N° 876

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les fonds de garantie
de
Bpifrance,

Par M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 12 juillet 2023, le rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », à la suite de leur contrôle sur les fonds de garantie gérés par Bpifrance.

I. LES FONDS DE GARANTIE GÉRÉS PAR BPIFRANCE, UN OUTIL EFFICACE AU SERVICE DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Bpifrance, créé par la loi en 2012 à partir de la fusion de plusieurs structures préexistantes, est un groupe bancaire public, dont les deux principaux actionnaires sont l'État et la Caisse des dépôts et consignations1(*), qui apporte des financements ou favorise l'apport de financements aux entreprises, et principalement aux TPE et PME, dans leurs phases de vie les plus risquées. Son activité regroupe six métiers : le financement, le soutien à l'innovation, l'investissement, le développement international, l'accompagnement et la garantie. C'est ce dernier métier qui concerne les présents travaux, qui ne couvrent pas le champ des prêts garantis par l'État (PGE)2(*).

A. LES FONDS DE GARANTIE VISENT À COUVRIR L'OCTROI DE GARANTIES SUR DES PRÊTS AUX ENTREPRISES, PRINCIPALEMENT LES TPE ET PME

Deux types de prêts aux entreprises peuvent être couverts par les garanties de Bpifrance.

a) Les garanties sur les prêts bancaires « classiques »

Peuvent tout d'abord être couverts les prêts bancaires « classiques », lorsqu'ils concernent des TPE ou PME. Cela correspond à l'activité de garantie « historique » de Bpifrance et de ses prédécesseurs. Les prêts bancaires en question peuvent être de plus ou moins long termes (en général de 2 à 15 ans). La diversité des garanties proposées est forte : garanties « création », « transmission », « développement », « international », « innovation », etc.

La garantie octroyée par Bpifrance concerne l'établissement financier, pas l'entreprise. Sa mise en jeu intervient lorsque l'entreprise n'est pas en mesure de rembourser son prêt. Dans ce cas, la compensation financière de la perte finale de la banque est seulement partielle. Pour inciter la banque à continuer à bien estimer le risque du prêt, la garantie s'applique en effet à une partie seulement du prêt, appelée « quotité », qui varie en fonction des fonds, entre 40 % et 70 %.

La demande d'octroi de garantie relève de la décision de la banque qui envisage d'octroyer un prêt et qui souhaite bénéficier de la garantie de Bpifrance. Concrètement, la banque arbitre entre le coût de la garantie, à savoir la prime de garantie versée à Bpifrance, et ses avantages, c'est-à-dire la couverture d'une partie du risque de perte. Les garanties visent au final à favoriser les prêts aux entreprises qui se trouvent « au bord du financement » : leurs demandes de prêts sont risquées (ou leur risque est difficilement quantifiable) mais raisonnables.

La procédure applicable d'octroi de la garantie de Bpifrance dépend du montant du prêt. Lorsque le prêt est inférieur à 200 000 euros, c'est la banque qui vérifie le respect des conditions d'éligibilité de la garantie et décide de son octroi (procédure dite de « délégation »). Au-dessus de ce seuil, c'est Bpifrance qui assure l'instruction de la demande d'octroi de la garantie (procédure dite de « notification »). Alors que le relèvement de ce seuil en 2015 avait conduit à des résultats positifs (hausse du nombre de prêts garantis sans détérioration de la qualité des prêts), les auditions ont été l'occasion de constater l'intérêt de le relever de nouveau, de façon modérée.

b) Les garanties sur les prêts dits « sans garantie » (PSG) directement octroyés par Bpifrance

Bpifrance exerce également une activité, en développement, de garantie sur les concours improprement intitulés « prêts sans garantie » (PSG), qui sont en réalité des prêts octroyés sans sureté prise sur l'entreprise ou son dirigeant. Les PSG, directement octroyés par Bpifrance, visent à répondre aux besoins de financement des entreprises n'offrant pas ou peu de collatéral pouvant servir de sûreté, rendant difficile l'accès à un crédit bancaire classique. Sont principalement concernés les investissements relatifs à des dépenses immatérielles (frais de formation, recrutement, travaux de rénovation, etc.) et à des dépenses matérielles à faible valeur de gage (équipements par exemple).

Si l'octroi des PSG relève de l'activité de financement direct des entreprises par Bpifrance (qui n'est pas l'objet du présent contrôle), Bpifrance déploie également une activité de garantie sur la délivrance des PSG. En effet, les PSG sont couverts par des fonds de garantie opérés par Bpifrance (garant), qui visent à couvrir le risque pris par Bpifrance (prêteur), avec une quotité d'environ 80 %. Sont concernés les PSG aux TPE et PME, mais également aux ETI.

c) Les fonds de garantie assoient financièrement l'octroi des différentes garanties de Bpifrance

Les fonds de garantie constituent des unités comptables cloisonnées dotées de dépôts ayant vocation à couvrir les risques générés par l'activité d'octroi de garanties par Bpifrance. Ces fonds, divisés en compartiments, correspondent aux différentes garanties offertes par Bpifrance ; le fonds « création » correspond ainsi par exemple à la garantie « création ».

Les fonds de garantie gérés par Bpifrance peuvent être divisés en quatre groupes : 40 fonds de garantie « de place », qui couvrent les prêts bancaires classiques aux entreprises ; 40 fonds de garantie « internes », qui viennent couvrir Bpifrance dans son activité d'octroi des PSG ; environ 25 fonds de garantie « régionaux », financés principalement par les régions, qui couvrent des prêts bancaires et des PSG ; enfin, une dizaine de fonds de garantie financés soit par l'Union européenne ou le fonds européen d'investissement soit par des acteurs privés, notamment l'UIMM3(*).

Chaque fonds de garantie se distingue par des règles d'éligibilité spécifiques qui correspondent à celles fixées pour la garantie correspondante : âge minimal des entreprises financées, objet et durée des financements, coût de la prime de garantie, quotité garantie, etc.

B. DOTÉS DE FINANCEMENTS ESSENTIELLEMENT PUBLICS, LES FONDS DE GARANTIE PRODUISENT UN EFFET DE LEVIER SUR LES FINANCEMENTS OCTROYÉS AUX ENTREPRISES

a) Bpifrance assure la gestion des fonds de garantie, dotés par différents acteurs, en particulier l'État

Les fonds de garantie sont dotés par différents bailleurs, qui ont voulu contribuer au fonctionnement d'une ou plusieurs garanties : l'État (ses dotations correspondaient à environ 90 % des engagements en 2021), la Caisse des dépôts et consignations (5 % des engagements en 2021), les collectivités territoriales (en particulier les régions, 4 % des engagements en 2021) ou des organismes européens et privés.

Les sommes déposées sur les fonds de garantie n'appartiennent pas à Bpifrance mais aux dotateurs. Chaque fonds de garantie fait ainsi l'objet d'une convention constitutive encadrant sa gouvernance et instaurant si nécessaire un comité de pilotage dédié.

Sur un exercice annuel, le solde de chaque fonds de garantie dépend en fin d'année de la dotation annuelle qui lui a été attribuée et de son résultat sur l'année en question. Ce dernier résultat annuel dépend quant à lui du rapport entre les recettes (primes de garantie versées par les banques et placement financier des sommes immobilisées sur les fonds de garantie) et les dépenses (remboursement de la perte finale des banques prêteuses ou de Bpifrance - prêteur au titre des PSG - sur les prêts qui ne sont pas remboursés par les entreprises).

La grande majorité des fonds de garantie opérés par Bpifrance est gérée en « compte propre » sur le bilan de Bpifrance, c'est-à-dire que le risque final de perte est porté par ses fonds propres. Un mécanisme de pyramide d'absorption des risques est néanmoins prévu via le bilan et le compte de résultat de chacun des fonds de garantie puis, si cela ne suffit pas, par le fonds de mutualisation (qui appartient à l'État) et le fonds de réserve (qui appartient à l'EPIC Bpifrance) : dans les faits, le risque de perte pour Bpifrance est faible.

Le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance est, en cumulé, structurellement déficitaire, ce qui s'explique par le fait qu'alors que les prêts « sûrs » sont octroyés par les banques sans la garantie de Bpifrance, l'offre de garanties a vocation à inciter la banque à octroyer des prêts plus risqués, qu'elle n'aurait pas conclus si la garantie n'était pas venue réduire son risque. Or de tels prêts connaissent par nature une sinistralité plus élevée, tandis que la prime de garantie ne peut pas être fixée à un niveau trop élevé (à défaut, la garantie serait peu sollicitée et les prêts correspondants pas accordés).

Le système mis en place constitue donc de fait une politique publique de soutien indirect au financement des entreprises, même s'il n'est pas entièrement assumé comme tel. Son coût est représenté par les dotations fréquentes de l'État et d'autres acteurs. Au total, les fonds de garantie nationaux représentent des sommes déposées d'un montant de 5,02 milliards d'euros au 31 décembre 2022 (dont environ 90 % appartiennent à l'État).

b) La spécificité et l'efficacité du système des fonds de garantie reposent sur son effet de levier

La grande majorité des prêts bénéficiant d'une garantie étant remboursés, il est possible d'octroyer un montant cumulé de garanties bien supérieur au montant immobilisé dans les fonds de garantie correspondants. Cet effet de levier se matérialise par l'application d'un coefficient multiplicateur spécifique à chaque fonds. Ce coefficient correspond au montant cumulé de l'exposition en garanties pouvant être octroyé pour un euro de dotation déposé sur le fonds de garantie, qui a vocation à être dépensé.

L'effet de levier est accentué par le fait que la garantie ne portant que sur une partie du prêt (la quotité), le prêt effectivement octroyé par la banque commerciale (ou Bpifrance pour les PSG) est d'un montant lui-même supérieur au montant de la garantie.

Illustration de l'effet de levier induit par le coefficient multiplicateur
(applicable à un fonds de garantie) sur les prêts bancaires
effectivement octroyés aux entreprises

En 2023, l'effet de levier (coefficient multiplicateur) moyen des financements de l'État mobilisés sur les fonds de garantie opérés par Bpifrance sur le montant cumulé des garanties de Bpifrance s'établit à 14,7 (26,4 pour les fonds de garantie de place, 8,8 pour les fonds associés à un PSG). L'effet d'entraînement sur le montant total des prêts octroyés par les partenaires bancaires dans le cadre de cette garantie étant d'environ 2 (quotité de garantie en moyenne de 50 %), l'effet de levier complet est estimé à 30.

La détermination et la révision annuelles des coefficients multiplicateurs de chaque fonds peuvent constituer soit une opération purement technique soit relever d'un changement dans les orientations mises en oeuvre, via les différentes garanties, en faveur du financement des entreprises et conduire à des redéploiements potentiellement importants d'argent public. Le Parlement n'en est aujourd'hui pourtant pas pleinement informé et doit l'être à l'avenir.

C. LE DISPOSITIF DES FONDS DE GARANTIE EST EFFICACE AU REGARD DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES QU'IL ENGENDRE

Les travaux empiriques d'évaluation des retombées économiques des fonds de garantie menés par différents économistes montrent que les systèmes de garantie examinés présentent d'importants avantages, sans que des effets négatifs notables n'apparaissent. Une étude portant sur les fonds « création » et « développement »4(*) estime que le montant de dotation nécessaire pour créer un emploi par le biais de ces garanties est compris entre 2 800 euros et 3 500 euros, un montant relativement faible ne prenant en outre pas en compte les bénéfices indirects (moindres dépenses de chômage, hausse des rentrées fiscales et des cotisations sociales). Les auditions organisées ont été l'occasion de constater que de nouvelles évaluations de l'efficience des fonds de garantie pourraient opportunément être produites.

Au total, en 2022, les fonds de garantie nationaux (fonds de place et fonds associés à un PSG), ont permis la couverture de 6,37 milliards d'euros d'engagements de garantie. Près de 100 000 prêts ont été garantis, en hausse de 45 % par rapport à 2021.

Pour ce qui concerne les fonds nationaux de garantie de place (prêts bancaires), les engagements de garantie pris en 2022 se sont établis à 4,1 milliards d'euros ; les crédits bancaires associés représentent quant à eux environ 8 milliards d'euros en 2022, au profit de 62 339 entreprises. En 2022, les prêts bancaires garantis par Bpifrance représentent ainsi environ 2 % du total des prêts accordés aux entreprises en France, cette proportion atteignant 4 % pour les prêts inférieurs à 1 million d'euros.

Pour ce qui concerne les fonds nationaux de garantie associés à un PSG, les engagements de garantie pris en 2022 se seraient établis à 2,26 milliards d'euros en 2022. Les crédits de Bpifrance (prêteur) associés à ces engagements de garantie représentent quant à eux environ 4,96 milliards d'euros, en hausse de 9 %.

Les garanties de Bpifrance octroyées connaissent une répartition géographique couvrant l'ensemble du territoire. La répartition par secteur économique des montants garantis via les fonds nationaux de place, très stable depuis au moins une dizaine d'années, témoigne du fait que l'ensemble du tissu économique entrepreneurial bénéficie du dispositif : l'industrie (20,7 %), la construction (6,9 %), le commerce et les transports (24,4 %), les services aux entreprises (13,4 %) les services à la personne (21,1 %) et le tourisme (13,5 %).

Enfin, ce sont les TPE qui sont les plus concernées par les prêts garantis via les fonds nationaux de garantie de place. Elles représentent, en 2022, 87 % des bénéficiaires et 60 % du montant des garanties, contre respectivement 13 % et 40 % pour les PME.

Le stock d'engagements en garantie d'actifs associés aux fonds de garantie nationaux gérés par Bpifrance, qu'ils soient « de place » ou associés à un PSG, représente un montant cumulé de 21,9 milliards d'euros au 31 décembre 2022, contre environ 12 milliards d'euros en 2012. Cette forte hausse est principalement imputable aux fonds de garantie internes (associés aux PSG), l'encours moyen des fonds de garantie de place étant resté relativement stable.

II. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE DOIT ÊTRE RENDU PLUS LISIBLE ET DEMEURER UNE PRIORITÉ

A. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE DOIT ÊTRE RAPIDEMENT RENDU PLUS LISIBLE ET ÊTRE ENTIÈREMENT BUDGÉTISÉ

En principe, le fonctionnement de l'abondement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance repose sur l'affectation d'une dotation budgétaire annuelle, traditionnellement portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». Néanmoins, le financement par l'État des fonds de garantie s'effectue aujourd'hui par plusieurs biais.

En premier lieu, s'est ajouté au programme 134 un ensemble de financements plus ou moins réguliers intégrés à ce que la terminologie de Bpifrance classe dans le « périmètre Trésor », à savoir les crédits que la direction générale du Trésor loge dans les fonds de garantie :

- les dotations budgétaires issues du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » et, plus récemment, du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ;

- les « résidus futurs probables », qui correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle, en cours d'exercice, supérieure aux besoins en raison d'une sinistralité constatée des prêts garantis plus faible qu'anticipée (lors de la détermination du coefficient multiplicateur), sur un fonds spécifique, voire l'ensemble des fonds, en cumulé. Ces dernières années, dans un contexte de sinistralité plus faible qu'anticipé et d'un mode de détermination prudent des coefficients multiplicateurs, le flux de création de résidus annuels a fortement augmenté. Le stock de résidus a d'ailleurs atteint 1,07 milliard d'euros en juin 2021 (contre 138 millions en 2016). Or, l'accumulation de résidus a contribué à déséquilibrer le financement des fonds de garantie par l'État en conduisant à les mobiliser pour financer le fonctionnement des fonds l'année suivante, en substitution des dotations budgétaires ;

- des « subterfuges financiers », en particulier les abandons d'avances de la part d'actionnaires (l'État ou la Caisse des dépôts et consignations en particulier), les transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance vers les fonds de garantie ou encore les recyclages de dividendes versés à l'EPIC et redirigés vers les fonds.

En second lieu, si les ressources évoquées supra, correspondant au « périmètre Trésor » regroupent l'essentiel des montants affectés par l'État aux fonds de garantie, l'État procède également à des affectations de ressources par d'autres biais pour ce qui concerne les garanties spécifiquement en lien avec des programmes budgétaires.

Lors de l'exécution 2022, selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, ont été consommés sur le « périmètre Trésor » 68 millions d'euros sur le programme 363 « Compétitivité », 3 millions d'euros au titre des produits financiers, et 372 millions d'euros au titre des résidus futurs probables. Aucun crédit n'a été consommé sur le programme 134.

Au total, la lisibilité des flux financiers versés par l'État aux fonds de garantie gérés par Bpifrance est particulièrement réduite. La création par la loi de finances pour 2022 d'un nouveau jaune budgétaire annuel intitulé « Rapport relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance », a amélioré l'information disponible, notamment pour le Parlement. Néanmoins, cette présentation comporte de nombreuses limites et doit être améliorée.

En outre, il est nécessaire d'assurer la budgétisation du financement des fonds de garantie par l'État, notamment pour donner sa pleine mesure au rôle du Parlement. Plus précisément, ce financement devrait s'effectuer essentiellement par le biais du programme 134. Ce dernier constitue le vecteur traditionnel et idoine du soutien au financement des entreprises. Les évolutions récentes des modalités de détermination des coefficients multiplicateurs, associées à une hausse de la sinistralité des prêts, devraient conduire à une réduction du flux de résidus annuels propice à la mise en place d'un système plus vertueux des fonds de garantie via le programme 134, qui doit intervenir dès 2024.

B. L'ACTIVITÉ DE GARANTIE DOIT DEMEURER UNE PRIORITÉ DANS LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DE BPIFRANCE

En moyenne, depuis 2017, les crédits affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance via le « périmètre Trésor », représentent environ 350 millions d'euros par an ; la tendance est à la hausse (443 millions d'euros en 2023). Au sein de ces crédits, la part de l'activité de garantie des prêts bancaires (fonds de place) a baissé de 61 % en 2017 à 48 % en 2022, en particulier sous l'effet de la hausse de la part consacrée à l'activité de garantie associée à un PSG de Bpifrance, qui est passée de 27 % à 44 %. Cette dernière hausse est la conséquence mécanique, sur l'activité de garantie, de la mobilisation toujours plus forte des PSG par Bpifrance pour financer directement les entreprises (activité de financement de Bpifrance).

Si le développement des PSG, et donc de l'activité de garantie des fonds associés aux PSG, constitue une réponse utile aux enjeux de financement des entreprises, a fortiori en période de crise, il convient de souligner que l'effet de levier d'un euro de dotation publique est bien plus fort pour l'activité de garantie des prêts bancaires « classiques ». Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux estiment qu'il convient de ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 (ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) : présenter annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, les principales évolutions des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie gérés par Bpifrance intervenues lors du dernier exercice clos et de l'année en cours et celles qui sont prévisibles pour l'année suivante.

Recommandation n° 2 (Bpifrance, ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) : poursuivre le travail d'évaluation de l'efficience économique des fonds de garantie gérés par Bpifrance, en privilégiant une démarche intégrant les gains indirects et en comparant les résultats obtenus avec d'autres types d'interventions en faveur des entreprises, notamment les subventions et les crédits d'impôts.

Recommandation n° 3 (Bpifrance) : prévoir un rehaussement modéré du niveau du seuil, applicable au montant des prêts bancaires, en-dessous duquel l'octroi des garanties de Bpifrance est délégué aux banques (« procédure de délégation »).

Recommandation n° 4 (ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) : présenter annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, une synthèse consolidée de l'ensemble des financements de l'État, qu'ils soient budgétaires ou non, affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance pour le dernier exercice clos et ceux qui sont prévisibles pour l'année en cours et l'année suivante.

Recommandation n° 5 (ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) : recentrer le financement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », et ce dès 2024.

Recommandation n° 6 (ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) : ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire.

I. LES FONDS DE GARANTIE GÉRÉS PAR BPIFRANCE, UN OUTIL PUISSANT ET EFFICACE AU SERVICE DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Bpifrance est un groupe bancaire public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l'État et par les régions. Parmi ses nombreuses missions, Bpifrance déploie des garanties sur les prêts octroyés, principalement par les banques commerciales, aux entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Le statut et les missions de Bpifrance

Bpifrance a été créé par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 20125(*) à partir de la fusion de plusieurs structures préexistantes : Oséo (banque de prêt aux PME et de soutien à l'innovation), CDC Entreprises et le Fonds stratégique d'investissement (FSI).

Bpifrance est un établissement de crédit et une holding qui agit au travers de ses principales filiales : Bpifrance Régions (qui opère, avec l'établissement de crédit, les activités de financement), Bpifrance Participations, Bpifrance Investissement et Bpifrance Assurance Export. En tant qu'établissement de crédit, Bpifrance est soumis à la réglementation bancaire.

En vertu de l'ordonnance du 29 juin 20056(*), Bpifrance est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l'État et conduites par les régions.

Les objectifs qui sont fixés sont pluriels et ont été progressivement étendus. Elle est en particulier chargée de favoriser l'innovation, l'amorçage, le développement, l'internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres.

Bpifrance doit orienter son action en priorité vers les TPE, les PME, et les entreprises de taille intermédiaire (ETI7(*)), même s'il peut également participer à l'actionnariat de grandes entreprises. Il est également chargé, par ses actions en faveur des entreprises, de participer au développement de secteurs d'avenir, du numérique et de favoriser la transition écologique et énergétique.

Il a pour mission de proposer une offre de service et d'accompagnement des entreprises depuis leur création et tout au long de leur développement.

Bpifrance favorise une mobilisation de l'ensemble du système bancaire sur les projets en faveur des entreprises qu'il soutient, intervenant rarement seule mais plutôt en cofinancement avec les banques privées ou d'autres acteurs du financement.

Concrètement, dans les limites posées par les règles du droit de la concurrence et de l'encadrement européen des aides d'État, Bpifrance apporte des financements aux entreprises dans leurs phases de vie les plus risquées, notamment la création de l'entreprise, sa transmission, l'innovation, l'internationalisation et les investissements de capacité. Il s'appuie, pour ce faire, sur les dotations d'acteurs publics à différents échelons, notamment l'État, les collectivités territoriales (notamment les régions) et l'Union européenne.

L'activité de Bpifrance peut être cartographiée en six métiers :

- le métier du financement des entreprises (crédits à moyen ou long terme, crédit-bail, financement du besoin en fonds de roulement, etc.), en partenariat avec d'autres acteurs du financement (banques privées, acteurs publics, etc.), notamment en soutien d'investissements corporels, incorporels et immatériels ;

- le métier de la garantie ; les différentes garanties sont accordées à des acteurs du financement des entreprises (en particulier les banques privées) à l'occasion de prêts octroyés à ces dernières ;

- le métier du financement de l'innovation dont le but est d'apporter une réponse aux besoins de financement des projets innovants individuels ou collaboratifs, de l'idée jusqu'au marché, dans les cas de défaillances des financements classiques ou de besoin d'entrainement d'une banque commerciale ;

- le métier de l'investissement, par des interventions en fonds propres, dans l'objectif de financer le développement et la croissance des TPE et des PME et de viser l'émergence, la consolidation et la multiplication des ETI, en particulier dans les segments de marché caractérisés par une insuffisance de fonds privés ;

- le métier de l'international, en déployant des garanties publiques à l'exportation des entreprises (assurance export), en finançant l'export, en proposant des solutions de moyen/long terme destinées aux clients étrangers des entreprises, et enfin en accompagnant l'internationalisation des entreprises ;

- le métier de l'accompagnement des entreprises (diffusion de l'information, conseil, expertise, etc.).

Au 31 décembre 2022, le capital social de Bpifrance était de 5,44 milliards d'euros. Ce capital est détenu à parts égales de 49,18 % par l'État français, par l'intermédiaire de l'EPIC Bpifrance, et par la Caisse des Dépôts et Consignations. D'autres actionnaires, notamment bancaires, détiennent 1,35 % des parts, tandis que Bpifrance détient 0,29 % de son propre capital.

Selon Bpifrance8(*), le groupe aurait injecté près de 67 milliards d'euros dans le financement de l'économie française en 2022. Par ailleurs, son résultat net s'est établi en 2022 à 1,5 milliard d'euros. Bpifrance emploie environ 3 500 collaborateurs et dispose de 50 implantations régionales.

L'offre de garanties sur des prêts aux entreprises constitue l'un des principaux métiers de Bpifrance. Bpifrance s'appuie financièrement sur des fonds de garantie, qui permettent de couvrir les éventuelles pertes générées par l'activité de garantie de Bpifrance. Ces fonds sont dotés par différents financeurs, au premier rang desquels l'État, via des dotations, souvent annuelles. Ce dispositif tire sa puissance et son efficacité, constatée par différentes études, de l'effet de levier significatif généré par les dotations déposées sur les fonds de garantie sur le montant des prêts effectivement octroyés aux entreprises.

Il est précisé que le présent rapport ne couvre pas le champ des prêts garantis par l'État (PGE). En effet, d'une part, les PGE présentent des caractéristiques spécifiques, tenant notamment à l'absence de constitution d'un fonds de garantie auprès de Bpifrance. D'autre part, les PGE ont fait l'objet d'un rapport récent de notre collègue Jérôme Bascher, présenté au nom de la commission des finances du Sénat9(*).

Organisation du groupe Bpifrance

Source : Bpifrance

A. LES DIVERS FONDS DE GARANTIE OPÉRÉS PAR BPIFRANCE VISENT À COUVRIR L'OCTROI DE GARANTIES SUR DES PRÊTS AUX ENTREPRISES, PRINCIPALEMENT LES TPE ET PME

Les fonds de garantie gérés par Bpifrance constituent un ensemble divers mais dont l'objectif central est commun : asseoir l'octroi des garanties de Bpifrance sur des prêts aux entreprises.

1. L'activité de garantie de Bpifrance...

De nombreux pays se sont dotés de programmes publics de garantie des financements bancaires aux entreprises. En France, Bpifrance constitue l'acteur principal dans ce domaine.

Les prêts pouvant être concernés par la couverture des garanties, et donc des fonds de garantie, étaient traditionnellement ceux dits « classiques » octroyés par les banques commerciales aux TPE et PME. S'y ajoutent aujourd'hui les prêts dits « sans garantie » (PSG) octroyés directement par Bpifrance aux TPE, PME et ETI.

a) L'activité de garantie sur les prêts bancaires « classiques » aux TPE et PME

Si Bpifrance n'est pas le seul organisme public ou parapublic de garantie des prêts aux entreprises10(*) et si certaines banques disposent de dispositifs de garantie interne, Bpifrance est bien le premier acteur public de garantie de prêts bancaires aux entreprises, dans des proportions estimées à 80 % à 90 % du marché11(*).

L'offre de garanties de Bpifrance a pour objectif de faciliter l'octroi de crédits spécifiquement aux TPE et aux PME, au sens de la définition européenne12(*), dans les phases les plus risquées de leur cycle de vie et de financement. En effet, elles permettent de partager et donc de réduire le risque pris par les établissements financiers en cas de non-remboursement du prêt.

De nombreux types de concours bancaires aux entreprises, ou dans certains cas aux dirigeants, peuvent être couverts par les garanties. Sont notamment concernés :

- les prêts de moyen et long termes (2 à 15 ans), qu'il s'agisse d'un prêt classique, d'un crédit-bail ou encore d'une cession-bail par exemple ;

- des prêts destinés à financer la transmission d'entreprises ou l'internationalisation des entreprises ;

- des prêts de court terme, de moins de 2 ans (affacturage, crédit de trésorerie, lignes de caution ou garantie à première demande ponctuelle, etc.).

En outre, il existe un dispositif spécifique de garantie sur les apports en fonds propres ou en quasi-fonds propres réalisés au capital de PME françaises. Tous les véhicules d'investissement structurés sous la forme de fonds de capital-risque peuvent en bénéficier : fonds professionnels de capital-investissement (FPCI), sociétés à capital risque (SCR) ou sociétés d'investissement de business angels (SIBA).

Les principales garanties proposées par Bpifrance sur les prêts bancaires

La garantie « création »

Elle concerne les prêts aux entreprises créées depuis moins de 3 ans ou aux dirigeants, personnes physiques, s'endettant à titre personnel pour réaliser un apport en fonds propres dans une jeune entreprise. Elle couvre les créations ex nihilo, les premières installations par reprise de fonds de commerce, les investissements matériels et immatériels, ou encore notamment les créations de sociétés par des entreprises existantes qui développent des activités ou produits nouveaux.

La garantie « transmission »

Elle s'adresse à tous repreneurs, personnes physiques ou morales, pour des entreprises ayant plus de 3 ans d'existence. Son objectif est soit de permettre l'installation de nouveaux entrepreneurs, par rachat d'une entreprise ou d'un fonds de commerce, soit de faciliter le développement d'entreprises existantes par croissance externe. Les dépenses financées concernent soit les achats de parts sociales soit les reprises de fonds de commerce.

La garantie « développement des PME et TPE »

Elle concerne les entreprises d'au moins 3 ans et vise le financement de ses investissements de développement de son activité, que ces investissements soient corporels ou incorporels.

La garantie « renforcement de trésorerie »

Elle s'adresse aux PME ayant 3 ans d'existence au minimum et souhaitant renforcer leur structure financière. Le prêt garanti peut être utilisé pour consolider des prêts à court terme en prêts à moyen et long termes.

La garantie « International »

Cette garantie vise soit à soutenir le développement de l'activité internationale des TPE et PME et leurs exportations en finançant des investissements corporels ou incorporels, soit à faciliter les prises de participation à l'étranger ou les créations de filiales ou de succursales à l'étranger. Sont en particulier concernés les financements de moyen et long termes.

La garantie « Innovation »

Cette offre permet de garantir des prêts réalisés dans le but de rendre une PME ou TPE ayant une existence d'au moins 3 ans plus innovante : conception et développement de produits ou services nouveaux (recherche, développement, industrialisation, commercialisation, etc.), ou introduction d'une technologie ou technique nouvelle dans un des processus de l'entreprise. Bpifrance apporte sa garantie pour des investissements incorporels ou corporels.

La garantie « fonds propres Relance »

Cette offre concerne les financements dédiés à la consolidation de la structure ou au renforcement de la trésorerie d'une entreprise. Elle concerne les PME développant une activité à fort caractère innovant et bénéficiaires d'apports en fonds propres ou quasi-fonds propres réalisés par des sociétés de capital-risque ou des sociétés liées à des business angels ou des fonds communs de placement. Les apports garantis sont ceux réalisés en fonds propres ou quasi-fonds propres : souscription ou achat d'actions ou de parts sociales, d'obligations convertibles ou remboursables, de titres participatifs ou de certificats d'investissement, prêts participatifs, ou d'avances en comptes courants.

Source : Banque de France et Bpifrance

Peuvent bénéficier de la garantie les prêts octroyés par les banques commerciales, mais également ceux déployés par les réseaux d'accompagnement (Réseau Entreprendre, Réseau Initiative, etc.) et les co-garants (la Société de caution mutuelle pour les petites entreprises, la SOGAMA, etc.).

La garantie octroyée par Bpifrance concerne l'établissement financier, et non l'entreprise : elle vise, en effet, à compenser la perte finale éventuelle de la banque sur les prêts garantis qui ne seraient pas remboursés. La garantie n'assure en aucun cas l'emprunteur contre le risque de défaillance de son entreprise et ne peut être invoquée par les tiers, notamment par l'emprunteur et ses garants personnels, pour contester tout ou partie de leur dette. Dans son activité de garantie des prêts bancaires, Bpifrance n'a ainsi de lien qu'avec la banque, pas avec l'entreprise.

La garantie est mise en jeu dans plusieurs cas :

- en cas de signature d'un protocole amiable d'abandon partiel de créances conclu entre la banque et l'entreprise ou de notification par la banque au bénéficiaire de la résiliation du crédit, décidées préalablement d'un commun accord entre la banque et Bpifrance ;

- dès le prononcé d'un jugement de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

La compensation financière potentielle de la perte finale de la banque que permet la garantie est toujours seulement partielle. En effet, quelle que soit la garantie concernée, la banque conserve toujours une part du risque. La garantie s'applique ainsi à une partie du prêt, appelée « quotité ». Cette quotité garantie varie le plus souvent, en fonction des garanties, entre 40 % et 70 %. L'objectif est double : d'une part, permettre, à un montant global d'engagements de garanties donnés, de multiplier le nombre et le montant cumulés de crédits couverts et, d'autre part, responsabiliser la banque dans l'octroi des prêts, celle-ci continuant d'assumer un risque de perte.

La demande d'octroi de garantie relève de la décision de la banque qui envisage d'octroyer un prêt et qui souhaite bénéficier de la garantie de Bpifrance. Concrètement, la banque arbitre entre le coût de la garantie, à savoir la prime de garantie versée à Bpifrance, et ses avantages, c'est-à-dire la couverture d'une partie du risque de perte. Une banque, à qui une entreprise soumet une demande de financement, évalue le risque associé. Schématiquement, si ce dernier est faible, elle va octroyer le prêt, le plus souvent en prenant des sûretés13(*), sans solliciter la garantie de Bpifrance. Si le risque est trop fort, même en prenant des sûretés et/ou en sollicitant la garantie de Bpifrance, elle n'accordera pas le prêt. C'est dans les situations intermédiaires, c'est-à-dire les demandes de financement risquées (ou dans lesquelles le risque est difficilement quantifiable) mais a priori raisonnables des entreprises, que la garantie de Bpifrance peut faire franchir le pas de l'octroi du prêt à la banque. Il s'agit au final, selon une expression utilisée lors d'une audition des rapporteurs spéciaux, de financer des entreprises qui se trouvent « au bord du financement ». Le calibrage du coût de la garantie et le fait de limiter la garantie à un certain pourcentage du prêt (la quotité) permet de favoriser la prise de risque par les banques, tout en l'encadrant dans des limites raisonnables14(*).

Il convient de noter qu'à l'occasion du plan de relance dans le contexte de la crise sanitaire, les conditions des garanties ont été assouplies, via notamment une hausse des quotités garanties et une baisse des primes de garantie.

Des critères d'éligibilité généraux s'appliquent pour l'ensemble des garanties proposées par Bpifrance. Ainsi, l'entreprise qui demande le prêt doit principalement :

- être une TPE ou une PME ;

- ne pas être en difficulté économique ;

- le prêt doit avoir une durée d'au moins deux ans (hors prêts de court terme) ;

- le montant garanti ne peut dépasser certains plafonds. En principe, pour la plupart des garanties, le montant de garanti pour un prêt ne peut pas dépasser 1 ou 1,5 million d'euros ; en outre, le montant total cumulé garanti par Bpifrance de tous les prêts d'une même entreprise (ou du même groupe d'entreprises), tous fonds de garanties confondus, ne peut pas dépasser 4 millions d'euros.

En fonction des fonds de garantie concernés, des critères plus spécifiques s'appliquent15(*). Ils concernent notamment l'âge des entreprises, l'objet des financements, la durée des financements, le coût de la prime de garantie, la quotité maximale garantie, etc.

La procédure applicable d'octroi de la garantie de Bpifrance dépend quant à elle du montant du prêt. Lorsque le prêt est d'un montant inférieur à 200 000 euros, la procédure de « délégation » s'applique : c'est la banque elle-même, sur la base d'un « contrat de garantie » avec Bpifrance, qui vérifie le respect des conditions d'éligibilité de la garantie et décide de son octroi. Ce n'est alors qu'au moment de son éventuelle mise en jeu que Bpifrance vérifiera le respect des critères d'éligibilité et pourra alors déchoir le partenaire du bénéfice de la garantie si ces critères ne sont pas respectés. Les mécanismes d'échanges d'information, notamment informatiques, entre les banques et Bpifrance permettent de limiter cette hypothèse à des cas très exceptionnels. La quotité maximale étant généralement de 70 %, le risque maximum sur un dossier en délégation est donc de 140 000 euros.

Au-dessus du seuil de 200 000 euros, c'est Bpifrance qui assure l'instruction de la demande d'octroi de la garantie, via son réseau local, dans le cadre de la procédure dite de « notification ». À ce jour, la procédure de délégation représente 40 % des engagements de garantie, tandis que 60 % relève de la procédure de notification. En nombre de dossiers, c'est la procédure de délégation qui est majoritaire.

b) L'activité de garantie sur les prêts dits « sans garantie » aux TPE, PME et ETI

À l'activité historique de garantie des prêts bancaires « classiques » octroyés par les banques aux entreprises, s'est ajoutée plus récemment une activité de garantie des prêts dits « sans garantie » (PSG) octroyés directement par Bpifrance.

Les prêts dits « sans garantie » (PSG) de Bpifrance

Les PSG de Bpifrance ont été créés, sous leur forme actuelle en 2009. S'ils sont improprement appelés prêts « sans garantie », les PSG sont en réalité des prêts octroyés sans sureté prise sur l'entreprise ou son dirigeant. Les PSG, qui ont constitué à leur création une spécificité dans l'offre bancaire en faveur des entreprises, visent à répondre aux besoins de financement qui n'offrent pas ou peu de collatéral pouvant servir de sûreté, ce qui rend difficile l'accès à un crédit bancaire classique.

Sont concernés les financements relatifs à :

- des dépenses immatérielles : frais de formation, recrutement, frais d'étude, travaux de rénovation énergétique, achats de services liés à l'optimisation des processus, mise en oeuvre de labels et de certifications, etc. ;

- des dépenses matérielles à faible valeur de gage, notamment des achats d'équipements ;

- une hausse du besoin en fonds de roulement pour financer des dépenses spécifiques, par exemple environnementales.

Les PSG s'appuient sur une offre généraliste (le Prêt Croissance notamment) mais également des offres spécialisées dans certains secteurs d'activité (tourisme, industrie ou industries culturelles et créatives), certaines typologies d'investissements (transition énergétique par exemple) ou encore certaines étapes de la vie de l'entreprise (transmission, internationalisation). Au total, il existe une vingtaine de PSG.

À la différence de la plupart des prêts bancaires classiques, les PSG sont accordés sans prise de sûretés sur les actifs des entreprises ou sur le patrimoine de leurs dirigeants. Cela permet, en outre, au bénéficiaire du prêt de mobiliser, le cas échéant, les sûretés dont il dispose pour obtenir d'autres financements de la part de sa banque.

Le dispositif est ouvert aux TPE, PME et aux ETI, indépendantes de plus de 3 ans, affichant une bonne situation économique et financière. Tous les secteurs d'activité sont éligibles à l'exclusion de certaines activités très spécifiques (promotion et location immobilière, intermédiation financière, notamment).

Les PSG sont octroyés sont conçus et octroyés directement par Bpifrance (dans son activité de financement), par l'intermédiaire de ses 50 agences sur le territoire. Toutefois, ces prêts s'effectuent en co-financement avec les banques, à raison de 1 euro octroyé par Bpifrance pour 1 euro de financement octroyé par les banques.

Le Prêt croissance relance s'adresse TPE, PME et ETI indépendantes de plus de 3 ans. Sont concernés les prêts finançant des investissements dans les capacités de production, qui augmentent la performance de produits et services afin d'en améliorer la compétitivité, ou qui permettent de réaliser des opérations de croissance externe. Les investissements peuvent être immatériels, ou corporels et à faible valeur de gage, ou porter sur l'augmentation du besoin en fonds de roulement rendu nécessaire par le projet porté. Le montant minimum des prêts éligibles est de 50 000 euros et le montant maximal de 5 000 000 d'euros. Aucune sûreté n'est prise sur les actifs de la société, ni sur le patrimoine du dirigeant. Seule une retenue de garantie de 5 % est prévue ; elle est restituée après remboursement du prêt. Les prêts sont obligatoirement associés à un financement extérieur (concours bancaires, apport en fonds propres, « crowdfunding », « crowdlending ») d'un montant au moins égal.

Le Prêt vert constitue un des principaux PSG. D'un montant compris entre 50 000 euros et 5 millions d'euros, pour une durée maximum de 10 ans, il finance sans suretés les projets d'entreprises en transition et les entreprises offreuses de solutions de transition. Peuvent notamment être concernés les investissements immatériels (par exemple des travaux de rénovation énergétique), les investissements matériels à faible valeur de gage (par exemple pour le stockage d'énergie, l'achat de matériel de mesure, d'équipements de tri, de systèmes de recyclage, etc.) ou une augmentation du besoin en fonds de roulement liée à la mise en oeuvre d'un plan d'action en faveur de la transition écologique et énergétique de l'entreprise.

Le prêt d'honneur constitue un autre type de PSG, qui est octroyé dans le cadre des missions d'intérêt général de Bpifrance. Il est directement octroyé au dirigeant créateur ou repreneur d'entreprise, et non à l'entreprise elle-même. Le prêt d'honneur, que le dirigeant s'engage à rembourser « sur l'honneur », vise à couvrir les besoins pour l'activité professionnelle du porteur de projet dans le cadre de sa création ou reprise d'entreprise. Le montant du prêt peut notamment être utilisé par le porteur de projet comme apport personnel au côté d'un prêt bancaire pour son entreprise. L'objectif recherché par le dispositif est de renforcer les moyens mis à disposition des porteurs de projet via les réseaux d'accompagnement afin de mieux soutenir et mieux financer la création d'entreprise partout sur le territoire.

Si l'octroi des PSG relève de l'activité de financement de Bpifrance, qui n'est pas l'objet du présent rapport, Bpifrance déploie par ailleurs une activité de garantie sur la délivrance des PSG. En effet, les PSG sont couverts par des fonds de garantie spécifiques opérés par Bpifrance (garant) qui visent à couvrir le risque pris par Bpifrance (prêteur). Ils couvrent généralement 80 % du risque de défaillance de l'emprunteur, soit un niveau de quotité plus élevé que pour les garanties sur les prêts classiques. Néanmoins, Bpifrance (prêteur) conserve une partie du risque, ce qui permet d'assurer en principe un alignement d'intérêts avec l'activité de garantie. Il convient de noter que la garantie ne porte que sur le PSG déployé par Bpifrance et non sur le financement bancaire parallèle, en principe du même montant, octroyé par la banque. Par ailleurs, en contrepartie de l'octroi de la garantie sur un PSG, Bpifrance « Prêteur » verse à Bpifrance (garant) une commission de garantie, de la même manière que les banques commerciales pour les prêts classiques aux entreprises.

L'activité de garantie de Bpifrance sur les PSG porte non seulement sur les prêts aux TPE et PME mais également aux ETI. Il s'agit d'une différence par rapport à l'activité de garantie des prêts bancaires classiques, qui ne couvre que les TPE et PME.

2. ... est couverte par les différents fonds de garantie gérés par Bpifrance

Les fonds de garantie peuvent être définis comme des unités comptables cloisonnées dotées de dépôts ayant vocation à couvrir les risques générés par l'activité d'octroi de garanties par Bpifrance. D'un point de vue comptable, la mise en place d'un fonds de garantie permet de cantonner une ressource affectée et de tracer l'ensemble des opérations et évènements de ressources s'y rapportant.

Ces fonds, divisés en compartiments16(*), correspondent aux différentes garanties offertes par Bpifrance ; le fonds « création » correspond ainsi par exemple à la garantie « création ». Ils sont dotés par différents bailleurs17(*), en particulier l'État, mais également la Caisse des dépôts et consignations, les collectivités territoriales (en particulier les régions), l'Union européenne et, dans des cas spécifiques, des bailleurs privés.

Les quatre types de fonds de garantie gérés par Bpifrance

Les fonds de garantie opérés par Bpifrance sont au nombre de plus d'une centaine, en incluant leurs différents compartiments.

Il existe tout d'abord environ 40 fonds de garantie dits « de place ». Ces fonds correspondent à l'activité traditionnelle de garantie des prêts bancaires classiques aux entreprises.

S'y ajoutent ensuite environ 40 fonds de garantie dits « internes ». Ce sont les fonds de garantie qui viennent couvrir Bpifrance dans son activité d'octroi des PSG.

En outre, il existe environ 25 fonds de garantie dits « régionaux », financés principalement par les régions, qui couvrent à la fois des prêts bancaires classiques bancaires et des PSG.

Enfin, il existe une dizaine d'autres fonds de garantie financés soit par l'Union européenne ou le fonds européen d'investissement (FEI) soit par des acteurs privés, notamment l'UIMM18(*).

Tous les fonds de garantie se structurent généralement de façon similaire, autour de principes de fonctionnement communs : détermination d'un certain niveau de dotation prévue du fond, du mode de gestion par Bpifrance (pour compte propre ou pour compte de tiers19(*)), d'un coefficient multiplicateur, des conditions de mise en jeu de la garantie, de modalités de reporting, etc.

En revanche, chaque fonds de garantie se distingue par des règles d'éligibilité spécifiques qui correspondent à celles fixées pour la garantie correspondante (notamment l'âge des entreprises, l'objet des financements, la durée des financements, le coût de la prime de garantie, la quotité maximale garantie, etc).

3. Bpifrance est chargée de la gestion opérationnelle des fonds de garantie, dont il assume une partie des risques

Les sommes déposées sur les fonds de garantie n'appartiennent pas à Bpifrance mais aux dotateurs des fonds. Chaque fonds est en principe alimenté par un seul et unique bailleur20(*).

Chaque fonds de garantie fait ainsi l'objet d'une convention constitutive encadrant sa gouvernance et instaurant si nécessaire un comité de pilotage dédié. S'agissant des fonds de garantie dotés par l'État ou la Caisse des Dépôts et Consignations, le suivi opérationnel est réalisé par le « comité financement garantie », instance à laquelle les deux principaux actionnaires de Bpifrance (État et Caisse des dépôts et consignations) ont un siège permanent.

Les règles spécifiques d'engagement de la garantie, qui peuvent évoluer, sont fixées pour chaque fonds dans le cadre de la convention constitutive. Sur la base de ces règles, c'est ensuite Bpifrance qui assume la gestion opérationnelle des fonds de garantie.

D'un point de vue financier, le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance repose sur des dépôts effectués par les acteurs qui ont souhaité financer la mise en place d'une garantie. Ces dépôts prennent la forme de dotations, plus ou moins fréquentes, qui viennent alimenter le solde du fonds de garantie concerné. Sur un exercice annuel, le solde du fonds de garantie dépend en fin d'année de la dotation annuelle qui lui a été attribuée et de son résultat sur l'année en question. Ce dernier résultat annuel dépend quant à lui du rapport entre les recettes (primes de garantie versées par les banques et placement financier des sommes immobilisées sur les fonds de garantie) et les dépenses (remboursement de la perte des banques prêteuses ou de Bpifrance - prêteur au titre des PSG - sur les prêts qui ne sont pas remboursés par les entreprises). Lorsque les dépenses annuelles du fonds de garantie sont supérieures à ses recettes, le solde est ponctionné de la différence, ce qui peut éventuellement conduire à un solde déficitaire s'il est insuffisant pour couvrir les pertes annuelles.

La grande majorité des fonds de garantie opérés par Bpifrance est gérée en « compte propre » sur le bilan de Bpifrance ; en d'autres termes, le risque final de perte est dans ce cas porté par les fonds propres de Bpifrance.

Un mécanisme de pyramide d'absorption des risques est néanmoins prévu afin de limiter cette exposition via le bilan et le compte de résultat de chacun des fonds de garantie puis, si cela ne suffit pas, par les fonds de mutualisation et de réserve. Le fonds de mutualisation a été créé en 2009 et est doté à partir d'excédents disponibles sur des fonds de garantie dotés par l'État, qui en est le propriétaire ; il présente un solde de 619,3 millions d'euros au 31 décembre 2022. Le fonds de réserve a été créé en 2015 et est doté par l'EPIC Bpifrance, qui en est le propriétaire ; il est doté de 263,1 millions d'euros au 31 décembre 2022.

Ainsi, le compte de résultat de Bpifrance est impacté par ces risques uniquement en cas d'épuisement du fonds de garantie qui n'aurait pas été absorbé par la pyramide des risques. En outre, au sein des fonds de garantie constitués auprès de Bpifrance, certains sont mutualisés en risques entre eux ; ceux-là bénéficient d'une strate de couverture intermédiaire avant de ponctionner le fonds de mutualisation. Il s'agit en particulier des fonds du fonds maître de garantie Trésor, qui regroupe notamment les fonds « Développement des PME et TPE », « Création PME et TPE », « Transmission PME et TPE », « Renforcement de la Trésorerie », « Garantie fonds propres », et « Prêt vert ». Sur les 80 fonds nationaux de garantie, 50 sont en réalité les compartiments du fonds maître de garantie Trésor.

Architecture financière des fonds de garantie confiés en gestion
pour compte propre à Bpifrance

(en millions d'euros, au 31 décembre 2022)

Source : Bpifrance et direction générale du Trésor

Certains fonds de garantie font néanmoins l'objet d'une gestion pour « compte de tiers » par Bpifrance. Dans ce cas, le risque final des fonds est porté par l'État. Cette situation ne concerne qu'un nombre limité de dispositifs : les prêts étudiants, le Fonds de cohésion sociale et les prêts garantis par l'État (ce dernier reste spécifique dans la mesure où il n'y a pas ex ante de mouvement de dotation de l'État vers Bpifrance pour couvrir la production de prêts).

Bpifrance bénéficie d'une rémunération au titre de la gestion des fonds de garantie. Cette rémunération s'opère par le transfert d'une quote-part des commissions perçues par les fonds de garantie et par les produits financiers générés par le placement financier des dotations.

B. LES FONDS DE GARANTIE SONT DOTÉS DE FINANCEMENTS TRÈS MAJORITAIREMENT PUBLICS, QUI PRODUISENT UN EFFET DE LEVIER SUR LES FINANCEMENTS OCTROYÉS AUX ENTREPRISES

1. Les fonds de garantie font l'objet de dotations régulières provenant de différents acteurs, en particulier de l'État

Le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance s'appuie sur le dépôt de fonds par les acteurs qui souhaitent financer la mise en place d'une garantie. Ces dépôts sont renouvelés régulièrement.

En effet, le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance est, en cumulé, structurellement déficitaire. Cette situation ne révèle toutefois pas, en tant que telle, d'écueils dans la gestion ou la conception des garanties ou des fonds de garantie.

Évolution du résultat annuel cumulé des fonds nationaux de garantie
opérés par Bpifrance

(en millions d'euros, hors fonds de réserve
et fonds de mutualisation)

Année

Résultat annuel

2016

- 104,5

2017

- 107,8

2018

- 56,4

2019

- 86,8

2020

- 164,6

2021

- 80,9

2022

- 46,3

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En effet, l'objectif final des garanties octroyées par Bpifrance est de faciliter l'octroi de prêts, principalement par l'intermédiaire des banques, dans les phases les plus risquées de leur croissance. Comme cela est développé supra, alors que les prêts « sûrs » sont octroyés par les banques sans qu'elles ne jugent utiles de payer une garantie de Bpifrance, l'offre de garanties a vocation à inciter la banque à octroyer un prêt plus risqué - ou, souvent, pour lequel elle n'est pas en mesure de déterminer le risque avec certitude - qu'elle n'aurait pas forcément conclu si la garantie n'était pas venue réduire son risque de perte en cas de non-remboursement de prêt par l'entreprise.

Or, un tel objectif est de nature à engendrer un coût pour les fonds de garantie. En effet, d'une part, la prime de garantie sollicitée auprès de la banque, et venant abonder les fonds de garantie, ne peut pas être trop élevée, le risque étant à défaut qu'elle ne soit pas sollicitée par la banque et les prêts correspondants pas octroyés. D'autre part, le caractère relativement risqué des prêts garantis par Bpifrance implique une sinistralité plus forte que la moyenne des prêts consentis aux entreprises par les banques (sans garantie de Bpifrance), et donc une exposition de Bpifrance pour couvrir les pertes des banques, et de Bpifrance (prêteur) s'agissant des PSG.

En réalité, même s'il n'est pas entièrement assumé comme tel, le système mis en place constitue ainsi de facto une politique publique de soutien indirect au financement des entreprises, qu'elle soit transversale (création, transmission, développement des entreprises, etc.), qu'elle ait un objectif précis (la transition énergétique par exemple) ou qu'elle réponde à un objectif d'intérêt général (par exemple, le prêt d'honneur). Cette politique présente un coût budgétaire. Néanmoins, comme le précise la Cour des comptes dans un très récent rapport sur Bpifrance21(*), « contrairement au financement de l'innovation, dont le caractère subventionnel est pleinement assumé, la garantie des crédits octroyés aux PME est destinée à couvrir des risques mal couverts par les banques françaises, mais qui ne sont pas réputés par construction inassurables. La récurrence des déficits de ces fonds met cependant à mal le principe d'une gestion à l'équilibre de ce dispositif hors période de crise ».

Les dotations versées aux fonds de garanties proviennent majoritairement de l'État (ces dotations correspondaient à environ 90 % des engagements en 2021), mais elles sont également apportées par la Caisse des dépôts et consignations (correspondant à environ 5 % des engagements en 2021), les collectivités territoriales (en particulier les régions, correspondant à environ 4 % des engagements en 2021) ou ont une origine européenne ou privée.

Répartition des volumes annuels de garanties octroyées correspondant
aux dotations de différents acteurs versées aux fonds de garantie
opérés par Bpifrance22(*)

Source: Bpifrance

Si la très grande majorité des fonds de garantie, dont les principaux, sont rattachés à l'Agence France Trésor et donc à l'État, deux sont rattachés à la Caisse des dépôts et consignations (un fonds de place, France Investissement garantie, et un fonds associé à un PSG, le prêt tourisme). D'autres sont rattachés à la Banque européenne d'investissement (notamment un fonds sur le développement technologique), au FEDER23(*), à la fédération nationale de l'habillement, ou encore à l'UIMM ou à l'entreprise Best Western.

En 2022, les fonds de garantie nationaux ont bénéficié d'un montant cumulé de dotations de 105,6 millions d'euros, ce qui constitue un montant très modeste en comparaison des années précédentes24(*).

Évolution des dotations annuelles cumulées des fonds nationaux de garantie opérés par Bpifrance

(en millions d'euros, y compris fonds de réserve
et fonds de mutualisation)

Année

Dotations

2016

183,7

2017

- 48,6

2018

375,3

2019

20,7

2020

667,7

2021

355,3

2022

105,6

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

Plus précisément, la même année, les fonds de garantie relevant de l'État, via l'Agence France Trésor, ont reçu 108,5 millions d'euros de dotations en cumulé, tandis que les fonds de réserve et fonds de mutualisation ont connu une dotation négative de 2,9 millions d'euros, et que les autres fonds (européens et privés) connaissaient une quasi-stabilité.

Au total, les fonds de garantie nationaux gérés par Bpifrance représentent des sommes déposées d'un montant de 5,02 milliards d'euros au 31 décembre 2022 (dont environ 90 % appartiennent à l'État), dont :

- fonds de mutualisation et de réserve25(*) : 882,4 millions d'euros

- fonds rattachés à l'État via l'Agence France Trésor : 3,74 milliards d'euros ;

- fonds rattachés à la Caisse des dépôts et consignations : 311,7 millions d'euros ;

- fonds de garantie européens et privés : 83,9 millions d'euros.

En excluant les fonds de mutualisation et de réserve, la moitié des sommes déposées financent des fonds de place et l'autre moitié des fonds associés à un PSG. Certains fonds de garantie s'appuient sur des montants déposés supérieurs aux autres. Ainsi, huit fonds de garantie présentent des montants déposés supérieurs à 100 millions d'euros au 31 décembre 2022, parmi lesquels :

- le fonds de garantie « Création PME et TPE » (fonds de place) : 397,7 millions d'euros ;

- le fonds de garantie « Prêt tourisme » (fonds associé à un PSG) : 194,4 millions d'euros ;

- le fonds de garantie « Transmission PME et TPE » (fonds de place) : 181,8 millions d'euros ;

- le fonds de garantie « Prêt vert » (fonds associé à un PSG) : 173,9 millions d'euros.

S'ajoutent au solde cumulé des fonds de garantie nationaux les sommes déposées sur les fonds de garantie régionaux, qui s'élevaient à fin 2022 à 453,5 millions d'euros. Au total, le solde des fonds de garantie gérés par Bpifrance atteignait ainsi 5,47 milliards d'euros à fin 2022.

2. Le dispositif des fonds de garantie tire sa spécificité de l'effet de levier qu'il produit sur les dotations qui y sont affectées

La spécificité et l'efficacité potentielle du système des fonds de garantie reposent sur l'effet de levier qu'il induit. En effet, la grande majorité des prêts bénéficiant d'une garantie étant remboursés, il est possible d'octroyer un montant cumulé de garanties bien supérieur au montant immobilisé dans les fonds de garantie correspondants. Un montant donné d'immobilisation permet d'octroyer un niveau de garantie très supérieur, maximisant l'impact macroéconomique de la dotation budgétaire.

Cet effet de levier se matérialise par l'application d'un coefficient multiplicateur spécifique à chaque fonds. L'objet des fonds de garantie opérés par Bpifrance n'étant pas de neutraliser budgétairement le dispositif mais, schématiquement, de consommer annuellement la dotation budgétaire octroyée dans le but de soutenir le financement des entreprises, le coefficient multiplicateur des fonds est calculé de telle sorte qu'il conduise à un niveau d'engagements de garantie correspondant à un niveau de pertes en résultat en fin d'année équivalent à la dotation budgétaire annuelle26(*). Dit autrement, le coefficient multiplicateur correspond au montant de l'exposition en garanties pouvant être octroyé pour un euro de dotation déposé sur le fonds de garantie. Cet effet de levier est accentué par le fait que la garantie ne portant que sur une partie du prêt (la quotité), le prêt effectivement octroyé par la banque commerciale (ou Bpifrance pour les PSG) est d'un montant lui-même supérieur au montant de la garantie.

À titre d'illustration, lorsque le coefficient multiplicateur est fixé à 20 et que la quotité de garantie est fixée à 50 % du montant total du prêt, 1 euro de dotation couvre 40 euros de prêt accordé par une banque à une entreprise, soit un prêt de 400 000 euros pour 10 000 euros de dotation.

Illustration de l'effet de levier induit par le coefficient multiplicateur
(applicable à un fonds de garantie) sur les prêts bancaires
effectivement octroyés aux entreprises

Source: commission des finances du Sénat

Tous les fonds de garantie gérés pour compte propre par Bpifrance sont assortis d'un coefficient multiplicateur. La méthode de détermination du coefficient multiplicateur dépend de la nature du fonds. Pour les fonds de garantie actifs depuis de nombreuses années, faisant l'objet d'une dotation annuelle et présentant de forts volumes d'activité, des coefficients multiplicateurs sont calculés chaque année à partir de modèles quantitatifs, en simulant les pertes futures associées à une année d'activité. Pour les fonds pour lesquels cette méthode n'est pas applicable, notamment les fonds en phase de lancement ou ayant une activité annuelle faible, le coefficient multiplicateur est le plus souvent fixé de manière experte, à partir de l'analyse de dispositifs proches, par simulation ex ante à partir d'un profil de risque théorique, ou par encadrement du niveau de risque estimé par des dispositifs existants.

Le niveau du coefficient multiplicateur varie ainsi en fonction des fonds. En 2023, l'effet de levier (coefficient multiplicateur) moyen des fonds publics mobilisés sur les fonds de garantie opérés par Bpifrance (fonds nationaux de place, fonds nationaux associés à un PSG et fonds régionaux) sur le montant des financements effectivement couverts par la garantie Bpifrance s'établit à 14,7, un niveau comparable à 202127(*). L'effet d'entraînement de ce montant de financements couverts par la garantie sur le montant total des prêts octroyés par les partenaires bancaires dans le cadre de cette garantie étant d'environ 2,0 (quotité de garantie en moyenne de 50 %), l'effet de levier complet est estimé à 30.

Si l'effet de levier sur les financements garantis est en moyenne de 14,7 en 2023, il existe des différences notables entre les différents types de fonds. L'effet de levier atteint ainsi 24,6 en moyenne pour les fonds nationaux de garantie de place, contre 8,8 pour les fonds nationaux associés à des PSG (et 8,7 pour les fonds régionaux), soit un niveau significativement inférieur. Il convient néanmoins de noter que les PSG sont octroyés sans sûretés sur les actifs de l'entreprise ou le patrimoine de son dirigeant, alors que la garantie de place bénéficie des sûretés que les banques sollicitent auprès de leur client. L'existence de de ces sûretés se traduit mécaniquement dans l'effet de levier de la garantie de place, en le rehaussant, ce qui ne peut pas être le cas pour les PSG.

Globalement, les coefficients multiplicateurs des différents fonds ont augmenté au cours des vingt dernières années, du fait de l'amélioration de la quantification des risques par Bpifrance et de l'évolution continue des modèles, ce qui induit une plus grande efficacité de la dépense publique. Les modèles s'appuient aujourd'hui sur un historique de données de plus de 20 ans et sont conçus pour ne pas être volatils ou sensibles à des effets de tensions conjoncturelles.

Évolution du niveau des coefficients multiplicateurs de quatre fonds
de garantie gérés par Bpifrance depuis 2002

Source: Bpifrance. Création : fonds de garantie « Création » (fonds de place) ; RHB : fonds de garantie « renforcement de haut de bilan » (fonds associé à un PSG) ; RT : fonds de garantie « renforcement de trésorerie » (fonds de place) ; TRANS : fonds de garantie « Transmission » (fonds de place)

Le coefficient multiplicateur applicable à chaque fonds est par nature susceptible d'évoluer chaque année, en fonction notamment du taux de sinistralité des prêts garantis concernés, de l'évolution des caractéristiques principales de la garantie sous-jacente au fond entrainant une modification du profil de risque (critères d'éligibilité, durée, montant, quotité garantie, etc.) ou encore à la suite d'un changement des critères généraux de détermination des coefficients multiplicateurs, comme cela est arrivé récemment28(*). Les coefficients multiplicateurs révisés annuellement sont proposés, pour les fonds financés par l'État, au « comité financement garantie » puis validés par le conseil d'administration de Bpifrance, deux instances au sein desquelles siège l'État.

La détermination et la révision éventuelle annuelle des coefficients multiplicateurs de chaque fonds peuvent constituer soit une opération purement technique soit relever également d'un changement, marginal ou significatif, dans les orientations mises en oeuvre, via les différentes garanties, en faveur du financement des entreprises. À titre d'exemple, un relèvement du coefficient multiplicateur, associé à une hausse de la dotation, d'un fonds, en compensation d'une baisse de dotation d'un autre fonds, peut aboutir à des redéploiements importants d'argent public.

Or si le pouvoir exécutif, en particulier via la direction générale du Trésor, est un acteur central de ces évolutions au sein des différentes instances de Bpifrance, le Parlement n'est pas pleinement informé. Ainsi, les rapporteurs constatent que les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2023, y compris le nouveau « jaune budgétaire » relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance29(*), ne présentent pas les évolutions de ces coefficients multiplicateurs. De même, ces documents ne mentionnaient pas le changement général du mode de détermination des coefficients multiplicateurs, présenté infra, alors même que cette évolution s'applique dès 2023 et emporte des conséquences budgétaires notables.

Recommandation n° 1 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : présenter annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, les principales évolutions des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie gérés par Bpifrance intervenues lors du dernier exercice clos et de l'année en cours et celles qui sont prévisibles pour l'année suivante.

C. LE DISPOSITIF DES FONDS DE GARANTIE APPARAÎT PUISSANT ET EFFICACE AU REGARD DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES QU'IL ENGENDRE

Le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance consommant des dotations publiques, l'évaluation de son efficacité est indispensable. Les retombées économiques mesurées démontrent la puissance et l'efficacité de ce dispositif.

1. La théorie économique souligne tant les bénéfices que les risques potentiels d'un système des garanties publiques sur les prêts bancaires

Les banques commerciales font face à plusieurs types de difficultés lorsqu'elles évaluent les demandes de crédit des TPE et PME.

Comme l'explique une étude économique récente30(*), selon la théorie économique, le marché bancaire est marqué par des situations d'asymétries d'information31(*) et d'existence de coûts fixes32(*), qui génèrent des difficultés pour les banques commerciales dans le traitement des demandes de crédit, en particulier des TPE et PME.

En effet, les banques peinent à apprécier le risque associé au remboursement du prêt car ces entreprises ont rarement des états financiers courant sur un nombre significatif d'années. Pour les créations d'entreprises, il n'y a même par principe aucun recul sur l'activité de l'entreprise. En outre, les banques peuvent difficilement se couvrir contre le risque de non-remboursement du prêt en prenant des sûretés car ces entreprises n'ont pas toujours eu le temps de constituer un collatéral lié à leur activité. Enfin, ces entreprises étant de petite taille, les montants de prêt sollicités sont souvent relativement faibles, ce qui renchérit relativement les coûts fixes, réduisant l'incitation des banques à examiner ces demandes de prêt.

Face à ces écueils du marché, la mise en place d'un système de garantie publique sur les prêts peut permettre d'améliorer l'accès au financement bancaire des TPE et PME.

En premier lieu, la garantie permet aux banques de partager avec une institution publique le risque de l'octroi d'un prêt, ce qui est de nature à inciter les banques à financer des entreprises qui se trouvaient « au bord du financement ». En deuxième lieu, alors que la règlementation prudentielle dite « de Bâle » impose aux banques de maintenir des fonds propres « réglementaires » proportionnels au niveau de risque de leurs actifs, la garantie élimine une partie du risque de crédit. Dans ces conditions, l'existence d'une garantie permet aux banques de financer un montant cumulé de prêts plus important pour une même quantité de fonds propres mobilisée. En troisième lieu, dans les cas où l'octroi de la garantie fait l'objet d'une instruction par les services de l'institution garante (en l'espèce, Bpifrance), la banque bénéficie d'un deuxième regard expert sur une demande de prêt, ce qui réduit par nature les asymétries d'information et donc le risque pris par elle.

Néanmoins, la théorie économique souligne également des risques potentiels liée à la mise en place de fonds de garantie.

Tout d'abord, la théorie économique s'appuie sur le principe que les agents (les banques et les emprunteurs en l'espèce), notamment au sein des marchés de capitaux, sont rationnels et que leurs décisions conduisent à une allocation optimale des ressources. Or, un système de garantie trop souple (tarification faible, quotité élevée, faible exigence de collatéral, etc.) pourrait conduire les banques à financer des projets peu ou pas rentables, nuisant à la bonne allocation des ressources et donc à l'efficacité économique (concept d' « overlending »). Ensuite, un dispositif de garantie peut donner naissance à des phénomènes d' « anti-sélection » : le dispositif serait sollicité par les banques les moins aptes à estimer correctement les risques associés aux demandes de prêts, conduisant à un coût élevé de la garantie pour les pouvoirs publics et à une efficacité économique faible. Par ailleurs, le système de la garantie peut générer un phénomène d'« aléa moral » : en sécurisant les banques et en réduisant le besoin d'offrir des sûretés pour les entreprises, le mécanisme pourrait conduire à une prise de risque excessive. Enfin, si la tarification de la garantie est trop faible, un risque d'effet d'aubaine peut apparaître pour les banques : ces dernières pourraient solliciter la garantie sur des prêts qu'elle juge « sûrs » et qu'elles auraient octroyés dans tous les cas.

Il ressort de ces éléments que la théorie économique ne permet pas de juger de l'opportunité de principe de l'existence de systèmes de garantie sur les prêts bancaires. C'est en réalité le bon calibrage des paramètres de la garantie (quotité, tarification, exigence de collatéral, modalités d'octroi, etc.) qui détermine concrètement l'impact positif ou négatif du dispositif.

2. Les évaluations empiriques témoignent de l'efficacité du dispositif des fonds de garantie publics

Plusieurs travaux empiriques d'évaluation des retombées économiques des fonds de garantie ont été menés par des économistes. Globalement, ces études semblent montrer que les systèmes de garantie examinés présentent d'importants avantages, sans que des effets négatifs notables n'apparaissent.

Une première étude, publiée en 2019, a examiné l'impact des programmes européens de garanties publiques financés par l'Union européenne et mis en place par le Fonds européen d'investissement (FEI) en faveur des PME. L'étude a procédé à une évaluation pan-européenne, dans plusieurs pays européens, visant à comparer le devenir des entreprises soutenues indirectement à celui d'entreprises comparables n'ayant pas reçu de prêts garantis. Les résultats de l'étude témoignent d'un bilan plutôt positif : les prêts garantis entraînent une croissance des actifs des entreprises (entre 7 et 35 % selon les pays), des ventes (entre 6 et 35 %), et de l'emploi (entre 8 et 30 %). Les entreprises soutenues sont également entre 4 et 5 % moins susceptibles de faire faillite. Des limites de ces programmes de garantie apparaissent néanmoins également : les prêts garantis étudiés n'ont pas eu d'impact significatif sur la rentabilité, et l'effet sur la productivité est ambivalent33(*).

D'autres études ont plus directement porté sur les garanties mises en oeuvre par Bpifrance.

Une étude, publiée également en 2019, a cherché à examiner l'efficacité d'un programme de garantie publique sur les prêts bancaires en période de crise économique et de contraintes fortes sur l'accès au crédit (credit crunch). L'analyse a porté sur l'impact sur l'emploi d'un programme de garantie exceptionnellement déployé en 2008 et 2010 par Oséo (ancêtre de Bpifrance) en soutien à la trésorerie des entreprises. Ce programme était composé de deux fonds de garantie des crédits bancaires de 652 millions d'euros, permettant une capacité d'intervention de 6 milliards d'euros, au profit de crédits de court ou moyen terme pour les TPE, PME et ETI rencontrant des difficultés de trésorerie n'étant pas d'origine structurelle. Les principales conclusions de l'étude sont les suivantes :

le programme a eu un effet déclencheur sur la souscription d'emprunts bancaires, en particulier pour les entreprises les plus contraintes financièrement ;

les salariés des entreprises bénéficiaires ont eu une probabilité plus faible que les autres de perdre leur emploi et d'être au chômage, y compris plusieurs années après l'obtention du prêt garanti par l'entreprise (jusqu'en 2015) ; les salariés bénéficient en moyenne d'un surcroit de rémunération de 20 % par rapport aux entreprises non bénéficiaires ;

le programme a permis de préserver 217 000 années en emploi entre 2009 et 2015, soit en moyenne 31 000 emplois par an ;

une fois pris en compte le solde du fonds de garantie fin 2015 et les économies réalisées par l'assurance chômage, le coût pour les finances publiques est négatif (gain global pour les finances publiques).34(*)

En outre, quatre études ont porté directement sur les garanties, et fonds de garantie associés, aujourd'hui mis en oeuvre par Bpifrance.

Les conclusions de quatre études récentes commandées par Bpifrance sur les retombées économiques des fonds de garantie

Dans une volonté de mesurer l'impact économique des fonds de garantie gérés par Bpifrance, cette dernière a lancé un cycle d'évaluation, qui s'est traduit par la publication de quatre études, toutes réalisées sous la supervision d'un comité de pilotage associant notamment l'État et différentes institutions, ainsi que des chercheurs et économistes spécialisés.

Deux études ont ainsi été produites directement par des économistes de Bpifrance. Une première étude a mesuré l'impact économique des fonds de garantie « création » et « développement » opérés par Bpifrance35(*). Une deuxième étude s'est intéressée aux retombées économiques de la garantie de Bpifrance pour les opérations de reprises de fonds de commerce36(*). Les principales conclusions sur l'octroi de la garantie sont les suivantes pour les générations de bénéficiaires étudiées (2007 à 2015) :

les banques mobilisent la garantie pour financer des entrepreneurs ayant un profil plus risqué que la moyenne, ce qui est cohérent avec l'objectif : les entrepreneurs créant ou reprenant une entreprise pour la première fois sont surreprésentés au sein du fonds de garantie « création » (71 % des bénéficiaires contre 63 % des créateurs d'entreprise ayant obtenu un prêt sans garantie) et du fonds « transmission » (77 % des bénéficiaires contre 73 % des repreneurs non bénéficiaires). De même, la part des entrepreneurs demandeurs d'emploi au moment de démarrer leur projet est plus forte au sein du fonds « création » (40 % contre 27 %) et du fonds « transmission » (21 % contre 12 %), ces entrepreneurs étant a priori plus susceptibles d'éprouver des difficultés pour mobiliser un collatéral ;

la garantie a un impact positif et significatif sur la croissance des entreprises grâce au crédit débloqué : peut être observée une hausse du taux de survie à 3 ans, estimée à 8 points de pourcentage pour la garantie « création » et à 4 points de pourcentage pour les garanties « développement » et « transmission ». Une hausse du chiffre d'affaires est également observée : l'octroi d'une garantie se traduit par un surcroît de chiffre d'affaires d'environ 10 % à un horizon de 3 ans après le soutien pour les bénéficiaires du fonds « développement » et de 19 % pour les bénéficiaires du fonds « transmission ». Enfin, l'octroi de la garantie conduit à une hausse de l'emploi, avec environ un emploi additionnel par entreprise soutenue à un horizon de trois ans pour les fonds « création » et « développement ».

la garantie semble être un dispositif efficace au regard des ressources publiques mobilisées : l'étude des fonds création et développement estime par exemple que le montant de dotation nécessaire pour créer ou sauvegarder un emploi est compris entre 2 800 euros et 3 500 euros selon les profils d'entreprises soutenues.

Une troisième évaluation, co-produite cette fois par des économistes de Bpifrance et des chercheurs, a mesuré l'impact du dispositif de garantie sur la distribution de crédit des banques commerciales françaises37(*). Cette étude a permis de mesurer l'impact d'une facilitation de l'accès au dispositif de garantie (baisse du seuil de la procédure de « délégation » de l'octroi de la garantie) sur la production de crédit des banques françaises, dans une période de reprise économique (années 2015 et 2016). L'étude, focalisée sur le segment des prêts à la création d'entreprise, démontre que cette facilitation de l'accès à la garantie a eu un impact positif sur la production totale de crédit des banques françaises (garantie ou non), compris entre + 6 % et + 13 % à un horizon d'un an (selon les hypothèses retenues). Cet impact représente entre 70 et 140 millions d'euros de crédit supplémentaire, et entre 500 et 1 000 prêts additionnels. L'étude montre également qu'en parallèle, le profil de risque des bénéficiaires de garantie ne s'est pas dégradé post-relèvement des seuils. Ces différents éléments suggèrent que même dans un contexte économique favorable, faciliter l'accès des banques aux garanties de prêts permet d'augmenter les prêts bancaires accordés aux entreprises en création, sans détériorer la qualité des entreprises créées38(*).

Enfin, une quatrième étude a porté sur l'évaluation de l'impact économique des PSG de Bpifrance. Pour ce qui concerne le volet garantie de ces PSG39(*), cette étude estime qu'un euro de dotation immobilisé permet de générer entre 6 et 9 euros d'investissement.

Source : Bpifrance, les quatre études publiées et réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux par Bpifrance et la direction générale du Trésor

Le croisement des résultats de ces études semble suggérer que la garantie est un dispositif efficace au regard des ressources publiques mobilisées, notamment en raison de l'effet de levier de la garantie. Les rapporteurs spéciaux constatent que l'effort d'évaluation des dispositifs des fonds de garantie par Bpifrance a été fortement renforcé ces dernières années, d'autant qu'il est associée à une politique d'ouverture des données dont peuvent se saisir les chercheurs pour procéder à des évaluations indépendantes. La plus récente étude produite40(*) a d'ailleurs impliqué des économistes n'appartenant pas à Bpifrance.

Les auditions organisées par les rapporteurs spéciaux ont néanmoins été l'occasion de constater que de nouvelles évaluations pourraient être opportunément produites. Il pourrait s'agir, d'une part, d'intégrer dans les calculs les retombées économiques indirectes, notamment s'agissant des moindres dépenses publiques en matière de chômage et de la hausse des recettes fiscales et sociales liée aux emplois créés ou préservés, pour juger de l'efficience du dispositif. Il serait également opportun de comparer l'efficience économique, pour un euro de dotation publique, des fonds de garantie par rapport à d'autres types d'interventions, comme les subventions ou les crédits d'impôts. En outre, il serait souhaitable que les évaluations soient menées par des chercheurs indépendants.

Recommandation n° 2 - Bpifrance, Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique : poursuivre le travail d'évaluation de l'efficience économique des fonds de garantie gérés par Bpifrance, en privilégiant une démarche intégrant les gains indirects et en comparant les résultats obtenus avec d'autres types d'interventions en faveur des entreprises, notamment les subventions et les crédits d'impôts.

En outre, les auditions et travaux menés par les rapporteurs spéciaux ont été l'occasion d'aborder le sujet du niveau du seuil de « délégation »41(*) de la procédure d'octroi de la garantie de Bpifrance, aujourd'hui plafonné à 200 000 euros. Ce seuil a été doublé en 2015, passant de 100 000 euros à 200 000 euros, ce qui a conduit, selon une étude récente42(*), à une hausse du nombre et du montant cumulé des prêts, pour un montant de dotation publique par emploi additionnel créé par ce biais compris entre 5 800 et 7 400 euros, sans que ne soient pris en compte les avantages indirects (réduction des dépenses de chômage, hausse des cotisations sociales, etc.). En résumé, comme l'indique l'étude, les « différents résultats suggèrent que faciliter l'accès des banques françaises à la garantie peut stimuler la production de crédit pour les entreprises en création sans dégrader la qualité du portefeuille garanti, et ce même en phase d'expansion du cycle économique ». En outre, il convient de noter que les conditions de la garantie pour les banques sont le plus souvent légèrement plus avantageuses (quotité garantie plus élevée et prime moins onéreuse) dans le cadre de la procédure de délégation de la décision que dans le cadre de la procédure de notification.

L'idée d'un éventuel nouveau relèvement du seuil de délégation a semblé, lors des auditions, faire l'objet d'un certain consensus non seulement au sein du monde bancaire mais également auprès de la plupart des économistes. Si Bpifrance a souligné les limites intrinsèques que présenterait un niveau de seuil de délégation trop élevé43(*) et souligné le besoin pour Bpifrance de continuer à gérer un nombre suffisant de dossiers en direct (via la procédure de notification) pour conserver le lien avec le monde entrepreneurial, il apparaît qu'une hausse modérée du seuil serait bénéfique. Et ce d'autant plus que les banques ont montré, à l'occasion du déploiement des PGE, leur capacité à continuer à évaluer correctement les risques alors même que les conditions de la garantie étaient beaucoup plus favorables que pour les fonds de garantie classiques, en termes de quotité garantie.

Recommandation n° 3 - Bpifrance - : prévoir un rehaussement modéré du niveau du seuil, applicable au montant des prêts bancaires, en-dessous duquel l'octroi des garanties de Bpifrance est délégué aux banques (« procédure de délégation »).

3. Le dispositif bénéficie aujourd'hui à un nombre important d'entreprises, dans de nombreux secteurs et sur tout le territoire

Au total, en 2022, les fonds de garantie nationaux (fonds de place et fonds associés à un PSG), ont permis la couverture de 6,37 milliards d'euros d'engagements de garantie pris cette année-là, en hausse de 19,8 % par rapport à 2021. 96 491 prêts ont été garantis en 2022, soit une hausse de 45,1 % par rapport à 2021. S'y ajoutent les engagements de garantie pris sur le compte des fonds de garantie régionaux, pour 350 millions d'euros en 2022, en hausse de 15,1 %, au profit de 2 635 prêts.

Pour ce qui concerne les fonds nationaux de garantie de place, les engagements de garantie pris en 2022 se sont établis à 4,1 milliards d'euros (soit 64,5 % des engagements de garantie). Les fonds de garantie de « Création » d'entreprises représentent 52,2 % du montant (79 % des dossiers), les fonds de « Transmission » 19,6 % et les fonds « Développement » 17,8 %, soit près de 90 % en cumulé pour ces trois principaux types de fonds. Par ailleurs, sur les 4,1 milliards d'euros garantis, 3,7 milliards sont constitués par des crédits bancaires classiques, 200 millions d'euros sur des prêts en fonds propres et environ 200 millions d'euros sont des prêts de court terme.

Répartition des engagements en garantie pris en 2022 sur les fonds nationaux
de garantie de place par types de fonds

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les documents transmis par Bpifrance

Les crédits bancaires associés à ces engagements de garantie représentent quant à eux environ 8 milliards d'euros en 2022, au profit de 62 339 entreprises44(*). Ce niveau est plus élevé qu'en 2020 (environ 6 milliards d'euros) et 2021 (environ 7 milliards d'euros), années durant lesquelles le déploiement massif des PGE a conduit à une baisse de la mobilisation de la garantie classique.

En 2022, les prêts bancaires garantis par Bpifrance représentent environ 2 % du total des prêts accordés aux entreprises en France, cette proportion atteignant 4 % pour les prêts inférieurs à 1 million d'euros.

Pour ce qui concerne les fonds nationaux de garantie associés à un PSG, les engagements de garantie pris en 2022 se seraient établis à 2,26 milliards d'euros en 2022 (soit 35,5 % des engagements en garantie). Les crédits de Bpifrance (financeur) associés à ces engagements de garantie représentent quant à eux environ 4,96 milliards d'euros, en hausse de 9,1 %.

Les garanties de Bpifrance octroyées via les fonds de garantie nationaux en 2022 connaissent une répartition géographique couvrant l'ensemble du territoire. Sur le territoire métropolitain, des entreprises de toutes les régions sont concernées ; les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France regroupent à elles deux plus d'un tiers des montants garantis, que ce soit sur les fonds de place ou les fonds associés à des PSG.

Répartition géographique des montants garantis
en 2022 via les fonds de garantie nationaux sur les prêts bancaires

(en pourcentage)

Source: Bpifrance

La répartition par secteur économique des montants garantis via les fonds nationaux de place, très stable depuis au moins une dizaine d'années, témoigne du fait que l'ensemble du tissu économique entrepreneurial bénéficie du dispositif45(*).

Répartition sectorielle des montants garantis via les fonds de place
gérés par Bpifrance en 2022

(en pourcentage)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

Pour ce qui concerne les garanties sur les PSG, selon la classification fournie par Bpifrance aux rapporteurs spéciaux, ce sont les entreprises des secteurs de l'industrie manufacturière (25 %), du commerce et de la réparation de véhicules (19 %), des activités spécialisées, scientifiques et techniques (16 %) et de l'information et de la communication qui en bénéficient le plus (10 %).

Enfin, s'agissant de la typologie des entreprises bénéficiant de prêts garantis via les fonds nationaux de garantie de place, ce sont les TPE qui sont les plus concernées. Elles représentent, en 2022, 87 % des bénéficiaires et 60 % du montant des garanties, contre respectivement 13 % et 40 % pour les PME. Pour ce qui concerne les montants garantis sur les PSG, les rapporteurs spéciaux ne disposent pas de la ventilation par type d'entreprise, étant rappelé qu'outre les TPE et PME, peuvent également en bénéficier les ETI.

Le stock d'engagements en garantie d'actifs associés aux fonds de garantie nationaux gérés par Bpifrance (y compris les fonds de garantie européens et privés, qui représentent une part relativement marginale), qu'ils soient « de place » ou associés à un PSG, représente un montant cumulé de 21,9 milliards d'euros au 31 décembre 2022, contre environ 12 milliards d'euros en 2012. Cette forte hausse est principalement imputable aux fonds de garantie internes (associés aux PSG), l'encours moyen des fonds de garantie de place étant resté relativement stable. Alors qu'environ 85 % des garanties portaient sur des prêts bancaires en 2012 contre 15 % pour les PSG, ces ratios étaient respectivement de 57 % et 43 % en 2021. La dynamique en faveur des PSG s'est en outre encore renforcée à l'occasion de la crise sanitaire.

S'ajoutent à ce montant les engagements de garantie régionaux (fonds de garantie régionaux), qui s'élevaient à cette date à 1,19 milliard d'euros. Au total, les engagements de garantie atteignaient ainsi 23,1 milliards d'euros à fin 2022.

Certains fonds de garantie présentent des engagements d'un niveau élevé. Ainsi, 9 fonds ou compartiments de fonds de garantie présentent des engagements de garantie supérieurs à 700 millions d'euros au 31 décembre 2022, parmi lesquels :

- le fonds de garantie « Création PME et TPE » (fonds de place) : 2,15 milliards d'euros ;

- le fonds de garantie « Développement » (fonds associé à un PSG) : 2,114 milliards d'euros ;

- le fonds de garantie « Prêt vert » (fonds associé à un PSG) : 1,02 milliard d'euros ;

- le fonds de garantie « Transmission PME et TPE » (fonds de place) : 998,5 millions d'euros ;

- le fonds de garantie « Prêt tourisme » (fonds associé à un PSG) : 542,3 millions d'euros.

II. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE GÉRÉS PAR BPIFRANCE DOIT ÊTRE RENDU PLUS LISIBLE ET DEMEURER UNE PRIORITÉ STRUCTURANTE

Les financements affectés par l'État aux fonds de garantie gérés par Bpifrance manquent aujourd'hui de lisibilité. Ils doivent être entièrement budgétisés, en s'appuyant en particulier sur le programme 134. En outre, au regard de l'efficacité économique de l'activité de garantie de Bpifrance, en particulier des prêts bancaires, cette dernière doit rester une priorité dans les financements octroyés par l'État à Bpifrance.

A. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE DOIT ÊTRE RAPIDEMENT RENDU PLUS LISIBLE ET ÊTRE ENTIÈREMENT BUDGÉTISÉ, DANS UN CONTEXTE OÙ LA FRÉQUENCE DES BESOINS EN DOTATIONS ANNUELLES DEVRAIT RETROUVER SON NIVEAU NORMAL

1. Le financement par l'État des fonds de garantie doit être pleinement budgétisé et garantir une véritable lisibilité budgétaire

Les fonds de garantie reposent ainsi sur des dotations de différents acteurs. Les dotations de l'État sont, de loin, les plus significatives46(*).

En principe, le fonctionnement normal de l'abondement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance repose sur l'affectation d'une dotation budgétaire annuelle, laquelle a vocation à être consommée également chaque année47(*). Cette dotation est traditionnellement principalement portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » et qui sont affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance. Néanmoins, le financement par l'État des fonds de garantie s'effectue aujourd'hui par plusieurs biais.

En premier lieu, s'est ajouté au programme 134 un ensemble de financements plus ou moins réguliers intégrés à ce que la terminologie de Bpifrance classe dans le « périmètre Trésor », à savoir les crédits que la direction générale du Trésor loge dans les fonds de garantie. Il s'agit de crédits budgétaires issus du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance », mais également de ressources financières moins orthodoxes, dont une partie constitue des « subterfuges », pour reprendre un terme utilisé lors des auditions menées par les rapporteurs spéciaux. Depuis 2019 en particulier, le financement par l'État s'est, en fonction des années, porté sur plusieurs des vecteurs suivants au sein du « périmètre Trésor » :

- les dotations budgétaires issues du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » ;

- les dotations budgétaires issues du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ;

- les « résidus futurs probables », qui correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle, en cours d'exercice, supérieure aux besoins de couverture des risques en raison d'une sinistralité constatée des prêts garantis plus faible qu'anticipée (lors de la détermination du coefficient multiplicateur), sur un fonds spécifique, plusieurs fonds, voire l'ensemble des fonds relevant d'un dotateur, par exemple l'État. Les résidus futurs probables peuvent permettre des redéploiements d'un fonds à l'autre ou, lorsqu'il existe des résidus en cumulé sur l'ensemble des fonds financés par l'État en fin d'année, contribuer à leur financement pour l'année suivante, en substitution notamment de dotations budgétaires ;

- les produits financiers générés par la trésorerie du fonds de réserve et du fonds de mutualisation des fonds de garantie de Bpifrance ;

des abandons d'avances de la part d'actionnaires (l'État ou la Caisse des dépôts et consignations en particulier) ;

des transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance vers les fonds de garantie ;

des recyclages de dividendes versés à l'EPIC Bpifrance et redirigés vers les fonds de garantie ;

d'autres redéploiements, d'un montant plus faible.

Lors de l'exécution 2022, selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, ont été consommés sur le « périmètre Trésor » 68 millions d'euros au titre des crédits ouverts sur le programme 363 « Compétitivité », 372 millions d'euros au titre des résidus futurs probables et, enfin, 3 millions d'euros au titre des produits financiers issus du fonds de réserve et du fonds de mutualisation des fonds de garantie, soit 443 millions d'euros au total. Aucun crédit n'a été consommé sur le programme 134.

Crédits annuels consommés sur le « périmètre Trésor » par Bpifrance
depuis 2017, y compris au titre des fonds de garantie

(en millions d'euros)

Ressources concernées

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (prévision, PLF pour 2023)

dotations budgétaires issues du programme 134

25

40

 

100

     

dotations budgétaires issues du programme 343

       

152

68

33

résidus futurs probables

81

324

84

283

209

372

439

produits financiers générés par la trésorerie du fonds de réserve et du fonds de mutualisation

9

9

4

4

4

3

4

abondement du fonds de mutualisation

282

           

abandons d'avances d'actionnaires

     

94

     

transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance

     

115

     

recyclages de dividendes versés à l'EPIC Bpifrance

   

150

150

     

autres redéploiements

     

2

13

   

Ressources totales consommées

397

373

238

74848(*)

378

443

476

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En second lieu, si les ressources évoquées supra regroupent la majorité des montants affectés par l'État aux fonds de garantie (et financent l'essentiel des fonds de garantie généralistes), l'État procède également à des affectations de ressources par d'autres biais. Ainsi, la mise en place de fonds de place thématiques (par exemple France numérique ou le Prêt étudiants) s'accompagne parfois de la mobilisation de dotations versées par d'autres administrations que la direction générale du Trésor, notamment la direction générale des entreprises, le secrétariat général pour l'investissement ou les administrations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ont notamment été concernés les programmes 364 « Cohésion », 192 « Recherche et enseignement supérieur » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Au final, les modalités actuelles de financement par l'État des fonds de garantie opérés par Bpifrance posent des enjeux tenant, d'une part, à leur lisibilité et, d'autre part, à la question de leur budgétisation.

Premièrement, la lisibilité des flux financiers versés par l'État aux fonds de garantie gérés par Bpifrance est particulièrement réduite, notamment pour la Représentation nationale. D'une part, l'utilisation d'artifices de financement complique par nature le suivi des flux. D'autre part, la présentation qui est faite des modes de financement n'en permet pas encore une analyse synthétique. La création par la loi de finances pour 2022 d'un nouveau jaune budgétaire annuel, à compter du projet de loi de finances pour 2023, intitulé « Rapport relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance », était nécessaire et a amélioré l'information disponible, notamment pour le Parlement.

Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances de l'année relatif
aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance

La loi de finances initiale pour 202249(*) a prévu, à l'initiative d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale dont les rapporteurs spéciaux avaient souligné l'opportunité, la création d'une annexe générale au projet de loi de finances de l'année relative aux activités de Bpifrance. Cette annexe est ainsi mentionnée au 30° de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. L'existence de ces annexes est prévue au 7° de l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

L'annexe prend la forme d'un rapport, qui présente notamment « les informations suivantes, relatives au dernier exercice clos » :

- « a) le montant de prise en garantie, au 31 décembre, des principaux fonds de garantie actifs et bénéficiant de dotations de l'État, gérés par Bpifrance pour son compte propre ou pour le compte de tiers, rapporté à la dotation totale de ces fonds, ainsi que les éventuels reliquats sis sur ces fonds ; le niveau d'encours des produits qui leur sont adossés ainsi qu'un résumé des flux ayant affecté en crédit ou en débit le niveau de ces fonds au cours de l'exercice précédent, en particulier lorsque ces flux traduisent des redéploiements intervenus entre fonds de garantie » ;

- « b) Une synthèse des flux financiers intervenus entre l'État et Bpifrance, ainsi qu'une analyse des flux financiers intervenus entre entités au sein du groupe, notamment pour ce qui concerne la distribution de dividendes ou l'octroi de prêts ou de lignes de trésorerie et leur contribution éventuelle au financement de l'activité de Bpifrance » ;

- « c) Une liste des dispositifs mis en oeuvre par Bpifrance au nom et pour le compte de l'État et financés sur dotations publiques (...) ».

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, ledit jaune budgétaire a proposé une présentation générale des dotations budgétaires et flux financiers entre l'État et Bpifrance. Néanmoins, cette présentation, aussi utile soit-elle, comporte encore de nombreuses limites. Tout d'abord, y étaient principalement présentées, notamment pour ce qui concerne les fonds de garantie, les dotations budgétaires aux différents programmes qui concernent Bpifrance au titre de 2021 (pour l'ensemble de ses métiers), sans mise en perspective sur les années précédentes et prévision pour les années postérieures. En outre, les informations synthétiques présentées sur les flux financiers recouvraient l'ensemble des activités de Bpifrance et ne donnaient pas une présentation consolidée et isolée du financement annuel par l'État des fonds de garantie.

Les éléments transmis par Bpifrance dans le cadre des travaux des rapporteurs spéciaux faisant l'objet du présent rapport ont permis de clarifier de nombreux points. Mais il apparait que l'information sur le financement des fonds de garantie par l'État - et au-delà - doit encore être renforcée. Elle doit en outre être actualisée chaque année, de façon claire et lisible, dans le jaune budgétaire. Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux rejoignent la recommandation de la Cour des comptes, dans son récent rapport sur Bpifrance50(*), visant à ce que le jaune budgétaire indique chaque année le solde réellement disponible pour les nouvelles prises en garantie, qui n'est effectivement pas connu. Selon un constat clair, cette dernière précise au final que « la mise en place d'un jaune budgétaire donne un début d'information, mais sans perspective historique ni possibilité donnée au Parlement d'exercer un contrôle accru sur ces mouvements financiers ».

Recommandation n° 4 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : présenter annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, une synthèse consolidée de l'ensemble des financements de l'État, qu'ils soient budgétaires ou non, affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance pour le dernier exercice clos et ceux qui sont prévisibles pour l'année en cours et l'année suivante.

Outre la lisibilité des financements des fonds de garantie par l'État, une autre difficulté tient, en second lieu, à leur débudgétisation partielle. En effet, les fonds de garantie sont aujourd'hui largement financés par des ressources ne relevant pas de dotations budgétaires annuelles51(*). Les rapporteurs spéciaux considèrent, comme ils le rappellent à l'examen de chaque projet de loi de finances, que cette situation n'est pas satisfaisante. Il est, en effet, nécessaire d'assurer la budgétisation du financement des fonds de garantie par l'État. Une telle budgétisation relève d'un principe vertueux de bonne gestion. Elle donnerait en outre sa pleine mesure au rôle du Parlement en matière de vote, de suivi et de contrôle de l'exécution des crédits affectés aux fonds de garantie. Aujourd'hui, comme l'écrit la Cour des comptes dans son rapport récent sur Bpifrance52(*), certains financements de l'État « s'effectuent hors de tout contrôle parlementaire ».

Les rapporteurs spéciaux considèrent, d'une part, que l'importance prise récemment par les résidus futurs probables dans le financement des fonds de garantie n'est pas vertueuse et qu'il doit y être mis fin, ce que des évolutions récentes devraient permettre en limitant les flux de création53(*). En effet, l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement devrait concerner une dotation annuelle, de nature à permettre un contrôle effectif de la politique mise en oeuvre et de l'utilisation des crédits ; or en l'état, cette autorisation est épisodique et les crédits votés, utilisés in fine sur plusieurs années, sont difficilement traçables par les parlementaires.

En outre, les modalités hétérodoxes de financement consistant dans les abandons d'avances d'actionnaires, les transferts de trésorerie et les recyclages de dividendes de la part de l'EPIC Bpifrance doivent être proscrits. Dans son précédent rapport de 2016 sur Bpifrance54(*), la Cour des comptes indiquait d'ailleurs, à propos de l'un des subterfuges de financement utilisé, que le « recyclage constitue une opération de débudgétisation qui prive de fait le Parlement d'exercer son pouvoir en matière budgétaire. Le processus budgétaire normal aurait été celui d'une remontée des dividendes de Bpifrance au budget de l'État et de l'inscription des crédits nécessaires en loi de finances en vertu des principes d'universalité et de non contraction des dépenses et des recettes ».

Plus précisément, le financement de la part de l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance devrait s'effectuer essentiellement par le biais du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » dans le « périmètre Trésor ». Ce dernier programme constitue à la fois le vecteur traditionnel et le vecteur idoine s'agissant d'une politique publique de soutien au financement des entreprises. Selon les termes mêmes de la secrétaire d'État compétente en la matière en 2019, Agnès Pannier-Runacher, il existe un « cordon ombilical »55(*) entre Bpifrance et la mission « Économie ». Or ledit programme n'a été mobilisé, depuis 2019, qu'une seule fois en cinq ans, en 2020. Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs été à l'initiative, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, d'un amendement visant à maintenir la ligne qui était prévue à cet effet sur le programme 134. Par ailleurs, le fait que des fonds de garantie présentant des objectifs spécifiques continuent à être alimentés par d'autres programmes budgétaires en lien avec ces objectifs, en dehors du « périmètre Trésor », ne pose pas de difficultés, à condition que ces financements puissent être clairement suivis dans la documentation budgétaire et en particulier au sein du jaune budgétaire relatif à Bpifrance56(*).

2. Les évolutions récentes des modalités de détermination des coefficients multiplicateurs devraient opportunément conduire à une réduction du flux de résidus annuels

L'activité des fonds de garantie gérés par Bpifrance, ces dernières années, a conduit à la création d'un stock important de résidus futurs probables sur le « périmètre Trésor ». Dans un contexte de sinistralité faible et d'application d'un mode de calcul prudent des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie, le stock de résidus est allé croissant. Alors que ce stock consolidé représentait 138 millions d'euros au 30 juin 2016, il a atteint 1 070 millions d'euros au 30 juin 2021, avant de s'établir à 923 millions d'euros au 30 juin 2022.

Évolution du stock consolidé de résidus futurs probables
sur le « périmètre Trésor »

(en millions d'euros)

Date

Dotations

Au 30 juin 2016

138

Au 30 juin 2017

194

Au 30 juin 2018

206

Au 30 juin 2019

358

Au 30 juin 2020

378

Au 30 juin 2021

1 070

Au 30 juin 2022

923

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

La très forte hausse du stock cumulé observée en un an, au 30 juin 2021, s'explique principalement de deux manières. D'une part, le conseil d'administration de Bpifrance a modifié cette année-là les modalités de détermination des résidus futurs probables, aboutissant à une hausse mécanique de 400 millions d'euros du stock. D'autre part, la sinistralité constatée sur les prêts garantis à compter de mars 2020 était moitié plus faible qu'attendue, ce qui a conduit à une forte hausse des résidus futurs probables. La faible sinistralité constatée en 2020 et 2021 s'explique en particulier par l'effet des mesures de soutien aux entreprises mises en place par ailleurs durant cette période, notamment le soutien massif en trésorerie apporté par les PGE. Jusqu'en juin 2022, le flux de création de résidus futurs probables est resté significatif (bien que le stock ait lui-même réduit57(*)), notamment en raison d'un contexte de sinistralité restant faible - bien qu'en hausse progressive -, ce qui a généré des résidus futurs additionnels. 

Or, la forte hausse du stock de résidus futurs probables a participé à déséquilibrer le mode de financement des fonds de garantie par l'État. En effet, elle conduit à mobiliser ces sommes pour financer le fonctionnement des fonds de garantie l'année suivante, notamment en substitution des dotations budgétaires. L'une des principales sources de financement des fonds de garantie ces dernières années a ainsi pris la forme des résidus futurs probables, qui ont représenté sur quatre ans (2020 à 2023) un financement de 1,3 milliard d'euros. En 2022, les résidus futurs probables ont représenté 84,0 % des financements sur le « périmètre Trésor », pour seulement 15,3 % pour la dotation budgétaire du programme 363.

Cette situation, très insatisfaisante en termes de gestion budgétaire, devrait néanmoins évoluer à court terme. En effet, il est rapidement attendu une nette diminution des montants de résidus dès 2023, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la sinistralité des prêts garantis connait désormais une tendance haussière plus nette, tant sur les fonds de place que sur les fonds associés aux PSG, même si le niveau de sinistralité reste très modéré. À titre d'exemple, alors que le taux de sinistralité était d'environ 2 % pour le fonds « création » début 2022, il dépasse 3 % début 2023, soit une hausse d'environ 50 % en un an.

Évolution depuis 2007 du taux de sinistralité instantané annuel des prêts garantis, pour cinq fonds de garantie

(en millions d'euros, au 30 juin)

Source: Bpifrance

D'autre part, Bpifrance a récemment fait évoluer les modalités générales de calcul des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie.

Une évolution des modalités générales de détermination des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie en 2023, de nature à limiter la production de résidus annuels

Si chaque fonds de garantie voit son coefficient multiplicateur être spécifiquement fixé, des critères généraux de détermination des modalités de calcul des coefficients multiplicateurs s'appliquent à tous les fonds.

Jusqu'en 2023, la pratique retenue, pour les fonds de garantie dépendant de l'État, était de privilégier un coefficient multiplicateur correspondant à une probabilité de 65 % que la dotation couvre les pertes anticipées. Selon la direction générale du Trésor58(*), cette règle conduisait à « un niveau de prudence très hétérogène et globalement trop élevée entre les fonds, dont la dotation envisagée pour les générations 202359(*) des fonds n'aurait pas été consommée en moyenne à hauteur de 6 % à 25 % ». Il a donc été décidé, notamment au motif du manque de lisibilité budgétaire engendré par cette situation, de modifier ce critère général de détermination des coefficients multiplicateurs et de retenir, pour l'avenir, des coefficients correspondant à une prévision de taux de non-consommation de 2 % du montant de la dotation pour chaque fonds. Cette nouvelle règle permet, selon la direction générale du Trésor, d'augmenter l'effet de levier des fonds de garantie, tout en assurant l'équilibre financier des fonds. Selon le très récent de la Cour des comptes sur Bpifrance60(*), cette règle conduirait, « à disponibilités sur les fonds inchangées, d'augmenter de 15 % les capacités d'octroi de garantie »61(*).

Le rehaussement de l'effet de levier des ressources des fonds de garantie permis par la hausse générale des coefficients multiplicateurs conduit, à niveau d'engagements de garantie constants, à un moindre besoin en ressources, quelles que soient leurs formes (y compris budgétaires). Dans le même temps, la hausse des coefficients multiplicateurs devrait conduire à une baisse très significative des résidus constatés chaque année.

Au total, dans une optique pluriannuelle, les besoins en dotations vont se révéler plus fréquents, mais le besoin annuel en ressources des fonds de garantie sera moindre, grâce à un effet de levier plus fort. Les rapporteurs spéciaux estiment que cette évolution doit être mise à profit pour appuyer le financement des fonds de garantie sur la consommation d'une dotation annuelle financée par le programme 134.

À l'occasion du projet de loi de finances pour 2023, il a été indiqué, en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux, que le besoin de financement des fonds de garantie sur le « périmètre Trésor » serait de 476 millions d'euros en 2023, dont 439 millions d'euros seraient ponctionnés sur le stock de résidus. Les résidus représenteraient donc plus de 92 % des ressources en 2023. À fin 2023, Bpifrance estime que le stock de résidus devrait s'établir à 370 millions d'euros.

Évolution du stock consolidé de résidus futurs probables
sur le « périmètre Trésor » depuis 2018

(en millions d'euros, au 30 juin, de 2018 à 2022,
et au 31 décembre en 2023)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

Pour 2024, selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, le besoin en financement des fonds de garantie sur le « périmètre Trésor » serait d'environ 350 millions d'euros. Ce niveau, inférieur d'environ 20 % à celui de 2022, permettrait selon Bpifrance de maintenir un niveau d'engagements de garantie équivalent, en raison de la hausse de l'effet de levier permise par la modification des modalités de détermination des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie62(*).

Il résulte de ce besoin que les résidus futurs probables ne pourront pas financer entièrement les besoins de financement des fonds de garantie au-delà de 2024. À l'occasion des auditions de Bpifrance dans le cadre du présent contrôle, ce dernier a suggéré de répartir l'utilisation du stock restant de résidus sur deux ans, à raison d'environ 185 millions d'euros en 2024 puis en 2025, et de mobiliser pour le reste du besoin de financement des crédits du programme 134. Les rapporteurs spéciaux souscrivent sur le principe à cette proposition, qui permet de rétablir la place du programme 134 dans le financement des fonds de garantie, tout en lissant sur plusieurs années la hausse des crédits budgétaires nécessaires et en épuisant le stock de résidus disponible.

Recommandation n° 5 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : recentrer le financement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », et ce dès 2024.

B. L'ACTIVITÉ DE GARANTIE DE BPIFRANCE DOIT DEMEURER UNE PRIORITÉ, TANT POUR LE SOUTIEN GÉNÉRAL AU FINANCEMENT BANCAIRE DES TPE ET PME QUE POUR LA MISE EN oeUVRE DE POLITIQUES STRUCTURANTES

L'activité de garantie de Bpifrance, du fait de l'importance des retombées économiques qu'elle génère, doit demeurer une priorité dans le financement par l'État de Bpifrance par le programme 134. Outre le soutien général au financement, notamment bancaire, des TPE et PME que cette activité permet, elle peut être mise au service de politiques publiques économiques structurantes.

1. Le financement des actions de Bpifrance par le programme 134 doit préserver la place de l'activité de garantie des prêts bancaires

En moyenne, depuis 2017, les crédits affectés aux fonds de garantie de Bpifrance via le « périmètre Trésor », représentent environ 350 millions d'euros par an, une fois retraité le pic de consommation de dotations de l'année 2020 lié à la campagne exceptionnelle de lancement du « Prêt Atout » en préfiguration des PGE.

Ce niveau moyen pluriannuel de consommation de 350 millions d'euros par an est en réalité en hausse annuelle progressive (il s'est établi à 443 millions d'euros en 2022), notamment en raison de l'utilisation des fonds de garantie pour répondre à de plus en plus d'enjeux de financement des entreprises. Il convient par ailleurs de noter que ces niveaux de consommation ne reflètent pas directement les niveaux d'activité, en raison de l'existence d'un effet de levier de la garantie sur les financements effectivement octroyés aux entreprises63(*).

Ce niveau de consommation peut être ventilé par types de financements garantis par Bpifrance.

Répartition annuelle depuis 2017 des crédits consommés par les fonds
de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du « périmètre Trésor »
par types de financements garantis

(en millions d'euros)

Source: Bpifrance. En jaune : la part des crédits consommés par les fonds de garantie sur les prêts bancaires (fonds de place) ; en gris, la part des crédits consommés par les fonds de garantie associés à un PSG relevant de l'activité de financement ; en violet et en vert, la part des crédits consommés par les fonds de garantie de place ou associés à un PSG relevant, respectivement, de l'activité de soutien à l'innovation ou de soutien à l'entrepreneuriat

L'activité de garantie des prêts bancaires (fonds de place) représentait 61 % des crédits consommés sur le « périmètre Trésor »en 2017 (244 millions d'euros) ; elle en représente 48 % en 2022 (212 millions d'euros), en baisse en valeur absolue de 13,1 %. Dans le même temps, l'activité de garantie des PSG correspondant à l'activité de financement, qui représentait 27 % des crédits consommés en 2017 (107 millions d'euros), en représente 44 % en 2022 (194 millions d'euros), en hausse en valeur absolue de 81,3 %64(*).

Évolution des crédits consommés par type de fonds de garantie de Bpifrance
sur le « périmètre Trésor »

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

La forte hausse de la part et de la valeur absolue des crédits consommés au titre des fonds de garantie associés aux PSG est la conséquence directe de la mobilisation toujours plus forte par Bpifrance de l'outil des PSG pour financer les entreprises. Alors que ces derniers représentaient un montant cumulé de prêts par Bpifrance de 2,77 milliards d'euros en 2019, ce montant a atteint au total 4,96 milliards d'euros en 2022 (dont une part est garantie), soit une hausse de 78,9 %. Au sein de ce montant, 3 milliards d'euros de prêts ont été accordés au titre de l'activité de financement de Bpifrance, dans le « périmètre Trésor ». La montée en puissance des PSG, qui remonte à plusieurs années65(*), s'est encore accélérée pendant la crise sanitaire, durant laquelle ils ont figuré en place centrale dans la réponse apportée par les pouvoirs publics et par Bpifrance, aux côtés du PGE notamment.

Cette montée en puissance emporte des conséquences sur l'activité de garantie des prêts bancaires. En effet, les financements octroyés par le biais du périmètre Trésor étant par nature limités, les crédits disponibles au titre de la garantie des prêts bancaires sont plus contraints.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'activité de financement de Bpifrance, notamment sous la forme de PSG, et celle des fonds de garantie associés à un PSG qui en découle, constitue une activité bénéfique au tissu entrepreneurial français et à l'activité économique.

Ils soulignent néanmoins qu'il convient de prendre en considération, dans l'affectation des ressources, l'impact économique final des dotations publiques. L'effet de levier très significatif des garanties sur les prêts bancaires « classiques » déployées par Bpifrance, doit de ce point de vue conduire à continuer d'en faire une priorité dans le financement par l'État des activités de Bpifrance.

À l'échelle de la garantie et sur le « périmètre Trésor », la mobilisation d'environ 212 millions d'euros de dotations issues du programme 134 a schématiquement permis une production en risques de l'ordre de 4 milliards d'euros par an et un soutien final à l'économie de 8 milliards d'euros par an sous forme de prêts bancaires, soit un effet d'entrainement de 3866(*). En comparaison, lorsque l'on intègre au calcul l'ensemble de l'activité de garantie (sur les prêts bancaires et sur les PSG), ce sont environ 11 milliards d'euros de prêts divers (dont une partie est garantie) qui ont été octroyés en 2022 soit par les banques soit par Bpifrance, soit par les réseaux d'accompagnement, sur la base des financements du périmètre Trésor (443 millions d'euros), soit un niveau d'entraînement d'environ 25, un niveau élevé mais sensiblement inférieur. Ces chiffres témoignent d'un effet de levier des fonds de garantie sur les prêts bancaires bien supérieur aux autres types de fonds de garantie.

En outre, le relèvement des taux d'intérêt sur le marché bancaire devrait encore renforcer l'utilité du déploiement des garanties pour permettre un accès plus large au financement bancaire pour les entreprises.

Dans ces conditions et alors que la situation des finances publiques doit inciter à mesurer les retombées de chaque dotation publique, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il convient de ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire, à savoir environ 60 % des ressources et, en valeur absolue, a minima 220 millions d'euros.

L'éventualité, évoquée lors des auditions, de l'instauration par l'État à compter de 2024 d'un plafond sur le financement de plusieurs actions de Bpifrance ne doit par ailleurs pas remettre en cause le niveau de financement des fonds de garantie.

Recommandation n° 6 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires (fonds de place) au sein des crédits du programme 134 affectés à Bpifrance à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire.

2. Les fonds de garantie constituent également un vecteur pour la mise en oeuvre de politiques publiques structurantes

Outre leurs retombées économiques importantes, les fonds de garantie gérés par Bpifrance constituent un outil de nature à permettre la mise en oeuvre de politiques publiques structurantes, ce qui justifie d'en faire une priorité de financement par l'État.

En effet, les fonds de garantie ciblés sur un objectif de politique publique particulier, par exemple les investissements en matière de transition énergétique, cumulent plusieurs avantages. Tout d'abord, le fonds de garantie constitue un vecteur puissant d'utilisation de fonds publics, grâce à l'effet de levier qu'il déploie sur les financements finaux octroyés à l'entreprise. Ensuite, la sélection des projets qui est opérée par la banque au moment de l'octroi du prêt garanti permet de favoriser des projets efficients pour la politique souhaitée.

Alors que le Gouvernement a présenté son Plan Industrie verte, c'est ainsi ce rôle structurant des fonds de garantie qu'il souhaite mobiliser.

Les actions que Bpifrance devrait mettre en oeuvre dans le cadre
du plan Industrie verte

Dans le cadre du Plan Industrie Verte, présenté par le Gouvernement en mai 2023, il est prévu que Bpifrance engage un ensemble « d'actions afin de faire émerger une industrie française puissante et décarbonée dans les territoires », dans le cadre d'une « offre verte ». Le soutien à la décarbonation des industries existantes serait un axe majeur pour Bpifrance. Il est prévu que les conditions associées à cette offre verte soient attractives (tarification, quotité, durée du financement, plafond d'encours, etc.) et de nature à innerver les projets de mise en transition. Elles seraient en partie financées par la dotation publique et conditionnées à un diagnostic de leur impact environnemental.

Ce seraient ainsi 2,3 milliards d'euros qui seraient déployés annuellement dans ce but ; ce montant cumulé doit néanmoins être interprété prudemment.

Tout d'abord, des garanties vertes seront déployées ou renforcées sur les prêts finançant des projets de transition énergétique, pour couvrir 1 milliard d'euros de prêts garantis par an (ce qui ne nécessite pas un investissement d'1 milliard d'euros, du fait de l'existence d'un effet de levier). Ces garanties vertes, qui devraient s'appuyer principalement sur des compartiments spécifiques des principaux fonds de garantie (création, transmission et développement) porteront exceptionnellement sur 80 % du prêt, sur 10 ans, conformément à la volonté de rendre le dispositif très incitatif. En outre seront déployés des garanties vertes de fonds propres (couverture de 150 millions de fonds propres), des prêts verts (près d'1 milliard d'euros), des subventions (100 millions d'euros) et un service d'accompagnement (environ 80 millions d'euros).

Sources : réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux et dossier de presse sur le plan Industrie verte de mai 2023

Les rapporteurs spéciaux, qui ne disposent pas à ce stade d'informations précises sur les modalités de mise en oeuvre des garanties vertes et des modalités de gestion des fonds de garantie associés, seront particulièrement vigilants s'agissant tant de la gestion opérationnelle de ces garanties que de leur financement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 juillet 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur les fonds de garantie de Bpifrance.

M. Claude Raynal, président. - Nous entendons maintenant le rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », sur les fonds de garantie de Bpifrance.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Chaque année, lors de l'examen des crédits de la mission « Économie » à l'occasion du projet de loi de finances, le sujet des fonds de garantie de Bpifrance attire notre attention. En effet, derrière son aspect technique, ce sujet revêt en réalité des enjeux économiques et budgétaires significatifs. Il nous est donc apparu pertinent de lui consacrer notre contrôle cette année. Je note d'ailleurs que les sujets de garantie irriguent nos travaux puisque notre collègue Jérôme Bascher a récemment présenté un rapport d'information sur les prêts garantis par l'État (PGE), sujet que nous n'avons, en toute logique, pas traité.

Comme vous le savez, Bpifrance constitue un groupe bancaire public, détenu à plus de 98 %, et à parts égales, par l'État - via l'établissement public industriel et commercial (Épic) Bpifrance - et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La mission centrale de Bpifrance consiste à apporter des financements ou à favoriser l'apport de financements aux entreprises, principalement aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), dans leurs phases de vie les plus risquées. Dans ce cadre, les activités de Bpifrance regroupent six « métiers » à destination des entreprises : le financement, c'est-à-dire les prêts, le soutien à l'innovation, l'investissement, le développement international, l'accompagnement et, enfin, la garantie sur les prêts.

Dans son activité de garantie, Bpifrance assure la couverture financière de deux catégories de prêts aux entreprises.

En premier lieu, Bpifrance et ses prédécesseurs proposent depuis longtemps différents types de garanties pouvant s'appliquer aux prêts octroyés par les banques commerciales aux TPE et PME. Les diverses garanties proposées concernent notamment les prêts adossés à des investissements effectués à l'occasion de la création de l'entreprise, de sa transmission, de son développement, ou encore de son internationalisation.

La garantie accordée par Bpifrance concerne la banque, non l'entreprise. Elle s'applique à une partie seulement du prêt, appelée « quotité », jamais à la totalité, et ce pour continuer à faire porter un risque à la banque. La garantie est mise en jeu lorsque l'entreprise n'est pas en mesure de rembourser son prêt. Dans ce cas, Bpifrance compense la perte finale de la banque, dans la limite de la quotité garantie du prêt.

La demande d'octroi d'une garantie de Bpifrance relève de la décision de la banque, qui arbitre entre son coût, à savoir la prime de garantie versée à Bpifrance, et ses avantages, c'est-à-dire la couverture d'une partie du risque de perte. Concrètement, une banque, à qui une entreprise soumet une demande de financement, évalue le risque associé. Si ce dernier est faible, elle octroiera le prêt. Si le risque est trop fort, elle n'accordera pas le prêt. Les garanties visent les situations intermédiaires, à savoir les demandes de financement risquées mais a priori raisonnables des entreprises. L'objet des garanties est finalement de favoriser l'octroi de prêts bancaires aux entreprises qui se trouvent « au bord du financement », en sécurisant la banque.

Le deuxième type de prêts pouvant être couverts par les garanties de Bpifrance correspond aux concours improprement dénommés « prêts sans garantie » (PSG). Ces prêts sont en réalité des prêts sans sûreté prise sur l'entreprise ou le dirigeant. Ils sont octroyés directement par Bpifrance aux TPE et PME, mais également aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour des investissements relatifs à des dépenses immatérielles ou à des dépenses matérielles à faible valeur de gage et donc peu susceptibles d'être financés par des prêts bancaires. Si ces prêts relèvent du métier de financement de Bpifrance, celle-ci déploie également des garanties sur les PSG accordés. En résumé, en tant que « garant », Bpifrance garantit Bpifrance en tant que « préteur », dans la limite de la quotité prévue.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Les différentes garanties octroyées par Bpifrance sont assises financièrement sur des fonds de garantie. Ces derniers peuvent être définis, d'un point de vue technique, comme des unités comptables cloisonnées dotées de dépôts ayant vocation à couvrir les risques financiers générés par l'activité d'octroi de garanties par Bpifrance. Divisés en compartiments, ils correspondent aux différentes garanties offertes par Bpifrance ; le fonds « création » correspond ainsi à la garantie « création d'entreprise ».

Les fonds de garantie et leurs compartiments peuvent être divisés en quatre catégories : 40 fonds dits « de place », qui couvrent les prêts bancaires classiques aux entreprises ; 40 fonds de garantie dits « internes », qui couvrent Bpifrance dans son activité d'octroi des PSG ; 25 fonds de garantie régionaux, financés principalement par les régions, qui couvrent des prêts bancaires et des PSG ; enfin, une dizaine de fonds de garantie financés soit par l'Union européenne, soit par des acteurs privés.

Chaque fonds a des règles d'éligibilité spécifiques qui correspondent à celles qui sont fixées pour la garantie correspondante, à savoir l'âge minimal des entreprises emprunteuses, l'objet et la durée des financements, le coût de la prime de garantie, la quotité garantie.

La procédure de demande d'octroi des garanties est instruite par Bpifrance pour les prêts supérieurs à 200 000 euros, dans le cadre de la procédure dite de « notification ». En dessous de ce seuil, c'est la banque sollicitant la garantie qui vérifie elle-même que les conditions d'octroi sont réunies, dans le cadre de la procédure dite de « délégation ». Ce seuil a déjà été relevé à plusieurs reprises, produisant des retombées économiques positives. Après analyse et discussion à l'occasion des auditions, nous préconisons de le relever de nouveau, de façon modérée.

En ce qui concerne les ressources, les fonds de garantie sont dotés financièrement par les acteurs qui ont voulu contribuer au fonctionnement d'une ou plusieurs garanties. Il s'agit de l'État à environ 90 %, de la CDC à environ 5 %, des collectivités territoriales à environ 4 % et, enfin, marginalement des organismes européens et privés.

Les sommes déposées sur les fonds de garantie appartiennent à ces acteurs, Bpifrance n'en assurant que la gestion. Sur un exercice annuel, le résultat d'un fonds de garantie dépend du rapport entre ses recettes, à savoir principalement les primes de garantie versées par les banques, et ses dépenses, à savoir le remboursement de la perte finale des banques prêteuses ou de Bpifrance sur les prêts qui ne sont pas remboursés par les entreprises. Lorsque le résultat annuel est négatif, le fonds de garantie est ponctionné d'autant.

Les fonds de garantie gérés par Bpifrance sont globalement déficitaires chaque année. Cette situation ne reflète pas des écueils du dispositif, mais traduit la finalité même du système : l'offre de garanties a vocation à inciter la banque à octroyer des prêts relativement risqués, bien que raisonnables. Or de tels prêts connaissent par nature une sinistralité plus élevée, ce qui entraîne des dépenses pour les fonds de garantie. En outre, côté recettes, la prime de garantie ne peut pas être fixée à un niveau trop élevé ; à défaut, la garantie serait peu sollicitée et les prêts correspondants ne seraient pas accordés.

Le système des fonds de garantie gérés par Bpifrance constitue donc de facto une politique publique de soutien indirect au financement des entreprises, même s'il n'est pas entièrement assumé comme tel. Le coût de cette politique est représenté par les dotations publiques annuelles qui ont vocation à être consommées.

D'un point de vue économique, la force du système des fonds de garantie repose sur son effet de levier sur les financements effectivement octroyés aux entreprises. En effet, la grande majorité des prêts bénéficiant d'une garantie étant remboursés, il est possible d'octroyer un montant cumulé de garanties bien supérieur au montant immobilisé dans les fonds de garantie correspondants. Cet effet de levier se matérialise par l'application d'un coefficient multiplicateur spécifique à chaque fonds. Ce coefficient correspond au montant cumulé de l'exposition en garanties pouvant être octroyées pour 1 euro de dotation déposé sur le fonds de garantie. L'effet de levier est accentué par le fait que la garantie ne portant que sur une partie du prêt, le prêt effectivement octroyé est d'un montant lui-même supérieur au montant de la garantie. Lorsque le coefficient multiplicateur est de 20 et la quotité garantie du prêt de 50 %, 1 euro de dotation d'un fonds de garantie crée une capacité de prêt par la banque de 40 euros. Dans les faits, le coefficient multiplicateur moyen des fonds de garantie financés par l'État est d'environ 30 en 2023.

Nous constatons que la détermination des coefficients multiplicateurs et leur révision annuelle pour chaque fonds se font aujourd'hui dans une trop grande opacité, alors même qu'ils peuvent conduire à des redéploiements importants d'argent public. Nous formulons donc la recommandation que les principales évolutions des coefficients multiplicateurs soient présentées à l'occasion de chaque projet de loi de finances.

Concernant l'évaluation de l'efficience économique du dispositif des fonds de garantie gérés par Bpifrance, nous avons organisé des auditions et pris connaissance d'articles de recherche sur le sujet. Les résultats apparaissent globalement très positifs : non seulement les garanties créent des emplois et de l'activité, mais elles le font à un coût relativement limité pour les finances publiques. Une étude portant sur deux fonds de garantie estime que le montant de dotation nécessaire pour créer un emploi par le biais de ces garanties a été compris entre 2 800 euros et 3 500 euros ; un tel montant est relativement faible, d'autant qu'il ne prend pas en compte les bénéfices indirects liés aux emplois créés, à savoir de moindres dépenses de chômage, ainsi qu'une hausse des rentrées fiscales et des cotisations sociales.

Nous préconisons que d'autres études soient produites, notamment pour comparer les retombées économiques obtenues via les fonds de garantie avec celles qui peuvent être produites par des crédits d'impôt ou des subventions en faveur des entreprises.

En 2022, les fonds de garantie nationaux ont permis la couverture de 6,37 milliards d'euros d'engagements de garantie, pour environ 100 000 prêts. Les engagements de garantie ne couvrant qu'une certaine proportion des prêts concernés, ces derniers représentent un montant cumulé de 13 milliards d'euros : d'une part, 8 milliards d'euros pour les prêts bancaires ; d'autre part, environ 5 milliards d'euros pour les PSG directement octroyés par Bpifrance.

Les prêts ainsi garantis concernent l'ensemble du territoire, y compris les outre-mer. Par ailleurs, la quasi-intégralité des secteurs économiques sont couverts, le commerce, les transports et l'industrie étant les plus représentés.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Venons-en aux sujets relatifs aux modalités de financement des fonds de garantie, qui présentent de sérieux écueils.

Les fonds de garantie financés par l'État, qui sont de loin les plus nombreux et les mieux dotés, bénéficient en principe d'une dotation annuelle, traditionnellement portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » et rattaché à la mission « Économie ». Toutefois, depuis plusieurs années, le financement des fonds de garantie par l'État a pris des formes très diverses, que l'on peut regrouper en plusieurs catégories.

En premier lieu, les fonds de garantie ont été financés par les dotations budgétaires générales portées non seulement par le programme 134, mais également par le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ».

En deuxième lieu, les « résidus futurs probables », qui sont générés par les fonds de garantie, ont été utilisés pour financer ces mêmes fonds. Ces résidus correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle en cours d'exercice supérieure aux besoins. Ces dernières années, dans un contexte de sinistralité des prêts garantis plus faible qu'anticipé et d'un mode de détermination prudent des coefficients multiplicateurs, le flux de création de résidus annuels a fortement augmenté. Or, cette accumulation de résidus a contribué à déséquilibrer le financement des fonds de garantie. En effet, ces résidus ont été mobilisés pour financer le fonctionnement des fonds l'année suivante, en substitution des dotations budgétaires.

En troisième lieu, les financements de l'État ont également pris la forme de subterfuges financiers, qu'il s'agisse d'abandons d'avances de la part de l'État, de transferts de trésorerie depuis l'Épic Bpifrance, ou encore de recyclages de dividendes versés à l'Épic Bpifrance et redirigés vers les fonds.

En dernier lieu, différents programmes budgétaires ont financé certains fonds de garantie spécifiquement en lien avec l'objet des programmes concernés.

Cette situation n'est pas satisfaisante, à deux points de vue.

D'une part, les flux financiers versés par l'État aux fonds de garantie sont devenus peu lisibles dans leur globalité. Certes, la création par la loi de finances de 2022 d'un nouveau jaune budgétaire intitulé Rapport relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance a amélioré l'information disponible ; mais c'est encore loin d'être suffisant.

D'autre part, le financement par l'État des fonds de garantie est aujourd'hui trop peu budgétisé. Au mieux, les fonds de garantie sont financés majoritairement par les résidus de l'année précédente. Au pire, ils sont financés par des subterfuges financiers. Dans tous les cas, le Parlement peine à exercer pleinement son rôle budgétaire.

Nous formulons donc plusieurs recommandations.

Tout d'abord, nous souhaitons que soit présentée annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, une synthèse consolidée de l'ensemble des financements de l'État, qu'ils soient budgétaires ou non, affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance.

Ensuite, il importe de recentrer l'essentiel du financement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du programme 134, et ce dès 2024. Nous avions d'ailleurs déjà rappelé au cours de l'examen des récents projets de loi de finances, y compris par la voie d'amendements, la nécessité de mobiliser le programme 134 pour financer les fonds de garantie.

Enfin, concernant la répartition des financements de l'État entre les différents fonds de garantie, on peut constater une évolution notable ces dernières années. La part de l'activité de garantie des prêts des banques a en effet baissé de 61 % en 2017 à 48 % en 2022, quand la part consacrée à l'activité de garantie associée à l'octroi des PSG de Bpifrance est passée de 27 % à 44 %. Cet effet de vases communicants est la conséquence mécanique, pour le périmètre de l'activité de garantie, de la mobilisation toujours plus forte des PSG par Bpifrance pour financer directement les entreprises.

Nous considérons que le développement des PSG, et donc de l'activité des fonds de garantie qui leur sont associés, constitue une réponse utile aux enjeux de financement des entreprises, a fortiori en période de crise. Néanmoins, il convient de noter que l'effet de levier de 1 euro de dotation publique est bien plus fort pour l'activité de garantie des prêts bancaires « classiques » que pour les prêts « sans garantie ». Dans ce contexte, nous préconisons de ramener progressivement la part du financement des fonds de garantie des prêts bancaires au sein des crédits du programme 134 à celle qui était la sienne avant la crise sanitaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ces sujets très techniques concernent la mobilisation de fonds publics significatifs. Le système des garanties sur les prêts aux entreprises doit être calibré pour assurer le soutien à celles-ci, sans consommer trop d'argent public, afin que l'État soit en capacité de financer ses différentes priorités. Il faut aussi que les financements publics soient lisibles.

À cet égard, les préconisations des rapporteurs spéciaux, notamment s'agissant de la mobilisation du programme 134, me paraissent pleines de bon sens et de sagesse.

M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je me réjouis de la recommandation no 2 relative au travail d'évaluation de l'efficience économique des fonds de garantie.

Comment la décision de Bpifrance d'accompagnement des entreprises par sa garantie s'élabore-t-elle ? Cette décision ne prend-elle en compte qu'une dimension économique ? Dans certains dossiers, des relations se nouent-elles entre Bpifrance et le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) ? Après que la garantie a été octroyée et que le projet correspondant s'est engagé, existe-t-il une forme d'évaluation du bien-fondé de la décision prise ?

Par ailleurs, quel bilan Bpifrance et l'État dressent-ils de ces opérations d'accompagnement ? Disposons-nous d'un comparatif entre leur coût et ce qu'elles rapportent ?

M. Michel Canévet. - Bpifrance connaît un indéniable succès depuis 2012. Il est devenu un acteur important de l'économie de notre pays. Le comité national d'orientation de la SA BPI Groupe s'est enfin réuni, pour la première fois depuis cinq ans, cette année, à la demande de sa nouvelle présidente, Mme Christelle Morançais, ce qui a donné l'occasion de faire le point sur l'activité générale de Bpifrance. Siégeant dans ce comité en ma qualité de membre de la commission des finances, je tenais à en rendre compte.

La quotité de la garantie octroyée peut aller de 40 à 70 % du montant total du prêt. Les rapporteurs spéciaux peuvent-ils nous préciser si elle se rapproche en moyenne plutôt de l'une de ces deux valeurs ? La précision nous permettra d'analyser le niveau de prise de risque des banques.

Dans le prolongement de la précédente intervention, savons-nous quelle rémunération Bpifrance tire-t-elle de ces opérations, mais également les pertes qu'elle enregistre ? Nous savons par exemple que le coût du PGE a été estimé à environ 5 %.

Enfin, n'existe-t-il pas un risque que la Commission européenne requalifie ces garanties en aides d'État ?

M. Claude Raynal, président. - Bpifrance procède à deux types d'opérations : la garantie des prêts bancaires et la garantie de ses propres prêts. Une question d'équilibre ne se pose-t-elle pas quand la seconde prend le pas sur la première ? La place bancaire ne considère-t-elle pas que Bpifrance va un peu trop loin dans sa pratique ?

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Ce dernier constat donne précisément lieu à la recommandation no 6 de notre rapport. Nous y proposons de réduire la part des garanties sur les PSG directement accordés par Bpifrance, au profit de garanties sur des prêts classiques. En effet, tout d'abord, les effets multiplicateurs des garanties sont beaucoup plus élevés lorsqu'il s'agit de prêts bancaires. Ensuite, il s'agirait par cette proposition d'en revenir aux équilibres d'avant la crise sanitaire.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le bilan budgétaire des fonds de garantie est schématiquement le suivant : avec des financements de l'État de l'ordre de 500 millions d'euros par an, sont couverts par les fonds de garantie un montant cumulé de prêts aux entreprises d'environ 11 milliards d'euros. Tous financements confondus des fonds de garantie, le montant cumulé des prêts aux entreprises est d'un peu moins de 13 milliards d'euros par an.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - S'agissant de la quotité garantie des prêts bancaires, elle varie en fonction des garanties mais en moyenne, elle avoisine 50 %. Elle tend à augmenter en raison de la mise en place de dispositifs exceptionnels de garanties renforcées, notamment à l'occasion du plan de relance.

Quant aux modalités de décision de l'octroi des garanties, il faut distinguer deux choses. D'une part, la banque décide si elle souhaite solliciter la garantie ou pas, en fonction des risques associés à la demande de financement qui lui est soumise par l'entreprise. D'autre part, si la banque décide de demander la garantie, le processus est mécanique et il n'y a pas de décision en opportunité de la part de Bpifrance : chaque garantie a ses critères (âge de l'entreprise, montant du financement, etc.) et si ces critères sont remplis, la garantie est accordée. Comme nous le disions dans notre intervention liminaire, lorsque le prêt est inférieur à 200 000 euros, c'est la banque demandant la garantie qui vérifie que les critères sont remplis ; au-dessus, c'est Bpifrance.

S'agissant du SGPI, il n'est pas concerné par la décision d'octroi de garanties de Bpifrance.

Enfin, sur le sujet de l'encadrement des garanties au titre de la règlementation européenne sur les aides d'État, le dispositif a fait l'objet d'échanges réguliers avec la Commission européenne et n'a jamais été remis en cause.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le seuil de délégation de la vérification du respect des critères des garanties aux banques elles-mêmes avait déjà été relevé en 2015, de 100 000 à 200 000 euros.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Les relations entre les banques et Bpifrance s'effectuent en bonne intelligence. Le système fonctionne bien.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le taux de sinistralité des prêts garantis reste aujourd'hui très limité, même s'il est en légère hausse depuis 2022. C'est un peu le même constat que pour les PGE.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - En dernier lieu, s'agissant de l'évaluation du dispositif, des évaluations ont effectivement été menées par des économistes, notamment à l'initiative de Bpifrance. Nous recommandons que d'autres études économiques soient produites sur le bilan du dispositif. Pour l'heure, elles en dressent un bilan général positif. Tous les acteurs en présence - Bpifrance, le monde bancaire et les entreprises - en tirent une conclusion analogue.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du Trésor

- M. Pierre CHABROL, sous-directeur « Financement des entreprises et marché financier » ;

- M. Clément ROBERT, chef du bureau « Financement et développement des entreprises ».

Bpifrance67(*)

- M. Arnaud CAUDOUX, directeur exécutif, directeur général adjoint ;

- M. Bertrand FONTAINE, directeur de la garantie ;

- Mme Chrystelle IBANEZ, responsable « Structuration et suivi des ressources financières » de la direction des finances de Bpifrance ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles.

Table ronde sur l'évaluation de l'efficacité économique des fonds de garantie gérés par Bpifrance

- M. Philippe MUTRICY, directeur de l'évaluation, des études et de la prospective (DEEP) de Bpifrance ;

- M. Alexandre GAZANIOL, économiste au sein de la DEEP de Bpifrance ;

- M. Vincent MALARDÉ, économiste, responsable du suivi des entreprises au sein du bureau en charge de l'analyse du financement de l'économie de la direction générale du Trésor ;

- M. Johan HOMBERT, professeur de finance à HEC ;

- M. Julien BRAULT, économiste au Fonds économique d'investissement (FEI) ;

- M. Laurent QUIGNON, responsable de l'économie bancaire, BNP Paribas ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles de Bpifrance.

Contributions écrites

EPIC Bpifrance

Bnp Paribas

Union des entreprises de proximité (U2P)

Union des industries et métiers de la métallurgie


* 1 49,18 % des parts du capital chacun ; la part de l'État est détenue par l'EPIC Bpifrance.

* 2 D'une part, les PGE présentent des caractéristiques spécifiques, tenant notamment à l'absence de constitution d'un fonds de garantie auprès de Bpifrance. D'autre part, les PGE ont fait l'objet d'un rapport récent de Jérôme Bascher, intitulé « Mieux comprendre le risque budgétaire associé aux prêts garantis par l'État », déposé le 7 juin 2023.

* 3 Union des industries et métiers de la métallurgie.

* 4 Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance (fonds « création » et « développement ») - juin 2020, Alexandre Gazaniol et Mathilde Lê.

* 5 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

* 6 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 initialement relative à la création de l'établissement public OSEO et à la transformation de l'établissement public Agence nationale de valorisation de la recherche en société anonyme et désormais relative à la Banque publique d'investissement.

* 7 Une ETI est une entreprise qui a entre 250 et 4 999 salariés, et soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 1,5 milliard d'euros soit un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros. Les ETI constituent une catégorie d'entreprises intermédiaire entre les PME et les grandes entreprises.

* 8 Document d'enregistrement universel, 2022.

* 9 Mieux comprendre le risque budgétaire associé aux prêts garantis par l'État (PGE) de M. Jérôme Bascher, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juin 2023.

* 10 Peuvent notamment également être cités la Société de caution mutuelle pour les petites entreprises (SIAGI), France Active, la SOGAMA, l'IFCIC, etc.

* 11 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

* 12 Entreprises ayant un effectif inférieur à 250 personnes et réalisant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros.

* 13 Une sûreté est une technique juridique permettant au créancier (la banque) de se prémunir contre une éventuelle défaillance du débiteur (l'emprunteur) dans le remboursement du prêt. La sûreté peut être personnelle (cautionnement) ou réelle (nantissement, hypothèque, privilège). Elle peut par exemple porter sur un immeuble.

* 14 Voir infra.

* 15 Voir supra pour les principales garanties offertes par Bpifrance.

* 16 Un fonds de garantie correspond à un type de garantie. Un fonds peut ensuite être divisé en compartiments, correspondant à des types de garanties plus spécifiques. Par exemple, le fonds de garantie « Prêts d'honneur » est divisé en plusieurs compartiments, par exemple celui relatif aux « prêts d'honneur Création-Reprise » et celui relatif aux « prêts d'honneur renfort ».

* 17 Voir infra.

* 18 Union des industries et métiers de la métallurgie.

* 19 Voir infra.

* 20 Un fonds multi-bailleurs introduit en effet une complexité en gestion. Il existe des offres qui mobilisent de fait plusieurs ressources, comme les PSG du métier de l'innovation (prêts d'amorçage, prêt amorçage investissement, prêt innovation) qui peuvent s'appuyer sur de ressources du Trésor mais également européennes (au titre de la couverture du risque de défaut des emprunteurs). Mais les différentes ressources sont cantonnées séparément et non « fongibilisées ».

* 21 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 22 Les montants cumulés d'engagements de garantie diffèrent quelque peu des montants exposés infra, en raison de différences de périmètre.

* 23 Fonds européen de développement régional.

* 24 Voir infra pour l'exposé des raisons.

* 25 Idem.

* 26 Il s'agit là du fonctionnement normal des fonds de garantie financés par l'État ; des différences peuvent exister pour d'autres fonds de garantie, notamment s'agissant de la régularité de la dotation.

* 27 Le chiffrage pour 2022 n'est pas connu des rapporteurs spéciaux.

* 28 Voir infra.

* 29 Voir infra.

* 30 Les développements suivants sur la théorie économique sont tirés de l'Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance (fonds « création » et « développement ») de juin 2020, dont les auteurs sont Alexandre Gazaniol et Mathilde Lê.

* 31 Les asymétries d'information désignent les situations dans lesquelles les acteurs d'un marché, ici le prêteur et l'emprunteur, ne disposent pas de la même information, qu'il s'agisse de la qualité du produit échangé, des risques auxquels sont exposés les agents ou encore des comportements de chacune des parties à une transaction. Sur le marché bancaire, l'emprunteur a plus d'informations sur son entreprise et la rentabilité de son projet que la banque.

* 32 Que l'on peut définir comme les coûts incompressibles, quel que soit le montant de la transaction.

* 33 Brault, Julien & Signore, Simone, 2019. "The real effects of EU loan guarantee schemes for SMEs: A pan-European assessment" EIF Working Paper Series 2019/56, Fonds européen d'investissement

* 34 « Employment Effects of Alleviating Financing Frictions: Worker-level Evidence from a Loan Guarantee Program », Jean-Noël Barrot, Thorsten Martin, Julien Sauvagnat, Boris Vallée, 2019.

* 35 Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance (fonds « création » et « développement ») - juin 2020, Alexandre Gazaniol et Mathilde Lê.

* 36 Évaluation de l'impact économique des opérations de transmission financées par les fonds de garantie de Bpifrance - octobre 2021, Mathilde Lê.

* 37 Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance - exploitation d'une expérience naturelle (relèvement du seuil de délégation) - janvier 2022 : Alexandre Gazaniol, Johan Hombert, Frédéric Vinas.

* 38 Voir infra.

* 39 Évaluation de l'impact économique des prêts sans garantie de Bpifrance - juin 2020, Alexandre Gazaniol.

* 40 Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance - exploitation d'une expérience naturelle (relèvement du seuil de délégation) - janvier 2022 : Alexandre Gazaniol, Johan Hombert, Frédéric Vinas

* 41 Voir supra.

* 42 Évaluation de l'impact économique des fonds de garantie de place opérés par Bpifrance - exploitation d'une expérience naturelle (relèvement du seuil de délégation) - janvier 2022 : Alexandre Gazaniol, Johan Hombert, Frédéric Vinas.

* 43 Voir supra les risques théoriques associés aux systèmes de garantie.

* 44 Une entreprise peut bénéficier de plusieurs prêts garantis.

* 45 Voir graphique ci-dessous.

* 46 Voir supra.

* 47 Idem.

* 48 Le pic de consommation de dotations de l'année 2020 est lié à la campagne exceptionnelle de lancement du « Prêt Atout », en préfiguration des PGE.

* 49 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, article 185.

* 50 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 51 Voir supra.

* 52 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 53 Voir infra.

* 54 Cour des comptes, Bpifrance, novembre 2016.

* 55 Compte rendu de la séance publique du jeudi 31 octobre 2019, Assemblée nationale.

* 56 Voir supra.

* 57 Voir infra.

* 58 Réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

* 59 Une génération correspond à une année calendaire d'octroi des garanties.

* 60 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 61 Les rapporteurs spéciaux n'ont pas à leur disposition les éléments permettant de corroborer ce calcul

* 62 Voir supra.

* 63 Idem.

* 64 Le soutien à l'innovation peut relever de fonds de place ou de fonds associés à un PSG. Le soutien à l'entrepreneuriat relève en général des fonds associés à un PSG.

* 65 Voir supra.

* 66 Ce niveau d'effet d'entraînement diffère de celui mentionné supra en raison de différences de périmètres, le calcul étant ici effectué pour le seul « périmètre Trésor ».

* 67 Bpifrance a été auditionnée à deux reprises, dans le cadre de formats différents.

Les thèmes associés à ce dossier