VI. DONNER AUX ÉLUS DES POSSIBILITÉS AMÉLIORÉES, AUX PLANS JURIDIQUE ET PRATIQUE, DE CONTINUER À EXERCER LEUR MANDAT DANS LE CADRE D'UN ARRÊT MALADIE

Vos rapporteurs souhaitent que les élus puissent, plus facilement qu'aujourd'hui, continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie.

A. LA LOI « ENGAGEMENT ET PROXIMITÉ » A PRÉVU LA POSSIBILITÉ DE CUMULER LES INDEMNITÉS D'ÉLUS ET LES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES EN CAS D'ARRÊT MALADIE

L'article 103 de la loi « engagement et proximité » a consacré la possibilité pour les élus locaux de poursuivre leur mandat durant leur congé maladie, sous réserve de l'accord formel de leur praticien (article L. 323-6 du code de la sécurité sociale).

Le Sénat avait toutefois défendu une position plus protectrice pour les élus. En effet notre assemblée, à l'initiative de M. Darnaud et de Mme Gatel, rapporteurs pour la commission des lois, avait inversé le principe, au bénéfice des élus, s'inspirant d'une proposition de votre délégation.

Les élus locaux auraient été autorisés à poursuivre l'exercice de leur mandat à deux conditions :

- ils n'ont reçu aucune contrindication médicale ;

- ils sont volontaires pour continuer à exercer leurs fonctions33(*).  

L'Assemblée nationale a toutefois préféré que les élus locaux obtiennent l'accord explicite de leur médecin pour continuer d'exercer leur mandat.

B. IL EST NÉCESSAIRE DE RENDRE LE DISPOSITIF PLUS PROTECTEUR ET MIEUX CONNU

1. Revenir à la position initiale du Sénat sur l'accord implicite du médecin

Vos rapporteurs proposent de revenir à la position défendue par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi « engagement et proximité ». Ainsi, sauf avis contraire du praticien, les élus locaux qui le souhaitent pourraient poursuivre l'exercice de leur mandat. 

2. Faire connaître les dispositions en vigueur auprès de tous les acteurs concernés

Vos rapporteurs relèvent que même le dispositif actuel est très mal connu dans les territoires.

En effet, les organismes de sécurité sociale assimilent fréquemment l'exercice d'un mandat local à une activité professionnelle, ce qui peut représenter une forte contrainte pour les élus locaux. Certains d'entre eux ont dû rembourser jusqu'à 10 000 euros aux URSSAF pour avoir poursuivi leur engagement local en toute bonne foi !

« Soucieux de ces situations dramatiques qui nuisent à la vocation des élus », le président de l'AMF, David Lisnard, a saisi en juillet 2023 le ministre de la santé afin qu'une solution soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais. Vos rapporteurs soutiennent fortement cette démarche.

Dans l'attente d'une évolution législative que votre délégation appelle de ses voeux (cf point précédent), le dispositif actuel doit être pleinement appliqué.

Plusieurs sénateurs se sont fait l'écho des dysfonctionnements susmentionnés. Ainsi, notre collègue Franck Menonville a dénoncé le fait que les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) réclament des remboursements des indemnités journalières versées en cas d'arrêt maladie auprès des élus qui ont continué, après accord médical, d'exercer leur mandat malgré cet arrêt maladie34(*). Par ailleurs, certains professionnels de santé ignoreraient cette faculté qui est offerte au bénéfice de la continuité de l'exercice des mandats municipaux et, comme l'a signalé notre collègue Dominique Vérien, « les praticiens eux-mêmes ne sont bien souvent pas au courant de cette subtilité »35(*).

Vos rapporteurs recommandent donc :

- au ministère de la santé de trouver une solution aux dysfonctionnements constatés ;

- au Conseil national de l'Ordre des Médecins de lancer une campagne de sensibilisation à l'attention des médecins.

Lors de la présentation du rapport, certains membres de la délégation ont souligné que cette mesure législative pouvait parfois être mal comprise de nos concitoyens. Comment un salarié pourrait-il être en incapacité de travailler tout en étant apte à exercer sa fonction d'élu ? Vos rapporteurs soulignent que cette possibilité d'exercice du mandat doit naturellement être appréciée par le praticien in concreto, avec intelligence et humanité. La décision du médecin, qu'elle soit explicite ou implicite, doit tenir compte de nombreux paramètres, aux premiers rangs desquels la nature de la maladie et les fonctions exercées par l'élu.

En tout état de cause, et d'une manière générale, il serait utile, dans un double objectif d'intelligibilité et d'accessibilité du droit, de regrouper tous les droits des élus au sein du CGCT, par exemple après l'article L. 1111-1-1 du CGCT relatif à la charte de l'élu local. En effet, les conditions d'exercice du mandat local sont actuellement dispersées et manquent de lisibilité pour tous les acteurs.

RECOMMANDATION N°6 : donner aux élus qui le souhaitent des possibilités améliorées, aux plans juridique et pratique, de continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie.


* 33 Article 29 quater du projet de loi ; voir l'amendement de la commission des lois : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2018-2019/677/Amdt_COM-627.html.

* 34  https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230305962.html.

* 35  https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230305962.html.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page