Réponse de l'association
Femmes Ingénieures

C'est avec une très grande émotion que je reçois ce prix au nom de Femmes Ingénieures. Mon émotion est d'autant plus grande que je le reçois de vos mains, Madame la présidente Billon. Votre présidence s'achève et les travaux de votre délégation furent très riches. Permettez-moi de les rappeler, car ils nous concernent.

Je pense d'abord à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui pourrait pourtant paraître éloignée de l'objet de notre association, mais ces violences sont à la racine du stéréotype selon lequel les femmes ne seraient pas légitimes dans certains domaines et dans certains métiers. C'est pourquoi l'association Femmes Ingénieures a été l'une des associations présentes autour de Laurence Rossignol, alors ministre et désormais sénatrice, qui avait souhaité que l'égalité femmes-hommes soit intégrée à son portefeuille et avait créé le collectif Ensemble contre le sexisme. Je suis très émue de partager ce micro avec les autres lauréats : avec leurs compétences, leur histoire, leurs forces, ils contribuent à lutter contre ces violences.

Autre sujet : la situation des femmes dans nos territoires, notamment ruraux. Ce sujet me touche à titre personnel : permettez-moi d'avoir une pensée pour ma grand-mère, agricultrice puis retraitée de l'agriculture, sans profession et sans reconnaissance, ainsi que pour ma tante, qui vient de prendre sa retraite d'agricultrice. C'est grâce à vous, Madame Christiane Lambert, que la situation de la deuxième est un peu moins difficile que la celle de la première...

Enfin, la délégation a travaillé sur la place des femmes dans le milieu professionnel et porté son attention sur les femmes qui vivent dans des pays où elles sont opprimées.

C'est parce que nous avons la conviction que l'égalité réelle est source de richesses que l'association Femmes Ingénieures valorise les ingénieures pour inspirer notre société.

Depuis maintenant quarante et un ans, notre mission est d'atteindre la mixité et l'égalité dans les faits - nous n'y sommes pas encore -, d'inspirer autour de nos valeurs - l'audace, l'ouverture, le respect, l'équilibre et l'indépendance -, de promouvoir le métier d'ingénieur auprès des filles et des femmes dans le monde de l'éducation - avec en moyenne une intervention par jour en milieu scolaire -, de rendre les ingénieures visibles dans l'entreprise et dans la société - car ce manque de visibilité explique que les jeunes filles aient du mal à se projeter dans nos études et dans nos métiers - et enfin de faire rayonner et de développer la collaboration.

Notre association est reconnue d'intérêt général et organisée en délégations régionales, donc présente dans tous les territoires. Nos membres sont des hommes et des femmes qui exercent des fonctions scientifiques ou d'ingénieurs, mais aussi des personnes morales - associations ou entreprises - qui nous soutiennent.

Je salue nos membres présents aujourd'hui. En leur nom, je vous remercie de mettre notre association en lumière.

Vous avez évoqué la désaffection des bachelières pour les matières scientifiques, en particulier les mathématiques.

L'année 2023 constitue la troisième année du nouveau baccalauréat qui était censé diversifier les profils des élèves pour améliorer l'entrée dans les études supérieures et dans le monde du travail - intention louable -, mais le nombre de bachelières scientifiques a été divisé par près de trois par rapport à 2020. Alors que les secteurs de l'industrie, du conseil, du numérique et de la haute technologie ont des besoins croissants de personnes qualifiées en sciences, moins de femmes s'orientent vers ces métiers. Ce monde économique est inquiet de la trop faible présence des femmes.

On entend beaucoup de choses sur la façon de motiver les jeunes femmes à s'orienter vers des études scientifiques, notamment des études d'ingénieurs.

En ma qualité de présidente de Femmes Ingénieures et de directrice générale de l'Institut supérieur d'électronique de Paris (Isep) - une grande école des technologies du numérique -, je considère que l'enjeu majeur n'est pas, ou plutôt n'est plus, la volonté des écoles d'accueillir des jeunes filles, mais la sensibilisation des bachelières, des collégiennes, et même des écolières à la variété de nos métiers, au plaisir que nous avons à les exercer, en étant bien rémunérées, en connaissant le plein emploi et en ayant un impact sur les grands enjeux du monde.

Il faut dire aux jeunes filles que pour sauver le monde, pour résoudre les problèmes environnementaux, de santé, de mobilité, d'énergie et d'éthique sur les réseaux sociaux et dans l'intelligence artificielle, nous avons besoin de compétences scientifiques et techniques et nous avons besoin des femmes.

Nous avons donc de nombreux projets à mener. Être ainsi reconnus aujourd'hui, savoir que les élus sont à nos côtés, est source d'énergie supplémentaire pour nous. C'est important pour toutes les personnes qui oeuvrent pour faire connaître la réalité de nos métiers.

Vous pouvez compter sur notre engagement, aujourd'hui comme hier et comme demain. (Applaudissements.)

Annick Billon, présidente. - L'engagement de la délégation est varié. Il y a bien sûr la lutte contre les violences faites aux femmes, mais aussi la ruralité, le travail, l'emploi, la formation, etc. Toutes les femmes sont différentes et toutes les problématiques méritent d'être embrassées.

Nous avons créé ce prix il y a cinq ans, car la délégation ne peut pas travailler toute seule : elle a besoin de vos compétences et des témoignages des associations et de leurs militants.

C'est avec plaisir et honneur que j'ai présidé cette délégation.

Je n'étais pas seule : avec mes collègues et nos équipes, nous avons formé une petite famille. Nous avons parfois fait avec les moyens du bord, pendant le confinement notamment. Je me souviens que le 3919 était alors assez méconnu, mais des initiatives ont fleuri partout : dans les gendarmeries, mais aussi sur les cartons de pizzas, les sachets de pain, etc.

Pour lutter contre les violences intrafamiliales, nous devons nous sentir tous concernés, comme le dit si bien le titre de votre livre, chère Valérie Bacot. Nous devons nous engager collectivement, hommes et femmes, pour faire progresser l'égalité et lutter contre les violences intrafamiliales.

Ces prix ont été attribués avec coeur, j'espère que vous l'aurez senti. (Applaudissements.)

 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
         
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

De gauche à droite : Hussein Bourgi ; Laurence Cohen, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes ; Marie-Pierre Richer ; Sylvie Testud, comédienne ; Valérie Bacot, auteure du livre Tout le monde savait ; Édouard Durand, magistrat, co-président de la Ciivise, Marie Mercier ; Élisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la diversité et à l'égalité des chances ; Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes ; Dominique Vérien, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes ; Loïc Hervé ; Christiane Lambert, ancienne présidente de la FNSEA ; Michelle Meunier ; Valérie Boyer ; Aline Aubertin, présidente de l'association Femme Ingénieures ; Marlène Schiappa, ancienne secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

(c)Sénat/Sonia Kerlidou

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