jourdain est soutenu à hauteur d'un peu plus de 4 millions d'euros par l'Agence de l'eau sur un coût total du projet estimé entre 22 et 25 millions d'euros.

b) Le dessalement d'eau de mer
(1) Le dessalement d'eau de mer : une technique maîtrisée mais utilisée en France de manière marginale

Le dessalement d'eau de mer, appelé aussi désalinisation d'eau de mer, est une technique consistant à transformer l'eau salée prise en mer en eau douce utilisable essentiellement pour des usages d'eau potable.

Le dessalement d'eau de mer est pratiqué au sein d'usines mettant en oeuvre diverses techniques :

• la distillation (chauffage de l'eau salée) : c'est la technique historique, qui s'est perfectionnée à travers la distillation multiple flash (MSF) consistant à chauffer de l'eau sous pression ;

• l'osmose inversée (OI), consistant à faire passer l'eau salée sous pression à travers une membrane qui retiendra le sel, solution disponible depuis quelques décennies ;

• l'électrodialyse, la condensation, voire la congélation, sont des techniques alternatives.

On pratique le dessalement par distillation depuis des siècles (notamment sur les bateaux), mais les premières usines de dessalement ont été construites dans les années 1960 (première usine en Europe aux îles Canaries en 1964).

En Europe, l'Espagne a été pionnière et dispose de nombreuses usines, dont celle de Barcelone ouverte en 2009 et qui fournit environ 20 % des approvisionnements en eau des 5,5 millions d'habitants de l'agglomération. Les pays arides du Moyen-Orient disposant de littoraux utilisent massivement le dessalement, qui devient la source principale d'approvisionnement en eau potable (Arabie saoudite : 70 %, Émirats arabes unis : 42 %) mais peut aussi permettre d'autres usages : irrigation agricole, approvisionnement en eau de l'industrie, comme on le constate en Israël.

Le dessalement d'eau de mer sort depuis quelques années de la logique de niche géographique et se développe hors des zones les plus arides. On compte désormais 21 000 unités de dessalement dans le monde en 2022, soit un doublement en 10 ans. La tendance se poursuit et le périmètre s'étend à l'Amérique latine, l'Afrique ou encore les zones sèches d'Amérique du Nord315(*) . Sur le plan économique, le dessalement est mis en oeuvre par des sociétés françaises et européennes (Veolia-Suez, sociétés espagnoles), mais aussi asiatiques.

En France, le dessalement d'eau de mer est pratiqué de manière très limitée : en Corse, sur des petites îles du littoral Atlantique ou encore à Mayotte (usine de la Petite-Terre). Il peut cependant constituer une solution temporaire pour des communes touristiques pour faire face à des pics de demande (île de Groix) ou dans les outre-mer.

(2) Une solution peu adaptée hors situation particulière

Le dessalement permet de ne plus dépendre de la ressource en eau douce souterraine (nappes) ou de surface (fleuves et rivières) dans les secteurs où la demande excède les capacités ou lorsque l'eau est trop polluée pour être exploitée.

Le dessalement concerne principalement des zones littorales, mais peut aussi alimenter des secteurs plus éloignés en mettant en oeuvre des transferts d'eau par aqueduc.

Toutefois, ses coûts énergétiques et environnementaux s'avèrent très élevés. Le coût énergétique du dessalement est colossal, entre 2,5 kwh/m3 produit pour l'osmose inversée jusqu'à 25 kwh/m3 pour les méthodes thermiques anciennes par distillation (25 % des usines). Le bilan carbone de la production d'eau douce par dessalement est donc très négatif, même si les technologies évoluent et si la décarbonation de la production d'énergie réduit peu à peu l'impact négatif du dessalement.

Ensuite, l'eau obtenue par dessalement doit encore subir certains traitements : en particulier, obtenue par osmose inversée, elle doit alors être reminéralisée.

Par conséquent, l'eau ainsi produite est deux fois plus chère que le captage d'eau dans la nature lorsque celle-ci est disponible, même si les coûts des traitements tendent à baisser sur le long terme.

Enfin, le dessalement produit des rejets de saumures (100 litres d'eau de mer ne produisent que 45 litres d'eau douce) et de produits de traitement (chlore et cuivre), source potentielle de pollution dans les zones de rejets en mer (développement d'algues, réchauffement de la zone de rejet, etc.). Une étude parue en janvier 2019 soulignait d'ailleurs la sous-estimation globale des dégâts environnementaux du dessalement316(*).

Comme pour d'autres solutions d'augmentation de l'offre d'eau, le dessalement donne l'illusion qu'on peut continuer à utiliser massivement de l'eau et n'incite pas à la sobriété.

La mise en oeuvre à l'échelle industrielle de procédés de dessalement d'eau de mer ne fait donc pas partie à l'heure actuelle du panel des solutions adaptées à la France, à l'exception de certaines situations particulières : ainsi, des élus des Pyrénées-Orientales se sont rendus en 2023 à Barcelone pour étudier la faisabilité d'un projet similaire sur le littoral languedocien, touché par une sécheresse prolongée.

La mission recommande donc de ne considérer le dessalement que comme une solution de dernier recours.

c) Retenir l'eau : un problème d'acceptabilité écologique et sociale
(1) Nécessité et limites des ouvrages hydrauliques

La gestion quantitative de l'eau est consubstantielle à la civilisation. Toutes les civilisations ont réalisé des aménagements hydrauliques pour gérer les risques liés à l'excès ou l'insuffisance d'eau.

Les ouvrages hydrauliques sont très divers dans leur forme et leur ampleur, et dépendent fortement de la topographie, de la pluviométrie locale et des moyens techniques et financiers disponibles pour les construire et les entretenir. Seuils de rivière, barrages, mais aussi aqueducs et canaux témoignent d'un génie hydraulique qui s'est perfectionné à travers les âges.

Si ces aménagements fournissent des services essentiels pour les usages anthropiques de l'eau, il est nécessaire d'en évaluer les effets sur l'environnement, en particulier sur la capacité à renouveler la ressource et à ne pas dégrader les milieux naturels. La gestion durable de l'eau passe ainsi par le fait de prélever moins que ce qui est nécessaire au renouvellement de la ressource et à l'équilibre des écosystèmes.

De ce point de vue, le changement climatique contribue à déplacer la ligne de partage entre ce qui est admissible et ce qui ne l'est pas. L'Espagne avait lancé des grands travaux hydrauliques à partir des années 1940-1950, multipliant les barrages et construisant même dans les années 1970 la plus grande infrastructure de transfert d'eau interbassins d'Europe à travers l'aqueduc Tajo-Segura, long de près de 300 km, destiné à approvisionner en eau l'Espagne sèche (Alméria, Alicante, Murcie) à partir de l'Espagne humide (Castilla-La-Mancha) et colonne vertébrale des productions horticoles et maraîchères du sud-est du pays. La baisse des précipitations sur le Tage, l'impératif de maintenir des zones humides, conduisent à envisager de réduire les débits, pour préserver les milieux, et remet en cause le modèle des transferts d'eau. Il en va de même pour certaines retenues artificielles qui peuvent ne plus être suffisamment alimentées, comme le Lac Mead dans le Nevada, créé dans les années 1930 lors de la construction du barrage Hoover.

Dans le contexte d'incertitudes sur les effets précis du changement climatique sur la disponibilité de l'eau, le rythme de rechargement des nappes ou encore les mécanismes de préservation des zones humides, les ouvrages existants mais plus encore les ouvrages nouveaux sont au centre de débats et controverses scientifiques difficiles à trancher et arbitrer : où se situe la limite acceptable pour retenir l'eau ? Même lorsque le transfert d'eau est modeste, comme pour le projet Aqua Domitia en Occitanie, celui-ci peut être contesté. Longtemps laissée à l'appréciation des ingénieurs et des experts, la gestion de l'eau devient une question politique et citoyenne qui questionne l'acceptabilité sociale des projets. À côté de leur pertinence technico-économique, les projets doivent faire l'objet d'un processus de validation qui associe les habitants et les citoyens.

Le projet Aqua Domitia

Lancé en 2012, le projet Aqua Domitia vise à compléter le maillage hydraulique de la façade littorale de l'Occitanie dans l'Aude et l'Hérault. Il consiste à alimenter les réseaux d'eau dépendant aujourd'hui essentiellement de l'Orb et connaissant des tensions croissantes depuis le Rhône. Lors de son audition, Jean-François Blanchet indiquait ainsi : « on préfère prendre l'eau douce du Rhône plutôt que de la prendre salée dans la Méditerranée puis la dessaler. L'eau du Rhône dans la Méditerranée c'est 54 milliards de m3 d'eau apportée chaque année. On prélève 0,3 % de l'eau du Rhône à 2 heures de son débouché en mer. »

Déployé par étape (6 « maillons »), le projet est pratiquement arrivé à son terme puisque 90 % des réseaux ont été déployés, seul le maillon Minervois, dans l'Aude, restant à réaliser.

La réflexion sur les enjeux présents et futurs des usages de l'eau avait été initiée par l'ancienne région Languedoc-Roussillon en 2005 avec l'initiative « AQUA 2020 », le territoire voyant sa population continuellement augmenter, ses activités économiques, notamment le tourisme, se développer, et ses activités agricoles, notamment la viticulture, menacées par les conséquences attendues du changement climatique.

Le projet Aqua Domitia a fait l'objet d'un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP).

Concessionnaire historique du réseau hydrologique régional, la compagnie d'aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc (BRL), société d'économie mixte locale détenue majoritairement par la région Occitanie/Pyrénées-méditerranée (49,93%) et par les départements du Gard, de l'Hérault et de l'Aude, s'est vu confier la maitrise d'ouvrage de ce projet d'extension du réseau de 140 km, dont le coût total des travaux HT est estimé à 220 millions d'euros (hors coût des réseaux de desserte). Le plan de financement des opérations 2016-2022 indique une participation de la région Occitanie à hauteur de 49 %. L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse ne contribue qu'à hauteur de 12 %.

Acheminée à un débit maximal volontairement limité à 2,5m3/s, l'eau est consacrée à trois usages : 40 % est dédié au développement de l'irrigation agricole ; 40 % est dédié à la consommation humaine et 20 % est dédié à la préservation des milieux.

Les volumes dédiés à la préservation des milieux se substituent à des pompages et des forages existants et devraient permettre de réduire les prélèvements estivaux. Le projet vise aussi à étendre l'irrigation sur 6 500 hectares supplémentaires, essentiellement viticoles, la viticulture étant un fleuron régional pour lequel la baisse tendancielle des précipitations peut rendre l'irrigation indispensable.

Le projet Aqua Domitia s'inscrit également dans une réflexion plus large concernant la sobriété des usages de l'eau de l'ensemble des acteurs du territoire, avec pour objectif une baisse de la consommation de 10% à horizon 2030.

(2) Pourrait-on relancer une politique de grands barrages ?

Avec un peu plus de 500 barrages de plus de 15 mètres de hauteur317(*), la France s'est équipée, principalement entre 1950 et 1990, d'ouvrages multi-usages servant à la fois à la production hydroélectrique, qui est la mission première de ces ouvrages, mais aussi l'irrigation agricole, l'alimentation en eau des communes, la prévention des crues, la régulation de la navigation ou encore les activités de loisir.

Lors de la table ronde du 30 mars 2023 réunissant plusieurs acteurs de l'hydroélectricité, prenant l'exemple des grands barrages des Alpes du Sud, la directrice d'EDF Hydro, Emmanuelle Verger, rappelait l'intérêt majeur de ces grandes infrastructures en ces termes : « cette chaîne de la Durance et du Verdon fournit l'eau potable pour 3 millions de personnes, pour l'irrigation de 120 000 hectares de terres agricoles, et pour l'alimentation en eau industrielle de 440 entreprises. Elle permet aussi de produire plus de deux gigawatts d'électricité bénéficiant à 2 millions de personnes. L'usage touristique s'est également développé sur le secteur, avec le lac de Serre-Ponçon qui représente 1,2 milliard de mètres cubes de capacité de stockage ».

Le rythme de construction de nouveaux ouvrages s'est considérablement ralenti depuis 30 ans, la plupart des sites propices étant considérés comme équipés. Les risques de rupture de continuité écologique, de blocage de la circulation des sédiments, d'eutrophisation des eaux retenues ou encore de manque d'eau permettant de les remplir invitent à envisager avec prudence un développement du parc installé. Au demeurant, la capacité de production hydroélectrique a légèrement baissé du fait d'une moindre disponibilité de l'eau. Lors de la même audition, Emmanuelle Verger indiquait ainsi : « il serait idiot de nier que le changement climatique a un impact sur la ressource en eau. Cet impact est bien mesuré dans le cadre de l'augmentation de l'évaporation liée à la hausse des températures, mais les conséquences de la baisse des précipitations sont plus difficiles à apprécier. On estime cette baisse à un térawattheure par décennie sur nos ouvrages, pour une production annuelle de 40 à 44 térawattheures ». Cette réduction est donc modeste.

Des possibilités existent pour améliorer l'efficacité des installations hydroélectriques, à quantité d'eau constante. Lors de la table ronde, Laurence Borie-Bancel, présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), indiquait ainsi travailler à la création d'un nouvel ouvrage à Saint-Romain-de-Jalionas. Lors de la même table ronde, le secrétaire général de France Hydro Électricité, Jean-Marc Lévy, estimait que l'on pourrait « augmenter les capacités de l'hydroélectricité de 20 %, soit 12 térawattheures, l'équivalent de la consommation de 5,3 millions de Français ». Il soulignait cependant que les installations de petite hydroélectricité étaient majoritairement au fil de l'eau et pâtissaient de la modification des régimes hydrologiques des rivières.

Des possibilités existent aussi pour aménager de nouveaux ouvrages ou rehausser ceux existants. Toutefois, lors de la table ronde, Emmanuelle Verger indiquait « nous avons de sérieux projets. Mais nous ne nous faisons pas d'illusions : le degré d'acceptabilité de l'hydroélectricité est aussi lié au fait qu'il n'y a pas eu de projets majeurs jusqu'à présent. Si leur développement reprenait, des oppositions pourraient se faire jour ». Dans le même esprit, Cyril Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) soulignait que si le potentiel de rehausse se situe plutôt dans le sud-ouest de la France « avec moins d'eau et moins de neige, nous étudions, à notre échelle, la rehausse des barrages, mais à la marge, puisqu'il y aura moins d'eau à stocker de toute façon ».

La possibilité d'une gestion intelligente et multi-usage des grandes retenues d'eau est cependant menacée à travers la remise en concurrence des concessions hydroélectriques Il convient donc de sécuriser le fonctionnement actuel des retenues, avant d'en augmenter les capacités.

Au-delà des grands barrages, d'autres aménagements pourraient être nécessaires pour davantage écrêter les crues. Le changement climatique renforce le risque de crues exceptionnelles, justifiant en effet que le rôle des écrêteurs de crues soit mieux assuré.

Le renouvellement des concessions hydroélectriques

Le parc hydroélectrique français a une capacité de 25,7 GW, produisant en moyenne 67 TWh, soit 12 % de la production électrique annuelle318(*). Le parc est exploité principalement sous la forme de concessions attribuées principalement à EDF (70 % de la capacité installée), la CNR et la SHEM. À l'exception de la CNR, dont la concession est globale et porte sur l'ensemble des ouvrages qu'elle exploite, les autres concessions concernent un seul ouvrage ou un ensemble limité d'ouvrages.

Un nombre croissant de concessions sont échues ou viendront bientôt à échoir. Selon un référé de la Cour des Comptes de décembre 2022319(*), 61 concessions seront échues au 31 décembre 2025. Elles continuent à être gérées par leur exploitant sous réserve du paiement d'une redevance, cette solution étant transitoire. En effet, après deux mises en demeure de la Commission européenne en 2015 et 2019, la France doit procéder à une mise en concurrence des potentiels exploitants.

Or, la mise en concurrence ouvrage par ouvrage n'est pas pertinente. L'intervention de plusieurs concessionnaires successifs sur une même zone pourrait désorganiser l'exploitation des chaînes hydrauliques, complexifier l'application des cahiers des charges pour la gestion multi-usage des retenues ou encore renchérir les coûts d'exploitation en ne permettant pas de mutualiser les équipes. En outre, en aval de la production, la multiplication de petits opérateurs pourrait fragiliser leur capacité à assurer la commercialisation de leur production hydroélectrique.

Par ailleurs, le maintien du statu quo n'est pas non plus souhaitable, puisqu'il expose la France à des sanctions de la Commission européenne et car la précarité des prolongations de concession empêche les exploitants, qui manquent de perspectives, de s'engager dans des investissements lourds.

Selon le référé de la Cour des comptes, le regroupement limité des concessions (regroupement par barycentre), qui est permis par la loi, constitue une solution complexe, fragile juridiquement et finalement économiquement peu rentable, ce qui amène à préconiser le choix de réattribuer en bloc ses concessions à EDF, sous le régime de la quasi-régie, lui aussi prévu par la loi, permettant de passer outre une mise en concurrence morcelée. Bien qu'il affirme souhaiter le maintien d'un régime de concessions groupées, le Gouvernement n'a cependant pas encore choisi sa stratégie, laissant les acteurs de l'hydroélectricité dans l'incertitude, ce qui retarde le lancement de grands investissements.

(3) Développer le lien entre eau et énergie

Les liens entre l'eau et l'énergie sont évidents. Ils se concrétisent dans l'hydroélectricité, mais pas seulement.

La mission a peu exploré les pistes de mobilisation de la ressource en eau à des fins énergétiques. Il apparaît néanmoins, à l'issue des auditions, que plusieurs solutions doivent être encouragées.

Tout d'abord, les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) constituent un outil intelligent de stockage d'énergie. Elles remontent l'eau vers les retenues d'altitude lorsque la production d'énergie sur le réseau est excédentaire, par exemple la nuit, ce qui permet de réutiliser l'eau pour produire de l'énergie lors de pics de demande. La mise en oeuvre des STEP nécessite toutefois des retenues d'une certaine ampleur et d'importants dénivelés.

L'eau peut être aussi un support pour des équipements de production d'énergie : l'installation de panneaux photovoltaïques sur des retenues d'eau (panneaux flottants) ou le long des linéaires d'ouvrages hydrauliques pourrait ainsi accroître le potentiel de production de la France, sans mobiliser de surfaces supplémentaires.

La mission apporte donc les préconisations suivantes :

23 - Clarifier rapidement la stratégie nationale en matière de renouvellement des concessions hydroélectriques.

24 - Encourager les rehausses des retenues existantes et envisager le renforcement ou la création d'ouvrages capables de mieux réguler les effets des fluctuations de précipitations.

25 - Promouvoir les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et la pose de panneaux photovoltaïques sur les plans d'eau existants.

d) Les retenues à usage agricole : sortir de l'impasse

Les retenues agricoles ont concentré l'attention médiatique sur l'eau durant les derniers mois. La solution de facilité, pour mettre un terme aux confrontations, serait de déclarer un moratoire sur tous les nouveaux projets de retenues soumis à autorisation préfectorale, c'est-à-dire allant au-delà de 200 000 m3, couvrant plus de 3 hectares ou prélevant plus de 8 m3 par heure en zone de répartition des eaux. La mission ne préconise pas ce chemin.

Si l'on doit privilégier en premier lieu la sobriété à travers l'amélioration technique de l'irrigation, afin de consommer moins d'eau à l'hectare à production identique, et l'adoption de pratiques culturales plus économes en eau dans le cadre d'une transition agro-écologique, on ne peut pas éluder le besoin en eau des agriculteurs ni considérer que, par nature, toute retenue de substitution est néfaste.

Si celles-ci conduisent à réduire les prélèvements estivaux et donc améliorer les étiages, à sécuriser les productions d'une agriculture utile au territoire où elle est implantée, tout en n'ayant pas d'effet négatif autre que marginal induit par le processus de remplissage (par des pompages hivernaux), s'y opposer relèverait plus du parti pris idéologique que d'une approche scientifique.

Pour sortir de l'impasse concernant les retenues à usage agricole, la mission préconise donc les mesures suivantes :

26 - Garantir des procédures claires s'inscrivant dans des délais raisonnables d'autorisation et de déclaration des ouvrages de retenue.

27 - Fonder les autorisations non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques et renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d'évaporation.

28 - Conditionner les retenues à des contrats d'engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété afin de préserver la ressource en eau sur les plans quantitatif et qualitatif, et mettre en place un suivi fin du fonctionnement des retenues et de leurs effets une fois bâties à travers une évaluation externe régulière.

29 - Privilégier un portage public des projets de retenues, par des collectivités ou des syndicats mixtes et dans une optique de multi-usages (soutien d'étiage, approvisionnement en eau potable, irrigation agricole, loisirs).

30 - Généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d'eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective devant veiller à une distribution équitable des droits d'eau aux exploitations du territoire.

31 - Permettre l'installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinées à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par chaque comité de bassin.

e) La nécessité de poursuivre la modernisation de la gestion du petit cycle
(1) Des efforts nécessaires sur les réseaux d'eau potable
(a) Agir sur la production de l'eau potable

La qualité de l'eau potable distribuée en France est globalement bonne mais doit faire face au défi des nouveaux polluants et de la maîtrise des coûts de production des usines de potabilisation.

Lors de l'audition du syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF), qui est le plus important opérateur de France avec 4 millions d'usagers desservis, la mission a été alertée sur les limites des dispositifs actuels multi-barrières pour faire face aux risques dus aux micropolluants. L'approvisionnement en eau étant assuré dans le cas du SEDIF à 97 % par des eaux de surface, les nombreux produits utilisés dans les activités de la vie quotidienne (médicaments, cosmétiques, retardateurs de flamme, plastifiants, nettoyants ménagers et industriels, métaux, phytosanitaires,...) se retrouvent dans l'environnement.

Les techniques analytiques ciblées ne permettent pas encore de tous les mesurer. Les techniques analytiques non ciblées attestent de leur présence dans les ressources en eau et parfois dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Cette présence de molécules dont les effets sanitaires, seules ou en cocktail, sont inconnus, demande pour l'avenir d'exiger une plus grande maîtrise des émissions dans l'environnement, et pour le présent, des traitements des eaux brutes plus performants.

Des dépassements réglementaires pour certains pesticides ou métabolites pertinents (par exemple le métabolite R471811 du chlorothalonil, fongicide interdit depuis 2020) sont parfois constatés. D'autres micropolluants, tels que les ions perchlorates pourraient être inclus dans une prochaine liste de vigilance, au même titre que l'ont été récemment 20 composés perfluorés (PFAS).

Pour faire face à l'émergence de ces nouveaux polluants et anticiper le renforcement des normes sanitaires, les services d'eau potable sont amenés à innover et perfectionner les techniques de potabilisation. Ainsi, le SEDIF a fait le choix de s'engager dans l'osmose inverse basse pression (OIBP), afin d'obtenir une eau « super pure », purgée de ses polluants.

L'osmose inverse basse pression (OIBP)

L'OIBP consiste à ajouter au traitement de l'eau une étape de filtration par des membranes à haute performance, par lesquelles passe l'eau mise sous pression, après les premières étapes de filtration, notamment par charbons actifs. Cette technique est considérée par le SEDIF comme nécessaire pour traiter non seulement les polluants organiques mais aussi 90 à 99 % des micropolluants (résidus médicamenteux, PFAS), mal filtrés par les filières conventionnelles de traitement.

L'OIBP entraîne une hausse importante de la consommation d'énergie (+45 %), même si la pression est près de 10 fois moins importante que dans les procédés d'osmose inverse pour les traitements de dessalement. L'amélioration de la qualité de l'eau, en particulier sa moindre dureté, permet en aval aux consommateurs de faire des économies d'énergie dans l'utilisation de leurs appareils électroménagers.

La mise en oeuvre de l'OIBP permet de réduire, voire supprimer les traitements désinfectants au chlore en fin de cycle de potabilisation, et réduit donc la teneur de l'eau en trihalométhanes.

L'eau obtenue est très pure, déminéralisée, et notamment débarrassée de résidus calcaires. Il est donc nécessaire de la reminéraliser avant réinjection dans le circuit de distribution.

Le SEDIF souhaite mettre en oeuvre ce nouveau procédé d'abord sur le site de Méry-sur-Oise, avant de l'étendre aux deux autres usines du syndicat à Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne. L'investissement correspondant s'élève à un peu moins d'un milliard d'euros.

Mais ce nouveau procédé est critiqué par les syndicats des eaux voisins du SEDIF, notamment le syndicat Eau de Paris ou encore le Syndicat mixte eau du Sud Francilien, qui qualifient la stratégie du SEDIF de « fuite en avant technologique ». Outre le coût du projet et les surconsommations d'énergie, sont pointés la nécessité de prélever 15 à 20 % d'eau en plus dans le milieu naturel pour assurer une même quantité de production d'eau potable (toutefois, l'eau en excès est restituée par l'usine au milieu naturel) et le rejet dans le milieu de concentrâts issus de la filtration membranaire chargés en polluants (cette raison ayant conduit la préfecture de Seine-et-Marne à rejeter en 2022 la demande d'autorisation environnementale pour le site-pilote du SEDIF à Savigny-le-Temple (usine d'Arvigny).

(b) Agir sur la distribution de l'eau potable

La sécheresse de 2022 a mis en évidence les faiblesses des réseaux de distribution d'eau potable. 2 000 communes ont alors connu des situations de rupture d'approvisionnement. Les réseaux doivent ainsi être sécurisés par l'interconnexion, qui permet de continuer à disposer d'eau lorsque la source habituelle est tarie (ou lorsqu'un problème de qualité nécessite de trouver une nouvelle source). Par exemple, dans les Deux-Sèvres, le schéma départemental d'alimentation en eau potable présenté lors de leur déplacement aux membres de la mission identifie l'interconnexion comme un point fort du territoire. La majorité des syndicats d'eau peut être secourue par leurs voisins en situation courante, y compris par des interconnexions avec les départements voisins. La création en 2010 d'une canalisation entre les barrages de La Touche Poupard et du Cébron a amélioré la résilience de l'ensemble et quelques travaux supplémentaires sont encore prévus. Pour ce faire, les collectivités concernées doivent pouvoir être aidées. L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a ainsi lancé en 2023 un appel à projets doté de 20 millions d'euros destiné à financer jusqu'à 50 % les études et travaux d'interconnexion.

Un autre levier d'amélioration des réseaux d'eau potable porte sur la réduction du taux de fuite sur les plus de 900 000 km de canalisations d'eau potable. Le rendement moyen du réseau est d'environ 80 %, mais avec de fortes disparités, 170 collectivités ayant des taux de fuite supérieurs à 50 %. Il convient de s'attaquer en priorité aux réseaux les plus fuyards, où des investissements lourds sont nécessaires. En application du Grenelle de l'environnement, qui imposait aux communes de se doter d'un descriptif détaillé de leur réseau à travers la réalisation d'un schéma de distribution d'eau potable320(*) et de se doter d'un plan d'action en cas de taux de perte trop élevé, le décret fuites (n° 2012-97 du 27 janvier 2012) prévoit la majoration du taux de redevance en cas de réseau trop fuyard (article D. 213-48-14-1 du code de l'environnement). Malgré ce cadre législatif contraignant, on constate la persistance de pans entiers du réseau excessivement fuyards, faisant perdre 1 milliard de m3 par an.

La mesure n° 14 du Plan eau du Gouvernement prévoit 180 millions d'euros supplémentaires par an d'aides des agences de l'eau, conditionnées à une amélioration de la gestion du patrimoine. Les aquaprêts peuvent aussi être mobilisés pour financer l'amélioration des réseaux de distribution. Au-delà des travaux programmés de génie civil, la lutte contre les fuites peut passer par le progrès technique, avec l'installation de capteurs intelligents capables de repérer les faiblesses des canalisations, l'installation d'équipements pour couper les zones de fuite ou encore la maintenance préventive des installations, dans une logique d'intervention avant la fuite.

La mission apporte donc les préconisations suivantes :

32 - Mettre à jour dans chaque département un schéma d'interconnexion qui identifie les fragilités d'approvisionnement des différentes communes et précise les mesures structurelles à prendre pour sécuriser l'approvisionnement en eau, ainsi que les mesures de crise possibles en cas de rupture d'approvisionnement.

33 - Élargir l'obligation pour tous les maîtres d'ouvrage de connaître leur patrimoine, en les engageant sous cinq ans dans un diagnostic stratégique de connaissance du patrimoine, d'analyse financière adossée à un plan pluriannuel d'investissement.

34 - S'il ne s'agit pas de chercher un rendement maximum de réseau lorsque ceux-ci sont déjà performants, l'atteinte de pourcentages très élevés de rendement supposant des investissements énormes, il convient de fixer un taux de rendement-cible autour de 85 % et d'adopter une tarification de redevance très dissuasive pour les réseaux les plus fuyards. Cette orientation est prévue dans le cadre de la réforme des redevances des agences de l'eau.

35 - Favoriser la mise en oeuvre de solutions technologiques innovantes pour lutter contre les nouveaux polluants de l'eau.

(2) Poursuivre la bataille de l'assainissement

Atteindre un haut niveau de traitement des eaux usées à travers les dispositifs d'assainissement est une condition incontournable d'atteinte des objectifs de qualité des eaux fixées par la DCE. Si la bataille de l'assainissement est menée avec une certaine efficacité par les collectivités territoriales chargées de cette mission, il existe encore de nombreux défis :

l'engorgement des usines d'assainissement suite à des épisodes de fortes pluies, les conduisant à rejeter des eaux non traitées mélangées à des eaux de pluie dans les milieux ;

le retard de mise aux normes européennes en matière de traitement des eaux usées qui persiste dans une centaine d'agglomérations de plus de 2 000 habitants : la teneur en phosphore et azote des eaux usées y est encore trop importante ;

- la modernisation des installations d'assainissement pour répondre aux exigences de la directive eaux résiduaires urbaines (DERU) en matière de neutralité carbone ou encore de réutilisation des boues d'épuration ;

le traitement de nouveaux polluants et polluants émergents par les usines d'assainissement, en particulier les micropolluants et les microplastiques ;

la non-conformité persistante de nombreux systèmes d'assainissement individuel.

La maîtrise des risques liés aux pollutions d'origine domestique demeure un objectif prioritaire. Elle constitue d'ailleurs une exigence juridique à l'échelle de l'Union européenne et impose de ne pas baisser la garde et même de renforcer sans cesse la performance des dispositifs d'épuration.

La mission apporte les recommandations suivantes :

36 - Encourager les aménagements favorisant l'infiltration d'eau de pluie pour retarder le plus possible l'engorgement des égouts et le débordement des stations d'épurations suite aux épisodes de fortes précipitations.

37 - Regrouper les petites unités d'assainissement, pour faire face à la prochaine génération d'investissements lourds ; de ce point de vue, les stations desservant moins de 2 000 habitants paraissent non viables à moyen terme.

38 - Réduire les rejets dans le milieu naturel des polluants traités, en recherchant en priorité des techniques d'élimination définitive.

39 - Prévoir des mécanismes financiers de provision forcée au moment des cessions immobilières pour la mise aux normes des installations d'assainissement non collectif.

4. L'indispensable activation du levier financier
a) Faire face à des besoins d'investissements massifs
(1) Le renforcement des moyens des agences de l'eau

La politique de l'eau repose sur la mobilisation des moyens financiers des collectivités territoriales, qui assurent les services d'eau et d'assainissement, la maîtrise d'ouvrage d'installations hydrauliques ou mènent des politiques publiques territoriales en faveur des milieux et de l'environnement et de prévention des risques. Elle repose aussi beaucoup sur les agences de l'eau, qui sont le bras armé financier de l'État sur chacun des bassins hydrographiques.

Si un chiffrage précis est difficile à établir, il est cependant clair que les besoins en investissements dans la politique de l'eau, tant celle touchant le grand cycle que celle touchant le petit cycle, sont en forte hausse. Pour restaurer les zones humides, entretenir les digues, réaliser des bassins d'expansion de crues, accroître la protection des captages d'eau potable, sécuriser les réseaux d'approvisionnement, réparer les fuites ou encore mettre aux normes les stations d'épurations, ce sont plusieurs milliards d'euros supplémentaires qui devront être trouvés chaque année.

Le Plan eau apporte une réponse forte à ces besoins de financement supplémentaires, à travers l'augmentation des moyens des agences de l'eau d'environ 20 %, en ajoutant 475 millions d'euros aux 2,2 milliards de budget annuel moyen des agences. L'effort financier reposera sur une hausse des redevances actuellement payées par les usagers, plus de 80 % de celles-ci reposant sur les usagers domestiques de l'eau.

Il convient de saluer cet effort financier, après des années de réduction des moyens des agences. Lors de l'audition du 28 février 2023, le directeur de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, Laurent Roy, rappelait ainsi que « la capacité d'aide des agences de l'eau a diminué d'un peu moins de 15 % entre notre dixième programme, achevé en 2018, et notre onzième programme qui s'étend sur la période 2019-2024 »321(*). Les agences sont en outre bridées dans leur capacité à augmenter les redevances par le mécanisme du plafond mordant, qui conduit à écrêter les recettes des taxes qui leur sont affectées à hauteur d'un plafond fixé chaque année en loi de finances322(*), au-delà duquel les montants supplémentaires encaissés sont versés au budget général de l'État.

Lors de son audition du 3 mai 2023 devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale323(*), le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu indiquait que les financements des agences de l'eau exerçaient un effet de levier et permettaient de débloquer des financements complémentaires. Il précisait : « les dépenses pour l'eau ne proviennent pas uniquement des agences de l'eau : elles s'élèvent au total à environ 20 milliards d'euros par an, dont 2,2 milliards d'euros sont constitués par le budget consacré à l'eau de ces agences. D'après nos estimations, qui s'appuient sur de nombreuses études, le plan permet un effet de levier de 6 milliards d'euros. Le rapport entre cette somme et ses effets est de un à dix : pour 180 millions d'euros prévus pour lutter contre les fuites, l'effort annuel s'établit à 1,8 milliard d'euros. Ces chiffrages proviennent des agences et des comités de bassin ».

Plusieurs questions se posent toutefois :

• Quel sera le rythme de déploiement de ces nouveaux financements ?

Nous sommes en cours d'exécution du 11programme d'intervention des agences de l'eau, qui couvre la période 2019-2024. Des opérations supplémentaires pourraient voir le jour. Les règlements des agences peuvent aussi être modifiés pour apporter des taux de subventionnement plus élevés sur certaines catégories d'actions, afin d'en accélérer la réalisation.

Les agences savent déjà ajuster leurs programmes aux moyens supplémentaires qu'elles ont récemment reçus à travers le plan de relance, les plans de résilience ou encore le fonds vert. Mais la complexité, la technicité des dossiers à traiter se heurte au besoin de mobiliser des ressources humaines. Lors de l'audition précitée, le directeur de la connaissance et de la planification de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, Christophe Poupard, indiquait ainsi : « comme l'ont largement souligné mes collègues, nous devrions bénéficier de moyens humains supplémentaires conséquents pour absorber l'important surplus d'activité ».

Dans sa réponse écrite faite à la mission d'information, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse précise que la capacité à gérer un programme d'intervention plus important financièrement dépend fortement de la nature des opérations nouvelles que l'agence financerait. En 2020 et 2021, l'agence a démontré sa capacité à faire plus sans moyens humains supplémentaires, d'une part, parce que c'était ponctuel, et, d'autre part, parce qu'il s'agissait très majoritairement de financer des projets sur le petit cycle de l'eau montés par les collectivités qui ne nécessitaient pas un fort investissement de l'agence pour les faire émerger. S'il s'agit en revanche d'intensifier l'effort sur la durée et notamment d'inciter les maitres d'ouvrage à réaliser des opérations difficiles à faire sortir, l'investissement en « temps hommes » sera beaucoup plus important, et nécessitera donc impérativement des moyens humains supplémentaires.

Plus précise encore, l'Agence de l'eau Artois-Picardie indique dans sa réponse écrite qu'avec un relèvement significatif de son programme de 35 %, « il faudrait 1,5 % de masse salariale supplémentaire, soit 15 ETP pour 50 M€ de dépenses supplémentaires. Les domaines prioritaires concernent le grand cycle de l'eau : renaturation, solutions fondées sur la nature, désimperméabilisation ».

En outre, des moyens en ingénierie devront être mobilisés à l'échelle des porteurs de projet. Comme le souligne l'Agence de l'eau Rhin-Meuse dans sa réponse écrite à la mission d'information : « le relèvement des moyens financiers des agences de l'eau serait vain sans capacité d'ingénierie territoriale en milieu rural ». Dans sa réponse, l'Agence Loire-Bretagne pointe elle aussi l'absence de maîtrise d'ouvrage suffisamment robuste en capacité de conduire des programmes d'action ambitieux, comme l'un des principaux freins à la politique de l'eau.

En tout état de cause, la montée en charge du Plan eau ne sera que progressive et ne devrait produire ses pleins effets que dans le cadre du 12programme couvrant la période 2025-2030.

• Quelle sera la réalité de l'effet d'entraînement des aides des agences de l'eau ?

Un effet de levier de 1 à 10, tel que présenté par le ministre Christophe Béchu, constitue certainement une hypothèse très optimiste. Les agences constatent en effet un tassement des cofinancements des collectivités, en particulier un désengagement de certains départements.

Dans sa réponse écrite à la mission, l'Agence de l'eau Rhin-Meuse rappelait que les taux d'aides de l'Agence avaient suivi une tendance haussière depuis 2016, et ajoutait que cette stratégie visait à compenser le désengagement quasi généralisé des conseils départementaux, qui n'ont pas conservé la clause de compétence générale. La Région, très investie dans le financement du grand cycle de l'eau, n'a pas permis de pallier à cette situation. Il est donc tout à fait possible que les financements supplémentaires mis à disposition des agences de l'eau servent, au moins en partie, à compenser le faible niveau d'investissement des financeurs.

Si les investissements dans le petit cycle mobilisent plus facilement les collectivités, qui sont propriétaires des infrastructures et doivent faire face à des enjeux immédiats de performance de leurs outils, ceux dans le grand cycle s'inscrivent dans des stratégies de plus longs termes et peuvent être considérés comme moins prioritaires. Dans sa réponse écrite à la mission, l'Agence de l'eau Artois-Picardie indiquait ainsi qu'elle essayait d'être très présente sur les questions de grand cycle « en l'absence d'autres financeurs, en particulier sur la restauration des milieux naturels ».

Il convient donc de ne pas fonder trop d'espoirs sur un effet de levier massif des nouveaux crédits dont disposeront les agences de l'eau en application du Plan eau.

• Quelle sera la manière de financer le Plan eau ?

De ce point de vue, des clarifications ont été apportées assez rapidement après la présentation du plan. Les 475 millions d'euros supplémentaires proviendront d'une hausse des taux de redevance. Si la clef de répartition entre les différentes catégories d'usagers versant des redevances : industriels, énergéticiens, agriculteurs, collectivités, usagers des services d'eau et d'assainissement reste à définir, les usagers du petit cycle de l'eau devraient cependant être les principaux contributeurs à cette hausse des redevances.

En pratique, la mise en oeuvre de cette hausse des recettes des agences passera a minima par le relèvement du plafond mordant. On pourrait même envisager sa suppression, pour permettre aux agences d'aller au-delà des 475 millions d'euros de recettes supplémentaires, afin de faire face à des besoins identifiés sur le territoire du bassin. Parallèlement, le plafond pluriannuel de dépenses des agences, fixé par un arrêté interministériel324(*), devra être relevé, ainsi que le plafond d'emplois défini chaque année par la loi de finances.

• Quelles sont les limites des interventions des agences ?

Le champ d'intervention des agences de l'eau est extrêmement large. Elles financent des études et des travaux concernant tant le grand cycle que le petit cycle de l'eau, chacune fixant ses priorités et définissant des taux d'intervention selon l'efficacité et l'intérêt des actions correspondantes. Ainsi, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne a défini trois taux de soutien : 70 % (taux maximal) pour les actions les plus efficaces ou les plus indispensables pour atteindre les objectifs du SDAGE, 50 % (taux ordinaire) pour les autres opérations concourant directement à l'atteinte des objectifs du SDAGE et 30 % pour les opérations utiles mais n'entrant pas dans le cadre du SDAGE.

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avait élargi le domaine d'intervention des agences à l'ensemble du champ de la biodiversité, les conduisant à consacrer davantage de moyens au grand cycle. À enveloppe fermée, cela induit de réduire les interventions sur le petit cycle, stratégie contestée par les collectivités gestionnaires des services d'eau et d'assainissement.

Les marges de manoeuvre laissées aux agences de l'eau ne sont pas totales. Ainsi, elles doivent privilégier les aides à l'investissement plutôt que les aides au fonctionnement, ce qui peut conduire à remettre en cause certaines interventions traditionnelles, comme le financement du soutien d'étiage sur la Garonne par l'Agence Adour-Garonne.

La remise en cause du modèle économique du soutien d'étiage de la Garonne

Le syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG) est chargé de la gestion des étiages de la Garonne en assurant sa réalimentation entre juin et octobre à partir des lacs des Pyrénées. Entre 2008 et 2017, ce sont environ 32 millions de m3 par an qui sont ainsi mobilisés (source : SMEAG).

Ce soutien d'étiage, assuré depuis 1993 et dont l'impact positif est avéré en termes de réduction du nombre de jours de restriction, fait l'objet d'une indemnisation des gestionnaires des réserves d'eau, qui ne peuvent pas l'utiliser pour la production hydroélectrique l'hiver, au moment où le prix de l'électricité est le plus élevé. Ces indemnisations sont plafonnées à 5 millions d'euros par an.

Leur financement est assuré par une redevance pour soutien d'étiage payée par les services d'eau potable, les 800 agriculteurs irrigants du bassin et les industriels préleveurs, par des contributions publiques au SMEAG ainsi que par une subvention de l'Agence de l'eau Adour-Garonne. Or, un rapport conjoint du CGEDD et du CGAAER de 2021325(*) (rapport Le Coz) estime que « ce n'est pas la vocation de l'agence de financer le fonctionnement du service rendu aux usagers ». L'Agence de l'eau Adour-Garonne est d'ailleurs la seule des six agences hexagonales à contribuer au financement du soutien d'étiage.

Dans un contexte où les volumes d'eau à mobiliser pour le soutien d'étiage ont vocation à augmenter, afin de faire face à une forte baisse des étiages naturels sur le bassin, il convient donc de trouver des ressources financières alternatives. Le financement intégral du soutien d'étiage par la redevance, certes conforme au principe de récupération des coûts, conduirait toutefois à un quasi-doublement de son taux, difficilement supportable par les redevables actuels.

(2) Une question ouverte : faut-il mettre en place une solidarité interbassins ?

Le système des redevances organise une solidarité à l'intérieur des bassins hydrographiques, notamment entre secteurs urbains et ruraux, mais pas entre les bassins. Or, les capacités financières des agences varient fortement en fonction du degré d'urbanisation et de la configuration des bassins. L'essentiel des redevances étant payées par les usagers des services d'eau et d'assainissement, les bassins très urbanisés comme le bassin Seine-Normandie ou Rhône-Méditerranée-Corse collectent des sommes importantes sur ces usagers domestiques de l'eau, nombreux, et disposent en conséquence de fortes capacités financières, ce qui n'est pas le cas pour des agences couvrant un territoire à dominante rurale, comme l'Agence Loire-Bretagne (qui couvre 28 % du territoire mais seulement 20 % de la population), où les besoins d'investissements sont importants mais la population urbaine plus faible et donc les redevances collectées moins massives.

Le Plan eau prévoit déjà une solidarité à l'égard des territoires ultramarins particulièrement en difficulté pour financer leur politique de l'eau, avec une enveloppe de 35 millions d'euros. Compte tenu des difficultés structurelles des territoires ultramarins et de l'urgence à y rétablir un accès effectif permanent à l'eau potable, cet effort doit être pérennisé, voire encore accru. Par ailleurs, l'Office français de la biodiversité (OFB), financé à hauteur d'environ 370 millions d'euros par un prélèvement sur les redevances des agences de l'eau, a parmi ses missions la mise en oeuvre de la solidarité financière entre bassins hydrographiques en matière de gestion de la ressource en eau et de biodiversité, bénéficiant à la Corse et à l'outre-mer. On peut donc considérer que la solidarité financière interbassin existe donc déjà à travers la contribution à l'OFB.

Le rapport de l'IGF et du CGEDD de 2018 (rapport Lavarde)326(*) avait évoqué l'idée d'instaurer une redevance de solidarité territoriale, assise sur le mètre cube d'eau potable, collectée selon le mécanisme de l'actuelle redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. Mais la réforme en cours des redevances des agences n'a pas intégré cette idée. Lors de leur audition du 28 février au Sénat, les représentants des agences de l'eau se sont montrés réservés sur la solidarité interbassins, en estimant que la première solidarité était celle mise en place entre amont et aval au sein des bassins.

En outre, tous les bassins ayant à faire face à des enjeux dans la durée qui dépassent leurs capacités financières, les contributeurs nets dans un système de solidarité financière interbassins pourraient se voir ralentis dans la mise en oeuvre de leurs programmes d'action. Les bassins précurseurs pourraient voir leurs initiatives freinées. Les agences contributrices pourraient être tentées de baisser les taux de redevance pour éviter d'être ponctionnées. Enfin, les critères de péréquation entre bassins ne sont pas évidents et peuvent donner lieu à des débats sans fin.

Pour autant, même si le changement climatique impacte tous les bassins, les différences de capacité financière des uns et des autres sont flagrantes. Dans un contexte de desserrement de la contrainte budgétaire des agences permise par le relèvement des redevances prévu par le Plan eau, il convient de ne pas écarter l'idée d'une part mutualisée à l'échelle nationale.

(3) La recherche de nouveaux financements pour la biodiversité

Les besoins de financement des mesures en faveur des milieux aquatiques qui relèvent de la préservation ou de la restauration de la biodiversité sont en hausse. L'adoption de solutions fondées sur la nature, la renaturation des cours d'eau et la restauration des zones humides nécessitent de mobiliser des recettes supplémentaires.

Le rapport Jerretie-Richard remis début 2022 dans le cadre du Comité pour l'économie verte327(*) qualifie de « prudente » une estimation des besoins supplémentaires de 400 millions d'euros pour agir sur le grand cycle de l'eau et sur la biodiversité. Il propose d'y répondre en partie en élargissant à la biodiversité la fiscalité des agences de l'eau, à travers l'affectation aux agences d'une part de la taxe d'aménagement actuellement affectée aux départements et servant au financement des espaces naturels sensibles (dont le produit global annuel s'élève à environ 600 millions d'euros), représentant d'abord 150 puis à terme 300 millions d'euros.

Le rapport IGF-IGEDD de novembre 2022 sur le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030328(*) ne va pour sa part pas dans le même sens. Il estime que les besoins des agences de l'eau (mise en conformité des ouvrages prioritaires de bassin, renaturation des villes, programmes haies et restauration de zones naturelles, paiements pour services environnementaux) sont de l'ordre de seulement 630 millions d'euros sur 5 ans. Par ailleurs, il rejette l'idée d'une attribution d'une fraction de taxe d'aménagement aux agences de l'eau, craignant de fragiliser le financement des espaces naturels sensibles.

Pour autant, le financement des actions en faveur de la biodiversité ne peut pas reposer principalement sur les ressources ordinaires des agences, qui sont essentiellement assises sur les usagers du petit cycle de l'eau et déjà amputées du prélèvement à destination de l'OFB. Dans ces conditions, la recherche d'une autre recette affectée soit directement à l'OFB soit aux agences de l'eau est nécessaire.

(4) Faire évoluer le cadre juridique et financier de la GEMAPI

L'attribution de la compétence GEMAPI aux EPCI, en entraînant l'obligation de surveiller, entretenir et le cas échéant réhabiliter les digues ainsi que de créer et gérer les aménagements hydrauliques nécessaires pour limiter l'impact des crues, a permis de clarifier les responsabilités mais sans donner aux intercommunalités les moyens de faire face à ces obligations nouvelles329(*).

La taxe GEMAPI, plafonnée à 40 € par habitant et dont le produit moyen voté par les EPCI se situe plutôt autour de 6 € par habitant, permet certes de mobiliser des ressources croissantes, de 154 M € en 2018 à 380 M € en 2022330(*). Son produit peut d'ailleurs être transféré à des syndicats mixtes, comme des EPTP ou des EPAGE, si ceux-ci sont chargés de la mise en oeuvre de la GEMAPI, ce qui permet d'optimiser le périmètre d'intervention.

Certains territoires, à fort risque d'inondation sur une vaste zone et à faible densité, ne sont pas en mesure de collecter les montants nécessaires avec la seule taxe affectée. Seules les études sont finançables, et pas les travaux de génie civil, extrêmement onéreux, même en mobilisant les aides des agences de l'eau ou du Fonds de prévention des risques naturels majeures (FPRNM), dit « fonds Barnier ».

À titre d'exemple, sur le bassin versant de la Garonne, qui couvre 10 % du territoire national, l'EPCI Val de Garonne Agglomération constitué autour de Marmande, a estimé le coût des travaux de conservation des 90 km de digues publiques dont il a la gestion à 22 millions d'euros, alors que le produit de la taxe GEMAPI n'est que d'un million d'euros et les subventions sont plafonnées à 40 % du coût des travaux, forçant l'EPCI à assurer 60 % d'autofinancement.

Il existe aujourd'hui un réel enjeu de nécessaire solidarité à l'échelle du bassin versant et le long du cours d'eau pour la gestion des risques d'inondation, entre des collectivités densément peuplées qui peuvent prendre en charge les actions de protection et celles pour qui la faiblesse de l'assiette ne permet pas de couvrir le financement d'ouvrages onéreux.

La fiscalité actuelle est inadaptée et les agences de l'eau n'interviennent que dans des proportions limitées - les 60 à 70 % de financements restants sont complexes à trouver.

Dans une logique de péréquation et de solidarité territoriale, plusieurs pistes doivent donc être poursuivies en parallèle : le renforcement des niveaux d'aide des agences ainsi que la mutualisation des recettes de taxe GEMAPI à l'échelle de l'ensemble du bassin versant, dans la mesure où il est inefficace d'avoir des niveaux de protection différents sur un linéaire de cours d'eau, selon le découpage des EPCI.

Pour faire face aux besoins de financement supplémentaires, la mission recommande donc de :

40 - Supprimer d'ici la fin 2023 le plafond mordant de recettes et de relever les plafonds d'emplois et les plafonds de dépenses des agences de l'eau, afin de pérenniser les 475 millions d'euros de recettes supplémentaires proposées par le Plan eau.

41 - Définir un modèle économique robuste pour l'indemnisation des exploitants hydroélectriques contribuant au soutien d'étiage.

42 - Pérenniser le soutien financier aux offices de l'eau ultramarins pour améliorer la performance des réseaux d'eau potable et améliorer l'assainissement.

43 - Relancer la réflexion sur les modalités d'une solidarité financière interbassins, afin de soutenir davantage les agences les moins bien dotées.

44 - Flécher une ressource nouvelle destinée à financer spécifiquement les actions des agences de l'eau en faveur de la biodiversité, pour alléger la charge reposant sur les usagers du petit cycle.

45 - Mettre en place une fraction de taxe GEMAPI mutualisée sur l'ensemble du bassin versant, pour soutenir les actions au titre de la GEMAPI des EPCI disposant de peu de ressources et de longs linéaires à protéger.

46 - Permettre aux EPCI de s'adosser aux EPTB existants pour déléguer l'exercice de la GEMAPI et les ressources afférentes.

47 - Accompagner les autorités organisatrices de l'eau pour se saisir des solutions de financements longs, permettant des amortissements sur 50 à 60 ans, tels les « aquaprêts ».

b) Mettre en place de véritables incitations
(1) Vers des redevances incitatives
(a) À l'origine de la réforme des redevances des agences de l'eau, la fin programmée des primes de performance épuratoire
(i) Qu'est-ce que la prime de performance épuratoire

Les primes de performance épuratoire (ou prime d'épuration) sont des aides financières versées par les agences de l'eau aux maîtres d'ouvrage publics (syndicats d'assainissement) et privés (par exemple les campings) de stations d'épuration traitant les pollutions domestiques (hors toutes petites stations). Elles sont prévues par le V de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement.

Chaque agence de l'eau définit les conditions d'attribution de la prime. Son mode de calcul est complexe. Il repose sur la différence entre la pollution entrante dans la station d'épuration et la pollution sortante, estimée à partir des données d'auto-surveillance de qualité des gestionnaires des stations d'épuration. Les polluants pris en compte sont multiples : matières en suspension (MES), demande chimique en oxygène (DCO), demande biochimique en oxygène sur 5 jours (DBO5), azote réduit (NR), phosphore total (PT).

Certaines agences de l'eau ne versent la prime que si le service d'assainissement collectif est facturé aux usagers au-delà d'un certain montant (1 € pour l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse).

Il faut noter que les communes et groupements de communes assurant un service public d'assainissement non collectif (SPANC) sont également éligibles à une prime lorsqu'elles mettent en place sur leur territoire des contrôles performants des systèmes d'assainissement individuel.

Les primes d'épuration sont un dispositif incitant à améliorer la qualité de l'eau (en allant au-delà de la règlementation des normes minimales) et pénalisant les dispositifs d'épuration mal maîtrisés, en récompensant les résultats et pas seulement les moyens mis en oeuvre.

La programmation budgétaire 2019-2024 (11programme) prévoit une baisse des crédits par rapport à la période précédente 2013-2019 (10programme), l'enveloppe pluriannuelle passant de 1,68 milliard d'euros à 1,07 milliard d'euros331(*). La suppression totale de l'enveloppe est prévue dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle 2025-2030 (12e programme).

En 2021, les primes de performance épuratoire représentaient encore 182,6 millions d'euros (en crédits de paiement)332(*) mais le dispositif connaît une fin en sifflet avec 115,3 M € en 2023 et 80,7 M € en 2024.

(ii) La remise en cause de la prime de performance épuratoire

Le rapport IGF-CGEDD sur l'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité publié en 2018 préconisait un « abandon définitif des primes épuratoires, dont l'efficacité n'est pas démontrée » concomitante d'une rénovation de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. La prime était analysée comme une aide au fonctionnement pouvant représenter jusqu'à 10 % des frais de fonctionnement des services d'assainissement (environ 8 centimes/m3). La prime d'épuration est globalement considérée comme insuffisamment incitative, ne différenciant pas l'effort supplémentaire de dépollution de l'effort de base demandé par la règlementation.

La suppression de la prime de performance épuratoire permet aussi et surtout, dans un contexte budgétaire contraint pour les agences de l'eau, de dégager des marges de manoeuvre pour financer d'autres investissements. C'est ce qu'avait mis en oeuvre l'Agence Loire-Bretagne qui ne distribue plus la prime dans le cadre du 11programme.

Par ailleurs, le temps de traitement administratif de la prime estimé par le rapport de 2018 était de 45 ETP par an.

Plusieurs arguments ont cependant été avancés pour défendre la prime d'épuration :

- c'est le seul outil appliquant le principe payeur-payeur pour l'eau domestique, les redevances d'assainissement étant payées en fonction des volumes consommés ;

- la crainte de perdre la prime incite les syndicats d'assainissement à maintenir une vigilance et des efforts importants ;

- à l'occasion du calcul de la prime, les agences collectent des données utiles auprès des syndicats d'assainissement pour mieux connaître les pollutions effectives ;

- enfin, la prime d'épuration profite aux grandes agglomérations urbaines, qui cotisent beaucoup au titre des redevances et reçoivent peu.

(b) Une réforme des redevances conservant les clefs de répartition actuelles mais augmentant la dimension incitative

La mise en oeuvre des recommandations du rapport IGF-CGEDD de 2018 a conduit à préparer une réforme de la redevance pour pollution domestique des agences de l'eau, afin de conserver une incitation à une bonne performance en matière d'assainissement, sans passer par une aide budgétaire, mais en utilisant l'outil du mode de calcul de la redevance.

L'objet de la réforme est plus large que la suppression des primes de performance épuratoire. Il s'agit de réformer la redevance pour pollution domestique et la redevance pour modernisation des réseaux de collecte, l'exercice étant effectué à masse fiscale constante.

La réforme doit être achevée d'ici la mi-2024 pour pouvoir être mise en oeuvre dès 2025, au lancement du 12programme des agences de l'eau.

Les modalités de la réforme ont fait l'objet de discussions au sein du Comité consultatif sur le prix et la qualité des services publics d'eau et d'assainissement (CCPQSPEA), avec présentation de points d'étape au Comité national de l'eau (CNE).

Les redevances pour prélèvement et redevances pour pollution non domestique ne seraient pas modifiées. En revanche, concernant les autres redevances, qui constituent l'essentiel des recettes des agences de l'eau, on s'achemine vers la mise en place d'un système à deux étages, le deuxième étant celui des incitations, à la fois à la sobriété de la consommation d'eau potable et de la performance des systèmes collectifs d'épuration avec :

une redevance fixe de base sur la consommation d'eau potable, qui rapporterait les 2/3 des recettes des agences (1 milliard d'euros) et serait collectée par les distributeurs d'eau (qui ainsi, assumeraient le risque d'impayés) ;

deux redevances pour performance qui rapporteraient ensemble 1/3 des recettes des agences (450 à 500 millions d'euros) :

• une redevance assise sur la performance du réseau d'assainissement collectif, due par la commune ou l'EPCI exerçant la compétence, modulée en fonction de critères de conformité réglementaire, de la qualité de l'auto-surveillance et de la performance globale du système d'assainissement (critères similaires aux actuelles primes de performance épuratoire) modulée entre 1 (taux maximum) et 0,3 (taux minimum) ;

• une redevance assise sur la performance du réseau d'eau potable, due par la commune ou l'EPCI exerçant la compétence eau, modulée en fonction du taux de fuite et de la connaissance patrimoniale des réseaux, modulée entre 1 (taux maximum) et 0,2 (taux minimum, pour les systèmes les plus performants).

Le mode de calcul des redevances inciterait donc fortement à limiter les fuites sur les réseaux d'eau potable et mieux maîtriser les rejets des stations d'épuration.

Schéma présenté au CNE du 4 mai 2023

(2) Agir par une tarification différenciée de l'eau
(a) Vers la tarification progressive

Si l'incitation concerne les services d'eau et d'assainissement, elle peut concerner aussi directement les usagers de l'eau à travers une tarification incitant à la sobriété.

La mesure n° 43 du Plan eau suit cette voie timidement, en renvoyant d'éventuelles recommandations aux travaux du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Mettre en place une tarification qui pénalise les usagers ayant une consommation d'eau trop importante est déjà possible et certaines collectivités la pratiquent. Le syndicat de l'eau du Dunkerquois (SED), qui rassemble 29 communes, et assure l'alimentation en eau potable d'un bassin de 240 000 habitants, est ainsi confronté depuis des années à la nécessité d'économiser la ressource en eau provenant de la nappe de l'Audomarois, située à 40 km de l'agglomération. Depuis 2012, il a établi trois tranches de tarification : un tarif faible jusqu'à 80 m3 par an, un tarif normal de 80 à 200 m3 et enfin un tarif majoré au-delà de 200 m3. La consommation par foyer est passée de 81 m3 à 67 m3 et 80 % des usagers ont fait des économies sur leur facture. Les prélèvements globaux d'eau du syndicat ont baissé de 10 %.

Plusieurs conditions sont cependant nécessaires pour mettre en place une tarification progressive efficace et juste :

- d'abord, il faut pouvoir individualiser les compteurs. C'est le cas dans les logements individuels mais pas dans les immeubles collectifs, le plus souvent dotés de compteurs collectifs. Le SED a accompagné la démarche pour atteindre un taux d'équipement en compteurs individuels de 85 % ; il faut en outre noter que les logements neufs doivent bénéficier de compteurs individuels puisqu'en application de l'article L. 152-3 du code de la construction et de l'habitation, « toute nouvelle construction de bâtiment à usage principal d'habitation comporte une installation permettant de déterminer la quantité d'eau froide fournie à chaque local occupé à titre privatif ou à chaque partie privative d'un lot de copropriété ainsi qu'aux parties communes, le cas échéant » ;

- ensuite, il est préférable de moduler les tarifs en fonction de la composition des familles. Le SED n'avait pas fait ce choix initialement. Afin de compenser la pénalisation des familles nombreuses, qui mécaniquement consomment plus d'eau, il avait mis en place un « chèque eau » en réalité très peu utilisé par les habitants. Ce dispositif, abandonné, est remplacé par un échange d'informations avec la CAF sur la composition des foyers ;

- enfin, pour que la tarification progressive ait un effet, cette progressivité doit être significative, faute de quoi le signal prix ne sera pas suivi par les usagers, dont la consommation est déjà peu élastique au prix.

(b) Un couplage avec la tarification sociale

La tarification sociale relève d'une autre logique mais peut être combinée avec la tarification progressive. C'est d'ailleurs la voie choisie également par le SED, qui accorde un tarif préférentiel trois fois moins important que le tarif de base sur la première tranche aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) du territoire. Ce tarif concerne un peu moins de 10 % des foyers. Les informations sont transmises au SED de manière sécurisée par la Caisse primaire d'assurance-maladie.

Outre l'interdiction de couper l'eau pour impayés, la loi Brottes d'avril 2013 avait autorisé les collectivités à introduire des expérimentations de tarification sociale de l'eau. La loi Engagement et Proximité de 2019 a pérennisé cette possibilité, utilisée en 2021 par 41 collectivités gérant un service d'eau.

L'objectif de la tarification sociale consiste à rendre effectif le droit à l'eau pour tous, en allégeant la facture des plus modestes.

Mais d'autres mesures que des modulations directes de tarifs peuvent contribuer au même objectif. La mobilisation du Fonds de solidarité logement départemental ou des fonds sociaux des communes pour aider les ménages en difficulté à payer leur facture d'eau est possible. Une aide générale au paiement des factures peut aussi être distribuée sous forme de chèques eau automatiquement émis pour éviter le non-recours, comme constaté à Dunkerque. La collaboration des Caisses d'allocations familiales (CAF) ou des caisses de retraite est alors nécessaire pour mettre en oeuvre un tel mécanisme.

Il ne serait d'ailleurs même pas nécessaire de connaître la consommation précise d'un ménage pour mettre en oeuvre une aide au paiement des factures d'eau lorsque celle-ci est incluse dans les charges, en déployant un instrument de financement au bénéfice des plus modestes de la part de charges correspondant à l'eau.

(3) Des incitations à économiser l'eau par des gestes du quotidien

Un dernier levier d'incitation à la sobriété passe par l'accompagnement des ménages dans leurs gestes du quotidien. Sans être exhaustifs, on peut citer plusieurs exemples :

l'installation de mousseurs sur les robinets, réduisant le débit du filet d'eau, permet de 25 à 50 % d'économies d'eau. Certains services d'eau en fournissent gratuitement à leurs usagers ;

- l'installation de récupérateurs d'eau de pluie pour l'arrosage des plantes évite d'utiliser l'eau potable. Certaines collectivités subventionnent une telle acquisition par les particuliers. En revanche, le crédit d'impôt pour la récupération d'eau de pluie, fixé à 15 % des dépenses et plafonné à 8 000 euros, a disparu depuis 2014. Il pourrait être pertinent de le rétablir ;

- les dispositifs de récupération des eaux grises (eaux de lavage, eaux de machines à laver) pour des usages compatibles, comme l'alimentation d'une chasse d'eau (qui consomme jusqu'à 9 litres par utilisation), nécessitent des montages plus complexes avec installation de réservoir de récupération et travaux de plomberie, pour un coût de plusieurs milliers d'euros, et donc moins facilement généralisables ;

- les campagnes de communication informant et sensibilisant les particuliers aux gestes responsables complètent l'arsenal des mesures pratiques et peuvent contribuer à des changements de comportements vers davantage de sobriété.

(4) Combiner le principe pollueur-payeur et la rémunération des services environnementaux
(a) Renforcer l'application du principe pollueur-payeur

Le principe pollueur-payeur est un des principes fondamentaux du droit de l'environnement, énoncé par le 3° du II de l'article L.110-1 du code de l'environnement. Il implique que les « mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ». Il est cependant mis en oeuvre très imparfaitement, et ne va pas jusqu'à une récupération totale (appelée aussi internalisation) des coûts sur l'émetteur des pollutions, du fait de la difficulté à évaluer l'impact réel sur les milieux des émissions de polluants, d'identifier précisément les responsables ou encore lorsque les capacités de paiements des pollueurs sont insuffisantes. Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes européenne pointait une application très imparfaite du principe pollueur-payeur au sein des politiques environnementales de l'Union européenne333(*).

Dans le domaine de l'eau, le principe pollueur-payeur est mis en oeuvre à travers plusieurs dispositifs.

• Les redevances perçues par les agences de l'eau en sont l'instrument principal, mais comme le notait, il y a dix ans, un rapport d'évaluation de la politique de l'eau du CGEDD334(*), le système des redevances a évolué vers la fiscalisation en s'éloignant de l'application du principe pollueur-payeur. Le rapport indiquait ainsi que « les différences de taux de redevances fixées par le législateur par usage de l'eau sont désormais fondées davantage sur son appréciation des facultés contributives et du contexte socio-économique que fruit d'éléments techniques environnementaux ». La redevance pour pollution domestique est ainsi aujourd'hui payée essentiellement par les usagers domestiques de l'eau sur leur facture d'eau. D'après le « jaune budgétaire » sur les agences de l'eau annexé au projet de loi de finances pour 2023, elle représentait en 2021 1,069 milliard d'euros, contre seulement 54,3 millions d'euros pour la redevance due par les industriels et 4 millions d'euros pour les redevances dues par les élevages sur leurs rejets d'effluents azotés.

• Instaurée en 2008 et étendue en 2012, la redevance pour pollutions diffuses (RPD), collectée par les agences de l'eau, est due par tout acheteur de produits phytopharmaceutiques. Elle varie dans une proportion d'environ 1 à 10 selon le degré de toxicité des produits concernés. En partie affectée au financement du plan Ecophyto, elle a un rendement, selon le « jaune budgétaire » précité de l'ordre de 130 à 150 millions d'euros par an, « très fluctuant, principalement en fonction de la météo de l'année qui a un impact direct sur les décisions d'achats de produits phytopharmaceutiques », mais aussi des stratégies de stockage de produits par les agriculteurs (on a constaté 188,7 millions d'euros de recettes en 2021, contre 96,9 millions d'euros en 2020).

• À l'issue des discussions de la loi Climat et résilience d'août 2021, l'article 268 n'a pas mis en place de taxe sur les engrais azotés, comme prévu initialement, pour lutter contre la pollution de l'eau par les nitrates. La loi évoque simplement la possibilité de créer une telle redevance si les objectifs de réduction de 13 % des émissions d'ammoniac et de 15 % des émissions de protoxyde d'azote n'étaient pas atteints en 2030.

• Il n'existe pas de taxe ou redevance touchant les pollutions diffuses de l'eau par les médicaments, les produits cosmétiques ou encore les plastiques, dont la dégradation en microbilles constitue pourtant un défi de santé publique et de santé environnementale, comme l'ont montré les travaux récents de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques335(*).

Enfin, comme le notait le rapport de 2013 du CGEDD précité, « certains faits générateurs perturbant pour le milieu ne font l'objet d'aucune redevance : extractions de granulats, suppression de champs d'expansion des crues, imperméabilisation ».

L'application dans le domaine de l'eau du principe pollueur-payeur est donc très imparfaite et pourrait être renforcée, à la fois pour apporter de nouvelles ressources aux agences et pour inciter les acteurs économiques à réduire à la source les pollutions de l'eau, stratégie bien moins coûteuse pour la collectivité que celle consistant à traiter les polluants une fois ceux-ci disséminés.

(b) Mieux rémunérer les services environnementaux

Une autre piste féconde pour améliorer la qualité de l'eau consiste à développer les paiements pour services environnementaux (PSE), qui correspondent à une rémunération d'un service rendu à l'environnement en s'engageant dans une pratique agricole vertueuse allant au-delà du seul respect de la réglementation.

Dans le cadre du plan biodiversité présenté en 2018, le Gouvernement avait décidé de consacrer 150 millions d'euros aux PSE destinés aux agriculteurs, en échange d'engagements sur des changements de pratiques assortis d'indicateurs de résultats. Ces paiements sont apportés par les agences de l'eau. Ils correspondent à des actions de restauration de milieux naturels par l'implantation de haies, la préservation de mares, ou encore à des modifications des systèmes de production agricole, par la mise en place de couverts végétaux, la réduction des apports de fertilisants ou de pesticides. La plateforme nationale des PSE recense 153 projets à travers toute la France336(*).

Ces dispositifs sont appelés à être complétés dans le cadre de la nouvelle PAC par les mesures agro-environnementales (MAEC) qui disposent d'une enveloppe globale de crédits du deuxième pilier de la PAC d'un peu plus de 160 millions d'euros par an dans le cadre du plan stratégique national (PSN) 2023-2027337(*), ainsi que par les aides à l'agriculture biologique. Dans sa réponse écrite à la mission, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne indiquait que, si les PSE étaient un bon outil, « il semble indispensable de stabiliser ce dispositif sur lequel des interrogations demeurent (articulation avec les outils de la politique agricole commune et le plan stratégique national, capacité des collectivités à assurer le portage dans la durée voire à financer) ». Dans le même sens, l'Agence Artois-Picardie indique que « l'expérimentation des PSE entre 2020 et 2022 est positive mais les moyens et les outils sont largement insuffisants face aux pressions sur notre bassin et aux revenus générés par l'agriculture industrielle ». L'instrument peut donc être efficace mais n'est pas massif et les sommes à mobiliser pour avoir un effet significatif bien plus importantes que celles qui y sont aujourd'hui consacrées.

La régie d'eau de la Ville de Paris « Eau de Paris » a présenté à la mission son dispositif de PSE destiné à protéger ses aires de captage. Lancé en 2018 et opérationnel depuis 2020, ce soutien financier est accordé en échange d'engagements de résultats d'une centaine d'agriculteurs exploitant un peu plus de 15 000 hectares, soit 10 % des surfaces des aires d'alimentation de captage de la régie, en matière d'usage de pesticides ou de réduction de la production de nitrates. Un dispositif de suivi bimensuel de la qualité de l'eau sur les zones concernées a été déployé. Ce sont 47 millions d'euros qui sont mobilisés sur 11 ans. Les mesures d'accompagnement (animation territoriale, conseil agricole, évaluation) font l'objet d'un financement à 80 % par l'Agence de l'eau. Cet outil vient en complément des autres outils mis au service de la protection des aires de captage, comme l'acquisition de terrains sur lesquels la collectivité conclut ensuite un bail rural environnemental (BRE).

La prévention de la dégradation de la qualité de l'eau par l'amélioration des pratiques agricoles, peut donc passer par un renforcement des aides aux agriculteurs qui s'engagent sur des résultats.

Pour inciter à la sobriété ainsi qu'à la préservation de la qualité de l'eau, les propositions de la mission sont donc les suivantes :

48 - Récompenser les services d'eau et d'assainissement performants par une forte modulation des redevances selon les taux de fuite ou les taux de non-conformités des rejets des stations

49 - Encourager les collectivités à mettre en place une tarification progressive de l'eau, au moins pour les usagers dotés de compteurs individuels, et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage

50 - Faciliter la mise en oeuvre de la tarification sociale, en privilégiant les systèmes simples comme des chèques eau automatiquement distribués aux bénéficiaires

51 - Inciter les particuliers aux économies d'eau et à la récupération d'eau de pluie, en rétablissant le crédit d'impôt pour les récupérateurs de toiture

52 - Renforcer l'application du principe pollueur-payeur en augmentant les tarifs de redevance pour les rejets industriels et en instaurant une redevance pour les polluants aujourd'hui exonérés, en commençant par les médicaments et les produits cosmétiques

53 - Afin de parvenir en dix ans à la protection de la totalité des périmètres de captage, augmenter la part des aides PAC et des agences de l'eau en faveur des paiements pour services environnementaux.

ANNEXES

CONTRIBUTION DU GROUPE LES RÉPUBLICAINS

Le Groupe Les Républicains du Sénat tient à saluer le travail de la Mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ».

Nous tenons d'abord à souligner la pertinence d'étudier l'enjeu de l'eau et de sa gestion, face aux difficultés croissantes rencontrées sur nos territoires et afin de protéger ce bien commun du changement climatique et des conflits d'usage.

Le Groupe Les Républicains du Sénat approuve les principales conclusions visant à protéger la qualité de l'eau, à avoir une gestion quantitative de la ressource et à réarmer la politique publique de l'eau. Nous soutenons alors les nombreuses recommandations qui vont dans le bon sens, notamment :

• L'objectif de garantir et sécuriser le financement de l'eau et des Agences de l'eau, notamment pour répondre aux besoins d'entretiens et d'investissements.

• La recommandation visant à clarifier rapidement la stratégie nationale en matière de renouvellement des concessions hydroélectriques.

• La recommandation visant à ne pas faire du principe de précaution un facteur de blocage complet des projets de réutilisation de l'eau.

• La recommandation visant à sécuriser juridiquement la possibilité laissée aux départements de piloter les politiques locales de l'eau.

Le Groupe Les Républicains du Sénat tient à souligner l'importance des retenues d'eau en agriculture, afin de préserver la production agricole et garantir notre souveraineté alimentaire. En ce sens, nous saluons la position d'équilibre du rapport, visant à défendre l'utilité des réserves de substitutions, lorsqu'elles sont élaborées en concertation avec les acteurs et comprenant des objectifs de baisse de la pression sur la ressource.

Toutefois, le Groupe Les Républicains du Sénat demeure plus mesuré sur quelques mesures :

• Les recommandations visant à augmenter les tarifs de redevance de certains acteurs économiques et développer la tarification sociale via des chèques eau automatique.

• La recommandation visant à engager une réflexion sur la transformation du Comité National de l'Eau (CNE) en Haute autorité indépendante.

Nous regrettons également que la mission ne prenne pas position sur le sujet de l'intercommunalisation des compétences eau et assainissement, sujet au combien délicats dans nos territoires, qui mériterait de la part de l'État plus de souplesse et de confiance dans les élus locaux.

Compte tenu de ces éléments, malgré quelques réserves, le Groupe Les Républicains votera ce rapport.

CONTRIBUTION DU GROUPE ÉCOLOGISTE,
SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES (GEST)

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires tient tout d'abord à saluer la qualité des travaux entrepris par la mission d'information, la richesse des auditions et l'exhaustivité du rapport remis. Il remercie le président de la mission Rémy Pointereau, le rapporteur Hervé Gillé très soucieux de l'écoute de toutes les parties prenantes et le travail exceptionnel de l'administration du Sénat.

Le groupe écologiste partage les grandes orientations du rapport. Il considère que nous vivons actuellement une crise de l'eau, sans précédent pour notre pays. Le changement climatique entraîne un bouleversement des précipitations et la raréfaction grandissante de l'eau. Il porte le risque de générer des conflits d'usage plus fréquents entre exigence de fournir nos concitoyens en eau potable, préservation indispensable des milieux, nécessité d'accès à l'eau pour l'agriculture, mais aussi pour l'énergie et l'industrie.

Cet enjeu écologique et social majeur doit être au coeur des priorités de l'action publique pour une politique ambitieuse de l'eau, qui favorise la sobriété et la reconquête de la qualité de l'eau, la préservation des milieux naturels et la souveraineté alimentaire et industrielle du pays.

Notre groupe approuve globalement les préconisations nombreuses et diverses du rapport. Nous défendons la gestion publique de l'eau par les collectivités, sa tarification différenciée selon les usages, la rénovation massive des canalisations vieillissantes avec le soutien de l'État et le renforcement des moyens humains et financiers des agences de l'eau.

Sur le plan territorial, nous considérons que les commissions locales de l'eau et les projets territoriaux de gestion de l'eau, structures prometteuses, se renforceraient en élargissant leur accès à toutes les parties prenantes.

Sur le plan national, nous proposons d'organiser des assises nationales et/ou une convention citoyenne sur l'eau, les chemins, démarches qui nous semblent incontournables pour accéder à une véritable sobriété et flécher les priorisations en temps de sécheresse. En effet, une convention citoyenne favoriserait une réflexion et une contribution collective apaisée sur le partage de l'eau afin d'éviter l'apparition ou l'extension de conflits.

Concernant les préconisations pour faire face à la multiplication des conflits d'usage, le groupe écologiste préconise avant tout d'apporter des réponses démocratiques plutôt que sécuritaires. Plusieurs propositions du rapport tracent des pistes positives dans ce sens.

Nous soulignons la nécessité d'un moratoire sur les projets de retenues de substitution nécessaire pour rouvrir un dialogue apaisé et nourrir ce débat. Des nombreuses études scientifiques et académiques existent et permettent de requestionner les projets au vu des connaissances rétrospectives et prospectives concernant l'évolution de la ressource en lien avec le dérèglement climatique.

Le groupe écologiste constate enfin au sujet de l'usage agricole de l'eau que le problème sous-jacent du lien entre besoins en eau et modèle agricole n'est pas traité par ce rapport. C'est pourtant une question essentielle, car il ne s'agit pas seulement de se mobiliser pour la production agricole, mais aussi de se questionner sur ce que nous devons produire.

Le choix d'un modèle agricole plus respectueux de l'eau et de l'environnement doit être encouragé par l'État. L'agriculture industrielle et intensive a déjà largement montré ses limites et consomme aujourd'hui jusqu'à 60% de l'eau disponible. L'usage de pesticides, d'herbicides et de fongicides a un impact très fort sur la qualité de l'eau. Il y a là une problématique sanitaire, on ne peut pas à la fois vouloir une meilleure qualité de l'eau et encourager l'agriculture utilisant beaucoup d'intrants.

Le groupe écologiste propose une programmation de la sortie des pesticides et de l'élevage industriel, avec un accompagnement fort des agriculteurs au changement de pratiques. Cet accompagnement doit être déployé en priorité sur les aires de captage, pour y atteindre le zéro pesticides de synthèse et des pratiques de fertilisation respectueuses de la ressource.

Il est aujourd'hui indispensable d'accompagner fortement les agriculteurs, vers un modèle agricole plus vertueux et moins dépendant de l'irrigation. Le cap résolu vers l'agroforesterie et l'agriculture biologique - qui préservent la qualité des sols et celle des nappes - doit être affiché clairement. C'est aussi la voie pour concilier au mieux production agricole et préservation de la biodiversité.

Les investissements pour protéger les zones de captage et prévenir les pollutions doivent être privilégiées aux solutions curatives pourtant indispensables face aux nombreuses pollutions affectant la ressource. Les paysans et agriculteurs doivent être accompagnés dans cette transition pour ne pas se retrouver face au mur des crises climatiques, mais aussi pour ne pas aboutir à un éloignement des citoyens qu'ils nourrissent et à de nouveaux conflits d'usage.

De la même manière, les pratiques agricoles favorisant une plus faible utilisation de l'eau et son maintien dans les sols (plantation et gestion durable des haies, maintien des couverts végétaux, baisse des cheptels bovins, changement de variétés, etc.) doivent également être encouragées.

C'est vrai également pour les activités industrielles qui doivent être orientées sur le chemin de la sobriété et de la protection qualitative de la ressource.

Enfin, pour le groupe écologiste, la mise en place d'études scientifiques en amont de tous projets affectant le cycle de l'eau et le partage des ressources semble indispensable. Notre pays, fort d'une recherche d'excellence dont les moyens doivent être renforcés, doit davantage associer et écouter les scientifiques en amont des prises de décision. Il semble aussi indispensable que le Gouvernement fasse confiance aux citoyens, aux scientifiques, les ONG et les élus nationaux comme territoriaux.

L'eau est un bien commun et une nécessité vitale. Nous pensions qu'en France, elle était suffisante et accessible à tous et en toutes saisons. Il faut désormais apprendre la sobriété et trouver les voies d'une gestion et d'un partage démocratique dans notre pays et dans les échanges internationaux. Ce rapport donne des clés concrètes, c'est un bel espoir pour la mobilisation de chaque partie prenante et pour notre avenir commun.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Rémy Pointereau, président. - Au terme de nos travaux, qui ont duré cinq mois, nous sommes réunis pour l'examen du rapport de notre mission d'information sur la gestion durable de l'eau.

Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur pour la qualité de son investissement sur ce thème important. Mes remerciements vont aussi également aux nombreux collègues qui, malgré un agenda chargé, ont participé activement aux auditions et, pour certains, aux déplacements.

Avec 66 auditions, dont 22 réunions plénières et 44 menées par le rapporteur, ainsi que quatre déplacements, nous pouvons dire que notre mission n'a pas chômé depuis le mois de février. Nous voulions rencontrer, dans toute leur variété, les acteurs du monde de l'eau, mais aussi les experts, notamment les universitaires et les chercheurs relevant de différents établissements publics comme l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ou Météo-France. Nous avons également voulu rencontrer les représentants des différents échelons de collectivités territoriales, car la politique de l'eau est fortement territorialisée.

Nous avons enfin souhaité effectuer des déplacements sur le terrain, en particulier dans le Cher, en Gironde, ainsi que dans les Deux-Sèvres, à Mauzé-sur-le-Mignon, seule réserve en fonctionnement dans le cadre du projet désormais fameux des retenues de substitution - au nombre de 16 actuellement, contre 19 initialement.

L'eau a brutalement surgi comme un sujet d'une brûlante actualité à l'aune de la sécheresse record de l'été 2022, laquelle a été suivie d'une sécheresse hivernale assez inhabituelle, qui explique la situation tendue dans laquelle nous nous trouvons encore, même si le tableau est un peu moins apocalyptique qu'en juillet dernier. Plusieurs orages sont en effet survenus, malheureusement cette eau ruisselle et ne pénètre plus les sols. Il est regrettable à ce titre de constater que nous n'avons plus de politique de gestion quantitative de l'eau depuis l'arrêt des grands projets de barrage en 1999.

Un point positif doit cependant être tiré de l'expérience récente : nous avons pris conscience du fait que l'eau était un bien précieux et qu'il fallait redoubler d'efforts pour bien la gérer.

Nos travaux ont pu s'appuyer sur une multitude de rapports existants et d'initiatives prises depuis quelques mois. Nous pouvons citer le rapport d'information de la délégation à la prospective du Sénat, adopté à l'automne dernier, intitulé Éviter la panne sèche - Huit questions sur l'avenir de l'eau, mais aussi l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) d'avril dernier, ainsi que le chapitre du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes consacré à la gestion quantitative de l'eau, ou encore le rapport commun de plusieurs inspections ministérielles intitulé Retour d'expérience sur la gestion de l'eau lors de la sécheresse 2022, qui a été suivi d'une actualisation du guide ministériel de gestion des sécheresses.

L'actualité a aussi été marquée par des événements comme la manifestation violente du 25 mars dernier à Sainte-Soline, ou par la présentation par le Président de la République le 30 mars dernier, à Savines-le-Lac, du plan Eau qui décline 53 mesures, destinées à réorienter la politique publique de l'eau vers plus de sobriété et plus d'efficacité.

Pour faire oeuvre utile, nous avons voulu explorer le sujet dans toute sa complexité. Le premier élément, ce sont les données et les connaissances. Nous savons que le changement climatique bouleverse le cycle de l'eau. La zone de convergence intertropicale se déplace. Le sud de l'Europe va devenir plus aride. Nous sommes donc pleinement concernés. Même si nous aurons probablement les mêmes volumes de précipitation - de l'ordre de 900 millimètres par an en moyenne -, ceux-ci seront répartis différemment dans l'année. La hausse des températures augmentera aussi l'évapotranspiration.

L'étude Explore 2070 montre que les débits des fleuves vont baisser, les débits d'étiage se creuser et le remplissage des nappes sera plus lent. Nous devrons faire face à des sécheresses prolongées ainsi qu'à des sécheresses éclair. La déclinaison territoriale de ces phénomènes n'est pas connue avec précision et nous attendons les résultats de l'étude Explore2 pour y voir plus clair. À ce stade, nous devons simplement avoir conscience du fait que la disponibilité de l'eau sera moins forte et que nous devons nous y préparer.

Le deuxième élément, c'est l'organisation de la politique de l'eau, qui fait intervenir une multitude d'acteurs : les agences de l'eau, qui en sont le bras armé financier, les comités de bassin, mais aussi, à l'échelon local, les collectivités territoriales qui sont maîtres d'ouvrage des réseaux d'eau potable et des réseaux d'assainissement. Ces dernières gèrent aussi parfois des barrages, et, depuis l'attribution de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) aux intercommunalités, doivent entretenir les digues et aménager les zones d'expansion de crues, en passant par les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ou les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (ÉPAGE). Les actions de tous ces intervenants s'inscrivent dans une programmation pluriannuelle, impliquant des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) dont on espère qu'ils résultent d'un large consensus à l'échelle des bassins et des sous-bassins.

Le troisième élément de notre constat est le besoin de trouver un équilibre entre les différents usages de l'eau et la préservation des milieux naturels. Qu'il s'agisse de la continuité écologique, des volumes prélevables ou de la qualité de l'eau, à chaque fois, on s'interroge sur l'endroit où il faut placer le curseur.

L'agriculture est souvent pointée du doigt. Les plantes consomment de l'eau, certes, mais elles servent à nous nourrir et à capter du CO2. Nous devons aider nos agriculteurs à mieux gérer l'eau et faire évoluer leurs pratiques, et non les laisser dans une impasse. C'est dans ce contexte que s'inscrit le débat sur les réserves de substitution.

Le projet de rapport d'information de notre mission rejette l'idée d'une condamnation de principe des réserves de substitution, ce dont je me réjouis. Elles sont décriées alors qu'elles réduisent les pompages estivaux en les remplaçant par des pompages hivernaux. L'exemple de la Vendée est à cet égard éclairant. Il convient certes d'aller vers le multi-usage et de contrôler étroitement leur bon fonctionnement, mais on ne peut pas d'emblée les éliminer de la panoplie des solutions en les diabolisant dans l'opinion publique.

Si j'ai quelques réserves sur certaines propositions du rapport d'information, je constate que celui-ci est globalement équilibré. Or l'équilibre est la condition d'une politique de l'eau efficace et acceptée.

Les 53 recommandations de notre rapport d'information font écho aux 53 mesures du plan Eau. Nous convergeons avec le plan du Gouvernement sur plusieurs aspects : la réutilisation des eaux usées traitées, la nécessité de donner davantage de moyens financiers aux agences de l'eau, l'impératif de continuer à lutter pour la qualité de l'eau ou encore la sécurisation des réseaux d'eau potable par une meilleure interconnexion.

Nos propositions comportent aussi des mesures nouvelles sur la prise en compte de l'eau par les documents d'urbanisme, la solidarité interbassins et vis-à-vis des outre-mer ou encore en matière d'assainissement. Nous espérons qu'elles seront suivies d'effet. Nous avons en tout cas le devoir d'y veiller, car l'eau doit bénéficier d'un soutien politique fort dans la durée, qui pourrait se concrétiser par des modifications de dispositions législatives ou réglementaires.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous avons su trouver un terrain d'entente pour travailler sur le sujet de la gestion de l'eau, en privilégiant l'écoute et le respect mutuel, ce que je tenais à souligner.

La gestion durable de l'eau pour nos usages, nos territoires et notre environnement est un enjeu majeur, non seulement pour l'économie ou l'environnement, mais aussi et surtout pour nos vies quotidiennes et notre avenir. C'est pourquoi ce thème a été choisi par mon groupe pour faire l'objet d'une mission d'information dans le cadre du droit de tirage.

En tant que rapporteur, j'ai souhaité entendre un maximum d'interlocuteurs pour aborder la question de l'eau sous tous ses aspects et être capable de faire des propositions fondées sur un diagnostic complet et précis. Le document qui résulte de ce travail fournit un ensemble d'informations tout à fait utiles.

Au terme de ces travaux, je voudrais partager avec vous quelques constats.

Le premier constat est le suivant : les collectivités territoriales, en particulier le bloc communal, ont bien assumé leur rôle en matière d'adduction d'eau potable et d'assainissement. L'eau coule dans nos robinets, et ce à un prix relativement modeste par rapport aux autres pays européens : 4,30 euros pour 1 000 litres, soit une facture annuelle d'un peu plus de 500 euros par foyer, incluant l'assainissement collectif. Malgré tout, nous pouvons nourrir quelques inquiétudes.

Tout d'abord, les services d'eau sont très disparates selon les territoires : certains sont très performants, d'autres moins. Les prix de l'eau varient du simple au double. Ensuite, l'état des réseaux est perfectible. Si le taux de fuite moyen n'est que de 20 %, meilleur que chez plusieurs de nos voisins européens, comme l'Italie, qui ont des réseaux plus fuyards, il pourrait être bien inférieur. Certains réseaux ont des taux de fuite de 40 %, voire 50 %. Par ailleurs, le renouvellement de nos infrastructures est très lent, le taux de renouvellement étant situé autour de 0,6 à 0,7 par an, ce qui suppose que nos réseaux soient capables de tenir 150 ans, ce qui est impossible. Il faut donc créer les conditions de leur rénovation.

En matière d'assainissement, nous avons enregistré des progrès considérables, au prix d'importants investissements. Cependant, nous pouvons douter de la capacité de certaines stations, encore fragiles, à faire face à de nouvelles mises aux normes pour répondre aux exigences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (DERU). L'assainissement individuel, qui concerne encore 20 % des habitations et donc une part importante des zones rurales, est peu contrôlé et sa mise aux normes prend du retard.

L'intercommunalisation de la compétence eau et assainissement continue à faire débat sur les territoires. Certains craignent les mariages inégaux, dans lesquels des collectivités vertueuses dans leur gestion de l'eau devraient prendre en charge les dépenses de celles qui l'ont moins été et qui ont tardé à investir pour maintenir leurs réseaux en bon état. Nous avons entendu des arguments dans les deux sens et la mission ne s'est pas prononcée sur le sujet, mais nous voyons bien que l'intercommunalisation de l'eau et de l'assainissement va dans le sens de l'histoire.

Une attention particulière doit par ailleurs être portée à la distribution de l'eau potable et l'assainissement dans les outre-mer. Nos auditions ont été significatives à cet égard. Des tours d'eau existent toujours en Guadeloupe ou à Mayotte. L'assainissement est encore défaillant dans trop de territoires ultramarins. Un effort de solidarité nationale doit être mené rapidement dans ces territoires, nous y reviendrons dans nos recommandations.

Enfin, lorsqu'on parle du rôle des collectivités territoriales et en particulier du bloc communal, la question de la GEMAPI se pose forcément. La taxe additionnelle à la taxe foncière fléchée sur la GEMAPI commence à être mobilisée, mais s'avère souvent insuffisante pour faire face au coût des travaux, particulièrement élevé, et permet tout juste de payer des études. OEuvrer pour une organisation plus efficace de la GEMAPI fera partie de nos recommandations.

Le deuxième constat de notre mission est celui de la montée des enjeux quantitatifs, dont la prise de conscience est brutale à l'occasion des sécheresses, comme celle de l'été 2022. Plus on a de sécheresses, plus l'eau ruisselle et moins elle pénètre les sols.

Pourtant, nous ne devrions pas manquer d'eau. Avec 900 millimètres de pluie par an, la France est un pays bien arrosé. Sur les 500 milliards de mètres cubes qui tombent par an, 200 milliards, soit 40 %, sont des pluies utiles qui vont dans les nappes et les cours d'eau. Sur ce total, nous ne prélevons qu'un peu plus de 30 milliards de mètres cubes pour l'ensemble de nos activités : à peine 5 milliards pour l'eau potable et 3,5 milliards pour les besoins agricoles.

Or, la pluie est irrégulière alors que nos besoins sont plus élevés durant la période sèche. La nature du sol et du sous-sol ne permet pas toujours de retenir l'eau. Certains territoires dépourvus de nappes profondes sont aujourd'hui tout juste à l'équilibre. Ces phénomènes se renforceront malheureusement à l'avenir.

Le changement climatique n'arrangera pas cette situation. Nous recevrons vraisemblablement les mêmes quantités d'eau de pluie, mais de manière moins utilisable : la variabilité saisonnière devrait augmenter moyennant une hausse de 15 % des pluies durant l'hiver et une baisse de 10 % des pluies durant l'été. Les débits moyens des cours d'eau diminueront de 10 % à 40 %, et la vitesse de recharge des nappes diminuera de 10 % à 25 %. Les sols seront donc moins humides, ce qui réduira l'infiltration ou encore la capacité des plantes à capter l'eau naturellement. Enfin, la hausse des températures entraînera davantage d'évapotranspiration, ce qui augmentera les besoins en eau des plantes.

Certains territoires comme l'ouest du bassin méditerranéen sont déjà affectés par des sécheresses chroniques, mais c'est tout l'Hexagone qui est exposé à la banalisation de phénomènes considérés jusqu'ici comme extrêmes : sécheresses hivernales, sécheresses éclair, sécheresses prolongées. En 2022, la quasi-totalité des départements étaient couverts par des arrêtés sécheresse.

Le troisième constat est celui de la nécessité de maintenir la garde haute sur les questions de la qualité des eaux. Il ne s'agit pas seulement de répondre aux exigences de la DCE, ce que nous ne parvenons toujours pas à faire dans certains territoires, mais tout simplement de protéger à long terme la santé de la population en protégeant la santé de notre environnement. Des décisions doivent être prises rapidement à cet égard.

L'eau que nous consommons satisfait des normes de qualité élevées, qu'il s'agisse de l'élimination des matières organiques, de teneur en nitrates ou en résidus de pesticides. Les limites sont fixées à des seuils très bas et sont rarement dépassées. Notre eau fait l'objet de contrôles sanitaires réguliers.

La qualité de l'eau dans les milieux s'est améliorée grâce aux mises aux normes des stations d'épuration. Les pollutions industrielles sont également mieux contrôlées qu'il y a quelques décennies.

Toutefois, la bataille de la qualité de l'eau est encore loin d'être gagnée. La production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950 et devrait tripler encore d'ici à 2050. La persistance de résidus de pesticides sous forme de métabolites suscite des inquiétudes. L'effet sur la santé à long terme des polluants industriels persistants comme les substances per- et polyfluoroalkylées, désignés par l'acronyme PFAS, pourrait s'avérer délétère. Les microplastiques, résidus de médicaments ou de produits cosmétiques se disséminent dans l'eau et peuvent même atteindre les nappes phréatiques, lorsque le sol ne joue plus correctement son rôle de filtration. Or les coûts de dépollution sont très élevés. La bonne stratégie est donc celle de la prévention : ne polluons pas pour ne pas avoir à traiter ensuite.

Le quatrième constat est celui du risque de multiplication des conflits de l'eau, notamment autour des enjeux agricoles. L'eau est en effet un bien commun dont l'utilisation par les uns réduit les possibilités d'utilisation par les autres. Lorsque l'on capte trop d'eau en amont, on en prive ceux qui sont situés en aval du cours d'eau. La solidarité amont-aval est parfois difficile à construire dans les faits.

Les utilisations anthropiques de l'eau peuvent dégrader les services rendus par la nature. C'est pourquoi le code de l'environnement comporte un certain nombre d'exigences pour préserver les milieux en bon état en limitant notre capacité à mobiliser l'eau pour satisfaire nos besoins. La loi impose ainsi de maintenir des débits réservés dans les cours d'eau, de restaurer la continuité écologique pour permettre la circulation et la reproduction des espèces aquatiques. Des débats peuvent survenir à cet égard. L'art de la nuance est donc un enjeu majeur de la politique de l'eau, compte tenu des différences qui se présentent entre les territoires et les nappes.

Le problème est que les données sur lesquelles nous nous appuyons pour définir les bonnes pratiques font encore l'objet de débats et de controverses scientifiques. La modélisation du fonctionnement de la nature et les dynamiques hydroclimatiques sont complexes à appréhender. La construction de bases de données et la consolidation de nos connaissances sont donc des enjeux majeurs.

Certaines données scientifiques manquent ou coûtent trop cher à collecter. De plus, les effets du changement climatique sont difficiles à calculer. La décision publique s'appuie donc sur un socle mouvant et friable. Une application rigoureuse du principe de précaution conduirait à réduire drastiquement nos possibilités de prélever l'eau dans les milieux.

Le secteur agricole est alors aux premières loges des conflits sur l'eau. Rappelons que l'irrigation ne concerne que 6,8 % de la surface agricole utilisée (SAU). Toutefois, elle est indispensable au maintien de certaines cultures. Elle s'est améliorée techniquement et on consomme aujourd'hui moins d'eau par hectare qu'il y a deux ou trois décennies. Cette orientation doit être confortée, et nous devons accompagner l'évolution des modèles en ce sens. Le problème est que l'eau agricole est surtout mobilisée dans des secteurs où l'on en manque. Elle est appelée pendant la période sèche et peut représenter 80 % de la consommation totale d'eau en été.

Les agriculteurs plaident donc en faveur d'une solution en apparence simple et efficace : la création de retenues d'eau. Ces dernières sont de deux types : les retenues collinaires, qui se remplissent par les eaux de ruissellement, et les retenues de substitution qui fonctionnent par pompage dans les rivières ou les nappes : on prélève l'hiver pour utiliser l'eau l'été, afin de ne pas avoir à pomper à cette période. C'est ce dernier modèle qui est appliqué dans les Deux-Sèvres.

Cependant, les retenues de substitution provoquent parfois de vifs débats. Notre visite de terrain a été éclairante à cet égard. Les arguments en leur défaveur sont connus : eutrophisation de l'eau stockée en raison de sa non-circulation, évaporation - même si les vrais chiffres sont certainement moins élevés que les 40 % avancés dans certains écrits, d'où la nécessité de consolider les connaissances sur ce sujet -, coût élevé des aménagements mobilisant d'importantes aides publiques. Sur ce dernier point, l'exemple de Sainte-Soline est parlant : si le prélèvement effectué s'avère globalement vertueux, le coût de l'installation est élevé.

Il ne faut pas enfermer l'agriculture dans un modèle obsolète, mais l'accompagner vers des modèles permettant de développer des stratégies pertinentes. La question se pose donc de savoir comment réorienter les cultures en ce sens.

Lors de notre visite à Mauzé-sur-le-Mignon, nous avons entendu ces différents arguments, mais nous avons aussi noté que les porteurs du projet s'étaient engagés à des changements de pratiques. Nous avons également constaté que ce projet avait manqué d'un pilotage public affirmé.

Le Varenne agricole de l'eau, achevé début 2022, avait saisi à bras-le-corps le sujet de l'eau en agriculture. Encourageant la résilience, la couverture économique des risques et l'adaptation des pratiques, il envisageait aussi la création de nouvelles retenues d'eau dans le cadre de projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), c'est-à-dire en renvoyant les décisions à des négociations locales. Or celles-ci se révèlent difficiles et les projets avancent parfois lentement.

Après les constats viennent les propositions. Nous en avons 53, en parallèle des mesures du plan Eau du Gouvernement. Je vais vous les présenter par blocs logiques, en vous indiquant les axes qui ont guidé notre réflexion.

Le premier axe est celui de la gouvernance. Une bonne politique de l'eau passe par une bonne organisation. Depuis la loi de 1964, renforcée par celles de 1992 et 2006, notre architecture institutionnelle est assez robuste. Nous sommes organisés par bassin hydrographique, avec des agences de l'eau et des comités de bassin. Nous disposons d'une planification à travers les SDAGE. Personne n'entend remettre en cause les agences de l'eau et l'organisation par bassin.

Toutefois, il faut rendre la machine plus efficace et davantage ramifier la politique de l'eau à l'échelle des sous-bassins. C'est pourquoi nous proposons de généraliser les commissions locales de l'eau (CLE) dans chaque sous-bassin, et d'encourager des SAGE partout et non seulement sur 55 % du territoire français, en commençant par des SAGE simplifiés.

Une bonne gouvernance passe aussi par la recherche de convergences entre acteurs. Les comités de bassin ont déjà une composition très large, qui associe tous les interlocuteurs. Les CLE ont vocation à reproduire cette diversité à l'échelon local. Pour favoriser les convergences, nous suggérons de donner aux comités de bassin un rôle de médiation en cas de conflit, moyennant une possibilité de remonter à l'échelle du Comité national de l'eau (CNE), dont le rôle pourrait en outre être accru en matière d'expertise.

Pour faire évoluer la pratique des PTGE, il faudrait inventer à l'échelle des bassins et sous-bassins des contrats d'engagement réciproques. Le but du jeu est d'emmener tous les acteurs vers des politiques de sobriété. Ce sont ces contrats qui permettront de mettre en place les modalités de financement, chacun devant prendre sa part et se responsabiliser.

Les documents d'urbanisme devraient aussi mieux prendre en compte l'enjeu de l'eau. Nous suggérons donc de renforcer le volet « eau » des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et proposons que les comités de bassin et les CLE soient systématiquement sollicités pour donner leur avis sur ces documents. Nous suggérons également d'inscrire une meilleure gestion de l'eau pluviale dans les plans locaux d'urbanisme (PLU).

La bonne gouvernance suppose aussi des capacités d'action. L'ingénierie territoriale est donc indispensable et nous proposons, d'une part, de permettre aux départements de mettre à disposition cette ingénierie et, d'autre part, que l'État crée une mission d'appui pour les outre-mer.

J'ajoute qu'il faudrait mettre à jour les schémas départementaux d'interconnexion pour sécuriser les approvisionnements en eau potable, et obliger les maîtres d'ouvrage publics à connaître leur patrimoine en les engageant, sous cinq ans, dans un diagnostic stratégique de connaissance et d'analyse financière adossé à un programme pluriannuel d'investissement (PPI). Ce point est essentiel : chaque maîtrise d'ouvrage doit avoir une bonne connaissance de son patrimoine et de son modèle économique. Il faudrait aussi lutter contre les fuites en fixant un taux de rendement cible de 85 %. Techniquement, le maximum est de 90 % à 92 %. Il faut aller vers ce maximum. L'idée est également de voir comment nous pourrions regrouper les petites unités d'assainissement pour faire face aux nouvelles mises aux normes.

Pour prendre les bonnes décisions, il faut ensuite s'appuyer sur des données et des analyses robustes. Nous avons huit recommandations allant dans ce sens, du renforcement de la surveillance des cours d'eau et des aquifères au comptage en temps réel des consommations d'eau, en passant par l'élargissement du spectre des contrôles sanitaires et l'amélioration des projections d'évolution de la ressource au niveau global, mais également en déclinant ces projections par bassin et sous-bassin. Il convient aussi de mieux associer le grand public en informant chaque foyer de l'impact de ses consommations, au même titre que l'énergie.

Concernant les solutions techniques à nos problèmes d'eau, nous pensons utile d'encourager la réutilisation des eaux usées traitées, qui pourrait mobiliser 500 millions de mètres cubes supplémentaires. Mais n'en attendons pas trop : cette solution est essentiellement pertinente en fin de bassin, dans les zones littorales. En tout état de cause, il convient de faciliter les projets en sortant de la logique d'expérimentation, en levant les blocages liés à des craintes sanitaires infondées et en mettant à disposition les moyens financiers adaptés.

Nous devons garder à l'esprit que la politique de l'eau est intimement liée à celle de l'énergie. Nous estimons que les barrages hydroélectriques ont encore un potentiel de développement ; mais encore faudrait-il renoncer à la remise en concurrence des concessions, qui pourrait désorganiser toute l'hydroélectricité de France. Nous devons aussi développer les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et le photovoltaïque flottant, dans les limites réglementaires existantes.

Concernant les retenues à usage agricole, nous formulons huit recommandations. Il faut garantir des procédures claires s'inscrivant dans des délais d'autorisation et de déclaration raisonnables et maîtrisés. Nous proposons de fonder les autorisations de réalisation de retenues non seulement sur des données rétrospectives, mais aussi sur des projections hydroclimatiques, et de renforcer la connaissance de leurs effets, en particulier en matière d'évaporation. Par ailleurs, les retenues pourraient être conditionnées à des contrats d'engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques orientés vers davantage de sobriété, afin de préserver la ressource en eau sur les plans quantitatif et qualitatif ; une évaluation externe régulière assurerait un suivi du fonctionnement et des effets des retenues une fois bâties. Il faut aussi privilégier un portage public des projets de retenues, par des collectivités ou des syndicats mixtes, dans une optique de multi-usages, prenant en compte le soutien d'étiage, l'approvisionnement en eau potable, l'irrigation agricole ou les loisirs. Nous recommandons également de généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d'eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective, un grand nombre d'entre eux ayant fait leurs preuves : nous devons veiller à la distribution équitable des droits d'eau entre les exploitations du territoire. Enfin, nous devons permettre l'installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinées à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par un dialogue ouvert dans chaque comité de bassin.

En dernier lieu, réarmer la politique de l'eau passe nécessairement par la mobilisation de moyens supplémentaires. Le plan Eau prévoit de relever les recettes des agences de l'eau de 475 millions d'euros par an. Cette hausse des financements sera couplée avec la mise en place d'incitations financières à la performance dans le cadre de la réforme des redevances, et avec une incitation à la préservation de la qualité de l'eau par un l'élargissement des redevances à des pollutions aujourd'hui exonérées, comme les médicaments ou produits cosmétiques. Les assiettes de ces redevances ne doivent pas uniquement concerner les usagers individuels, mais doivent être élargies. Nous avons tous conscience que, compte tenu des enjeux, les 475 millions d'euros annuels ne seront peut-être pas suffisants.

Notre rapport exprime aussi plusieurs préoccupations complémentaires concernant le financement de l'eau.

Il faudrait définir un modèle économique pour l'indemnisation des exploitants hydroélectriques qui participent au soutien d'étiage. Des modèles existent, mais il faut les revisiter et les conforter.

Il faut davantage de solidarité, avec l'outre-mer, mais aussi entre les bassins.

La facture d'eau doit cesser d'être le principal financeur de la biodiversité, comme nous l'avons toujours dit au Sénat. Nous devons payer l'eau, mais il faut que la biodiversité trouve ses propres moyens de financement.

Nous devons aussi trouver les moyens de financer la compétence GEMAPI à la bonne échelle. Les EPTB pourraient utilement assumer la GEMAPI lorsque les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne le peuvent pas. Ce point est particulièrement sensible, mais il faudrait aller vers cette direction.

Les aquaprêts devraient être davantage sollicités par les maîtres d'ouvrage publics pour accéder à des financements dont la maturité est très longue ; nous avons l'avantage d'avoir des prêts qui peuvent durer jusqu'à soixante ans, ce qui peut être pertinent pour la rénovation des réseaux.

Enfin, les particuliers devraient recevoir des signaux-prix traduisant les priorités de la politique publique de l'eau : il faut encourager la sobriété par une tarification progressive, et encourager la récupération d'eau de pluie par le rétablissement du crédit d'impôt, souvent couplé avec d'autres aides locales, pour les récupérateurs de toiture. Nous pouvons envisager d'aller plus loin sur ce sujet : Florence Blatrix Contat fera une proposition en ce sens. En outre, les plus fragiles pourraient être protégés par une tarification sociale de l'eau mieux ciblée.

Pour conclure, notre rapport ne verse ni dans le défaitisme ni dans le catastrophisme. Nous avons les armes pour faire face au changement climatique ; encore faut-il fonder notre gestion de l'eau sur des connaissances scientifiques solides et débattre à la bonne échelle des actions à mettre en oeuvre pour que celles-ci soient socialement acceptables.

En serons-nous capables ? Les phases de crise constituent des révélateurs. Les quelques années qui viennent seront à cet égard décisives. En agissant sans attendre, la « guerre de l'eau » pourrait ne pas avoir lieu.

M. Thierry Cozic. - Je remercie le rapporteur de la qualité des échanges que nous avons pu avoir avec l'intégralité de nos interlocuteurs. Le rapport me semble équilibré, fait de compromis et d'arbitrages. Nous sommes tous d'accord pour constater que la ressource en eau est une ressource rare, un bien commun, et qu'il est plus que temps que chacun en prenne conscience.

Sans entrer dans leur détail, les recommandations me semblent fortes ; elles engagent l'ensemble des acteurs de la politique de l'eau, que ce soit l'État, les collectivités, les syndicats, le monde agricole ou les usagers. Les deux termes employés par le Président de la République, « sobriété » et « efficacité », ont nourri le débat.

Je concentrerai mon propos sur les questions de gouvernance. La recommandation n° 10 vise à assurer la sécurisation juridique des possibilités laissées aux départements de piloter les politiques locales de l'eau. Il s'agit d'une recommandation forte, car si les départements ne pilotent pas la politique de l'eau, un certain nombre de difficultés risquent de se poser dans les territoires.

Toutefois, même si je comprends l'idée de ne pas bouleverser la gouvernance actuelle de la politique de l'eau et de renforcer les SAGE, je me demande si notre ambition en matière de gouvernance ne pourrait pas être encore plus forte : à plusieurs reprises, lors des auditions, l'idée d'instituer un ministre de l'eau de plein exercice de l'eau a été exprimée. Cette idée m'est chère : si l'on veut parler d'une seule voix, il faut qu'un seul pilote donne l'impulsion et indique le cap. Cette réflexion ne pourrait-elle pas figurer dans les recommandations, afin de conférer au rapport un rôle plus moteur ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Je remercie également le rapporteur de l'organisation des travaux de cette mission d'information et de ses recommandations. Nous l'avons tous indiqué lors des auditions, préserver la quantité et la qualité de l'eau disponible sont des enjeux essentiels. Dans le contexte de raréfaction de la ressource qui semble s'installer durablement, nous avons tous insisté sur la dimension indispensable du partage de l'eau. Je salue la qualité des recommandations, qui visent à rendre plus efficiente l'articulation des politiques de l'eau grâce à une évolution de la gouvernance.

Bien entendu, l'objectif de sobriété visé dans la première recommandation est lui aussi très important, mais pour le renforcer, et dans le sens des recommandations nos 19 et 49, j'aurais souhaité proposer la systématisation à terme des compteurs individuels, et associer les collectivités dans le développement de la télérelève. Si l'on doit suivre sa propre consommation, comme avec le compteur Linky, il faut avoir les outils pour le faire.

Autre élément qui peut améliorer la sobriété, la réutilisation des eaux de pluie et des eaux grises. Beaucoup de départements ou de particuliers demandent comment réutiliser ces eaux de pluie, pour les toilettes des collèges par exemple. Lever les freins réglementaires et financiers à la mise en place d'installations dans ces bâtiments me semble primordial.

La recommandation n° 34 vise à fixer un taux de rendement cible des réseaux de distribution autour de 85 %. C'est important, mais il ne doit s'agir que d'un objectif d'étape, puisqu'à terme il faudrait viser des taux compris entre 92 % et 95 %. Les collectivités doivent être fortement accompagnées par les agences de l'eau pour rénover leur réseau : elles n'y arriveront pas seules. Alors que le taux de renouvellement de l'eau potable est de 0,6 % ou de 0,7 %, un immense chantier est devant nous. Il faut un véritable plan Marshall de l'eau.

De nombreuses auditions ont démontré que la protection des aires de captage contre les pollutions constitue un objectif à atteindre, et que les traitements contre les polluants ne doivent intervenir qu'en deuxième intention. Je souhaite renforcer la protection des périmètres de captage proposée par la recommandation n° 53, en la traduisant par des évolutions réglementaires comme législatives.

M. Ludovic Haye. - Je m'associe également aux remerciements : j'ai rarement vu une mission d'information aussi riche. Le résultat me semble à la hauteur de la qualité des débats : le terrain et les élus locaux attendent des propositions du Gouvernement, mais aussi, venant du Sénat, des compléments proposant une bonne granularité territoriale.

Comment anticiper cette « guerre de l'eau » ? Même si les nouvelles sur l'état des nappes phréatiques sont plus positives que l'an dernier, les tensions locales restent fortes. J'ai tenté la semaine dernière de faire s'entendre des agriculteurs qui commencent à poser des cadenas sur des buses ou à faire disparaître du matériel dans les champs. J'espère que l'on n'en arrivera pas à une guerre de l'eau, mais sans parler de « terrorisme », il faut voir comment sécuriser le circuit de l'eau : certains réservoirs sont aujourd'hui très facilement accessibles. Un agriculteur pourrait se venger en diffusant des produits dans des réserves auxquelles il n'a pas accès, ou poser des freins ou des obstacles dans un cours d'eau passant sur sa parcelle. Comment assurer la sécurité de l'eau, du réservoir jusqu'à son utilisation, pour éviter que chacun ne puisse faire n'importe quoi ?

Sur le plan sanitaire, il est beaucoup question en ce moment de moustiques et de dengue. Faut-il prendre cela en considération dans la volonté de créer des zones humides ?

Mme Évelyne Perrot. - Je remercie le rapporteur de son travail. La recommandation n° 10, qui vise à sécuriser les possibilités laissées aux départements de piloter les politiques locales de l'eau, est en place chez moi depuis 80 ans ! C'est positif pour les communes et les propriétaires privés. Le syndicat réalise tous les travaux de comptage et de prélèvement, ainsi que tous les contrôles sanitaires. Il est en train de distribuer à l'ensemble des propriétaires des compteurs d'eau intelligents : le mien a été posé la semaine dernière. Lorsqu'un syndicat contrôle la totalité des réserves en eau, c'est très appréciable pour les communes, qui n'ont pas à se préoccuper d'éventuelles réparations.

En revanche, l'eau utilisée par les agriculteurs pour arroser des céréales utilisées dans les méthaniseurs posera problème. Les gens ne comprennent pas que l'on arrose en plein jour, en pleine chaleur, des petits maïs réservés à cet usage.

M. Alain Cadec. - Je remercie le président et le rapporteur, qui a mené un long travail en recevant quasiment tous les acteurs de l'eau. Je partage évidemment l'essentiel des remarques. Ce matin, j'ai reçu des agriculteurs qui pratiquent la méthanisation. Le maïs consomme moins d'eau que le blé ou l'orge ; cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut faire que du maïs pour de la méthanisation...

M. Jean Bacci. - Je remercie le rapporteur de la qualité de ce rapport, qui va jusqu'au bout de la question. J'ai remarqué toutefois une opposition entre l'ambition de conserver des zones humides et le fait de dire qu'il ne faut pas stocker l'eau lors de gros orages, lorsque l'eau ruisselle. Stocker cette eau, c'est multiplier les bassins d'orages et améliorer les zones humides. Il faut l'envisager : nous aurons peut-être autant d'eau à l'avenir, mais dans des conditions différentes, avec davantage de gros orages et de grosses quantités d'eau à retenir.

Mme Sylviane Noël. - Je félicite à mon tour le rapporteur de ce travail remarquable. Je ne vois rien dans le rapport sur la gestion des eaux fluviales. La question est-elle abordée ? Je souhaiterais en outre davantage de précisions sur la recommandation n° 34, avec une redevance « très dissuasive » pour les réseaux les plus fuyards. À qui cette redevance serait-elle appliquée ?

M. Hervé Gillé, rapporteur. - La redevance est prélevée sur l'ensemble du réseau. Le but est d'envoyer des signaux, tant aux systèmes les plus fuyards qu'aux plus vertueux. La redevance sera différenciée en fonction de la performance des réseaux : plus on est performant, moins elle sera forte, moins on est performant, plus elle sera forte. Il faudra bien sûr des gradations équilibrées.

Je suis personnellement assez favorable à l'approche interministérielle souhaitée par Thierry Cozic, que plusieurs responsables des politiques de l'eau préconisaient, à défaut d'un ministère dédié. Au Sénat, lors des débats sur la gestion du risque incendie, certains ont déjà proposé de travailler à une approche interministérielle ne dépendant pas uniquement du ministère de l'intérieur.

Nous ne sommes pas allés jusqu'à formuler la recommandation de créer un ministère de l'eau dans le rapport pour des raisons d'acceptabilité politique, même si la création d'un ministère consacré à l'eau et à la gestion du risque me semble souhaitable.

Mme Évelyne Perrot. - Ces risques concerneraient-ils les réservoirs d'eau en forêt ?

M. Hervé Gillé, rapporteur. - La transversalité du sujet de la gestion de la ressource mériterait une approche interministérielle. Je ne sais pas si l'on peut aujourd'hui trancher le débat, mais je suis personnellement assez favorable à une telle approche.

Madame Blatrix Contat, je suis favorable à la systématisation des compteurs intelligents individuels, mais comment les imposer dans l'habitat collectif ? Pour respecter la tarification différenciée prévue par le plan Eau, il faudrait développer des compteurs individuels et communicants dans l'habitat collectif. Faut-il aller plus loin que ce que le rapport comporte, c'est-à-dire une incitation à développer des compteurs individuels dans l'habitat collectif ? Je suis prêt à vous suivre, mais cela implique une politique plus coercitive au niveau des syndics comme des syndicats des eaux, et il faudrait trouver un modus vivendi : soit les syndicats assurent la montée en puissance des coûts, soit des formes de cofinancements avec les syndics sont trouvées. Je n'ai pas la solution. Des syndicats des eaux hésitent en effet à se lancer dans cette démarche.

Pour développer la réutilisation des eaux de pluie, un projet de décret a été mis en consultation et devrait être publié très prochainement. Il concernera en particulier la question des sanitaires.

Vous souhaitez aller plus loin sur l'objectif de la protection des aires de captage, mais le rapport indique déjà qu'il faut aller plus loin. L'ensemble des aires de captage représentent actuellement 3 % de la SAU. Si l'on veut les protéger, il faut alors améliorer les paiements pour services environnementaux (PSE). Nous pouvons peut-être proposer d'aller plus loin dans la définition de l'objectif de protection des aires de captage. À terme, 100 % des aires de captage devront être protégées.

Sur la « guerre de l'eau » et la médiation, nous avons conscience du risque que Ludovic Haye soulève. Nous proposons d'inscrire des profils de médiateurs à l'intérieur des comités de bassin, plutôt qu'avec le préfet coordonnateur de l'État, les événements de Sainte-Soline ayant montré que l'État n'est plus en situation de médiation. À un deuxième niveau, il faudrait un médiateur national institué lors de grands conflits, pour permettre les conditions d'un arbitrage équilibré : c'est la voie que nous ouvrons en identifiant le Conseil national de l'eau comme interlocuteur pertinent.

Monsieur Haye, vous avez raison au sujet de la sécurisation des circuits d'eau. Les organismes uniques de gestion collective (OUGC) doivent monter en puissance, car ce sont eux qui seront en première ligne. Nous préconisons de développer les OUGC sur l'ensemble du territoire, car cela nous semble propice à responsabiliser les irrigants de manière collective. Au-delà des OUGC, la question a été posée de la politique environnementale, de la police environnementale et de la police de l'eau.

Il convient d'inscrire une gestion stratégique des eaux pluviales dans les SCoT, les PLU et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). Il faut une véritable gestion pour permettre l'infiltration de l'eau dans les sols. L'approche me semble partagée.

Mme Florence Blatrix Contat. - La police de l'eau fait son travail, mais d'après nos remontées, les plaintes seraient ensuite souvent classées sans suite, et il n'y aurait pas d'instruction. La police de l'eau a des moyens, mais il faut davantage d'instructions.

M. Rémy Pointereau, président. - L'institutionnalisation de l'eau dans un ministère me semble difficile : les mêmes demandes pourraient ensuite être faites au sujet du nucléaire ou de l'air. Il me semble que la question de l'eau est transversale, entre l'environnement et l'agriculture. Un ministère spécifique de l'eau ne me paraît pas la meilleure solution.

M. Alain Cadec. - Les ministres et les secrétaires d'État sont déjà assez nombreux.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous pourrions indiquer que nous souhaitons renforcer la place du Conseil national de l'eau. Nous avions réfléchi à la possibilité d'instituer une agence de régulation de l'eau, homologue de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). En Italie, une telle agence existe pour réguler l'accès à l'eau au niveau national. De grands opérateurs se positionnent, il peut y avoir des conflits, les solidarités doivent parfois être harmonisées : pour ces raisons, une régulation du marché peut être envisagée. Mais en France, notre système fait intervenir les comités de bassin, les agences de l'eau qui jouent un premier rôle de régulation. Nous avons donc écarté cette piste.

Mme Évelyne Perrot. - Un syndicat départemental, c'est déjà bien !

M. Thierry Cozic. - Nous pourrions être plus ambitieux dans le rapport, et imaginer comment la question pourrait se poser demain pour être plus efficace. Il y a urgence, mais j'ai le sentiment que la question est diluée dans différents ministères. Lorsqu'on parle de « guerre de l'eau », il faut un décideur qui donne une orientation unique, afin que les décisions liées à l'eau ruissellent. Ma proposition n'est pas un totem, mais s'il y a une « guerre de l'eau », il faut un chef de guerre.

Mme Évelyne Perrot. - Est-ce que le comité de bassin ne remplit pas ce rôle ?

M. Rémy Pointereau, président. - Nous avons fait un travail équilibré, dans un respect mutuel : la sagesse sénatoriale a encore agi. Nous avons de nombreux points de convergence sur de nombreux sujets, comme le financement de l'eau, le partage de l'eau ou le renforcement du rôle des départements. Les recommandations portent aussi en partie sur le principe de précaution pour les eaux usées. Il faut cadrer les choses pour que les agences régionales de santé (ARS) ne sortent pas le parapluie en permanence, et interdisent la réutilisation des eaux de pluie, même pour arroser des plantes ! Il faut sécuriser tout cela.

Évidemment, nous sommes favorables au renforcement de la police de l'eau prévu par la recommandation n° 5, mais il faut aussi davantage de prévention. Sur le terrain, lorsqu'on arrive le revolver dans la poche pour dresser un procès-verbal à un agriculteur ou à un maire en tort, cela passe mal. Il faut d'abord insister sur la prévention.

La recommandation n° 27 porte sur les autorisations renforçant la connaissance des retenues en matière d'évaporation. J'ai proposé de favoriser le photovoltaïque sur les retenues. Il y a beaucoup de « fake news » sur l'évaporation. Or, le taux réel est bien souvent autour de 5 %. Favoriser le photovoltaïque flottant permettrait de limiter encore davantage l'évaporation dans les retenues. Mes collègues du groupe LR et moi-même avons quelques réticences à propos de quelques mesures. Confier aux comités de bassin une mission de médiation dans les conflits de l'eau, nous y sommes favorables, mais quant à permettre au CNE de devenir une autorité administrative indépendante, nous n'y étions pas favorables.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous avons écarté cette hypothèse du rapport.

M. Rémy Pointereau, président. - La recommandation n° 52 prévoit de renforcer l'application du principe pollueur-payeur en augmentant les tarifs de redevances pour les rejets industriels et en instaurant une redevance pour les polluants aujourd'hui exonérés. Par principe, je ne suis pas favorable à la création de taxes : il y a déjà des taxes sur les produits phytosanitaires et sur les pollutions diffuses. Je suppose que vous parlez des médicaments, des produits de beauté, des cosmétiques. Pourquoi pas, mais il faut rester mesuré.

Mme Évelyne Perrot. - Qu'entend-on par « produits cosmétiques » ?

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Il s'agit des substances contenues dans les produits mis en vente.

M. Rémy Pointereau, président. - Une autre recommandation à propos de laquelle mes collègues du groupe LR sont circonspects, c'est celle qui porte sur les chèques eau automatiquement distribués. Si c'est automatique, il n'y a plus de règles. Chez le pharmacien, quand on ne paye pas les médicaments, on a l'impression qu'ils sont gratuits. Le terme « automatiquement » nous gêne un peu.

Sinon, le rapport fait consensus. Le président du comité de bassin Loire-Bretagne, Thierry Burlot, a joué avec son équipe un rôle de médiateur à Sainte-Soline, en faisant un très gros travail. Pour cette raison, nous avons considéré que le comité de bassin est capable d'exercer une telle mission. À Bourges, j'étais présent lors de la dernière réunion du comité de bassin : ses 150 membres ont voté à l'unanimité moins une abstention une motion pour retravailler sur la question des réserves de substitution. Le département des Deux-Sèvres était dans la sinistrose : tout le monde était fâché, la préfète faisait elle-même l'objet de menaces. Notre passage dans les Deux-Sèvres nous a laissé une terrible impression. Le travail du comité de bassin m'a semblé positif : il y a la volonté de se remettre autour de la table, et nous avons bien fait d'indiquer, à la recommandation n° 4, qu'il est nécessaire de lui confier un rôle de médiation.

Le groupe LR votera ce rapport, en ajoutant une contribution pour les quelques points évoqués.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Pourrait-on s'accorder sur un objectif cible de protection des aires d'alimentation de captage ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Tous bords confondus, ce sont les collectivités qui nous le demandent : il faudrait que d'ici à dix ans toutes les aires de captage soient protégées. Pourquoi ne pas inscrire dans le rapport un objectif à dix ans ? Là où il n'y a pas de pollution, la situation n'est pas urgente. Les collectivités nous demandent d'adopter le principe de protection des aires de captage, en fonction des besoins, dans une temporalité qui le permet, par exemple dix ans.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - La recommandation n° 53 serait ainsi formulée : « Afin de parvenir en dix ans à la protection de la totalité des périmètres de captage, augmenter la part des aides PAC et des agences de l'eau en faveur des paiements pour services environnementaux. »

M. Rémy Pointereau, président. - Et concernant le rôle de prévention et de pédagogie de la police de l'eau ?

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous allons ajouter cet élément de bon sens dans le rapport.

Mme Évelyne Perrot. - Je suis assez opposée à la pose des panneaux photovoltaïques sur toutes les retenues. Un agriculteur que j'ai rencontré la semaine dernière m'a dit : « qui n'a jamais remonté la manivelle d'un puits ne peut pas connaître la valeur de l'eau. »

M. Hervé Gillé, rapporteur. - C'est une belle citation. Pour répondre à votre crainte, la règlementation actuelle limite la surface des retenues pouvant être couverte, et en tout état de cause, cela doit rester une initiative volontaire du maître d'ouvrage.

Je vous propose comme titre pour notre rapport : « Pour une politique de l'eau ambitieuse, responsable et durable ».

Pour finir, je tenais à excuser notre collègue Daniel Breuiller, qui, pour des raisons de santé, n'a pas pu assister à cette dernière réunion, mais qui a beaucoup travaillé lors de cette mission d'information et m'a indiqué, en me donnant délégation de vote, qu'il voterait le rapport, ce dont je le remercie.

M. Rémy Pointereau, président. - Je vais donc mettre aux voix le rapport présenté par le rapporteur de notre mission.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

L'annexion de contributions au rapport d'information est acceptée.

Le titre du rapport d'information est adopté.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information, et en autorise la publication.

RECOMMANDATIONS :
TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

Objet (formulation synthétique)

Acteurs concernés

Support

Entrée en vigueur

Renforcer la gouvernance de l'eau

1

Fixer dans la loi l'objectif de sobriété hydrique

Parlement

Loi

Court terme

2

Définir un cadre général de contrats d'engagements réciproques à l'échelle des bassins et sous-bassins

Parlement

Loi

Court terme

3

Engager une réflexion sur la transformation du CNE en Haut Conseil doté de fonctions propres d'expertise

Parlement

CNE

Loi

Court terme

4

Confier aux comités de bassin une mission de médiation dans les conflits de l'eau, et permettre au CNE de jouer un rôle de médiateur national, lorsque la médiation à l'échelle des bassins n'est pas possible

Parlement

Loi

Court terme

5

Conforter la police de l'eau, pour assurer un contrôle effectif du respect du cadre législatif et réglementaire qui s'impose aux utilisateurs de l'eau

Gouvernement

Loi de finances (effectifs)

Moyen terme

6

Soutenir la création de CLE à l'échelle de chaque sous-bassin

Préfets coordonnateurs de bassin

Arrêtés préfectotaux

Court terme

7

Permettre aux CLE d'adopter des SAGE simplifiés ou SAGE de préfiguration, assortis d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs contraignants

Parlement

Loi

Court terme

8

Associer en amont les CLE à l'élaboration du « volet eau » des SCoT et demander l'avis des CLE sur le projet de SCoT avant son adoption 

Parlement

Loi

Court terme

9

Associer en amont les comités de bassin à la rédaction des objectifs et règles générales des SRADDET et demander leur avis sur le projet de SRADDET avant son adoption 

Parlement

Loi

Court terme

10

Sécuriser juridiquement les possibilités laissées aux départements de piloter les politiques locales de l'eau

Parlement

Loi

Court terme

11

Créer une mission d'appui pour les maîtres d'ouvrage des projets liés à l'eau dans les outre-mer

Gouvernement

Pratique administrative

Court terme

Améliorer les connaissances sur l'eau

12

Préserver et renforcer les dispositifs existants de surveillance quantitative dans les aquifères et les cours d'eau, en veillant à la comparabilité des mesures dans le temps

Services déconcentrés, BRGM, Météo-France, OFB

Pratique administrative

Moyen terme

13

Renforcer la connaissance par le BRGM du fonctionnement des nappes et de leurs singularités, en priorisant la vingtaine de nappes exploitées dans des secteurs en tension.

BRGM

Pratique administrative

Court terme

14

Effectuer, au moins du début du printemps à la fin de l'été, un comptage en temps réel des prélèvements d'eau destinés à l'eau potable et à l'irrigation

Parlement

Loi

Court terme

15

Étoffer les contrôles sanitaires de la qualité de l'eau pour disposer d'un suivi fin des contaminants et identifier les polluants émergents, tant dans l'eau potable que dans l'environnement

DGS, ARS, ANSES

Pratique administrative

Court terme

16

Mobiliser les moyens de l'État et de ses établissements publics pour élaborer des méthodologies fiables de prévision des disponibilités futures de la ressource en eau.

État, BRGM, Météo-France, CNRS, INRAE, OFB

Pratique administrative

Moyen terme

17

Assurer une actualisation régulière des projections d'évolution de la ressource en eau par bassin au sein des SDAGE puis par sous-bassin

Agences de l'eau

Pratique administrative

Moyen terme

18

Mettre en place une météo locale de l'eau, déclinée par bassin versant, consultable par chacun

État, Météo-France

Pratique administrative

Court terme

19

Élaborer des outils simples de calcul de la consommation d'eau par foyer, sur le modèle d'Ecowatt dans le cadre d'une fiche globale d'empreinte environnementale

État

Pratique administrative

Court terme

Développer la réutilisation des eaux usées traitées

20

Allonger la durée de validité des autorisations de réutilisation d'eaux usées traitées

Ministère

Décret

Court terme

21

Encadrer l'avis des ARS sur les projets de réutilisation dans un délai défini et motiver les avis défavorables

Ministère

Décret

Court terme

22

Conforter les ressources financières des agences de l'eau consacrées à cofinancer les études et travaux de mise en oeuvre de projets de réutilisation

Agences de l'eau

Programmation financière des agences

Moyen terme

Exploiter les synergies entre eau et énergie

23

Clarifier rapidement la stratégie nationale en matière de renouvellement des concessions hydroélectriques

État

Déclaration auprès de la Commission européenne

Court terme

24

Encourager les rehausses des retenues existantes et envisager le renforcement ou la création d'ouvrages capables de mieux réguler les effets des fluctuations de précipitations

Propriétaires d'ouvrages

Accompagnement

Moyen terme

25

Promouvoir les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) et la pose de panneaux photovoltaïques sur les plans d'eau existants

Propriétaires d'ouvrages

Accompagnement

Moyen terme

Sortir de l'impasse en matière de retenues à usage agricole

26

Garantir des procédures claires s'inscrivant dans des délais raisonnables d'autorisation et de déclaration des ouvrages de retenue

Parlement

Loi

Court terme

27

Fonder les autorisations non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques et renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d'évaporation

Ministère

Décret (contenu des études d'impact)

Moyen terme

28

Conditionner les retenues à des contrats d'engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques et mettre en place un suivi fin du fonctionnement des retenues et de leurs effets une fois bâties

Préfectures

Pratique administrative

Moyen terme

29

Privilégier un portage public des projets de retenues, par des collectivités ou des syndicats mixtes et dans une optique de multi-usages

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

30

Généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d'eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective devant veiller à une distribution équitable des droits d'eau aux exploitations du territoire

Préfectures

Pratique administrative

Court terme

31

Permettre l'installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinées à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par chaque comité de bassin

Porteurs de projets

Décret

Moyen terme

Garantir une haute performance des services d'eau potable et d'assainissement

32

Mettre à jour dans chaque département un schéma d'interconnexion des réseaux d'eau potable

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

33

Élargir l'obligation pour tous les maîtres d'ouvrage de connaître leur patrimoine, en les engageant sous cinq ans dans un diagnostic stratégique de connaissance du patrimoine, d'analyse financière adossée à un plan pluriannuel d'investissement

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

34

Fixer un taux de rendement-cible autour de 85 % et adopter une tarification de redevance très dissuasive pour les réseaux les plus fuyards

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Court terme

35

Favoriser la mise en oeuvre de solutions technologiques innovantes pour lutter contre les nouveaux polluants de l'eau

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

36

Encourager les aménagements favorisant l'infiltration d'eau de pluie pour retarder le plus possible l'engorgement des égouts et le débordement des stations d'épurations suite aux épisodes de fortes précipitations

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

37

Regrouper les petites unités d'assainissement, pour faire face à la prochaine génération d'investissements lourds ; de ce point de vue, les stations desservant moins de 2 000 habitants paraissent non viables à moyen terme

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

38

Réduire les rejets dans le milieu naturel des polluants traités, en recherchant en priorité des techniques d'élimination définitive

Collectivités territoriales

Pratique locale

Moyen terme

39

Prévoir des mécanismes financiers de provision forcée au moment des cessions immobilières pour la mise aux normes des installations d'assainissement non collectif

Parlement

Loi

Court terme

Réformer le financement de l'eau

40

Supprimer d'ici la fin 2023 le plafond mordant de recettes et de relever les plafonds d'emplois et les plafonds de dépenses des agences de l'eau, afin de pérenniser les 475 millions d'euros de recettes supplémentaires proposées par le Plan eau 

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Court terme

41

Définir un modèle économique robuste pour l'indemnisation des exploitants hydroélectriques contribuant au soutien d'étiage 

Agences de l'eau

Programmation financière des agences

Moyen terme

42

Pérenniser le soutien financier aux offices de l'eau ultramarins pour améliorer la performance des réseaux d'eau potable et améliorer l'assainissement 

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Court terme

43

Relancer la réflexion sur les modalités d'une solidarité financière interbassins, afin de soutenir davantage les agences les moins bien dotées 

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Moyen terme

44

Flécher une ressource nouvelle destinée à financer spécifiquement les actions des agences de l'eau en faveur de la biodiversité, pour alléger la charge reposant sur les usagers du petit cycle 

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Moyen terme

45

Mettre en place une fraction de taxe GEMAPI mutualisée sur l'ensemble du bassin versant, pour soutenir les actions au titre de la GEMAPI des EPCI disposant de peu de ressources et de longs linéaires à protéger 

Gouvernement & Parlement

Loi de finances

Court terme

46

Permettre aux EPCI de s'adosser aux EPTB existants pour déléguer l'exercice de la GEMAPI et les ressources afférentes 

Parlement

Loi

Court terme

47

Accompagner les autorités organisatrices de l'eau pour se saisir des solutions de financements longs, permettant des amortissements sur 50 à 60 ans, tels les « aquaprêts »

Ministère, collectivités territoriales

Pratique administrative

Court terme

48

Récompenser les services d'eau et d'assainissement performants par une forte modulation des redevances selon les taux de fuite ou les taux de non-conformités des rejets des stations

Gouvernement & Parlement puis Agences de l'eau

Loi de finances puis délibération des comités de bassin

Court terme

49

Encourager les collectivités à mettre en place une tarification progressive de l'eau, au moins pour les usagers dotés de compteurs individuels, et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage

Parlement et collectivités territoriales

Loi

Court terme

50

Faciliter la mise en oeuvre de la tarification sociale, en privilégiant les systèmes simples comme des chèques eau automatiquement distribués aux bénéficiaires

Parlement et collectivités territoriales

Loi

Court terme

51

Inciter les particuliers aux économies d'eau et à la récupération d'eau de pluie, en rétablissant le crédit d'impôt pour les récupérateurs de toiture

Parlement

Loi ou amendement à loi de finances

Court terme

52

Renforcer l'application du principe pollueur-payeur en augmentant les tarifs de redevance pour les rejets industriels et en instaurant une redevance pour les polluants aujourd'hui exonérés, en commençant par les médicaments et les produits cosmétiques

Gouvernement et Parlement

Loi de finances

Moyen terme

53

Afin de parvenir en dix ans à la protection de la totalité des périmètres de captage, augmenter la part des aides PAC et des agences de l'eau en faveur des paiements pour services environnementaux

Gouvernement

Mise en oeuvre des aides du 2e pilier de la PAC

Moyen terme

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

RÉUNIONS PLÉNIÈRES

Mardi 28 février 2023

Table ronde autour des agences de l'eau

Guillaume CHOISY, directeur de l'agence de l'eau Adour-Garonne

André FLAJOLET, maire de Saint-Venant (62), président de la commission Transition écologique et président du comité de bassin Artois-Picardie

Marc HOELTZEL, directeur général de l'agence de l'eau Rhin-Meuse

Valéry MORARD, directeur général adjoint de l'agence de l'eau Loire-Bretagne

Christophe POUPARD, directeur de la connaissance et de la planification de l'agence de l'eau Seine-Normandie

Laurent ROY, directeur général de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse

Thierry VATIN, directeur général de l'agence de l'eau Artois-Picardie

Mercredi 8 mars 2023

Association nationale des élus des bassins (ANEB)

Bruno FOREL, président

Frédéric MOLOSSI, co-président

Catherine GREMILLET, directrice

Jeudi 9 mars 2023

Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Frédéric VEAU, préfet, délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique

Mercredi 15 mars 2023

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Michèle ROUSSEAU, présidente-directrice générale

Pierre PANNET, directeur adjoint des Actions Territoriales

Jeudi 16 mars 2023

Comité national de l'eau

Jean LAUNAY, président

Mardi 28 mars 2023

Association des Maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

Christian MÉTAIRIE, maire d'Arcueil, co-président de la commission transition écologique

Intercommunalités de France (AdCF)

Régis BANQUET, président de Carcassonne agglo, vice-président Grand cycle de l'eau

Oriane CÉBILE, conseillère Eau, Climat, Énergie et Biodiversité

Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement

Mercredi 29 mars 2023

Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques

Jean-Paul DORON, premier vice-président

Hamid OUMOUSSA, directeur général

Jeudi 30 mars 2023

Table ronde autour des acteurs de l'hydroélectricité

Laurence BORIE BANCEL, présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône (CNR)

Cyrille DELPRAT, directeur général de la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM)

Alain EYQUEM, président et Michel ANDREU, administrateur de la Fédération des moulins de France

Jean-Marc LÉVY, secrétaire général, et Cécile BELLOT, responsable environnement de France Hydro Électricité

Emmanuelle VERGER, directrice et Bruno de CHERGÉ, en charge des relations institutionnelles d'EDF hydro

Jeudi 6 avril 2023

Table ronde sur la gestion de l'eau et l'innovation

Hugo BARDI, directeur général adjoint de Saur Water Engineering

Laurent BRUNET, directeur technique de Suez Eau France

Vincent CAILLAUD, directeur général de Veolia Water Technologies

Mercredi 12 avril 2023

France Nature Environnement (FNE)

Alexis GUILPART, animateur du réseau « Eau et Milieux Aquatiques »

Mercredi 3 mai 2023

Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Sylvain BOUCHERAND, président de la commission environnement

Pascal GUIHÉNEUF, rapporteur de l'avis « Comment favoriser une gestion durable de l'eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? »

Serge LE QUÉAU, rapporteur de l'avis « Comment favoriser une gestion durable de l'eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? »

Jeudi 4 mai 2023

Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

Hervé PAUL, vice-président et référent Eau

Franco NOVELLI, adjoint au chef du département Cycle de l'eau

Cyrielle VANDEWALLE, chargée de mission Gestion et préservation des ressources en eau

Fédération professionnelle des entreprises de l'Eau (FP2E)

Aurélie COLAS, déléguée générale

Christophe TANGUY, membre du bureau

Vincent DARRAS, membre du bureau

Mercredi 10 mai 2023

Assemblée des Départements de France (ADF)

Coralie DENOUES, vice-présidente et présidente du département des Deux-Sèvres

Hervé COCHETEL, directeur général des services

Édouard GUILLOT, conseiller Environnement

Jeudi 11 mai 2023

Météo-France

Alain SOULAN, directeur général adjoint

Jean Michel SOUBEYROUX, directeur adjoint scientifique à la Direction de la Climatologie et des Services Climatiques

Mardi 16 mai 2023

Table ronde consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer

Michela ADIN, directrice générale de l'Office de l'eau de la Martinique

Faïçal BADAT, directeur du développement durable des territoires, adjoint auprès du Directeur général de l'Office de l'eau de La Réunion

Myriane INIMOD, directrice par intérim et responsable du Pôle technique territoriale de l'Office de l'eau de la Guyane

Olivier KREMER, directeur de l'Environnement, de l'Aménagement, du Logement et de la Mer (DEAL) de Mayotte

Dominique LABAN, directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe

Mercredi 17 mai 2023

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)

Matthieu SCHULER, directeur général délégué du Pôle Sciences pour l'expertise

Éric VIAL, directeur de l'évaluation des risques

Éléonore NEY, cheffe d'unité d'Évaluation des risques liés à l'eau

Sarah AUBERTIE, chargée des relations institutionnelles

Mercredi 24 mai 2023

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Thierry CAQUET, directeur scientifique Environnement

Marc GAUCHÉE, conseiller du P-DG pour les relations parlementaires et institutionnelles

Mercredi 31 mai 2023

Union des industries et des entreprises de l'eau (UIE)

Jean-Luc VENTURA, président

Anne-Laure MAKINSKY, déléguée générale

Mardi 6 juin 2023

Chambres d'agriculture France

André BERNARD, vice-président et président de la Chambre régionale d'agriculture de PACA

Garance SIESTRUNCK, chargée de mission Eau

Mercredi 28 juin 2023

Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

Mardi 28 février 2023

Le Cercle français de l'eau

Thierry BURLOT, président

Florence DAUMAS, déléguée générale

Bernard BARRAQUÉ, membre, directeur de recherche

Mercredi 1er mars 2023

Florence HABETS, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée au Laboratoire de géologie de l'ENS (unité CNRS/ENS-PSL)

Emma HAZIZA, hydrologue, présidente et fondatrice de Mayane, centre de recherche pour la résilience et l'adaptation des territoires face aux risques majeurs et au changement climatique

Mercredi 15 mars 2023

UFC-Que Choisir

Olivier ANDRAULT, chargé d'études agriculture et alimentation

Benjamin RECHER, chargé des relations institutionnelles France

Mardi 21 mars 2023

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) Occitanie-Montpellier

Olivier BARRETEAU, ingénieur en Chef des Ponts, des Eaux et des Forêts, chercheur au sein de l'UMR Gestion de l'Eau, Acteurs, Usages et directeur adjoint du Centre International de Recherche Interdisciplinaire sur l'évolution des hydrosystèmes

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) Lyon-Grenoble

Éric SAUQUET, directeur de recherche en hydrologie, chef de département adjoint Hydrosystèmes et Risques naturels du département AQUA

Mercredi 22 mars 2023

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

Philippe JOUGLA, élu en charge du dossier Eau

Confédération paysanne

Marie-Pierre RÉPECAUD, secrétaire nationale en charge du dossier Eau

Suzie GUICHARD, coordinatrice en charge du dossier néonicotinoïdes

Coordination rurale

Alain MARTINAUD, agriculteur irrigant

Alix RULLIER, chargée de communication institutionnelle

Jeudi 23 mars 2023

Table ronde

Sabine BATTEGAY, responsable environnement et production de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM)

Jean-Paul BORDES, directeur général de l'Association de coordination technique agricole (ACTA)

Éric FRÉTILLÈRE, président d'Irrigants de France

Luc SERVANT, président de la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle Aquitaine, vice-président de Chambres d'agriculture France

Mercredi 29 mars 2023

Amorce

Nicolas GARNIER, délégué général

Baptiste JULIEN, responsable du Pôle Eau

ONG Green Cross France et Territoires

Nicolas IMBERT, directeur exécutif

Lena CORREIA, chargée de communication

Mardi 4 avril 2023

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Agathe EUZEN, directrice adjointe de l'Institut écologie et environnement

Gilles PINAY, écologue, biogéochimiste et directeur adjoint scientifique de l'Institut écologie et environnement

Cluster Eau et Climat

Jean-François BERTHOUMIEU, président

Jean-Marc BOURNIQUEL, secrétaire

Mercredi 5 avril 2023

Ministère de la santé et de la prévention

Corinne FÉLIERS, cheffe du bureau de la Qualité des eaux à la sous-direction Prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation

Étangs de France

Xavier MARÉCHAL, président

Jean de GESNAIS, référent Eau

Académie de l'Eau

Jean-Louis OLIVER, président

Monica CARDILLO, secrétaire générale

Marc-Antoine MARTIN, trésorier

Mardi 11 avril 2023

Association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV)

Alain CHOSSON, coordinateur du réseau national Eau et Assainissement

Jean-Michel BARBIER, membre

Mercredi 12 avril 2023

Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (ASTEE)

Denis GUILBERT, vice-président en charge des Collectivités territoriales

Solène LE FUR, directrice générale

Mardi 18 avril 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

Olivier THIBAULT, directeur de l'Eau et de la Biodiversité

Association des maires ruraux de France (AMRF)

Daniel BARBE, membre du Bureau, maire de Blasimon (33)

Denis DURAND, membre du conseil d'administration, maire de Bengy-sur-Craon (18)

Michel GROS, membre du Bureau, maire de La Roquebrussane (83)

Mercredi 19 avril 2023

Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Arnaud DUNAND, responsable de la sous-direction Performance environnementale et Valorisation des territoires

Serge LHERMITTE, responsable du service Compétitivité et Performance environnementale

Voies navigables de France

Thierry GUIMBAUD, directeur général

Villes de France

Jean-François DEBAT, président délégué, maire de Bourg-en-Bresse, président de Grand Bourg Agglomération

Jean-Sébastien SAUVOUREL, conseiller

Mardi 2 mai 2023

FENARIVE

Christian LECUSSAN, président

Mercredi 3 mai 2023

Fédération française d'équitation (FFE)

Frédéric BOUIX, délégué général

Fédération française de golf (FFG)

Christophe MUNIESA, directeur général

Mercredi 3 mai 2023

Cour des comptes

Jean-François COLLIN, rapporteur de la partie sur l'eau du rapport public annuel 2023

France urbaine

Delphine MICHEL, représente de France urbaine au Comité national de l'eau, vice-présidente Eau, Forêts et Transition écologique à la métropole du Grand-Nancy, conseillère municipale de Nancy déléguée à la Ville, Nature et Eau

Philippe ANGOTTI, délégué adjoint

Sarah BOU SADER, conseillère relations parlementaires

Mercredi 10 mai 2023

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

Pascal BERTEAUD, directeur général

Mardi 16 mai 2023

European Irrigation Association (EIA)

Moshi BERENSTEIN, président

Bruno MOLLE, conseiller exécutif

Qairos Energies

Jean FOYER, président

Mardi 23 mai 2023

Présentation du projet Aqua Domitia

- Région Occitanie - Maître d'oeuvre

Frédérique CANCEL-TONELLOT, directrice du service Eau, Milieux aquatiques et Risques à la direction de la Transition écologique et énergétique

Jean-Pierre DUMONT, directeur de l'Aménagement et du Patrimoine

Régis INGOUF, responsable du service Eau et Risque

- Groupe BRL - Opérateur-concessionnaire

Jean-François BLANCHET, directeur général

Maison des eaux minérales naturelles

Sébastien JACQUES, délégué général

ATEP-Eau de la parcelle

Jérémie STEININGER, délégué général

Mercredi 24 mai 2023

Caisse des dépôts et consignations - Banque des Territoires

Kosta KASTRINIDS, directeur des Prêts

Sophie VAISSIERE, directrice des Relations institutionnelles et Affaires stratégiques à la direction des Prêts

Gil VAUQUELIN, directeur de la Transition énergétique et écologique en charge du plan de relance

Selda GLOANEC, conseillère Relations institutionnelles

Union française des Semenciers

Didier NURY, président

Rachel BLUMEL, directrice générale

Jeudi 25 mai 2023

Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)

Luc STREHAIANO, vice-président du SEDIF, maire de Soisy-sous-Montmorency (95)

Arnold CAUTERMAN, directeur général des services techniques

Guillaume DE STORDEUR, directeur de la communication

Raymond LOISELEUR, directeur général des services

Syndicat de l'eau du Dunkerquois

Bertrand RINGOT, président

Fabrice MAZOUNI, directeur général des services

Mardi 30 mai 2023

Fédération nationale des SCOT (FEDESCOT)

Françoise ROSSIGNOL, 1ère vice-présidente

Pascal DELTEIL, 2e vice-président

Bruno FOREL, membre élu

Stella GASS, directrice

Limagrain

Sébastien VIDAL, président

Éric GRELICHE, vice-président

Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM)

Pierre MEYNENG, président

Eau de Paris

Dan LERT, président

Gestin BENJAMIN, directeur général

Anne-Sophie LECLÈRE, directrice générale adjointe

Fédération des courses hippiques

Pierre PREAUD, secrétaire général

Tanguy COURTOIS, chargé d'affaires publiques

Mercredi 31 mai 2023

Domaines skiables de France

Alexandre MAULIN, président

Mardi 6 juin 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires - direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Anne-Cécile RIGAIL, cheffe du service des Risques technologiques

Lionel BERTHET, sous-directeur de la Connaissance des aléas et de la Prévention au service des Risques naturels

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 2 mars 2023 - Déplacement au Salon de l'Agriculture

Entretien avec les représentants du CNIEL, interprofession lait de vache et produits laitiers

Entretien avec les représentants de VALHOR, interprofession de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage

Entretien avec les représentants d'Interbev, interprofession des viandes bovins, ovins et caprins, ainsi qu'avec Culture viande

Entretien avec les représentants d'Inaporc, interprofession nationale porcine

Entretien avec les représentants de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) et des Jeunes agriculteurs (JA)

Entretien avec les représentants de La coopération agricole

Entretien avec les représentants de la Coordination rurale

Entretien avec les représentants de la Confédération paysanne

Lundi 15 mai 2023 - Déplacement à Bruxelles

Représentation Permanente de la France auprès de l'Union européenne

Entretien avec Philippe BERDOU et Maëlle JEAN-BAPTISTE, conseillers chargés de l'Environnement

Fédération européenne des organisations nationales de l'eau (EurEau)

Entretien avec Olivier LOEBEL, secrétaire général, et Sébastien MOURET, policy advisor

Bureau européen pour l'environnement

Entretien avec Faustine BAS-DEFOSSEZ, director for Nature, Health and Environment et Sara JOHANSSON, senior policy adviser

Commission européenne

Entretien avec Gregorio DAVILA-DIAZ, chef d'unité adjoint de l'unité du Développement durable à la direction générale de l'Agriculture

Entretien avec Veronica MANFREDI, directrice générale de l'Environnement

Lundi 22 mai 2023 - Déplacement dans le Cher

Visite de l'exploitation de Wigbold HOFSTEDE

Cécile BORELLO présidente de l'Union Départemental Des Syndicats d'Irrigants (UDSI)

Marielle DUBOIS, élue à la chambre d'agriculture en charge de la problématique de l'irrigation

Étienne GANGNERON, président de la chambre d'agriculture du Cher

Mathis GOUSSARD, agriculteur

Alexia JOURDIN, animatrice Syndicat des irrigants et Organisme unique

Wigbold HOFSTEDE, agriculteur

Baptiste LAMELOT, élu FNSEA18 en charge de la problématique de l'irrigation

Entretien à la préfecture du Cher

Maurice BARATE, préfet du Cher

Ludovic BERNACHOT, chef de service départemental adjoint du Cher de l'Office Français pour la Biodiversité (OFB)

Eric DALUZ, directeur départemental des territoires du Cher (DDT)

Bertrand DUGRAIN, directeur de la délégation Centre-Loire de l'agence de l'eau Loire-Bretagne

Christian FEUILLET, chef du département Eau, pour la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Centre-Val de Loire (DREAL)

Bertrand MOULIN, délégué départemental du Cher de l'Agence Régionale de Santé du Centre-Val de Loire (ARS)

Camille de WITASSE THÉZY, secrétaire générale, sous-préfète de Bourges

Entretien avec les services de l'État et l'Établissement Public Loire

Didier BRUGÈRE, vice-président du Conseil départemental du Cher en charge des Routes, de l'Eau et de l'Environnement - Établissement Public Loire

Éric DALUZ, directeur départemental du Cher - Direction Départementale des Territoires du Cher (DDT)

Bertrand DUGRAIN, directeur de la délégation Centre-Loire - Agence de l'eau Loire-Bretagne

Christian FEUILLET, chef du département Eau - Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Centre-Val de Loire (DREAL)

Bertrand MOULIN, directeur départemental du Cher et Adèle BERRUBE, adjointe au directeur, responsable du département Santé environnementale et Déterminants de santé - Agence Régionale de Santé du Centre-Val de Loire (ARS)

Marie-Christine NICOLICH, directrice - Direction des collectivités locales et de la coordination interministérielle (DCLCI) - secrétariat général

Table ronde avec des élus

Adrien BAERT, président du SIAEPA de la région de Graçay

André BARRE, président de l'Association pour la réouverture du Canal de Berry

Didier BRUGÈRE, vice-président du Conseil départemental en charge de l'Eau

Amaury COUET, président du SIVOM d'AEPA de Sancerre/Saint-Satur

Jacques FLEURY, président du Conseil départemental du Cher

Roland GILBERT, président du Syndicat des eaux de Nérondes

Philippe MOISSON, président de l'Association des maires du Cher

Camille de PAUL, président du Syndicat Mixte d'Interconnexion des Réseaux du Nord-Est de Bourges (SMIRNE)

Échanges avec les associations environnementales

Christian STEPHAN, président et Gérard BARACHET, vice-président de la Fédération du Cher pour la pêche et la protection du milieu aquatique

Isabelle VAISSADE-MAILLET, présidente de l'association Nature 18

Jeudi 8 et vendredi 9 juin 2023 - Déplacement dans les Deux-Sèvres et en Gironde

Jeudi 8 juin - Déplacement dans les Deux-Sèvres

Visite de la retenue de substitution de Mauzé-sur-le-Mignon

Entretien avec Thierry BOUDAUD, président de la Coop 79

Entretien avec les services de l'État

Emmanuelle DUBÉE, préfète des Deux-Sèvres

Élisabeth BIGET-BREDIF, directrice adjointe de la direction départementale des territoires (DDT) des Deux-Sèvres

Entretien avec la Coordination du marais poitevin

François-Marie PELLERIN, hydrologue, président de la Coordination du marais poitevin

Entretien avec le Conseil départemental des Deux-Sèvres

Coralie DENOUES, présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres

Olivier FOUILLET, vice-président en charge de la gestion de l'eau

Séverine VACHON, vice-présidente en charge du développement durable, des Parcs naturels régionaux (PNR) et des Espaces naturels sensibles (ENS)

Hervé COCHETEL, directeur général des services

Jean-François COLLIER, directeur général adjoint en charge du Pôle de l'Espace Rural et des Infrastructures

Robin ORTO, collaborateur au Cabinet de Mme la Présidente

Gilbert FAVREAU, sénateur des Deux-Sèvres

Philippe MOUILLER, sénateur des Deux-Sèvres

Philippe ALBERT, président de la Société publique locale (SPL) des Eaux du Cébron

Marie-Pierre MISSIOUX, présidente de la Société publique locale (SPL) des Eaux de la Touche-Poupard et aussi vice-Présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres

Entretien avec Deux-Sèvres Nature Environnement (DSNE)

Fabienne BABIN, membre de la Commission Environnement, représentante de DSNE au Comité sécheresse départemental (CRE) et dans diverses instances spécifiques au Marais poitevin

Michel CLAIRAND, administrateur

Jean COLLON, membre, secrétaire de Gâtine-Environnement

Magali MIGAUD, administratrice et représentante légale

Entretien avec la Confédération Paysanne et Bassines Non Merci !

Benoît JAUNET, porte-parole de la Confédération Paysanne

Jean-Jacques GUILLET, porte-parole de Bassines Non Merci !

Entretien avec le Groupe ornithologique des Deux-Sèvres

François TEYSSIÉ, directeur

Nelly ALLALI, administratrice

Jacques DEBUIRE, administrateur

Etienne DEBENEST, coordinateur technique

Vendredi 9 juin - Déplacement en Gironde

Visite de la centrale nucléaire du Blayais

Charlotte MAES, directrice

Véronique MONCOUTIE, cheffe de Mission environnement

Entretien avec les élus et services de Bordeaux Métropole

Sylvie CASSOU-SCHOTTE, vice-présidente en charge de l'Eau et de l'Assainissement

Pascal BOTZUNG, directeur général de la Régie de l'eau

Boris CAMBAZARD, responsable de service eau énergie

Émilie SARRAZIN, collaboratrice de Cabinet

Entretien avec les élus et services du Département de la Gironde

Pascale GOT, vice-présidente en charge de la Protection de l'Environnement, des Espaces naturels sensibles et de la Gestion des risques

Nathalie BRICHE, directrice par intérim de la direction de la Valorisation des ressources et des territoires

Entretien avec les élus et services de Val de Garonne Agglomération

Jacques BILIRIT, président

Denis DUTEIL, maire de Taillebourg, conseiller communautaire, référent GEMAPI

Yannis HARAN, directeur général délégué aux Relations avec les collectivités, Citoyenneté et Relations aux usagers

Florent CRAIPEAU, responsable du service GEMAPI

Entretien avec les élus et services de la Région Nouvelle-Aquitaine

Guillaume RIOU, vice-président en charge de la transition écologique et énergétique

Jean-Pierre RAYNAUD, vice-président en charge de l'agriculture, de la transition agro-écologique, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la mer et de la montagne (en téléconférence)

Mathieu LABROUSSE, conseiller régional délégué à l'eau, continuités écologiques, chasse et pêche

Mercredi 21 et jeudi 22 juin - Déplacement en Italie

Entretien avec Mme Simona Petrucci, sénatrice italienne

Simona PETTRUCI, sénatrice

Frédéric KAPLAN, ministre conseiller Affaires économiques, Service économique régional (SER) de l'ambassade de France en Italie

Laura TORREBRUNO, adjointe au chef de service, SER de l'ambassade de France en Italie

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie

Entretien avec Utilitalia

Giordano COLARULLO, directeur général

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie

Entretien avec le ministère italien de l'Environnement et de la Sécurité énergétique

Giuseppe LO PRESTI, directeur général pour l'Utilisation durable du sol et des ressources de l'eau

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie

Entretien avec les services de l'eau de la région Lazio

Manuela VERONELLI, garante de l'eau

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie

Dîner de travail avec ARERA (Autorité de régulation de l'énergie et de l'eau)

Andrea GUERRINI, directeur Eau

Christian MINELLI, directeur des Relations internationales

Frédéric KAPLAN, ministre conseiller Affaires économiques, SER de l'ambassade de France en Italie

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie

Entretien avec l'association nationale italienne des consortiums de gestion et de protection de l'eau et des terres irriguées

Francesco VINCENZI, directeur général

Jean-Pascal FAYOLLE, conseiller Affaires agricoles, SER de l'ambassade de France en Italie

Entretien au ministère italien de l'Agriculture

Daniela QUARATO, conseillère

Stefano SALBITANI, conseiller

Jean-Pascal FAYOLLE, conseiller Affaires agricoles, SER de l'ambassade de France en Italie

Autorité du district des eaux de l'Apennin central

Marco CASINI, directeur général

Frédéric KAPLAN, ministre conseiller Affaires économiques, SER de l'ambassade de France en Italie

Claire BERGÉ, conseillère Développement durable, SER de l'ambassade de France en Italie


* 1  https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-142-notice.html

* 2 Rapport n° 31 (1964-1965) de Maurice Lalloy, fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, déposé le 17 novembre 1964.

* 3 Article 116 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, qui dispose également que les conseils municipaux « peuvent faire des conventions à l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune ».

* 4 Ce montant inclut la totalité du patrimoine de l'eau (forages, réseaux, branchements, usines de traitement, réservoirs) et du patrimoine de l'assainissement (réseaux, branchements, postes de refoulement, usines de traitement). Les éléments complets sont accessibles à l'adresse suivante : https://eau-entreprises.org/wp-content/uploads/2022/10/CP-UIE-Etude-patrimoine-2022-VF-.pdf

* 5 Prix moyen de 4,07 €/m3 pour les communes de moins de 1 000 habitants, entre 4,25 €/m3 et 4,66 €/m3 pour les communes entre 1 000 et 50 000 habitants et 4,25 €/m3 pour les communes de plus de 50 000 habitants.

Source : Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement (2022), Panorama des services et de leur performance en 2020.

* 6 Le prix moyen des services gérés en régie est inférieur de 5 % à celui des services délégués, selon l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement, en s'établissant respectivement à 4,23 €/m3 et 4,40 €/m3.

* 7 Enquête du CLCV de mars 2019, intitulée « Les dessous de la facture d'eau et de l'assainissement ». Cette enquête a porté sur 150 factures correspondant à une année civile complète, provenant de 178 services, dont la moitié en régie et l'autre moitié en délégation de services publics. La population concernée était composée de 8,3 millions d'usagers et d'un panel de 50 départements.

* 8 Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

* 9 Une organisation inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de l'eau, partie 6 du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes, « La décentralisation 40 ans après ».

* 10 Article L. 210-1 du code de l'environnement.

* 11 Depuis notamment la directive 75/440/CEE du Conseil du 16 juin 1975 concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États-membres et la directive 76/160/CEE du Conseil du 8 décembre 1975 concernant la qualité des eaux de baignade.

* 12 Il s'agit notamment de l'actualisation de la directive 76/464/CEE du Conseil du 4 mai 1976 concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, à travers la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

* 13 Ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l'accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

* 14 À l'article L. 1321-1 A du code de la santé publique.

* 15 D'après l'enquête nationale 2021 « Les Français et l'eau », 85 % de la population a confiance en l'eau du robinet en France.

* 16  https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/histoire-des-eaux-usees/

* 17  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/gestion-de-leau-et-assainissement

* 18 Ce taux résulte des conformités de chaque station de traitement des eaux usées (STEU) du service, pondérées par la charge moyenne entrante en DBO5 (moyenne annuelle), qui constitue une unité de mesure permettant d'évaluer la capacité d'une station d'épuration. Elle est foncée sur la quantité de pollution émise par personne et par jour.

* 19 https://www.services.eaufrance.fr/indicateurs/P301.3

* 20  https://www.cieau.com/wp-content/uploads/2022/12/Barometre_National_2021.pdf

* 21 Souvent surnommés « polluants éternels », les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) présentent des liaisons carbone-fluor très solides, très peu biodégradables, très hydrophiles et solubles dans l'eau.

* 22 Chiffres présentés par Hélène Budzinski, directrice de recherche au CNRS, lors de l'audition de l'OPECST du 8 juin 2023 consacrée à la surveillance et les impacts des micropolluants de l'eau.

* 23 Compte rendu de l'audition de l'OPECST du 8 juin 2023.

* 24 Source : https://www.cieau.com/connaitre-leau/les-ressources-en-france-et-dans-le-monde/en-france-quelles-sont-les-ressources-en-eau/

* 25 Dagorn G., et Sanchez l. (2023), Quelles quantités d'eau sont prélevées et consommées par la population, les usines et l'agriculture ? Le Monde 1er avril 2023.

* 26 Source : Étude « Eau et milieux aquatiques Les chiffres clés » Édition 2020. Ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire. p.26.

* 27 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Datalab.

* 28 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Datalab.

* 29 http://www.drias-climat.fr/

* 30 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 31 Source : Météo-France.

* 32 Il s'agit des « nappes inertielles du Dijonnais au Bas-Dauphiné [qui] affichent des niveaux bas à très bas, du fait de plusieurs recharges hivernales successives peu intenses ; des nappes alluviales côtières et des calcaires karstifiés de Provence et de Côte d'Azur [qui] enregistrent des niveaux très bas, voire localement historiquement bas, suite à des pluies très déficitaires en 2022 et 2023 ; des nappes de l'aquifère multicouche du Roussillon [qui] connaissent une situation inédite, avec des niveaux bas sur la nappe profonde du Pliocène à très bas sur la nappe superficielle. Des points de la nappe superficielle affichent des niveaux historiquement bas et le risque d'intrusion saline est fort. »

Source : Situation hydrogéologique au 1er juin 2023 du BRGM.

* 33 Source : Situation hydrogéologique au 1er juin 2023 du BRGM.

* 34 Source : Audition devant la mission de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.

* 35 Source : Bertrand N., Blanc P., Cazin, P., Debrieu-Levrat C., Kles V., Plante S.,(2023) Retour d'expérience sur la gestion de l'eau lors de la sécheresse 2022, pour l'IGEDD, l'IAG et le CCAAER (Mars 2023).

* 36 Météo-France a également produit des simulations hydrologiques dans le cadre du projet national Explore 2 sur la base des projections DRIAS-2020 (données disponibles sur le nouveau portail DRIAS_Eau).

* 37 Données et études statistiques du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; « Les zones humides en France- Synthèse des connaissances en 2021 » publiée le 2 mars 2022.

* 38 L'étude a observé l'évolution de 132 sites humides.

* 39 Source : Étude intitulée « Les zones humides en France, synthèse des connaissances en 2021. »

* 40 Idem.

* 41 La Convention sur les zones humides est un traité intergouvernemental adopté en 1971 et entré en vigueur en 1975 encadrant l'action nationale et la coopération internationale pour la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Près de 90% des États-Membres de l'ONU y ont adhéré.

* 42 Casanova J., Cagnimel M., Devau N., Pettenati M., Stollsteiner P., Recharge artificielle des eaux souterraines : état de l'art et perspectives, BRGM et ONEMA (sept. 2013). Cette technique peut freiner ou repousser une intrusion d'eau salée ou, en utilisant la capacité épuratrice du sol, des berges des cours d'eau et de l'aquifère lui-même, pour une épuration naturelle de l'eau. L'eau injectée/infiltrée, dont la qualité doit être compatible avec les objectifs de qualité et d'état des eaux souterraines, est généralement prélevée localement dans les cours d'eau lorsque la ressource est abondante (hautes eaux) afin de ne pas impacter le fonctionnement des écosystèmes aquatiques.

* 43 Source : Réponse du BRGM au questionnaire de la mission.

* 44 Source : Réponse de l'UIE au questionnaire de la mission.

* 45 Source : Étude Datalab intitulée « Eau et milieux aquatiques - Les chiffres clés 2020 » de l'OFB - Service Données et études statistiques - SDES MTES (décembre 2020).

* 46 Source : réponse de Villes de France au questionnaire de la mission.

* 47 Source : Site de l'OFB.

* 48 L'écart de température peut atteindre 6° entre un plan d'eau et l'amont de la rivière courante en pleine canicule.

* 49 Source : Datalab - données 2020 précitées.

* 50 Parmi les travaux des opposants à la destruction des petits barrages, on compte l'ouvrage de Pierre Potherat, géologue, et ancien ingénieur en chef des travaux publics d'État , Si les truites pouvaient parler, l'étude de Jacques Mudry, docteur d'État en hydrogéologie publiée dans la revue scientifique Bourgogne Franche-Comté Nature n°34 2021, l'étude de Depoilly et Dufour 2015 : Influence de la suppression des petits barrages sur la végétation riveraine des rivières du Nord-Ouest.

* 51 Source : Potherat P., (2021) Si les truites pouvaient parler.

* 52 « Les rivières de France et d'Europe sont barrées depuis des millions d'années par des dizaines de milliers de « petits barrages » ; anciennement de castors, progressivement remplacés à partir du haut Moyen Âge par des barrages de moulins à eau, de même hauteur modeste, dans une admirable continuité historique et écologique. [...] »

Source : Audition de la FFAM.

* 53 Source : délibération du Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité n° CS/2018-02 : note du conseil scientifique : éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien-fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau du 26-27 avril 2018.

* 54 Alors qu'en l'absence de seuils, la part d'écoulement des graviers est plus importante, contribuant ainsi à refroidir les eaux et limiter l'évaporation.

* 55 Source : délibération du Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité n° CS/2018-02 : note du conseil scientifique : éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien-fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau du 26-27 avril 2018.

* 56 Source : audition devant la mission de Florence Habets, hydroclimatologue, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée au Laboratoire de géologie de l'ENS. « Cet excès de vapeur accroit le volume d'eau déversé lors des pluies au-dessus des océans. Mais les continents se réchauffant plus vite que les océans, il y a moins de vapeur d'eau. Donc on augmente le déficit de vapeur d'eau au-dessus des continents ce qui provoque des sécheresses. Quand cela se décharge, il y a plus d'eau qui tombe mais pas assez. »

* 57 Source : Habets F., (2022). Gestion de l'eau : devons-nous être les «plombiers» de l'environnement ? in CNRS le Journal (Mai 2022).

* 58 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 59 Source : Ministère en charge de l'écologie, 2014. Stratégie nationale de gestion des risques d'inondation.

* 60 La Directive européenne du 23 octobre 2007 sur le risque inondation « Directive inondation », transposée en 2010 par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (engagement national pour l'environnement (LENE) s'est achevée par l'adoption des Stratégies locales de gestion des risques inondation (SLGRI).

* 61 Il se base sur une carte des aléas de fréquence centennale.

* 62 Le PAPI donne lieu à la signature d'une convention entre le porteur de projet (la collectivité territoriale ou le groupement), l'État et les cofinanceurs.

* 63 Elle traite de la prévention avec l'information du public, la connaissance du risque, la prévision des crues, à la maitrise de l'urbanisme, et la réalisation d'ouvrages de protection et de rétention, ainsi que de la gestion de crise avec l'alerte, la réduction des dommages aux biens. Les appels à projets comportent deux phases, celle du programme d'études préalables et celle du programme d'actions.

* 64 Il convient de préciser que Les projets sont soumis, avant labellisation, à l'avis d'une instance partenariale locale ou nationale (la commission mixte inondation), regroupant entre autres des représentants de l'État et des collectivités locales.

* 65 Ce soutien financier est désormais déployé dès la déclaration d'intention du porteur de projet.

* 66 La première génération d'une cinquantaine de PAPI de 2003 à 2010 a été majoritairement concentrée dans le quart Sud-Est pour un montant global de 884 millions d'euros. La deuxième entre 2011 et 2017 a été financée à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Ma troisième génération a été lancée en 2018.

* 67 Chiffres au 31 août 2022. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.

* 68 Chiffres au 9 juin 2022. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.

* 69 Source : Réponse au questionnaire du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 70 Chiffres au 11 janvier2023. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.

* 71 La directive européenne 2007/60 CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et la gestion des risques d'inondation « Directive inondation » définit un cadre pour l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques de gestion des risques d'inondations. Elle a été transposée par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (engagement national pour l'environnement (LENE). La transposition s'est achevée par l'adoption des Stratégies locales de gestion des risques inondation (SLGRI).

* 72 La SNGRI détermine trois objectifs ; « Augmenter la sécurité des populations exposées », « Stabiliser sur le court terme et réduire à moyen terme le coût des dommages potentiels liés aux inondations », et « Raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés ».

* 73 CCR, Évaluation des impacts de la prévention des risques d'inondation sur la sinistralité de juin 2020. La CCR précise que ces résultats ne sont que des tendances compte tenu du faible échantillonnage.

* 74 Barthold C., Bozonnet M6C., Scarbonchi F., (2019), Évaluation du dispositif des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) et de l'efficacité de sa mise en oeuvre, CGEDD et IAG (Octobre 2019).

* 75 Source : Habets F., (2022). Gestion de l'eau : devons-nous être les « plombiers » de l'environnement ? in CNRS le Journal (Mai 2022).

* 76 Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur, des Intercommunalités de France.

* 77 Cf. article 5 de l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5.

* 78 https://www.ecologie.gouv.fr/lancement-du-premier-plan-national-dactions-gestion-des-eaux-pluviales

* 79 Réponses de CEREMA au questionnaire de la mission.

* 80 « Le Comité français de l'UICN est le réseau des organismes et des experts de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France. Il regroupe au sein d'un partenariat original 2 ministères, 8 organismes publics, 42 organisations non gouvernementales et plus de 250 experts. Par cette composition mixte, le Comité français de l'UICN est une plate-forme unique de dialogue, d'expertise et d'action sur les enjeux de la biodiversité, qui associe également les collectivités locales et les entreprises. » Source : site de l'UICN.

* 81 Source : UICN, 2016. Motion 77 : définition des Solutions fondées sur la Nature.

* 82 Source : https://www.vie-publique.fr/loi/288650-proposition-de-loi-zero-artificialisation-nette-au-coeur-des-territoires

* 83 La loi ALUR a introduit le « coefficient de biotope » qui établit un ratio entre la surface favorable à la nature et la surface d'une parcelle construite ou en passe de l'être. Le PLU peut réserver lors d'opérations de constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables (sols, surfaces en pleine terre végétalisées, toitures et terrasses ou murs et façades végétalisés, surfaces alvéolées perméables, zones humides, etc.). Elle plafonne également la superficie des parcs de stationnement des équipements commerciaux. La superficie du parking peut représenter au maximum les trois quarts de la surface du bâti. La possibilité est laissée au PLU de moduler ce ratio jusqu'à 1, pour tenir compte des circonstances locales.

* 84 La loi n° 2016-1487 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages codifiées à l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme.

* 85 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 86 Proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires n° 76 (2022-2023) adopté par le Sénat le 16 mars 2023. Dossier législatif :  https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-205.html

* 87 Cf. site : oasis.cerema.fr

* 88 Source : le CEREMA : https://www.cerema.fr/fr/actualites/laboratoire-vivant-solutions-fondees-nature-amenage-cerema

* 89 Source : Réponse du CEREMA au questionnaire de la mission.

* 90 Source : Réponse de l'ATEP au questionnaire de la mission.

* 91  https://www.services.eaufrance.fr/indicateurs

* 92 Le Syndicat s'est illustré sur le podium national des collectivités performantes en termes d'efficacité de son réseau de distribution d'eau potable. L'Indice linéaire de perte est très faible (2,5 %m3/km/jour).

* 93 Cf. Étude Prévoir et anticiper ayant identifié les tronçons à renouveler en priorité et permettant de construire sur le long terme le programme de renouvellement.

* 94 L'ensemble du réseau est découpé en plus de 30 secteurs disposant chacun d'un « compteur connecté » dédié par zone de consommation.

* 95 Plus de 250 localisateurs fixes ont été installés. Des appareils d'écoute (permettant d'identifier les bruits causés par les fuites) sont placés sur l'ensemble du réseau. Le syndicat procède à une recherche complémentaire par appareils d'écoute mobiles pour inspecter les tronçons suspectés.

* 96  https://www.vie-publique.fr/rapport/288987-retour-d-experience-sur-la-gestion-de-l-eau-lors-de-la-secheresse-2022

* 97 Source : Réponse au questionnaire de la mission.

* 98 Les nappes ne sont remplies qu'à 40 % de leur capacité.

* 99 Source : Réponse de Mayotte au questionnaire de la mission.

* 100 Un tour d'eau consiste à assurer l'alimentation en eau de certaines portions du territoire, de façon intermittente, en alternant les phases d'approvisionnement et de pénurie entre les différentes communes ou en programmant les coupures par exemple la nuit à Mayotte.

* 101 Un 4e tour d'eau nocturne a été décidé, à compter du lundi 12 juin 2023.

* 102 Source : Audition de Dominique Laban, directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 103 En 2020, le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par un collectif de 207 habitants a condamné le SIAEAG à fournir quotidiennement six bouteilles d'eau potable à chaque requérant.

* 104 Il s'agit de Gosier Saint-Anne, Saint François les Saintes Désirade et Capesterre Belle-Eau.

* 105 Source : Audition de Dominique Laban, directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 106 La Guyane dispose d'une ressource en eau très abondante et reste un des districts hydrographiques le mieux préservé. La grande majorité des masses d'eau superficielles et souterraines sont en très bon état écologique et chimique. Par ailleurs, les milieux humides constituent un patrimoine naturel exceptionnel en raison de leur richesse biologique et des fonctions naturelles qu'ils remplissent : autoépuration de l'eau, atténuation des crues, ressources alimentaires, etc.

* 107 7 milliards de mètres cubes d'eau de pluie en un an. Source : Gilbert Sam Yin Yang, directeur général de l'Office de l'eau de La Réunion, lors de son audition au Sénat dans le cadre du la table ronde consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer du 16 mai 2023.

* 108 « Des périodes de sécheresse intense, de plus en plus longues, surviennent entre décembre et juin. En ce mois de mai, des seuils d'alerte sont déjà atteints. » Audition de Michela Adin directrice générale de l'Office de l'eau de Martinique au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 109 Cf. le rehaussement des retenues collinaires de Combani et Dzoumogné.

* 110 « À moyen terme, il est prévu de réviser la planification des investissements inscrits dans le PPI afin de mettre fin aux coupures programmées : il s'agit notamment d'accélérer le versement des financements destinés à l'usine de dessalement, dont la livraison était initialement prévue en 2026. Une première tranche permettant de produire 10 000 mètres cubes d'eau douce par jour devrait être achevée en juillet 2024. » Source : Olivier Kremer, directeur de la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement (DEAL) et de la mer de Mayotte lors de son audition au Sénat dans le cadre du la table ronde consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer du 16 mai 2023.

* 111 Source : Réponse au questionnaire de la mission de la direction de l'Environnement, de l'Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte.

* 112 Les agglomérations de plus de 10 000 EH ne respectent pas les obligations fixées par la DERU à Mayotte en 2020. En conséquence, le PPI prévoit de mettre en conformité les six agglomérations de plus de 10 000 EH, d'équiper les agglomérations de moins de 10 000 EH ayant des enjeux sanitaires et/ou environnementaux les plus importants, et de résoudre les situations d'urgence à impacts environnementaux forts. Source : Réponse au questionnaire de la mission de la direction de l'Environnement, de l'Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte.

* 113 Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe. « Depuis la mise en oeuvre du Plan Eau DOM, au cours des cinq dernières années, un important effort d'investissement a été fourni en faveur du renouvellement des canalisations et de la remise en état d'unités de production. Le récent passage de la tempête Fiona a fortement endommagé l'un des principaux réseaux alimentant la majorité des usagers de Grande-Terre, des Saintes et de la Désirade. En tout état de cause, l'état global du réseau appelle un renouvellement d'envergure. »

Source : Audition de Dominique Laban, directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 114 Plus de 2 000 EH : 4/18 conformes. Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe.

* 115 Source : Audition de Dominique Laban, directeur de l'Office de l'eau de la Guadeloupe au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 116 Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe.

* 117 Ces petites unités installées à Saint-Laurent-du-Maroni sont des stations d'épuration des eaux usées (STEP) modulaires, complètes et autonomes qui traitent les eaux usées hors du réseau central, notamment dans les quartiers périphériques et dans les zones rurales.

* 118 Source : Audition de Michela Adin directrice générale de l'Office de l'eau de Martinique au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 119 Un aqueduc souterrain mis en place en 2014, après 25 ans de construction, permet la bonne répartition de la ressource dans un contexte d'inégalité géologique. Il assure le transfert d'eau d'Est en Ouest, sur une trentaine de kilomètres.

* 120 Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe.

* 121 Définition des prix au m3 en fonction de la consommation bimestrielle

Consommation bimestrielle

Eau potable

Collecte et traitement des eaux usées

Prix total

0 à 30 m3

1,41 €

2,72 €

4,13 €

31 à 70 m3

3,95 €

2,72 €

6,67 €

>70 m3

5,72 €

2,72 €

8,44 €

Les tarifs sont ajustés par chaque commune. Source : Réponse au questionnaire de la mission de la direction de l'Environnement, de l'Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte

* 122 Source : Manon Callego, coordinatrice France de Solidarités International., citée par Miguet L. (2022), Outre-mer, les eaux douces se déchaînent, Le Moniteur (8 février 2022).

* 123 Un peu moins de 56,1 millions d'euros d'impayés. Les compteurs ne permettent pas de constater la consommation réelle des habitants car les facturations sont établies sur la base d'un système hybride d'estimations, plus ou moins fiables, et de relevés. Une part importante de la consommation d'eau est distribuée gratuitement, aux frais du SIAEAG, car elle n'a pas été correctement comptabilisée. La Commission d'enquête parlementaire sur la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences a recommandé sur ce point d'annuler les factures d'eau anciennes non payées, lorsque celles-ci ne correspondent pas à la consommation normale ou à la capacité financière des usagers. Voir proposition n°68 du rapport.

* 124 Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe.

* 125 « L'avis de la chambre émis le 3 septembre 2020 constate le caractère insuffisant des mesures mises en oeuvre par le syndicat dans le cadre du plan pluriannuel de résorption du déficit budgétaire préconisé dans ses avis précédents. Le syndicat n'a pas davantage déployé son propre plan de réduction des dépenses validé le 24 novembre 2018 ».

Source : Rapport d'activité 2020 de la Chambre régionale des comptes La Réunion - Mayotte.

* 126 Des représentants d'usagers sont intégrés au sein d'une commission consultative qui rassemble 17 membres de 11 collectifs citoyens.

Source : Réponse au questionnaire de la mission de l'Office de l'eau de Guadeloupe.

* 127 Source : Réponse de la CLCV au questionnaire de la mission.

* 128 « Cependant, ceux-ci ne disposent pas de moyens à la hauteur de leur besoin en investissement, bien que 85 % à 100 % des financements soient assurés dans le cadre du Plan Eau DOM, du plan de relance et des dispositifs proposés par l'Office de l'eau. Les EPCI rencontrent en outre des problématiques d'ingénierie interne, les équipes techniques n'étant pas assez nombreuses, ce qui limite la mise en oeuvre d'une partie des projets. » Source : Audition de Michela Adin, directrice générale de l'Office de l'eau de Martinique au Sénat dans le cadre de la table ronde du 16 mai 2023 consacrée aux offices de l'eau dans les outre-mer.

* 129 Castaignet M., Gauthey J., Hamadé F., Monaco G., Monsaingeon T., Pénisson B., Pero M., Robichon S., Lebon J., (2020), Financement des services publics d'eau potable et d'assainissement, IREED, OFB (décembre 2020). Cette étude de récupération des coûts a été pilotée par la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la Transition écologique et l'OFB.

* 130 Salvetti, M. (2022), Étude pour l'Union des industries et Entreprises de l'Eau (UIE), intitulée « Patrimoine eau potable, assainissement collectif, eaux pluviales en France » (Octobre 2022). Cette étude porte sur les besoins de renouvellement du patrimoine de l'eau potable, de l'assainissement et des eaux pluviales.

* 131 Ce montant inclut la gestion des eaux pluviales. Il ne comprend pas le coût des investissements liés au traitement des micropolluants. Le montant de 4,2 Mds € passerait alors à 4,6 Mds € en incluant un tel coût.

* 132 L'estimation comprend également l'entretien des 38 000 captages d'eau ou ouvrage de prélèvement. Leur nombre est en forte réduction. Près d'un tiers des forages ont été fermés (12 500), ces trente dernières années, notamment en raison des contaminations des nappes imposant des traitements supplémentaires coûteux, pour 34 % d'entre eux. Source : UIE.

* 133 Ces dépenses se sont établies à moins de 1,4 Md d'euros en 2000, 2,8 Mds d'euros en 2011 à plus de 2,6 Md d'euros en 2016. Cf. Étude de l'UIE précitée.

* 134 Cf. Étude de l'UIE précitée p.23.

* 135 Cf. Étude de l'UIE précitée p.23.

* 136 Cf. la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines du 21 mai 1991 (DERU). Ces dépenses s'établissaient à moins de 2,8 Mds d'euros en 2000, 4,6 Mds d'euros en 2009 et 3,6 Mds d'euros en 2016. Cf. Étude de l'UIE précitée.

* 137 Outre les besoins de renouvellement du patrimoine de l'eau, l'étude précitée a également estimé à 0,4 Md € le surcoût annuel du traitement des micropolluants dans les stations d'épuration, sur 20 ans. Ces traitements seront bientôt rendus obligatoires par la nouvelle Directive Eaux Résiduaires Urbaines. Ils sont strictement liés au patrimoine de l'assainissement.

* 138 Étude précitée sur le modèle économique de l'eau en France de l'UIE.

* 139 Le député Christophe Jerretie et le sénateur Alain Richard ont co-présidé un groupe de travail du Comité pour l'économie verte (CEV) en 2019.

* 140 Richard A., Jerretie C., (2021), Rapport intitulé « Redevances des agences de l'eau et atteintes à la biodiversité » pour le Comité l'économie verte.

* 141 Il reprend l'évaluation du CGEDD, en 2016 dans sa Proposition de scénarios de financement des politiques publiques de préservation des ressources en eau, de la biodiversité et des milieux marins.

* 142 Trmblay D. et Ruiz J. (2022) Rapport n° 21044 du CGAAER intitulé : « Évaluation du coût du changement climatique pour les filières agricoles et alimentaires » (Avril 2022 »). Source : Site du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

* 143 L'adaptation du modèle de production des éleveurs conduit à prévoir une méthodologie de diagnostic d'évaluation de la vulnérabilité sera nécessaire. Cet outil est en cours de réalisation par l'institut technique de l'élevage : (Idele) Sa finalisation pourrait coûter environ 1M € d'informatique et 1M € de temps ingénieur soit au total environ 2 M €.

* 144 Source : https://agriculture.gouv.fr/evaluation-du-cout-du-changement-climatique-pour-les-filieres-agricoles-et-alimentaires-0

* 145 Le CGAAER a considéré que le renouvellement d'un hectare rénové coûte 45 000 € et que la surface arboricole actuelle s'élève à 135 000 hectares.

* 146 Cf. étude précitée sur le financement des services publics de l'eau.

* 147 Le montant moyen annuel des subventions publiques est de 1,8 Md € dont 1,06 Md € proviennent des agences de l'eau et 0,74 Md € d'autres financeurs publics, de l'Europe, des départements et régions pour 0,44 Md €, des budgets propres des collectivités de moins de 3 000 habitants pour 0,3 Md € et de l'État pour 3 M €. Hormis le cas de l'outre-mer, les subventions d'investissement et d'exploitation se sont contractées de 23 % par an entre 2013 et 2016. Source : Étude sur le Financement des services publics d'eau potable et d'assainissement précitée.

* 148 Source/ étude précitée sur le financement des services publics de l'eau.

* 149 Source : SISPEA.

* 150 La facture peut prévoir le paiement d'un abonnement, part fixe, dédié au financement d'une partie des charges fixes du service de distribution de l'eau. Ce montant est plafonné, sauf dans les communes touristiques. Le plafond est de 30 % du coût du service sur la base d'une consommation annuelle de 120 m3 pour les communes urbaines et de 40 % pour les communes rurales, depuis le 1er janvier 2012.

* 151 Source : SISPEA.

* 152 Ayphassorho H., Cinotti B., Tordjman F., (2021) Audit interne des agences de l'eau Rapport n° 013432-01, CGEDD, pour le Ministère de la transition écologique et la cohésion des territoires.(Déc. 2021).

* 153 Cf. Audit des agences de l'eau précité p. 48.

* 154 Cf. Audit des agences de l'eau précité p. 48.

* 155 Cf. Audit des agences de l'eau précité p. 50 L'audit précise que « son assiette, fondée sur la part « eau potable » de la facture aux abonnés domestiques, ne tient pas compte du niveau réel de pollution rejeté au milieu naturel, ni de l'intensité des pressions exercées sur ce même milieu. ».

* 156 Cf. Audit des agences de l'eau précité p. 52.

* 157 Source : SISPEA.

* 158 Le taux de TVA est de 2,1 % en Corse, Guadeloupe, Martinique et à La Réunion.

* 159 En raison du plafond, 0,12 Md € a alimenté le budget de l'État.

* 160 Les aides pour les « Réseaux d'assainissement des eaux usées domestiques et assimilées et des eaux pluviales » demeurent stables sur la période 2008-2016, avec une augmentation en 2012. Celles consacrées à « l'Eau potable » augmentent de 18 % à la suite des aides accordées aux investissements liés à la Directive européenne sur les eaux et aux mesures pour la protection des captages suite à la Loi Grenelle 1.

* 161 Salvetti M., Etude sur le modèle économique de l'eau en France réalisée pour le compte de l'UIE.

* 162 Ayphassorho H., Cinotti B., Tordjman F., (2021) Audit interne des agences de l'eau Rapport n° 013432-01, CGEDD, pour le Ministère de la transition écologique et la cohésion des territoires (Déc. 2021).

* 163 Cf. rapport d'audit interne sur les agences de l'eau précité p. 41-42. En outre, les agences sont soumises à des consignes de sélectivité de leurs interventions financières, telles que l'instauration d'un montant plancher d'aide. L'audit des agences formulées dans les lettres de cadrage du 11programme doit donner lieu à la mise en place d'un « suivi précis » par la DEB. Page 45 de l'audit.

* 164 Source : Étude de l'UIE sur le modèle économique de l'eau en France - État des lieux et propositions d'amélioration.

* 165 Cf. étude précitée sur le financement des services publics de l'eau.

* 166 Cela représente une moyenne annuelle de 1,9 Mds € au cours de la période 2008-2016.

* 167 Source : UIE, étude précitée sur le modèle économique.

* 168 Cet objectif se décline en 4 priorités : « - La gestion des ressources en eau et le partage de ces ressources dans un objectif d'atténuation et d'adaptation au changement climatique ;
- La restauration des milieux aquatiques, de leur fonctionnement naturel et de la biodiversité, de la continuité écologique et des zones humides ;

- La réduction des pollutions de toutes origines pour garantir le bon état des eaux et servir l'environnement et la santé ;

- La préservation et la restauration de la qualité et des habitats naturels des eaux côtières. » Source : Les agences de l'eau.fr

* 169 Idem.

* 170 Selon le rapport d'audit interne des agences de l'eau de 2021 précité, leurs interventions « sans être toujours complètement identifiées » relève de cet enjeu transverse et sont « dispersées sur différentes lignes des programmes d'intervention » Cf. p 48.

* 171 Source : Réponse au questionnaire du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 172 Cf. Rapport d'audit interne sur les agences de l'eau p. 39.

* 173 Source : Solanski N., (2023). La taxe GEMAPI : une ressource en croissance pour les collectivités. Direction générale des collectivités locales, n° 174 (avril 2023).

* 174 Source : Solanski N., (2023). La taxe GEMAPI : une ressource en croissance pour les collectivités. Direction générale des collectivités locales, n° 174 (avril 2023).

* 175 Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur des Intercommunalités de France.

* 176 Cf. Bulletin du 28 février 2023 de la table ronde des agences de l'eau.

* 177 Cf. Bulletin du 28 février 2023 de la table ronde des agences de l'eau.

* 178 Source : SISPEA.

* 179 Cela correspond au nombre d'années pour rembourser intégralement le capital de la dette.

* 180 La GEMAPI ne couvre que 10 % des financements, accordés au titre des aquaprêts. Source : Banque des Territoires.

* 181 Au contraire de la BEI et de la SFIL, seul le livret A propose de telles durées supérieures à 40 ans qui représentent 47 % des dossiers, et 59 % des montants.

* 182 « Comme la SFIL, la BEI exclut explicitement des catégories d'emprunteurs, tout opérateur privé (hors société publique locale), titulaire ou non d'un marché dans le cadre d'un appel d'offre public ; les associations syndicales autorisées ; les fondations et associations reconnues d'utilité publique ; et les Pays et Territoires d'Outre-Mer (PTOM). »

Réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 183 La quotité de financement de la BEI est plafonnée à 50 % du coût du projet.

* 184 En outre, la seconde génération des aquaprêts permettent aux établissements publics nationaux comme les syndicats mixtes, agences de l'eau, associations syndicales autorisées, grands ports maritimes, ports autonomes d'être exonérés de prise de garantie, sous réserve de leur notation risque. Le financement à 60 ans n'est plus réservé aux seuls réseaux d'eau potable et d'assainissement. Il peut être envisagé pour les autres infrastructures lourdes et durables. Source : réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 185 Source : Réponse au questionnaire de la Banque des Territoires.

* 186 Entre 34 % et 38 % selon la Banque des Territoires. Source : Idem.

* 187 Source : Idem.

* 188 Source : Réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 189 « [...] les décalages entre le temps des projets, l'accord de subvention et leur versement ne permet pas d'avoir un plan de financement calé sur la durée de vie des équipements. Cette gestion des fonds court-termiste conduit à de mauvais investissements (15 ans au lieu de 50, ...) et à des projets réduits au minimum nécessaire et finançables à court terme. »

Source : Réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 190 « [...] Les collectivités avaient souvent des difficultés à fournir les documents demandés pour l'instruction de leur demande de prêt, que ce soit un diagnostic à jour des réseaux et des taux de fuites, leur Plan pluriannuel d'investissement (PPI) ou maintenant un schéma directeur Eau potable ou assainissement complet. »

Source : Réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 191 « Au sein de ce parcours seront également proposés des outils numériques [...] :

- Un outil pédagogique et visuel de diagnostic de l'état de la ressource en eau (quantitatif et qualitatif) pour améliorer la connaissance des collectivités et les sensibiliser à l'importance de la gestion de l'eau ;

- Un outil d'anticipation de la ressource et des futurs usages en eau pour aider les acteurs territoriaux à arbitrer la répartition des usages ;

- Un outil de diagnostic de l'état de connaissance du réseau associé une offre d'accélération dédiée pour aider en priorité les collectivités en régie à améliorer leur connaissance du réseau et/ou à prioriser les travaux de rénovation du réseau. »

Source : Réponse au questionnaire de la mission de la Banque des Territoires.

* 192 Cf. Étude intitulée « La prévention des catastrophes naturelles par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, Bilan 1995-2019 » du ministère de la Transition écologique et la Caisse centrale de réassurance, de décembre 2020.

* 193 Cf. l'article 85 de la loi de finances pour 2021.

* 194 Cf. l'article 85 de la loi de finances pour 2021.

* 195 Source : CCR(2022), « Les Catastrophes Naturelles en France- Bilan 1982-2021 » page 25.

* 196 Source : CCR(2022), « Les Catastrophes Naturelles en France- Bilan 1982-2021 » page 25.

* 197 Cette lenteur a été reconnue dans le cadre de l'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols qui a élargi la notion de sécheresse. Elle ouvre le bénéfice du régime CAT-NAT aux communes subissant plusieurs années de suite des épisodes significatifs de sécheresse qui n'auraient individuellement pas permis de déclarer un état de catastrophe naturelle.

* 198 « Le péril sécheresse concerne le phénomène de subsidence, c'est-à-dire l'effet de dommages causés à des bâtiments (maisons individuelles quasi exclusivement) par un effet de retrait puis gonflement des sous-sols lié au départ à une insuffisance de précipitations couplée à des températures élevées. » Définition de France assureurs.

* 199 Source : CCR (2022), « Les Catastrophes Naturelles en France- Bilan 1982-2021 » page 27.

* 200 Ce coût est composé du montants d'indemnisations dus aux victimes ou aux assurés, majorés des coûts externes liés au traitement des dossiers (avocats, experts etc.).

* 201 Étude de France Assureurs intitulée « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 » de 2021.

* 202 Ne sont pris en compte que les conséquences liées à des inondations issues des cours d'eau, à l'exclusion de celles issues de la mer.

* 203 Étude de France Assureurs intitulée « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 » de 2021, page 20.

* 204 Étude de France Assureurs intitulée « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 » de 2021, page 16.

* 205 Cf. étude précitée page 37.

* 206 Le coût est non compensatoire lorsque l'usager « environnement » subit un coût environnemental n'entraînant pas de transactions financières. Leur évaluation repose sur la base de la moyenne annuelle des coûts des deux Programmes de Mesures 2016-2021 et 2022-2027 ayant pour objectif d'atteindre le bon état des masses d'eau. Les coûts environnementaux compensatoires consistent, quant à eux, en des coûts curatifs pour maintenir l'usage de la ressource (tels que le traitement complémentaire de l'eau potable afin d'éliminer les pesticides), préventifs pour financer les actions de protection (tels que les aides aux changements de pratiques agricoles), palliatifs pour faire évoluer les usages (tels que les changements de captage) ou encore administratifs pour accompagner une activité (tels que le Plan Chlordécone). Source : Étude de l'UIE précitée sur le Patrimoine eau potable, assainissement collectif, eaux pluviales en France.

* 207 Les directions concernées sont la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), des DREAL et des directions départementales des territoires (DDT).

* 208 Météo-France a développé avec l'INRAE le système ISOP qui fournit depuis 2020 des informations sur le rendement fourrager observé sur la métropole au MASA. Un bulletin spécifique est actualisé tous les mois, voire toutes les décades en période de crise. Il est publié à l'attention des acteurs du monde agricole sur le site AGRESTE du MASA.

* 209 « Ainsi, les bureaux d'études et tous les acteurs de l'adaptation auront progressivement à disposition des volumes de données très importants sur les futurs de l'eau. Si elles s'adressent pour l'instant à des services techniques, ces données sur le futur de l'eau sont appelées à devenir largement accessibles à tout un ensemble d'acteurs. Il s'agit là d'un changement de paradigme en matière de distribution de ces données. » Source : Audition de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.

* 210 Les derniers chiffres disponibles sur le portail de l'assainissement indiquent qu'ils seraient passés de 15 720 en 2001 à 15 750 en 2004.

* 211 Aujollet,Y., Helary J-L., Roche P-A., Velluet, R., Lenouveau, N. (2017), Rapport n° 010159-01 du CGEDD intitulé « Gestion des eaux pluviales :Dix ans pour relever le défi » (Avril 2017).

* 212 Source : réponse du BRGM au questionnaire de la mission.

* 213 Source : Réponse au questionnaire de CEREMA sur son bilan établi pour le compte de la DGCL, la DGPR et la DEB en décembre 2021, sur les données relatives à la GEMAPI renseignée dans BANATIC.

* 214 Source : réponses du CEREMA au questionnaire de la mission.

* 215 Outre les informations du système ISOP, Météo-France propose également différents services à l'agriculture pour l'aide à l'irrigation ou d'autres pratiques agricoles sensibles aux échéances de la prévision météo. Elle fournit également des services sur la gestion de la ressource en eau à l'échelle saisonnière et contribue au développement de la plateforme Aqui_FR. Elle met à disposition des données et indicateurs d'intérêt pour l'agriculture (via les portails DRIAS et DIRIAS_Eau).

* 216 « Météo-France n'est pas dans le circuit de décision du monde agricole, lequel bénéficie d'un réseau de conseil stable, qui repose notamment sur l'expertise des chambres agricoles.[...] Pour ce qui est de la filière agricole, ce que l'on peut souhaiter en tous les cas, c'est davantage de coordination, afin que l'on soit capable de fournir des réponses collégiales et que ce secteur puisse se projeter vers l'avenir. »

Source : Audition de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.

* 217 Source : Audition de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.

* 218 Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur.

* 219 Source : Étude Datalab intitulée « Eau et milieux aquatiques - Les chiffres clés 2020 » de l'OFB - Service Données et études statistiques - SDES MTES (décembre 2020). L'échantillon d'étude représente 35 % des services (5 439) et couvre 58 % de la population pour l'assainissement collectif, et 48 % des services (6 068) et 56 % de la population pour l'alimentation en eau potable (AEP) sur la France entière.

* 220 « En revanche, plus de 77 % des services d'eau potable sont dans l'excellence du point de vue de la gestion patrimoniale (indice compris entre 80 et 120 points) : ils représentent près de 95 % des usagers et du linéaire de réseau. » Source : Étude Datalab.

* 221 Source : Audition de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.

* 222 Certains usages sont d'ores et déjà autorisés.

* 223 Livre second, CXLIX : « Les eaux du lac Moeris ne viennent pas de source ; le terrain qu'il occupe est extrêmement sec et aride : il les tire du Nil par un canal de communication. Pendant six mois elles coulent du Nil dans le lac ; et pendant les six autres mois, du lac dans le fleuve. »

* 224 https://whc.unesco.org/fr/list/1001

* 225 FAO. 2021. The state of the world's land and water resources for food and agriculture - Systems at breaking point. Synthesis report 2021. Rome. https://doi.org/10.4060/cb7654en

* 226 Dans ses contributions écrites, l'INRAE précise que l'irrigation a régressé entre 2000 et 2010, après avoir triplé entre 1970 et 2000.

* 227 Agreste - Recensement agricole 2020.

* 228 Doorenbos, J. et Pruitt, W.O. 1977. Les besoins en eau des cultures. Bulletin FAO d'irrigation et de drainage No. 24. FAO, Rome.

* 229 https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/usages/consoAgri.html

* 230 https://www.brl.fr/phototheque/photos/memento/memento_2019_web.pdf

* 231 Contribution écrite d'ACTA.

* 232 C. Serra-Wittling, B. Molle, Évaluation des économies d'eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d'irrigation, 2017 ; Essais d'Arvalis dans l'unité expérimentale du Magneraud en 2014, 2015, 2016 et à Pusignan en 2016 et 2017.

* 233 Article L. 213-10 al 1 : « En application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'agence de l'eau établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour atteintes aux ressources en eau, au milieu marin et à la biodiversité, en particulier des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvement sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacle sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique. »

* 234 Afin d'encourager la mise en oeuvre des OUGC, la règlementation prévoit un abattement de la redevance qui permet aux irrigants dont les OUGC sont principalement en ZRE de bénéficier d'un tarif réduit équivalent à celui hors ZRE.

* 235 Nomenclature des IOTA, cf. supra.

* 236 Ce décret a fait l'objet de fortes réserves de la part de certains acteurs de la politique de l'eau en ce qu'il semble acter le principe de construction de nouveaux ouvrages de stockage d'eau, en dehors de la logique de substitution, alors même que la notion de volumes prélevables en période de hautes eaux parait particulièrement délicate à mettre en oeuvre.

* 237 Plus précisément, l'article R. 211-21-2 indique que l'évaluation des volumes prélevables est réalisée par périmètres cohérents constituant tout ou partie d'un bassin hydrographique ou d'une masse d'eau souterraine sur une période de basses eaux fixée localement.

* 238 Article R. 214-31-1 du code de l'environnement.

* 239 Article D. 181-15-1 du code de l'environnement.

* 240 Article R. 214-31-2 du code de l'environnement.

* 241 Article R. 214-31-3 du code de l'environnement.

* 242 Bilan du dispositif des organismes uniques de gestion collective (OUGC) des prélèvements d'eau pour l'irrigation, août 2020.

* 243 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Guide_secheresse.pdf

* 244 Avec pour corollaire obligatoire la réduction de 50% des prélèvements.

* 245 Ainsi, il a été décidé dans le Sud-Vendée que les réserves de substitution feraient l'objet des mêmes restrictions que celles s'appliquant aux prélèvements dans le milieu, dans une logique d'équité entre les agriculteurs, ce qui peut paraitre paradoxal au regard de l'objet même d'une réserve de substitution.

* 246 Sears L., Caparelli J., Lee C., Pan D., Strandberg G., Vuu L., Lin Lawell C.-Y.C., 2018. Jevons'paradox and efficient irrigation technology, Sustainability, 10, 1-12.

* 247 Belaud G., Mateos L., Aliod R., Buisson M., Faci E., Gendre S., Ghinassi G., Gonzales Perea R., Lejars C., Maruejols F., Zapata N., 2020. Irrigation and energy: issues and challenges. Irrigation and Drainage, 69, 177-185.

* 248 Voir infra.

* 249 https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf

* 250 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2012_03%20guide%20juridique_construction%20retenues.pdf.

* 251  https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/2019-04/impact-cumule-des-retenues-d-eau-sur-le-milieu-aquatique-afb-2017-027.pdf.

* 252 Yang et al., RSE, 2020 ; Terasmaa et al., Heliyon, 2019.

* 253 L'article R. 214-1 du code de l'environnement précise la nomenclature évoquée à l'article L. 214-2, dans un tableau qui lui est annexé. Ce tableau se divise en plusieurs titres, prélèvements, rejets, impacts sur le milieu aquatique ou sur la sécurité publique et impact sur le milieu marin. Chaque titre est lui-même divisé en différentes rubriques.

* 254 Le ministère de la transition écologique indique, dans sa contribution écrite, que l'insuffisance des études d'impact est souvent un motif d'annulation des autorisations de retenues ou de prélèvements.

* 255 Article L. 214-3 du code de l'environnement.

* 256 Notamment leurs modes d'alimentation et leurs finalités, multi-usages pour les plus importants, mono-usage pour la plupart.

* 257 La logique de la substitution est de diminuer les prélèvements en été et donc de venir prévenir ou retarder les restrictions estivales de prélèvement d'eau. Ainsi, outre les irrigants directement connectés, qui sécurisent leur accès à l'eau en été, les irrigants non connectés bénéficieront de la remontée du niveau des nappes et donc sécuriseront aussi, dans une mesure moindre, leurs prélèvements estivaux. Le président de la Coop de l'eau, qui porte le projet de réserves en Sèvre Niortaise, ne sera lui-même pas connecté à une réserve.

* 258 Dans ses contributions écrites, l'INRAE précise que l'irrigation a régressée entre 2000 et 2010, après avoir triplé entre 1970 et 2000.

* 259 Martinez Alvarez et al (2008).

* 260 En 2015, 69,1 % des masses d'eau souterraines et 62,9 % des masses d'eau de surface sont en bon état chimique, en nette augmentation depuis 2009. 89,8 % des masses d'eau souterraines sont en bon état quantitatif, un chiffre stable par rapport à 2009. Enfin, 44,2 % des eaux de surface sont en bon ou très bon état écologique, et 39,4 % dans un état moyen, là aussi en augmentation. Source : Ministère de la transition écologique, Eau et milieux aquatiques, les chiffres clés, décembre 2022.

* 261 Annexe n°1 au Contrat Territorial de Gestion Quantitative Sèvre Niortaise - Mignon.

* 262 Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, « Les irrigants représentent le quart des agriculteurs du bassin Sèvre-Mignon ».

* 263 Pour mémoire, le volume de prélèvement printemps-été délivré à l'OUGC pour 2016 s'établissait à environ 15 Mm3.

* 264 Construction entre septembre 2021 et mars 2022 et entrée en service en avril 2022.

* 265 La Coop de l'eau indique que, vraisemblablement, les objectifs relatifs aux haies seront même dépassés.

* 266 La réserve profitera à 26 exploitations (incluant 10 élevages) dont 12 raccordées, pour un total de 47 agriculteurs. Parmi les 12 exploitations raccordées, quatre sont en reprise.

* 267 Incluant les volumes prélevés à l'étiage, les volumes prélevés en hiver pour l'alimentation des réserves et les volumes prélevés pour l'alimentation des réserves préexistantes au projet.

* 268 Chiffres fournis par la DDT.

* 269 Un premier rapport date de 2013, destiné à éclairer la Coopérative de l'eau sur le montage de son projet, et un deuxième a été produit en 2015 visant à venir en appui du dossier d'autorisation loi sur l'eau.

* 270 Parallèlement à cette procédure, les ouvrages ont donné lieu à la délivrance de permis d'aménager, délivrés tantôt au nom de l'État, tantôt au nom des communes ayant vocation à les accueillir. Certains ouvrages ont fait l'objet de refus d'autorisations d'urbanisme mais, selon les informations disponibles, le pétitionnaire n'a pas souhaité contester les décisions de refus ici concernées.

* 271 Un jugement avant dire droit est un jugement qui relève des manquements au droit mais permet de les régulariser en amendant la décision administrative concernée.

* 272 Le TA a jugé le volume de neuf réserves excessif, ce dernier a ainsi été réduit de 1,29 million de m3.

* 273 Évaluation des actions pour le retour à une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau sur le Marais poitevin, bassins Lay, Vendée et Autizes Rapport d'observation 15 avril 2021.

* 274 L'étude précise : « La mesure de MAE désirrigation a été abandonnée dès 2014, en raison de la non-conformité de cette action dans le cadre législatif. De plus, étant donné l'effort d'investissement lié à l'irrigation, nombreux sont les irrigants réticents à cette mesure. »

* 275 Le reste du volume étant destiné au culot et à la gestion interannuelle de la retenue.

* 276 La mission d'inspection interministérielle note dans son rapport qu'à ce moment, on assiste au « retrait du SDCI de la réalisation de ce projet, sur le plan technique et administratif, compte tenu de son souhait de ne pas s'engager sur la voie de l'illégalité, avec donc une réelle divergence de position avec la Chambre d'agriculture ».

* 277 Articles L.212-1 à L. 212-2-3 du code de l'environnement.

* 278 Articles L. 212-3 à L. 212-11 du code de l'environnement.

* 279 https://www.economie.gouv.fr/enavoirpourmesimpots

* 280 Qui n'a cependant, à la différence du SAGE, pas de valeur règlementaire.

* 281 Le double avantage de la substitution étant, pour l'irrigant connecté, la sécurisation de l'eau, et pour l'irrigant non connecté, la baisse globale de la pression sur la ressource, retardant la prise de mesures de restriction.

* 282 Duflot R., San-Cristobal M., Andrieu E., Choisis J-P., Esquerré D., Ladet S., Ouin A., Rivers-Moore J., Sheeren D., Sirami C., Fauvel M. & Vialatte A. 2022. Farming intensity indirectly reduces crop yield through negative effects on agrobiodiversity and key ecological functions. Agriculture, Ecosystems and Environment, 326:107810,  https://doi.org/10.1016/j.agee.2021.107810

* 283 Note d'analyse n°94, aout 2020.

* 284 Il est à noter que France stratégie donne la définition suivante de l'agroécologie pour son analyse : « L'agroécologie regroupe toutes les pratiques agricoles fondées sur une utilisation optimale des ressources naturelles pour réduire au minimum le recours aux intrants de synthèse -- engrais chimiques et produits phytosanitaires -- et accroître la résilience et l'autonomie des exploitations. De nombreux référentiels publics ou privés se rattachent à ces pratiques ou s'en réclament : agriculture biologique (AB), mesures agro-environnementales et climatiques systèmes (MAEC), haute valeur environnementale (HVE), fermes Dephy, etc ».

* 285  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-prelevements-deau-douce-principaux-usages-en-2020-et-evolution-depuis-25-ans-en-france

* 286 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

* 287 http://propluvia.developpement-durable.gouv.fr/propluvia/faces/index.jsp

* 288 Au premier rang desquelles figurent la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui oblige chaque commune à adhérer à un EPCI avant le 1er juillet 2013, la loi du 28 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM », la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral délimitation des régions et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».

* 289 Île-de-Bréhat, Île-de-Sein, Ouessant, L'Île-d'Yeu.

* 290  https://www.collectivites-locales.gouv.fr/institutions/bilans-statistiques-sur-lintercommunalite

* 291 « Laisser respirer les territoires », rapport d'information n° 485 (2016-2017) de Mathieu Darnaud, René Vandierendonck, Pierre-Yves Collombat et Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois, déposé le 29 mars 2017.

* 292 Ainsi par exemple de la proposition de loi de Jean-Yves ROUX visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement », adopté par le Sénat le 16 mars 2023.

* 293  https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150169.asp#P468114

* 294  https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/l-eau-et-son-droit

* 295 Donnée MTECT extraite du plan d'action « Gestion durable des eaux pluviales » de novembre 2021.

* 296  https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-31875QE.htm

* 297  https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0008967/010159-01_rapport-publie_tome1_synthese_diagnostic-propositions.pdf;jsessionid=8AC4511075E4AFE4AB8E13F0CBF51361

* 298 Défini à l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales comme un zonage « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement ».

* 299  https://www.vie-publique.fr/rapport/267867-police-de-leau-et-de-la-nature-dans-les-services-deconcentres

* 300  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/gestion_conflits_usage_penurie_eau_rap-info

* 301  https://www.vie-publique.fr/rapport/289162-politique-de-l-eau-et-de-la-peche-en-eau-douce-cgedd

* 302  https://bassinversant.org/livre-bleu/

* 303  https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63651

* 304  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/dctd/missions-de-la-delegation/gestion_eau

* 305  https://amorce.asso.fr/publications/quelle-place-de-l-eau-dans-les-outils-de-planification-climat-et-energie-sraddet-et-pcaet-eap03

* 306  https://data.eaufrance.fr/

* 307  https://www.eaufrance.fr/

* 308 Au niveau mondial, le terme anglais « reuse » est utilisé de manière usuelle.

* 309  https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/reutilisation-eaux-usees-traitees-panorama-francais

* 310 Voir le cas de l'irrigation de vignes près de Narbonne : https://www.pleinchamp.com/actualite/les-eaux-usees-traitees-un-peu-plus-qu-une-goutte-d-eau-pour-irriguer

* 311  https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022753522

* 312  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045331735

* 313  https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2020SA0125.pdf

* 314  https://www.anses.fr/fr/content/r%C3%A9utilisation-des-eaux-us%C3%A9es-trait%C3%A9es-lanses-compl%C3%A8te-ses-pr%C3%A9c%C3%A9dents-travaux

* 315 Source : étude de l'IFRI de septembre 2022 : https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/eyl-mazzega_cassignol_geopolitique_dessalement_eau_mer_2022.pdf

* 316 Article paru dans la revue « Science of the Total Environment » : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969718349167

* 317 Source : Comité français des barrages et réservoirs : https://www.barrages-cfbr.eu/

* 318 https://www.ecologie.gouv.fr/hydroelectricite

* 319 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-renouvellement-des-concessions-hydroelectriques

* 320 Article L. 2224-7-1 du code de l'environnement.

* 321  https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20230227/mi_eau.html

* 322 Le mécanisme du plafond mordant résulte de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Il a été instauré pour les agences de l'eau depuis la loi de finances pour 2018.

* 323  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/CRCANR5L16S2023PO419865N062.html

* 324 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038260931/

* 325  https://agriculture.gouv.fr/conditions-de-mobilisation-des-retenues-hydroelectriques-pour-le-soutien-detiage-dans-le-bassin

* 326 https://www.vie-publique.fr/rapport/37520-lavenir-des-operateurs-de-leau-et-de-la-diversite

* 327  https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CEV-Redevances%20Agences%20et%20Biodiversit%C3%A9.pdf

* 328  https://www.vie-publique.fr/rapport/287780-le-financement-de-la-strategie-nationale-pour-la-biodiversite-snb-2030

* 329 Pour en savoir plus, se reporter au 2 b) du A de la IIIe partie du présent rapport.

* 330 Source : Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

* 331 Source : rapport IGF-CGEDD de 2018 sur l'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité précité.

* 332 Source : Agences de l'eau, annexe au projet de loi de finances 2023 (jaunes budgétaire) : https://www.budget.gouv.fr/index.php/documentation/file-download/19026

* 333 https://www.eca.europa.eu/fr/publications?did=58811

* 334 https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0007801

* 335 https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-217-notice.html

* 336  https://pse-environnement.developpement-durable.gouv.fr/

* 337  https://agriculture.gouv.fr/pac-2023-2027-proposition-de-psn-de-la-france-transmise-la-commission-europeenne